What you build you lay to waste [Aaron, Seamus & Alastair]

Samedi 26 mai 2007 - Ministère de la Magie, BDA

Aaron se matérialisa près du Ministère dans un CRAC sonore, tremblant de rage et de déception, sa dispute avec Maïa résonnant encore à ses oreilles. Il sortit de la ruelle sombre qui servait aux transplanages et qu'il commençait à bien connaître, pour s'approcher de la cabine téléphonique d'entrée au Ministère. La vue de l'imposant objet calma ses nerfs tout de suite - ou plutôt provoqua chez lui un sérieux malaise. Depuis qu'il avait appris la nouvelle, et même en quittant Maïa, il s'était dit que ce serait simple, que Seamus comprendrait et arrangerait tout, mais il n'en était plus si sûr désormais. Seamus était un Auror, il n'allait pas effacer la mémoire de Maïa comme ça, sans rien dire. Au mieux, au mieux il passerait un savon à son cousin. Au pire, il le faisait dans les règles et c'était le futur d'Aaron qui volait en éclat. Tout ça parce qu'il avait voulu saisir sa chance d'être compris, et que c'avait été un fiasco.

Déjà ébranlé par la nouvelle, puis par la dispute, Aaron se sentait sur le point d'exploser en pensant aux conséquences de ses actes - non, de leurs actes, à lui, à Maïa, à Shawn. Il n'avait jamais voulu tout ça, et sans cet affreux cousin, il aurait pu continuer à se leurrer, à croire que sa moldue de meilleure amie le comprenait. Mais personne ne pouvait le comprendre, sinon un autre né-moldu... Et encore, il n'en avait jamais rencontré dans son cas. Ce fut donc en serrant les dents qu'Aaron épingla son badge de visiteurs, présenta sa baguette et descendit au bureau des Aurors, quasiment vide à cette heure en plein week-end. Il s'avança vers le box de Seamus.

"Salut." dit-il d'une voix rauque, le visage fermé et incertain. "Faut que j'te parle. J'ai... J'ai fait une bêtise. Une grosse."

Même si Seamus aimait énormément son travail, ce n'était pas dans ses habitudes de se porter volontaire pour les gardes du week-end. Il travaillait suffisamment dur pendant la semaine, surtout sur le Dossier M et les gardes imposées lui suffisaient grandement. D'habitude, il en profitait pour passer des moments agréables - plus qu'agréables - avec Lavande, allait boire une pinte avec Dean ou profitait simplement de sa liberté de ne rien faire de bien constructif. Mais sa fiancée était de garde, si, si, de "garde" ce week-end à Poudlard, étant donné qu'elle remplaçait le professeur Hellsoft avec Parvati. "Je dois surveiller les élèves !" avait-elle affirmé, ravie, avant de l'embrasser avant-hier. En attendant, c'était lui qui se retrouvait tout seul au Bureau, étant donné que les autres Aurors de garde étaient tous sur le terrain, sauf Willa qui devait être dans le coin, peut-être à la Police Magique. Même Charlie, qui était toujours volontaire pour faire des gardes d'habitude, avait prétendu qu'elle était "occupée". Occupée à quoi, il ne savait pas, mais en tout cas, c'était de l'abandon de binôme. Même s'ils n'étaient plus coéquipiers pour quelques mois, le principe restait. Il en était donc à travailler sur un suspect dans une affaire d'Imperium quand des pas se firent le retourner. S'il pensa au début que c'était Willa qui avait fini de bavarder, il eu la surprise de se retrouver face à son cousin Aaron et fronça les sourcils devant la tête qu'il faisait. A tous les coups, il avait un problème. Sa méfiance ne fit que se renforcer quand Aaron lui avoua qu'il "avait fait une bêtise". Quelle genre de bêtise pouvait bien faire un ado de dix-sept ans ? En fait, il en avait une petite idée mais refusait de voir son cousin dans de telles situations.

- Assieds-toi, lança-t-il en lui désignant le siège du bureau de derrière. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que t'as fait ?

Obéissant et s'assit, avant de commencer à narrer ses mésaventures. Il s'efforçait de regarder Seamus, mais devait forcer son regard à ne pas papillonner sur les détails qui l'entouraient. Le tic tac d'une horlogue, un bout de papier froissées, les feuilles qui dépassaient du dossier... Aaron se forçait à fixer son vis-à-vis, mais c'était dur. Seamus était son cousin, ils avaient toujours été proches. C'était lui, qui lui avait révélé qu'il avait été un sorcier, lui qui l'avait guidé dans ses premiers pas dans ce monde étrange. Lui qui avait répondu à ses questions, lui qui lui avait expliqué patiemment la difficile situation du monde sorcier. Bien sûr, Seamus n'avait pas pu être à ses côtés chaque jour à Poudlard, mais Aaron n'avait pas réalisé à quel point il aurait pu compter sur lui, s'il avait été un peu plus ouvert, au lieu de se renfermer dans ses râlages intempestifs. Bref, Aaron ne voulait pas décevoir Seamus. Mais il le faisait. Pourquoi fallait-il toujours qu'il réalise ce qu'il avait au moment où il le perdait?

"J'ai brisé le Secret Magique." dit-il lourdement. Il laissa passer une fraction de seconde. "Tu te rappelles Maïa, une de mes amies moldues? Elle faisait partie des moldus qui sont venus à Poudlard, au mois de février. Sauf que devant l'école, elle a pris peur et a faussé compagnie aux... euh, gens qui les accompagnaient. Enfin, c'est ce qu'elle m'a dit. Elle n'était plus là quand les Oubliators sont arrivés, et... quelques jours plus tard, elle m'a écrit pour me dire qu'elle savait tout."

Sans qu'il ne puisse contrôler sa réaction, Seamus sentit ses réflexes d'Auror revenir au galop quand Aaron commença à parler. Il remarqua chaque petit tic de son cousin et ne put s'empêcher de l'analyser, comme il l'aurait fait avec un suspect. Il se détestait de faire cela, mais c'était plus fort que lui. Ils étaient formatés. Et s'il s'était attendu à une bêtise d'ado - copine enceinte, Mandragore, petits délits - mais ce qu'il entendit de la bouche d'Aaron était bien plus grave que tout ce qu'il avait pu imaginer, de ce qu'il avait pu soupçonner de la part d'un gamin de dix-sept ans.

- Tu as fait quoi ? rugit-il, sans pouvoir s'en empêcher.

Oui, il se rappelait vaguement de Maïa, une petite blonde de la bande que fréquentait Aaron. Mais même si son cousin essayait de lui expliquer, il n'arrivait pas à faire le lien. Comment est-ce que les Oubliators avaient pu oublier un moldu ? Il était intervenu lui-même sur place et ils les avaient encerclés, il se rappelait très bien ! Une moldue au courant de la magie depuis février, c'était, c'était... Inimaginable. C'était une catastrophe, il n'y avait pas d'autres mots. Seamus se leva, pour faire quelques pas dans le bureau.

- Mais bordel de Troll, par Godric, Dumbledore, tout ce que tu veux, pourquoi, pourquoi, tu n'en n'as pas parlé avant ?!

Oh, Merlin. Il avait dû résister à l'envie de déclencher l'alarme d'urgence pour rameuter les agents du dossier M immédiatement. S'il ne l'avait pas encore fait, c'est parce que c'était Aaron, face à lui.

Aïe. Aaron avait oublié à quel point Seamus pouvait vous abîmer les tympans lorsqu'il beuglait. Mais la situation ne prêtait pas à rire, et encore moins à râler, Aaron en avait conscience. Il ne pouvait pas geindre ni se plaindre, il devait assumer - mais il n'en avait pas envie, pas du tout. Lorsque Seamus se leva, il eu peur que son cousin aille chercher ses collègues. Parce que c'était évident à sa réaction que les actes d'Aaron étaient graves. Lui avait toujours du mal à assimiler en quoi un moldu tout seul pouvait bien être dangereux, et le niveau d'importance de son geste. Enfin, il n'avait tué personne, tout de même! Aussi, lorsque Seamus jura et lui demanda pourquoi, Aaron hésita entre se faire tout petit et marmonner une excuse depuis ses souliers, ou se lever et taper du poing sur la table en lui disant sa façon de penser. Le résultat fut qu'il répondit d'une voix traînante, cherchant à se justifier tout en sachant parfaitement que c'était vain. Il regarda vaguement Seamus, et fit un geste tout aussi vague de la main.

"Je sais pas, j'en pouvais juste plus de mentir..."

Et puis, ça ne se faisait pas d'effacer la mémoire des gens. Mais bon, vu qu'il était là pour ça, il allait éviter de le souligner.

Seamus ne savait pas quelle réponse il attendait de son cousin. Une bonne réponse, sûrement. Quelque chose qui apaise sa colère, son inquiétude, quelque chose qui puisse lui permettre de comprendre, de mieux appréhender la situation. Mais le ton presque désinvolte, presque je-m'en-foutiste qu'employa Aaron ne fit que l'énerver encore plus. C'était tellement adolescent, tellement... Tellement tête-à-claques. Il n'aurait jamais de gosses, c'était décidé, peu importe ce qu'en dirait Lavande.

- T'en pouvais plus de mentir ? T'en pouvais plus de mentir ? Alors du coup t'as décidé de briser le Secret Magique parce que t'étais indisposé à raconter quelques bobards ? Qu'est-ce que tu fous donc à Serdaigle, je crois que nous sommes en présence d'un honnête Poufsoufle ! aboya narquoisement Seamus. Mais qu'est-ce qui t'es passé par la tête, Aaron, hein ? Tu te rends compte de ce que t'as fait ? Tu te rends compte des conséquences de ta foutue décision égoïste ? Tu te rends compte ? T'es au courant du nombre de personnes que tu mets en danger, là ? Tu te rends compte de ce que t'as fait ou tu t'en fous complètement, tu ne penses qu'à ton petit confort ? Tu crois quoi, Aaron ? Que t'es le premier à devoir mentir parce qu'il est né-moldu ? Tu crois que t'es une exception ? Que t'es le seul à souffrir de ça ? Tu pouvais pas faire comme les milliers de nés-moldus avant toi, non ? Non, monsieur ne pouvait pas ! Parce que monsieur en avait assez de mentir ! Donc monsieur a décidé de balancer le Secret Magique, parce que ça serait plus facile pour lui ! T'es complètement abruti, inconscient ou égoïste, Aaron, là ? Parce que j'arrive à me décider !

Soupirant, Seamus se passa une main sur le visage, essoufflé par sa diatribe.

Au début du discours... du savon, pardon, de Seamus, Aaron s'était ratatiné sur sa chaise comme un première année devant le professeur Dérébusor. Il avait rarement vu son cousin en colère et aurait préféré se passer d'une telle expérience. Ca n'était pas agréable du tout, du tout. Mais Seamus en fit tant que le jeune Serdaigle finit par s'énerver à son tour. C'était bon, il s'en voulait suffisamment lui-même, il se sentait déjà terriblement mal, pas la peine d'en rajouter une couche! D'ailleurs, comment Seamus pouvait-il être sûr que des nés-moldus n'avaient pas craqués avant lui, hein? Surtout qu'il n'avait pas craqué. Il avait juste... profité de la situation. Sans oser toutefois se lever de sa chaise, Aaron haussa le ton à son tour.

"Eh, j'ai rien demandé à la base, moi! On m'a foutu dans votre école de magie et on m'a ordonné de mentir sans même me demander ce que j'en pensais! Alors désolé si quand on amène une de mes amies à Poudlard, je ne m'empresse pas d'aller la dénoncer aux Oubliators comme un bon petit toutou! Parce que, au cas où tu ne l'aies pas remarqué, je n'ai PAS brisé le secret magique! C'est pas moi qui ait amené Maïa à Poudlard!"

Non parce qu'il voulait bien reconnaître qu'il avait été stupide de croire qu'elle comprendrait, il n'était pas responsable de ses connaissances en la matière. Si Seamus et ses copains n'étaient pas capable de faire leur travail correctement, ce n'était quand même pas de sa faute à lui. Il était coincé dans la chambre des Secrets à ce moment là, à supporter la compagnie de ce crétin d'Ahren Keller. On pouvait difficilement avoir un meilleur alibi.

"En plus, je ne vois pas en quoi c'est dangereux, elle n'en a parlé à personne pour ne pas passer pour une folle..." bougonna-t-il plus bas en baissant les yeux.

Comment pouvait-on détester Poudlard ? C'était quelque chose que Seamus n'arrivait pas à envisager. Sa mère était une sorcière, une partie de sa famille aussi, il avait toujours su qu'il irait à Poudlard, la plus grande question qu'il se posait étant la maison dans laquelle il serait envoyé, sa mère étant une Serpentard. Il avait adoré ses années d'école, malgré tout ce qui avait pu se passer, entre le Basilic où il s'inquiétait pour Dean qui était né-moldu, Sirius Black en troisième année, la mort de Diggory, Ombrage et son éloignement des élèves de sa maison quand il avait refusé de croire Harry, la mort de Dumbledore et la guerre. Quand on y pensait, il n'y avait que sa première année qui avait été tranquille. Mais il avait vécu des moments formidables à Poudlard, rencontré Dean, Lavande et tous ses amis, il y avait ses meilleurs souvenirs. Hurler lui avait fait du bien, Seamus se sentit un peu plus calme quand il se rassit face à Aaron. Il marquait un point quand il disait que ce n'était pas lui qui avait brisé le Secret. Mais il avait été comme un complice en ne dénonçant rien et il n'avait aucun mérite dans cette affaire.

- Ne joue pas les idiots avec moi, Aaron, grogna Seamus quand son cousin affirma qu'il ne voyait pas en quoi c'était dangereux. Et encore heureux que ta petite copine n'ait rien balancé !

Soupirant, Seamus planta son regard dans celui d'Aaron.

- T'es au courant que c'est criminel, ce que tu as fait ? Qu'on en coffre pour moins que ça ? Tu te rends compte que je suis censé t'arrêter, là ?

Il avait bien le droit de jouer les idiots, non mais, après tout Seamus venait de le traiter d'abruti, d'inconscient ou d'égoïste. Son instinct lui hurlait de dire que Maïa n'était pas sa petite copine, et que c'était à cause d'elle, justement, qu'il avait perdu sa vraie petite copine, mais Aaron résista. Il y avait des choses autrement plus urgentes à faire que de pester pour des futilités, même si cela le calmait. Râler sur des détails lui évitait de penser au triste ensemble d'actions et à ses tristes sentiments, trop violents pour qu'il ne veuille les écouter. Il ne s'était jamais senti aussi mal.

Et cela empira quand Seamus lui annonça qu'il était (presque) bon pour un aller simple à Azkaban. Aaron ouvrit la bouche, incapable de dire un mot. Quoi, non, il ne réalisait pas du tout. Il avait bien vu qu'on ne rigolait pas avec le Secret Magique, au comportement de Swann, par exemple, Il était venu pour réparer ses bêtises, pour faire effacer la mémoire de Maïa et parler de Shawn, pas pour qu'on l'emprisonne. Ca n'était quand même pas si grave que ça, ce qu'il avait fait. D'ailleurs, il n'avait précisément rien fait. Et même si c'était répréhensible, ça ne pouvait pas être un crime. Un délit, une contravention tout au plus. Il n'avait pas brisé le Secret de lui-même! Enfin, il s'imaginait bien qu'il risquait sa carrière au ministère, mais pas sa liberté!

"Q... Quoi? Non mais je ne peux pas aller à Azkaban pour ça, j'ai rien dit moi-même! Je savais que c'était pas vraiment légal, mais ça ne peut pas être un crime! C'est... enfin je veux dire, effacer une mémoire c'est pas rien quand même..." Restait à espérer qu'il restait suffisamment de mémoire moldue en Seamus pour qu'il comprenne sa réticente. "...Elle n'avait rien fait, je pouvais pas la dénoncer, c'était... enfin de l'autre côté c'est ça qui aurait été illégal!"

Même s'il n'vait pas pensé à l'autre côté une seule seconde. Et s'il allait à Azkaban, il emmenait Swann avec lui, au moins, ça lui ferait de la compagnie. Elle avait accepté de se taire malgré leur rupture, c'était bien que la gravité était relative!

Face à son cousin, Seamus se sentait désœuvré, partagé. Sa colère était retombée, il ne ressentait plus qu'une grande lassitude, incapable d'apporter une solution aux problèmes d'Aaron. Son instinct d'Auror lui hurlait de convoquer ses collègues du dossier M, d'envoyer un Patronus à Charlotte, d’appeler le Commandant. Mais faire cela serait entrainer Aaron dans les spirales du système judiciaire et il savait très bien ce que cela signifiait. Il serait interrogé, jugé, puni, son nom serait dans les médias et il pourrait dire adieu à sa carrière au Ministère. Son instinct familial lui défendait de faire cela. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Il était Auror, par Merlin ! C'était son devoir de faire appliquer la loi, il ne pouvait pas faire d'exceptions, il n'en n'avait pas le droit, même s'il en mourrait d'envie.

- Ne pas dénoncer un crime, c'est être complice, Aaron, tu le sais très bien. Et il n'y a rien de glorieux là-dedans.

Non, effacer une mémoire n'était pas facile. Mais c'était nécessaire, dans certains cas. La procédure l'exigeait. Là, il aurait dû arrêter Aaron et l'emmener en salle d'interrogatoire, en appelant ses collègues. Mais son corps ne semblait pas vouloir obéir à son esprit.

- Raconte, comment est-ce qu'elle l'a pris, ta copine ? Comment elle a réagi ? Qu'est-ce qu'elle sait exactement ? Les Mar... Les types qui l'ont amenée à Poudlard, ils l'ont recontactée ?

"Je sais" grommela Aaron comme Seamus lui disait qu'il était complice. Il savait, mais il n'arrivait pas à l'assimiler. Il était conscient d'avoir mal agi, mais son cerveau refusait de le considérer comme coupable de quoique ce soit sinon de naïveté. C'était un sentiment étrange. Pas vraiment comme lorsqu'il était conscient d'enfreindre une règle et de le faire par provocation, volontairement. Non, il ressentait de l'injustice. Et pourtant il commençait aussi à comprendre le pourquoi de la règle, car Maïa... Maïa était allée trop loin. Injustice, trahison, tous les aspects de cette histoire s'avéraient être négatifs. Soulagé cependant que Seamus ne semble plus d'humeur à le traîner en prison dans les minutes à venir, Aaron s'exécuta. Il nota l'hésitation de son cousin sur le mot mardoliens, qui était sorti dans la presse quelques semaines plus tôt. Ainsi Seamus bossait dessus. Aaron n'avait même pas pensé qu'ils auraient pu s'intéresser encore à elle, à vrai dire, ce n'était pas le problème.

"Pas que je sache. Quant à comment elle a réagi, je sais pas, je ne l'ai pas vue le jour même, j'étais coincé dans le château. J'ai juste reçu une lettre par hibou quelques jours plus tard. J'aurai dû me douter que c'était louche, comment aurait-elle pu trouver un hibou toute seule!"

Il se morigénait lui-même, fixant penaudement ses mains.

"Elle disait qu'elle était venue mais qu'elle avait pris peur et qu'elle s'était enfuie avant l'arrivée des Oubliators. Je l'ai crue et... " Aaron jugea bon de ne pas s'apesantir sur toute la période où il avait fait confiance à Maïa. "Mais c'était des mensonges. Elle a un cousin à Poudlard, Shawn quelque chose, qui l'a aidé à s'échapper. C'est un gamin super bizarre, pas très bien dans sa tête. Tu sais, j'ai été empoisonné plusieurs fois cette année, et c'était lui en fait. Il testait des trucs pour que je tombe amoureux de Maïa. J'ai découvert ça cette semaine, alors je suis allé voir Maïa et elle le soutenait. Je crois qu'elle ne se rendait pas compte que c'était dangereux mais..." Rien que le principe d'accepter de le soumettre à un sortilège pour qu'il tombe amoureux d'elle, il trouvait ça criminel, qu'on comprenne la magie ou non. A chercher qui était responsable de quoi, et si c'était légal ou non, il ne savait plus quoi faire, encore moins que lorsqu'il était arrivé devant Seamus.

Aaron avait été empoisonné ? On avait tenté d'empoisonner son cousin ? Rien que pour ça, même s'il n'y avait pas eu toute cette affaire, Seamus eu la soudaine envie de refaire le portrait de ce gamin de Poudlard, Shawn machin. Et c'est en pensant à cela qu'une idée pas très honnête germa dans son esprit. Non, il ne pouvait tout de même pas faire cela, il n'en n'avait pas le droit, il était Auror, ce serait illégal. Il deviendrait le complice d'Aaron et donc celui des Mardoliens par assimilation. Lui, un complice des Mardoliens. Alors qu'il bossait sur le cas depuis quelques temps déjà, lui qui avait été si fier d'être intégré au dossier M. Mais c'était plus fort que lui. Cette idée le taraudait, tout simplement parce qu'il n'avait pas envie de voir la faute retomber sur son cousin, même si cela serait mérité. Parce qu'il n'avait pas envie de voir un dossier à son nom au Bureau, pas envie de le voir échouer dans sa carrière avant même de la commencer pour ce qui au fond pouvait être considéré comme une simple erreur de jeunesse. Mais dédouaner Aaron, il n'en n'avait pas le droit. Même s'il en mourrait d'envie. Il pourrait faire effacer la mémoire de cette Maia en présentant Aaron comme celui qui l'avait prévenu, comme celui qui avait découvert par hasard que son amie moldue connaissait Poudlard. Il pourrait accuser Shawn de lui avoir tout révélé, de lui avoir permis d'échapper aux Oubliators. S'il y avait des hiboux, c'est qu'il y avait des preuves. Il pouvait monter un dossier contre Shaw et s'assurer qu'Aaron ne soit cité qu'en tant que témoin, voire même victime, pour le dédouaner encore plus. Il pouvait aider son cousin, il en avait la possibilité. Même si l'idée d'enfreindre son serment le répugnait.

- Aaron... Qu'est-ce que tu attends de moi ?

Et cette idée, cette fichue idée, ce plan infect qui résonnait dans ses oreilles, sans qu'il puisse l'en empêcher.

Aaron ne savait pas ce qu'il attendait de Seamus. Du soutien, évidemment, une solution. Il avait pensé que son cousin saurait quoi faire, mais il ne pouvait pas lui dire, il n'avait plus onze ans. Il n'avait pas vraiment pensé avant de transplaner ici. La seule réponse qu'il pouvait fournir était ce qu'il croyait qu'il allait se passer. Qu'il avait voulu, aussi.

"Je voulais juste qu'on lui efface la mémoire" marmonna-t-il. "Elle ne comprend pas ce qu'est la magie, et elle est devenue dangereuse... mais si elle oublie tout, ça sera un peu comme avant. Enfin..."

Non, ça ne le serait pas, mais ça supprimerait sa participation aux plans tordus de son cousin. Aaron ne pourrait probablement plus jamais regarder Maïa en face, mais c'était un prix à payer qu'il acceptait, pour une fois. Quant à Shawn, il ne savait pas quoi en penser. Il ne pouvait pas lui effacer la mémoire, et le garçon saurait toujours qu'Aaron avait été au courant longtemps. Et que Maïa ait oublié ou non, il resterait dangereux. Il fallait au moins le signaler à Miss Bloomwood, qu'il ne blesse personne à cause de ses expériences maladroites et de ses obsessions.

"Et pour le cousin, je sais pas. Il avait commencé ses expériences avant que Maïa soit au courant, ça n'a rien changé. Il n'aurait jamais dû venir à Poudlard, il n'est pas... normal. Je ne suis pas le premier qui l'obsède. Il aurait besoin de médecins."

Un gamin dérangé, qui n'en n'est pas à sa première victime ? C'était le coupable idéal, soufflait une voix dans l'esprit de Seamus. Mais c'était contraire à tout, à ses principes, à son serment d'Auror, aux valeurs qu'il défendait. Oui, c'était contraire à tout. Sauf à son sens de la famille. Pouvait-il décemment laisser tomber Aaron, voir toutes ses chances de rentrer au Ministère échouer, le voir rater sa vie à cause d'une erreur comme celle-ci ? Oui, Aaron devait apprendre à assumer ses responsabilités et à répondre de ses actes. Mais il restait encore jeune. Seamus ne pouvait pas lui faire ça. Sa famille devait passer avant tout, c'était normal.

- Tu vas bien m'écouter, Aaron. Shawn a aidé ta copine à s'enfuir de Poudlard en la voyant et lui a tout révélé sur la magie. Tu n'as jamais reçu de lettre de sa part, d'accord ? Tu ne savais pas qu'elle était au courant, elle te l'a caché. Shawn savait que tu étais un sorcier, il l'a dit à Maïa. Il lui a proposé de te faire tomber amoureux d'elle. Ce n'était pas la première fois qu'il se livrait à de telles expérience et il aidait ainsi quelqu'un qu'il aimait. Il t'as empoisonné, tu es une victime, ok ? Puis un jour, tu es allé chez Maïa. Tu as vu un détail qui t'as fait comprendre qu'elle savait pour la magie. Et tu t'es précipité ici, pour demander mon aide. Tu n'as jamais trahi le Secret, d'accord ? C'est Shawn. Et s'il dit que tu étais au courant, tu nieras. Tu vas détruire toutes les lettres, d'accord, toutes les preuves chez Maïa et chez toi, d'accord ?

Avec cette idée, Seamus risquait sa carrière. Mais c'était la seule solution qu'il pouvait envisager. Shawn n'irait pas en prison, sûrement à Sainte-Mangouste, c'était mieux pour tout le monde, se répétait-il en boucle, comme pour se convaincre.

Aaron pâlit au fur et à mesure que Seamus lui expliquait son idée. C'était... pour le coup, c'était illégal, et traître. On ne manipulait pas la justice comme ça, il ne pouvait pas laisser un gamin de treize ans prendre à sa place. A sa place, vraiment? Mais Seamus n'avait pas tort en disant que c'était Shawn qui avait aidé Maïa à s'échapper, Shawn qui l'avait empoisonné, lui. Aaron lui-même n'avait rien fait, comme il le répétait depuis le début. Mais était-ce suffisant pour envoyer quelqu'un à Azkaban, ou qu'on lui brise sa baguette? Plus que ce que tu as fait, en tout cas. Pouvait-il mettre en jeu la carrière de Seamus? Son cousin était prêt à se salir pour lui, mais il suffisait qu'une personne écoute Shawn lorsqu'il dirait qu'Aaron savait aussi, et Seamus tomberait. Il ne pouvait pas lui faire ça.

Pourtant, Aaron su très vite qu'il laisserait faire. Parce qu'il tenait à sa peau, à son avenir, parce qu'il n'avait pas le sens de la justice d'un Gryffondor, pas le courage d'assumer ses actes. Parce qu'il avait 18 ans, qu'il était perdu, et qu'il était venu trouver Seamus pour qu'il l'aide. Il ne pouvait pas se permettre de faire des manières si le seul moyen ne lui plaisait pas. C'était déjà beaucoup demandé, et tout ce qu'il lui restait à faire c'était de s'exécuter sans broncher, et d'avoir une dette à vie envers son cousin.

Aussi, après un long moment de silence où son visage s'était fermé, Aaron dit qu'une voix hésitante:

"Il lui a envoyé l'histoire de Poudlard. Et d'autres trucs, je crois."

Lui n'avait jamais rien fait de tel, trop conscient que leur secret ne tenait qu'à un fil. Il n'avait gardé qu'une seule lettre de Maïa, celle où elle lui annonçait savoir, et avait brûlé les autres. Il fallait juste vérifier qu'elle avait fait pareil.

"Mais... enfin, ils ne vont pas interroger Maïa? Elle leur dira que je savais. Elle saura qu'ils viennent à cause de moi. Et puis je ne devrais pas être là aujourd'hui, mais ) Pré-au-Lard..."

Dire que Seamus se sentait mal aurait été un euphémisme. Là, à ce moment précis, il avait envie de parler à quelqu'un, à Lavande, à Dean, à Charlotte, quelqu'un qui lui disait qu'il faisait bien, qu'il avait raison, qu'il prenait la bonne décision. Mais il était seul. Seul à gérer, seul à choisir, seul à assumer. Mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas en parler, il n'avait pas le temps. Il verrait Lavande et Dean après, leur confierait son secret. Pas à Charlotte. Elle était sa partenaire, s'il venait à tomber, elle ne devait rien savoir pour ne pas tomber avec lui. Elle serait déjà suffisamment soupçonnée comme cela. Et puis peut-être qu'elle ne comprendrait pas. Ils étaient amis, ils étaient partenaires mais elle - tout comme lui - tenait à ses serments. Et ce qu'il faisait, en plus d'être infect, était contre leurs serments. Lui le faisait pour Aaron mais Charlotte aurait du mal à appréhender, forcément. Il ne voulait qu'elle porte ce poids, qu'elle hésite à le dénoncer ou qu'elle le cache pour lui comme il lui demanderait. Et le pire, c'est qu'il pensait - espérait ? - qu'elle le ferait. Il sortit de ses pensées quand Aaron fit une remarque juste qui le fit réfléchir un peu plus.

- Cela correspond avec la version. Tu n'es pas allé à Pré-au-Lard, tu as enfreint le règlement de l'école, on dira. C'est mal mais c'est pas l'affaire du Mangenmagot. Tu es allé voir Maïa. Tu as compris. Et tu t'es précipité ici. Tu ne le sais depuis que quelques heures, nie le contraire. Elle est moldue. Les sorciers ne l'écouteront pas si on leur livre le coupable. On va aller voir un Oubliator et on la laissera pas parler. Je vais mener l'interrogatoire, j'ai autorité.

Il se passa une main sur le visage.

- C'est dégueulasse, ce qu'on est en train de faire.

La facilité avec laquelle Seamus répondait aux problèmes fit frémir Aaron. Il comprenait mieux comment son cousin avait pu survivre à une guerre. Et comme il ne tarda pas à le souligner, ce qu'ils étaient en train de faire était dégueulasse. Aaron était d'accord, mais que pouvait-il y faire? Il ne pouvait pas se lever et lui dire "j'veux te forcer à rien je vais m'en occuper tout seul". C'était trop tard pour ça. Les vérités énoncées par Seamus au sujet des sorciers qui n'écouteraient pas Maïa-la-moldue l'effrayaient. Il avait toujours été dérangé par l'autorité dont les magiciens faisaient preuve à l'encontre des moldus, incapables de se faire entendre, comprendre, ou de se défendre, et maintenant il allait être acteur d'une telle mascarade. Oui, c'était dégueulasse.

"Ouais" répondit-il d'un ton lourd. "Je suis désolé."

Mais d'un autre côté, il ne l'était pas tant. Shawn avait cherché à le manipuler, à l'empoisonner, et Maïa avait été sa complice. Il savait confusément qu'elle n'avait pas vu l'ampleur de la chose, mais tout de même! Le nombre de fois où ils avaient débattus, après avoir regardé une série de science fictions, des limites du bien et du mal n'avaient-ils servis à rien? Où était la jeune fille qui pestait quand les Goa'ulds privaient leur hôte de son libre arbitre? Elle venait juste de tenter de faire la même chose... Aaron baissa les yeux sur ses mains, se demandant ce qu'il allait se passer. Pouvaient-ils aller chercher Maïa manu-militari chez elle? Comme ça? Et Shawn?

"Il va aller à Azkaban? Et Maïa?"

Aaron fut soulagé que Shawn soit trop jeune pour être envoyé à Azkaban. Il n’était pas sûr d’avoir pu supporter le poids de la culpabilité dans ce cas là. Mais Sainte-Mangouste était un bon compromis et de plus, Aaron pensait que Shawn y serait à sa place. Le jeune garçon n’avait rien à faire à Poudlard. Il avait commencé à l’empoisonner bien avant toute cette histoire avec Maïa et l’école n’avait pas à abriter ses troubles obsessionnels. Aaron songea qu’il n’était pas le seul né-moldu de l’école dont les parents croyaient que la magie expliquait la bizarrerie de leur enfant. Linnet Sneals n’avait pas toute sa tête non plus.

« Bonjour Madame » salua-t-il poliment lorsqu’une Auror fit irruption dans la salle.

Il fut scotché par l’assurance avec laquelle Seamus mis la machine en branle, mentant éhontément à sa collègue. De peur de briser ce fragile mensonge, le Serdaigle fit preuve d’une grande réserve, se contentant de suivre son cousin. Il devait être pâle et mal à l’aise en dépit des efforts qu’il faisait pour paraître sûr de lui, mais les circonstances prétendues pouvaient expliquer son comportement. Ils arrivèrent devant le bureau d’un oubliator que Seamus lui présenta comme étant Mr Brennan. Aaron le salua d’un hochement de tête, attendant que l’Auror explique la situation.

En ce moment, ils s'occupaient pas mal des élèves de Poudlard, songea Seamus avec amertume en se remémorant que la dernière fois qu'il avait fait appel aux services d'Alastair Brennan et de Lilly, c'était pour la petite Emma Blackbonnes, dans un autre tout autre contexte. Mais encore une fois, il allait devoir venir chercher un gosse à Poudlard, l'arracher de son foyer, de là où il était censé être le plus en sécurité. Et cette idée le dégoutait. C'est bien, Seamus. Ombrage et les Carrow seraient fiers de toi. Amer et en colère, il se força à ne se concentrer que sur les considérations professionnelles de cette tâche. Comme un bon Auror. Comme un bon Auror qui bafouait ses serments.

- Voici Aaron Finnigan, mon cousin. Il est venu me trouver pour une rupture du Secret. Il faudrait effacer la mémoire de l'une de ses amies. On s'occupe du contrevenant au secret, j'ai lancé la procédure au BDA. C'est une urgence, il ne faudrait pas qu'elle note ce qu'elle sait et le cache, je fouillerai, d'ailleurs. Vous pouvez venir en intervention maintenant ? Je sais qu'on a pas l'autorisation du Mangenmagot, mais c'est en cours. Et puis vous me connaissez, Alastair, vous pouvez me faire confiance.

Et Seamus serra les dents.

Malgré l'assurance de Seamus, l'Oubliator ne semblait pas disposé à agir sans autorisation du Magenmagot. Aaron serra imperceptiblement les dents. Maintenant que la machine était enclenchée, ils ne pouvaient plus revenir en arrière. Seamus était mouillé et si ce Brennan découvrait qu'un truc clochait... Aaron ne pouvait pas laisser faire ça. Son esprit de Serdaigle eu tôt fait de lui trouver quoi dire.

"Mais pourquoi il faut attendre?" demanda-t-il en prenant un air perplexe. "On m'a toujours dit que c'était grave et qu'il fallait agir vite et là... il ne faut pas? Je viens juste de la quitter et... enfin elle voulait aller en parler à toute ma bande de copains."

Mensonge, évidemment, Maïa n'avait pas envie de passer pour une folle. Mais les sorciers ne comprenaient pas toujours le raisonnement des moldus.

"Ils sont tous moldus, en fait, parce que je suis né-moldu." Il avait dit ça sur un ton d'excuse. "Je lui ai dit d'attendre que je prépare le terrain et que je revenais bientôt, mais..."