I feel so close to you right now [Jordan & Samantha]

23 février 2007

Jordan s'était levé de bon matin, car il avait cours dès la première heure et n'arrivait pas à dormir. Il ne savait pas trop pourquoi, au juste. Peut-être était-ce l'approche des examens - faux, il ne s'inquiétait jamais pour les examens. Il avait décroché 9 BUSEs avec 7 Optimal, du jamais vu depuis la grande Hermione Granger. Bon, c'était peut-être tout simplement ce mal de gorge qui ne passait pas depuis plusieurs jours. Il avait hâte que l'été vienne et qu'il puisse partir en vacances dans la villa que sa tante possédait en côte d'Azur. Il espérait vainement ne pas ressembler à une tomate cette année encore, mais il avait peu d'espoir. Sa peau d'anglais ne tolérerait jamais vraiment le soleil, hélas.

Arrivant dans la grande salle, Jordan s'assit à la table des Poufsouffle et commença à manger. La pièce était presque vide en raison de l'heure matinale. Peu enclin à l'idée d'un repas solitaire, il jeta un oeil pour voir qui il pourrait rejoindre. Il n'y avait pas grand monde d'intéressant chez les Gryffondor, personne à Poufsouffle et il doutait que Perséphone Harrington apprécie sa compagnie. En revanche, à la table des Serpentard se trouvait une jeune fille qu'il appréciait. Samantha Miller. La blondinette, un peu plus jeune que lui, vivait également à la cité Nimbus. Jordan adorait l'embêter et la mettre mal à l'aise, car elle avait beaucoup de répondant. Et, si elle était parfois vexante dans ses propos, elle avait l'esprit vif qui compensait cela. L'héritier de l'empire Nimbus trouvait rafraichissant de converser avec quelqu'un qui avait des arguments plus développés que "t'es bête" ou "t'es méchant". Et elle était si mignonne, à se retrancher derrière ses piques dès qu'il faisait mine de flirter! Oui, vraiment, une discussion avec Samantha était un bon moyen de bien commencer la journée.

Embarquant son bol de céréales, Jordan se leva et se dirigea vers la table des verts et argent. Il n'avait pas le droit de s'y asseoir normalement, mais les deux professeurs présents ne s'en formalisèrent pas, et il ne les regarda de toute façon même pas. Sachant que claironner dans le visage de quelqu'un de si bonne heure mettait généralement ladite personne de bonne humeur, il se contenta d'un sourire et demanda d'une voix basse, mais enjouée:

"Bonjour Samantha, ça fait un moment que je ne t'avais pas vue. Comment vas-tu?"

Attablée dans un coin de la Grande Salle, Samantha mangeait ses céréales avec entrain. La jeune fille s'était réveillée au petit matin, pleine d'énergie, et se sentait prête à attaquer cette nouvelle journée d'études. La veille, elle était tombée endormie en début de soirée, sitôt l'entraînement de Quidditch terminé, harassée mais heureuse des progrès accomplis. C'était leur dernier entraînement avant le match qui aurait lieu le lendemain, et Samantha se sentait à la fois stressée et impatiente. Quoi qu'il en soit, le stress qu'elle ressentait était beaucoup plus atténué et plus sain que son angoisse paralysante d'avant les sélections. Il en serait probablement autrement le lendemain matin, quand il faudrait enfiler sa tenue de match et que l'école au grand complet s'amasserait dans les gradins, mais pour l'instant Sam se sentait en confiance. Elle avait réussi à se faire une place dans l'équipe, bien qu'elle en soit l'une des membres les plus discrètes, et avait travaillé avec acharnement pour améliorer ses performances. Avec une amie comme Lauren, elle pouvait difficilement faire autrement que de s'entraîner jusqu'à l'obsession, de toute façon ! Quant à Joy, Sam n'avait eu aucun mal à l'accepter en tant que capitaine. Mais elle attendait encore de voir le résultat de leur premier match pour se prononcer...

Quoi qu'il en soit, elle se sentait plutôt optimiste et motivée en ce début de journée, et n'avait eu aucune envie de traîner au lit. Sam avait dû se faire violence pour ne pas réveiller Lauren pour qu'elle vienne prendre le petit déjeuner avec elle, mais elle était bien trop familière avec le caractère de cochon de sa camarade de dortoir pour tenter l'expérience. Elle ne tenait pas à perdre un membre une veille de match. L'adolescente s'était donc résolue à prendre son petit déjeuner toute seule, puisque la salle commune des Serpentard était déserte, tout comme leur table dans la Grande Salle. Elle se défoulait donc sur ses pauvres céréales en ronchonnant intérieurement contre la paresse de ses camarades, tout en contemplant le plafond magique qui reflétait l'aube. Ainsi, elle ne vit pas l'horripilant Jordan Nimbus de Pompadour entrer dans la salle puis chercher quelqu'un pour lui tenir compagnie, sinon elle se serait débrouillée pour s'éclipser. Malheureusement, elle ne l'aperçut que trop tard, lorsqu'il était déjà en train de s'asseoir face à elle avec un sourire.

Samantha détacha son regard du plafond et le posa sur son camarade, blasée. Bien sûr qu'il ne l'avait pas vue depuis longtemps, puisqu'elle l'évitait autant que possible ! Depuis le temps, Jordan n'avait-il toujours pas compris qu'elle le trouvait insupportable, avec son nom de trois kilomètres, son cerveau un peu trop aiguisé pour son propre bien, et son air suffisant ? Bien sûr, qu'elle était obligée d'être polie avec lui, c'était un Nimbus de Pompadour et elle voulait travailler dans la société de son père. Techniquement, Jordan était probablement son futur patron, alors elle ne pouvait décemment pas l'envoyer balader... mais c'était rarement l'envie qui manquait. A la fois exaspérée par la simple vue du jeune homme et plutôt contente d'avoir trouvé quelqu'un pour lui tenir compagnie, Samantha lui adressa un sourire placide.

"Bonjour", répondit-elle, "ça va très bien, et toi ?"

*Du moins, ça allait bien avant que tu ne pointes le bout de ton nez de fils à papa plein de gallions.*

"Déjà réveillé ?"

Comme à l'accoutumée, Samantha ne paru pas ravie de le voir. Jordan s'en fichait. Au moins, elle ne l'avait pas envoyé balader, et, ô miracle, elle devait vraiment être de bonne humeur, elle lui avait même retourné la question! Choisissant de saisir l'opportunité et de ne pas parler à un rythme effréné, Jordan pris le temps d'avaler une cuiller de céréales avant de lui répondre.

"Eh oui, déjà réveillé. Mon pauvre cerveau ne m'accorde aucune minute de répit, il tourne à plein régime" plaisanta-t-il.

Ah, si seulement on lui donnait de quoi faire tourner son cerveau à plein régime! Il avait hâte de quitter l'école et d'être confronté à de réelles problématiques. Il devait être l'un des seuls élèves à s'ennuyer en faisant ses devoirs, non par désintérêt, mais par facilité.

"Mais toi, tu n'es pas si matinale d'habitude. Qu'est-ce qu'il t'arrive? Oh, je sais. Le match de demain, je parie?"

Jordan scruta sa voisine avec intérêt, se demandant comment elle se sentait à propos de ça. Samantha n'était pas du genre à douter de ses capacités, mais elle était l'attrapeuse, ce qui signifiait qu'une grosse pression pesait sur ses épaules. Premier match, nouvelle équipe, et obligation d'attraper le Vif... la voir jouer serait très révélateur de sa personnalité, sans aucun doute. Soit elle tiendrait le choc, soit elle s'effondrerait. Jordan pariait sur le premier, espérant que le succès ne lui monterait pas à la tête. Il n'y avait rien de plus horripilant que les gens imbûs d'eux-mêmes. Il attendait de voir ce que Samantha allait lui répondre, histoire de comparer le avant/après. Serpentard avait de bonnes chances de gagner. Certaines filles avaient déjà fait leurs preuves, mais Jordan n'était pas certain d'être pour leur victoire:

"Je ne sais pas trop si je dois vous souhaiter bonne chance, étant donné que mon équipe joue en dernier cette année, nous avons toujours du retard dans le classement, pour les pronostics, c'est un vrai handicap."

Décidant que la discussion sur la pluie et le beau temps allait vite l'ennuyer, Jordan décida de taquiner un peu la jeune fille pour bousculer les choses. Et aujourd'hui, c'était encore plus facile que d'habitude, il avait un sujet tout trouvé. Ah, le Quidditch faisait le travail pour lui. Il avait parlé à Joy Highlands la veille. C'était une fille sympathique, mais tellement timide qu'il ne comprenait pas sa place de capitaine. Cependant, ce trait de caractère pouvait expliquer la composition exclusivement féminine de l'équipe. Joy n'aurait pas osé s'opposer à des hommes tels que Killian Gray. Elle avait bien raison, après tout, Gray était un macho de base, et vulgaire avec ça. Mais, s'il pouvait comprendre que Joy n'ai pas voulu affronter des garçons, pourquoi avait-elle recruté ce bouledogue de Lauren McGowan? Non, ce ne devait pas être la raison d'une équipe sans hommes. Comme taquiner Samantha s'avérerait être très inscrutif, Jordan ne résista pas à la tentation:

"Quoiqu'il en soit, pourquoi Highlands n'a-t-elle sélectionnée que des filles? Ne va pas me faire croire qu'il n'y a aucun bon joueur masculin chez les Serpentards."

Samantha leva ostensiblement les yeux au ciel quand Jordan lui parla de son cerveau si performant qu'il l'empêchait même de dormir. C'est qu'il en était fier, de son cerveau, pour en parler autant ! A se demander ce qu'il faisait ailleurs qu'à Serdaigle...

"Ça doit être fatiguant, je te plains", railla-t-elle, un sourire ironique aux lèvres. "Quelque chose de précis qui te travaille ?"

Après tout, Jordan aussi pouvait avoir des problèmes. Un grand nom venait avec de grandes responsabilités, et le sien battait tous les records de longueur... Savait-on jamais, peut-être qu'il n'avait eu qu'un Effort Exceptionnel à son dernier devoir de sortilège. A moins que ce soit l'entreprise familiale qui ait fait 2% de moins de bénéfices par rapport au moins précédent, ce qui serait une véritable catastrophe. Oui, à n'en pas douter, se balader au sein du commun des mortels devait être source d'un grand nombre de tracasseries... Bien que l'idée de taquiner son camarade soit tentante, ou plus exactement de l'agresser comme Lauren pendant ses mauvais jours, Samantha garda ses pensées peu charitable pour elle. Jordan lui fournissait une distraction bienvenue pendant cet ennuyeux début de journée, et en plus il venait d'aborder son sujet préféré du moment, le Quidditch. La jeune fille avala sa cuillerée de céréales et posa un regard incisif sur son camarade :

"Tu connais mes habitudes de sommeil, Jordan ? Touchant."

Bizarre, plus exactement, mais elle allait mettre cela sur sur le compte d'une grande capacité d'observation, cela valait mieux.

"C'est bien à cause du match, oui", répondit-elle en s'adoucissant un peu. "Je me suis endormie tout de suite après l'entraînement hier, donc je me suis réveillée très tôt et c'était impossible de se rendormir. Je suis impatiente...et nerveuse aussi, bien sûr."

Elle se demanda si Jordan aurait été nerveux, lui, en pareille circonstance. Il dégageait beaucoup plus de confiance en soi et d'assurance qu'elle, c'était certain... D'ailleurs, pourquoi n'était-il pas dans l'équipe de Poufsouffle ? Nul doute qu'il avait du monter sur un balai dès sa plus tendre enfance, contrairement à elle qui avait découvert le Quidditch à l'âge de onze ans. Pour quelqu'un qui se destinait à travailler dans l'industrie du balai, c'était un choix logique, et en plus cela lui aurait donné une opportunité de plus de faire preuve de ses extraordinaires capacités... Curieux. Sam décida donc que Jordan était probablement nul en Quidditch, et cette idée la fit sourire intérieurement. Le jeune homme lui parla alors de sa propre équipe, indiquant qu'il ne savait pas s'il devait l'encourager.

"Tu peux me souhaiter bonne chance quand même, en dehors de toute considération de stratégie, pour le simple plaisir de voir gagner ma formidable équipe, non ?", lança-t-elle d'un ton faussement candide. "Nous ne sommes pas vos plus grands concurrents, de toute façon. Notre équipe prend le championnat en cours de route, après tout..."

Elle plissa le nez avec dégoût alors que le souvenir catastrophique de leur premier match lui revenait en mémoire. Ce jour là, elle avait eu honte d'être Serpentard... Voilà pourquoi elle n'eut aucun mal à répondre à la question suivante.

"Oh, il y a de bons joueurs masculins chez Serpentard, mais la plupart sont des imbéciles à l’ego sur-développé et incapables de travailler en équipe. Quant aux autres, eh bien ils sont moins bons, j'imagine. Je sais bien ce qui se raconte sur les choix de Joy, mais c'est faux. Par pure coïncidence, les sept meilleurs joueurs se trouvaient être des filles. J'ai attrapé le vif d'or aux sélections, tu sais, et il y avait des candidats masculins. Et je vais l'attraper demain... enfin j'espère."

Sentant son ventre se nouer, elle baissa les yeux et se mit à jouer distraitement avec ses céréales. Elle espérait vraiment l'attraper, car ses camarades de maison ne seraient pas tendres le cas contraire. Sam aimait ce sport, tout comme elle aimait la compétition, mais elle se serait bien passé de la pression et de la publicité qui allait avec. N'ayant cependant aucune envie de laisser paraître ses appréhensions face à Jordan, elle releva la tête et reprit de sa superbe.

"Alors, tu vas arriver à te faire à l'idée que des femmes puissent être meilleures que des hommes ?", dit-elle avec un petit sourire ouvertement moqueur. "Moi je trouve que Joy a fait un choix courageux. Le monde des sorciers peut être vraiment macho parfois !"

Jordan haussa un sourcil lorsque Samantha lui demanda s'il avait un problème particulier. A vrai dire, il aurait bien aimé en avoir pour pouvoir lui répondre, mais rien ne lui venait. Tout allait bien dans sa vie, depuis toujours d'ailleurs. Il n'était pas habitué au stress, aucun évènement nouveau ou perturbateur n'était survenu récemment. A vrai dire, Jordan se doutait que les gens normaux avaient des problèmes. Problèmes financiers, problèmes familiaux, complexes, histoires de coeur... Mais pour lui, tout allait bien dans le meilleur des mondes, après tout, n'était-il pas en train de discuter avec "l'élue de son coeur"? Cette expression faisait rire Jordan, qui était bien trop intellectuel pour écouter ses sentiments. Bien sûr, il ne pouvait (et ne voulait) pas lutter contre les pulsions de son jeune corps d'adolescent, mais il voulait toujours tout ramener au rationel, et s'il appréciait Samantha, tant physiquement qu'intellectuellement, il n'était pas sûr d'être amoureux d'elle. Quand il entendait parler de l'amour, il ne se rappelait pas avoir jamais ressenti quelque chose de semblable. Et, vu ce que l'amour pouvait pousser à faire, il préférait pour l'instant garder la tête froide. Donc non, il n'avait pas de problèmes particuliers.

"Non, rien de particulier" se contenta-t-il donc de répondre en haussant les épaules.

Comme Samantha lui faisait remarquer qu'il connaissait ses habitudes de sommeil, Jordan haussa les épaules. Etait-il censé prendre ça comme une remarque embarrassante? Il ne savait pas trop. Elle semblait bien ironique, cette remarque, mais il connaissait beaucoup de choses sur Samantha, ainsi que sur d'autres personnes. Observer les gens était l'un de ses passe-temps favoris, et du temps, il en avait à revendre. Cela vous apprenait beaucoup de choses sur les personnes et le monde qui vous entourait.

"Je sais beaucoup de choses, mais je suppose que si je m'éternise là-dessus tu vas encore dire que je me vante."

Ce qui ne serait évidemment pas vrai du tout. Jordan était souvent énervé par cette fausse modestie qui était de bon goût en société. Reconnaître ses propres mérites n'était pas considéré comme correct, il fallait plutôt dire "oh non, je n'ai rien fait" pour recevoir une montagne de compliment de ses voisins. Ridicule, pensait le jeune Nimbus de Pompadour. Il savait ce qu'il valait, peut importe ce que ses camarades en pensaient. Cela témoignait tout de même d'un penchant notable, pour la plupart des gens, pour l'égocentrisme et le narcissime, pensait-il.

"Je ne sais pas si ton équipe est formidable, je déciderai donc si je dois vous encourager en vous voyant jouer. Je crois que la plupart de mes camarades supportent Serpentard, de toute façon, alors, une fois n'est pas coutume, je vais rentrer sagement dans le rang. Ce qui veut dire que, même si vous perdez, je te souhaite d'attraper le vif."

Il agrémenta sa réponse d'un sourire légèrement charmeur. La jeune fille défendit alors, simplement et avec beaucoup de loyauté, les choix de sa capitaine. Jordan nota que l'ambiance de l'équipe semblait donc être bonne, et se demanda combien de temps cela durerait. Il savait d'expérience que les groupes de filles finissaient inévitablement par se déchirer. Joy avait au moins eu la bonne idée de ne pas prendre un seul garçon, ce qui aurait précipité la chute. Samantha lança alors une petite pique, qu'il attrapa au vol. Il agita sa cuiller sous le nez de sa camarade, tout aussi taquin qu'elle.

"Oh oh, encore des préjugés! Je n'ai aucun mal à reconnaître la valeur d'une femme, ma mère est la personne la plus intelligente que je connaisse."

Il se garda de toute allusion à son père. C'était parfois une plaie, d'être le fils du dirigeant de Nimbus, car chaque mot sur sa famille devait être pesé. Jordan choisi de jouer la carte du fils qui ne réalisait pas forcément que complimenter l'un de ses parents signifiait dénigrer l'autre, à savoir le chef de la plus grosse entreprise d'Europe. Car, après tout, il pensait réellement sa mère plus intelligente que son père. Il la voyait le tempérer lorsqu'il s'emportait, lui suggérer des idées l'air de rien, voir même carrément le manipuler lorsqu'elle voulait vraiment quelque chose. Ce qu'il avait du mal à saisir, c'était dans quelle mesure son père était conscient de ce manège.

"Les vrais machos, ce sont les Sang-Pur du style Nott ou O'Connor. Et, au cas où ma généalogie n'ai pas encore été épluchée trois fois par Sorcière Hebdo cette année, je t'apprends que je ne suis pas exactement un Sang-Pur. CQFD."

Jordan répondit qu'il n'allait pas s'attarder sur son immense savoir pour ne pas qu'elle l'accuse à nouveau de se vanter. Sage décision ! Samantha savait que Jordan ne se vantait pas exprès, pour le plaisir d'étaler ses qualités sur la place publique. Non, c'était pire : il était intimement persuadé de posséder toutes ces qualités, de sorte que cela n'était pas de la vantardise, de son point de vue. Pour Sam, cela montrait néanmoins qu'il disposait d'une certaine estime de lui-même, ce qui était tout aussi agaçant.

"Probablement", reconnut-elle en hochant la tête.

La discussion dériva ensuite sur le Quidditch, et son estomac se noua à la pensée du match du lendemain. Elle apprit ainsi que Serpentard avait l'appui de la maison de Jordan. Eh bien, il faudrait bien ça, pour rattraper leur retard ! Quelles que soient les qualités de leurs joueuses, le premier match d'une équipe était souvent approximatif. La conversation évolua alors su le féminisme, question qui lui avait toujours tenu à coeur ! Sam leva les yeux au ciel quand Jordan mentionna sa généalogie tant épluchée par Sorcière Hebdo. Merlin, elle ne se sentait pas obligée de ramener ses ancêtres dans toutes les conversations, elle ! Ce que les riches héritiers pouvaient être agaçants...

"Les machos ne sont pas concentrés parmi les sang-purs", contesta-t-elle avec une moue désapprobatrice. "Bien sûr, eux, ce sont des extrêmes. Enfin je ne sais pas pour Nott, mais O'Connor est dans ma maison et c'est vrai que j'ai connu plus féministe ! Mais d'une manière générale, quand on compare le monde moldu et le monde sorcier, je trouve que la place des femmes parmi les sorciers est à revoir. Il y a beaucoup de femmes au foyer parmi les familles sorcières, leur niveau d'emploi et leur salaire sont à revoir..."

Son regard se posa sur les professeur McGonagall et Adamson qui traversaient justement la salle pour se diriger vers la table des professeurs, et elle ajouta :

"Quoi que Poudlard constitue une exception notable... Enfin bref, surtout, les mentalités sont à changer ! Toi-même tu t'es étonné sur le fait qu'une équipe entièrement féminine ait été constituée, alors qu'il y a eu de nombreuses équipes masculines à Serpentard auparavant sans que ça n'étonne personne. Pareil pour Gryffondor : quand un capitaine sélectionne beaucoup de filles, ce n'est pas grâce à leur talent, non ! C'est pour s'en faire un harem. Je trouve ce type de réflexions déplorable."

Samantha conclut ses paroles en croquant avec vigueur dans une pomme, s'auto-aspergeant de jus, et réalisa qu'elle était peut-être un peu trop virulente pour une heure si matinale. Tout en essuyant l'arrête de son nez avec sa serviette, elle songea qu'il fallait vraiment qu'elle arrête de s'emporter chaque fois que Jordan lui lançait une pique.

"Désolée, je m'emporte ! Je serais très mauvaise en politique. Je ne sais pas comment tu fais pour évoluer parmi les hautes sphères de la société sans sauter à la gorge de tout le monde... Question d'habitude, j'imagine, et d'éducation."

Jordan regarda Samantha s'enflammer à propos du machisme. Il la trouva très mignonne, bien plus que quand elle arborait un air concentré ou grognon. Il aimait beaucoup son caractère, le fait qu'elle n'hésite pas à défendre ses idées quoiqu'il arrive. Il la trouvait d'ailleurs un peu Gryffondor sur les bords, pour une Serpentard! Abandonnant son petit déjeuner pour se concentrer plus sur les paroles que sur la jolie bouche de Samantha, Jordan réfléchit deux secondes à ce qu'elle venait de dire.

Il n'avait jamais vraiment pensé au machisme, à vrai dire. Il était un homme, bien sûr, et ne se considérait pas pourtant comme mysogyne. Bien sûr, sa mère ne travaillait pas officiellement, mais elle faisait beaucoup d'autres choses. C'était elle qui organisait les réceptions, gérait les relations diplomatiques lorsque le tact de son père venait à manquer - assez régulièrement, donc - et tenait la maison. Mais, pour cette dernière tâche, c'était bien parce que Clarissa le voulait, si elle travaillait, les elfes auraient été heureux de bénéficier d'un peu plus d'autonomie. Clarissa ne travaillait pas parce qu'elle n'en avait pas besoin, ni envie, et non parce que Lawrence le lui interdisait.

Samantha souligna ensuite les preuves du machisme ambiant dans la vie à Poudlard. Bien qu'il ne soit ni spécialiste, ni passionné par le sujet, Jordan trouva à commenter sur ce point.

"Je ne peux pas parler des moldus, je n'y connais pas grand-chose" confessa-t-il sans complexes. "Mais tout ce que tu cites, ce n'est qu'une question de point de vue. Dans le cas du Capitaine de Gryffondor, c'est plus dégradant pour Baker que pour les filles. Et puis, c'est normal qu'il y ait plus d'équipes masculines que féminines. Faire du sport, c'est quasiment obligé, pour un homme. Les filles sont moins investies... et franchement, tu imagines Lorgan sur un balais?"

C'était ridicule, aux yeux de Jordan. Pour lui, il y avait trois types de filles. Les Lorgan, qui ne risqueraient pas de casser leurs ongles sur un terrain de Quidditch; les bien élevées, un peu prudes sur les bords, voir carrément vieux jeux, qui ne faisaient de toute façon pas de sport. Et les filles modernes, comme Samantha ou Joy, qui n'étaient pas soumises à ces diktats. Ca faisait donc moins d'un tiers de la population féminine qui pratiquait le sport, alors que 98% des mâles voulait intégrer une équipe. De quoi expliquer rationnellement les différences de niveau par autre chose que le machisme, tout simplement.

Se rendant compte de son emportement, Samantha s'excusa alors.

"Oh, l'habitude aide beaucoup, oui... Mais ça n'empêche pas les écarts!" Il décida alors de lui raconter l'anecdote de la vieille matriarche des Carrow, à Noël, pour écarte la conversation du sujet glissant de l'égalité homme-femme.

"Tiens, à Noël j'ai traité Sélène Carrow de mégère rétrograde, parce qu'elle radotait encore sur la pureté du sang d'un ami. Mes parents n'ont pas vraiment apprécié... Heureusement, elle a cent douze ans, donc personne n'y a vraiment prêté attention. Je n'ose pas penser à ce qu'on dirait de moi aujourd'hui, sinon!"

Se rendant compte qu'elle ne devait pas comprendre en quoi il devait faire attention à son image, il tenta de se remettre à son niveau:

"Mais c'est un très bon apprentissage. Je peux t'obtenir un carton pour la réception de printemps de la famille Harris, si tu veux. Je suis sûr que tu a-do-re-ras."

C'était bien sûr, purement ironique car il n'oserait certainement pas dicter un invité de la classe de Samantha à Helen Harris. Même Jordan Nimbus de Pompadour avait des limites!

Samantha se mit à pouffer quand l'image de la plantureuse blonde de Poufsouffle sur un balai, une batte dans les mains et l'air féroce, se formait dans son esprit. Certes, imaginer Kelsey dans une équipe de Quidditch était légèrement ridicule, à moins que cela ne soit pour draguer les joueurs, mais il n'y avait pas grand monde d'intéressant dans l'équipe des blaireaux...

"Ne soit pas médisant, je suis sure qu'elle est très sportive", murmura Samantha avec malice, avant de culpabiliser face à sa propre mesquinerie. Ce n'était pas avec ce genre de propos qu'elle allait faire progresser la cause féminine, Kelsey devait déjà entendre suffisamment de remarques dégradantes de la part des hommes pour que ses condisciples féminines n'en rajoutent pas une couche... Cela dit, il était difficile pour la Serpentard de se sentir désolée pour Kelsey. Elle s'était attirée elle-même cette réputation, semblant presque prendre plaisir aux ragots et méchancetés qui couraient sur son compte, pour une raison qui échappait complètement à Samantha. A cause d'un besoin désespéré d'attention, peut-être. Toujours est-il que c'était des personnes comme Kelsey qui contribuaient au machisme ambiant, ces personnes là que des garçons comme Jordan prenaient en exemple quand il s'agissait de dénigrer les femmes, consciemment ou non. Mais Kelsey n'était pas la majorité, non, elle était l'exception...

Mais Samantha n'avait aucune envie de partir dans un débat acharné sur le sujet, surtout avec quelqu'un comme Jordan. Il ne démordrait probablement pas de ses positions, et d'ailleurs elle se moquait bien de le convaincre. Vu le milieu dans lequel il baignait, il devait avoir la tête pétrie de préjugés sur tout un tas de sujets. Comme pour confirmer ses pensées, Jordan lui narra une anecdote qui s'était déroulée à Noël, et qui indiquait bien à quel point ce milieu semblait pétri d'idées ridicules, comme celle de la pureté du sang. Elle qui avait été élevée parmi les moldus, sans aucune connaissance du monde sorcier, pendant toute son enfance n'avait pas de mots pour exprimer à quel point elle trouvait cette idéologie malsaine et surtout complètement stupide. Comment des gens pouvaient-ils y adhérer ? Ne voyaient-ils pas que c'était les sorciers qui étaient reclus, cachés, en nombre réduit ? En quoi était-ce une preuve de supériorité ? Ne comprenaient-ils pas que leur société était figée, conservatrice, presque arriérée sur certains sujets ? Les sorciers auraient tellement à apprendre des moldus, s'ils se donnaient la peine d'ouvrir les yeux... L'inverse était vrai, également, mais était dangereux aussi, elle en avait conscience. Il n'empêche que Samantha avait du mal à croire qu'une guerre ait pu se dérouler sur ce thème, à peine une décennie plus tôt. Face à de telles sottises, il lui arrivait parfois de comprendre un peu mieux sa mère, même si elle adorait la magie... Enfin, au moins Jordan n'avait pas l'air d'y adhérer, vu ses propos.

Pas très sure de comment répondre, Samantha fut contente qu'il continue de parler, même si c'était pour dire des bêtises plus grosses que lui. La jeune fille prit un air exagérément septique, et répondit :

"Tu as vu à qui tu parles, là ?"

Puis elle atténua sa réponse par un rire, avant de conclure :

"Mais le jour où tu as vraiment envie de salir ta précieuse image, je serai ravie de te rendre ce service ! En attendant, je vais aller réveiller cette feignasse de Lauren. Merci pour la compagnie, ce fut...hum..."

Elle considéra Jordan du regard un instant, ne pouvant se résoudre à dire "agréable", et se contenta d'un léger sourire. Attrapant son sac d'une main, sa pomme de l'autre, elle se leva du banc avec énergie.

"A la prochaine !"