Patacitrouilles et premiers pas [Aby]

29 Juin 2008

Le Poudlard Express filait à toute allure en direction de Londres et tous les wagons retentissaient de la clameur réjouie des élèves en vacances. Andrew lui-même n'échappait pas à la bonne humeur ambiante et contrairement à l'année dernière, il quittait l'école avec l'impression d'avoir réussi ses examens, grâce à l'aide conjointe de Sasha et de Kathrina. Il avait travaillé sérieusement - si, promis ! - et était satisfait de ce qu'il avait rendu comme travail. Il espérait avoir de bonnes notes, que tout ses efforts n'aient pas servi à rien ! Au moins, il était certain d'avoir un joli O en vol ! La pratique du Quidditch au sein de l'équipe de Gryffondor avait renforcé sa passion pour ce sport - encore mieux quand on avait des coéquipiers avec qui le partager - et il comptait s'entrainer encore plus cet été, avec son père.

C'était de cela dont il parlait avec ses amis, tous installés dans un compartiment surchauffé : ils n'ouvraient pas les fenêtres à cause de la vitesse du train et pourtant, le soleil tapait contre les vitres. Tous les garçons de Gryffondor y étaient installés, ainsi que quelques Poufsouffle et Andrew commençait sérieusement à envisager d'aller prendre l'air dans le couloir, même si pour ça, il fallait faire lever tour le monde. Malheureusement, Henry était plongé dans le récit de sa discussion avec le Professeur Mason au sujet des examens de fin d'année et il aurait été très malpoli de se sauver maintenant. Heureusement, Henry finit par s'interrompre pour aller aux toilettes et Andrew en profita pour sortir également du compartiment, prétextant l'envie d'aller acheter quelques sucreries à la dame au chariot qui n'était pas encore passée par chez eux : l'envie de Patacitrouilles n'attendait pas.

Il venait de traverser deux wagons sans vraiment faire attention, saluant les personnes qu'il connaissait dans les compartiments d'un sourire, lorsqu'il manqua de renverser quelqu'un en ouvrant un peu brusquement la porte du prochain wagon. Ses yeux se posèrent sur Aby et ses yeux noisettes et son cœur manqua un battement. Il n'avait pas reparlé à Aby depuis la fin janvier et s'était appliqué à l'éviter consciencieusement, ce qui avait parfaitement réussi d'ailleurs. Malheureusement, ses efforts venaient d'être réduits à néant par le Poudlard Express et il ne pouvait pas faire comme s'il ne l'avait pas vu étant donné qu'il était à cinq centimètres d'elle. Il avait beau chercher, il n'y avait pas d'échappatoire et Andrew allait devoir se servir de son courage de Gryffondor pour affronter Aby. Certes, c'était juste une fille de treize ans avec qui il avait été amis mais au vu de ce qu'il lui avait confié lors de leur dernière conversation, Andrew avait encore trop honte pour lui faire face. Malheureusement, il était coincé et faire demi-tour ouvertement n'étant pas une option, il allait bien devoir faire autrement.

- Salut.

Quelle entrée en matière pleine d'esprit ! Enfin, au moins, on ne pouvait pas reprocher à Andrew d'oublier les règles de base de la socialisation.

- Ça fait longtemps.

Tant d'euphémisme.

- Tu vas bien ?

Cette année, Aby n'était pas vraiment pressée de rentrer chez elle. Si son amitié avec Elise et Roger, ses deux copains d'enfance moldus, survivait de vacances en vacances, elle sentait bien qu'un fossé était en train de se creuser entre eux. Les lettres se faisaient de plus en plus rares et ils évoluaient dans des mondes si différents que leurs sujets de conversation s'amenuisaient. Elise et Roger n'étaient pas stupides et ils avaient bien compris que la vie de leur amie avait radicalement changé, même si elle s'obstinait à prétendre le contraire. Plus rien ne serait jamais comme avant entre eux, et Aby appréhendait d'avance les moments qu'ils allaient passer ensemble, consciente qu'elle devrait inventer de nouveaux mensonges. Pourtant, c'était un exercice auquel elle était douée, mais cela l'attristait beaucoup.

Un peu nostalgique à l'idée de quitter Poudlard, où elle se sentait si bien, Aby trouva toutes les excuses du monde pour rentrer en dernière dans le train, afin de pouvoir jeter un dernier coup d'oeil au quai de la gare. Elle était issue des deux mondes mais avec le temps, il devenait clair que c'était vers celui de la magie que son coeur palpitait, quand bien même il était probablement le plus destructeur des deux. Cette année l'avait montré, plus encore que celle d'avant, et Aby commençait à se demander par quel miracle son père était toujours vivant, lui qui était présent au Bloody Sunday. Et s'il n'y avait que lui ! Deux de leurs enseignants étaient toujours absents lors du banquet de fin d'année et leur état restait inconnu du grand public...

Ce qui s'était passé ce jour là l'avait effrayée, mais cela n'avait fait qu'amplifier sa passion pour l'actualité sorcière et sa volonté de suivre les traces de son journaliste de père. Elle avait d'ailleurs hâte de retrouver ses analyses pointues sur la politique et l'économie. Retrouver sa fatigue atténuait quelque peu la tristesse qu'elle ressentait à l'idée de ranger sa baguette magique au fond de sa male pour les deux mois à venir. Malgré tout, elle sentait bien que l'été allait s'étirer en longueur, surtout si elle ne parvenait pas à voir ses amis de Poudlard, et notamment Ahren. Oh, elle pouvait sans doute s'arranger pour les croiser, son père l'avait bien laissé se rendre à l'anniversaire d'Andrew l'an dernier, mais il serait infiniment plus dur d'obtenir son accord pour voir un garçon, seul... 

Une boule de nostalgie au creux de la gorge, Aby avait fini par s'asseoir dans le dernier compartiment vide qu'elle avait trouvé. Elle qui était si sociable d'ordinaire ressentait le besoin d'un moment de solitude, pour rester seule avec ses pensées et broyer du noir. Ce fut donc ce qu'elle fit pendant le début du trajet, le nez collé contre la vitre, puis finit par se lasser et par retrouver son éternelle joie de vivre. Ses amis devaient la chercher de toute façon ! La Serdaigle attrapa sa lourde valise et la traîna une seconde fois dans le couloir, en priant pour qu'Ahren ne soit pas allé se réfugier à l'autre bout du train. Elle comptait bien finir le voyage avec lui pour avoir le temps de lui dire au revoir avant la séparation qui s'annonçait comme interminable.

Elle allait ouvrir la porte du wagon quand celle-ci fut poussée brusquement, révélant la dernière personne qu'Aby avait envie de voir. Elle sentit ses entrailles ses nouer en reconnaissant la silhouette d'Andrew et baissa aussitôt les yeux, se maudissant de sentir son rythme cardiaque accélérer. Après ces mois de silence, cela ne devrait plus rien lui faire du tout, de le croiser. Ils partageraient encore des cours et se croiseraient encore dans les couloirs pendant des années, elle devait se faire une raison et accepter le fait que leur amitié était terminée ! Mais c'était plus fort qu'elle, elle n'y parvenait pas et cela l'attristait d'autant plus quand Andrew la traitait avec une apparente indifférence. Ca fait longtemps ? Oui, cela faisait longtemps, sacrément longtemps même ! Cela avait été un vrai déchirement de le voir maintenir cette distance qu'il avait imposé entre eux !

"Salut", répondit-elle en tentant sans succès d'esquisser un sourire. "Ca peut aller, et toi ?"

Elle fut tentée de se soustraire à ce regard et de faire demi-tour pour se réfugier à nouveau dans son wagon, mais quelque chose la retint. Elle avait envie de lui dire des milliers de choses, mais n'osait pas, de peur de se faire rire au nez. Lui avait sans doute tourné la page maintenant, elle était bien trop sentimentale ! Un "tu me manques" lui brûlait les lèvres mais ce qui les franchit fut finalement bien plus banal :

"Qu'est-ce que tu deviens ?"

Aby n'avait pas l'air très contente de le voir. Il ne savait pas vraiment à quoi il s'était attendu. A vrai dire, il lui était arrivé de penser à ce qu'il pourrait dire s'ils venaient à se reparler mais il s'était empressé d'oublier ce genre de pensées et de ne plus penser du tout à Aby pour s'empêcher d'avoir des regrets ou de culpabiliser. Il avait eu énormément de mal les premiers temps puis il s'était habitué à la chose et il avait presque réussi à la chasser entièrement de son esprit en se concentrant volontairement sur autre chose sans se laisser le temps d'avoir l'esprit vide et donc de voir le spectre de son amitié avortée avec Aby revenir le hanter. Malheureusement, quelque chose ou quelqu'un avait décidé de perturber cette bonne résolution et voilà qu'Aby et lui se retrouvaient face à face, sans vraiment savoir quoi trop se dire. Enfin, Andrew en avait des choses à lui dire mais c'était trop dur à formuler alors il préférait se cacher derrière des banalités, tellement plus faciles à débiter.

- Ça va.

Il aurait voulu lui dire qu'il était désolé de l'avoir traitée méchamment et que malgré tout, il était heureux de lui reparler mais il ne voulait pas avoir l'air idiot : il s'était déjà bien assez ridiculisé comme ça face à Aby et il était hors de question qu'il recommence un jour. Et puis après tout, Aby lui avait aussi fait comprendre qu'elle se fichait un peu de ce qu'il lui avait dit puisqu'elle n'avait jamais vraiment cherché à lui en parler. Elle pouvait toujours dit qu'il l'évitait mais tout le monde savait que ce Abigail Scavo voulait, Abigail Scavo avait...  Honnêtement, si elle lui avait dit un truc comme ça, il lui en aurait reparlé. Mais cela ne servait à rien de remuer le passé, songea-t-il. Il était allé de l'avant, il se l'était promis et Aby avait visiblement fait la même chose de son coté et ça depuis le début.

- Rien de plus qu'avant, répondit-il en haussant les épaules. Je suis toujours un Gryffondor. Toujours dans l'équipe de Quidditch. Je parle toujours avant de réfléchir, lança-t-il avec un sourire en coin sans pouvoir s'en empêcher.

Il posa son regard sur Aby sans pouvoir s'empêcher de la détailler, son cœur battant la chamade.

- Tu m'as manquée, tu sais, finit-il par ajouter d'un ton hésitant.

Il serait peut-être ridicule, songea-t-il. Mais il avait toujours été un peu trop honnête.

Comme toujours, le sourire d'Andrew était communicatif, et elle sentit aussitôt ses propres lèvres s'étirer. Ce petit sourire en coin lui fit chaud au coeur, car c'était sans doute la première fois qu'elle le voyait se montrer si amical envers elle depuis de nombreux mois. Elle hocha de la tête platement, songeant que si rien n'avait changé pour lui, tout avait changé entre eux. Il devait s'être fait la même réflexion, finalement, puisqu'il finit par lui faire une déclaration qui lui alla droit au coeur. Un soulagement immense l'envahit et elle sentit avec une certaine honte les larmes qui lui montaient aux yeux. 

"Tu me manques aussi", répondit-elle d'une voix étouffée avant de se jeter impulsivement à son cou. Elle se fichait qu'il la repousse, elle se moquait de ce qu'il pouvait en dire, elle avait besoin de cette étreinte pour avoir l'impression, l'espace de quelques secondes, qu'ils étaient encore aussi proches et complices qu'avant. Elle ferma les paupières et le serra contre lui, avant de s'écarter tout aussi vite, les yeux embués.

"Je suis désolée pour tout ce qui s'est passé", déballa-t-elle sans réfléchir, toute fierté envolée. Lors de leur dernière dispute, elle avait adopté une posture bien plus vindicative, refusant de voir leur amitié voler en éclat sans comprendre pourquoi. Mais obtenir la réponse à sa question et subir l'éloignement pendant si longtemps avait considérablement fait évoluer son comportement. 

"Je suis désolée de t'avoir fait de la peine, à cause d'Ahren, je n'avais aucune idée...je ne savais pas, je suis désolée, Andrew."

Penaude, elle essuya ses joues et baissa le regard sur ses pieds. Elle avait tout gâché.

Andrew vit Aby lui rendre son sourire avec un immense soulagement. Il avait eut peur qu'elle n'ait répondu à sa salutation que par politesse, parce qu'ils étaient tous les deux plantés au milieu d'un couloir étroit et que le seul moyen de se fuir était soi de bousculer l'autre soit de faire demi-tour, ce qui passerait à coup sûr comme une sorte de déclaration de guerre supplémentaire. Mais elle semblait véritablement sincère dans son envie de lui parler et cette idée réchauffa le cœur d'Andrew. Il n'avait pas vraiment prévu ce qui se passerait ensuite lorsqu'il avait décidé de tourner le dos à leur ancienne amitié pour éviter de repenser à des souvenirs et des émotions trop désagréables.

Après tout, ils restaient dans la même année, dans la même école et avec des cours et des amis en commun : il était alors difficile de ne pas se croiser. Peut-être était-il temps de faire un effort et de mettre les choses au point pour éviter de passer les cinq prochaines années à faire comme s'ils ne se connaissaient plus. Évidemment, il était tout à fait question d'y être pour beaucoup dans la situation, mais il n'y avait que les imbéciles qui ne changeaient pas d'avis, non ? Et si le sourire d'Aby avait fait plaisir à Andrew, le fait qu'elle lui saute au coup fut le coup de grâce et il réalisa soudainement à quel point son amie lui avait manqué. Néanmoins, il fut également très surpris par l'étreinte et mit quelques secondes à refermer ses bras autour de la taille d'Aby, juste avant qu'elle ne recule.

- Je suis désolé aussi, j'ai agi bêtement, j'ai été égoïste, bafouilla-t-il, perturbé par les larmes d'Aby.

Les filles qui pleuraient, c'était juste l'un des trucs les plus terrifiants au monde : il ne savait jamais comment réagir pour les consoler et il se sentait bête à être ainsi impuissant contre leur chagrin.

- Pleure pas, je suis vraiment désolé, c'est ma faute, lança-t-il précipitamment et pourtant sincèrement. J'aurais pas dû m'énerver comme ça, j'aurais peut-être dû essayer de t'en parler avant, mais j'étais perturbé et c'était pas facile et j'avais pas le cœur à continuer de te voir tous les jours avec Keller, c'était plus facile de... De couper net, expliqua-t-il en passant une main dans sa nuque, gêné.

C'était bien plus facile de parler à tête reposée, avec du recul. Il lui avait fallu du temps, mais Andrew s'était calmé et n'était plus en colère, ce qui lui permettait de poser un regard plus lucide sur ce qui c'était passé.

- Mais c'est de l'histoire ancienne, c'est promis. 

Aby essuya ses larmes en se maudissant de n'avoir pas réussi à contenir son émotion, et adressa un petit sourire à Andrew. Ses excuses lui faisaient plaisir car il reconnaissait que lui non plus n'avait pas été très fin dans cette affaire, en s'attendant qu'elle comprenne toute seule la raison de son comportement et ses sentiments pour elle. Avant tout, Aby était vraiment soulagée de constater que sa relation avec Andrew n'avait pas été ternie au point qu'il refuse tout contact avec elle et la déteste pour de bon. C'était le plus important, finalement, qu'il n'ait pas décidé qu'elle ne valait plus la peine d'obtenir son affection puisqu'elle avait choisi Ahren... D'autant plus qu'elle n'avait pas vraiment choisi entre eux deux, pas en connaissance de cause, du moins. Cela s'était simplement fait comme ça, Andrew n'était simplement pas entré dans l'équation. Oh, cela ne rendait pas la chose plus cruelle pour le Gryffondor, car sans doute Aby aurait-elle pensé à lui si elle avait été amoureuse, mais c'était simplement qu'elle ne le voyait pas de cette façon là... D'ailleurs, c'était bien nouveau pour elle, toutes ces histoires de garçon. Alors c'était naturel qu'elle commette quelques maladresses, pas vrai ?

"Tu ne m'en veux plus, c'est vrai ?", s'enquit-elle en posant sur Andrew un regard plein d'espoirs. "Tu sais, je tiens vraiment à toi, tu me manques beaucoup. Je comprends pourquoi tu as réagi comme cela, maintenant, même si j'aurais préféré que tu me le dises tout de suite... Je comprends que ce n'était pas facile et si jamais tu veux qu'on en reste là, très bien, c'est toi qui voit..."

Laisser le choix à quelqu'un d'autre n'était pas dans les habitudes d'Aby, mais cette fois ce n'était pas à elle de décider. Il lui était difficile de perdre le contrôle de la situation ainsi mais elle n'avait pas vraiment le choix, après tout, et si elle retrouvait son ami, ce serait selon ses termes à lui...

"Mais si tu as besoin d'une amie, je suis toujours là pour toi", acheva-t-elle d'une voix décidée.

Aby savait qu'elle en demandait beaucoup. Elle voulait le beurre et l'argent du beurre, à savoir le petit-ami, et son ennemi juré et amoureux d'elle comme ami. C'était sans doute un peu utopique de sa part d'espérer qu'Andrew accepte, mais elle ne pouvait s'empêcher d'espérer, car les sentiments qu'Andrew avaient eu pour elle s'étaient peut-être évaporés pendant les longs mois qui avaient suivi leur dispute. Sans doute s'était-il fait une raison et accepterait-il sans problème de retrouver leur amitié fraiche et drôle qu'Aby chérissait tant. Sans doute... Pourtant, cette perspective ne la réjouissait qu'à moitié et, à vrai dire, Aby ne savait pas vraiment ce dont elle avait envie. Que les choses reviennent comme avant, avant qu'elle ne sache pour Andrew, avant qu'il ne lui fasse la tête. Cette situation lui paraissait inconfortable, compliquée et désagréable, et elle ne voyait pas comment l'améliorer. Qu'Andrew accepte d'être son ami à nouveau serait déjà un grand pas, même si cela voulait dire qu'elle ne serait plus aussi spéciale à ses yeux qu'elle l'avait été... Et c'était sans doute ce qui chagrinait l'adolescente, même si elle n'était pas prête à l'accepter.

- C'est vrai, promit-il sincèrement.

Cela n'avait pas été facile : Andrew avait toujours eu la rancune tenace. Il avait toujours eu un caractère fondamentalement entier et ne cessait de le prouver au quotidien, pourtant malgré lui. Il était quelqu'un d'emporté, de passionné, qui pouvait passer d'un extrême à l'autre mais qui néanmoins restait très attaché aux personnes qui lui était chères. Andrew n'avait jamais manqué d'amour dans sa vie, il avait toujours très entouré et aimé et l'était encore, avec des amis qui savaient lui mettre du plomb dans la tête quand il le fallait, même si cela prenait du temps. Et pourtant, il avait toujours peur de voir les gens se détacher de lui, comme si le fait qu'ils aiment quelqu'un d'autre signifiait qu'ils l'aimeraient moins. Toute cette angoisse avait été le moteur de son année, avec sa mère qui avait eu un autre enfant et Aby qui s'était rapprochée d'Ahren. Andrew avait eut l'impression d'être abandonné par deux personnes importantes dans sa vie et avait préféré se détourner d'elles plutôt que de rester là, à tenter désespérément d'attirer leur attention.

Qu'est-ce qu'il l'avait poussé à changer d'avis, il ne le savait pas. Sûrement le reste de ses amis, Gillian, Gowan, Sasha, Henry... Tous ces gens qui l'avait poussé à cesser de se compliquer la vie tout seul et à perdre du temps en rancœur et ressentiments pour essayer de faire des efforts et comprendre la situation d'un point de vue plus objectif. Mais Andrew était buté et avait préféré continuer dans sa voie, persuadé que comme cela, il n'aurait pas à souffrir de cet éloignement. Il était resté beaucoup auprès de Sasha et de Cindy qui vivaient une année difficile. Mais ce qui l'avait également aidé à réfléchir avait été la réponse de Juliet à la longue lettre qu'il lui avait envoyé pour lui raconter son année scolaire. La jeune femme lui avait donné plein de bons conseils réfléchis et surtout d'adulte. Sauf que les conseils de Juliet, contrairement à ceux des autres adultes, Andrew les écoutait parce qu'il considérait son ancienne camarade comme une amie. Voire presque comme une sorte de grande sœur super cool. Même si elle allait arrêter le Quidditch. Enfin, quoi qu'il soit, Juliet avait su poser sur la situation un regard éclairé qui avait beaucoup fait réfléchir Andrew et c'était aussi pour cela qu'il s'était décidé à parler à Aby aujourd'hui, le cœur plus léger.

- Tu m'as manquée aussi... Je n'avais plus personne pour me tenir au courant des ragots de toute l'école, j'étais dépaysé, perdu, abandonné ! la charria-t-il avec un sourire malicieux autant pour la taquiner qu'alléger un peu la situation. Il n'était pas très à l'aise dès qu'il fallait parler sérieusement. Et j'ai toujours besoin d'une amie Serdaigle, sinon je n'ai plus le compte d'amis dans toutes les maisons !

Il adressa un sourire sincère à Aby et fouilla dans sa poche pour en ressortir une plume en sucre, qu'il déballa, avant d'en tendre la moitié à Aby.

- Amis ?

Un immense sourire illumina le visage d'Aby quand Andrew lui tendit sa moitié de plume en sucre et elle s'en saisit avant de la porter à sa bouche.

"Amis !", s'exclama-t-elle en réponse, sentant l'allégresse et le soulagement l'envahir. A vrai dire, elle avait presque fini par perdre espoir, à force de croiser Andrew quotidiennement sans avoir d'indications qu'ils pourraient se reparler un jour... Elle sentait qu'un certain poids s'était ôté de ses épaules et elle se sentait beaucoup plus joyeuse maintenant qu'elle avait retrouvé les faveurs du jeune homme. C'était presque étonnant de voir à quel point sa bonne humeur dépendait de l'attitude d'Andrew à son égard... Refusant de s'attarder sur cette constatation, Aby attrapa Andrew par le bras et l'entraîna dans un compartiment vide, bien décidé à profiter de ce trajet pour rattraper le temps perdu.

"Je ne sais pas où tu allais avant de tomber sur moi, mais je te kidnappe", l'informa-t-elle avec malice. "Tu ne peux quand même pas partir en vacances sans avoir subi un cours de rattrapage sur les potins de l'année ! Ce serait dommage que tu restes dépaysé, perdu, abandonné..."

Son ton était légèrement moqueur mais Aby était en réalité ravie de voir qu'elle avait manqué à Andrew, elle qui avait eu l'impression d'être subitement devenue transparente à ses yeux. Il avait beau tenter de camoufler cela en mentionnant ses amitiés inter-maisons, Aby savait bien que leur amitié était précieuse et qu'ils y tenaient tous les deux. A partir de maintenant, se promit-elle, elle ferait tout ce qu'elle pourrait pour la préserver. Aby avait beau avoir tissé, en deux années scolaires, un vaste réseau de connaissances et de relations à Poudlard, ses véritables amis se comptaient sur le doigt de la main. Elle avait du mal à tisser de vrais liens avec de nombreuses filles, qui la trouvaient souvent un peu envahissante, car il fallait dire qu'Aby aimait attirer l'attention et n'aimait pas partager. Il y avait bien Linnet, mais elle n'était pas certaine que ça soit bon signe que la fille de son dortoir avec qui elle avait le plus accroché finalement était la jeune soeur de Danny Sneals... Aby s'était d'ailleurs promis d'inviter Linnet chez elle cet été, peu désireuse de la laisser seule après le décès tragique de son frère aîné. La jeune fille s'efforça de reporter son attention sur Andrew, consciente que penser aux terribles évènements du Bloody Sunday n'allait réussir qu'à l'attrister.

"Alors... Que s'est-il passé de beau dans ta vie, ces derniers temps ?", s'enquit-elle, préférant parler de lui que de commérer sur leurs camarades de classe.

Elle s'installa confortablement sur sa banquette et posa sur Andrew un regard curieux, avide d'entendre le récit de ses dernières aventures gryffondoresques.

Andrew répondit au grand sourire d'Aby avec joie, ravi de voir que renouer des liens avec la jeune fille était aussi facile et naturel qu'un claquement de doigts. Évidemment, le stade des excuses était le plus difficile à passer mais une fois que c'était fait, il n'y avait pas eu cette gêne bizarre entre lui et Aby comme il l'avait cru au début. Andrew était un garçon qui avait toujours eu de nombreux amis mais chaque relation était différente et lui apportait beaucoup : celle avec Abigail avait toujours été légère et simple, si on excluait les derniers mois évidemment, et il aurait été vraiment peiné de la perdre définitivement.

- Euh... J'allais acheter des Patacitrouilles. Henry s'est mis à parler des examens et de tooooutes les réponses qu'il avait faites et comme c'est les vacances, ça m'a vite ennuyé !

Déjà que parler de cours l'ennuyait vite, alors parler de cours alors qu'ils étaient en train de quitter l'école... Et pourtant, Andrew avait fait beaucoup d'efforts cette année pour améliorer ses résultats et faire plaisir à ses parents ! Ces derniers n'avaient pas été très satisfaits de ses examens de première année et si le jeune garçon tenait à sa liberté, il n'avait pas intérêt à contrarier l'autorité parentale une nouvelle fois. Certaines personnes disaient que des parents divorcés c'était chouette, parce que du coup les parents parlaient moins entre eux. Andrew, quant à lui, était persuadé que ses parents n'avaient jamais autant parlé que depuis qu'ils étaient séparés. Et évidemment - sinon ce n'était pas drôle - il était leur principal sujet de conversation. Enfin, quoi qu'il en soit, Andrew était confiant : avec l'aide de Sasha, d'Henry et de Kathrina, il était certain d'avoir fait du bon travail ! Et sinon, il aurait toujours Optimal en Vol pour compenser, non ?

- Et bien... J'ai sérieusement travaillé les examens de fin d'année, annonça-t-il avec autant de fierté que de malice. Et je n'ai même pas passé Henry par la fenêtre lorsqu'il a recommencé à mettre son réveil à quatre heures et demi du matin pour réviser.

Andrew était absolument persuadé que ce garçon avait de sérieux problèmes qu'il faudrait traiter un jour.

- Et puis j'organise mon anniversaire le treize, comme l'année dernière. Camping, Patacitrouilles grillées et baignades ! T'es libre ? interrogea-t-il avec un grand sourire.

Oui, cet été s'annonçait prometteur et ce à tous les points de vue !

FIN DU RP