Attention voilà la préfète.

Sophie faisait sa ronde dans les couloirs de l’école. Il ne risquait pas de se passer grand-chose. On était en pleine journée pas après le couvre feu. C’était le grand projet des préfets cette année pour améliorer la discipline dans l’école. D’après ce que Sophie avait compris du discours des préfets en chef au début de l’année, tous les ans, les préfets s’accordaient sur un projet ayant pour objectif d’améliorer la vie de l’école. Puis, ils menaient tous ensemble ce projet à terme.

Cette année, ils avaient donc décidé d’intensifier la surveillance. Heureusement qu’ils étaient suffisamment nombreux pour que ça ne prenne pas trop de temps à chacun. En ce qui la concernait, Sophie avait toujours eu beaucoup de chance. Elle n’était jamais tombée sur des manquements à la discipline de l’école. Tout au plus s’était-elle légèrement inquiété pour une fillette un peu pâle qui courait à l’infirmerie. Mais ça c’était son instinct de guérisseuse qui prenait le dessus.

Mais en arrivant aux abords du grand escalier, et en descendant les marches, Sophie se dit que la chance avait tourné et que, cette fois, sa ronde ne se bornerait pas à marcher dans les couloirs de l’école. Un grand fracas se fit entendre et elle se précipita. Une élève de sa Maison avait trébuché sur les marches et s’était étalée sur les escaliers. En s’approchant, Sophie put constater que quelqu’un avait soigneusement beurrée les marches. Sophie aurait bien parié sur Peeves, mais elle ne savait pas s’il aurait physiquement pu le faire. Pourtant, c’était bien son rire. Elle commença par s’occuper de l’élève pour vérifier qu’elle n’avait rien de cassé.

« Ca va ! Tu tiens debout ? Tu devrais peut-être aller à l’infirmerie. »

Pendant que la fille, encore étourdie, partait en direction de l’infirmerie, Sophie remarqua alors Ben, qui regardait l’armure avec indifférence, mais elle devina qu’il avait bien ri de sa farce. Il était le complice de Peeves. Bien entendu, ce n’était qu’un Première Année. Sophie n’allait donc pas le molester. Mais elle était préfète et il était de son devoir de sévir. Elle posa ses poings sur ses hanches et fronça les sourcils de l’air qui effrayait toujours Alicia quand celle-ci avait fait une bêtise.

« Eh bien, jeune homme ? »

Le petit Gryffondor de Première Année chercha tous les moyens pour s'enfuir le plus vite possible. D'abord, il l'appela Susann. C'était un joli nom, mais ce n'était pas le sien. Et il semblait que c'était probablement parce qu'il avait l'esprit concentré sur tout autre chose qu'il ne pouvait se rappeler le nom de la préfète. Il essayait de trouver une excuse pour partir et se mit à parler du temps qu'il faisait. Sophie sourit en songeant qu'il ne disait que des sottises pour essayer de camoufler sa bêtise.

Elle ne pouvait s'empêcher de trouver le petit garçon mignon avec toutes les excuses qu'il essayait de trouver pour tenter de s'enfuir. Prétendant devoir aller jouer avec ses copains dans la neige, il se précipita vers les escaliers. Sophie dut reconnaître qu'il l'avait légèrement surprise, mais elle savait qu'il n'irait pas très loin avant qu'elle ne le rattrape. Alicia aussi croyait pouvoir la semer quand elle faisait des bêtises. Cela se passa encore plus mal que ce que Sophie aurait pu redouter.  Ben glissa sur la première marche et tomba. Heureusement, il parvint à se rattraper. Sophie se précipita.

"Est-ce que tu vas bien ? Tu ne t'es pas blessé ?"

Ses réflexes  de guérisseuse prenaient le dessus sur ceux de préfète. Elle s'approcha du garçon et l'aida doucement à se remettre sur ses jambes en le maintenant pour l'empêcher de glisser. Elle palpa ses membres afin de s'assurer qu'il ne s'était pas froissé ou démis un muscle. Mais il semblait en parfaite santé. Rassurée, Sophie nettoya magiquement la marche glissante et se tourna vers le garçonnet. Elle savait pertinemment que c'était lui qui était à l'origine de tout ceci, mais son piège avait failli se retourner contre lui.

"Tu vois, ce n'est pas si amusant que cela. Tu aurais pu blesser quelqu'un ou même te blesser toi ! Les plaisanteries, c'est bien joli, et c'est amusant, c'est vrai, mais il y a des limites, tu comprends."

Le petit garçon était tellement attachant que Sophie n'avait pas envie de le punir, mais il allait bien falloir qu'elle s'y résolve. Pourtant, il lui semblait qu'une punition classique ne servirait pas à grand-chose. Elle devrait y réfléchir un peu mais elle avait besoin de le garder là le temps qu'elle décide de la correction adéquate. Et puis, elle avait envie de le connaître un peu mieux et de comprendre la raison pour laquelle il faisait autant de bêtises qui pourraient éventuellement se montrer dangereuses pour les autres.

"Dis-moi, mon bonhomme, comment tu t'appelles ?"

Heureusement, le jeune garçon n’avait pas du tout été blessé. Sophie poussa un soupir de soulagement. Il n’était pas vraiment judicieux de sa part d’être tombé dans son propre piège, mais ce qui importait à Sophie, c’était que personne n’ait été blessé. Il était tellement facile de se casser quelque chose dans une chute. Et tout n’était pas toujours réparable. Il y avait des fois où la meilleure guérisseuse du monde ne pouvait secourir la victime d’une chute. Ces moments étaient terribles.

Sophie manqua éclater de rire quand l’enfant se rappela soudainement qu’il était l’auteur de la farce. Rire n’aurait pas été vraiment adapté en la circonstance, il ne fallait pas prendre les choses à la légère quand on était préfète. N’empêche, il était attachant, ce petit farceur. Il lui faisait penser à un petit lutin des bois, malicieux mais pas méchant. En tout cas, Sophie en était persuadée. L’enfant n’avait pas eu de mauvaises pensées en faisant sa farce. Il voulait juste faire une farce.

Quand elle le gronda sans beaucoup de sévérité, le garçonnet sembla se repentir. Sophie en fut quelque peu soulagée même si elle supposait que c’était sa propre chute qui l’inquiétait et non les principes que Sophie avait tenté de lui expliquer. A sa demande, le petit garçon se présenta. Ben Shalou, un Gryffondor d’après ce dont Sophie se rappelait de la Cérémonie de Répartition de cette année là. L’enfant s’inquiéta de savoir si Sophie allait parler de sa bêtise à Chloé Hellsoft. Elle prit son air le plus sévère.

« Normalement, je devrais lui dire, en effet ! »

Mais elle savait déjà qu’elle ne le ferait pas. Déjà parce qu’elle s’était attaché à ce petit garçon farceur et malicieux, mais aussi parce que le but d’une préfète était de pouvoir régler certaines choses elle-même sans avoir à en référer à un supérieur. Une simple bêtise comme celle de Ben ne devait pas passer par un professeur, sinon ça signifiait que Sophie ne méritait pas son insigne. Elle reprit la parole d’une voix un peu plus douce, parce que, finalement, elle n’avait pas besoin d’être sévère.

« Mais je ne le ferai pas, à condition que tu me promettes de ne plus jamais faire une blague qui risquerait de blesser quelqu’un. Entendu ? »

Sophie ne put ignorer le sourire qui naquit sur les lèvres de l’enfant lorsqu’elle affirma qu’elle ne le dénoncerait pas. Elle aurait cru revoir le visage de fripon de Daniel qui avait tiré les nattes de sa sœur et que Sophie avait puni sans en parler à son oncle et à sa tante. Vraiment, les petits garçons étaient tous les mêmes à faire des bêtises et à être malicieux. Mais il fallait bien reconnaître que c’était sans méchanceté. D’ailleurs, Ben accepta immédiatement d’éviter les pièges risquant de blesser ses camarades.

Sophie doutait qu’il puisse systématiquement juger de la sécurité de ses farces, mais il était évident qu’il allait faire un effort. Sur ce point, Sophie savait qu’il ne mentait pas mais elle savait aussi qu’il n’hésiterait pas à recommencer ses blagues. Elle espérait seulement que son jugement serait bon. Après tout, c’était un gentil petit et il n’était sûrement pas dangereux. Sophie était fière d’avoir réussi à régler ce problème toute seule. Ce n’était pas le premier et ce ne serait sûrement pas le dernier, mais chacun d’eux lui apportait un sentiment de fierté.

« Je compte sur toi alors. »

Elle asséna sa phrase d’un petit clin d’œil complice. L’enfant sourit puis s’en alla vers l’escalier, probablement pour aller réfléchir à sa prochaine blague. Il était certain que le silence de Sophie dans le cas présent n’allait pas inciter l’enfant à ne plus faire de bêtises. Mais à son âge, il était normal d’être un peu malicieux. Après tout, Sophie elle-même avait dû faire quelques sottises au même âge. Et elle n’en était pas moins devenu préfète pour autant. Pourtant, elle ne voyait tout-de-même pas le petit Ben en préfet.

Elle allait faire demi-tour et poursuivre sa ronde quand la voix du garçonnet se fit entendre à nouveau. Il la remercia et lui annonça qu’il la trouvait très gentille. Il était vraiment adorable, presque craquant. Alors qu’il repartait en courant vers le haut de l’escalier, la jeune Serdaigle poursuivit sa ronde, un léger sourire aux lèvres. Elle aussi, elle l’aimait bien, ce petit fripon de Ben qui courait partout et qui ressemblait à un petit lutin des bois espiègle, le genre d’élève qui mettait du piment dans la vie des sorciers de Poudlard.