Quand le chat n'est pas là... [Ellie/Diana]

Cela faisait une semaine que les cours avaient repris. Une semaine que les professeurs avaient recommencé à les stresser avec les ASPIC. Une semaine que Diana traînait les pieds. Elle avait décidé de faire des efforts, pourtant – cela faisait même partie de ses bonnes résolutions du début d'année, résolutions qu'elle oubliait d'ordinaire durant les mois qui suivaient. Parce qu'elle était bien décidée à les passer, ces ASPIC – de toute manière, ses parents ne lui auraient pas laissé le choix. Au moins pour l'expérience. Sauf qu'elle n'avait pas encore rassemblé toute la motivation nécessaire pour commencer ses révisions.

Cette journée de cours s'écoula paisiblement, égale à elle-même. La Gryffondor eut même une assez bonne surprise lorsque l'un de ses professeurs lui rendit un devoir qu'elle avait rédigé entre une tasse de thé à la menthe et un bol de chocolat chaud dans le brouhaha continuel de la salle commune et fut agréablement étonnée de réussir avec un joli succès un exercice pratique de métamorphoses – à moins que ce ne fût de sortilèges ? elle avait un trou, tout à coup – auquel elle ne s'était entraînée en tout et pour tout qu'une ou deux fois pelotonnée sous ses couvertures.

Ce fut donc de plutôt bonne humeur qu'elle regagna sa maison. Le portrait de la grosse dame l'accueillit d'un grand sourire – le premier depuis la fin des vacances, durant lesquelles elle avait apparemment un peu abusé de liqueur, de chocolat et de dinde aux marrons :

« Mot de passe ?
- Confettis ! »

Le tableau pivota et la jeune fille pénétra dans la salle commune. Elle gagna aussitôt les dortoirs, pressée de déposer son cartable et les affaires qu'il contenait et manquant écraser sa chatte au passage qui se réfugia en feulant sous son lit. Diana soupira.

« Vénus, tu pourrais faire attention, quand même ! Tu n'es pas obligée de te jeter dans mes jambes à chaque fois que j'entre dans une pièce ! »

Elle n'obtint pour toute réponse qu'un ronchonnement étouffé et la jeune femme, sans se préoccuper davantage de la dame offusquée, vida son sac en fredonnant. Au bout de quelques secondes, une forme noire finit par se faufiler à l'air libre et, après s'être brièvement frottée contre les mollets de sa maîtresse, sauta sur le matelas avec un miaulement autoritaire. Diana esquissa un sourire sans interrompre sa tâche.

« Malheureusement, je ne reste pas, Vénus. J'ai décidé d'aller à la bibliothèque. »

Annonce qui aurait eu de quoi stupéfier plus d'une personne, avouez-le. Cependant, la chatte eut l'air tout au plus irritée et, sans un regard de plus à l'égard de son indigne propriétaire, se roula en boule sur son oreiller. La septième n'eut pas le cœur de l'en déloger et, saisissant les manuels dont elle allait avoir besoin pour étudier au calme, se contenta de souffler à mi-voix :

« À tout à l'heure, ma belle. »

Pourtant, elle n'était pas plus tôt sortie du dortoir qu'un éclair sombre filait entre ses jambes pour dévaler à toutes pattes l'escalier menant à la salle commune. Elle retrouva l'animal fièrement assis devant le trou du tableau, parfaitement immobile. Fronçant les sourcils, Diana hésita.

« Eh bien, Vénus ? J'en ai pas pour très longtemps, tu sais. Ce n'est pas la première fois que je repars après les cours. »

Ne recevant pour toute réponse de sa part qu'un silence imperturbable, elle leva les yeux au ciel et se remit en marche.

« Très bien, comme tu voudras. Mais je te préviens, je ne crois pas que la bibliothécaire accepte les chats. Ou alors il faudra te faire très très discrète. »

Mais elles n'arrivèrent jamais à la bibliothèque. Car, dès qu'elles posèrent les pieds dans le couloir, Vénus bondit en avant et s'éloigna en trottinant, comme si elle avait totalement oublié la présence de la jeune femme à ses côtés. Oscillant entre l'indécision et l'incrédulité, cette dernière la suivit du regard avant de se décider à lui emboîter le pas. Tant pis pour la bibliothèque, sa curiosité l'emportait largement sur son sérieux. Elle chemina ainsi plusieurs minutes, le cerveau en ébullition. Où pouvait bien se rendre sa chatte avant tant d'assurance ? Était-ce encore un de ses innombrables caprices ? Ou alors autre chose – mais, dans ce cas, quoi ?

Lorsqu'elles arrivèrent dans le hall, sa perplexité était à son comble. Elle pensa un instant que Vénus allait sortir du château, mais celle-ci fit halte à proximité des sabliers des quatre maisons. De plus en plus étrange. Diana se rapprocha et découvrit alors que son amie avait rejoint un chat blanc et noir. Apparemment, ils se connaissaient déjà puisque ce dernier, qui était assis, se leva pour l'accueillir d'un miaulement. La jeune fille lança un coup d'œil à Vénus – calme et royale, comme à son habitude, mais elle perçut toute l'affection qu'elle devait porter à son compagnon à quatre pattes quand un discret ronronnement parvint à ses oreilles. Visiblement, tous deux s'appréciaient. La Gryffondor ressentit soudain une formidable envie d'éclater de rire.

« Eh bien, Vénus, on a des rendez-vous galants ? Tu as fait la connaissance d'une copine – à moins que ce ne soit un copain ? »


La chatte l'ignora avec cette superbe hauteur qui était la sienne, ce qui ne fit qu'amplifier l'amusement de sa propriétaire.

Un hurlement résonna soudain dans le hall et Diana fit volte-face tandis que Vénus se hérissait en crachant. Son regard intercepta une jeune fille qui venait apparemment de perdre l'équilibre et qui se redressait à présent avec lenteur, le visage écarlate. Une Poufsouffle. Sans doute avait-elle trébuché contre l'armure et n'avait-elle pas pu s'empêcher de crier. La jeune femme allait s'en détourner, reportant son attention sur les deux chats, quand elle remarqua que, aussi surprenant que cela puisse paraître, la sorcière maladroite se dirigeait vers elle. Enfin, vers eux. Perplexe, elle l'observa s'approcher en silence, essayant de deviner ce qui pouvait bien l'attirer ici. Elle ne la connaissait pas, en tout cas, elle en était quasiment certaine. Du moins, pas personnellement. Mais le contraire n'était pas forcément vrai. L'élève la salua, sans oser toutefois la regarder dans les yeux. Maladroite et timide. Décidément, c'était bien sa veine. Elle allait lui demander ce qui l'amenait là lorsque celle-ci reprit la parole. C'est un copain. Pardon ? La septième année mit quelques secondes à comprendre que son interlocutrice parlait du chat blanc et noir, et encore quelques secondes supplémentaires avant de réaliser que la jeune fille devait en être la propriétaire. En même temps, elle n'était pas très explicite. Elle l'écouta sans un mot, enregistrant le nom de l'animal dans un coin de son esprit. Tommy. Nettement moins classe que Vénus, mais elle devait avouer que cela lui allait bien. Il y eut ensuite un temps de silence que la Poufsouffle rompit de nouveau pour la complimenter sur sa chatte. Diana n'avait jamais douté de sa beauté, mais l'entendre de la bouche d'une inconnue lui fit tout de même plaisir et elle desserra les lèvres pour la première fois depuis leur rencontre.

« Merci. »

Enfin, sa camarade releva le visage afin de se présenter et la jeune femme, comprenant qu'elle avait terminé de parler, lui sourit gentiment. La demoiselle ne semblait en effet guère à l'aise à l'oral et elle désirait avant tout la mettre en confiance.

« Enchantée, Ellie. Moi, c'est Diana. Et cette miss, ajouta-t-elle en désignant la chatte noire, s'appelle Vénus. »

Il y eut une courte pause durant laquelle la Gryffondor réfléchit à ce qu'elle pouvait bien dire. Les gens trop réservés n'étaient pas sa tasse de thé mais, si les deux chats étaient destinés à devenir amis, voire plus, autant engager la conversion avec la maîtresse du dénommé Tommy. Sans compter que, une fois avoir dépassé sa timidité naturelle, Ellie pouvait se révéler une compagne fort agréable.

« Je suppose que tu as toi aussi suivi ton chat jusqu'ici ? interrogea-t-elle en souriant. J'ignorais que les chats pouvaient se fixer des rendez-vous. Enfin... à la réflexion, ça ne devrait pas m'étonner. Connaissant Vénus... Elle esquissa un sourire amusé. Je suppose que Tommy doit être un peu du même naturel, non ? Enfin, qui se ressemble s'assemble, quoi. »

Même si on disait également que les contraires s'attiraient. Elle reporta son attention sur les félins qui, sans plus se préoccuper des deux humaines en train de parler au-dessus de leur tête, avaient entrepris de se tourner autour. Qu'est-ce que cela pouvait donc signifier, en langage chat ? Diana n'en avait aucune idée.

« En tout cas, je lui souhaite bien du courage, reprit-elle. Parce que Vénus n'est pas spécialement facile à vivre. »

Du moins avec les êtres humains.

- Tommy a deux extrêmes je te dirais... soit il est méga pot de colle et il me suit partout, ou bien il se promène n'importe où et s'impose avec les autres animaux du château comme s'il était le roi de Poudlard.

Un roi ? Vraiment ? Dans ce cas, ce Tommy avait véritablement tout pour plaire à Vénus – même si cette dernière, contrairement à lui, n'était pas constamment collée à sa maîtresse et revendiquait fièrement son indépendance. À condition, bien sûr, qu'il ne tente pas de la prendre de haut ou de la soumettre à lui. Dans ce cas, en effet, le chat pourrait sans doute s'attendre à quelques mauvaises surprises. Mais, songea Diana, si les deux animaux avaient déjà fait connaissance et s'étaient liés d'amitié, voire plus, il n'y avait pas de raison que cela dégénère.

- Et pour Vénus, ne t'inquiète pas pour lui, il a peut-être l'air de rien, mais il a tout un caractère.

Lorsqu'Ellie se tut, elle laissa passer un court silence avant de prendre le félin dans ses bras, mais elle dut se résoudre à le reposer à terre en constatant qu'il se débattait, visiblement peu désireux de mettre ainsi à mal sa virilité devant sa belle. La jeune fille tendit ensuite légèrement la main dans la direction de Vénus puis interrompit son geste, hésitante. Diana esquissa un sourire.

- Tu peux y aller, elle ne te fera rien. Si elle ne veut vraiment pas que tu la touches, elle esquivera, mais ne te mordra pas. En fait, elle ne griffe que quand elle est très énervée, ce qui n'est pas le cas ici. Ou encore lorsque tu ne te hâtes pas assez pour lui donner à manger, par exemple, ou qu'elle a l'impression que tu portes atteinte à son amour propre.

Elle mima des guillemets avec ses doigts pour accompagner ce dernier terme.

- Par exemple, elle n'a jamais accepté que je la porte. Même tout chaton. Elle a une conscience assez aiguë de sa dignité de félin, je suppose.

La jeune femme n'avait pu empêcher de laisser percer un éclat de rire dans sa voix et reprit, après avoir rabattu une mèche qui lui tombait devant les yeux derrière son oreille :

- Enfin, tu peux toujours essayer de la caresser. Au pire, elle se détournera. C'est tout.

La Poufsouffle acquiesça puis avança ses doigts jusqu'à toucher le museau de la chatte. Cette dernière les renifla distraitement puis s'en désintéressa, et Ellie put effleurer le sommet de son crâne. L'animal demeura quelques secondes immobile avant de se lever pour rejoindre Tommy d'une démarche souple et majestueuse, non sans avoir auparavant brièvement croisé le regard de sa propriétaire qui sourit de nouveau.

- Eh bien, tu as passé ce premier test avec succès, les présentations sont faites ! La prochaine étape est de partager son fauteuil sans râler parce qu'elle te laisse des poils sur les genoux. Mais le plus dur reste encore à faire...

La Gryffondor se rapprocha de l'élève afin de lui souffler au creux de l'oreille, comme si elle y déposait le plus dangereux et mystérieux des secrets :

- Tout d'abord lui verser sa ration quotidienne de pâtée et de croquettes. Quantité précise, il n'en faut ni trop – ça la fatigue – ni pas assez – elle est de mauvaise humeur pour le reste de la journée. Sans compter que tu dois changer de parfum tous les jours de la semaine ! Viande rouge, poisson, volaille... Évidemment, il te faudra aussi veiller à maintenir son eau toujours abondante, propre et fraîche. Et surtout, surtout, surtout... Pause. Ne jamais, au grand jamais, inverser la gamelle destinée à la nourriture et celle pour la boisson ! Toutes les deux sont en or massif mais son nom est gravé sur la première, rehaussé de pépites d'argent et mis en valeur par une série de saphirs et de rubis. Quant à la seconde, elle est seulement incrustée d'émeraude. C'est le plus compliqué – et également le plus important. Tu as bien compris ?

La septième année recula de quelques pas puis, captant le regard dubitatif qu'elle lui lançait, éclata de rire.

- Ne t'inquiète pas, je plaisante ! Je suis sûre que tout cela plairait beaucoup à Vénus, mais elle se contente pour l'instant de son couverture et de son coussin personnels pour la nuit, de ses peluches remplies d'herbe à chat, de sa boîte à musique à l'intérieure de laquelle est compilé un total de trente et quelques berceuses et de ses chaussettes réservées à l'extérieur. Seulement quand il neige, bien sûr – pour qu'elle n'ait pas froid aux pattes.

Son interlocutrice écarquilla les yeux et Diana dut se retenir pour ne pas rire de nouveau. Avait-elle vraiment cru à tout ce qu'elle venait de dire ? Se décidant à changer de sujet, elle reprit la parole :

- Au fait, à part que tu t'appelles Ellie et que tu te trouves à Poufsouffle, je ne sais rien de toi. À vrai dire, je pense que j'en connais même plus sur Tommy. Elle lui sourit. Alors, que peux-tu me dire sur toi ? Ton âge, par exemple ?

Elle espérait vraiment parvenir à dérider sa camarade et à la voir sortir peu à peu de sa réserve.