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2050 [OS]

Nora Weaver
Nora WeaverProfesseur de Soins aux Créatures Magiques
Messages : 2266
Profil Académie Waverly
2050 [OS] Icon_minitimeLun 15 Juil 2013 - 16:42
1er Juillet 2050

Ils étaient arrivés à la gare beaucoup trop vite au goût de Nora. Son cœur se serra à la seconde où elle sentit le train ralentir. Elle avait attendu beaucoup de choses de ce voyage, sans savoir exactement quoi. C’était son dernier trajet avec Irving. C’était ses dernières heures avec lui, il partait dans deux jours pour la France et elle ne le reverrait plus pendant plusieurs mois. C’était un peu comme une dernière chance, et elle avait attendu qu’il se passe quelque chose. N’importe quoi. Mais rien n’était arrivé. Le trajet avait été agréable bien sûr, ils avaient parlé de tout et de rien, avaient embêté Georgiana, avaient fait une partie de bataille explosive, avaient reçu la visite de Donald, de Cassandre et de Danny. Un seul sujet n’avait pas été abordé : le départ prochain d’Irving. Tout s’était déroulé exactement comme s’ils allaient tous se retrouver dans deux semaines pour une sortie estivale, comme s’ils avaient encore du temps. Mais ils n’en avaient pas, de temps, Nora l’avait laissé filé sans dire toutes ces choses qu’elle avait sur le cœur, sans rien faire. Elle avait passé son temps à attendre et maintenant il était trop tard. Et elle se retrouvait là, avec plein de choses à dire, des regrets, et le goût amer de la déception dans la bouche.

Elle ne comprenait pas que les autres ne soient pas dans le même état. Tout le monde discutaient, riaient et s’amusaient comme si tout allait bien. Comme si leur petit monde n’était pas sur le point de s’effondrer. Elle se hissa à contrecœur sur la banquette pour sortir sa valise du filet à bagage. Elle dut se battre au moins trois bonne minutes avec les mailles de ce dernier pour en extraire sa valise et fut la dernière à sortir du compartiment, voire peut-être même du train. Elle ne chercha même pas ses parents du regard, se contentant de repérer Irving parmi la foule. Il disait au revoir à d’autres amis un peu plus loin et elle s’approcha en attendant son tour. Elle l’observa discrètement et se dit qu’il n’avait pas l’air malheureux. Un peu triste bien sûr, ému, mais pas malheureux. Tant mieux. Il serait sans doute très bien en France, il allait retrouver les jumeaux Moses, ses amis d’enfance, faire plein de nouvelles rencontres et découvrir un nouveau pays. C’était une chance, elle le savait. Et elle aurait dû être heureuse pour lui. Elle voulait l’être, mais c’était plus fort qu’elle, elle avait envie qu’il reste. C’était terriblement égoïste mais elle voulait encore un peu de temps avec son meilleur ami.

Un an et demi. Ca ne faisait qu’un an et demi qu’ils s’étaient rencontré. Elle avait l’impression de le connaitre depuis beaucoup plus longtemps que ça et pourtant elle se souvenait de leur rencontre comme si c’était hier. Ça avait été une belle histoire, aussi intense que brève. C’était comme s’il l’avait réveillé. Il avait rencontré la petite sœur d’Amely Weaver et en avait fait Nora l’intrépide. Et chaque moment passé ensemble avait été une aventure de plus. Elle avait eu l’impression de vivre plein de choses, à toute vitesse, et un retour à sa routine d’avant lui paraissait impossible. La vie lui paraitrait bien fade sans excursions dans la forêt, sans promenade sur le lac gelé, sans inondations des cachots. Elle pouvait essayer de vivre ça avec quelqu’un d’autre, mais elle ne voulait pas. C’était avec Irving qu’elle voulait partager ces moments-là. Pour voir ses yeux bleus se mettre à briller un peu quand il souriait, pour l’entendre rire, pour l’entendre râler après Dérébusor,  le voir plonger les mains dans ses poches de son éternel sweat gris quand il se mettait à marcher, passer une main dans ses boucles quand il était mal à l’aise. Il se trouvait à tout juste deux mètres d’elle et il lui manquait déjà.

Le petit groupe qui s’était formé autour du Gryffondor se dissipa peu à peu et Nora s’approcha de lui en se forçant à sourire. Elle ne voulait pas lui dire au revoir. Elle s’y refusait. Elle voulait déposer un baiser sur sa joue, lui lancer « à la semaine prochaine » et s’éloigner avec un sourire en lui faisant de grands signes de la main. Au lieu de quoi elle restait face à lui, la gorge nouée, le cœur battant, et les doigts crispés autours des poignets de sa valise. Il se passa un court moment pendant lequel ils s’observèrent mutuellement sans rien dire. Elle ne parvenait pas à déchiffrer l’expression sur le visage de son ami. Elle prétendait le connaitre pourtant, mais à cet instant elle était incapable de savoir ce qu’il pensait. Peut-être parce qu’elle était elle-même perdue dans ses propres pensées.

« Au revoir alors ? lança-t-elle finalement, la voix un peu enrouée. Tu vas me manquer… »

Elle baissa les yeux, incapable de soutenir son regard. Il ne lui faudrait pas grand-chose pour se jeter à son cou et fondre en larmes en le suppliant de rester, et il n’avait pas besoin de ça. Elle n’avait qu’à lui souhaiter un bon voyage et à lui promettre de lui écrire souvent et de venir le voir, un jour. Ça n’avait rien de compliqué, un sourire, quelques paroles, et ce serait terminé. Pourtant elle n’y arrivait pas, parce qu’elle ne voulait pas que ça se termine comme ça.

« On se reverra » assura-t-il.

Elle aurait aimé pouvoir penser comme ça. Imaginer leurs retrouvailles, faire de belles promesses, mais tout ce qu’elle voyait c’était qu’il partait, maintenant, et qu’elle n’avait aucune idée de quand elle le reverrait. Il fit un pas vers elle et posa une main sur son épaule. Elle sentit son cœur manquer un battement et leva les yeux vers lui. Il fixait un point derrière elle, qu’elle ne pouvait voir, mais reporta aussitôt son attention sur elle. Leurs regards se croisèrent, elle esquissa un sourire. Il se pencha vers elle, et déposa un baiser sur son front. Déçue, elle le laissa se reculer alors qu’elle aurait voulu le serrer dans ses bras une dernière fois, retenant les larmes qui lui montaient aux yeux. Ils ne pouvaient pas se quitter là-dessus. Elle voulait l’étreindre, lui dire qu’il allait lui manquer, encore et encore, qu’elle penserait à lui tous les jours, mais elle était incapable d’ouvrir la bouche. Elle aurait voulu qu’il l’embrasse, vraiment. Pas sur le front, pas comme une enfant, pas comme une amie. Mais il s’était éloigné maintenant, et il reprenait sa valise en main. C’était trop tard. Elle avait manqué sa chance, encore. Comme elle aurait aimé avoir le courage légendaire de srouge et or pour avoir la force d’agir, plutôt que d’attendre.

« Tu m’écriras ? tenta-t-elle, comme pour gagner du temps.
- Bien sûr, si tu m’écris aussi.
- Tous les jours, répondit-elle avec un maigre sourire. Pendant les cours d’astronomie.
-Ne te fais pas prendre, j’voudrais pas que Dérébusor menace de t’jeter du haut de la tour.
-Tu oublies qu’il prend sa retraite.
-Ah oui, c’est vrai. Logique, son élève préféré s’en va, répondit-il en ricanant. J’dois y aller, ajouta-t-il en jetant un regard en arrière. A la prochain, hein ?
-Ouai, à la prochaine, répondit-elle en saluant d’un geste de la main Mrs. Whitaker, qui attendait un peu plus loin. Amuses toi bien, et au revoir, ajouta-t-elle, mettant à profit les cours de français que Paul lui avait donné pendant les vacances de noël. J’espère que tu te débrouilleras mieux que moi, je sais dire Bonjour, Au revoir, Merci beaucoup et Je t’aime.
-Au revoir Mademoiselle » répondit-il en s’éloignant.

Elle rit, alors qu’elle avait envie de pleurer. Sourire faisait mal, le voir partir aussi. Elle ne supportait pas le regarder s’éloigner, elle détourna les yeux. En se retournant elle aperçut ses parents qui l’attendaient sur le quai, un peu plus loin. A l’endroit exact ou Irving regardait juste avant de l’embrasser sur le front. Un instant elle se demanda s’il aurait agi différemment si ses parents ne les avaient pas observés. Mais elle se força à chasser cette interrogation de son esprit. Ca n’avait plus d’importance maintenant. Elle rejoignit sa famille d’une démarche un peu trainante, et les salua d’une petite voix.

« Ca va mon poussin ? Tu n’as pas l’air contente de nous voir…Son père lui sourit et la serra dans ses bras avant de lui prendre sa valise des mains.
-Oui ça va, c’est juste que…J’aime pas les adieux. »

Elle n’aimait surtout pas cette sensation d’avoir manqué quelque chose, de rester avec ses questions et ses doutes. Elle n’avait rien dit ce qu’elle avait à dire et elle n’avait même pas essayé d’avoir des réponses. Maintenant il ne lui restait que des regrets. Comment pouvait-elle en rester là ? Elle ne voulait pas. Elle regretterait toute sa vie de n’avoir rien tenté. Elle devait savoir. Elle avait une dernière chance à saisir, elle ne pouvait pas laisser filer celle-ci. De quoi avait-elle peur ? Elle n’avait plus rien à perdre. Elle devait essayer, le rattraper, s’ouvrir à lui, agir. Elle avait assez attendu comme ça. Sauf qu’il était peut-être déjà trop tard. Son sang se glaça à cette pensée, alors qu’elle se sentait prise d’un élan de détermination.

« Attendez-moi une minute, lança-t-elle à ses parents en s’éloignant. Je reviens. »

C’était là, c’était maintenant. Ce moment qu’elle avait attendu sans jamais chercher à le provoquer. Celui qu’elle avait espéré autant qu’elle l’avait redouté, se rassurant en se disant qu’elle aurait d’autres occasions. Mais pas cette fois. Elle n’aurait plus d’autre chance. C’était maintenant ou jamais. Et cette peur, cette peur de le voir partir sans avoir pu lui parler, de se retrouver toute seule avec ses regrets, cette peur lui donnait des ailes. Elle promena son regard sur la foule, à la recherche de ses bouclettes brunes si reconnaissables. Il avait disparu. Il ne pouvait pas être déjà parti, c’était impossible.

Elle se mit à courir dans la direction qu’il avait empruntée, regardant désespérément de tous les côtés dans l’espoir de l’apercevoir. Elle aurait donné n’importe quoi pour mesurer trente centimètres de plus et pouvoir voir par-dessus la foule. Mais elle était condamnée à se frayer un chemin parmi ses camarades, en bousculant certains au passage. Elle s’attira un regard réprobateur d’une fillette de Serpentard dont elle avait froissé le journal en passant à côté d’elle et faillit percuter Sean Fitcher de plein fouet. Elle s’arrêta un instant pour reprendre sa respiration et balayer les environs du regard à la recherche d’Irving. Elle aperçut Kelsey Lorgan qui tirait sur sa jupe et reboutonnait son chemisier avant de s’avancer vers ses parents. Pas loin de là, Lauren McGowan expediait un coup de poing dans le bras d’un grand gaillard d’au moins deux mètres qui le lui rendit, un peu trop fort visiblement puisque la batteuse grimaça. Quelques mètres plus loin, Paige Warlock se trouvait aussi en compagnie de son frère, qui venait visiblement de lui annoncer une mauvaise nouvelle à en croire l’expression de la préfète. Mais aucune trace d’Irving. Le cœur de Nora se serra. Elle l’avait loupé. Elle l’avait laissé partir. C’était fini.

Elle tourna une dernière fois sur elle-même, animée par un dernier espoir, et elle le vit, enfin. Il sortait presque de la gare, à des dizaines de mètres d’elle, mais elle l’aurait reconnu entre mille. Elle reprit aussitôt sa course, sans le quitter des yeux. Elle avait l’impression qu’elle ne le rattraperait jamais, et devait jouer des coudes pour se frayer un chemin parmi la foule.

« Irving…lança-t-elle dans un souffle à peine audible. Irving ! » cria-t-elle finalement pour le faire se retourner.

Il ne l’entendit pas, et elle accéléra. Ignorant la blondinette à chouchou rose qu’elle venait de pousser de son chemin sans s’excuser, oubliant ses poumons en feu et sa gorge sèche.

« Irving ! »

Il se retourna, elle le vit chercher un moment parmi la foule, puis son regard se posa sur elle. Elle s’arrêta aussitôt de courir. Elle avait l’impression qu’ils n’y avaient plus qu’eux sur le quai, comme si toute la foule s’était dissipée. Le temps ne comptait maintenant. Il était encore là, elle aussi. Quelques secondes plus tôt elle avait l’impression que tout était fini mais désormais tout était possible. La respiration haletante et le souffle court, elle avança vers lui alors qu’ils faisaient de même. Ils s’arrêtèrent à un mètre l’un de l’autre. Elle avait plein de choses à dire, mais aucune envie de parler. Alors, essoufflée, le cœur battant la chamade et les mains moites, elle fit un pas en avant, hésita une fraction de seconde, posa ses mains sur les épaules d’Irving et se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser.

Elle s’abandonna complètement à ce baiser, à cette étreinte qu’elle avait trop attendu. Cela dépassait tout ce qu’elle avait imaginé, et elle aurait voulu que ça dure toujours. Elle l’avait espéré, ce baiser, elle l’avait rêvé, pourtant il surpassait toute ses attentes.  Elle sentait quelque chose s’éveiller en elle, naitre au creux de son ventre. Elle avait le tournis, se sentait comme fiévreuse, et ne pensait plus qu’à savourer ce baiser au goût d’adieu. Elle voulait qu’il ne retire jamais sa main du creux de son dos, que ses lèvres ne se séparent jamais des siennes, parce qu’alors ce serait finit. Et ça ne pouvait pas être fini, pas maintenant qu’il n’y avait plus aucun doute. Parce que si ça ce n’était pas de l’amour, alors l’amour n’existait pas. Et elle l’aimait, elle l’aimait plus qu’elle ne l’avait jamais aimé.

Il finit toutefois par s’écarter d’elle et elle plongea son regard dans le sien, une dernière fois. Ils n’avaient pas le besoin de parler. Ils savaient tous les deux. Quelque chose venait de se passer, mais ils devaient rester conscients que ça ne pouvait rien changer. Sauf qu’ils savaient maintenant. Ils savaient ce qu’ils ressentaient, ils savaient ce qu’il y avait eu entre eux, ce qu’il y avait encore, et ce qu’il ne pourrait plus y avoir.

« Ne pleure pas… » souffla-t-il.

Elle ne s’était même pas rendu compte que ses larmes tant retenues s’étaient échappées de ses yeux, mais ses doigts rencontrèrent une joue humides quand elle les porta à son visage.

« Désolée, répondit-elle avec un triste sourire. Mais je…
-Ne t’excuse pas…répondit-il avec un sourire en essuyant les larmes de la jeune fille.
-Désolée. »

Ils rirent doucement. Elle lui adressa un maigre sourire à travers ses larmes et il la serra contre elle. Elle posa sa tête sur son épaule et ferma les yeux. Elle était envahie par trop d’émotions d’un seul coup. Ravagée par la tristesse,  et pourtant heureuse, sereine. Elle n’aurait rien à regretter, mais maintenant elle savait ce qu’elle perdait. Il l’étreignit un peu plus fort, avant de se séparer d’elle.

« A bientôt Nora, je te le promets.
-A bientôt. »

Elle lui sourit, il déposa un baiser beaucoup trop bref sur ses lèvres, et il se détourna. Elle l’observa s’éloigner, décidée à rester là jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champs de vision. Elle le vit retrouver sa mère et reprendre sa route et dut se faire violence pour ne pas se mettre à pleurer. Elle avait envie de lui courir après mais elle ne pourrait pas toujours le rattraper. Elle devait le laisser partir. Il atteignit finalement la sortie de la gare et, alors qu’elle allait partir rejoindre ses parents, il se retourna. Elle ne le voyait pas d’ici, mais elle savait qu’il lui souriait, et elle lui sourit aussi. La distance n’y changerait rien finalement. Peu importe s’ils ne se voyaient pas, s’ils ne pouvaient pas se parler, ils resteraient liés l’un à l’autre. Toujours.


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