Rosaleen Electre Marchebank

Le 31 Janvier 1987, il neigeait. Depuis quelques jours, le vent et le froid ne faiblissaient pas. C'est au cœur de la nuit qu'est née Rosaleen Electre Lestrange, la fille cadette de Rasaben Lestrange et de sa jeune épouse, Ceres Rosier. Quelques années auparavant, en 1983, c'était Regulus qui était venu au monde. Et quel plaisir pour les parents ! Leur premier enfant, un fils, qui saurait redonner à sa famille tout le prestige qu'elle méritait. Sa mère avait voulu l'appeler Electre, son père Reda, comme l'étoile et comme la tradition le voulait, un prénom en R. Ils avaient fini par convenir pour Rosaleen, qui n'était pas une étoile, mais qui avait au moins le mérite de commencer par R. Sauf qu'en la berçant, c'est Electre que sa mère chuchotait à son oreille. Sa première petite fille. Qui, contrairement à son frère, ne porterait pas sur ses épaules tous les espoirs de son père. Il faisait bon vivre d'être une fille en ce temps-là. Il suffisait de faire un bon mariage et de bien se tenir, contrairement aux garçons, contrairement à Regulus, qui était la vengeance de son père sur le monde.

Car les Lestrange avaient bien des torts qu'ils voulaient voir réparés ! Des années auparavant, dans les années 70, Rodolphus, Rabastan et Rasaben Letsrange s'étaient engagés au service du Seigneur des Ténèbres. Ils étaient devenus de fidèles Mangemorts, parmi les plus loyaux. Rodolphus et son épouse Bellatrix se targuaient d'être les serviteurs les plus intimes du mage noir tandis que Rabastan se voyait déjà recevoir tous les honneurs. Rasaben, lui, avait tout autant d'ambition que ses frères aînés. Mais il était moins talentueux, le Lord lui accordait peu d'importances et toujours des missions mineures, sous le commandement de quelqu'un d'autre. Cela le frustrait, l'énervait, et il s'éloignait de ses frères par jalousie. Il avait réussi à faire un beau mariage en 1980, avec une Rosier, une autre grande famille dont beaucoup de membres étaient aussi Mangemorts. Le Lord Noir tombe un an après, le 31 Octobre 1981. Rodolphus et Rabastan proposent à Rasaben de participer à leur expédition punitive contre les Londubat, mais il refuse. Pas par compassion, non, mais parce si la nouvelle est vraie, si le Lord a vraiment disparu, il doit se protéger des Aurors. Grand bien lui en prend ! Ses deux frères sont attrapés et jugés pour la torture des Londubat, accompagnés de Croupton Junior et de Bellatrix mais Rasaben échappe à la justice. Il était sous Imperium, comprenez-vous, il ne savait pas ce qu'il faisait, ce n'est pas sa faute, Rodolphus, cet ainé tyrannique le maintenait sous son emprise. La preuve ! Il n'a jamais accompli de missions importantes, que des secondaires, ce qui prouve bien qu'il n'était qu'un Mangemort de seconde zone, non ? Rien n'est sa faute, il n'est qu'un honnête sorcier qui a dû céder sous les sortilèges de sa famille, vous comprenez ? C'est ainsi qu'il est l'un des seuls Lestrange à échapper à Azkaban. Ses deux frères y sont envoyés à vie ainsi que son père, de nombreux cousins et quelques oncles. Rasaben revend quelques manoirs pour reconstituer une partie de leur fortune confisquée et entreprend de se refaire un nom pour la société. Il devient père quelques années après et est persuadé que ce fils saura redonner à la famille toute sa noblesse. Il ne trouve pas de travail au Ministère mais récupère les Elfes de la famille dont les maîtres sont en prison et monte une entreprise de potions dont il récupère tout le mérite.

C'est ainsi qu'est née Rosaleen, dans une famille en grande partie détruite, d'un père qui songe à leur grandeur passée et future. Elle n'a que quelques mois qu'on décide déjà qu'elle épousera le fils Yaxley, né deux ans auparavant. Son père se préoccupe surtout de son frère, Regulus, et elle est élevée en grande partie par sa mère, Ceres, qui ne cesse de l’appeler Electre. Si bien qu'elle finit par se mélanger dans son propre prénom. Rose, Rosie, Electre, Rosaleen... Elle vit plutôt tranquillement, sans vraiment sortir. Le nom des Lestrange est loin d'être apprécié, trop associé à celui de la terrible Bellatrix. Mais du haut de ses quelques années, ce n'est pas vraiment le souci de la petite Rose. Elle est chérie par sa mère, son père l'apprécie aussi, ses grands-parents estiment qu'elle est une parfaite petite fille de bonne famille, elle s'entend plutôt bien avec son frère malgré leur différence d'âge... Quelques années après, quand elle n'a que quatre ans, la petite Reyna voit le jour. Encore une fois, ce n'est pas un prénom d'étoile, sa mère ne les trouve pas jolis. Si son père accepte de faire des concessions, c'est bien parce qu'elles ne sont que des filles. C'est aussi à cet âge-là qu'on décide qu'il est temps de faire son éducation. Elle passe ainsi la moitié de ses journées avec le précepteur de Regulus, qui lui apprend à compter, les rudiments de l'écriture, à reconnaître son prénom - qui est bien Rosaleen, Rosie comme le dit son père - et que les moldus et les nés-moldus, ce n'est pas bien. Ils sont méchants, bêtes et veulent lui faire du mal. Il n'y a que les vrais sorciers qui valent la peine, les autres sont aussi méchants que les moldus. Les moldus ont d'horribles machines de guerre, comme lui montre Maître Demetrius sur des photographies, qui peuvent tuer plein de personnes à la fois. Et cela lui fait vraiment peur, les moldus. Ils deviennent les monstres sous son lit, cachés dans le placard. Regulus lui raconte d'affreuses histoires et se cache le soir dans l'obscurité pour lui faire peur en faisant d'affreux bruits. Et même si sa mère le gronde, il recommence encore et encore. Il faut détester les moldus, lui explique Maître Demetrius et les éliminer. C'est ce que faisait son papa et ses oncles, avant, ainsi que le Seigneur des Ténèbres. Mais il a été tué par cet horrible Harry Potter, qu'il faut détester aussi. Ses parents valident ces paroles et lui expliquent qu'un jour, le Lord reviendra et les vrais sorciers auront de nouveau une bonne place dans la société. En 1992, elle a cinq ans, et on lui explique qu'un monstre du Seigneur des Ténèbres est en train de se débarrasser des nés-moldus car l'héritier de Serpentard est à Poudlard. Ainsi, quand elle ira, il n'y aura que des vrais sorciers. Et encore ! Il faudra se méfier des Sang-Mêlés, qui ont une partie du mal en eux.

C'est en 1993 que naît Reda, le quatrième enfant de la famille et la troisième fille. Un prénom d'étoile, cette fois-ci. Rasaben aurait voulu un garçon, pour soutenir Regulus. Alors, par vengeance, il choisit le prénom. De toute manière, il est de plus en plus irritable cette année-là. Ceres dit que c'est parce que Regulus rentre à Poudlard à la rentrée suivante, que cela le rend nerveux. Elle chuchote cela à ses filles le soir, en les berçant, qu'il ne fait pas s'inquiéter et qu'elles n'ont rien fait de mal, même quand leur père hurle. Mais Rosaleen fait tout pour que son père soit fier d'elle, elle travaille encore plus avec Maître Demetrius, lit tout les soirs pour s'entrainer, apprend par cœur toutes les familles de Sang-Pur et travaille sa bienséance et ses révérences avec acharnement. Un soir d'été, en 1995, Regulus se glisse dans sa chambre la nuit, silencieusement. Il s'assoit sur son lit et lui secoue l'épaule sans ménagement. Dans la pénombre, Rose ne distingue même pas les traits de son frère.

- Il est revenu, chuchote-t-il, comme si on allait les entendre.
- Qui ? répond-t-elle en se frottant les yeux.

Regulus parle vite et elle ne sait pas si c'est dû à l’excitation ou à la peur. Il pose les deux mains sur ses épaules et elle a l'impression qu'il sourit.

- Le Seigneur des Ténèbres ! Père et mère en parlaient, tout à l'heure. J'ai collé mon oreille à la porte du bureau et j'ai écouté. Lors du Tournoi des Trois Sorciers, à Poudlard ! C'est pour ça que Père est parti si brusquement lors du repas, le mois dernier ! Le Seigneur les avait appelé ! Il est revenu !

C'est à partir de ce soir-là que tout a changé. Leur Père s'absentait souvent et la marque à son bras était devenu si noire, si voyante ! Parfois même, elle bougeait. Et cela effrayait Rosaleen plus qu'autre chose. Sa mère les gardait plus souvent auprès d'elle, surtout quand il y avait des gens qui venaient leur rendre visite. Cela énervait Père, qui hurlait qu'elle devrait plutôt se réjouir du retour du Lord plutôt que de couver ses filles ! Mais Ceres relevait le menton et affirmait qu'elle refusait de livrer ses filles au monde pour le moment. Rosaleen, Reyna et Reda passaient tout leur temps ensemble, jouant à la poupée et prenant des leçons de leur mère. Regulus, lui, était présenté aux autres Mangemorts qui venaient à la maison. Il y avait les Malefoy, les Goyle, les Crabbe, les Rowles... Ils disaient tous qu'elle était une adorable petite fille quand elle venait les saluer et demandait toujours si elle était fière de défendre le nom des Lestrange. Alors elle répondait oui, comme on le lui avait appris, parce que les Lestrange étaient une grande famille. Cela faisait toujours sourire tout le monde, sauf sa mère qui resserrait sa poigne sur son épaule, les lèvres pincées. C'est à cette occasion que Rose apprit que le frère de sa mère, Evan Rosier, était mort en combattant les Aurors. On promettait de venger son âme et celle de tous les Mangemorts tombés pour la cause. Le soir de cet évènement, le 14 Août 1995, sa mère la coiffa longuement avant d'aller dormir. Elle se ressemblaient, toutes les deux, avec les même cheveux blonds et les même yeux. Regulus, Reyna et Reda étaient bruns, comme leur père.

- Il faudra que tu te fasses des opinions par toi-même, Electre. Il faudra que tu ailles par dessus tout cela, même si ce n'est qu'intérieurement.
- Je ne comprends pas, Mère.
- Cela viendra plus tard. Mais promets-moi que tu feras attention. Promets-le.
- Je vous le promets.

Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle venait de promettre, mais sa mère fut satisfaite et lui déposa un baiser sur le front pour lui souhaiter bonne nuit. En septembre 1995, Regulus partit pour Poudlard et fut réparti à Serpentard. Dans une lettre à sa sœur, étant donné qu'elle lisait maintenant seule, Regulus confia que le Choixpeau avait failli l'envoyer à Gryffondor mais qu'il avait supplié pour que cela ne soit pas le cas, car son père l'aurait très mal pris. Ce dernier était rarement à la maison maintenant, depuis le retour du Lord. Le Ministère continuait de nier, il n'y avait bien qu'Albus Dumbledore pour dire la vérité, ce qui faisait toujours beaucoup rire les invités, qui parlaient déjà du nouveau monde sans moldus qu'ils allaient construire. Maintenant que son frère était parti, elle avait des leçons plus difficiles avec Maître Demetrius et il avait renforcé ses positions anti-moldues depuis l'annonce du retour du Lord. Il avait même montré, à Reyna et elle, sa marque des Ténèbres. Rosaleen avait toujours aussi peur des moldus, mais Maître Demetrius lui expliquait qu'elle pourrait se défendre avec sa baguette, même contre les Nés-moldus, qui étaient moins puissants et moins intelligents que les sorciers de sang, étant donnés qu'ils étaient mi-hommes mi-bêtes. Reyna demandait même si ils étaient poilus comme des monstres et Maître Demetrius répondait que oui, avec de grandes griffes et des dents immenses pour attaquer les sorciers, étant donné qu'ils ne maîtrisaient pas la magie. Par la suite, sa mère leur avait expliqué qu'on ne pouvait différencier les moldus des sorciers physiquement mais qu'il ne fallait pas dire à leur père ou à Maitre Demetrius qu'elles le savaient. C'est en décembre 1995, lors du repas de Noël, que Rosaleen rencontre Gregory Yaxley pour la première fois. Il a le même âge que Regulus, ils sont rentrés à Poudlard ensemble et sont dans la même maison, mais ne peuvent pas se supporter. Ils ne le disent pas ouvertement mais cela se voit aux regards qu'ils se lancent et aux piques qu'ils échangent. Les adultes ne semblent pas s'en formaliser, ils parlent de quelque chose qui concernent le Seigneur des Ténèbres et Reyna et Reda sont déjà couchées. Mais Gregory et Regulus haussent le ton jusqu'au moment où Gregory lança un fanfaronnant "Tu verras ce que je lui ferai à ta sœur, quand je l'aurai épousée !" Regulus bondit par dessus la table pour enfoncer son poing sur le visage de Yaxley. Ce fut un sort qui les sépara. Rasaben est hors de lui, il traine son fils dans sa chambre par le col, tandis que Ceres se confond en excuses. Les Yaxley sont outrés, jurent que cela ne s'arrêtera pas là. Gregory se plante devant elle avant de partir, il la regarde de haut en bas, tandis qu'elle baisse les yeux, tremblante dans sa robe verte. "Tu me payeras ça." Elle a envie de répliquer qu'elle n'a rien fait, qu'elle n'a que huit ans, qu'elle n'est pas responsable des actes de son frère mais tous les mots restent coincés dans sa gorge. C'est à ce moment-là, que les leçons de sa mère reviennent. Alors elle relève le menton et le fixe dans les yeux, croisant les bras sur sa poitrine.

- On ne menace pas une Lestrange impunément.

Et elle tourne les talons. Elle ne sait même pas ce que cela veut dire, elle ne sait même pas ce que cela sous-entend mais elle est fière d'avoir eu quelque chose à répondre, de ne pas s'être laissée faire. Mais elle sait une chose : elle ne veut pas épouser Gregory Yaxley, il est méchant. Son frère est enfermé dans sa chambre, mais le lendemain, elle va le remercier de l'avoir défendue. Il affirme que Yaxley est un sale type, qu'il traîne avec des brutes à Poudlard et qu'il a même essayé de rentrer dans la Brigade Inquisitoriale de cette Ombrage. Rose ne sait pas ce qu'est cette Brigade ou qui est Ombrage, mais elle a confiance en son frère. Elle n'épousera pas Yaxley. Quand elle va l'annoncer à son père, il se contente de la regarder sévèrement et de dire qu'on verra cela plus tard, qu'elle est encore jeune. Et il la congédie, parce qu'il a des affaires à régler. Sa mère affirme que les Yaxley ne voudront sûrement plus se lier à leur famille après cela, et cela la rassure un petit peu. Et puis elle oublie, parce que c'est l'heure de déballer les cadeaux. Son père est parti on sait-où, alors cela se fait sans lui.

Le 31 Janvier 1996, c'est son anniversaire et elle est désormais âgée de neuf ans. Malgré cela, l'ambiance n'est pas joyeuse à la maison. Ses parents ne veulent rien lui dire, mais son frère lui a expliqué que plusieurs Mangemorts s'étaient échappés d'Azkaban voilà quelque jours. Rose ne voit pas le mal, son père aussi est un Mangemort, non ? Et puis parmi les Mangemorts échappés, il y a ses oncles Rodolphus et Rabastan, qu'elle n'a jamais croisé mais qu'elle connait de nom. Si Regulus s'échappait de prison, elle serait heureuse de le revoir ! Même si elle espère qu'il n'ira jamais en prison, elle aime trop son frère. L'anniversaire se déroule dans une ambiance tendue, son père est nerveux, il a vérifié tous les sorts qui protègent la maison. Sa mère tente de faire bonne figure mais Rose pense que son anniversaire est gâché et elle va se coucher fâchée, même si elle a reçu des cadeaux magnifiques, dont un collier en or et émeraude de son père, qui lui vient de sa grand-mère. Elle s'endort contrariée. Ce sont des cris qui la réveillent, des bruits de dispute. Le cœur battant, elle se redresse dans son lit et lentement, elle se dirige vers la porte, à petits pas. Le couloir est plongé dans l'obscurité lorsqu'elle sort de sa chambre, portant uniquement sa grande chemise de nuit. Mais les lueurs du salon montent jusqu'à elle. Il y a des voix d'hommes en bas, dont celle de son père, et une femme, qui rit. Lentement, elle descend l'escalier et s'arrête à mi-hauteur. A travers les barreaux, elle distingue tout ce qui se passe en bas. Son père fait face à trois personnes, la baguette levée. Elle ne les connait pas et en plus, ils sont de dos. Mais elle écoute en essayant de ne pas faire de bruit.

- Je n'ai jamais trahi le Seigneur des Ténèbres ! hurle son père, furieux. Jamais ! Je suis l'un de ses plus fidèles serviteurs maintenant qu'il est revenu !
- Maintenant qu'il est revenu, oui ! vocifère l'un des hommes. Tu l'as abandonné lorsqu'il est tombé ! Tu nous as tous abandonné !
- Qu'est-ce que tu insinues, Rabastan ? Hein ? Qu'est-ce que tu insinues ? Grâce à moi, la famille a survécu ! Si tous les Lestrange moisissaient en cellule, qu'est-ce qu'on serait tous devenus, hein ?

Rabastan. Comme son oncle Rabastan. Qui s'était échappé de prison. L'autre homme devait donc être Rodolphus, le frère ainé de son père et la femme, Bellatrix, sa tante. Elle sait ce qu'ils ont fait, Maître Demetrius disait souvent qu'elle devait être fière d'être de leur famille. De grands Mangemorts.

- Et tu veux quoi ? réplique Rabastan. Qu'on te décerne une médaille pour avoir partagé le lit de ta femme pendant toutes ces années ? Pendant qu'on se faisait bouffer par les Détraqueurs ?
- Sans ce que vous avez fait aux Londubat, vous auriez pu échapper à la prison ! crache son père.
- Et nier notre soutien au Seigneur des Ténèbres ? interroge Bellatrix d'une voix doucereuse. Jamais ! aboie-t-elle soudainement. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait ! Nous ne sommes pas lâches, comme toi, mon cher Rasaben... J'étais sous Imperium, je n'ai rien fait, on m'a forcé, pitié ! singe-t-elle d'une voix aiguë.
- Jamais je n'ai...
- Tu mens ! vocifère Bellatrix. Et pendant tout ce temps, tu n'as même pas été fichu d'apprendre à tes enfants qu'on n'écoute pas les conversations des adultes...

Rose n'a pas le temps de réagir qu'elle sent déjà quelque chose se nouer autour de sa cheville. Elle dévale l'escalier, sa tête tapant contre les marches et se retrouve au pied de Bellatrix, qui a sa baguette pointée sur elle. Elle voit flou, des larmes embrouillent ses yeux et elle a mal partout.

- Bellatrix, je t'interdis de...

Mais Bellatrix lève sa baguette et son père ne peut plus avancer. La tête et la nuque douloureuse, elle tente de reculer mais se heurte à la première marche de l'escalier. Sa tante se penche vers elle, un sourire mauvais aux lèvres.

- Allons ma mignonne, comment tu t'appelles ?

Aucun son ne sort de sa bouche, elle est trop impressionnée, elle a trop peur. Elle jette un regard apeuré à son père qui fusille Bellatrix du regard.

- Tu ne sais pas parler ? demande mielleusement sa tante, sa baguette toujours pointée sur elle.

Rose déglutit et ferme les yeux.

- Rosaleen Electre Lestrange.
- Mais c'est que tu l'as bien dressée, Rasaben ! déclare Bellatrix en éclatant de rire. Alors maintenant tu vas bien m'écouter, petite sotte, reprend sa tante en posant l'extrémité de sa baguette sur sa poitrine, si je te reprends encore une fois à espionner les conversations des gens, je te jure que tu le regretteras ? Suis-je claire ?

Cette fois-ci, pas de répartie qui lui vient à l'esprit. Elle se contente d'hocher la tête et bondit sur ses pieds malgré la douleur dès que Bellatrix a relevé sa baguette. Elle remonte l'escalier quatre à quatre et se jette dans son lit, les draps au dessus de sa tête. Et elle pleure, encore et encore. Même quand son père vient la voir pour lui dire qu'ils sont partis et lui demander si ça va, elle pleure. Alors que sa mère lui a dit qu'on ne devait pas pleurer en public. Elle pleure tandis que son père la serre dans ses bras, ce qu'il n'a pas fait depuis des années, et lui dit que ça va aller, qu'il ne laissera plus jamais qui que ce soit lui faire du mal. Elle pleure jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Et il lui semble que son père pleure un peu, aussi.

Elle ne parle pas à sa mère de cet évènement, son père non plus visiblement. Elle a des bleus, les cache sous des vêtements épais. Après cela, Bellatrix, Rodolphus et Rabastan passent plusieurs fois au manoir et sa tante lui adresse à chaque fois des sourires mauvais. Alors elle se cache au maximum quand ils sont là. Sa mère comprends, Bellatrix n'est pas franchement une tante adorable. Son père est de plus en plus absent, il fait des missions pour le Lord. Une fois, les Auror viennent fouiller leur manoir en l'absence de Rabasen, mais ne trouvent rien. Une fois, son père disparaît pendant toute une semaine et revient fatigué et un peu blessé. L'ambiance est de plus en plus lourde à la maison, plus tendue. Son frère raconte qu'à Poudlard aussi mais qu'ils sont protégés, après tout, leur père aussi est un Mangemort. Il dit que tout ira bien.

La fin de l'année 1996 se solde par la reconnaissance du Ministère du retour de Voldemort et à la Bataille du Ministère, où Rasaben a participé, avec Bellatrix notamment. Il rentre paniqué au manoir, en pleine nuit, et leur hurle de partir chez les Rosier, les parents de Ceres, que la mission a échouée et que le Lord va être furieux. Sa mère tente de le calmer et, blottie dans l'escalier - contrairement à ce qu'elle appris avec sa tante -, elle écoute. Le nom des Malefoy, surtout de Lucius Malefoy, revient encore et encore. Finalement, ils ne partent pas et personne ne vient. Mais son père passe de plus en plus de temps à l'extérieur, ne vit presque plus avec eux. Maître Demetrius redouble de ferveur et donne des cours particuliers à son frère pendant l'été en lui rappelant qu'il ne doit pas s'approcher des nés-moldus. Et pour la première fois de sa vie, Rose voit Regulus hausser les épaules face à leur précepteur.

- Certains dans ma classe sont sympas.

Elle n'a jamais vu Maître Demetrius dans cet état. Il hurle et vocifère, secoue Regulus et previent leur mère que son fils est sur une pente glissante. Ceres réprimande son fils pour la forme, mais les deux enfants voient bien qu'elle n'y met pas toute sa conviction. Mais Regulus jure de détester les Sang-de-Bourbe et de ne plus jamais dire de choses pareilles. Du moins, pas en présence de Maître Demetrius. Le soir de cette altercation, Rose se glisse dans la chambre de son frère silencieusement. Il lui explique qu'à Poudlard, les choses sont différentes. Les nés-moldus sont sympas et parfois aussi doués que les sorciers normaux. Elle est choquée par ces affirmations, qui s'opposent à tout ce qu'elle a toujours connu. Regulus conclut en disant qu'elle verra à l'école mais qu'il ne faut surtout pas en parler à qui ce soit. Même là-bas, à Poudlard, il ne dit rien. Une bonne partie de la maison Serpentard est agitée, il y a plusieurs Mangemorts parmi les parents. Et de toute manière, en s'appelant Lestrange, il est automatiquement catalogué, ce n'est pas la peine d'essayer de dire quoi ce soit. Mais il n'en pense pas moins, ajoute-t-il. Et il précise que leur mère lui a dit de bien penser par lui-même. C'est à ce moment-là que Rosaleen comprend les paroles de sa mère. Se faire sa propre opinion, loin de l'éducation de Maître Demetrius. Elle ne comprend pas. Sa mère est issue d'une famille de Sang-Pur aussi, son frère Evan était un Mangemort aussi, ainsi que son propre père. Elle revient dans sa chambre tourmentée et perturbée, et met beaucoup de temps à s'endormir.

Elle n'ose pas questionner sa mère sur ce qu'elle a appris, même lorsque son frère repart à l'école pour sa deuxième année. Cette dernière fait tourner la maison seule, leur père étant absent presque en permanence. Ils ne voient même plus Rabastan et Rodolphus, encore moins Bellatrix. Reyna a désormais quatre ans, Reda un an, mais leur père s'investit énormément dans sa mission de Mangemort. Les Aurors viennent poser des questions à leur mère de plus en plus souvent et elle les reçoit de plus en plus froidement. Et puis un jour, leur père ne revient plus du tout. Leur mère dit qu'il a été déclaré Mangemort recherché et que la maison est surveillée. Ceres en profite pour renvoyer Maître Demetrius et leur fait désormais la classe, en modérant les propos du vieil homme. Les sorciers et moldus ne sont pas fait pour vivre ensemble, en effet, il faut s'ignorer mais pas s'exterminer. En plus, elle dit que les moldus détruiront les sorciers si on s'en prend à eux et raconte que la guerre n'apporte que du malheur. Elle a perdu son frère, dit-elle, et d'autres personnes mourront dans cette guerre. Et personne n'est en sécurité, même pas les Sang-Purs. Evan était un Sang-Pur, lui aussi. Vous ne voudriez pas perdre Regulus, n'est-ce pas ? Et Reyna et Rosaleen font non de la tête. Elles ne veulent pas perdre leur frère. L'année s'écoule lentement. Maintenant que leur père est parti, plus aucun Mangemort n'était reçu à la maison, même pas les Yaxley. Seuls leurs grands-parents leur rendaient visite, de temps en temps, et encore ! Que du coté Rosier.

La mort d'Albus Dumbledore tomba comme un coup de marteau. Pas parce que les Lestrange y étaient attachés, mais parce qu'il avait été assassiné par les Mangemorts. Et peut-être par Rasaben. Regulus rentre perturbé de cette année scolaire et ne sait pas si son père était à la Tour d'Astronomie ou pas. Mais il s'inquiète pour l'avenir de l'école. Est-ce qu'ils vont la fermer ? Où est-ce qu'il prendra ses cours sinon ? Sa mère le rassure tant bien que mal et essaye de joindre leur père. En vain. L'entreprise de potions tourne toujours, mais plus lentement, sa mère ayant du mal à se débrouiller avec. L'été s'écoule lentement et l'angoisse monte autour d'eux sans qu'ils sachent vraiment pourquoi. Après tout, ils sont des Lestrange, non ? Ils n'ont rien à craindre ! Leur père réapparait pendant deux semaines en Août. Il est fatigué, craintif, il a peur que les Aurors l'ait repéré. Mais comme personne n'enfonce la porte du manoir, il semble que non. Et même à la maison, il est peu présent. Il passe beaucoup de temps à son bureau, avec leur mère et parfois Regulus, à parler, longuement. C'est ainsi qu'ils apprennent qu'il y aura des Mangemorts à Poudlard l'année prochaine, les Carrow. Leurs parents affirment que Regulus sera protégé par son statut de Lestrange, il n'a rien à craindre. Quand leur père repart, il promet qu'il reviendra vite et jure qu'il les aime et qu'il fera attention à lui. Ceres pleure beaucoup ce jour-là.

Regulus repart en Septembre 1997 pour sa troisième année, tandis que le ventre de leur mère s'arrondit au fil des mois. Un cinquième enfant, un garçon peut-être, espère leur mère. Pour faire plaisir à votre père, ajoute-t-elle. Elle continue à leur faire la leçon et la classe, préparant Rosaleen à sa future rentrée à Poudlard. Regulus décrit le climat de l'école dans ses lettres et cela ne donne pas envie. Des élèves sont torturés, écrit-il. Lui est protégé parce qu'il est un Lestrange et parce que les Carrow connaissent Rasaben. Mais des élèves de onze ans sont soumis au Doloris ! rédige-t-il rageusement. Dès qu'ils s'opposent aux Carrow. Même des Sang-Pur, comme un Londubat ! Rosaleen a peur mais elle n'aura qu'à pas s'opposer aux Carrow, n'est-ce pas ? Même si sa mère lui a dit de se faire sa propre opinion. Elle n'aura qu'à la garder pour elle. Les mois s'écoulent et leur père ne revient pas. Est-il au moins au courant que sa femme attend un nouvel enfant ? Rose ne le sait pas. Elle est suspendue aux lettres de son frère, de plus en plus révolté. Il a protesté contre les Carrow et ils lui ont fait une entaille profonde sur la joue. Et il ne veut pas arrêter. Il ne trouve pas ça juste. Il n'y a plus de nés-moldus à Poudlard, que des enfants de sorciers. Il revient amoché à Noël mais repart tout aussi déterminé, malgré les supplications de sa mère. On dirait un Gryffondor, chuchote-t-elle en pleurant. Elle ne comprend pas pourquoi cela fait sourire Regulus. Une lettre de leur père arrive le 31 Janvier, pour lui souhaiter ses onze ans. Il dit qu'il l'aime et assure que leur mère pourra appeler le bébé comme elle veut, cette fois-ci. Ceres se remet à pleurer. Elle pleure beaucoup, cette année-là.

Le 2 mai au soir, Ceres perd les eaux et Rosaleen se précipite vers la cheminée pour appeler sa grand-mère Rosier, qui arrive pour l'emmener à Sainte-Mangouste. Les filles sont renvoyées dans leurs chambres respectives, mais Reyna et Reda se réfugient dans celle dans leur grande sœur, inquiètes. Pour les rassurer, Rose parie sur le sexe du bébé. Un garçon, cette fois-ci. Après trois filles, il serait temps ! Mais elle sent bien que quelque chose ne va pas. Elle entend sa grand-mère crier dans la cheminée. On parle de Poudlard. Alors elle donne des poupées aux petites et se glisse en dehors de la chambre, pour écouter ce que dit sa grand-mère dans la cheminée du salon. Décidément, elle n'avait pas retenu la leçon de Bellatrix. Apparemment, il n'y a pas de guérisseur à Sainte-Mangouste pour accueillir sa mère, ils sont à Poudlard. On va essayer d'en trouver un, mais pas sûr qu'il se déplace pour une Lestrange, crache la dame de la cheminée avec mépris. C'est la première fois que Rosaleen entend sa grand-mère être vulgaire. Sa mère pousse un cri qui lui glace le sang et elle se réfugie dans sa chambre tandis que sa grand-mère monte les escaliers rapidement. Quelque chose doit se voir sur son visage car Reyna et Reda se précipitent vers elle dès qu'elle passe le seuil. Elle est incapable de dire quoi que ce soit pour les rassurer. Et même dans sa chambre, elle entend les cris de sa mère. Elle voudrait ne plus rien entendre et se réfugier dans son lit mais face aux filles, elle ne peut pas. Alors elle parle fort, pour couvrir les cris de sa mère et fait comme si tout allait bien en jouant aux poupées. Il fait déjà nuit noire et minuit a sonné à la pendule quand sa grand-mère frappe à la porte, doucement. Reyna et Reda se sont endormies blotties l'une contre l'autre sur le lit de Rose, sans même avoir mangé. Elle, elle s'est réfugiée dans un fauteuil, les jambes serrées dans ses bras. Sa grand-mère tient le bébé dans ses bras, tout emmitouflé dans une couverture. Elle s'approche doucement, manquant de trébucher sur une des poupées. Le bébé est tout rouge, les poings tout serrés et le visage tout fripé. Rose le prend tout doucement, sa grand-mère guidant ses gestes. Le bébé est tout chaud et émet un gazouillis. Ce n'est qu'en relevant les yeux que Rosaleen voit que sa grand-mère pleure, à chaudes larmes.

- Il s'appelle Oreste, murmure-t-elle. Dans la légende, Oreste est petit frère d'Electre. C'est ta mère qui a choisi. Electre s'est occupé d'Oreste toute sa vie, ajoute-t-elle.

Et c'est là qu'elle comprend. Elle manque de lâcher Oreste, mais sa grand-mère le retient. Et elles pleurent, tous les deux, tandis que Reyna et Reda continuent de dormir tranquillement, sans savoir ce qui vient de se passer si près d'elles. Rosaleen finit par s'endormir, de lassitude, d'avoir trop pleuré, Oreste dans les bras et sa grand-mère lui caressant les cheveux.

Quand elle se réveille le lendemain matin, elle est dans son lit, les filles ne sont plus là, sa grand-mère et le bébé non plus. Elle sort dans le couloir et ne peut s'empêcher de regarder vers la chambre de ses parents, ni de s'approcher de la porte, les jambes tremblantes et le cœur au bord des lèvres. Elle effleure le battant du bout des doigts puis se recule précipitamment et dévale l'escalier. Son grand-père maternel est assis dans un fauteuil, le regard dans le vide. Rosaleen n'ose pas s'approcher et rejoint sa grand-mère dans la cuisine. Il fait déjà jour, l'horloge indique midi. Bédélia a le visage fermé, les traits tirés et les yeux rouges. Elle adresse un pâle sourire à sa petite-fille quand celle-ci rentre dans la pièce et lui effleure la joue du bout des doigts. Rose n'ose pas demander ce qui va se passer maintenant. Elle veut voir son papa, elle veut qu'il revienne à la maison, elle veut que Regulus soit là lui aussi et plus à Poudlard. Sa grand-mère lui sert de quoi manger et dit qu'elle va voir le bébé, qu'aucun Médicomage n'est passé, à cause de ce qu'il y a eu à l'école. Et elle se tait, soudainement, comme si elle en avait trop dit. Rose essaye d'en savoir plus, mais sa grand-mère sort de la pièce, presque en courant. Regulus. Regulus estt à Poudlard. Si quelque chose de grave est arrivé, il a peut-être été blessé. Alors Rosaleen se précipite aux pieds de son grand-père et le secoue jusqu'à ce qu'il parle, jusqu'à ce qu'il bouge, jusqu'à ce qui la regarde.

- Ma fille est morte, dit-il d'une voix éraillée. Le Seigneur des Ténèbres est mort aussi. Et on ne sait pas où est mon unique pet...

Il s'interrompt, comme s'il venait de se rappeler qu'il avait deux petits-fils désormais. Il enfouit le visage dans ses mains, tandis que les larmes coulent de nouveau sur les joues de Rosaleen. Son frère, elle veut son frère, sa mère, son père. Elle veut que le deux main 1998 ne soit jamais arrivé.

Le reste de la journée est plutôt flou. Vers vingt-heures, elle se rappelle que des Aurors à la mine grave ont frappé à la porte de la maison. Ils ont la mine grave. C'est son grand-mère qui leur ouvre, hostile. C'est un ancien Mangemort, jamais condamné. Son fils unique a été assassiné par les Aurors. Et son beau-fils est un Mangemort reconnu. Rosaleen attrape la main de ses sœurs et les rapproche d'elle, sans savoir pourquoi. Et comme ça, brusquement, les deux Aurors annoncent l'arrestation du Mangemort Rasaben Lestrange, qui a participé à la Bataille de Poudlard aux cotés de l'ennemi. Son grand-père s'emporte, il hurle que la semaine dernière, c'était les vainqueurs les ennemis. Les Aurors sortent leur baguette, c'est sa grand-mère qui s'interpose, Oreste dans les bras. Mon petit-fils, elle murmure, mon petit-fils était à Poudlard. Dîtes-moi qu'il va bien, elle supplie, s'il vous plaît. L'un des Auror semble s'adoucir et baisse la tête. Ils ont évacué les mineurs, annonce-t-il. Mais certains sont revenus, avec les habitants de Pré-au-Lard. Je suis désolée, Madame. On ne sait même pas de quel coté il combattait.

C'est à ce moment-là, qu'elle est tombée.

Après la venue des Aurors, elle ne se rappelle pas de grand-chose. Elle s'est réveillée dans son lit, en pleine nuit, et les souvenirs l'ont heurtée en plein visage. Regulus, sa mère, les deux moments où elle apprenait leur mort tournaient sans relâche dans sa tête. Elle était incapable de penser à autre chose et elle pleure, pleure, pleure, encore et encore jusqu'à ne plus avoir de larmes et jusqu'à se sentir presque bien. Alors elle se relève, enfile une robe de chambre et soir pieds nus dans le couloir. En passant devant la porte de ses parents, son cœur rate un battement et elle l'effleure du bout des doigts. Les Médicomages ont déjà emporté le corps de sa mère et observé le petit Oreste, qui va très bien. On l'enterrera à la fin de la semaine, a dit sa grand-mère. Ce serait un bel enterrement, elle a promis. Comme si ça pouvait être beau, un enterrement. Figée devant le panneau de bois, elle se demande comment est le corps de sa mère. A quoi, elle ressemble, morte. Si elle a les yeux ouverts. Si elle est pâle. Un miaulement retentit dans le salon et elle sursaute, faisant un bond en arrière comme si le contact de la porte l'avait brûlée. Elle ne doit pas penser à ce genre de choses. Glacée, elle reprend sa marche vers l'étage du dessus. La porte d'Oreste est entrouverte et une lumière bleutée s'en échappe. Sans un bruit, Rosaleen s'approche du berceau. Le bébé dort profondément, ses petits poings tout serrés contre son visage. Des étoiles enchantées miroitent au plafond et des lapins dorment sur la tapisserie, leurs oreilles agitées de soubresauts. C'est sa mère qui a enchanté la chambre, elle voulait qu'Oreste en ait une jolie. Si leur père avait été là, il n'aurait pas voulu. Mais il est n'est pas là. Et il ne reviendra pas, plus. Il est en prison, maintenant. On va le juger, a expliqué grand-mère, pour tout ce qu'il a fait. En attendant, il est en prison. Le bébé fait un bruit dans son sommeil. On va juger son père parce qu'il a tué des gens. Et Oreste a tué sa mère. Et lui, on ne le juge pas. S'il n'était pas né, sa mère serait encore là. C'est un meurtrier. On a tué des Mangemorts à la dernière guerre, avec le baiser du Détraqueur. Et s'il mourrait, ce bébé là aussi ? C'est un meurtrier ! Il a tué sa mère ! Elle n'a plus de mère, elle n'a plus de frère et elle n'a plus de père ! Les larmes coulent de nouveau sur ses joues et elle sanglote tandis qu'elle glisse sa main dans le berceau. Elle pourrait le tuer, là, maintenant, tout de suite. Il est tout petit, tout fragile, tout faible. Elle pourrait dire que c'est un accident. Oreste ouvre les yeux brutalement tandis qu'elle pose la main sur sa bouche et qu'elle appuie. Il a tué sa mère. Tout est de sa faute. Soudain, les petits doigts d'Oreste se referme autour de son annulaire, avec une force qu'elle n'aurait jamais soupçonné de la part d'un si petit bébé. Elle se recule brusquement, effrayée et honteuse tandis qu'Oreste se met à pleurer. Apeurée, elle recule jusqu'à buter sur la commode. Mais qu'est-ce qu'elle était en train de faire ? Elle perd la tête, il n'y a pas d'autres explications, elle devient folle.

Oreste pleure toujours et elle craint soudain qu'il ne réveille toute la maison et que quelqu'un vienne. Elle se précipite auprès de lui et le prend dans ses bras et le berce, afin qu'il se taise.

- Allez, chut, tout ira bien. Je ne ferai pas de mal, promis. Allez, chut, tais-toi. Tu es un gentil garçon. Je vais m'occupe de toi. Allez, chut.

Le bébé finit par se calmer et la dévisage de ses grands yeux-bleus. Il tête alors qu'il n'a rien dans la bouche. Et il saisit une mèche de ses cheveux entre ses doigts, tire un peu. Il est mignon, tout de même. Oreste... Sa mère aimait la mythologie, tout le monde le savait. Elle lisait souvent d'épais volumes sur cela, il y en a tout un rayonnage dans la bibliothèque. Electre et Oreste. Il y a un message dedans et il est évident : elle doit s'occuper de son petit frère, à la place de sa mère. Oreste et Electre. Elle doit s'en occuper, c'est son rôle. Et elle a failli faire une chose si horrible ! Une vague de culpabilité la submerge tandis qu'elle berce toujours son petit frère en s'asseyant dans un fauteuil moelleux, dans un coin de la pièce. Sa mère est morte. Son père est en prison. Regulus est mort aussi. Même si elle n'arrive pas à assimiler cette information. Mort, mort, mort, elle répète tandis que les larmes coulent sur ses joues. Ils n'ont plus de parents. Reyna et Reda sont encore toutes petites et n'ont plus de parents. Elle non plus. Leur grand-père reste prostré dans son fauteuil ou s'énerve contre les Aurors. Ils n'ont plus qu'une grand-mère. Et Oreste. Qui est naît le jour où Regulus est mort. Est-ce que c'est une sorte d'échange ? Un frère contre un autre ? Tout blotti contre elle, Oreste s'est rendormi. Ce n'est qu'un bébé, ce n'est pas un meurtrier. Il n'a rien fait. Il n'est que venu au monde. Tout ce qui arrive, c'est la faute des Médicomages. Ils ont tué sa mère. Et des autres aussi. Ceux qui y ont mis son père en prison. Et ceux qui ont tué son frère, ceux qui ont tué Regulus. Nous ne savons pas de quel coté il combattait...
Son père combattait du coté des Mangemorts. Et elle est sûre, elle est intimement persuadée que Regulus ne se serait rangé de leur coté. Pas après ce qu'il lui avait confié. Il a combattu contre son père. Il a combattu contre leur famille. Il a combattu du coté des gagnants. Mais il est mort quand même. A quatorze ans. En troisième année. Il est mort. Oreste soupire dans son sommeil. Elle est l'aînée de la famille, maintenant. Elle va devoir veiller sur Reyna, sur Reda et sur Oreste. S'occuper d'eux. Leur servir de mère. C'est son rôle, désormais. D'un main, elle essuie ses larmes et va reposer Oreste dans son berceau, délicatement. Elle va s'occuper d'eux. Elle le promet à sa mère, elle le promet à Regulus. Et tout ira bien. Ils seront tous heureux. Elle le promet.

Une veillée funèbre est organisée le lendemain, mais peu de personnes viennent. Il y a beaucoup d'autres morts à pleurer, surtout dans les familles de Mangemorts. Et puis beaucoup d'autres personnes sont arrêtées, au fil des heures. Personne ne vient les chercher, ils ont déjà Rasaben. De toute manière, même s'ils venaient, cela ne changerait pas grand-chose. On pleure déjà. On pleure Ceres, on pleure Regulus. On pleure une mère, une fille, un enfant, un petit-fils. Sa grand-mère est digne dans le salon et sanglote dans la cuisine. Son grand-père a un verre de Whisky Pur-Feu à la main et ne quitte pas les glaçons des yeux, sauf quand il boit. Reyna et Reda sont prostrées dans un coin, les yeux rougis et leurs robes noires froissées. Oreste dort à l'étage, sous la surveillance d'un Elfe. Alors c'est Rosaleen qui prend les choses en main. Elle salue les gens, accepte leurs condoléances et sans savoir comment, arrive à ne pas pleurer. Elle s'occupe de tout, quand sa grand-mère se cacher les yeux dans les mains. On lui sourit, la remercie, lui dit qu'elle est ravissante, vraiment belle. Tu trouveras un bon mari qui aidera ta famille comme ça, ajoute-t-on. Et c'est ce genre de phrases qui la font réfléchir. Sans ses parents, qui va faire tourner l'entreprise de potions de la famille ? Qui va s'occuper d'eux ? Qui va payer la maison, les courses, les vêtements ! Elle est trop jeune, elle ne peut pas travailler ! Et elle ne peut même pas encore se marier. Mais elle se fait la promesse qu'un jour, elle épousera quelqu'un de riche, quelqu'un de gentil. Un garçon de son âge, un sang-pur, un héritier. Comme elle. Elle ne sait plus vraiment de quoi elle va hériter maintenant, mais elle sait qu'elle est une Lestrange, qu'elle a le sang-pur. Elle trouvera quelqu'un, qui s'occupera de leur famille, de Reyna, de Reda et d'Oreste. Ça aussi, elle le promet.

L'enterrement de Regulus et de sa mère se déroule sous le soleil de Chudley, trop loin de la maison à son goût. Il n'y a pas beaucoup de mondes, il y a d'autres enterrements en ce jour. Beaucoup de Rosier, quelques amies de sa mère, des amis de Regulus, dont certains vêtus à la moldus qui relèvent le menton devant les regards et quelques Lestrange. Rosaleen tient ses deux sœurs par la main, Oreste est dans les bras de sa grand-mère, elle-même collée à leur grand-père. C'est le deuxième enfant qu'ils enterrent. Rosaleen entend des chuchotement sur le sort de son père mais elle fait comme les gens vêtus à la moldue. Elle relève le menton et les ignore. Elle est une Lestrange. C'est ce qu'elle se répète depuis des jours, comme un mantra. Sa grand-mère détruit les journaux qui arrivent mais elle a réussi à en voler un exemplaire une fois. Le nom de tous les Mangemorts est traîné dans la boue, des noms qui furent si respectables auparavant. Carrow, Selwyn, Rowles, Malefoy, Crabbe, Goyle... Et bien évidemment, Lestrange. On parle de sa tante Bellatrix, dont elle apprend le décès avec un infime soulagement et une grande honte. Ses oncles Rabastan et Rodolphus sont à Azkaban avec son père, les procès sont programmés. On les traite de monstres, tout le monde affirme que tout est leur faute, qu'ils ne valent rien, qu'il faut tous les tuer. John Warlock, un sang-pur lui aussi, publie des tribunes enflammées pour empêcher le lynchage des familles des Mangemorts. Et cela la met en colère. Ils n'ont rien fait, eux ! On ne parle que de sa tante Bellatrix, de toutes les atrocités qu'elle a fait pendant la guerre. On rappelle qu'elle a torturé les Londubat avec le reste de la famille Lestrange. Le reste de la famille ? Elle n'était même pas née, son père n'y était pas ! On salue les gagnants, on honore Harry Potter, qui était encore trainé dans la boue le mois dernier ! Chaque jour, on publie un portrait de résistant et les noms défilent. Londubat. Finnigan. Brown. McMillan. Corner. Goldstein. Weasley, Weasley, Weasley. Patil. Tonks. Lupin. McGonagall. Et eux, ils ne sont que des monstres, les perdants. Il y a encore quelques semaines, ils étaient les gagnants. Et ils ne sont pas des monstres ! Son frère a combattu pour ses propres idées ! Il y avait des gens habillés comme de vulgaires moldus à son enterrement, des gens de l'école. Mais parce qu'il s'appelle Lestrange, c'est un monstre. Parce qu'elle s’appelle Lestrange, elle en est une aussi. Mais sa grand-mère la surprend avec le journal et entre dans une colère noire. Ce ne sont pas des choses pour elle. Elle doit se changer les idées.

Se changer les idées... La visite qu'elle rend à son père en Juin à Azkaban n'aide pas. Elle y va seule avec son grand-mère. Il y fait froid, humide, des gens hurlent et agrippent aux barreaux à leur passage. Son grand-père est très digne et garde une main sur son épaule, comme pour la protéger. Les détenus l'appellent "ma mignonne" et reconnaissent son grand-père en hurlant le nom des Rosier, en demandant pourquoi il est pas avec eux, lui, s'il a montré sa marque au Ministère. Mais il ne répond pas et marche toujours sans leur accorder un regard. Les gardiens les regardent froidement, prononcent le nom de Bellatrix Lestrange - qui s'est déjà échappée de la prison - et crachent sur le sol. Rosaleen baisse les yeux, honteuse. Elle n'a rien fait et pourtant, elle a honte d'être une Lestrange pour la première fois de sa vie. Et sûrement pas la dernière, elle le sait très bien. Son père est attaché magiquement et amaigri. Mais quand il la voit, un grand sourire illumine son visage et c'est comme si rien ne s'était passé. Comme s'ils n'étaient pas dans une prison crasseuse, sur une chaise rouillée, chacun assis d'un coté d'une table, elle dans sa jolie robe rouge et son serre-tête et lui, dans son uniforme de prisonnier. Son grand-père se tient en retrait mais elle sent son regard accusateur sur son père. Rasaben ne cesse de dire qu'il est désolé, tellement désolé, il tente de lui attraper la main mais il est entravé par la magie, alors il se met à pleurer en répétant toujours qu'il est désolé, pour tout et que tout est sa faute. Rosaleen est perdue, elle n'a jamais vu son père dans cet était et manque de pleurer aussi, paniquée, quand le poing de son grand-père s'abat violemment sur la table.

- Ça suffit maintenant, déclare t-il durement. Je t'interdis de faiblir ainsi devant ta fille. Sois un homme, bon sang !

Elle n'a jamais entendu son grand-père jurer mais cela semble être un choc pour son père. Il le regarde fixement durant de longues minutes avant de se tourner vers Rosaleen, les yeux encore un peu rouges.

- Le bébé... Comment il s'appelle ?
- Oreste, répond-t-elle d'une voix tremblante.

Elle s'attend à ce que son père se mette en colère. Ce n'est pas la tradition des Lestrange, cela aurait dû être un nom d'étoile en R. Surtout pour un garçon. Surtout pour le désormais unique héritier. Mais Rasaben sourit de manière mélancolique et pose sur elle un regard tendre.

- Electre et Oreste, hein ? Ta mère m'en avait parlé...

Elle a un coup au cœur en entendant parler de sa mère. Est-ce que son père sait, au moins ? Elle jette un regard vers son grand-père, mais il fixe Rasaben avec dureté.

- Père... Mère et Regulus...

Elle bredouille, les larmes lui montent aux yeux. Son père aussi. A défaut de pouvoir attraper sa main, il se penche un peu plus vers elle.

- Je sais, articule t-il avec difficulté, sa voix mourant dans sa gorge. Oh, Rosie, Rose, tout est ma faute. Je suis tellement désolé, je m'en veux tellement.
- Et qu'est-ce qui va se passer, maintenant ? bredouille-t-elle.
- Vos grand-parents vont s'occuper de vous, répond-t-il lentement en regardant son grand-père. Ils vont essayer de vendre l'entreprise avant le procès, pour éviter qu'elle revienne au Ministère. Cela fera un fond pour vous élever. C'est cela ?

Son grand-père hoche la tête sèchement.

- Et il va falloir être forte, d'accord ? Tu es la plus grande, maintenant. Tu vas devoir veiller sur Reyna et Reda, d'accord ? La famille va devoir être forte. Tu vas rentrer à Poudlard, Rosie, cela va être dur. On va te détester, parce que tu t’appelles Lestrange. Mais ne te laisse pas écraser, jure le moi Rosaleen. Ne les laisse pas gagner ce combat là non plus. Tu es une Lestrange et cela ne sera jamais une honte, d'accord ? Tu n'as rien à te reprocher, Rosie, ceux qui vont le faire seront idiots. Sois plus forte qu'eux. Et garde toujours la tête haute. Promets-le moi, d'accord ? Apprends cela à Reyna, à Reda... et à Oreste. Ne les laisse pas t'écraser. Ne les laisse pas gâcher ta vie, d'accord ? Promets-le moi.
- Je... Je vous le promets, Père.

Il lui sourit, tristement.

- Je t'aime, Rosaleen. Ne l'oublie pas non plus. Toi et tes sœurs, je vous aime. Plus que tout.

Les mois après cela s'écoulent lentement. Reyna et Reda semblent aller un peu mieux, elles recommencent à jouer à la poupée. Son père est jugé en juillet et est condamné à Azkaban à perpétuité, comme ses deux frères, ce qui ne surprend personne. L'entreprise n'a pas pu être vendue avant les procès et elle est récupérée par le Ministère, tout comme leur manoir et l'argent de leurs parents. Il ne leur reste plus rien. Ils emménagent au manoir Rosier, plus petit. Reyna et Reda partagent leur chambre, pour leur plus grand bonheur. En tant qu'ainée, Rosaleen en a une pour elle toute seule. Heureusement que Regulus est mort, songe-t-elle ironiquement. Il n'aurait pas eu de place sinon. Et contrairement à sa promesse, elle ne s'occupe pas de ses sœurs. Elle passe tout son temps enfermée dans sa chambre à penser à sa mère et à son frère. Elle imagine comment sont leurs corps dans le cercueil, si les vers les ont déjà attaqué... Elle se déteste de penser des choses comme ça, mais elle ne peut s'en empêcher. Tout l'attriste, rien ne l'enthousiasme. Ses sœurs l'agacent, elle ne supporte plus les pleurs d'Oreste, les humeurs de son grand-père, les ordres de sa grand-mère... Elle se demande pourquoi elle n'est pas morte elle non plus. Elle n'a que onze ans, mais Regulus était à peine plus âgé et il est mort. Elle n'a pas envie d'aller à Poudlard, elle n'a pas envie d'affronter les autres, les triomphants, les enfants de vainqueurs. Elle aimerait que tout soit comme avant et que rien ne soit jamais arrivé. En Août, sa grand-mère la traîne sur le Chemin de Traverse. Le hibou vient d'arriver. Poudlard est en partie reconstruite, du moins assez pour rouvrir à la rentrée. Tous les enfants de onze ans y sont attendus, ainsi que ceux de douze qui n'ont pas pu rentrer l'année précédente et tout ceux qui sont partis. Sur le Chemin, elle s'attendait à ce qu'on les montre du doigt, qu'on les dévisage. Mais personne ne fait attention à eux, on ne les reconnaît pas. Évidemment, Lestrange n'est pas gravé sur son front et elle est loin de ressembler à sa tante Bellatrix. Mais elle sait que ce répit est de courte durée, qu'elle sera obligée de dire son nom à Poudlard. Sa grand-mère, malgré leur budget réduit, lui offre un chat, qu'elle nomme Astrée. Comme les étoiles de sa famille. Avec la précédente guerre, la fortune des Rosier avait déjà pris un sacré coup. Mais s'ils doivent en plus élever quatre enfants alors qu'ils ne travaillent plus... Rosaleen se retrouve avec beaucoup d'affaires d'occasion, déjà un peu usées. Cela ne fait que lui plomber le moral encore plus. Avant le deux mai, lorsqu'elle s'imaginait sa rentrée à Poudlard, c'était avec des affaires de grande qualité, comme ses parents le lui promettaient. Et elle possédait désormais des livres écornés. La seule richesse qu'il leur restait encore était le manoir Rosier et une Elfe de maison.

La rentrée à Poudlard fut le deux septembre 1998. Angoissée, attristée et anxieuse, Rosaleen dit au revoir à ses petites sœurs en leur promettant d'écrire tous les jours, à ses grands-parents à un bébé Oreste à qui elle laissa une écharpe qu'elle avait portée, pour qu'il ne l'oublie pas. Les larmes aux yeux, elle monta dans le train. Elle n'avait pas pu dire au revoir à son frère la dernière fois qu'il était reparti à l'école, les adieux sur le quai ne se faisaient pas trop dans la haute société. Cette fois-ci, c'était exceptionnel. Le train était plein, il y avait de nombreux cris de joie et des élèves qui se tombaient dans les bras. Mais des pleurs, également, pour ceux qui ne reviendraient jamais. Rosaleen se glissa dans un comportement vide, sa chatte avec elle et un livre de mythologie pour passer le temps. Quelques minutes après, deux filles aussi jeunes qu'elles demandèrent la permission de s'installer, en souriant gentiment. Elles furent bientôt rejointes par un garçon brun immense, mais qui n'avait que douze ans selon ce qu'il leur déclara. Les deux filles se présentèrent, Maggie Wallace et Kate Lang. Le garçon se nommait quant à lui Harry Criss. Comme Harry Potter ! précisa-t-il avec fierté, ce qui mit Rosaleen immédiatement mal à l'aise. Elle n'aimait pas Harry Potter. Tout ce qui était arrivé était de sa faute. Lui et tous les autres résistants. Mais Maggie s'enthousiasmait déjà car il allait être à Poudlard et qu'elles pourraient le rencontrer et lui demander un autographe. Au bout d'une bonne heure de conversation, Kate finit par se tourner vers elle en faisant remarquer qu'elle ne s'était pas présentée. Le cœur de Rosaleen manqua un battement. Maggie était une fille de sorciers, elle allait connaître le nom des Lestrange et ils allaient se mettre en colère.

- Oh, euh, je... Rose. Rosaleen.

Ce n'était pas un mensonge. Kate, Maggie et Harry s'en satisfirent et Rosaleen en fut soulagée. C'était quelques heures de répit jusqu'au moment où tout le monde apprendrait qu'elle était la nièce de Bellatrix Lestrange et qu'on la détesterait, parce qu'elle était une fille de Mangemort. Elle espérait seulement qu'elle n'était pas la seule d'entre eux à rentrer cette année pour ne pas subir toutes les foudres. Si seulement Regulus avait été encore là ! Il aurait pu la protéger. Mais il était parti. Et elle allait devoir se défendre seule. Le quai était rempli et Rosaleen perdit rapidement Maggie, Kate et Harry dans la foule. Elle entendait bien qu'on appelait les première années, mais il y avait tellement de grands autour, qui ne cessaient de lui rentrer dedans. Un peu paniquée à l'idée que tous les premières années partent sans elle, elle sentit un sanglot lui étreindre la gorge et elle tenta désespérément de courir vers la source de la voix mais ne réussit qu'à rentrer violemment dans une fille plus âgée, aux couleurs de Gryffondor. Celle-ci fronça d'abord les sourcils avant de s'apaiser en voyant sa mine paniquée.

- Ils.. Ils vont partir sans moi ! hoqueta Rose, sans le vouloir.

La fille rit doucement avant de lui poser une main sur l'épaule.

- Mais non ! répondit-elle. Viens, je vais t'emmener aux barques. Tu peux me récupérer Peanut s'il te plaît, Jensen ? interrogea-t-elle en se tournant vers un garçon qui était derrière elle.

Ce dernier hocha la tête en jetant un coup d’œil intrigué à Rosaleen tandis que la fille de Gryffondor l'entrainait à travers la foule. Elle salua quelques élèves d'un geste de la main enjouée et répondit en riant à un "De retour parmi nous, Charlie ?". Après quelques minutes, les deux filles se retrouvèrent devant un immense géant et Rose se demanda sérieusement comment elle avait fait pour ne pas le voir avant.

- Ah, voilà donc la petite retardataire ! Merci Charlotte, lança le géant de sa grosse voix. Je suis content de voir que tu es aussi de retour parmi nous ! Les Carrow ne nous auront pas vidé l'école au moins !
- De rien, Professeur Hagrid !

Elle adressa un dernier sourire à Rosaleen avant d'être entrainée par une autre fille blonde aux couleurs de Gryffondor qui l'attrapa par le bras.

- On va rater la calèche dans laquelle Jensen est monté ! Hé, Warlock, retiens la porte !

Les deux filles disparurent dans la foule tandis que Rosaleen retenait le nom de Warlock. John Warlock s'était opposé au lynchage des familles de Mangemorts. Sans savoir pourquoi, elle se sentit rassurée d'entendre ce nom. Le Professeur Hagrid la poussa dans une barque où il y avait déjà plusieurs garçons, dont l'un au teint très vert. Dans l'ensemble, tout se passa bien jusqu'à la Répartition. Le château était magnifique et personne ne lui sauta dessus en maudissant son nom de famille. Les première années étaient très nombreux, car il y avait plein de nés-moldus qui n'avaient pas pu rentrer l'année précédente, avec le régime des Carrow. Rose ne pouvait s'empêcher de se demander si comme son frère, elle finirait par les trouver sympas. En attendant, ce fut un professeur qui se présenta sous le nom de Adamson qui les accueilli et fit son discours sur les maisons. Le nom lui rappela tout de suite toutes les familles de Sang-Pur qu'elle avait appris avec Maître Demetrius. Elle était persuadée que des gens comme ça la protégerait et elle apprécia tout de suite le professeur Adamson. Mais tout se compliqua au moment où son nom fut appelé. Des murmures retentirent dans toute la salle, résonnant distinctement à ses oreilles, la faisant rougir aussitôt. Mais elle suivit les consignes de son père. Elle ne se laisserait pas abattre. Elle releva le menton et se dirigea vers le Choixpeau. Bellatrix Lestrange, Mangemort, Torture, Londubat, Payer ça, Serpentard... Tout cela résonnait bien trop fort et elle fut ravie de voir que le Choixpeau lui tombait sur les yeux. Elle eut juste le temps de croiser le regard dur de Neville Londubat, qu'elle avait vu dans la Gazette du Sorcier. Évidemment. Sa tante avait torturé ses parents jusqu'à la folie, il devait la haïr. Et si elle était haïe par l'un des meneurs de la Résistance, elle n'avait plus aucune chance, elle le savait. C'en était fini d'elle.

Mais quel défaitisme pour un si jeune esprit ! Et pourtant, de la combativité, j'en vois dans ton esprit. Mais Gryffondor n'est pas une maison pour toi. Pas Serdaigle non plus, malgré ton amour de la lecture. Serpentard ? Hum... Tu es une petite demoiselle ambitieuse oui, tu veux le meilleur pour ta famille et tu veux faire respecter ton nom, je comprends, je comprends... Mais tu es loin d'être prête à tout pour cela ! Et ce n'est pas forcément un défaut, crois-moi ! Travailleuse, gentille, loyale, patiente, je ne vois pas pourquoi je n'y ai pas pensé avant ! POUFSOUFFLE !

Le mot résonna dans la Grande Salle tandis que le Professeur Adamson lui retirait le Choixpeau des yeux. Il y eut d'abord un grand silence puis quelques applaudissement timides qui furent ensuite ensuite repris par toute la table des Poufsouffle, un peu mollement par rapport aux autres répartis, il fallait l'avouer. Rosissante, Rose rejoignit sa table et s'assit au bout du banc. Ses nouveaux camarades la dévisagèrent avec curiosité. Peut-être que le fait d'avoir été répartie chez les gentils Poufsouffle l'aiderait à se démarquer de sa tante Bellatrix ? Peut-être qu'ils seraient plus gentils avec elle ? Un garçon qui devait avoir quinze ans se pencha vers elle, un air méchant sur le visage. Qu'est-ce que ça fait d'être la fille d'une meurtrière ? persifla-t-il. Rose eut l'impression de se prendre une gifle et elle sentit ses mains qui tremblaient. Quelques Poufsouffle jetèrent un regard désapprobateur au jeune qui venait de parler, mais il s'en fichait.

- Tais-toi ! s'exclama un jeune garçon assis pas très loin. C'est super méchant ce que tu dis !
- Ah ouais, Mark ? ricana celui qu'elle appelait déjà le méchant. Elle est pas méchante sa mère ? Vas dire ça à Londubat !
- Je ne suis pas la fille de Bellatrix Lestrange ! s'exclama-t-elle plus fort qu'elle ne l'aurait voulu.

Tandis qu'une autre élève était envoyée à leur table, les Poufsoufle étaient trop occupés à commenter cette affirmation pour applaudir.

- Et bien ? lança la nouvelle répartie en se plantant devant leur table, les mains sur les hanches. J'ai pas le droit à la standing-ovation, moi ?


Des rires retentirent dans la Grande Salle tandis les Poufsouffle applaudissaient avec un temps de retard, surpris et amusés. La fille, qui avaient des cheveux roux éclatants, s'assit en face d'elle et lui tendit la main.

- On va être dans le même dortoir, visiblement ! Je m’appelle Aisling McNamara, enchantée !
-C'est une fille de Mangemort, fais gaffe ! reprit le méchant.

Aisling haussa les épaules, un sourire au coin sur le visage.

- Je préfère croquer la vie à pleine dents, perso, mais chacun son truc ! Ça se dit, Mangevie ?

Rosaleen ne peut s'empêcher de la regarder avec des yeux ronds. Mais d'où est-ce qu'elle sortait, cette fille ?

On ne l'embête pas plus de tout le dîner, tous les élèves retournant à leur repas et à leurs conversations même si elle sent encore des regards sur elle. Maggie est allée à Serpentard, Kate et Harry à Serdaigle. Ainsi, on pense qu'elle est la fille de Bellatrix Lestrange ? Cela n'a pas de sens, sa tante n'a même pas d'enfants ! Mais si le garçon méchant a pensé cela, c'est qu'il n'est sûrement pas le seul. Et cela risque d'être encore plus pénalisant qu'elle ne le pensait. Sa tante a parfois agi comme un monstre. Et elle ne veut pas être la fille d'un monstre. Il y a treize autres Poufsouffle avec elle, et presque autant dans les autres maisons. Mais étonnamment,t dans sa nouvelle maison, il n'y a que quatre garçons, qui semblent un peu perdus au milieu de toutes ces demoiselles. C'est Aisling qui engage la conversation et fait parler tout le monde. Elle-même révèle qu'elle est née-moldue et qu'elle aurait dû rentrer l'année précédente selon sa lettre mais bon, à ce qui paraît, il y avait des histoires. A ce moment-là, plusieurs regards se tournent vers elle et Rose baisse la tête. Aisling le remarque et fronce les sourcils.

- Mais laissez la tranquille à la fin ! C'est quoi votre problème ?

C'est une troisième année qui se charge de tout raconter, l'idéologie du Seigneur des Ténèbres, Harry Potter, les Mangemorts, les massacres, les Carrow, les tortures, la bataille, les morts. Plus elle raconte, plus Rose se voûte sur sa chaise, oubliant toutes ses règles de maintien. A la fin du récit, les regards sont carrément hostiles et tous les nés-moldus de première année n'en reviennent pas et demande des précisions. Rosaleen sent les larmes lui monter aux yeux, elle aimerait s'enfuir d'ici, rentrer chez elle, avec ses grands-parents et ses sœurs. Et Oreste. Mais elle relève brusquement la tête quand elle entend Aisling prendre la parole d'un ton ferme et décidé.

- Ce n'est pas sa faute. Elle n'a rien fait. Alors lâchez lui la grappe !

Elle ne sait pas ce que veut dire "lâchez la grappe", mais elle comprend très bien qu'on est en train de prendre sa défense. Aisling a les bras croisés sur sa poitrine et semble défier du regard tous les Poufsouffle présents.

- J'aime pas les jugements hâtifs ni les injustices, déclare-t-elle. Et là, vous faîtes les deux. J'croyais que c'était la maison de la tolérance et du sens de la justice, ici. C'est ce qu'on m'a dit dans le train. Alors hop ! Justice et tolérance, mes amis !

Aisling est une vraie Poufsouffle. Et elle ne dément jamais ses principes. Sans que Rosaleen demande quoi que ce soit, elle la prend sous son aile dès le premier soir. Dans le dortoir, elles prennent des lits côte à côte dans un grand dortoir qui vient d'être agrandi par le professeur Harris, le professeur de sortilège qui s'empresse d'aller faire subir le même sort aux autres dortoirs des autres maisons. Les première année sont plus que nombreux cette année. Aisling fait d'ailleurs remarquer qu'avec dix filles, cela risque d'être amusant pour la salle de bain. Ce qui fait rire tout le monde. Sauf Rosaleen.

Les premiers jours se révèlent plus que difficiles. On lui lance des remarques dans les couloirs, des regards dans la Salle Commune, les autres première année lui parlent peu. Même certains professeurs sont plus secs avec elle. Son seul contentement est de savoir que la plupart des résistants sont partis, n'étant présents que pour le festin de début d'année après avoir passé leurs ASPICs avant la rentrée. Elle n'aurait pas voulu croiser Neville Londubat au détour de chaque couloir. Harry Potter et Ginny Weasley lui semblent déjà bien suffisants. Malgré cela, les cours sont un vrai plaisir. Elle y arrive, parfois mieux que les autres et tombe littéralement amoureuse de la métamorphose. Elle imagine tout ce qu'elle pourrait métamorphoser dans sa vie si elle était douée, si elle savait faire plus de chose avec la magie. Le professeur Duke est sévère et stricte, pire que le Professeur Harris mais elle lui adresse toujours une sorte de sourire pincé quand elle réussit ses exercices du premier coup. Cela rend des gens jaloux et on lui colle l'étiquette de "chouchoute" en plus de toutes celles qu'elle traîne déjà. Heureusement, Aisling est là. Cette dernière est rapidement devenue très appréciée de sa maison et de son année, ne serait-ce qu'à cause de son sens de l'humour ou de sa bonne humeur perpétuelle. Elle montre les dents chaque fois qu'on s'en prend à Rosaleen et lui parle tous les jours, même si elle s'est déjà fait plein d'autres amies. Rose, quant à elle, ne sait pas comment réagir face à cette présence. Elle n'a pas l'entrain d'Aisling, elle préfère travailler et lire et a du mal à suivre son rythme effréné. Et puis c'est une née-moldus, même si elle est gentille, et on lui a toujours appris qu'il ne fallait pas fréquenter des nés-moldus. Mais son frère avait raison, certains sont vraiment sympas et ne ressemblent pas du tout aux monstre, décrits par Maître Demetrius dans ses cours. Au contraire, ils sont tout à fait normaux. Elle ne veut pas repousser Aisling, elle se sentirait ingrate et puis elle aime bien sa présence. Et elle la protège. Alors elle laisse faire, elles parlent de temps en temps, sincèrement. Aisling sait écouter et quand elle sent qu'on passe sur un sujet trop sensible, comme les parents, elle se remet à parler, de son habituel ton enjoué et avec ses sourires rieurs. Mais la présence de ce qu'elle peut considérer comme sa seule amie à Poudlard n'empêche pas qu'on tente de lui faire du mal, de se venger des actes de sa famille. Les blessures de la guerre sont trop présentes, trop vives, les rancœurs sont là, la colère est encore ardente. On vole ses affaires, on lui abîme ou on lui détruit, ces fameuses affaires qui coûtent si chères malgré le fait qu'elles soient d'occasion. Et Rose pleure en écrivant à sa grand-mère, honteuse et malheureuse d'en réclamer de nouvelles. Elle n'ose pas dire que ce n'est pas sa faute, elle ne veut pas montrer qu'elle est faible, qu'elle ne défend pas le nom des Lestrange. Mais sa grand-mère semble le deviner toute seule et tente de la consoler. Au fil des mois, les Poufsouffle s'habituent à sa présence. Ils semblent comprendre qu'elle ne va pas tous les assassiner et l'ambiance lui semble moins pesante dans la Salle Commune. A part les victimes de la guerre, à part ceux qui ont perdu des proches ou des amis, on la traite poliment, la préfète de septième année lui sourit même à chaque fois qu'elle la voit. Rosaleen apprécie ce léger changement et fait tout pour qu'il perdure en redoublant de gentillesse. Elle qui était déjà serviable et humble, pour ne pas dire écrasée, redouble d'efforts. Cela paye un peu, elle commence à être intégrée dans les conversations de son dortoir. Ironiquement, elle parle plus aux nées-moldus qu'aux autres filles, qui ont été élevée dans la haine du nom des Mangemorts.

Mais si les relations dans sa maison s'apaisent, ce n'est pas le cas du reste de l'école et elle se surprend souvent à penser que si elle avait été répartie à Serpentard, on l'aurait presque abattue dès le début. Le point culminant de la situation est en décembre, quand elle se fait prendre à parti par des élèves de cinquième et de sixième année de Serdaigle et Gryffondor. Quelques Serpentard et Poufsouffle passent et semblent hésiter à l'aider mais ils savent que cela finirait par retomber sur eux après. Alors ils lui lancent un regard désolé et continuent leur chemin. Des baguettes sont dégainées, on marmonne qu'on va lui faire payer tout ce qu'elle a fait. Elle tente de dire qu'elle n'a rien fait, qu'elle a passé la guerre enfermée chez elle, que sa mère ne porte même pas la marque, qu'elle n'était pas née quand les Londubat ont été torturés mais rien n'y fait. Les mots restent bloqués dans sa gorge et elle se retrouve acculée contre le mur, son sac à dos en guise de protection. Même ses quelques capacités en métamorphose ne lui servent à rien dans ces moments-là. Elle ferme les yeux et prie quelqu'un, Morgane, Merlin, sa mère ou son frère.

- Sept contre une gamine de première année ? Quel courage, je suis impressionnée ! lance une voix narquoise.

Rosaleen rouvre les yeux pour apercevoir trois Gryffondor, dont les deux filles qu'elle avait vu au début d'année. Elles sont accompagnées d'un garçon qui regarde ses agresseurs d'un air contrarié.

- Son frère, lance-t-elle en regardant Rose, s'est opposé aux Carrow tout comme certains d'entre vous, même s'il n'était pas dans l'AD. Il m'a sauvé la mise lors de l'affaire des tags de la Salle Commune de Serpentard et il est mort dans la Bataille, tout comme Colin Crivey, de notre coté. Et vous martyrisez sa sœur, une gamine ? C'est pitoyable.

Un des garçons de Gryffondor fronçe les sourcils.

- C'était une exception, Lilly. Elle...
- Tu ne la connais pas ! s'emporte la dénommée Lilly. Alors fous lui la paix !
- Lilly, intervient le garçon arrivé avec elle. Du calme.
- Non ! On s'est battu contre le régime des Carrow, on s'est battu contre ceux qui s'en prenaient aux jeunes à cause de leur sang et voilà que vous recommencez ! C'est de la pure bêtise !
- On ne s'en prend pas à elle parce qu'elle est Sang-Pure ! On s'en prend à elle parce qu'elle...
- Elle n'a rien fait, bande d'abrutis ! s'exclame Lilly en dégainant sa baguette.

Apeurée, Rosaleen se recroqueville sur elle-même. Les autres garçons ont également sortis leur baguette, sûrement dans un vieux réflexe de guerre. Le garçon qui avait tenté de calmer Lilly a fait un pas en avant, tandis que la fille qui les accompagnait aussi pointe sa baguette sur celui qui parlait auparavant.

- Je pense qu'il va falloir se calmer un peu, lance-t-elle en fusillant Lilly du regard. Rengaine, McCormac, on sait tous que je t'ai écrasé au club de duel. Et pas qu'une fois.
- A sept contre trois, tu penses que c'est la même chose, Meyer ?
- Je ne sais pas. Tu veux qu'on teste ? réplique la fille en levant sa baguette un peu plus haut.
- Charlie, intervint une nouvelle fois le garçon, c'est pas raisonnable. On va pas se battre et se faire coller pour une Lestrange, non ?

Rosaleen n'attend pas la réponse. Profitant du fait que ses agresseurs lui tournent le dos, elle décampe à toutes jambes et dévale les escaliers pour courir sans s'arrêter vers sa Salle Commune, le cœur battant et des larmes coulant sur ses joues. Elle veut rentrer chez elle.

Son souhait est réalisé avec les vacances de Noël. Passer du temps à la maison lui fait un bien fou, entourée de gens qui l'aiment et qui ne lui veulent pas de mal. Elle est surprise de voir qu'Oreste grandit si vite mais ravie de voir qu'il semble se rappeler un peu d'elle. Sa grand-mère lui révèle qu'elle a fait de son foulard une toge pour son doudou et qu'elle lui lit ses lettres en montrant une photo d'elle, prise en janvier dernier. Son grand-père semble aller un peu mieux, ses sœurs aussi. Elle les envie un peu, ils peuvent faire leur deuil et se reconstruire tranquillement, tandis qu'elle est coincée à Poudlard. Le jour de Noël, elle reçoit un hibou d'Aisling, avec un petit cadeau, un bracelet en tissu. Ce n'est rien, cela n'a aucune valeur, mais l'intention la touche et elle regrette instantanément de ne pas avoir pensé à lui offrir quelque chose en retour. Elle ne porte pas le bracelet devant ses grands-parents, pour ne pas avoir à leur mentir sur l'expéditrice mais le cache soigneusement sous sa manche quand elle va à Azkaban voir son père. Il semble ravi de la voir mais son regard est lointain, distant. Il dit qu'il regrette de ne jamais avoir vu Oreste, qui est quand même son fils. Mais sa grand-mère refuse d'amener un bébé en prison, alors il doit se contenter de photographie. Il est aussi satisfait de sa Répartition à Poufsouffle mais affirme qu'il n'a jamais reçu les lettres qu'elle lui envoyait directement, uniquement celles qui passaient par ses grands-parents. On me retire même le plaisir de suivre la scolarité de ma fille, annonce-t-il sombrement. C'est aussi pendant ces vacances que Rosaleen rencontre les Nott, Mrs Nott et ses deux enfants, Théo et Artémis. Monsieur Nott a été emprisonné en même temps que son propre père et leur fils aîné, Théo, rentre à Poudlard l'année suivante. Rosaleen ne peut s'empêcher d'être malheureuse pour lui en sachant ce qui l'attend. En sachant ce qui attend tous les gens qui ont le malheur de porter un nom de Mangemorts.

Le reste de l'année s'écoule comme le début, sans accident vraiment notable à part la fois où son chat se retrouve affublé d'un collier "Je suis un chat de Mangemort, attention, je mords". Elle réussit ses examens avec brio, surtout en métamorphose. Le fait d'avoir passé presque tout son temps le nez dans un livre doit aussi sûrement aider. Elle ne décroche que d'excellentes notes, dans toutes les matières, ce qui ravit ses grands-parents. Comme ça, disent-ils, tu pourras faire des études en attendant de trouver un bon mari. On apprécie toujours les femmes intelligentes. Et en plus, rajoute sa grand-mère, tu es une fille vraiment très jolie. Tu n'auras aucun mal à trouver un mari. Aisling est outrée quand elle lit ces mots par dessus son épaule. Une femme ne dépend pas d'un homme ! qu'elle s'exclame. Mais Rosaleen sait qu'elle ne pourra pas comprendre. Dans la haute société, les mariages sont quelque chose de très important. Ce sont des familles qui s'associent, des biens qui peuvent transvaser grâce aux héritages. Cela permet également de préserver le sang-pur et d'épouser quelqu'un de son rang, avec une bonne éducation. Et cela sauverait la famille Lestrange. Ils ont beau être de Sang-Pur, ils ne sont plus invités aux réceptions mondaines, cela ferait trop scandale. Cela s'apaisera dans quelques années, affirme sa grand-mère, et à ce moment-là, Rosaleen sera présentée en société. Regarde toi, ajoute-t-elle en lui relevant le menton devant le miroir de sa coiffeuse pendant l'été. Tu es belle, affirme-t-elle. Les hommes se damneront pour t'épouser, tu pourras séduire les meilleurs partis. Tant qu'il vient d'une grande famille et qu'il est fortuné. Cela sauvera la famille, oui. Ils seront de nouveau associés à un nom vénérable et elle aura de quoi subvenir aux besoins de ses sœurs et de son frère. Elle ne sera pas assez vieille pour aider ses sœurs à leur rentrée à Poudlard, qu'elles aient de belles affaires, mais elle pourra aider Oreste, c'est sûr. Lui assurer un avenir, pour qu'il sauvegarde la famille Lestrange à son tour. Il lui suffit juste de trouver un bon mari pour résoudre leurs problèmes d'argent et de nom. Elle a le sang, l'éducation. La beauté. Il n'y a pas de raison qu'elle n'y arrive pas. C'est son rôle, c'est de cette manière qu'elle aidera les Lestrange, comme de nombreuses femmes avant elle. C'est le rôle d'une Sang-Pure. Elle doit s'y préparer. Et s'y résigner.

Elle rentre en deuxième année avec un meilleur état d'esprit qu'à la dernière rentrée. D'abord parce que son cœur s'est apaisé vis à vis de la mort de sa mère et de son frère et aussi parce qu'elle espère que les gens seront plus gentils avec elle maintenant qu'ils se sont habitués à sa présence. Et pour une fois, elle n'espère pas en vain. Aisling l'invite dans son compartiment rempli de première année de Poufsouffle et de Gryffondor et on est gentil avec elle. Une fille de Gryffondor lui demande même si ses vacances se sont bien passées. Comblée par cette attention, Rosaleen passe un excellent voyage et distribue même à tout le monde les Chocogrenouilles offertes par sa grand-mère pour le voyage. Pour la première fois de sa scolarité, elle se sent un peu intégrée. Et c'est un sentiment délicieux. Mais elle se rend vite compte que si on se désintéresse en partie d'elle, c'est pour mieux concentrer des foudres sur le nouvel enfant de Mangemort tout juste réparti à Poufsouffle, comme elle. On a identifié qu'elle n'était pas dangeureuse, ne s'en prenait pas aux nés-moldus et était même plutôt gentille. Alors on s'en prend à Théo Nott. Une fille de son dortoir lui conseille de ne pas s'en mêler, en précisant que cela risque de lui retomber dessus, qu'on dira qu'elle veut pactiser avec les autres enfants de Mangemorts. Mais si elle n'ose pas intervenir quand on s'en prend directement à lui, elle reste tout de même sympathique avec lui malgré ce qu'en pensent les gens. Quand on lui en fait la remarque, elle retrouve un peu d'aplomb pour la première fois depuis le décès de Regulus et de sa mère.

- Je suis une Poufsouffle, réplique-t-elle en relevant le menton. La maison de la sympathie et de la loyauté. Il est normal que je sois gentille avec mes camarades de classe. Ce n'est pas un principe que tu appliques, toi ? interroge-t-elle, méprisante.

Elle s'en veut d'avoir été méchante, mais Aisling affirme qu'elle a bien fait, qu'il ne faut pas se laisser faire. Je suis fière de toi ! ajoute-t-elle en riant. Et Rosaleen se sent flattée. Elle n'a pas parlé à ses grands-parents d'Aisling, elle sait qu'ils ne réagiront pas bien. Son grand-père était un Mangemort, lors de la première guerre, peut-être aussi lors de la deuxième, mais il était beaucoup plus âgé. Ils sont anti-moldus, elle le sait, tout comme son père. Et elle devrait l'être. Les moldus et leurs machines de guerre lui font peur, mais elle n'arrive pas à haïr les nés-moldus, ils ont été plus sympas avec elle que les enfants de sorciers. Aisling est la seule personne qui se rapproche d'une amie pour elle et elle l'a toujours protégée. Son frère avait raison, c'était différent à Poudlard. Et sa mère lui a fait promettre de se faire sa propre opinion. Alors Rose s'était fait la sienne : elle n'avait rien contre les enfants de moldus. Pour les moldus, elle ne savait pas vraiment, elle en avait peur. Mais s'ils avaient des enfants gentils, c'est qu'ils ne devaient pas être des monstres, non ? Aisling l'avait même invitée chez elle pendant les vacances, mais elle avait refusé, en précisant que ses grands-parents ne voudraient jamais. Elle n'avait pas précisé pourquoi ils ne voudraient jamais. Mais elle se disait que si tout le monde restait dans son monde, bien en sécurité, et que personne ne cherchait à nuire à l'autre espèce, alors tout irait bien, non ? Du moins, elle le pensait. Et le gardait pour elle, comme son frère en son temps. Elle n'osait même pas en parler avec Reyna, qui était bien trop jeune pour cela, bien trop immature. Mais elle commençait à comprendre le cheminement de pensées de son frère. Il avait dû supplier le Choixpeau pour aller à Serpentard, c'était un Gryffondor dans l'âme. Il avait dû fréquenter des nés-moldus, les apprécier, peut-être même s'en faire des amis. Et avait compris que les idées de Maître Demetrius et de leur famille n'étaient pas forcément bonnes, il avait pensé par lui-même, loin de son éducation, comme lui avait demandé sa mère. Il avait été outré par le régime des Carrow et avait combattu contre, comme elle l'avait appris par la bouche de cette fille de Gryffondor. Et il avait été tué. Par un Mangemort, peut-être, qui avait voulu abattre un opposant, un traitre à son sang. Ou par un résistant, qui n'avait vu là qu'un Lestrange, un futur Mangemort, un monstre. Mais quoi qu'il en soit, son frère était mort en héros. Son frère était un héros. Et tant pis si peu de personnes le savaient. Elle, elle était au courant et c'était l'essentiel. Plus tard, elle l'apprendrait à Reyna, Reda et Oreste. Pour qu'ils sachent qui était vraiment Regulus.

Ses compétences en métamorphose se confirment lors de sa deuxième année et elle devient la meilleure de sa promotion dans cette matière, sans contestation possible. Le Professeur Duke affirme qu'elle pourra faire de grandes études en métamorphose si elle continue comme cela. Elle se débrouille également bien dans les autres matières, avec une petite faiblesse en potions. Elle s'illustre également en Botanique et en Histoire de la Magie. Elle trouve un équilibre parmi sa maison, ce qui lui redonne un peu confiance en elle et lui permet de mieux gérer le regard des autres. Elle relève un peu plus le menton dans les couloirs et cesse de longer les murs en espérant que personne ne la remarque. Elle fuit toujours les conflits potentiels et ne répond pas aux remarques mais le fait de se répéter qu'elle n'a rien fait, que toutes les remarques sont injustifiées... Cela lui fait du bien, au moral et dans son estime de soi. Et elle a bien besoin de ce moral quand elle va voir son père à Azkaban pendant les vacances. Il est de plus en plus maigre, de plus en plus distant, comme si son esprit disparaissait peu à peu. Il n'y a pourtant plus de Détraqueurs ! s'exclame-t-elle en sortant en larmes des visites. Alors pourquoi ? Son grand-père lui répond que la prison change un homme et que son père n'a jamais été quelqu'un de très fort. Elle le déteste, de dire cela. Elle déteste l'entendre dénigrer son père. Et elle déteste aussi ce dernier pour ce qu'il devient, pour ce qu'il était, pour être en prison si loin d'eux, si loin de ses enfants, de Reyna et Reda qui ont tellement grandi depuis l'été 1997, d'Oreste qu'il n'a même jamais vu. Oreste qui grandit tellement vite, qui a déjà deux ans, qui fait ses premiers pas, qui babille déjà. Elle se rappelle le si petit bébé qu'elle était allé voir pendant la nuit, le si petit bébé qui n'en n'est plus un désormais. Elle a promis à sa mère de s'en occuper, elle s'est fait la promesse d'être une mère pour eux et voilà qu'elle ne les voit que tous les trois mois. Elle s'en veut pour cela et personne ne semble le remarquer. Ce sont ses grands-parents qui les élève et personne ne semble se soucier de la dernière volonté de leur mère, qui a rappelé qu'Electre s'occupait d'Oreste toute sa vie. Quand elle donne des conseils d'éducation, sa grand-mère se fâche et affirme qu'elle n'a pas à se soucier de ça et Rose serre les dents pour ne pas répondre. Bien sûr qu'elle doit se soucier de cela, ce sont ses sœurs et son frère ! Surtout qu'elle n'aime pas ce qu'ils apprennent, elle n'aime pas ce que ses grands-parents enseignent. Ils sont presque pire que Maître Demetrius dans leur leçons sur les moldus et elle doit serrer les poings. Parce qu'elle a vu des nés-moldus, des vrais, et qu'ils ne sont pas des monstres. Et puis parce qu'elle sait que si Reyna et Reda arrivent à l'école avec ce genre d'idées, elles se feront rejeter encore plus qu'elles ne le seront d'office, à cause de leur nom. Elles devront se faire leur propre opinion. Elle tente de leur dire, un soir, en leur brossant les cheveux comme l'avait fait sa mère avec elle, mais Reda ne comprend pas et ne promet pas, contrairement à elle, et Reyna lui jette un regard méprisant dans le miroir. Elle n'a que huit ans mais visiblement, elle prend les leçons de maintien de sa grand-mère très au sérieux.

- Ne te leurre pas, Rose. Tu es peut-être tombée sur des Sang-de-Bourbe sympathiques mais ce sont des êtres fourbes et vils qui n'attendent qu'une seule chose : te poignarder dans le dos. Ne te fais pas avoir, sœurette.

Rosaleen a le souffle coupé. Et ce soir de mars, à la lumière du chandelier, dans le reflet du miroir, elle trouve soudainement que Reyna ressemble à leur tante Bellatrix, avec ses épais cheveux bruns et son air hautain sur le visage. Et sans qu'elle sache pourquoi, cela lui fait peur. Elle a beau se dire qu'elle ne fait que répéter les opinions de ses grands-parents, qu'elle ne sait pas ce qu'elle dit et qu'elle pensera par elle-même plus tard, comme Regulus et elle, cela lui fait peur. Car si Reyna continue dans cette voie, elle aura des problèmes à Poudlard. Et aussi parce qu'elle a une influence immense sur Reda, qui boit les paroles de son aînée comme du jus de citrouille. Et sur Oreste. Rose est persuadée qu'il se nomme comme cela parce que sa mère n'a pas voulu poursuivre la tradition des Lestrange, pas uniquement pour la symbolique d'Electre et Oreste. Elle n'a pas fait d'Oreste un héritier Lestrange au sens propre et Rose n'arrive toujours pas à identifier pourquoi. Sa mère était une Rosier, son frère Evan était un Mangemort. Son père porte également la marque, sa mère a des idées très affirmées sur la pureté du sang. Et son époux était un Mangemort, elle le soutenait quand il leur expliquait à quel point le sang était important, à quel point ils étaient supérieurs aux moldus. Mais d'un autre coté, elle disait à ses deux aînés de penser par eux-même, en dehors de leur éducation, elle n'a pas grondé Regulus quand il a affirmé à Maître Demetrius que des nés-moldus de son année étaient sympas et elle a renvoyé leur précepteur quand leur père a disparu, durant l'année des Ténèbres. Elle disait que la guerre était mal, qu'elle avait perdu un frère. Elles, ses filles, ne voulaient pas perdre Regulus, n'est-ce pas ? Finalement, ils étaient partis tous les deux. Elle n'avait pas eu à souffrir d'avoir perdu son fils aîné, son premier enfant. Mais sa position restait ambigüe. Peut-être qu'elles avaient la même, au fond. Chacun chez soi et tout sera bien. Elle avait dû réfléchir, elle aussi, sûrement à la mort d'Evan, cet oncle qu'ils n'avaient jamais connu. Quelque jours après cette discussion avec sa sœur, ses grands-parents la convoquent dans le salon, un soir, tard. Ils crient, s'emportent, hurlent qu'elle veut corrompre Reyna et Reda, qu'elle devrait avoir honte de tenir ce genre de discours, mais que dirait son père s'il était là, qu'elle est la honte de la famille, qu'elle renie son héritage, son passé, son éducation, qu'elle n'est qu'une ingrate et qu'il va falloir changer de mentalité, reprendre son éducation en main. Et Rosaleen encaisse, sans rien dire, sans protester. Elle a les yeux posés sur Reyna, assise dans les marches de l'escalier, qui la fixe avec un sourire mauvais aux lèvres.

Cet évènement la marque plus qu'elle ne le pense et elle s'en rend compte en rentrant à Poudlard, quand un Serpentard la bouscule volontairement dans un couloir. Son sac glisse de son épaule et elle se retourne, soudainement furieuse. Elle sent la main d'Aisling se refermer sur son bras pour tenter de la calmer mais elle se dégage brusquement pour se précipiter vers le malotru, qui s'est éloigné tranquillement.

- Hé, toi ! appelle-t-elle, le cœur battant. T'as un problème ?

Il se retourne, un petit sourire aux lèvres. Gregory Yaxley. Son fameux fiancé. Qu'elle n'a pas revu depuis des années, qu'elle ne se rappelle même pas avoir croisé à Poudlard. Alors qu'il est là, devant elle, insolent, la contemplant du haut de ses quinze ans. Ils n'ont plus eu de nouvelles des Yaxley depuis la bagarre à table avec Regulus, elle ne sait même pas si cette histoire de mariage est encore à l'ordre du jour. Ce ne serait pas possible, ils en auraient parlé plus tôt sinon, Gregory se serait fait un plaisir de venir lui rappeler qu'un jour elle devrait lui obéir. Un Yaxley. Une des familles de Mangemort qui n'a pas été ruinée par la guerre. Un mari potentiel, alors. Et rien que cette idée lui donne la nausée. Elle veut bien épouser quelqu'un qu'elle n'aime pas, pour le bien de sa famille, mais pas lui.

- Et bien alors, chérie, te voilà bien agressive.

Elle serre les poings, veut lui hurler qu'il ne doit pas l’appeler comme cela, qu'il ne peut pas. Les autres élèves forment un cercle autour d'eux, regardent, chuchotent, commentent. Elle a les joues en feu. Elle n'a plus l'aplomb de la dernière fois, quand elle avait relevé le menton et l'avait regardé dans les yeux pour lui dire qu'il ne la traiterait pas comme cela. Parce qu'on ne traitait pas une Lestrange ainsi. Avant, du moins. Aujourd'hui, sa famille était déchue, elle était perdue. Et il le savait. Et il en profiterait.

- On a perdu sa langue, ma mignonne ?

C'était sa tante Bellatrix qui l'avait appelé comme cela. Et qui lui avait posé la même question, quand elle l'avait surprise à écouter dans les escaliers. Elle aurait aimé avoir la même force qu'elle, le même répondant, elle aurait voulu faire du mal à Gregory. Mais elle restait là, chancelante au milieu du couloir, comme une idiote, incapable de dire un mot.

- C'est que tu t'améliores avec le temps, dis donc. J'ai hâte de voir le résultat dans quelques années, tu seras bien jolie à mon bras, bien sage. Plus de Regulus chéri pour jouer les preux chevaliers servants, hein ? Celui qui l'a crevé m'a rendu un fier service, je dois l'avouer !

Aucune répartie cinglante ne lui vient à l'esprit. Elle sent juste son bras se lever et le sort fuser à toute vitesse de sa baguette magique. Sans même reculer d'un pas, Gregory lève sa propre baguette et un bouclier surgit, le protégeant de son sortilège. Elle ne sait même plus ce qu'elle a tenté de faire. Sûrement un sort de métamorphose.

- Oh, ma mignonne, c'était quoi ça ? Crois-moi, c'est bien inutile de tenter quoi que ce soit. Je t'apprendrai cela, après le mariage.

Les élèves continuent de chuchoter et le bruit est comme assourdissant à ses oreilles. Elle a le vertige. Elle veut s'enfuir en pleurant, se réfugier dans son lit et pleurer jusqu'à se sentir bien. Elle veut que Regulus la protégè. Il avait frappé Gregory, la dernière fois. Et elle, elle ne peut même pas. Elle n'a rien. Tout ce qui lui reste, c'est son rang. Et elle veut le respecter. Alors, sans un mot et sans un regard supplémentaire pour cette brute, elle tourne les talons.

- Où est-ce que tu vas, Lestrange ? Reviens ici, je te parle !

Elle s'arrête au milieu du couloir. Se retourne lentement. Fixe Gregory dans les yeux.

- Me jeter du haut de la Tour d'Astronomie. Je préfère une chute d'une trentaine de mètres à un mariage avec quelqu'un comme toi.

Et elle s'éloigne, le menton haut. Elle ne sait pas d'où lui vient ce semblant de répartie mais elle est fière de ne pas avoir trop perdu face à Gregory. Dès qu'elle arrive à la Salle Commune, elle écrit une lettre paniquée à ses grands-parents pour leur reporter l'incident et les supplier de lui dire que les fiançailles sont rompues, qu'elle n'est pas promise à un garçon pareil. Elle guette la réponse pendant des jours et tombe des nues quand elle arrive. Succincte. Presque une condamnation. Les fiançailles ne sont pas rompues et il n'y a pas de raisons de les rompre, à moins qu'elle trouve un meilleur parti. Ses grands-parents n'étaient pas au courant de cet arrangement mais ils ont pris contact avec les Yaxley, qui désiraient toujours ce mariage. Elle s'effondre en sanglots. Elle ne veut pas épouser Yaxley, elle refuse. Son dernier espoir, c'est son père, c'est le seul qui peut rompre les fiançailles. Elle lui écrit, en priant que cette fois-ci ses lettres lui parviennent. Mais elle n'obtient jamais de réponse. Elle passe la fin de l'année à fuir Yaxley dans les couloirs et frisonne quand elle croise son regard. Il ne cherche pas à lui parler et c'est tant mieux. Aisling est outrée par cette histoire de mariage. Fiancer des enfants ? C'est tellement Moyen-Ageux, s'exclame-t-elle. Il doit y avoir des recours juridique, précise-t-elle. Rosaleen sourit doucement. Aisling est remplie d'une candeur très moldue. Elle sait très bien que sa seule échappatoire, c'est l'autorité de son père sur elle. Cette histoire la préoccupe tellement qu'elle a de moins bons résultats que l'année dernière aux examens de fin d'année, sauf en métamorphose où elle excelle une nouvelle fois et reçoit un vrai sourire du Professeur Duke, fait assez exceptionnel pour être signalé.

Ses grands-parent la traitent assez froidement quand elle revient à la fin de sa deuxième année. Ils ont encore l'histoire avec Reyna en travers de la gorge et sa lettre désespérée pour leur demander d'annuler ses fiançailles avec un assez bon parti n'a pas dû aider. Le soir même, sa grand-mère lui rappelle que c'est son mariage qui aidera la famille et qu'elle ne doit pas être égoïste et ne penser qu'à elle. Rose essaye de protester, dire qu'elle épousera bien quelqu'un, mais un meilleur parti, quelqu'un de plus gentil mais sa grand-mère maintient que ces fiançailles seront à l'ordre du jour tant qu'elle n'a pas trouvé un meilleur parti. Rose tente tout, elle s'énerve, s'emporte, hurle qu'elle ne rencontrera pas quelqu'un s'ils ne fréquentent pas les mondanités et qu'elle sera coincée à jamais avec ce troll de Yaxley. La gifle qu'elle reçoit ne la fait même pas pleurer. Elle continue de s'emporter, affirme qu'on a qu'à lui proposer Reyna en mariage mais que pas elle, non, pas elle. Il faut l'intervention de son grand-père pour qu'elle se taise et qu'elle soit envoyée dans sa chambre, la joue cuisante. Elle sera mariée à sa sortie de Poudlard, affirme sa grand-mère. Au meilleur parti disponible. Et si c'est Yaxley et bien cela sera Yaxley. Elle a l'impression qu'on vient de lui poser une chape de plomb sur les épaules. Il faut attendre mi-juillet pour qu'elle puisse rendre visite à son père. Elle a passé son temps avec Oreste et Reda, excluant volontairement Reyna. Reda est ravie de voir que quelqu'un est gentil avec elle, Reyna ayant tendance à être assez sèche et Oreste affirme, ou plutôt babille, qu'elle est sa grande sœur préférée. Depuis ce qui s'est passé aux vacances de Pâques, elle a l'impression que tout est fini pour sa sœur cadette mais elle ne désespère pas de pouvoir influer sur les plus jeunes, plus particulièrement sur Oreste, qui lui voue une grande affection. A Azkaban, elle exige de voir son père seule. Son grand-père tente de protester mais voyant qu'elle est capable de faire une scène digne du salon devant les gardiens, laisse tomber et elle entre seule dans la petite salle aux murs moisis. Son père a le regard fuyant cette fois-ci et marmonne des choses sans aucun sens. Elle tente de faire abstraction et lui attrape les mains pour attirer son attention sur elle. Elle explique toute la situation et le supplie d'y faire quelque chose, de rompre ces fiancailles s'il l'aime un tant soi peu, s'il tient à elle, sinon elle sera malheureuse toute sa vie. Mais il ne répond rien et elle a beau éclater en sanglot et serrer ses mains très fort, rien n'y fait. Elle ressort dévastée de la visite, persuadée que sa vie est terminée, qu'elle n'échappera jamais à ce mariage.

Elle passe l'été à rêver d'être née dans une autre famille, celle de Aisling par exemple où tout semblait si bien, si facile. Mais sa délivrance arrive fin Août. Une lettre de son père. Annonçant qu'il a rompu les fiançailles avec les Yaxley et qu'il refuse qu'on n'en noue d'autres sans son autorisation expresse et sans qu'il n'ait parlé à sa fille avant. Ses grands-parents sont furieux. Rosaleen est au comble de la joie. Elle veut aller voir son père, mais ses grands-parents refusent, en colère. Ils affirment qu'elle a raté une belle occasion, qu'elle n'est qu'une égoïste, qu'elle ne pense qu'à elle. Tu as peut-être un joli minois, vocifère sa grand-mère, mais ce n'est pas suffisant pour faire des caprices de ce genre. Mais peu lui importe, elle est trop heureuse. Elle rentre à Poudlard ravie, avec de nouvelles options : Runes et Arithmancie. Elle aurait aimé prendre Études des Moldus pour avoir un avis sincère sur la question et pas les cours biaisés de Maître Demetrius mais sait très bien que ses grands-parents vivraient cela comme une nouvelle provocation et elle ne veut pas envenimer la situation plus. Libérée du poids du mariage, elle se remit à travailler avec entrain. Elle voyait bien les regards furieux que lui lançait Gregory dans les couloirs mais tentait de ne pas s'en formaliser. Elle était de plus en plus intégrée chez les filles de Poufsouffle et était désormais presque toujours entourée. Elle s'efforçait de participer aux conversations et une image on ne peut plus normale de sa famille, afin de faire taire toutes les rumeurs qui circulaient sur les Lestrange. Ce fut également à ce moment qu'elle se décida à étudier la métamorphose par elle-même en plus des cours, initiative saluée par le Professeur Duke qui ne cessait de la pousser vers des études de la métamorphose bien qu'elle ne soit qu'en troisième année. L'Académie Lycaon est pour les meilleurs, disait-elle, je veux que vous y alliez défendre le nom de Poudlard. Intérieurement, Rosaleen pensait qu'on demandait à une jeune fille de treize ans de défendre beaucoup de chose, entre le nom des Lestrange et celui de Poudlard.

L'affaire du mariage lui retomba dessus un soir de novembre, alors qu'elle rentrait seule de la bibliothèque. Gregory Yaxley surgit au détour d'un corridor, baguette en main. Rosaleen n'eut même pas le temps de faire demi-tour en courant qu'il l'attrapait déjà par le poignet, les sourcils froncés.

- Où est-ce que tu crois aller, petite peste ?
- Lâche-moi ! ordonne-t-elle d'une voix tremblante.
- Parce que tu penses que tu vas t'en sortir comme ça, ma cocotte ? vocifère-t-il en secouant son bras.

Elle se débat, tente d'attraper sa baguette dans la poche de sa robe mais Yaxley saisit son autre poignet, l'empêchant de faire tout mouvement. Rose lui donne des coups de pieds dans les tibias, mais cela ne semble pas l'atteindre plus que ça. Elle est en train de prier pour qu'un préfet passe quand un raclement de gorge se fait entendre. Gregory la lâche immédiatement et elle tombe sur le derrière, emportée par l'élan du coup de pied qu'elle s'apprêtait à décrocher. Le Professeur Duke se tient face à eux, les bras et sourcils croisés.

- Je vous dérange, peut-être, Monsieur Yaxley ? interroge-t-elle, glaciale. Vous allez venir avec moi. Maintenant. Rentrez donc à votre dortoir, Miss Lestrange, lança-t-elle, moins sèchement.

Rosaleen ne se le fait pas dire deux fois. Elle se relève, adresse un regard reconnaissant à son enseignante et se met à courir vers son dortoir, encore toute tremblante. Après cela, Yaxley ne se risque même plus à poser un regard sur elle. Visiblement, le professeur Duke sait être très efficace sur les brutes dans son genre.

Le reste de l'année s'écoule plus tranquillement. Libérée de cette histoire de mariage et de la pression de Yaxley, Rosaleen voit ses notes remonter en flèche et elle s'illustre comme une excellente élève. Elle est ravie de voir que le Professeur Duke s'intéresse de plus en plus à elle, car c'est la première à faire cela. Elle s'éloigne néanmoins un peu d'Aisling, qui a beaucoup d'autres amies et qui es très appréciée par tout le monde. Alors elles passent moins de temps ensemble, naturellement. Cela peine un peu Rose mais elle sait que c'est le mieux pour Aisling, qui aime vivre entourée de plein de monde. Mais aux yeux du monde, elle reste "la copine d'Aisling". Ce n'est pas si mal, c'est mieux que "la fille de Mangemort" mais elle aimerait bien qu'on la voit aussi parce qu'on peut la trouver sympa. Elle redouble d'efforts pour faire oublier son nom mais deux ans passés dans l'ombre ne lui facilitent pas vraiment la tâche. Mais d'un autre coté, elle s'en accommodait. Les seuls qui la pointaient du doigt désormais étaient les première année, toujours surpris de croiser une Lestrange, le nom de si sombre mémoire. Les choses semblaient plus difficiles pour le jeune Théo Nott, qui semblaient plus renfermé. Elle aurait aimé l'aider, le prendre sous son aile et le défendre mais elle savait que le confort et l'équilibre qu'elle avait acquis était plus que précaire, qu'on la guettait au tournant. Si elle avait le malheur de laisser échapper ne serait-ce qu'une phrase qui pourrait laisser à penser qu'elle était contre les nés-moldus, par exemple, elle était fichue et elle serait lapidée en public. Et pourtant, c'était son éducation, son héritage, ce qu'on lui avait toujours appris. Elle y pensait longuement, dans son lit le soir, souvent guidée par la voix de sa mère. Penser par soi-même, se faire sa propre opinion. Elle appliquait ce conseil partout. En repensant à son éducation, en se faisant son propre avis sur sur les nés-moldus. Mais aussi en se faisant sa propre idée sur tout ses camarades, sans écouter les rumeurs et les potins sur eux. Ainsi, elle attendait de connaître quelqu'un pour se faire son propre avis sur lui. Elle aurait bien aimé que les gens fassent la même chose avec elle, sans l'insulter d'abord parce qu'elle s’appelait Lestrange. Mais elle comprenait. Après tout, Bellatrix Lestrange avait fait des choses vraiment horribles. Néanmoins, elle refusait de s'excuser pour les actes de son père, de sa tante ou des Mangemorts en général. Elle, elle n'avait rien fait. Elle refusait de s'excuser ou de recevoir le pardon des autres. Un reste de fierté Lestrange. Ainsi, au fur et à mesure de longues heures à penser, Rosaleen fit peu à peu le point sur toute son histoire familiale, assez pour y penser sans se sentir coupable et pour pouvoir marcher la tête haute, sans avoir sur ses épaules le poids des actes de ses ancêtres. Elle fut fière d'elle à la fin de ce travail et elle espérait que Reda et Oreste réussirait à faire la même chose.

En entrant à Poudlard, elle avait promis d'écrire tous les jours et elle avait respecté cette promesse. Sauf lors de sa troisième année, chose que lui reprochent fortement ses grands-parents. D'un coté, elle leur en avait fortement voulu pour le mariage et avait moins de temps pour écrire, avec ses nouvelles options et les conversations qu'elle commençait à avoir. C'était du moins la version officielle. La vraie, c'est qu'elle n'en n'avait pas envie. Ele se sentait beaucoup moins proche de sa famille qu'avant, surtout depuis ce qui s'était passé avec Reyna. Elle n'aime pas l'éducation que ses grands-parents donnent aux plus petits, sans leur mère pour leur dire de savoir faire la part des choses derrière. C'est trop tard pour sa cadette, peut-être aussi pour Reda mais pas pour Oreste. Elle profite de l'été pour se rapprocher d'eux, surtout d'Oreste, qui a désormais trois ans. Reda aime qu'on s'occupe d'elle gentiment et Oreste trouve Reyna trop méchante. Cette dernière meurt de jalousie de les voir tous ensemble et sort sa nouvelle insulte préférée dès que leurs grands-parents ont le dos tourné. Traître à ton sang, persifle-t-elle à Rosaleen. Mais celle-ci relève la tête et lui rappelle qui parmi elles deux est l'héritière de la famille, qui sera présentée en société la première et qui aura droit au plus beau mariage. Et même si ce n'est pas forcément vrai, Reyna n'en n'est que plus jalouse. Leurs grands-parents ne font qu'exacerber ce sentiment en instaurant une sorte de compétition malsaine entre les deux filles, en ce cessant de les comparer. Et Rosaleen s'applique à gagner. C'est une élève brillante à l'école, elle a des manières parfaites et est surtout la plus jolie des deux, comme le répète souvent sa grand-mère. Si ça peut faire redescendre Reyna de ses grands airs, alors c'est tout bon. Quant à leur père, il semble de plus en plus loin de la réalité et lorsqu'ils vont lui rendre visite à Azkaban, il ne semble pas présent. Rosaleen est la seule à lui rendre visite, ses grand-parents estiment que c'est trop dur pour les plus jeunes. De toute manière, il ne les reconnait pas. A quoi bon ? Cela la rend triste, évidemment. Mais elle y est presque résignée. Après tout, ce n'est pas comme si c'était soudain.

C'est donc en 2001 que Reyna rentre à Poudlard. Malgré leurs différents, les deux sœurs Lestrange font le trajet ensemble, toutes seules dans un wagon. Rosaleen aurait pu laisser sa petite sœur seule et passer le voyage avec ses copines mais elle n'arrive pas à s'y résoudre. Elle sait bien comment son traités les enfants de Mangemorts à Poudlard, elle a bien vu ce qu'à subi Théo Nott et elle est inquiète pour Reyna. Cette dernière est anxieuse aussi même si elle tente de ne pas le montrer en abordant un masque d'indifférence. Si les choses ont été difficiles pour Rose, elles le seront encore plus pour sa cadette, qui n'est pas guidée par les bons conseils de leur mère et arrive dans le monde avec pour seul bagage les mots de leurs grands-parents, mots qui ne sont plus bien vus désormais. Rose prie pour qu'elle ne soit pas répartie à Serpentard. Une Lestrange à Serpentard, c'est la fin assurée pour elle. Heureusement, Merlin semble l'entendre et Reyna rejoint les rangs de Serdaigle, ce qui est honorable et pas préjudifiable. Mais à la table des Poufsouffle, Rose entend les murmures, les critiques et les moqueries. Reyna s'en fiche et semble se draper dans sa fierté, pour le plus grand désespoir de sa sœur. Si seulement elle pouvait se montrer humble, si seulement elle montrait à l'école qu'elle n'est pas là pour les écraser, qu'elle peut-être gentille aussi, qu'on peut l'apprécier, malgré son nom. Mais là, le menton haut et le dos bien droit, coulant des regards condescendants autour d'elle, elle est tout simplement le parfait cliché de la Sang-Pure prétentieuse, qu'on meure d'envie de détester. Elle tend le bâton pour se faire battre, la tête empoissée des idées de leurs grands-parents et avec la ferme intention de redorer le nom qu'une grande sœur trop faible n'arrive pas à maintenir, trop occupée à s'écraser devant la pression populaire. Et cela ne manque pas. Reyna est conspuée, maltraitée. Mais elle garde la tête haute et une froide indifférence, comme si rien de tout cela ne l'atteignait. Et, de peur que tout cela lui retombe dessus, Rose n'ose pas intervenir et défendre sa sœur devant la vindicte populaire. Elle a acquis un peu de tranquillité, vit tranquillement à l'école et refuse de revenir à sa première année. Alors elle laisse faire et elle baisse la tête, honteuse. Elle culpabilise, en permanence. Et croiser le regard méprisant de Reyna ne fait qu'ajouter à sa culpabilité. Elle est faible, elle le sait. Égoïste, aussi. Elle tient à son confort, plutôt que d'aller défendre sa petite sœur. Contrairement à Théo qui acceptait de lui parler quand même, Reyna refuse sa présence. Et elle le comprend. Après tout, elle la laisse seule au monde en public, qu'elle n'ait pas l'hypocrisie de vouloir la réconforter derrière. Il fallait faire un choix, sa loyauté à sa famille ou sa propre tranquillité. Et pour sa plus grande honte, Rosaleen a choisi. C'est à ce moment-là que la fracture se fait réellement entre elles deux. Et puis elle a échoué également sur la promesse faite à sa mère : elle n'a pas protégé les plus petits.
C'est également lors de cette année que le Professeur Duke évoque pour la première fois devant elle le fait de devenir Animagii. Bien sûr, précise-t-elle, vous êtes encore jeune, nous ne verrions ça que l'année prochaine ou encore après. Mais cela peut-être quelque chose d'intéressant si vous vous destinez à étudier la métamorphose. Rose ne sait pas trop encore. Elle aime la métamorphose, plus que tout évidemment et c'est son point fort. Mais le professeur Duke pense qu'elle va forcément faire des études et avoir un métier, tandis que ses grands parents ne cessent de répéter qu'elle sera mariée juste après Poudlard. Mais Rose aime entendre son enseignante lui parler de ses études, lui faire miroiter un avenir brillant dans le domaine de la métamorphose, alors elle ne dit rien et l'écoute patiemment. Elle n'en parle pas non plus à ses grands-parents, qui prétendraient à coup sûr que cela est inutile, que cela sera du travail en plus et que dans un mariage, cela ne lui servira à rien. Au contraire, ajouteraient-ils, si elle se transforme en un animal dégoûtant, cela déplairait à son futur mari. C'est d'ailleurs lors de cette quatrième année que Rosaleen découvre qu'elle plaît aux garçons. On lui sourit dans les couloirs, ils sont gentils avec elle, toujours galants. Les filles de son dortoir sont toutes un peu jalouses, surtout quand Beverly annonce qu'elle est première dans la liste des plus jolies filles de son école. Cela la flatte, la fait rosir et la rassure quant au fait qu'elle pourra trouver un bon mari qui aidera sa famille si elle reste jolie ainsi. Sa grand-mère avait donc raison, même s'il n'y a aucun bon parti dans son année. Alors elle s'applique à toujours rester coquette, ce qui satisfait grandement sa grand-mère. Les garçons sont prêts à tout, pour une jolie fille, annonce-t-elle fièrement en lui relevant le menton devant le miroir.

C'est durant les vacances de Pâques de cette année-là qu'elle est présentée pour la première fois à la bonne société anglaise, durant la réception annuelle des Harris. La guerre est finie depuis à peine quatre ans, il est encore mal vu d'afficher les familles de Mangemorts, surtout les Lestrange. Mais sa grand-mère trouve la parade en la faisant accompagner par Cora Parkinson, la sœur de l'hôtesse. Les Parkinson et les Rosier ayant toujours eu des liens amicaux, Cora accepte de prendre sous son aile la petite Rosaleen pour une soirée tandis que ses grands-parents restent à la maison, un peu anxieux. C'est l'image de leur famille qu'ils jouent ce soir-là et Rosie le sait très bien. Alors ce soir-là, elle promet d'être parfaite. De montrer au monde que les Lestrange sont encore là, debout, malgré tout. Et elle réussit. Après tout, il n'y avait pas de raison. Elle était adorable dans sa jolie robe, toute mignonne du haut de ses quatorze ans, emitouflée dans ses bonnes manières et aurolée d'une gentilesse très Poufsouffle. Elle adresse des sourires à tout le monde, parle de sa passion pour la métamorphose, à quel point Poudlard est une école magnifique et tout l'amour qu'elle porte à ses études. Certains tentent de la provoquer, lui parlent de sa tante, de magie noire et de violences mais elle fronce le nez et secoue la tête. Oh, elle n'est pas du tout intéressée par toutes ces choses-là, Monsieur, elle n'aime pas tout ce qui est méchant, celui lui fait peur, affirme-t-elle. Et on se dit que décidément, on a du mal à croire qu'elle soit la nièce de la terrible Bellatrix Lestrange. Ses grands-parents sont plus que ravis quand elle revient à la maison. Elle a fait forte impression auprès de toutes les familles présentes et son nom est désormais connu dans les hautes-sphères. Rien de mieux pour trouver un bon mari ! Elle y pense pendant des jours après cela, à tous les garçons qu'elle a croisé. Certains qu'elle avait déjà vu à Poudlard, qui ont tous échangé un mot gentil avec elle. Peut-être que son futur époux est parmi eux ? Elle rêve d'un mari gentil et patient et qui ait les moyens d'entretenir Reyna, Reda et Oreste pour leur offrir un bon avenir, comme leurs parents auraient pu leur offrir s'il n'y avait pas eu la guerre, si leur père ne s'était pas engagé dans les Mangemorts. C'est trop tard pour elle mais Oreste est si jeune qu'elle a l'espoir de lui offrir ce qu'elle n'a pas eu. Et cela passe par le mariage, comme pour des milliers de jeunes filles avant elle.

Quand elle retourne à Poudlard, elle a l’impression que les autres enfants de Sang-Pur agissent différement avec elle. Melvin Jones, le petit-fils de Harris, la salue fréquemment dans les couloirs. Et il n'est pas le seul. Sa présentation au monde des Sang-Purs où elle a fait bonne impression semble avoir rompu la distance qui s'était mise entre les Lestrange et les autres familles. Rosaleen est fière de ça, elle a l'impression qu'elle honore son nom et que ses parents seraient fiers, s'ils le savaient. Pour la première fois, elle tient un peu cette promesse qu'elle a faite à son père, quatre ans auparavant. Ce petit progrès dans leurs relations sociales poussent ses grands-parents à être un peu moins stricts avec elle et à repenser quelque peu à l'éducation de Reyna. Si elle a plu à la bonne société, c'est parce qu'elle est radicalement différente de sa tante. Or Reyna est complètement à l'opposée de cette voie. Et il est bien trop tard pour recadrer, Rose le sait. Sa petite sœur fait comme si elle obéissait à leurs grands-parents mais, intérieurement, elle n'oublie rien de sa précédente éducation. La seule chose bénéfique, c'est pour Reda et Oreste qui peuvent encore être mis sur la bonne voie. Évidemment, ses grands-parents ne leur enseignent pas l'amour des moldus mais leur apprennent à cacher ce qu'ils pensent et à ne jamais laisser un mot néfaste s'échapper de leur bouche. Et après cela, Rose repasse pour leur apprendre ce qu'elle tenait de sa mère. Ce n'est pas très loyal vis à vis de ses grands-parents, mais c'est déjà cela.

Lorsqu'elle rentre en cinquième année, elle a la satisfaction de voir que Gregory Yaxley a quitté l'école, enfin diplômé. Depuis l'altercation avec le Professeur Duke, il ne l'embêtait plus mais elle est heureuse de le savoir loin de Poudlard. D'ailleurs, son enseignante lui fait une proposition plus qu'intéressante dès septembre : devenir Animagus, ce qui est toujours un bon point pour faire des études supérieures dans la métamorphose. Rosaleen hésite quelques semaines : ses grands-parents ne veulent pas qu'elle fasse d'études supérieures, ils veulent qu'elle se marie. Mais elle est tellement tentée... Alors elle accepte, sans le dire à sa famille. Une fois par semaine, elle retrouve le Professeur Duke pour s'entrainer. Elle raconte à ses amies qu'elle prend des cours supplémentaires pour approfondir, ce qui n'est pas vraiment un mensonge. Après tout, c'est l'année des BUSEs et elle vise d'excellentes notes. Quant à Reyna, sa scolarité est toujours aussi difficile, les tensions ne se sont pas apaisées. Et contrairement à la maison - pour plaire à leurs grands-parents - elle dit tout haut ce qu'elle pense à Poudlard et cela ne plaît pas du tout aux autres élèves. Quant à Rosaleen, elle se sent enfin intégrée à l'école. Évidemment, on lui lance encore des piques dans les couloirs et il y a des murmures mais elle a su gagner la confiance de sa maison et se sent protégée parmi les autres Poufsouffle. Aisling est devenue préfète, ce qui accentue encore le fait qu'on ose moins la provoquer ouvertement. Les deux filles sont moins proches qu'avant mais déjeunent encore régulièrement ensemble, Rosaleen jalousant un peu le poste de son amie, qu'elle aurait aimé avoir. Mais tant pis, les choses sont ainsi. Et Aisling le mérite vraiment, même si elle n'a pas d'excellents résultats, elle est aimée par tous et sait défendre les plus jeunes. Elle se met d'ailleurs en tête, auréolée de sa toute nouvelle autorité de préfète, de défendre Reyna même si celle-ci n'hésite pas à la traiter de Sang-de-Bourbe, ce qui met toujours Rose mal à l'aise. Par peur que son amie lui en veule, associe sa sœur à elle, elle lui assure que Reyna peut se débrouiller seule.

- C'est mon rôle de protéger les élèves maltraités, répond Aisling. Même s'ils sont désagréables.

Et Rose pense soudain que personne ne mérite plus cette place que Aisling. Et c'est également durant cette cinquième année qu'elle opposa ses premiers refus aux garçons, gênée. Ils étaient tous gentils, ceux qui l'invitaient à Pré-au-Lard mais à chaque fois, la voix de sa grand-mère retentissait dans son esprit. Elle ne devrait fréquenter qu'un garçon de bonne famille. C'est ainsi qu'elle accepta l'invitation d'Arthur Bones, en janvier. Ce fut son premier petit-ami, de manière très convenable. C'était un garçon gentil et aimable, qui plaisaient énormément à ses grands-parents et qui imaginaient déjà l'alliance entre les deux familles. Mais, honnêtement, Arthur et Rose ne se voyaient pas vraiment mariés. Elle l'aimait bien mais n'arrivait pas à en être amoureuse, à son plus grand désespoir. Elle ne savait même pas s'il l'aimait, lui. Ils s'entendaient juste bien. Quand ils se séparèrent en mai, en bons termes, ses grands-parents furent plus tristes qu'elle, d'ailleurs. Cela faisait beaucoup rire Arthur, d'ailleurs. Et puis surtout, la chose qu'elle n'avait avoué qu'à Aisling, c'était que le garçon qu'elle aurait voulu fréquenter était Matthew Connoly, un joueur de l'équipe de Gryffondor. Qui avait pour seul défaut aux yeux de sa famille de n'être qu'un Sang-Mêlé fils d'épicier. Alors elle se tait et jure à ses grands-parents qu'elle trouvera un meilleur parti qu'Arthur Bones mais que pour l'instant, elle doit se concentrer sur ses BUSES. BUSES qu'elle décroche avec brio d'ailleurs, avec un O en métamorphose pour le plus grand bonheur du professeur Duke. D'ailleurs, celle-ci jure qu'elles accéléreront les leçons l'année prochaine pour que Rose réussisse à devenir un Animagus, afin de postuler à l'Académie Lycaon avant ses ASPICS.

L'été qui suit sa cinquième année est difficile. Si ses grands-parents sont ravis de ses résultats, sa grand-mère lui signale aigrement qu'elle avait déjà des fiançailles en préparation à l'époque, elle. Et pour la première fois de sa vie, Rosaleen lui répond et une immense dispute s'ensuit, jusqu'à ce qu'elle claque la porte de sa chambre, furieuse. Elle ne sait pas ce qui lui prend, on lui a toujours appris à être respectueuse et polie mais chaque mot de ses grands-parents ne font que la brusquer. Elle aimerait partir loin de la maison, même si elle est heureuse de revoir Reda et Oreste. Elle demande à Arthur d'écrire à ses grands-parents, leur demandant l'autorisation de passer un après-midi tous les deux dans le Londres magique, sur le Chemin de Traverse. Ce dernier accepte gentiment de mentir pour elle : c'est Aisling qu'elle retrouve en réalité cet après-midi là. Et très vite, les deux filles s'aventurent dans le monde moldu, Rosaleen désobéissant à toutes les règles qu'on a pu lui inculquer. Animée par le délicieux sentiment apporté par la transgression des règles, elle passe le meilleur après-midi de sa vie et ne peut que constater que les moldus ne sont pas si dangereux que cela, pas plus que les sorciers du moins. Ce jour-là, elle se fait une nouvelle promesse : sa sœur Reyna ment effrontément à leurs grands-parents en faisant semblant de suivre leurs nouvelles consignes à l'école. Et bien elle fera pareille. La parfaite petite qu'ils désirent à la maison et elle s'amusera en dehors. Pour la première fois, elle veut vivre loin des règles, loin de sa famille et faire ce qu'elle veut, un petit peu. Comme Aisling et comme toutes les autres filles de leur âge. Elle veut vivre.

Alors quand elle retourne en sixième année, elle prend de grandes décisions. Elle accepte si elle en a envie quand un garçon l'invite à Pré-au-Lard et passe de bons moments - en tout bien tout honneur tout de même - avec eux. Et quand Reyna menace de la dénoncer, Rosaleen réplique qu'elle peut faire de même - avec le témoignage de son amie Aisling la préfète à coté - au sujet de son attitude à l'école, qui menace la réputation des Lestrange qui veulent de nouveau être fréquentables. Ce petit chantage, même s'il est honteux, fonctionne plus que bien. C'est ainsi qu'un jour de Décembre, Matthew Connolly, qui est dans son année, l'invite à Pré-au-Lard. C'est son deuxième petit-ami, le premier dont elle est vraiment amoureuse. Et le premier qu'elle cache à ses grands-parents et à une grande partie de l'école aussi. Elle a tout de même peur que Reyna la dénonce. Pour vivre heureux, vivons cachés, dis le diction. Et les deux amoureux s'empressent de l'appliquer. Quant à ses leçons pour devenir Animagus, elles s'accélèrent. Et à la fin de cette année 2004, Rosaleen réussit sa première transformation, après deux ans d'entrainement. Son animagus est l'image de son Patronus : un colibri. Elle a beaucoup de mal à maîtriser ses nouvelles sensations au début mais elle découvre vite le plaisir de voler sans balai. Même si elle rarement volé sur un balai - ce n'est pas convenable pour une jeune fille - voler seule est bien mieux.

Durant l'été, elle voit toujours Aisling et Matthew, Arthur étant devenu son meilleur alibi, ce qui pousse ses grands-parents à reparler de fiançailles entre eux deux. Au début, elle pensait que Arthur faisait ça par pure gentillesse. Elle se rend vite compte qu'il se sert également d'elle comme alibi, afin d'aller voir quelqu'un que ses parents désapprouverait, lui aussi. Rose pense à une fille, pas très fréquentable aux yeux de la bonne société. Mais Arthur finir par lui avouer la vérité. Ce n'est pas une fille qu'il fréquente. Elle met un peu de temps à comprendre. Comment peut-on ne pas fréquenter de fille ? En fréquentant un garçon, répond Arthur, en haussant les épaules. Elle a un peu de mal à comprendre la notion "fréquenter un garçon". Après tout, elle n'a entendu que vaguement parler de cela, c'est très mal vu dans la société, surtout dans la haute société. C'est pour cela que Arthur ne dit rien. Et il lui fait promettre de ne le raconter à personne. Elle le jure. Après tout, Arthur fait ce qu'il veut, non ? Surtout si cela le rend heureux. Et puis ainsi, elle a elle-même son propre alibi pour ses grands-parents. Alors pour arranger tout le monde, ils prétendent se refréquenter, ce qui fait sauter ses grands-parents de joie. Matthew, beaucoup moins. Il a dû mal à concevoir qu'elle prétende sortir avec un autre garçon. Elle est obligée de demander à Arthur de lui expliquer le pourquoi du comment pour qu'il accepte ce compromis. Malgré les demandes plus ou moins discrètes de ses grands-parents, les Bones refusent de fiancer leur fils si jeune, pas avant qu'il ait pris l'initiative de lui-même. Et intérieurement, Rose songe qu'il ne prendra jamais l'initiative. Pas avec une demoiselle, du moins.

Lorsqu'elle rentre en septième année, c'est accompagnée cette fois-ci de Reyna et de Reda. Et Rosaleen est bien décidée à épargner à Reda ce qu'a vécu Reyna. Elle ne sait pas vraiment d'où lui vient cette détermination soudaine. Peut-être parce qu'elle est plus grande désormais, mieux intégrée à Poudlard, protégée par sa maison, par Aisling, par Arthur ou par Matthew, plus secrètement. De plus, Reda est répartie à Poufsouffle, où sa grande sœur a déjà tracé sa voie, ce qui lui permet d'être tout de suite mieux intégrée, surtout qu'elle est gentille et souriante, rieuse et amicale. Les plaies de la guerres sont aussi moins à vif et elle se fait quelques copines parmi les filles de son âge, ce qui fait sourire Rosaleen. Évidemment, rien n'est parfait et elle reste une Lestrange aux yeux du monde. Mais elle est tout de même mieux acceptée que ses deux sœurs aînées. En même temps qu'elle prépare ses ASPICS, Rosaleen prépare également le concours d'entrée à Lycaon, sans le dire à ses grands-parents et poussée par le professeur Duke. Elle est tellement tentée par ces études mais en même temps... Ils ont prévu de la marier juste après Poudlard depuis des années et elle a peu de temps entre sa sortie de l'école et l'arrivée d'Oreste à Poudlard. Il faudrait quelqu'un qui puisse tout lui offrir, un mari fortuné... Si les fonds avaient été justes pour elles, ils l'ont été encore plus pour Reyna et pour Reda, ce fut très difficile. Les réserves qui restaient aux Lestrange et aux Rosier sont arrivées à leurs fins et ils ne vivent plus que des comptes personnels de leurs grands-parents, avec difficulté. Ils sont pauvres. Vraiment. Et Rosaleen ne veut imposer cela à son frère. Elle prend soin de ses affaires depuis des années pour que Reyna et Reda en héritent et ne réclame jamais rien, pour ne pas peser à ses grands-parents. Elle sait très bien que continuer des études sera néfaste pour la famille, portera préjudice aux plus jeunes... C'est égoïste de vouloir continuer après Poudlard. Elle a eu ses sept années d'études, désormais, elle doit trouver un mari et l'épouser. C'est le seul moyen de venir en aide aux Lestrange, de leur apporter de l'argent. Mais d'un coté, elle n'a pas de fiancé, Arthur et elle ne sont pas liés officiellement et se marier vraiment signifierait quitter Matthew, ce dont elle n'a pas envie. Alors elle continue de préparer le concours, comme ça. Après tout, il est tellement difficile, peut-être qu'elle ne l'aura pas. Elle n'en parlera à ses grands-parents que si elle le décroche, voilà tout.

Et comme si le destin voulait rire un peu, elle décroche le concours. Elle est acceptée à l'Académie Lycaon, à la suite de sa réussite aux épreuves théoriques et pratiques. Reçue avec les félicitations du Directeur en personne. Elle est prise et n'arrive pas à y croire. Elle est trop partagée entre sa joie et sa peur. Elle va devoir annoncer cela à ses grands-parents. Et c'est la chose qui lui fait le plus peur. A coté de l'Académie, ses ASPICS lui semblent presque faciles et elle les décroche sans problèmes, avec évidemment une excellente note en métamorphose. Elle rentre à la maison angoissée, malgré les paroles de Matthew qui jurent que ses grands-parents seront heureux pour elle, qu'elle s'en fait pour rien. C'est lui n'y connaît rien. Elle descend dans le salon le premier soir et demande à leur parler. Et comme prévu, c'est une tempête qui s'abat sur elle. Ils disent qu'elle est égoïste, qu'ils n'ont pas les moyens de payer ses petits caprices, qu'elle devrait être en train de préparer son mariage plutôt qu'autre chose.

- Tu n'iras pas, déclare son grand-père, fermement. Tu te marieras avec Arthur Bones et tu aideras la famille à survivre. Pense un peu aux autres, Rosaleen !

Elle est désespérée. Elle sait très bien qu'Arthur ne l'épousera pas et qu'elle se retrouvera sans rien, à tourner dans la maison et à s'occuper d'Oreste. Elle ne veut pas s'y résigner. Alors elle ment. Alors elle ruse. Alors elle tente.

- Arthur veut que je fasse ces études ! Il dit qu'il veut épouser une femme cultivée !
- Tu es déjà suffisamment cultivée ! répond son grand-père.A mon époque, on se mariait après les ASPICS et les études étaient pour les hommes.

Elle relève le menton, dans une parfaite application de ses leçons.

- Si vous voulez que j'épouse Arthur, je dois aller à l'Académie Lycaon. Il me l'a dit. Et une épouse doit obéir à son époux.
- Vous n'êtes pas encore mariés, tu m'obéis encore !
- Et nous ne le serons jamais si vous refusez ses conditions. Nous n'avons déjà pas de fortune à mettre en avant, nous n'allons pas en plus refuser les conditions d'une potentielle union !


Ses grands-parents se consultent du regard.

- Tu épouseras Arthur Bones ?
- J'épouserai Arthur.

La promesse est faite. Et elle ne peut plus reculer. Quand elle quitte la pièce, toutes ses pensées sont tournées vers Matthew, son seul et vrai petit-ami. Et elle vient de promettre d'en épouser un autre. Tout cela pour satisfaire son désir d'aller à Lycaon. Ses grands-parents ont raison. Elle est vraiment égoïste. Elle aurait dû rester à la maison et continuer de voir Matthew en secret. Si elle se fiance, il ne lui adressera plus jamais la parole. C'est d'ailleurs ce qui se passe quand elle lui annonce la nouvelle. Il crie, tempête, encore plus fort que ses grands-parents. Il lui en veut. Lui crache à la figure tout ressentiment d'avoir dû cacher leur relation pendant deux ans pour qu'elle en épouse un autre, qu'elle n'aime pas. Il s'emporte, lui dit qu'il l'aime, la quitte. Lui brise le cœur. Et s'en va, l'abandonnant là, pleine de regrets et de remords.

C'est Arthur qui la console, maladroitement. Assure qu'elle a bien fait. Que les garçons passent, que les études qu'elle fera lui apporteront une indépendance et des compétences qui resteront. Il lui promet qu'elle s'en remettra. Et elle se dit que c'est vraiment un garçon gentil et qu'elle a de la chance d'être tombée sur lui. Il la demande en mariage. Parce qu'il sait qu'elle le laissera continuer de voir son petit-ami, parce qu'il sait qu'ils s'entendent et qu'elle comprend. Et elle accepte. Parce qu'elle sait qu'il lui apportera de la sécurité et de la stabilité, parce qu'elle sait qu'il la traitera bien. Ils ne se marieront pas par amour, pas vraiment par affection. Ils se marieront parce qu'ils y trouvent leur compte tous les deux, que c'est mieux que rien, qu'ils font plaisir au monde ainsi. Et tant pis pour eux. Plus jeune, elle rêvait d'épouser par amour un homme riche. Ce n'est pas le cas. Mais c'est déjà cela. Elle pourra faire des études et s'occuper d'Oreste et Reda. Elle n'a pas le droit de se plaindre. Peu importe son cœur brisé et ses regrets. Il est temps de cesser d'être égoïste. Le saphir à son annulaire gauche rassure ses grands-parents, même s'ils trouvent étrange la lubie d'Arthur de la laisser faire des études. Tant qu'ils ne sont pas mariés, elle continue de vivre à la maison, même s'ils se voient souvent. Ou prétendent se voir souvent. Arthur voit son petit-ami en prétendant être avec elle et elle fréquente Aisling dans le monde moldu en prétendant être avec lui. Tout le monde y trouve son compte.

Elle rentre à l'Académie Lycaon en septembre 2005 et tombe amoureuse de l'école et de ses enseignements. Ici, les élèves viennent du monde entier et ne connaissent pas forcément le nom des Lestrange. Et n'a pas très envie de leur expliquer la réputation de sa famille. Alors, comme dans le train qui l’emmenait pour la première fois à Poudlard, elle se présente uniquement sous le nom de Rose. On s'étonne de la bague à son doigt. Elle évite le sujet. Après tout, ce ne sont que des fiançailles pour lui assurer une liberté. Ses grands-parents sont d'ailleurs fâchés qu'ils ne fixent pas de date pour le mariage. Tant qu'ils ne sont pas de la même famille, les Bones ne peuvent pas les entretenir Et Arthur, tout comme elle, élude le sujet. Elle n'est pas très pressée de se marier même si elle sait que c'est un passage obligatoire. Alors, un jour, elle fait promettre à Arthur de l'épouser avant 2009, l'année où son petit frère rentrera à Poudlard, afin qu'elle puisse l'entretenir. Et pourquoi pas le faire venir vivre avec eux ? Loin de l'influence de leurs grands-parents ? Et comme elle avait promis à sa mère ? Et pour son plus grand bonheur, Arthur accepte. Sa première année à l'école s'écoule rapidement, trop à son goût. Elle est passionnée par la métamorphose, de plus en plus pointue et adorerait en faire son métier si elle n'était pas destinée au mariage. Ses grands-parents la presse pour qu'elle épouse Arthur. Des fiançailles qui durent, ce n'est jamais bon, disent-ils. Rose sait pourquoi son fiancé freine des quatre fers. Son petit-ami, qu'elle n'a jamais rencontré, lui a demandé de s'enfuir avec lui, aux États-Unis. Arthur répugne à quitter sa famille, à l'humilier publiquement en partant avec un homme. Il subit le poids de toutes les convenances, de son éducation, du fait qu'en faisant cela, il ne donnera jamais d'héritier aux Bones. Il n'est sûrement pas le premier à avoir ce genre de penchants mais d'habitude, les hommes se marient bien gentiment, font des enfants à leur épouse et entretiennent une relation avec un amant, ou une amante, d'ailleurs derrière.

Les craintes de Rosaleen, et de ses grands-parents, se justifient durant l'été 2006. Arthur la quitte, effondré à l'idée de ce qu'il va imposer à sa famille. Il s'excuse, lui promet que c'est mieux pour qu'elle, qu'elle pourra trouver ainsi quelqu'un qui l'aime. Cela la fait rire amèrement. Oui, évidemment, comme toutes les petites filles, elle a rêvé à un mariage d'amour avec un homme idéal. Mais ce qu'elle veut vraiment, c'est aider sa famille. Et cela ne se fait pas avec de l'amour, elle l'a bien compris. Mais avec un porte-feuille. Et Arthur qui la quitte, ce sont ses fiançailles qui s'effondrent, sa sécurité et la stabilité qu'elle voulait apporter à Oreste. Elle aurait dû lui passer la bague au doigt avant. Maintenant, c'est fichu pour elle.

- L'amour, Arthur, cela ne vaut pas un gallion, réplique-t-elle, glaciale.

Et il la serre dans ses bras une dernière fois en murmurant qu'il est désolé. Le lendemain, il part pour l'Amérique avec son petit-ami, faisant un scandale dans la bonne société et couvrant d'opprobre le nom des Bones. Ses grands-parents sont furieux, jurent qu'ils vont le tuer. Il t'as humiliée aussi, ce petit botruc ! vocifère son grand-père. Mais dans cette histoire, elle obtient plutôt le rôle de la pauvre fiancée éplorée que l'on console et que l'on plaint. Quel goujat ! ajoutent les vieilles dames de la haute, en murmurant d'un air outré. Laisser une si gentille fille, si jolie... Rosaleen craint que ses grands-parents la forcent à arrêter les études mais, étonnamment, ce sont les Harris qui lui sauvent la mise, sans le savoir. Cette famille a toujours accordé à l'érudition une part importante et tous leurs enfants ont fait d'excellentes études. Sa grand-mère est invitée à un thé par Helen Harris, sûrement dans l'idée de l'entendre accabler le gardon qui a abandonné sa petite-fille, et Melvin Jones lui demande des informations sur les études de Rosaleen, précisant que les femmes qui étudient sont des perles rares et que c'est très bien de l'avoir poussée vers cela. Après cet épisode, il n'est plus jamais question de la faire arrêter ses études, si cela peut-être un atout pour plaire à des familles comme les Harris... Honnêtement, Rose est sûre que sa grand-mère pense la marier à Melvin Jones, l'héritier des Harris et un parti plus que recherché. Mais il se murmure qu'il est plutôt intéressé par la jeune Maisie McMillan.

Maintenant qu'elle n'a plus de fiancé, Rosaleen se décide à pourvoir un peu aux besoins de sa famille toute seule. En plus de ses études, elle prend un travail à Bristol, là où se trouve l'Académie. Ses grands-parents sont outrés : une Lestrange qui travaille, un travail si peu reluisant en plus, cela ne s'est jamais vu. Le Circée est un bar sorcier agréable assez fréquenté et le patron lui annonce directement qu'il l'embauche parce qu'elle présente bien et que cela va plaire aux clients. Elle est humiliée mais ravale sa fierté. Tout comme ses grands-parents en voyant la petite somme qu'elle rapporte chaque mois. C'est d'abord un peu difficile de concilier les cours et son travail mais le patron, Bob, est quelqu'un de gentil malgré tout et adapte ses horaires. Si elle craignait au début de se faire importuner par les clients, Rose est rapidement rassurée. Bob veille au grain, les habitués sont gentils avec elle et la défendent quand elle se fait embêter par ceux qui ont un peu trop bu et la présence des Aurors, de la Police Magique, des Baguettes d’Élites et des Oubliators chaque soir après leurs services la rassure. Elle ne prend pas d'appartement malgré son salaire, car elle désire rester auprès d'Oreste et veiller à son éducation, maintenant qu'elle rentre tous les soirs. Ce n'est que sept après qu'elle tient réellement sa promesse faite à sa mère et s'occupe de son petit frère au quotidien et veille sur lui. Ils deviennent rapidement très proches et elle s'occupe de lui comme sa mère l'aurait fait.

Si a réussi à tenir trois de ses promesses sur quatre - s'occuper de son frère, défendre le nom de sa famille, vivre sa vie un peu pour elle - il lui reste néanmoins la promesse faîte à ses grands-parents. Trouver un bon parti à épouser. Et plus 2009 approche, plus elle est prête à tout pour cela. Après tout, elle n'a pas vraiment le choix. Elle est une Lestrange.