[OS] Alors on se souviendra

Vendredi 13 juillet 2007 - Song post sur Memoria - Indochine

Aaron se retenait de ne pas courrir dans les couloirs du ministère. Ca n'aurait pas fait très sérieux pour la nouvelle recrue du ministre! Ce n'était pourtant pas l'envie qui manquait comme il se précipitait vers le Hall des Portoloins internationaux. Il ne voulait pas la manquer. Il ne voulait pas manquer Swann. Il ne voulait pas qu'elle parte avant qu'il ait pu lui dire tout ce qu'il avait sur le coeur, et il y avait beaucoup à dire.

Ils ne s'étaient pas reparlé depuis leur rupture, et il avait cru l'avoir oublié. Oubliée, Swann, lorsqu'il avait éhontément flirté avec Natasha, lorsqu'il avait passé la nuit avec Kelsey, lorsqu'il avait rencontré cette jolie brune du département de la justice magique. Mais la jolie brune lui ressemblait beaucoup, Kelsey pas assez, Natasha était trop proche d'elle pour qu'il arrive à l'oublier.

Elle lui manquait. Elle, son sourire, son air mutin, ses baisers, son parfum, sa mine contrariée quand ça n'allait pas comme elle voulait, ses leçons de morale, ses ragots. Elle lui avait manqué lorsqu'il avait reçu le hibou pour son rendez-vous avec Fiennes. Elle lui avait manqué quand il avait été embauché par le Ministère. Elle lui avait manqué, plus que jamais après la catastrophe avec Maïa. Parce que c'était avec elle qu'il avait changé, c'était elle qui lui avait révélé ce qu'il était réellement, c'était elle qui l'avait encouragé, soutenu alors qu'il commençait à comprendre qui il était vraiment. C’était à elle qu’il devait son poste au ministère. Et elle n'était plus là, et elle lui manquait.

Il avait fini par le réaliser, lors de leur dernier voyage en Poudlard Express. Il l'avait vue descendre du train comme il cherchait Amy dans la foule, et avait réalisé qu'il ne la croiserait probablement plus. C'avait été une douche froide, car même s'ils s'ignoraient dans les couloirs de l'école, elle était là, quelque part. La semaine précédent, il s'était décidé à aller la voir, à T&T. Mais une fois arrivé devant la vitrine, il s'était arrêté, parce qu'il ne savait pas quoi dire. Il ne savait pas s'il avait mis sa rancoeur derrière lui pour de bon, ou si c'était juste le manque qui le masquait, et il ne voulait pas prendre le risque de gâcher leur histoire, si elle devait recommencer. Ils avaient le temps.

Sauf qu'ils ne l'avaient pas. Il avait appris que Swann partait en Italie, à Milan, ou Antonio Machintrucchose lui avait offert l'opportunité d'ouvrir une filiale de Twilfit and Tattings. N'y croyant pas, Aaron avait consulté le planning des portoloins internationaux, et avait vu qu'elle partait. Au début, ça ne lui avait rien fait, mais depuis ce matin, il n'arrivait pas à se concentrer sur son travail, regardant la pendule toutes les dix minutes avec un étrange poids dans l'estomac. Et ça l'avait subitement frappé, alors il avait bondit de sa chaise et s'était précipité vers le Hall. Il savait très bien que quoiqu'il lui dise, elle n'annulerait pas son départ, mais il voulait juste qu'elle y pense et leur donne une seconde chance, un jour.

Ca y est, il était arrivé. Aaron fouilla la foule du regard et reconnu l'éclat violet de sa robe d'été préférée, et la couleur si noire de sa chevelure. Elle était en train de faire ses adieux à sa mère. Il s'avança, soudain moins pressé, plus hésitant, sentant le sang cogner contre ses tempes et son discours déjà bien confu le devenir davantage.

Noyé, oui, c'était le mot. Fourvoyé, complètement. S'il l'avait écouté, il n'aurait pas perdu l'amitié de Maïa. Car aujourd'hui, il fuyait son groupe d'amis moldus, incapable de faire comme si de rien n'était face à elle. Elle avait oublié, tout ce qu'ils avaient partagés ces derniers mois, elle avait oublié son inconscience et sa trahison, elle avait oublié qu'elle avait voulu le manipuler pour lui faire abandonner son monde d'adoption. Mais pas lui. S'il avait fait confiance à Swann depuis le début, tout cela ne serait pas arrivé. Maïa aurait oublié tout de suite, et il aurait eu quelques regrets. Bien sûr, cette expérience lui avait fait comprendre pleinement l'importance du secret magique. Bien sûr, s'il ne l'avait pas fait, il n'aurait pas réalisé à quel point il était un sorcier, désormais, et la puérilité de son souhait de ne pas l'être. Il n'aurait pas compris que ses propres contradictions faisaient partie de lui, qu'il les avait accepté et qu'il ne voulait plus quitter le monde magique. Qu'il n'était plus un moldu, définitivement. Bien sûr, s'il ne l'avait pas fait, il serait encore en train de se poser des questions. Il avait résolu un dilemme, mais à quel prix?

C'allait mieux, maintenant. Certains disaient que la trahison avait un goût amer, lui l'avait ressenti comme un acide. Sur le moment, ça lui avait brûlé le coeur, mais c'était vrai que si on y survivait comme lui, ne restait que l'amertume. Il remontait la pente, le pire était passé. Mais il avait besoin de Swann pour avancer. Ils voulaient qu'ils parlent des mots qu'il avaient eu, de leur différence, et comprendre pour mieux vivre la suite. Parce qu'il y aurait une suite, il en était certain.

« Soit tu es très mal dans ta peau, au point de vouloir enfreindre la loi pour préserver ta santé mentale,-et je tiens à souligner que c’est très inquiétant- soit … soit tu es juste incroyablement faux et égoïste. ... Je n’y peux rien si tu as refusé de m’accorder ta confiance… Je ne te connais peut-être pas, mais tu ne me connais pas non plus.»

Il frissonna en la fixant, comme les derniers mots qu'ils avaient échangés lui revinrent en mémoire, et comme il réalisait combien il les croyais vrai. Non, ils ne se connaissaient pas, et s'excuser n'y changerait rien. Alors Aaron arrêta sa progression et resta planté au milieu de la foule, étrange silhouette immobile dans ce bal d'effervescence, à fixer la fille qu'il aimait... avait aimé? saisir une vieille chaussure qui l'emmènerait au loin. Avance. Non. Avance. Non, ça ne sert à rien, on ne fera que recommencer le même ballet sans queue ni tête, les mêmes incompréhensions. Avance. Dis-lui. Ca suffira. Non. Elle adressa un dernier regard à sa mère comme le bruit caractéristique d'un Portoloin qui s'activait résonnait. Avance. Ne gâche pas tout pour toujours. Je ne peux pas. Deux yeux bleus croisèrent son regard. Il avança d'un pas, tendant inconsciemment son bras. Swann disparu brutalement. C'était fini.