Les mangeurs de grenouilles [Glenn]

7 Juillet 2007

- Tu triches, Suzie, je t'ai vue.

Assis sur les grandes marches blanches qui menaient à Gringott's, Andrew surveillait ses petites deux sœurs attentivement. Sa belle-mère était partie retirer de l'argent dans le coffre qu'elle partageait avec leur père et il avait eu pour tâche de veiller sur Susan, six ans, et sur Grace, trois ans. Les deux petites filles s'étaient lancées dans une partie de "Évite le Strangulot" et Susan avait la mauvaise habitude de sauter des marches - donc des paliers de jeu - dès que Grace avait le dos tourné. Cette dernière ayant trois ans, elle avait déjà du mal à comprendre le fonctionnement du jeu, alors voir que son aînée trichait... Suzie en profitait largement et en était fière, en plus. Elle irait à Serpentard, Andrew parierait son balai sur ce point.

- Je ne triche pas ! s'exclama Susan, de sa petite voix flutée, sourcils froncés et mains posées sur ses hanches.
- Attends, te moque pas de moi, je t'ai vue ! C'est qu'un jeu, t'es pas obligée de tricher. C'est méchant pour Grace. Tu devrais même la laisser gagner d'ailleurs, elle est petite !
- Je ne triche pas. Et Grace doit apprendre à avoir ses propres victoires ! Ce qui est méchant, c'est de la laisser gagner, parce qu'après, elle croit qu'elle est douée et en fait non, déclara Susan, butée.

Et dire que cette petite n'avait que six ans. Six ans, et déjà tant d'arrogance et d'aisance. Petite peste, va, songea Andrew. Susan Dubois régnait sur son petit monde. Adorée de ses parents, de sa famille, elle avait plein de copines à l'école et la maîtresse avait déjà signalé qu'elle était méchante avec les autres et avait tendance à se moquer des plus petits. Andrew aimait sa sœur, c'était un fait, c'était sa petite sœur, mais il la connaissait trop bien pour se laisser avoir comme cela. Amanda, sa belle-mère, et son père avait beau essayer, Susan avait un caractère bien ancré. Heureusement que Grace était bien plus mignonne, songea Andrew tandis qu'elle venait s'assoir sur ses genoux, discourant tant bien que mal en langage "j'ai trois ans".

- Le crangulot y a mangé et pis et pis je suis crombée dans l'eau et j'ai bu le verre ! affirma-t-elle.
- Hum, acquiesca Andrew tandis que la petite continuait à parler de "crangulot" et que Susan s'asseyait d'un air boudeur à coté de lui, refusant de croiser son regard.

Amanda, sa belle-mère finit par sortir de la banque et les salua d'un grand sourire en demandant si tout c'était bien passé, ce à quoi les enfant répondirent oui en cœur. Elle prit Grace dans ses bras avant de les entrainer de nouveau vers la grande rue. Il y avait du monde sur le Chemin de Traverse en ce début de vacances et il faisait chaud, vraiment chaud, sous le soleil qui illuminait le quartier. Amanda avait quelques courses à faire et étant donné qu'Olivier travaillait, elle les avait emmenés. Andrew n'avait pas été ravi de se lever à neuf heures, mais bon.

- Prends la main de ta sœur, Andy chéri, il y a du monde.
- Je ne suis plus un bébé ! protesta Andrew, qui refusait de tenir la main de sa sœur sur le Chemin de Traverse, où il pouvait croiser des gens qu'il connaissait.
- Moi non plus ! renchérit Susan. J'ai six ans ! argumenta-t-elle en exhibant fièrement six doigts.  
- J'en ai le double, répliqua Andrew, mesquin.

Susan lui enfonca son coude dans les côtes, visiblement mécontente de cette remarque.

- C'est pas encore ton anniversaire, tête de grenouille !
- Les enfants, arrêtez de vous disputer. Andrew, prends la main de ta sœur.

Andrew soupira mais finit par s'excécuter, Susan en profitant pour le pincer, ce à quoi il renchérit par une tape sur la tête, qu'elle rapporta tout de suite à Amanda, qui repartit sur son refrain de l'importance des bonnes relations dans une fratrie. Pourtant, les relations dans la fratrie Dubois n'étaient pas mauvaises. Andrew et Susan se disputaient beaucoup, certes, mais passaient également plein de temps ensemble, volaient dans le jardin et faisaient des jeux de société, ou jouaient à la corde ou ce genre de choses. Même si Andrew n'allait pas crier qu'il faisait de l'élastique avec sa sœur, ils passaient de bons moments ensemble, même s'ils se disputaient souvent, ils se réconciliaient tout aussi vite. Grace était plus jeune, mais elle restait souvent avec eux, en spectatrice. Olivier disait souvent que Susan avait assez mal vécu le départ de son frère pour Poudlard, qu'il ne soit plus là aussi souvent qu'avant et avait ajouté qu'elle ne prenait pas très bien qu'il invite des amis à la maison, parce qu'il ne passerait pas son anniversaire avec elle, donc. Mais Andrew avait tendance à décrocher très vite quand ses parents commençaient à faire de la psychanalyse.

- On ira quand acheter mes affaires pour Poudlard ? s'enquit-il tandis qu'Amanda s'était arrêtée devant un étal de chapeaux.
- Dès qu'on aura reçu le hibou de l'école, répondit-elle en essayant un chapeau bleu turquoise. Ça me va comment ?
- T'es trop belle maman ! affirma Suzie en essayant elle-même un chapeau rose, trop grand pour son tour de crâne.

Mais Amanda ne semblait pas emballée par le chapeau turquoise après s'être admirée dans le miroir que tendait le vendeur, vu qu'elle le reposa.

- Tu iras avec ton père en plus, il veut faire un achat spécial avec toi.

Le cœur d'Andrew fit un bond dans sa poitrine et l'espoir l'envahit. Un achat spécial ? Un balai par exemple ? Les première années n'avaient pas le droit d'avoir leur propre balai mais il allait rentrer en deuxième et son père savait très bien qu'il voulait tenter sa chance dans une équipe de Quidditch. A part à balai, qu'est-ce qui pouvait être un "achat spécial" aux yeux d'Olivier Dubois ?

- Un balai ? s'enquit-il, enthousiaste.
- Je ne sais pas, grenouille, répondit Amanda en lui passant une main dans les cheveux. Je ne suis pas dans la tête de ton père.

D'habitude, Andrew aurait protesté devant ce surnom mais là, il était bien trop enthousiaste, persuadé que son père allait lui offrir un balai. Il ne pensa qu'à cela tout en suivant Amanda dans différentes boutiques, jusqu'à qu'elle rentre chez l'Apothicair où il demanda à rester dehors, parce que ça sentait toujours bizarre à l'intérieur. Sa belle-mère lui fit les traditionnelles recommandations d'usage avant de l'abandonner là en prenant ses filles avec elle. Appuyé contre la vitrine, Andrew listait tous les balais que son père pourrait lui offrir - parce que c'était forcément un balai - et ne pouvait s'empêcher d'être impatient. Il avait tellement hâte ! songea-t-il en sortant de sa poche une Chocogrenouille un peu fondue, avec la chaleur. Il déchira l'emballage et eut la surprise de voir sa grenouille faire un bond violent avant de venir s'écraser sur le visage d'un petit garçon qui passait. D'habitude, les grenouilles en chocolat faisaient un petit bond, pas le grand saut.

- Je suis désolé ! s'exclama Andrew en se précipitant vers le garçon, plus jeune, qui avait reçu sa confiserie sur la joue. Tiens, prends un mouchoir.

Amanda lui en avait donné avant de rentrer dans la banque, parce que Grace était un peu enrhumée. Enrhumée en plein étét, on aurait tout vu.

- Je te proposerai bien une autre Chocogrenouille pour me faire pardonner, mais c'était ma dernière... Je crois qu'elle a eu un coup de foudre pour toi ! affirma-t-il en riant. Je m'appelle Andrew, au fait.