F.R.E.E style [Chloé & Leopold]

Sylla plissa les yeux de plaisir sous la caresse de son maître puis lui pinça affectueusement le doigt, avant de prendre son envol. Sa mission était simple, une fois encore, Leopold l'envoyait porter une missive du côté de Bristol où les tensions entre malfrats assuraient au hibou grand-duc d'avoir toujours du travail. Les affaires officieuses de Leopold se compliquaient depuis qu'il avait pris la place de Fiennes en attendant les élections anticipées et qu'il avait fondé son propre parti. Plus sa visibilité politique augmentait et moins Leopold avait de temps et d'attention à accorder à ses petites affaires officieuses. Sans parler de ses multiples animaux de compagnie, qui se morfondaient au manoir Marchebank, Kim et Kerry les perruches affichant un manque d'entrain des plus inquiétant. Heureusement, l'élection serait bientôt là et la situation de Leopold se clarifierait. Soit il était élu, selon ses prévisions, soit le jeune Weasley ou, plus probablement, le séduisant Andrew Warlock du SPAM le coiffaient sur le poteau et il n'aurait plus qu'à reprendre la direction de Jobarbille. Dans les deux cas, ils seraient bientôt fixés et c'était pourquoi Leopold passait le plus clair de ses journées à faire campagne et à organiser l'après-élection.

C'était dans cette optique que le ministre par intérim avait proposé un entretien à l'actuelle directrice de Gryffondor et enseignante de divination, Chloé Hellsoft. Former un gouvernement nécessitait beaucoup de réflexion et de planification, et il tenait à pouvoir évaluer les candidats potentiels avant de prendre une décision. Leopold l'attendait avec une certaine impatience, curieux d'en savoir plus sur cette enseignante qui s'était détourné du Département des Mystères. Serait-elle intéressée par un poste au Ministère ? Etait-elle seulement d'accord avec la ligne politique du FREE ? Rien n'était moins sur, mais il comptait bien le découvrir, souhaitant donner une image dynamique et positive à son gouvernement potentiel, qui comptait déjà plusieurs vieux briscards comme Jacob et lui.

Leopold regarda son hibou s'envoler puis vint ranger quelques notes de service qui traînaient sur son bureau avant de s'installer confortablement dans le large fauteuil en cuir de Fiennes. Son regard se promena sur la pièce avec contentement, anticipant avec une certaine jubilation les changements décoratifs qu'il allait introduire après son élection. Leopold n'était guère nerveux à ce sujet tant ses plans se déroulaient à merveille. Le Bloody Sunday avait été une parfaite réussite et son nouveau parti avait été fondé à point nommé, tandis que les journaux tournaient leur attention sur lui, suivant l'exemple de Mildred Magpie. Leopold savait néanmoins que se faire élire n'était pas le plus dur. Les foules étaient stupides et il suffisait de savoir leur jetant de la poudre aux yeux pour obtenir leur faveur. Cela ne marchait qu'un temps, mais il n'avait besoin de faire illusion que jusqu'au 31 juillet ! Les choses sérieuses commenceraient dès le 1er août, lorsqu'il s'agirait d'introduire de véritables changements dans ce pays parfois si froussard. A vrai dire, Leopold frétillait d'impatience et se levait chaque matin avec l'envie d'abattre des montagnes.

La montagne du jour consistait à débaucher une enseignante de Poudlard et mère de famille pour intégrer son ministère. Cela ne lui faisait pas peur, au contraire, rien ne plaisait autant à Leopold que de chasser quelque chose - ou quelqu'un - qu'il souhaitait obtenir. Un sourire charmant s'étira sur ses lèvres dès que sa secrétaire frappa à sa porte pour annoncer la nouvelle venue. Leopold se leva de son siège en cuir si confortable et lissa distraitement sa chemise avant de contourner son bureau pour accueillir Chloé.

"Professeur Hellsoft, je vous remercie de vous être déplacée", la salua-t-il en lui serrant la main. "C'est un plaisir de vous voir. Asseyez-vous, je vous en prie !"

Leopold regagna son siège puis observa Chloé un instant, se demandant de quel bois elle était faite. Peu désireux d'aborder tout de suite la raison de sa présence, Leopold lança la conversation sur un ton léger :

"Alors, comment se passent les choses à Poudlard, la rentrée se prépare-t-elle bien ? La nouvelle directrice s'accomode-t-elle de sa nouvelle position ?"

Leopold était curieux de savoir ce que pensait son interlocutrice de Daisy Mason. Lui-même n'était pas certain de pouvoir compter sur sa fidélité ni d'approuver sa façon de gérer Poudlard, mais il comptait bien ne pas laisser l'école sans regard du Ministère dans l'éventualité où il était élu. Il n'avait pas été difficile de se débarrasser de l'ancienne directrice à tendance APPEL, une simple conversation autour d'un thé ayant suffit à indiquer à Leopold que Margot estimait avoir vécu son lot de troubles pour cette école et ne dirait pas non à un emploi moins mouvementé, tout comme elle se fichait de voir sa réputation entâchée en acceptant le blâme pour la fuite des élèves au Bloody Sunday. Si Chloé était aussi peu farouche, il n'aurait pas de mal à la voir rejoindre son Ministère, mais il espérait bien découvrir une femme aussi haut-en-couleur que le suggérait sa garde-robe. Leopold recherchait des collaborateurs avec des idées, de l'aplomb et du caractère, pas des faire-valoir insipides à la Dalnox...

Lorsque Chloé avait reçu une invitation de Leopold Marchebank, elle était restée perplexe. Que pouvait donc lui vouloir le candidat du FREE, ministre par intérim et, si l'on en croyait les sondages, futur ministre de la Magie? Elle avait montré la lettre à Peter, mais il ne lui avait fourni aucune réponse concrète. Il fallait dire qu'ils ne s'étaient pas beaucoup penchés sur la question, trop occupés par le déménagement. Chloé avait fini par accepter de vivre pour de bon avec son compagnon peu après le Bloody Sunday. Elle avait eu la frayeur de sa vie ce jour-là. Perdre sa famille de vue, puis découvrir après coup que sa fille avait manqué d'y laisser la vie et que son homme était blessé… Si l'on ajoutait qu'elle les avait abandonné dans la foule, elle s'en voudrait sans doute de longues années pour cela. C'avait été pire encore qu'en Laponie ou que le deux mai 2006. Elle avait passé de longues nuits blanches, blottie entre les bras de Peter, à guetter les pleurs de sa fille, la tête encombrée de pensées moroses. Comment avait-elle pu les laisser tomber? Pourquoi répétait-elle toujours les mêmes erreurs? Elle devait arrêter, se sermonnait-elle continuellement. Sa famille devait toujours passer en priorité désormais. Autant pour se rassurer que pour accomplir cette bonne résolution, Chloé s'installait avec Peter. Certes, le déménagement n'apporteraient pas un grand chamboulement dans leurs vie: il suffisait de faire passer quelques affaires à lui dans son appartement à elle, les deux lieux n'étant séparés que par un couloir. Mais il fallait aussi réorganiser la place pour que chacun ait son espace, agrandir magiquement certaines pièces… Bref, les Virtanen-Hellsoft ne chômaient pas en cet été 2008.

Le hibou du ministère était arrivé entre deux cartons, interrompant leurs activités. Chloé avait hésité à se rendre au rendez-vous. Après tout, elle ne partageait pas les idéaux de Marchebank. Il avait appartenu au MIM et fait sécession juste au bon moment pour sauver sa carrière politique. Il n'était jamais qu'un homme guidé par l'ambition, peu différent des autres. De plus, ses propositions étaient largement inspirées de la politique extrême de son ancien parti, et à ses yeux, ce n'était pas du tout ce dont les sorciers avaient besoin. La politique poussée du MIM avait fait plus de mal que de bien. Selon Chloé, seul l'APPEL pouvait faire un bon parti pour les cinq prochaines années. Il fallait résoudre les scandales, faire cesser les troubles, rassurer une population qui voyait la guerre arriver encore trop facilement. Dix ans, ce n'était rien. Les blessures avaient guéries, pour la plupart, mais il était normal d'être encore frileux quant à de grands bouleversements. Chloé regrettait parfois que l'APPEL soit si planplan. Mais cela pourrait changer avec le temps. Quand la population serait vraiment sereine, que le spectre de l'instabilité politique serait éloigné pour de bon, un parti plus audacieux comme le MIM ou le FREE aurait toutes ses chances de mener une politique fructueuse pour le monde sorcier. Mais pas maintenant.

Pourtant, Chloé se dirigeait maintenant vers le bureau du Ministre occupé par Marchebank. Après tout, un rendez-vous n'engageait à rien, et elle était curieuse de savoir ce qu'un homme de cette trempe lui voulait - sans parler de rencontrer l'homme lui-même pour s'en faire une idée personnelle. Sans doute voulait-il connaître l'état de l'école après le départ de Margot et la nomination de Daisy. Bien qu'étant, en théorie, isolée de la politique, l'école voyait passer tous les sorciers du Royaume-Uni et forgeait leurs idées. Si Poudlard était opposée à Leopold, cela compliquerait sans doute la tâche du nouveau Ministre. Il n'y avait qu'à voir l'opposition entre Fudge et Dumbledore dans l'entre deux guerres. Chloé étant pressentie pour être sous-directrice, il était logique que Mr. Marchebank s'enquiert de ceci auprès d'elle plutôt que d'un entretien frontal avec la tête de l'école. La sous-direction… Chloé n'avait pas envie de l'accepter. Mais le départ de Margot et la nomination de Daisy ne laissait guère le choix. Peter avait refusé tout net, Art n'était à l'école que depuis deux ans. Il ne restait qu'elle. Elle n'avait pas encore pris sa décision et redoutait de le faire.

Lorsque la secrétaire lui ouvrit la porte du bureau, Chloé refoula ses pensées pour se concentrer sur la conversation à venir. Elle adressa un sourire de circonstance à Leopold Marchebank.

"Tout le plaisir est pour moi, Mr Marchebank". Elle accepta l'invitation à s'asseoir et dégagea le tissus de sa robe d'été bleue électrique pour ne pas le froisser. "Je vous avoue que votre invitation m'a surprise."

La conversation s'orienta tout de suite vers Poudlard. Ainsi, elle avait vu juste, songea-t-elle. Le futur Ministre s'intéressait déjà à l'école. Après toutes ces années passées dans l'enseignement, Chloé se sentait quelque peu rouillée en matière de discussions politiques et de sous entendu, mais elle n'eut pas trop de mal à répondre à ces questions. La véritable épreuve serait de tenir la conversation entière.

"Le professeur Mason gère très bien sa nomination" répondit-elle sur le ton de la conversation. "Le retour à l'enseignement après un an passé à la tête du DOM aurait sans doute été un peu difficile, pour tout vous dire."

En réalité, l'enseignement manquerait sans doute à Daisy, qui avait ça dans le sang. Mais elle était actuellement accaparée par une rentrée chargée. Depuis trois ans, l'école était continuellement secouée par les scandales - Ana Sorden, la Laponie, la Pleine Lune Sanglante et plus récemment le Bloody Sunday - et tenir le gouvernail en un instant pareil était particulièrement délicat. La valse des professeurs et des directeurs n'aidait pas à rassurer les parents. Chloé avait plus d'une fois du répondre à des géniteurs inquiets pour leur progéniture et jouer le rôle d'attachée de presse plutôt que d'enseignante.

"Je suppose que vos deux situations sont comparables, Monsieur Marchebank: vous reprenez tous deux une institution clé dans un moment critique suite à des évènements imprévus…"

Leopold hocha la tête quand Chloé lui annonça avoir été surprise par son invitation. Il fallait bien reconnaître que ce n'était pas une association qui allait de soi, les deux sorciers n'ayant jamais fais que se croiser en quelques occasions. Finalement, le seul véritable lien entre eux était que Chloé était l'enseignante de Dave, et encore, puisqu'il n'avait même pas choisi sa matière en option. C'était un choix que Leopold approuvait pleinement mais qu'il déplorait en cet instant, car cela aurait été une bonne entrée en matière. Tant pis, il n'était pas homme à tourner autour du pot et il se doutait que son interlocutrice était suffisamment intelligente pour se douter qu'il attendait quelque chose d'elle. Ministre par interim et fondateur d'un tout nouveau parti politiques étaient des fonctions suffisamment prenantes pour qu'il n'ait guère le temps de se perdre en politesses et en rendez-vous de complaisance.

"Nous nous retrouvons dans des positions similaires, en effet", approuva-t-il en réfléchissant à l'analogie. "Je ne vous cache pas qu'il n'est guère aisé de se retrouver à reprendre les rênes d'une institution telle que le Ministère, ou dans le cas du professeur Mason, que Poudlard, à un moment aussi critique. C'est une véritable opportunité, bien sûr, pour elle comme pour moi, mais c'est également un travail assez ingrat que de prendre la suite de quelqu'un qui a été destitué avant l'heure par des circonstances terribles, et de tenter de redresser la situation... Surtout quand les choses sont aussi explosives."

Un soupir las et tout à fait calculé s'échappa de ses lèvres et il passa une main fatiguée sur son visage, comme pour laisser entrevoir à Chloé à quel point le poids du pouvoir pouvait peser sur un homme.

"Comprenez-moi bien, je ne me plains pas, loin de là, sinon je ne me présenterai pas", reprit-il en fixant l'enseignante d'un regard sincère. "C'est, néanmoins, une grande responsabilité, qui implique un certain risque, comme on a pu le voir avec Mr Fiennes. Je vais essayer, si je suis élu, de ne pas répéter ses erreurs. Pour moi, sa première erreur a été de mal savoir s'entourer."

Leopold esquissa un petit sourire en coin avant d'ajouter :

"Vous pourriez me répliquer que je fais partie de cet entourage, mais je pense surtout à des personnes comme Mr Dalnox, qui à mes yeux manquait d'expérience et de maturité pour ce poste, ou bien le sous-directeur de mon propre département qui m'a été imposé et qui était... eh bien... Plein de bonnes volontés, mais, il faut bien le dire, passablement incompétent."

Un peu comme un Poufsouffle, songea-t-il sans le dire. Cette maison avait produit quelques bons éléments, après tout, comme Rosaleen, et...et...Eh bien, ça faisait déjà une personne.

"Voilà pourquoi je souhaite m'assurer qu'à Poudlard comme au Ministère, les personnes les plus compétentes et motivées possibles se trouvent aux postes importants. Un gouvernement ne peut reposer sur les idées et le charisme d'une seule personne, comme Alan semblait parfois le croire... Je pense que Daisy Mason a les épaules pour assurer cette fonction, à en juger par son passé d'enseignante. Je suis persuadé qu'elle saura bâtir une équipe pédagogique solide, responsable et loyale. A moi d'en faire autant de mon côté..."

Leopold décida de laisser Chloé méditer ses paroles et d'attendre sa réponse avant de s'engager sur la raison de cet entretien. Autant tester la température au lieu de plonger tête la première... Se sentant assoiffé, il se laissa tenter par une petite diversion sous la forme d'une proposition :

"Est-ce que vous souhaitez boire quelque chose ? Thé, café, ou peut-être quelque chose de plus fort ?", s'enquit Leopold, désireux de mettre son interlocutrice à l'aise et priant intérieurement pour qu'elle ait la même envie alcoolisée que lui. Cela faisait trop longtemps, plusieurs heures, qu'il n'avait pas bu une goutte d'alcool et il avait l'impression que cette envie grandissait en lui, occupant une partie de ses pensées.

Chloé ne chercha pas à cacher le léger sourcil qui se haussa lorsque Marchebank lui parla du poids de la fonction. Un mince sourire ironique vint compléter son expression tandis qu'elle regardait le futur Ministre dans les yeux. Allons bon, la prenait-il donc pour une sotte, à vouloir lui faire croire qu'il n'appréciait pas la charge? C'était une ruse si grossière qu'elle en était presque vexante. L'homme face à elle remplissait tous les critères pour être ce que l'on appelait communément un requin politique. Issue d'une famille aisé, brillant, assez fin pour prendre le large au moment où le besoin s'en faisait sentir… Sa seule faiblesse était ses talents en sortilèges, mais il la compensait largement de part son esprit. C'était quelque chose d'aussi dangereux qu'appréciable. Nombre sorciers auraient renoncés depuis longtemps à la magie et seraient partis vivre chez les moldus, avec les résultats mitigés que cela entraînait invariablement. Leopold Marchebank, lui, s'était battu pour se faire un nom. Mais nul doute que la soif de réussite pouvait être difficile à étancher…

Fort heureusement, son interlocuteur sembla vite comprendre qu'il n'avait rien à gagner à jouer la carte de la faiblesse, puisqu'il corrigea immédiatement ses paroles avant d'entrer dans le vif du sujet. Vif du sujet qui restait d'ailleurs ambigu aux yeux de Chloé. Le laïus du Ministre par intérim en dévoilait beaucoup sur son aptitude à évoluer dans ce milieu de faux semblants. converser à demi-mots et à argumenter: en une phrase, il avait prévenu la critique et répondu à une question qui n'avait pas encore été posée. A croire qu'il avait été avocat dans une autre vie. Bien qu'elle n'en montrât rien, Chloé restait toujours aussi perplexe quant à la raison de son invitation.

"Je prendrais la même chose que vous" dit-elle avec un sourire charmant.

Elle profita du fait qu'il leur servait à boire pour réfléchir rapidement à la situation. Au premier abord, il semblait qu'elle ait vu juste. Marchebank souhaitait développer des, hums, accointances avec Poudlard en vue de son mandat. Il cherchait à savoir si l'école serait de son côté, et s'il pouvait considérer Chloé comme membre d'une équipe solide, responsable et loyale, toute nuance se situant auprès de la personne à laquelle iraient ces compétences. Mais la transparence (toute relative) dont l'homme faisait preuve incitait justement son interlocutrice à la méfiance. Après tout, ne venait-il pas de prouver toute la finesse dont il était capable? Incapable de trancher, Chloé décida de rentrer dans son jeu.

"Je n'ai aucun doute quant aux capacités de recrutement du professeur Mason. Quant à son entourage, je me targue d'estimer qu'avec trois directeurs de maison expérimentés, il ne manquera d'aucune compétence."

Si Marchebank comptait dévoyer Chloé, il avait bien mal cerné son personnage. Elle n'était peut-être pas une Poufsouffle, mais elle aurait fait une drôle d'ambitieuse si elle avait quitté le département des Mystères pour Poudlard, près de dix ans auparavant. Le poste de professeur était prestigieux, mais ne donnait pourtant qu'un pouvoir limité. A moins que Leopold ne tente de la séduire avec une offre qu'il estimait plus alléchante...

"Mais j'imagine que ce n'est pas de cela dont vous souhaitiez me parler?" dit-elle après un bref remerciement en recevant son verre.

Chloé s'enfonça un peu plus dans son fauteuil. Elle n'était pas douée pour les palabres. Il serait toujours temps de faire preuve de tact et de finesse lorsqu'elle saurait à quoi s'en tenir.

Leopold opta sagement pour deux tasses de thé fumantes, peu désireux de donner la mauvaise impression à cette sorcière qu'il souhaitait voir adhérer à sa cause. Autant donner une image sérieuse de lui-même, n'est-ce pas ? Bien sûr, il aurait pu appeler sa secrétaire pour faire le service, mais Leopold n'avait pas la patience pour cela - il n'était pas un assisté, n'est-ce pas. Le futur Ministre de la magie n'avait peut-être pas la capacité de lancer un Expelliarmus correct, mais il pouvait au moins servir le thé sans qu'on vienne lui tenir la petite cuillère. De plus, ce n'était pas parce qu'il était sur le point d'arriver à la plus haute des fonctions qu'il devait perdre l'habitude de donner une image affable et accessible de lui-même, neutralisant quelque peu les dures mesures qu'il aurait à prendre pour rétablir l'ordre dans le pays. La femme qu'il avait en face de lui ne semblait guère d'humeur pour bavasser autour d'une tasse de thé, néanmoins, visiblement pressée d'en venir au but. Leopold réprima un claquement de langue réprobateur. Certes, elle avait probablement des tas de copies à corriger, mais il était tout aussi occupé et avait pourtant fait de la place dans son agenda pour leur rencontre. Leopold en position de force ici et il ne comptait pas se laisser dicter le rythme de cet entretien...

"Si, à vrai dire", la contredit-il en esquissant un petit sourire. "Disons que j'ai une offre à vous faire qui pourrait bien amener le professeur Mason à relancer son processus de recrutement... Si d'aventure j'étais élu, et que vous décidiez de l'accepter."

Puisque Chloé Hellsoft voulait jouer franc jeu, elle allait être servie. Pourrait-il véritablement dissimuler ses intentions à une voyante, de toute façon ? Bien sûr que non, songea-t-il avec un certain amusement. La divination le laissait perplexe, car avait-il réellement besoin d'un soit-disant troisième oeil pour voir quoi que ce soit ? Non, la clairvoyance résultait purement et simplement de la logique, et non d'un quelconque don. C'était bien pour cela que des moldus totalement dépourvus du moindre pouvoir parvenaient à se faire passer pour des voyants auprès de leurs pairs, et ce depuis des millénaires. Il n'y avait pas besoin d'être sorcier pour savoir déchiffrer la course des étoiles...  Leopold prit le temps d'avaler une longue gorgée de thé avant de reporter son attention sur son interlocutrice, qu'il considéra longuement.

"Je compte redonner au département des Mystères ses lettres de noblesse", commença-t-il finalement, le ton sérieux. "La recherche magique est un secteur qui a été délaissé à tort par mes prédécesseurs, au profit de l'industrie et de ses dérives, avec les résultats que nous connaissons. Le département des Mystères porte bien son nom et je ne pourrais prendre connaissance de la totalité de ses activités qu'une fois élu officiellement, bien sûr."

Il esquissa un petit sourire humble avant de gratouiller distraitement Machiavel derrière les oreilles, l'animal venant de lui sauter sur les genoux en feulant d'un air mécontent. Leopold nota l'information dans un coin de la tête avant de continuer son exposé. Curieusement, le si sceptique et si pragmatique ministre accordait du crédit à l'avis de son animal de compagnie, qui possédait à l'en croire un instinct assez fiable. Bien sûr, il ne s'était jamais ouvert de cette conviction à personne, préférant éviter d'être traité de lunatique, mais Leopold prenait parfois en compte les réactions de Machiavel. En l'occurence, il n'avait guère le temps d'écarter des candidats parce qu'ils ne plaisaient pas à son chat, d'autant plus qu'il n'était pas exclu que l'animal ait simplement un problème avec la couleur de la robe de Chloé...

"J'ai d'ores et déjà lancé un projet de création d'une commission de certification des potions qui travaillera en lien avec le département et avec Sainte Mangouste, dont vous avez peut-être entendu parler puisqu'elle sera a priori dirigée par votre ancienne collègue, le professeur Adamson. De la même façon, il a été prévu qu'un laboratoire de recherche qui se concentre notamment sur la Legilimancie et l'Occlumancie basé à Londres intégrerait le Département et passerait sous contrôle du ministère, afin de poursuivre ses recherches avec de plus grands moyens financiers et en liaison avec le bureau des Oubliators. Le futur professeur de défenses contre les forces du mal de Poudlard en est d'ailleurs issu... Tout ceci s'accompagne également de la fermeture de certaines recherches qui n'aboutissaient à rien et à l'ouverture de plusieurs autres, mais je ne saurais vous en dire d'avantage pour l'instant pour des raisons de confidentialité."

Qu'il devait être difficile d'être Langue de Plomb, que cela devait être frustrant ! Leopold avait de grandes ambitions pour ce département, et comptait notamment lancer un programme de recherches important sur les maladies qui affectaient la magie, en liaison avec Sainte Mangouste. Non seulement c'était un domaine qui le touchait personnellement, mais il savait que la recherche médicale à ce sujet était au point mort faute de volonté politique et que de nombreuses personnes pourraient bénéficier d'une avancée dans ce domaine. Les cracmols, pour commencer, mais surtout les personnes atteintes de maladies graves et liées à leurs pouvoirs qui pouvaient aller jusqu'à les tuer. S'il doutait que quiconque ait une objection morale à cette recherche, Leopold aurait aimé connaître l'opinion du professeur Hellsoft sur les idéologies puristes et les recherches à ce sujet. Tout Marchebank qu'il était, s'il y avait bien un héritage qu'il souhaitait laisser à l'issue de son mandat, c'était la fin des théories du sang-pur et de la suprémacie des sorciers soit-disant bien nés dans leur société...

"Je cherche quelqu'un pour diriger ce département, quelqu'un qui ait déjà de l'expérience dans le département et en comprenne le fonctionnement, tout en ayant les qualités humaines nécessaires à la direction d'un gros département. Bien sûr, cette personne devrait partager les valeurs que le FREE tente de porter. Oh, je n'attends pas que les directeurs de département approuvent la moindre de mes mesures, mais nous devons pouvoir travailler ensemble dans la même direction et présenter un visage uni. C'est d'autant plus important dans un département tel que celui des Mystères... Je recherche donc quelqu'un de loyal, qui sache faire preuve d'autorité, d'initiative, de curiosité et d'ouverture intellectuelle... Quelqu'un qui ne va pas mettre un bulletin SPAM dans l'urne aux élections, car nous aurions de légères divergences tant politiques qu'éthiques", conclut-il avec un sourire.

Leopold laissa planer un silence, le temps de laisser son interlocutrice méditer ses paroles, l'évaluant du regard.

"Pensez-vous pouvoir être cette personne ?", demanda-t-il finalement, avant de préciser : "Je n'attends pas nécessairement une réponse définitive ni immédiate, il faut attendre de laisser parler les électeurs de toute façon, mais pensez-vous que cette position pourrait éventuellement vous intéresser ? Vous pouvez tout à fait refuser, bien sûr, je ne suis pas quelqu'un de susceptible et il vaut mieux ne pas vous engager à contrecoeur."

Chloé fronça les sourcils quand Leopold lui annonça qu'il comptait la recruter. C'était une hypothèse qu'elle n'avait absolument pas prévue! Pour quel poste pouvait-il bien vouloir d'elle, une enseignante de Divination à Poudlard. C'avait forcément une relation avec les Mystères, son seul domaine de compétence hors enseignement. Elle accepta la tasse de thé avec un remerciement distrait, concentrée sur les paroles de son interlocuteur, qui lui confiait ses grands projets pour le Département en question. Chloé ne pouvait qu'approuver. Etre Langue-de-Plomb était un métier peu connu et reconnu. Les sorciers ne tenaient pas la recherche en très haute estime tant il existait de moyens simples à disposition pour résoudre les problèmes quotidiens. C'était une des raisons pour laquelle la société magique n'avait pas évolué pendant longtemps. Aussi, l'enseignante ne put que réaliser qu'elle avait certaines idées très proches de celle du futur Ministre - futur qui ne doutait pas de sa victoire électorale, évidemment.

Elle reposa lentement sa tasse lorsqu'il lui demanda franchement si elle souhaitait prendre la tête du Département des Mystères. Cacher sa surprise était à la fois impossible et inutile. Marchebank savait jouer de son style et serait sans doute ravi d'avoir réussi à la déstabiliser - mais qui ne l'aurait pas été? Passé le premier moment d'étonnement, Chloé s'enfonça dans son fautauil, triturant sa tasse de thé en réfléchissant à toute vitesse.

L'offre était aussi effrayante que tentante. Les Mystères manquaient à Chloé, ce n'était un secret pour personne dans son entourage. Elle aimait l'enseignement, mais la recherche semblait être sa vocation. Mais elle était aussi effrayée par la politique, et le cocon de Poudlard l'en protégeait partiellement. Et puis, devait-elle quitter son compagnon alors qu'ils emménageaient tout juste ensemble? Les questions défilaient dans sa tête trop vite pour qu'elle puisse y répondre, et dans un ordre aléatoire. Leopold avait raison sur un point: elle ne pouvait donner de réponse tout de suite. C'était tellement énorme qu'elle ne serait capable de prendre la bonne décision qu'à tête reposée. De plus, l'effarement n'était pas le sentiment qui prédominait chez Chloé à cet instant. C'était la méfiance, et avec elle venait la seule question logique.

"Pourquoi moi?" finit-elle par demander après quelques secondes de réflexion.

Son visage était neutre, presque froid. Elle avait la désagréable sensation d'être un jouet pris au piège. Que cherchait Marchebank? Il avait déjà dévoyé Margot avec une offre toute aussi alléchante. Certes, son amie n'avait plus vraiment envie de rester directrice. Avait-il senti la même faiblesse chez elle? Elle en doutait. Et pourquoi, méthodiquement, l'intérimaire qu'il était cherchait à vider Poudlard de ses anciens professeurs? Quelles ambitions avait-il pour l'école? Il faudrait qu'elle en discute avec Daisy… avec Art, aussi. Ancien collègue de Marchebank, et tout aussi doué dans les jeux de pouvoir, il serait sans doute capable de deviner ce qu'il manigançait. L'implication de l'embauche dépassait Chloé tant les conséquences lui semblaient complexe.

"Ne prenez pas mal ma question" s'excusa-t-elle avec un petit sourire. "Votre proposition est très alléchante, mais je suis perplexe. Je n'ai pas travaillé au département des Mystères depuis huit ans et je ne suis pas particulièrement politisée. A vrai dire, je n'ai ma carte dans aucun parti. Or, je ne doute pas que votre équipe de campagne regorge de personnes tout aussi qualifiées que moi pour ce poste, et qui partagent sans l'ombre d'un doute vos convictions. Je pourrais ajouter de nombreuses raisons qui vous pousseraient à revoir votre proposition, mais vous m'avez comprise."

Leopold hocha la tête avec un sourire, signalant ainsi qu'il ne se sentait pas offensé par les interrogations de son interlocutrice.

"Je vous ai compris", répondit-il avant d'exposer les raisons de son choix : "Vos interrogations sont naturelles, à vrai dire, je ne prétends pas que ce choix est exhaustif. Plusieurs personnes ont effectivement arrêté mon attention mais c'est vous que je souhaiterais voir endosser ce rôle, a priori. Maintenant, c'est également pour cela que je voulais vous rencontrer : pour voir si vous pourriez éventuellement être intéressée et pour voir si le courant passe, comme diraient les moldus."

Leopold s'interrompit le temps de boire une gorgée de thé et de rassembler ses pensées.

"En réalité, j'ai pensé tout d'abord au professeur Art Haddock mais il a souhaité décliner mon offre. C'est lui qui vous a conseillé et c'est alors que je me suis penché sur votre passé professionnel et j'ai été convaincu."

Restait maintenant à convaincre Chloé elle-même, difficulté qui, il l'espérait, ne serait pas insurmontable. A vrai dire, il aurait préféré que les situations soient inversées et que Chloé elle-même serait en train de plaider sa cause pour ce travail, mais on n'avait pas toujours ce qu'on voulait... Restait maintenant à espérer qu'elle était bien la femme audacieuse et imaginative qu'il attendait pour mener à bien les projets ambitieux qu'il avait pour le département des Mystères.

"Vous l'avez dit vous même, vous n'êtes pas politisée, mais ce n'est pas une mauvaise chose pour ce poste. Le directeur du département des Mystères doit, à mes yeux, faire preuve d'une certaine neutralité vis-à-vis du pouvoir en place, il ne s'agit pas là d'introduire de l'idéologie dans les recherches magiques. Par essence, celles-ci ne sont pas connues du grand public et donc le directeur des Mystères n'a pas à rendre de comptes sur la ligne politique de ses activités. Sans oublier que la diversité politique n'est pas nécessairement mauvaise, au contraire, elle permet d'apporter des idées nouvelles. Vous n'êtes pas FREE mais je doute que vous votiez FMI, c'est la seule chose sur laquelle j'aurais des réserves. Si c'est le cas, autant me le dire tout de suite."

Il attendit la réponse avec un sourire, puis reprit :

"De plus, vous correspondez au type de personne que j'aimerais voir prendre la tête de ce département. Les professeurs de Poudlard génèrent une certaine aura de confiance et d'une certaine popularité auprès de la population, et il s'avère que votre image est bonne. C'est une question de personnalité, également, vous m'avez l'air d'être le genre de personnes intègres et pleines de ressources dont je souhaite m'entourer. Et puis mon gouvernement potentiel comporte quelques hommes grisonnants en mon genre, or je cherche à avoir une équipe diversifiée tant en terme d'âges, de sexe, de situation familiale, d'expérience..."

C'était un vrai casse-tête, en réalité, mais Leopold tenait à bien faire les choses. Il ne manquait plus qu'il se retrouve avec un Dalnox bis dans son gouvernement...

"Je sais néanmoins que vous avez un enfant en bas-âge, aussi je comprendrais que ma proposition ne vous séduise pas. Peut-être même que la politique n'a pas d'attrait pour vous, ce serait tout à fait compréhensible, mais je peux vous dire d'expérience que directeur de département est un métier bien souvent passionnant."

Leopold Marchebank était doué, force était de le reconnaître. Il avait bien fait ses devoirs et l'entretien se déroulait vraisemblablement comme il le souhaitait. Il avait sans doute senti sa méfiance instinctive et exposé son programme pour la séduire dans un premier temps, avant de finir sur ce qui semblait être l'honnêteté même des raisons qui la poussaient à l'embaucher. Chloé le sentait, et elle était pourtant attirée par l'offre. Si la sensation de manipulation persistait, elle se sentait néanmoins comme une victime consentante.

"Mon seul point commun avec Daniel Rowles est celui d'avoir été à Poudlard en même temps, je peux vous l'assurer" dit-elle donc franchement. Mais cela, il devait déjà s'en douter.

Elle avait toujours su - ou du moins souhaité - qu'elle ne finirait pas sa carrière à Poudlard. Les deux dernières années, riches en rebondissements, avaient mis ses nerfs à rude épreuve. Pourtant, elle avait du faire plus qu'être simple enseignante. Les relations avec les parents s'étaient intensifiées, la forçant à prendre le pli des relations publiques. L'année de l'élection de Margot s'était avérée être un vrai parcours du combattant, introduisant à Poudlard une politique qu'elle disait ne pas aimer, mais qui lui avait procuré une agréable montée d'adrénaline, elle s'en apercevait maintenant. Chloé avait apprécié la compagnie d'Art à l'école. Retrouver un ancien collègue avec lequel parler recherches et ministère lui faisait du bien, et les appels de Marcus l'enchantaient toujours. Et si Marchebank n'avait pas tort lorsqu'il évoquait l'âge de Lou, sa requête tombait à point nommé: la jeune mère n'était pas certaine qu'habiter et travailler avec Peter soit une bonne solution pour la stabilité de leur couple.

"Vous savez plaider votre cause" concéda-t-elle lorsque Leopold eu terminé de dérouler son argumentaire. Et il savait également choisir son auditoire, mais elle garda cette pique pour elle-même. "Le fait est que je n'ai jamais vraiment cessé d'intervenir dans le cadre du département des Mystères, aussi votre offre m'intéresse-t-elle vraiment."

Elle partageait sa vision du département: Art avait toujours été peu impliqué dans les politiques gouvernementales, et même si Marchebank avait des ambitions pour les Mystères, il ne s'agissait jamais que de projets d'utilité publique, de choses sans grandes conséquences que tout gouvernant mettrait en place pour s'attirer les faveurs de l'opinion. Après tout, qui irait s'opposer à l'amélioration de la potion tue-loup, ou à un remède contre les maladies magiques? Non, vraiment, beaucoup d'arguments faisaient pencher la balance en faveur de Leopold Marchebank.

"Mais comme vous le dites, je ne peux accepter aussi rapidement. Quitter Poudlard a bien des implications, qu'il me faut évaluer avant de vous donner ma réponse. Je suis certaine que vous le comprenez."

Elle devait en discuter avec Peter, tout d'abord. Savoir s'ils pouvaient et s'ils voulaient organiser leur vie en fonction d'un tel travail. Chloé avait du mal avec ce paramètre encore, et espérait qu'il ne s'y opposerait pas. Elever un enfant à Poudlard avait beaucoup d'avantages pour la garde et l'organisation familiale. Restait également à comprendre pourquoi Marchebank semblait vouloir vider Poudlard de ses enseignants. Margot, puis Art, puis elle... Mais Chloé pressentait que, quelques soient les raisons, elle ne seraient pas déterminantes dans son choix.

Leopold esquissa un sourire quand Chloé lui répondit que son offre l'intéressait. Ce n'était pas gagné d'avance et c'était la preuve que son petit argumentaire avait su se montrer convainquant. Leopold se sentait assez satisfait de lui-même, car il n'était pas persuadé de pouvoir rallier la directrice de Gryffondor à sa cause, et si elle ne disait pas oui tout de suite, elle ne disait pas non pour autant. Leopold la sentait tentée, et c'était une bonne part du travail qui était ainsi fait : en suscitant son intérêt, en réveillant son ambition, il avait introduit l'idée dans l'esprit de la sorcière et ne restait plus qu'à attendre que le temps fasse son oeuvre...

Leopold n'avait aucun problème avec l'attente. Si la politique exigeait d'agir dans l'urgence, elle nécessitait également une bonne dose de patience, art qu'il avait perfectionné au cours de ces dernières décennies.

"Je comprends tout à fait", répondit-il de son habituel ton affable. "Vous avez de toute manière jusqu'à l'élection pour réfléchir, puisque la question ne se pose pour l'instant pas. Les sondages penchent en ma faveur mais une élection n'est jamais gagnée, d'autant plus lorsqu'elle est anticipée..."

Par ces temps troubles, rien n'indiquait à Leopold qu'un énième revirement de situation ne réduirait pas ses chances en bouillie. A vrai dire, le problème le plus susceptible d'intervenir était l'hypothèse dans laquelle une partie de son tumultueux et très contestable passé ressurgissait dans la presse. Leopold et Coraline avaient été prudents toute leur vie pour éviter un tel cas de figure, mais rien n'était jamais enterré à cent pour cent, et le directeur n'avait jamais été à ce point sous le feu des projecteurs... Alors qui savait. Il pouvait encore perdre. Mais s'il gagnait, il comptait avoir Chloé Hellsoft dans son équipe.

"Prenez le temps qu'il vous faut, et n'hésitez pas à me contacter si vous avez besoin de précisions supplémentaires."

Après quelques dernières courtoisies d'usage, Leopold se leva et accompagna Chloé jusqu'à la porte de son bureau. Un sourire courtois ornait ses lèvres lorsqu'il lui serra la main, avant de laisser place à une impression victorieuse lorsqu'il se retrouva seul à son bureau. Son nouveau gouvernement commençait à prendre forme, et il avait une bonne impression de l'équipe qu'il était en train de former. Chloé Hellsoft, si elle accepterait de le rejoindre, apporterait une touche différente à l'ensemble. C'était une femme intelligente, il le sentait, et il voulait s'entourer de personnes intelligentes, pour un mandat réussi. Sans se douter alors que ces personnes là pourraient plus tard causer sa perte...