Au bal des hypocrites [reporté à plus tard dans l'année]

Dimanche 30 septembre 2007

Il pleuvait. Dans la salle commune. C'était inadmissible. Enfin, elle savait bien qu'ils étaient sous le lac, mais ça ne sous-entendait pas qu'il fallait les traiter comme des batraciens, tout de même. Ce n'était pas parce qu'ils étaient censés être discrets et rusés, malins, ne pas dire les choses franchement et attendre patiamment leur heure qu'il fallait les oublier dans l'intervalle, les oublier au point de les mettre sous le lac et de tenter de les noyer subrepticement! Enfin, elle s'égarait. Toute son indignation, c'était juste une bonne excuse pour ne pas penser à ce qui la préoccupait, à savoir ses devoirs, sa famille, James, la sortie à pré-au-lard, James...

James qui sortait avec cette pimbêche de Kessy Brooks. Après l'avoir embrassée, elle. Après avoir fait comme si de rien n'était. Clara ne savait pas lequel des deux elle avait le plus envie de réduire en charpie - elle ne savait même pas, en fait, si elle voulait hurler ou pleurer. Elle manquait cruellement d'énergie, ces derniers temps. Toute sa concentration lui servait à maintenir son masque. Dès qu'elle n'avait rien à faire, elle ruminait. Jour après jour, lentement - mais trop rapidement à son goût - et sûrement, elle se voyait sombrer dans une déprime plus profonde et hurlait sur elle-même, à l'intérieur de sa tête, effrayée par le spectacle qu'elle s'offrait. Elle ne voulait désespérément pas faire partie de ces gens timides et mal dans leur peau, dont on se moquait ou qu'on oubliait. C'était dur, fatiguant, un combat de tous les jours. Mais elle gagnerait, dû-t-elle se tromper elle-même.

Effrayée par ses propres pensées, Clara retourna résoluement griffonner quelques mots sur son parchemin, à propos des potions d'amincissement, et s'aperçut qu'elle avait encore dessiné la cathédrale de Milan. Elle avait agrémenté savamment le batiment d'arabesques, réhaussé le plafonnement, le parvis, donné sa touche personnelle. L'esquisse prenait la moitié de la page alors que son brouillon... à peine deux lignes, évidemment. Elle avait vraiment été charmée par cette ville, et était mortellement jalouse de Swann qui était partie s'y installer. Bon, pour ouvrir une boutique de mode alors qu'elle préférait largement l'architecture, mais elle avait prétendu être une fashion victim si longuement que c'eut été un bien petit sacrifice que de le prétendre encore un moment.

Du coin de l'oeil, elle vit une silhouette se diriger vivement vers elle et identifia instantanément Cordélia Harper. Harper, oui, comme Cassandre, la préfète de Gryffondor, réputée pour ne pas être particulièrement aimable. Il n'avait pas fallu longtemps à Clara pour constater que Cordélia était du même accabit. En apparence, elle semblait beaucoup plus sociable, agréable et tout un tas d'adjectifs en -able, mais Clara était une menteuse professionnelle et par certains aspects, Cordélia lui ressemblait beaucoup. Curieuse cependant de ce que la fillette pouvait bien lui vouloir, elle retourna mine de rien le parchemin, faisant semblant d'écrire au dos, au moment où elle arrivait vers elle. Affectant la surprise, elle leva la tête.

"C'est à quel sujet?" demanda-t-elle à la gamine avec un sourire aimable.

Ah, elle restait au moins douée dans un domaine, les faux-semblants, les apparences, l'hypocrisie. Une vraie petite Serpentard, encore et toujours, et ça, c'était rassurant.