Le Poussin et le Dragon [PV Cassandre]

Allongée à plat ventre sur son lit, ses boucles brunes nouées en un chignon qui laissait s'échapper quelques mèches, Cassandre griffonnait sur un parchemin, calée sur son livre de Métamorphoses. Il y avait trop de bruit dans la Salle Commune pour qu'elle puisse ne serait-ce qu'une seconde envisager de travailler en bas et puis de toute manière, toutes les tables étaient prises. Ses camarades de dortoir étaient réunies en cercle et papotaient à propos de Josh Bennett, le Capitaine de Serdaigle et de sa petite-amie, une fille de Gryffondor, Frost. Elles étaient persuadées qu'elle se servait d'un philtre d'amour de chez Weasley et Weasley pour le retenir, parce que sinon il était juste "impensable que Josh sorte avec une fille comme elle, quoi. Elle est brusque et ne prend même pas soin d'elle !" Cassandre fit de son mieux pour les ignorer et continua de rédiger son devoir de potions, jusqu'à bloquer sur une définition. Mince, elle la connaissait par cœur pourtant ! Agacée, elle ferma les yeux pour fouiller dans sa mémoire. Elle l'avait sur le bout de la langue pourtant ! Elle se redressa pour attraper sa baguette magique sur sa table de chevet et fit venir à elle son livre de potions, qu'elle feuilleta rapidement. Rien. Cela devait être dans le manuel de troisième année. Elle avait vraiment envie de terminer ce soir pour être débarrassée... Un coup d’œil à son réveil lui indiqua que le couvre-feu était passé mais si elle se dépêchait un peu, et passait par le passage secret du sixième étage, elle pourrait se précipiter à la bibliothèque pour avoir sa définition. Elle descendit de son lit, attrapa sa baguette qu'elle fourra dans sa poche, récupéra sa paire de chaussures, sa robe de Gryffondor qu'elle enfila par dessus une robe bleue à manches longues et sortit du dortoir sans saluer ses camarades.

Elle descendit les escaliers d'un pas rapide, manqua de rentrer dans une petite première année et débarqua dans la Salle Commune pleine à ras-bord. Elle se faufila entre un groupe de cinquième année et atteignit le portrait de la Grosse Dame qui s'ouvrit pour la laisser passer. Madame Pince allait râler qu'elle arrive aussi tard mais elle n'avait pas très envie de reporter son devoir à demain soir, elle était déjà assez chargée cette semaine. Toute à ses pensées, elle pila brusquement en se retrouvant face à une petite silhouette qu'elle identifia vite comme Nora Weaver. Elle ne la connaissait pas du tout, elle savait juste que c'était l'amie d'Irving et qu'elle était Capitaine des Poufsouffle. Tout le monde disait qu'elle était vraiment sympa mais bon, les "tout le monde disait"... Elle fut néanmoins surprise qu'elle connaisse son nom et surtout qu'elle soit aussi... Gentille. Un peu méfiante, Cassandre fronça les sourcils.

- Euh... Oui, ça va. Irving, je ne sais pas, je n'ai pas prêté attention. Mais je suis assez pressée en fait...

Cassie remarqua les traits inquiets de Nora Weaver et soupira. C'était bien parce que c'était une amie d'Irving. Levant les yeux au ciel - elle allait rater la fermeture de la bibliothèque ! - elle tourna les talons et se planta devant la vieille dame en lançant le mot de passe. Le portrait pivota et elle le franchit. Elle jeta un coup d’œil aux tables, mais il n'y était pas. Le devant de la cheminée était réquisitionné par les septième année, un groupe de garçons de première année jouaient à la Bataille Explosive en riant fort, des filles gloussaient en regardant Jeremy Baker et quelques élèves étaient réunis autour d'une radio qui crachouillait. Mais pas de traces des boucles d'Irving Whitaker. Peut-être qu'il était dans son dortoir, mais ça, elle ne pouvait pas vérifier. Se maudissant à l'avance pour sa gentillesse et sa magnanimité, Cassandre se planta devant l'un des camarades de dortoir d'Irving. Elle faisait vraiment ça en honneur de ce qui s'était passé aux vacances, parce qu'Irving l'avait aidé. Sinon, ce n'était pas son genre d'aider les Poufsouffle en détresse.

- J'aimerai savoir où est Irving Whitaker, je te prie.

Le Gryffondor la regarda de haut en bas avant d'échanger un regard avec son copain. Cassandre soupira et leva les yeux au ciel, exaspérée par tant de bêtises.

- Pourquoi ? demanda-t-il d'un ton trainant. Tu veux lui déclarer ton amour, Harper ?

Cassie haussa un sourcil et posa un regard méprisant sur son camarade qui soutint son regard. Un petit sourire naquit sur ses lèvres tandis qu'elle se penchait vers lui et qu'une de ses boucles venait lui effleurer la joue.

- Lui déclarer mon amour, oui. Puis l'éviscérer ensuite par vengeance quand je vais voir qu'il passe un peu trop de temps avec Nora Weaver. Mais quand j'en aurais fini avec lui, je suis sûre que toi et moi on peut s'entendre, ne t'en fais pas. Je suis juste un peu... possessive, répliqua-t-elle en faisant claquer le dernier mot ce qui fit sursauter cet abruti.

Satisfaite de son petit effet, Cassandre se redressa, condescendante.

- C'est Weaver qui le demande, elle est plantée devant la porte.

Le camarade d'Irving se racla la gorge avant d'hausser les épaules.

- Il est parti. Son père est à l'hôpital et j'ai cru comprendre que son état s'était aggravé. Mais tu sais Harper, toi et moi, ça me dérangerait pas parce que...

Cassandre tourna les talons sans attendre, le cœur battant. L'état du père d'Irving qui s'était aggravé. Aussitôt, l'image du cadavre poussant d'horribles râles lui revint en mémoire. Cela ne pouvait pas être ce moment-là, il ne pouvait pas mourir. C'était la plus grande peur d'Irving, cela ne pouvait pas arriver. C'était juste une horrible image de l'épouvantard, comme elle coincée sous la glace dans la chambre de Rose. C'était faux, ce n'était qu'une illusion. Et les illusions ne deviennent pas réalité. Et surtout, Irving ne méritait pas cela. Perturbée et emplie d'un mauvais pressentiment, Cassandre passa le portrait pour se retrouver de nouveau devant Weaver. Son air angoissé ne pouvait dire qu'une seule chose. Elle l'avait compris, avant même qu'on ne lui annonce.

- Il... Il n'est pas là, Weaver. Un type de son année m'a dit qu'il était auprès de son père, dont l'état s'est aggravé.

Mal à l'aise, Cassandre baissa brièvement le regard.

- Je suis au courant, tu sais, pour ce qui se passe. Je... Je suis la voisine d'Irving, depuis Décembre. Mes parents... Enfin, bref. Je suis au courant.

Oh, non, non, non. Pas de pleurs. Les pleurs, elle ne savait pas gérer ça. Elle pouvait affronter n'importe qui, n'importe quoi, même les plus agressifs comme Anton Smith mais les pleurs ! Cassandre observa avec effarement sa camarade réprimer un sanglot avant de se détourner. Son instinct lui hurlait de se sauver avant que les choses ne se dégradent, même si ce n'était pas très Gryffondor. Elle avait déjà vu des gens qui pleuraient évidemment, à cause d'elle de temps en temps, mais elle n'avait jamais consolé quelqu'un. D'ailleurs, pourquoi est-ce qu'elle irait consoler Weaver ? Elles n'étaient pas amies, ni rien, elle n'avait aucun devoir envers elle. En revanche, elle avait une rédaction à terminer et un livre à emprunter le plus rapidement possible. Voilà, Weaver avait des amies, la fille de Mason et la sœur de Théo, ces dernières se chargeraient bien de la consoler. Et même si la nouvelle de ce qui arrivait au père d'Irving la touchait plus qu'elle ne voulait l'admettre, elle ne voulait pas s'épancher sur l'épaule de Weaver comme deux vieilles copines. Quand cette dernière céda finalement et éclata en violents sanglots, Cassandre dû sérieusement se retenir de partir en courant. Elle ne voulait pas affronter cela, c'était trop... Soupirant, elle baissa les yeux sur Weaver, toujours éperdue au milieu de ses livres de classe. Tout ce qu'elle désirait, c'était se plonger dans sa rédaction et ne penser à rien, surtout pas aux râles de l'épouvantard qu'elle entendait encore trop nettement dans son esprit. Elle revoyait encore le corps du père d'Irving s'avancer vers son fils, agonisant. Elle en avait déjà fait des cauchemars et elle refusait d'admettre que cela puisse être la réalité, que quelque part dans les étages de Sainte-Mangouste, la plus grande peur d'Irving soit devant ses yeux, sans que cette fois-ci personne ne puisse rien y faire. Elle l'avait aidé, la première fois, en se reposant sur ses capacités magiques. Là, elle était juste impuissante, tout comme l'était Weaver. Et elle détestait cette sensation. Elle détestait ce malaise, ses mains qui tremblaient légèrement et l'angoisse qui lui tordait le ventre. Car elle était inquiète pour ce qui allait se passer et puis pour Whitaker. Mais elle refusait de céder et de se laisser aller, de laisser percevoir son inquiétude et laisser son souci prendre le dessus. Et si elle restait avec Weaver, elle avait peur de céder.

Mais est-ce qu'elle pouvait vraiment la laisser là, éplorée sur le sol du château, sous le regard inquisiteur de la Grosse Dame ? Merlin, pourquoi les gens ne pouvaient-ils pas gérer leurs émotions en privé ? Elle n'avait jamais pleuré devant quelqu'un, jamais. Mais est-ce qu'elle pouvait décemment passer son chemin ? Clairement, non. Sa gentillesse la perdait, clairement. Elle échangea un regard entendu avec la Grosse Dame avant de s'approcher de Nora, un peu désœuvrée. Machinalement, elle s'agenouilla près d'elle en écartant son livre de sortilège. Qu'est-ce qu'elle était censée faire ? Elle n'avait jamais consolé des gens ! Elle était même rarement gentille, avec les gens ! Tiens, être gentille, c'était un bon début. Elle n'avait pas la moindre idée de comment faire, mais bon. Mal à l'aise, Cassie fouilla dans la poche de sa robe pour en ressortir un mouchoir blanc brodé à ses initiales, qui venait du lot que lui offrait sa mère à chaque début d'année. Elle le tendit à Nora, en lui tapotant maladroitement l'épaule. Merlin, qu'elle se sentait cruche et à coté de la plaque !

- Hé, Weaver, c'est vraiment inutile de te mettre dans des états pareils, tu sais, ça ne changera rien à ce qui se passe.

De toute manière, personne ne pouvait changer la situation, c'était un fait. Tout ce qu'on pouvait faire, c'était attendre. Et même, pourquoi pleurait-elle comme cela ? On pouvait en être affectée sans pour autant augmenter le niveau des océans ! Pleurer ne servait à rien, même si cela pouvait soulager dans les pires situations. Mieux valait garder l'esprit clair et agir. D'un coup de baguette, elle rassembla les affaires de Weaver et les fourra dans son sac de cours qu'elle posa un peu plus loin. Bon, le mouchoir, c'était fait, qu'est-ce qu'elle pouvait faire désormais ? Que faisaient les filles de son dortoir pour se consoler entre elles ? Bonne question ! Il y a un mois, Lisa était revenue en larmes, après avoir rompu avec son petit ami. Les filles étaient restées auprès d'elle, à l'écouter parler et à la conseiller, à dénigrer le garçon en question et à assurer que tout irait bien. Bon, Weaver ne semblait pas prête à parler, quand aux conseils, elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait dire. Et clairement, tout n'irait pas bien. Elle allait devoir improviser. Oh, Merlin, elle détestait la socialisation, vraiment.

- Weaver, Nora, regarde moi un peu. Je peux savoir pourquoi tu joues les veuves éplorées, là ?

Être gentille, oui, elle avait oublié ce passage. Tact et délicatesse, elle devait retenir cela.

- Je veux dire, toi, il ne t'arrive rien. Alors oui, je veux bien envisager qu'au passage sous le Choixpeau, vous receviez une bonne dose bien épaisse de compassion et de sentimentalisme, vous les Poufsouffle, mais je pense que pleurer n'est pas la meilleure solution. Cela n'apporte rien à la situation.

Elle posa les deux mains sur les épaules de Nora et la regarda dans les yeux. Elle était plutôt mignonne d'habitude, tout le monde le disait, mais là, avec ses yeux rouges et les traces de larmes sur les joues, elle n'était vraiment pas dans un bon état. Aux vacances, elle avait dit à Irving que jamais Nora ne tomberait amoureuse de lui. Au vu des états dans lesquels elle se mettait, Cassie s'était visiblement bien trompée. Sauf que Whitaker semblait être très à coté de la plaque question filles. Pour beaucoup de choses d'ailleurs, mais bon. Au final, elle l'aimait bien. Même si elle se jetterait du haut de la Tour de Gryffondor plutôt que de l'avouer, évidemment. Elle avait une certaine fierté à tenir.

- Irving va traverser l'une des périodes les plus difficiles de sa vie. Et toi, tu dois être là pour lui, d'accord. Et si tu veux l'aider, tu ne peux décemment pas t'effondrer ainsi. Écoute moi bien Weaver, tu es son amie. Sa meilleure amie même, à ce que j'ai compris. Voire plus même, si tu veux mon avis. Et j'ai toujours été quelqu'un de perspicace, crois-moi. Mais ce n'est pas le sujet. Quoi qu'il en soit, il doit pouvoir se reposer sur toi plus que sur n'importe qui d'autre. Alors tu dois être vraiment très forte pour supporter cela, d'accord ?

Cassandre renforça sa pression sur les épaules de Weaver.

- Alors maintenant, tu te calme, tu respire un bon coup et tu te reprends. De quoi tu as l'air, là, avachie par terre comme ça ? Un peu de tenue ! Tu veux être de poids pour supporter ce qui va arriver ? Alors commence un peu à te comporter comme tel. Tu es Nora Weaver, tu as seize ans, tu es la Capitaine de l'Equipe de Quidditch de Poufsouffle, tu as su t'imposer face à des brutes comme O'Connor ou des prétentieux comme Baker et Bennett et tu es quelqu'un qui sera là pour ses amis, sans faillir. Alors debout !

Certes, elle n'avait pas été gentille ou délicate. Mais elle n'avait vraiment l'impression de s'être complètement égarée en chemin. Mais elle ne ferait pas ça tous les jours, par contre. Une personne éplorée par année, ça sera bien suffisant.

Cassandre soupira. Même si elle courait et prenait plusieurs raccourcis, elle n'arriverait pas à la bibliothèque à temps. Un peu agacée, elle ne laissa néanmoins rien paraître. Après tout, il y avait des choses plus graves que cela, non ? Ce qui arrivait à Irving et à son père en était la preuve irréfutable. Et elle pourrait toujours demander à ses camarades de classe... Oh. C'était étrange, comme pensée. Elle ne demandait jamais rien à ses camarades de classe. Ou à qui que ce soit, en fait. Lorsqu'elle était arrivée en première année, elle n'avait fait la rencontre de personne dans le train, étant donné qu'il n'y avait que des troisième année dans son compartiment. Au premier festin, elle était encore sous le choc de sa Répartition à Gryffondor. Elle, une Gryffondor, sérieusement ? Elle aurait pu parier sur toutes les maisons sauf Gryffondor. Et Poufsouffle, parce qu'elle n'avait vraiment rien d'une Poufsouffle. Mais elle se voyait très bien à Serdaigle ou même à Serpentard. Et en plus, elle composait déjà la lettre pour ses parents. Dans sa famille, on avait des idées assez arrêtées sur les maisons. Pour un garçon, Serpentard, Serdaigle et Gryffondor étaient très bien. Dans la première, il apprenait des choses utiles pour un poste de dirigeant tandis que la seconde lui permettait de devenir quelqu'un de brillant. La troisième lui donnait la force et le charisme nécessaire pour s'imposer. En revanche, Poufsouffle rendait les hommes faibles, c'était une mauvaise chose. Pour une fille, Serdaigle lui permettait de se cultiver - mais qu'elle n'aille pas étaler sa science en société, bien évidemment - tandis que Serpentard lui apportait un raffinement certain et Poufsouffle une douceur idéale pour une demoiselle, êtres craintifs et gentils, bien évidemment. Gryffondor, cela leur donnait trop de caractère et en faisait des sauvageonnes, comme disait sa mère. Alors sa répartition à Gryffondor, elle l'avait pris comme une douche froide. Et puis après, le naturel était revenu au galop et son attitude avait fait qu'elle ne s'était entendue avec personne de son année. Avec personne tout court, en fait. Et sa réputation de fille insupportable avait fait le tour de l'école et elle s'était retrouvée vite seule. Et s'y était habituée. Cette année, c'était différent. Il y avait l'épisode Amely - auquel elle s’efforçait de ne pas repenser mais qui prouvait qu'elle pouvait se sociabiliser quand elle faisait des efforts - et puis Darren aussi et Irving, mine de rien. Mais elle n'avait toujours pas reparlé aux filles de son dortoir. Elles vivaient dans une totale indifférence. Ce qui était mieux que les conflits qui réveillaient la Tour jusqu'à l'année dernière.

- Ce n'était pas vraiment une perte de temps, fit-elle en haussant les épaules.

Elle devenait franchement trop gentille. Bientôt, elle allait sourire aux gens dans les couloirs et leur dire bonjour. Ou des choses de ce genre. Sauf qu'il n'était pas forcément facile d'être méchante avec Nora Weaver, qui semblait être une descendante officieuse d'Helga Poufsouffle. Sérieusement, comment pouvait-on agir ainsi en permanence ? Ce n'était pas pour se moquer cette fois-ci, elle se posait réellement la question. Y'avait-il un gêne de la gentillesse ? Quelque chose qui faisait qu'on était sympathique ? Pourquoi les gens étaient-ils gentils, certains du moins ? Parce qu'elle avait beaucoup réfléchi à ça, Cassandre. Être gentil, cela n'apportait pas franchement grand-chose. On se faisait surtout écraser en retour. Mais certains, comme Weaver, persistaient dans cette voie. C'était plus qu'étrange. Enfin, de toute manière, elle ne pouvait pas trop se Weaveriser. Elle n'avait pas la patience. Ou le bon gêne.

- Rares sont les personnes qui le savent, répliqua-t-elle. D'ailleurs, si ça pouvait rester entre nous... Je n'aime pas donner du grain à moudre à Radio Poudlard.

Et est-ce qu'elle s'y plaisait ? Non. Non, non, carrément non. Elle s'était apaisée depuis leur déménagement mais non, elle ne s'y plaisait pas. C'était trop différent de tout ce qu'elle avait toujours connu, elle ne pouvait s'empêcher de mépriser certains habitants, qui pouvaient se montrer si... ouvriers. Et puis ce n'était pas beau, comme quartier, les gens n'étaient pas distingués et l'usine entachait le paysage. Il y avait des habitudes si... Elle n'en trouvait même pas ses mots ! Heureusement qu'elle vivait à Poudlard le reste du temps. Pour cet été, elle allait essayer de passer un maximum de temps en dehors de la Cité, quitte à fréquenter plus grand-mère Helen. Et c'était un vrai sacrifice, de passer du temps avec Helen Harris. Mais elle devait reconnaître qu'il y avait certains bons cotés à la Cité. Elle ne l'avouerait jamais à voix haute, évidemment. Mais elle appréciait parfois la solidarité entre les habitants et la chaleur et la bonne humeur qui s'en dégageait. Oh, Morgane. Weaver devait déteindre sur elle, il n'y avait pas d'autre explication. Elle n'avait plus qu'à aller se jeter du haut de la Tour d'Astronomie, avant de se mettre à aimer tout le monde.

- Je suis née dans les quartiers chics de Londres, dans une grande maison du 19ème siècle, cachée aux yeux des moldus. J'ai fréquenté pendant des années, et encore maintenant, les réceptions les plus chics et souvent ennuyeuses, soyons honnête, du gratin sorcier. Et je vis désormais dans une Cité ouvrière. Cela répond à ta question ?

Finalement, tout n'était pas perdu. Soupirant, elle fit une légère moue.

- Néanmoins, j'ai pu croiser Irving et après quelques temps...

Des insultes, des coups, du cinéma auprès des habitants de la Cité et un épouvantard.

- Nous avons pu trouver une sorte de terrain d'entente et c'est toujours agréable. C'est nouveau, pour moi.

C'était peu de le dire. Maintenant, quand ils se croisaient dans les couloirs ou dans la Salle Commune, ils se saluaient. Et voir un visage amical parmi la foule, et bien, elle avait un peu honte de le dire, mais elle aimait bien. Bon, la Tour d'Astronomie, c'était par où ?

- C'est un garçon sympa, avoua-t-elle, un peu à regrets.

Elle le pensait, bien évidemment, mais le dire était une toute autre chose.

- Et ne lui répète surtout pas ! s'écria-t-elle en pointant un doigt accusateur sur Nora. J'ai une réputation à conserver, moi.

Il fallait bien des méchants, où allait le monde sinon ? Et puis Irving serait trop heureux de l'apprendre et elle était sûre qu'il ne manquerait pas l'occasion de lui ressortir cette phrase. Sans qu'elle s'en rende compte, ses pensées dérivèrent sur Irving, qui devait être près du lit de son père au moment où elles parlaient et son cœur se serra à cette idée. C'était vraiment trop cruel et même s'il y avait sa famille autour de lui, il affrontait cette épreuve seul. Comme face à l'Epouvantard. Elle reprit la parole rapidement pour éviter que les râles d'agonie de Bradley Whitaker ne retentissent dans sa tête, comme ils avaient tendance à trop le faire.

- Tu devrais lui envoyer un hibou, lança-t-elle en regardant Nora. Tu ne peux pas sortir de l'école mais tu peux au moins faire ça. Si tu veux lui venir en aide. Le soutenir. Il arrivera demain matin. Peut-être pas trop tard.

Assez tôt pour lui apporter un peu de réconfort, peut-être. Et elle y joindrait un mot, sûrement. Elle ne savait pas encore quoi, elle n'était même pas sûre de le faire finalement, d'en avoir le courage mais au moins, ce serait agir. Et ne pas rester là, stoïque, à attendre que la mauvaise nouvelle arrive. Le couvre-feu était bientôt mais après tout, qui n'était jamais resté dehors après le couvre-feu ? Et c'était un cas d'extrême urgence. Argument toujours efficace contre les profs.

Nora acquiesça silencieusement quand Cassandre lui demanda de garder pour elle le fait qu'elle ait déménagé, ajoutant qu'elle ne voulait pas donner de grain à moudre aux commères du château. La Poufsouffle lui adressa un sourire compatissant. Elle ne savait pas trop ce que ça pouvait faire d'être la cible de Radio Poudlard, elle n'avait jamais beaucoup attiré l'attention. Avant qu'elle ne devienne capitaine de sa maison certaines personnes de son année ne connaissaient même pas son prénom. Quoiqu'il en soit elle arrivait facilement à imaginer que ça devait être pesant d'entendre les gens chuchoter derrière son dos, d'être une source de rumeurs. Et même si Cassandre n'avait pas toujours été franchement sympathique, elle n'avait jamais été odieuse, elle ne méritait pas ça.

Quand elle lui demanda si elle se plaisait chez Nimbus, préférant détourner la conversation de son incapacité à se conduire comme une amie digne de ce nom sans se changer en fontaine, Cassandre lui répondit en lui décrivant son ancienne vie, assez différente de celle qu'on pouvait connaitre dans une cité ouvrière. Nora haussa les épaules, sans trop savoir quoi répondre. Elle voyait parfaitement ce que Cassandre voulait dire, ça devait être dur de chuter depuis le plus haut de l'échelle sociale, mais elle avait du mal à la comprendre. La Gryffondor venait de le dire elle-même, elle avait passé son enfance dans des réceptions ennuyeuses, et sans doute avec peu d'amis. Nora n'avait fréquenté la Cité Nimbus que quelques après-midi mais pouvait dire que c'était un endroit plein de vie, il semblait y avoir tout un groupe de jeunes de leur âge qui s'entendaient bien et se retrouvaient régulièrement. Alors certes la maison de Cassandre était sans doute moins grande, et elle ne pourrait peut-être plus sortir de jolies robes dans des bals somptueux, mais la compagnie était sans doute plus agréable.

Nora aurait adoré vivre dans un endroit aussi chaleureux que la cité Nimbus. Sa maison était perdue au milieu de nul part, elle pouvait sortir dans son jardin et tourner sur elle-même sans apercevoir une seule autre construction humaine. Juste du vert, encore du vert, toujours du vert. Amely et elle s'étaient souvent plaint de cet isolement, ce à quoi ses parents répondaient toujours qu'avec la magie, rien n'était vraiment loin. Évidement, pour des employés au service des transports magiques c'était facile à dire, mais quand on n'avait pas son permis de transplanage, on se sentait rapidement seul au milieu de la campagne anglaise. Elle ne comprenait donc que partiellement Cassandre quand celle-ci lui faisait comprendre qu'elle ne se plaisait pas dans son nouveau quartier. Néanmoins, la Gryffondor nuança ses propos en disant qu'elle avait croisé Irving et qu'ils avaient trouvé un terrain d'entente, ce qui était agréable. La simple mention du nom de son meilleur ami fit doucement sourire Nora qui hocha la tête quand Cassandra assura que c'était un garçon sympa. C'était tellement plus qu'un garçon sympa, il était gentil, il était drôle, il était courageux...

"Il est génial"

Oui, c'était un garçon génial, qui devait vivre en ce moment même des heures très difficiles. Trop difficiles. Le visage de Nora s'assombrit à cette pensée. Elle détestait le savoir malheureux, elle ne le supportait pas. Cassandre lui redonna un peu le sourire quand elle pointa un index accusateur dans sa direction en lui demandant de ne surtout rien répéterà Irving, affirmant qu'elle avait une réputation à conserver.

"Je ne dirai rien, promis, même si je suis sûre que ça lui ferait plaisir de l'entendre" répondit-elle avec un maigre sourire qui disparut bien trop vite.

Elle n'arrivait pas à sourire réellement, trop préoccupée. Et elle savait qu'elle aurait beau essayer de se changer les idées en discutant, en travaillant, en s'entrainant, elle serait incapable de penser à autre chose qu'à Irving et à sa famille tant qu'elle n'aurait pas eu de ses nouvelles. L'idée de s'échapper de Poudlard le temps d'un rapide aller-retour à Ste-Mangouste lui effleura l'esprit -juste le temps de serrer son meilleur ami dans ses bras- mais elle la chassa rapidement. Non seulement elle n'avait aucune idée de comment quitter l'école, même si elle était persuadée que le passage sous-terrain qu'ils avaient découvert dans la forêt interdite menait à l'extérieur, et puis parce que le Gryffondor voulait sans doute passer ce moment simplement avec sa famille. Elle était condamnée à attendre, sans rien faire.

Ce n'était pas l'avis de Cassandre puisque celle-ci lui suggéra d'envoyer une lettre à Irving. Nora se tourna vers sa camarade, stupéfaite de ne pas y avoir pensé avant. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Peut-être parce qu'on ne pouvait pas presser la main de quelqu'un avec des mots, on ne pouvait pas le serrer contre soit dans une lettre, on ne pouvait pas être là. Elle ne savait pas ce qu'elle pourrait écrire, elle se sentait incapable de formuler ce qu'elle ressentait, ce qu'elle voulait lui dire, mais elle trouverait les mots. C'était son seul moyen de lui apporter un peu de soutient, alors elle trouverait. Cassandra affirma que le hiboux arriverait peut-être le lendemain matin et Nora hissa son sac sur son épaule, décidée à ne pas perdre une minute de plus.

"On a intérêt à se dépêcher, il doit être l'heure du couvre-feu, lança-t-elle en faisant quelques pas pour rejoindre les escaliers. Et à espérer que Silvester est plus clément que la grosse dame, ajouta-t-elle plus bas. Elle fit un pas supplémentaire avant de s'arrêter en réalisant que Cassandre n'avait jamais manifesté sa volonté de l'accompagner. Enfin, seulement si tu veux venir...T'es pas obligée."

Cassandre avait déjà fait beaucoup pour elle, Nora serait probablement toujours en train de faire les cent-pas devant le portrait de la grosse dame ou de sangloter au milieu de ses affaires éparpillées si elle n'avait pas été là. Elle lui adressa un maigre sourire avant d'essuyer les dernières traces de larmes sur ses joues avec la manche de son gilet.

La dernière fois que Cassandre avait enfreint le couvre-feu, c'était l'année dernière quand elle s'était invitée au duel entre Darren, Baker et l'autre Serdaigle, là, son copain. Nora servait d'arbitre. Ils s'étaient fait prendre, évidemment, avec le bruit. Et cette fois-ci, elle s'apprêtait encore à le faire en compagnie de Nora Weaver, une nouvelle fois. Jolie coïncidence, tout de même. Car évidemment, elle avait l'intention de venir et d'envoyer ce hibou à Irving, c'était même pour cela qu'elle l'avait proposé. Elle ne savait pas encore ce qu'elle écrirait ni même pourquoi elle le faisait, mais elle savait qu'elle devait le faire, c'était tout. Alors elle adressa un sourire à Nora, un vrai et releva le menton en signe de défi.

- Je suis une Gryffondor, moi, Miss Weaver, je suis formatée pour enfreindre le règlement de cette école !

Un cri outré retentit derrière elle et Cassandre se retourna pour faire face au portrait de la Grosse Dame, dont l'occupante ne validait visiblement pas ses propos. Sans se démonter, Cassie croisa les bras sur sa poitrine et haussa un sourcil.

- Un commentaire peut-être ?
- Je refuse que vous salissiez la réputation de cette maison ainsi, jeune fille !
- Quelle réputation ?

Il n'y avait aucune mauvaise foi là-dedans : les Gryffondor n'avait plus une réputation sérieuse depuis... En fait, elle n'en n'avait jamais eu. Il n'était pas rare de voir des Gryffondor sortir ou rentrer dans la Salle Commune après le couvre-feu, sans que personne ne réagisse vraiment, tellement c'était habituel. Ils étaient souvent impliqués dans les bagarres et les conflits, sûrement le coté chevaleresque de certains qui s'entêtaient à vouloir sauver la veuve et l'orphelin ou du moins les faibles et les opprimés. Ce n'était pas vraiment son genre, ça. Même si elle venait de se montrer gentille avec Nora, elle n'en ferait sûrement pas une habitude. C'était une exception dans des circonstances exceptionnelles, voilà tout. Sans écouter les protestations de la Grosse Dame qui espérait avec ferveur qu'elles se feraient prendre, Cassandre tourna les talons et dévala les escaliers, suivie par Nora.

- La dernière fois que j'ai enfreint le règlement, au duel, tu étais présente aussi. Quelle mauvaise influence tu as sur les élèves plus jeunes ! chuchota-t-elle tandis qu'elles arrivaient au sixième étage.

Les dangers étaient multiples : les préfets en patrouille, les professeurs, Peeves et le concierge. La volière était à l'autre bout du château et elle risquait de se faire prendre à n'importe quel moment, surtout que certains portraits étaient assez bavards quand il voyait passer des professeurs. Mais malgré les risques et malgré la situation particulière, c'était une expédition qui garantissait quelques montées d'adrénalines. Et ça, ça la réjouissait d'avance. Et c'était dans ces moments-là que son coté Gryffondor téméraire avait la méchante idée de ressortir. De toute manière, elle n'avait pas grand-chose à perdre, à part des points. Et ce n'était pas ce qui comptait le plus à ses yeux. Surtout que s'ils tombaient sur une prof telle que Mason, il suffirait de dire ce qu'elles allaient faire pour ne pas être sanctionné. Elle avait moins de foi pour les autres professeurs. Le château de nuit était éclairé uniquement par quelques torches et faisait un peu froid dans le dos. Mais se promener dans les couloirs vides en guettant le moindre bruit de pas lui donnait des frissons. Elle entraina Nora jusqu'à un passage secret camouflé derrière une tapisserie qui leur permit d'atteindre le quatrième étage sans heurts. C'est à partir du deuxième qu'elles pourraient accéder à la volière.

- Vous êtes amis depuis longtemps, avec Irving ? interrogea-t-elle pour meubler le silence qui s'était installé.

Après tout, ils avaient l'air proches ce qui supposait plusieurs années d'amitié. Elle s'était toujours demandé ce que cela pouvait faire, d'avoir des amis ainsi, de qui tu étais tellement proche. De quoi les gens pouvaient bien parler, après des années à être amis ? Elle ne connaîtrait sûrement jamais ça mais avait toujours trouvé intéressant d'observer le fonctionnement des autres et des relations sociales, à défaut d'en faire parti. Elle avait gagné de ce petit manège un bon sens de l'observation, qui servait par exemple à se rendre compte des comportement carrément louches d'Ulrich Keller, par exemple. Ils étaient sortis de la Tour d'Astronomie depuis seulement deux jours, mais elle avait commencé à le surveiller discrètement, sans qu'il ne se rende compte de rien. Et, à première vu, il n'y avait rien de suspect. Il était toujours le parfait préfet-en-chef, aimable et serviable. Mais ce qui s'était passé en haut l'avait trop marquée pour qu'elle se laisse endormir par ce parfait petit manège. Tout le monde pouvait mentir et jouer un rôle, c'était facile. Et leur préfet-en-chef n'était clairement pas...

Elle attira brusquement Nora dans un recoin de couloir en la tirant par le pull. Des gens venaient vers eux. Cassie aurait aimé sortir sa baguette de son sac mais cela aurait fait trop de bruit. Elle se contenta de se coller au mur, en priant Morgane ou Godric - l'icône des élèves désobéissants - pour qu'elles ne se fassent pas prendre. C'était deux personnes, au vu des pas et des filles, encore jeunes. Des préfètes donc.

- Je ne vois pas pourquoi tu réagis comme ça, Perséphone. C'est un garçon super-gentil et super-mignon !

Perséphone. Il n'y avait qu'une seule fille qui s’appelait comme ça à Poudlard - en même temps, avec un nom pareil ! - et c'était la préfète de cinquième année de Serdaigle. Et elle était intransigeante sur le règlement, tout le monde le savait à l'école.

- Je sais, Jane, je sais. Sauf que...
- Ton prince charmant épistolaire, je sais, Wendy m'a raconté !
- Elle n'avait pas le droit ! protesta Perséphone, visiblement agacée.
- On n'arrive pas à garder un secret entre nous, répliqua Jane, un peu fataliste. Un truc de jumeaux, je suppose.

Jane et des jumeaux ? Jane Mason, préfète de Poufsouffle, qui existait en trois exemplaires. Fantastique ! Deux accros au règlement qui feraient tout pour se faire bien voir des professeurs ! Elles étaient bien tombées, dis-donc ! Le seul avantage, c'est que Jane Mason était sûrement une camarade de Nora. Cela pourrait être l'occasion de voir si les Poufsouffle étaient vraiment sympas ou si ce n'était qu'une rumeur.

- Quoi qu'il en soit, reprit Perséphone, je tiens trop à Justin pour envisager autre chose. C'est quelque chose de... vrai, tu vois ?
- Pas vraiment, non. Mais après tout, tout est possible ! Tu sais, j'ai une amie qui est amoureuse de son meilleur ami. Le meilleur ami en question est amoureux d'elle aussi, ça crève les yeux. Ils sont faits l'un pour l'autre ! Et rien ne se passe.
- Oh, tu parles de No...

Le bruit d'un coup retentit, sûrement un coup de coude.

- Chut, ne dis rien ! Je sais que t'as deviné mais si tu le dis, je vais me sentir coupable, c'est un secret ! Et je ne révèle pas les secrets de mes amies. Enfin, quoi qu'il en soit, je préfère que tu sois trop amoureuse de ton Justin pour t'intéresser à Mark. Parce que moi, je l'aime bien. Surtout quand il vient me parler parce qu'il croit que je suis Wendy. Un peu vexant au début, mais il reste toujours même que je lui avoue que c'est moi !

Les deux filles passèrent à coté d'elle sans les voir et s'éloignèrent sans cesser de discuter. Cassandre s'autorisa un soupir de soulagement et adressa un petit sourire à Nora.

- Remercions Merlin, Harrington et Mason sont bavardes ! Allez, viens, on est plus très loin de la volière.

Elles reprirent leur marche, les paroles de Mason tournant dans la tête de Cassandre. Elle était dans le dortoir de Nora et elles étaient amies, elle les avait déjà vu toutes les deux, avec la petite sœur de Théo, Artémis. Et Nora était la meilleure amie d'Irving. Et Cassandre avait essayé de provoquer ce dernier en décembre avec l'argument de Nora. Et cela avait plutôt bien marché. Et Harrington avait parlé d'une "No". Sans pouvoir réprimer un sourire, Cassandre jeta un coup d’œil à sa camarade.

- Et vous êtes proches, avec Irving ? interrogea-t-elle innocemment.

Nora eut du mal à ne pas rire quand Cassandre souligna le fait qu'en tant que Gryffondor, elle était faite pour enfreindre le règlement, ce qui sembla choquer la grosse dame. La Poufsouffle se tourna vers le portrait à qui elle adressa un haussement d'épaule fataliste, la réputation des rouges et or n'était plus à faire. D'ailleurs elle n'avait jamais tant enfreint le règlement que depuis qu'elle était amie avec Irving, qu'il s'agisse d'inonder les cachots, de se promener dans la forêt interdite ou de s'organiser une soirée mousse privée. Un léger sourire se dessina sur son visage alors qu'elle repensait à tous ses souvenirs, et elle suivit Cassandre dans les escaliers qui menaient au sixième étage. Dire qu'avant l'année dernière elle n'avait jamais enfreint le règlement, en même temps avec une sœur préfète-en-chef il ne valait mieux pas. Elle se promit de faire remarquer à Irving qu'il avait une mauvaise influence sur elle, persuadée que ça le ferait sourire d'entendre ça.

Elle se tourna vers Cassandre avec un regard surpris quand celle-ci affirma que c'était Nora qui avait une mauvaise influence sur elle, lui rappelant l'épisode du duel que la Poufsouffle avait arbitré l'an passé. C'était en effet la deuxième fois qu'elles se retrouvaient toutes les deux dans les couloirs après le couvre-feu, belle coïncidence, mais Nora était persuadée que la Gryffondor n'avait pas besoin d'elle pour enfreindre le règlement.

"Tu ne m'as pas attendu pour profiter de la soirée mousse l'an dernier," répondit-elle avec sourire.

Personne n'avait oublié l'aplomb dont Cassandre avait fait preuve en s'imposant à cette soirée qui n'acceptait que des élèves plus âgés. Nora espérait que sa camarade saurait fait preuve d'autant de force de conviction si elles venaient à croiser un professeur, bien qu'elle ne doute pas un instant de la répartie de la Gryffondor. De toute façon elle se fichait bien d'être sanctionné pour son infraction au règlement. On pouvait lui retirer autant de points et lui mettre autant de retenues que possible du moment qu'on la laissait envoyer sa lettre. Cela lui semblait tellement plus important, ce n'était même pas comparable. Beaucoup de choses qui auraient pu lui paraitre capitales à une autre époque, comme la coupe des quatre maison, ou celle de Quidditch, ou même ses notes, lui semblaient complètement dérisoires en ce moment. Une mauvaise note ne représentait rien du tout, ce n'était pas grave de perdre le championnat, elle se fichait de tout ça. Ce qui comptait c'était de soutenir Irving, d'être là pour lui, et rien d'autre, et personne ne l'en empêcherait, pas même le professeur Harris.

Elle sursauta quand Cassandre la tira par le bras pour l'entrainer dans un passage secret. Elle n'était jamais passée par ici, à vrai dire elle ne connaissait pas un seul passage secret, ça devait être un truc de Gryffondor. Elles débouchèrent dans ce qui ressemblait au quatrième étage et Nora se promit de retenir ce passage, qui pouvait s'avérer un raccourcis pratique. Elle jeta un coup d’œil à droite et à gauche pour vérifier que le couloir était désert, puis reprit son chemin en compagnie de Cassandre, qui lui demanda soudainement si elle était amie avec Irving depuis longtemps.

"Hum, un peu plus d'un an, répondit-elle. Un an, deux mois et cinq jours, précisément, en fait. Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait retenu la date de sa première véritable rencontre avec Irving, mais se souvenait parfaitement qu'il s'agissait d'un 21 Décembre, et qu'il faisait sacrément froid. J'ai l'impression que ça fait beaucoup plus longtemps..."ajouta-t-elle à voix haute sans s'en rendre compte.

Elle avait parfois le sentiment qu'elle et Irving étaient amis depuis toujours. Pourtant ils ne s'étaient rencontré que l'an dernier. Elle ne s'expliquait pas le fait qu'ils se soit liés si vite, mais c'était comme ça, peut-être qu'ils étaient destinés à être amis. Elle s'était immédiatement attachée, elle s'était tout de suite sentie à l'aise, c'était comme si ils n'avaient pas eu besoin d'apprendre à se connaitre pour s'entendre. Elle l'avait apprécié dès le début, et elle n'avait fait que de l'aimer un peu plus au fur et à mesure qu'elle le découvrait. Elle se plaisait à croire qu'elle le connaissait vraiment bien aujourd'hui, et que c'était réciproque, et elle aimait tout ce qu'elle savait de lui, ses qualités comme ses défauts. Cassandre l'arracha à ses pensées un peu niaises en la tirant par le pull. Nora remarqua alors les bruits de pas qui se rapprochaient. Elle échangea un regard inquiet avec Cassandre et se colla contre le mur à son tour en priant pour tomber sur un préfet ou un professeur sympa, du genre Mason, qui serait sans doute clémente avec elles.

La Poufsouffle se détendit en reconnaissant la voix de Jane. Sa camarade de dortoir lui ferait sans doute une leçon de moral, et Nora en entendrait parler pendant des mois, mais Jane les laisserait sans doute se rendre jusqu'à la volière sans les dénoncer, du moins elle l’espérait. Elle adressa un sourire qui se voulait rassurant à Cassandre. Sourire qui se figea quand elle réalisa que Jane ne pouvait pas parler toute seule et que son interlocutrice n'était autre que Perspéhone Harrigton. cette fois elles étaient fichues, elles n'avaient plus qu'à prier les quatre fondateurs pour que les deux préfètes continuent leur chemin sans les remarquer. Nora tendit l'oreille pour essayer d'entendre la conversation de ses deux camarades et fronça les sourcils en entendant Jane parler d'une de ses amies qui serait amoureuse de son meilleur ami. Elle espérait qu'elle ne parlait pas d'elle ! Elle n'était pas amoureuse d'Irving ! Enfin...Peut-être un peu, mais quoiqu'il en soit Jane n'était pas censée le savoir et encore moins en parler à Perséphone. De toute façon il ne se passerait jamais rien, contrairement à ce que semblait penser Jane et Artémis. La jeune fille fut soulagée d'entre sa camarade dire que c'était "un secret" et qu'elle ne devait pas en parler. Oui, en effet c'était un secret, et elle n'aurait même pas dû être au courant. Néanmoins, Nora ne pouvait pas vraiment en vouloir à sa camarade, consciente que si c'était elle qui avait craqué pour une garçon, elle et Artémis l'auraient sans doute charrier un peu.

La jeune fille retint sa respiration quand les préfètes passèrent juste devant elles, mais les deux bavardes s'éloignèrent et elle se permit un soupir de soulagement, faisant écho à Cassandre. Sans plus attendre, les deux camarades se remirent en route, elles n'étaient plus très loin de la volière. Nora espérait que le peu de chemin qu'il leur restait à faire se passerait sans mauvaises rencontres.

- Et vous êtes proches, avec Irving ?

Nora se sentit rosir et espéra qu'il faisait suffisamment sombre pour que cela ne se remarque pas. Est-ce que Cassandre avait fait un parallèle entre elle et Irving et les meilleurs amis dont Jane parlait ? Probablement. Pour une fois, cela l'aurait bien arrangé que le Gryffondor n'est pas de cerveau, comme le voulait leur réputation. Elle choisit de faire comme si elle même ne s'était pas sentie concernée par les paroles de Jane, utilisant ses talents de menteuses inexistants.

"Bien sûr que oui, commença-t-elle alors que ses joues s'embrasaient littéralement. C'est mon meilleur ami, on est forcément proches...Tu as un hibou, toi ?" demanda-t-elle finalement dans une tentative désespérée de changer de sujet de conversation.

Après avoir gravit un dernier escalier, les deux jeunes filles arrivèrent à la volière, bien trop vite au goût de Nora. Elle s'était dit qu'elle réfléchirait à ce qu'elle écrirait pendant le trajet, mais elle n'avait toujours pas la moindre idée de ce qu'elle pourrait dire dans sa lettre. Elle aurait voulu trouver les mots justes, ceux qui sauraient réconforter le Gryffondor, mais elle commençait à croire qu'il n'y en avait pas. Elle s'agenouilla pour sortir un parchemin, une plume et un encrier de son sac et prit appui sur le mur en face d'elle. Elle fixa la pierre grise d'un regard vide, sa plume suspendue à quelques centimètres du papier. Elle s'en voulait de ne pas savoir, elle devrait savoir, une bonne amie aurait su, aurait trouvé les mots, et elle restait là bêtement...Elle sentit des larmes, de rage cette fois, lui monter aux yeux mais se força à les retenir. Pourquoi elle n'y arrivait pas ? Ce n'était pas si difficile que ça ! Qu'aurait-elle dit si elle s'était trouvé face à Irving ? Elle l'aurait prit dans ses bras, lui aurait dit qu'elle était là pour lui, et l'aurait écouté. Oui, c'était probablement ce qu'elle aurait fait, mais cette fois elle allait devoir faire autrement. Elle inspira lentement, avant de finalement poser sa plume sur le papier.

Elle coucha quelques mots sur le parchemin avant d'arriver à la fin où elle fut prise d'une nouvelle hésitation. Elle signait d'ordinaire ses lettres d'un simple "Bisous !" mais cela lui paraissait presque déplacé, étant donné le ton de la missive. Je t'embrasse ? Non. Je pense à toi ? Déjà dit. Je...? Non. Elle se mordit la lèvre avant de finalement terminer par "Je suis avec toi, courage". C'était faux, elle n'était pas avec lui puisqu'elle était coincée à Poudlard et il n'avait pas besoin d'elle pour être courageux, il l'était déjà bien assez. Après un haussement d'épaule, elle ajouta finalement sa signature habituelle, autant apporter un peu de légèreté à tout ça. Elle tendit finalement la lettre à Cassandre. Elle était loin d'en être satisfaite, elle n'avait fait que se répéter et ne parvenait pas à mettre de mots sur ce qu'elle ressentait, mais elle n'obtiendrait pas mieux ce soir.

"Tu veux ajouter quelque chose ?" lui proposa-t-elle.

Cassandre ne put s'empêcher d'éclater de rire devant la désastreuse tentative de Nora pour changer de sujet. Elle avait "Je suis amoureuse de mon meilleur ami" d'écrit sur le front et sur ses joues rouges de gêne. Et vu comment Irving avait réagi pendant les vacances de Noël quand elle l'avait provoqué sur Nora, il craquait également pour elle. Tout était bien dans le meilleur des mondes alors. Ils n'avaient qu'à sortir ensemble. Enfin, ça, c'était de la théorie. Elle avait beau passer pas mal de temps à observer et à analyser les gens qui l'entouraient afin de comprendre les interactions sociales - un passe temps comme un autre quand on n’interagissait pas socialement soi-même - elle avait l'impression que les relations amoureuses étaient les plus compliquées. Les filles de son dortoir en parlaient souvent d'ailleurs, le soir, gloussant à l'évocation de certains noms de garçons. Cassie faisait mine de travailler ou de lire, dissimulée derrière son baldaquin. Mais elle laissait toujours entrouvert un peu de son rideau, pour suivre ce qu'elles disaient. Si on prenait l'exemple de Lisa, la plus fleur bleue de toutes les filles de Gryffondor, au bas mot. Elle craquait sur un garçon - qui changeait tous les trois mois - mais n'osait pas aller lui parler parce qu'elle avait peur de se faire rejeter ou qu'il se moque d'elle. Et après ça finissait à Gryffondor ! Mais passons. Cassandre trouvait ce raisonnement assez idiot car il la condamnait à le fixer de longues heures en classe, jusqu'à se faire reprendre par le professeur Harris qui lançait acidement que Lisa allait "se décrocher les yeux à force de fixer Monsieur Lloyd". Quelle idée de craquer sur Victor Lloyd aussi. Ce garçon avait la boîte crânienne remplie de fourrage. Quoi qu'il en soit, les relations amoureuses semblaient plus compliquées qu'elles ne laissaient paraître quand on voyait des gens batifoler dans les couloirs. Elle-même n'était jamais tombée amoureuse ou n'avait jamais eu le béguin pour qui que ce soit. Tant mieux. Elle était déjà assez irascible naturellement, elle n'imaginait pas l'état dans lequel elle serait si on lui brisait le cœur. Pauvre garçon.

- Je crois que c'est la pire tentative de changement de sujet que j'ai jamais vu de ma vie. Mais comme je suis d'humeur charitable - et assez bien élevée - je vais faire comme si je n'avais rien vu. Et non, je n'ai pas de hibou ! J'ai un chat. Qui s'appelle presque comme ma chère petite cousine d'ailleurs. Mais passons.

D'un autre coté, elle avait hâte de voir cette chère Cordélia Harper débarquer à Poudlard l'année prochaine. Elle était prête à parier sur le nombre de personnes qui se feraient avoir avec ses airs de petits anges. Oh, elle n'était pas méchante. Seulement terriblement agaçante avec sa volonté de se plier en quatre pour se faire aimer de tout le monde. On ne pouvait pas se faire aimer de tout le monde, c'était un fait. Et elle ne disait pas ça parce que rares étaient les personnes à l'apprécier. Mais il était vrai que Cordélia avait un fort potentiel pour devenir une de ces petites gourdes populaires appréciée de tous les gens populaires et qui ne jette qu'un regard condescendant à tous les autres. Les joies de la famille. Avec un peu de chance, elle aura quitté Poudlard avant de voir ce carnage. Elle ne pourrait s'empêcher d'aller les provoquer, une vieille habitude. Elles arrivèrent à la volière après un nouvel escalier et Cassandre marmonna un Lumos pour éclairer les lieux. Il n'y avait pas de torches ici, question de sécurité pour les hiboux et aussi parce que c'était dangereux avec toute cette paille. Un incendie serait vraiment problématique. L'école venait d'être reconstruire il n'y pas si longtemps de cela quand on y pensait, la guerre n'avait même pas dix ans. Tandis que Nora rédigeait une missive, visiblement avec difficulté, Cassandre s'accouda sur le rebord pour regarder le parc, uniquement éclairé par les rayons de lune. Il n'y avait personne. Dommage, voir quelqu'un enfreindre le règlement était toujours sympa à regarder. Et cela pouvait être un objet de chantage. Elle secoua légèrement la tête quand cette pensée lui traversa l'esprit. Elle était vraiment irrécupérable tout de même. Elle libérait Darren de son chantage et voilà qu'elle pensait déjà à un autre. Elle aurait fait une bonne Serpentard, tout de même. Peut-être qu'elle se serait plus épanouie dans cette maison là, entourée de gens qui fonctionnent un peu comme même. Parce que c'est sûr qu'elle faisait un peu tâche au milieu des jolies valeurs des Gryffondor. Même si elle devait avoir un peu trop de culot pour Serpentard. Ou ne pas être assez rusée. Mais elle préférait de loin la première solution. Elle resserra lègèrement sa robe autour de ses épaules, frissonnant avec le vent. Pour une fois, la chaleur bondée de la Salle Commune ne serait pas de refus. Elle avait entendu dire que la Salle Commune des Serpentard était bien plus grande que celle des Gryffondor, qui était à chaque fois remplie à ras-bords. Ils avaient de la chance tout de même.

- Oui, je veux bien, répondit-elle en sortant de ses pensées quand Nora lui demanda si elle voulait ajouter quelque chose.

Elle se retint de lire ce que sa camarade avait écrit, par respect pour elle, mais se demandait fortement ce qu'elle pourrait bien écrire. Après tout, elle était loin d'être une amie proche d'Irving et n'avait pas vraiment l'habitude de ce genre de situations. Et les phrases ampoulées, c'était loin d'être son truc, même si elle en connaissait plein. Soupirant, elle plaça la plume au dessus du parchemin, une goutte s'en allant s'écraser sur la feuille. Qu'est-ce qu'elle dirait à Irving, si elle était face à lui ? Elle ne le savait même pas vraiment. Mais elle pouvait toujours essayer de le retranscrire. Une fois que ce fut fait, elle attacha la lettre à la patte du hibou que Nora avait choisi et le regarda s'envoler dans l'obscurité. Voilà, c'était fait. Il n'y avait plus qu'à attendre et à espérer que le hibou était rapide. Cassandre se tourna vers Nora, un sourire en coin aux lèvres.

- Il arrivera avant demain matin.affirma-t-elle pour la rassurer.

Elle s'apprêtait à lui proposer de descendre à la Salle Commune quand un bruit attira son attention et elle fronça immédiatement les sourcils, ses doigts se crispant sur sa baguette magique.

- C'est moi ou il y a quelqu'un qui monte, là ?

Peeves s'ennuyait. S'ennuyait carrément. Déjà, il n'avait plus de Bombabouses parce que ce vieux croûton de Harris lui avait confisqué tout son stock, sous prétexte que cela dérangeait le travail des élèves. Et il n'avait même pas pu se venger car ce vieux barbon avait ensorcelé sa salle pour qu'aucun esprit - y compris les esprits frappeurs - ne puisse y pénétrer. Il avait bien tenté de jouer une mauvaise blague à cette bonne poire de Mason, mais le Baron Sanglant l'avait rappelé à l'ordre. Et Peeves ne pouvait pas désobéir à Sa Seigneurie le Baron. Dans la mâtinée, il avait tenté de s'en prendre à la fille de Mason, cette insupportable petite préfète de Poufsouffle mais elle la baguette sacrément rapide, la gueuse. Le sort qui l'empêchait de pénétrer dans les cuisines était toujours actif, ainsi que celui des Salles Communes. C'était ennuyant, tout de même.

Il avait bien eut quelques distractions rapides, comme renverser un chaudron rempli de limaces sur ce crapaud de Bryan Thompson, qui devait sûrement être le plus peureux des Gryffondor ou bien faire trébucher Anton Smith sur un tapis qu'il avait tiré au dernier moment. Quand cette gourdasse de Rebecca Edelstein avait voulu l'aider, il l'avait fait tomber aussi. Mais c'était morne, sans fantaisie, ce genre de plaisanteries. Il avait ouvert en grand le placard qui contenait Jack Maxwell et sa copine Katy Scott, traumatisant au passage des deuxième année, assommé Horace Gullivern avec le heaume d'une armure, piqué les Feux Fuseboums de Mary Coldwater pour les faire exploser au milieu du cours de Botanique, carbonisant la moitié des plantes et éclatant les tympas des quatrième année de Poufsouffle et du Professeur Londubat, fait pleurer Leah Wilson en la traitant "d'erreur de la nature attardée", recouvert Tom Fields d'encre verte pomme, piquée à Kelly Murdoch, volé les posters torses nus de joueurs de Quidditch appartenant à Bethany Braxwell, et fait tomber Cindy Hamilton dans les escaliers, lui cassant le bras au passage. Mais cette dernière avait eut l'air plutôt contente de cette mésaventure quand un groupe de première année de Gryffondor qui sortait de potion avait accouru l'aider.

Oui, cela avait été une journée sans fantaisie. Même effrayer cette folle d'April Eastwood ne l'avait pas amusé. Il avait bien tenté de se distraire en recouvrant Isobel Montgomery de fond de teint, pendant qu'elle se remaquillait dans les toilettes du sixième étage, mais cette peste lui avait retourné un sortilège assez douloureux. Par vengeance, il lui avait renversé son gloss rose visqueux et collant dans les cheveux. Il avait piqué le journal intime d'Eva Jackson et en avait lu des passages au milieu du grand Hall, sous le regard mortifié de cette dernière, avait déclamé des poèmes graveleux à Gillian Davies, lâché un Strangulot - qui n'aimait pas du tout être hors de l'eau - sur Franklin Darrel, avait poussé une fille dans les bras de Josh Benett et pris une photo - avec un appareil piqué à une troisième année - pour la faire circuler dans toute l'école, déchiré les livres de ce benêt d'Henry Hallchuch, recouvert de morve le Quidditch Magasine de Gowan McGregor et Andrew Dubois, tiré les cheveux de Celia Hoover, craché sur Dave Marchebank et déchiré les vêtements de Will Mendler.

Bref, Peeves s'était ennuyé et déprimait presque. Il voletait sans but dans les couloirs de l'école et était monté dans la volière pour recouvrir tous les hiboux de peinture afin qu'ils ne puissent pas voler demain. Quelle ne fut pas sa surprise d'entendre des voix ! Tandis qu'un sourire mauvais naissait sur ses lèvres, il laissa échapper un ricanement et voleta vers la source des voix, ses pots de peinture rose fuchsia flottant à coté de lui. Cette petite prétentieuse de Cassandre Harper et cette poire de Nora Weaver se tenaient là, bien tranquillement. L'occasion de sauver un peu sa journée.

- Tiens, tiens ! Mais que vois-je ? Des élèves qui enfreignent le règlement... Je vais être obligé de prévenir les autorité compétentes, vous comprenez, c'est pour votre bien, les enfants !

Peeves rassembla alors toute sa puissance de voix pour lancer sa phrase préférée.

- ÉLÈVES EN DEHORS DES DORTOIRS ! ÉLÈVES QUI ENFREIGNENT LE RÈGLEMENT !

Avec un rire tonitruant, il fit s'élever les pots de peinture jusqu'au plafond avant de les renverser brusquement. Des litres de peinture rose fuchsias atterrirent alors sur les deux élèves qui se retrouvent alors trempées - et roses - des pieds à la tête. Les hiboux furent également touchés et poussèrent des cris stridents, s'envolant en paniquant, les ailes déjà bien engluées. Elles ne pourraient pas nier le crime, même si elles arrivaient à rejoindre leurs Salles Communes sans se faire attraper - avec le vacarme ambiant - elles étaient recouvertes de peinture. Et en plus, ça collait aux cheveux. Satisfait de lui-même, Peeves fit un geste vulgaire de la main aux deux filles avant de passer à travers un mur, peu désireux de rester là pour valider la vérité qu'elles pourraient raconter.

Finalement, ce n'était pas une si mauvaise journée.

Cassandre rédigea elle aussi quelques mots à l'intention d'Irving et Nora laissa son regard errer dans la volière. Elle s'approcha de la fenêtre et sourit en apercevant un peu de la forêt interdite. Elle se demandait si beaucoup d'élèves s'y étaient aventurés. Quelques Gryffondors sans doute. Elle-même n'y aurait sans doute jamais mis les pieds sans Irving. Il y a beaucoup de chose qu'elle n'aurait jamais fait sans Irving, elle était une élève bien plus sage avant de le rencontrer, et elle avait une vie bien plus ennuyeuse. Il était tellement insouciant, toujours à rire ou à plaisanter qu'elle ne pouvait pas l'imaginer sans son éternelle joie de vivre. Elle aurait tellement voulu qu'il n'ait aucune raison de perdre le sourire, mais tout ce qu'elle pouvait faire c'était essayer de le lui faire retrouver quand ils passaient un moment ensemble.

Elle sentit un mouvement dans son dos et se retourna pour voir Cassandre accrocher la lettre à la patte du hiboux que Nora avait choisi un instant plus tôt. Nora répondit au sourire de la Gryffondor, qui lui assura que le hiboux arriverait avant le lendemain matin. Elle espérait qu'elle avait raison, pour apporter à Irving un peu de réconfort le plus vite possible, il en aurait sans doute besoin.

"Merci de m'avoir accompagné, lança-t-elle à sa camarade avec un sourire. C'est gentil."

C'était fou comme les gens se trompaient sur Cassandre Harper. On entendait dire des choses pas très sympa sur elle. Qu'elle était une peste, qu'elle ne pensait qu'à elle, qu'elle était méprisante. C'était faux. Bon, elle était peut-être un peu méprisante parfois, elle l'avait quand même traiter de "gamine" pas plus tard que l'année dernière, et elle avait un sacré caractère, mais c'était vraiment quelqu'un de gentil. Elle l'avait aidé, réconforté, et avait enfreint le règlement pour elle alors qu'elle n'avait rien à y gagner, peu de gens l'auraient fait. Les gens jugeaient vraiment les autres trop vite, ils s'arrêtaient à ce qu'ils voyaient sans chercher à creuser davantage. C'était le cas avec Cassandre Harper, mais aussi avec Darren O'Connor et sans doute avec beaucoup d'autres. C'était dommage, mais Nora elle-même avait parfois tendance à choisir la facilité. Elle avait mis du temps avant de réaliser que l'arrogance et l’agressivité de Darren n'était qu'une façade pour cacher ses faiblesses, et elle en avait mis aussi pour comprendre que Cassandre était vraiment quelqu'un de bien. Et elle regrettait de s'être arrêtée si longtemps aux apparences.

Cassandre lança alors soudainement que quelqu'un était en train de monter et Nora tendit l'oreille pour en effet distinguer un bruit étrange. Quelque chose semblait bien venir dans leur direction, mais cela ne ressemblait pas à des bruits de pas. La jeune fille s'accroupit près de son sac à la recherche de sa baguette. Elle n'eut jamais le temps de la trouver car la voix désagréable de Peeves résonna à ses oreilles. Elle se releva et grimaça en reconnaissant l'esprit frappeur qui assura devoir les dénoncer, pour leur bien. Elle ne remarqua même pas les pots de peinture qui flottaient dangereusement aux cotés de Peeves, trop occupée à chercher un moyen de convaincre l'esprit frappeur de les laisser tranquilles.

"Peeves s'il-te-plait pas aujourd'hui, on..."

L'esprit frappeur ne la laissa même pas finir sa phrase avant de se mettre à hurler sa rengaine favorite, à savoir qu'il y avait des élèves en dehors de leur dortoir. Nora échangea un regard paniqué avec Cassandre. Merlin, elles allaient avoir des ennuis, à moins de courir vraiment vite, ce qui la concernant n'était pas vraiment le cas. Elles étaient relativement loin de la salle commune de Gryffondor, et encore plus de celle de Poufsouffle. Elles n'avaient aucune chance de s'en sortir. Elle plaça ses mains de chaque coté de sa bouche et cria pour se faire entendre par dessus le rire tonitruant de Peeves.

"Dis moi que tu connais un autre passage secret pour...Aaaaah !"

Elle ne savait pas ce que c'était mais c'était froid, et liquide, et collant. Et elle en avait partout. Elle s'essuya les yeux plusieurs fois avant de les ouvrir prudemment pour découvrir qu'elles étaient couvertes de peinture fuchsia des pieds à la tête. On aurait dit qu'elle avait subi une attaque de Victor Lloyd. Les hiboux, qui avaient reçu de la peinture eux aussi, hululaient en volant dans tous les sens, certains n'arrivaient même pas à ouvrir leurs ailes et s'écrasaient lamentablement et la volière se retrouve tapissés de peinture rose et de plume en quelques secondes. C'était un véritable cauchemar. Tout ce vacarme allait forcément attirer un professeur ou un préfet, et elles risquaient d'avoir de gros ennuis. Complètement désemparée, Nora se retourna brusquement vers Cassandre, quelque mèches de ses cheveux lui arrivèrent en plein visage et elle les enleva tant bien que mal, les mains pleines de peinture. Le liquide commençait déjà à sécher et devenait de plus en plus collant. Et elel n'avait même pas sa baguette sur elle pour lancer un récurvite.

"Qu'est ce qu'on fait ? s'écria-t-elle en jetant un regard inquiet vers la porte de la volière, s'attendant à la voir s'ouvrir à tout instant. On a aucune chance d'arriver à nos salle communes, et de toute façon on pourra nous suivre à la trace." Elles laisseraient forcément des empreintes roses vif derrières-elles, pas vraiment discret.

Des bruits de pas résonnèrent alors dans l'escalier. Cette fois elles étaient finies, il n'y avait aucune autre issue, à moins de sauter par la fenêtre, et ça ne la tentait pas vraiment. Elle pria pour tomber sur quelqu'un de sympa, comme le professeur Mason. La soirée avait déjà été suffisamment éprouvante, il ne manquerait plus qu'elles se retrouvent face à Sorden, Harris ou Virtanen. Quoique, au point où elles en étaient cela ne pouvait pas être pire. Elle avait encore les yeux rouges d'avoir pleuré, elles avaient enfreint le règlement, étaient couvertes de peinture et se faisaient casser les tympans par des hiboux complètement paniqués. Alors que les bruits de pas se rapprochaient elle recula instinctivement de quelques pas, glissa sur la peinture et se retrouva sur les fesses. Si, ça pouvait être pire.

Évidemment. Il avait fallu que Peeves se ramène juste à ce moment-là. Une sortie nocturne sans péripéties ne valait rien, bien évidemment. Au moment où cet imbécile d'esprit frappeur lançait un ricanement moqueur, Cassandre dégaina sa baguette magique et la pointa sur lui. Pas de Stupéfix, pas de Pétrificus Totalus... Peut-être un Confundo ? Pouvait-on rendre confus l'esprit d'un esprit frappeur ? C'était une question plutôt légitime, d'ailleurs. Elle devrait penser à poser la question au Professeur Clearwater, au prochain cours. Mais avant qu'elle n'ait pu s'attarder sur cette question assez intéressante et qui lui servirait sûrement à l'avenir, Peeves se mit à hurler de toute la force de sa voix.

- Ferme là ! persifla-t-elle, furieuse.

Si elles se faisaient attraper, c'en était fini pour elles. Elles se feraient trainer dans le bureau de McGonagall et se prendraient le savon de leur vie. Surtout que cette dernière était plus que stricte concernant les infractions au couvre-feu. Tous les Gryffondor connaissaient la fameuse anecdote concernant la première année d'Harry Potter, qui avait fait perdre 150 points à sa maison avec deux de ses camarades parce qu'il traînait dans les couloirs la nuit. Même si elle n'accordait pas plus d'importance que cela à la Coupe des Quatre Maisons, Gryffondor était déjà suffisamment au plus bas pour éviter de lui faire perdre en plus cinquante points. C'était un truc à se faire étrangler dans son sommeil par des camarades de classe agressifs. En plus, Cassandre n'avait jamais vraiment eu - si on exceptait la petite sortie de l'année dernière que venait de lui rappeler Nora - de gros problèmes de discipline et espérait encore décrocher le poste de préfète l'année prochaine, pour faire plaisir à ses parents. Puis parce que cela faisait toujours bien. Surtout si c'était suivi du poste de préfète-en-chef, que détenait sa chère nouvelle cousine Swann Twilfit. Et étant donné qu'il n'y avait pas de Ulrich Keller dans son année, elle se méfiait du préfet-en-chef depuis ce qui s'était passé à la Tour d'Astronomie, en février, c'était un bon poste. Même si se faire prendre au milieu de la nuit n'était pas la meilleure façon de le briguer. Au moment où Nora se tournait vers elle pour lui demander si elle connaissait un passage secret pour sortir de là, un liquide froid et épais se déversa sur leurs têtes, arrachant un petit cri à Cassandre, qui sentit le liquide passer à travers son uniforme et couler le long de sa peau, poisseux et collant. Elle ne voulait pas savoir ce que c'était, songea-t-elle en gardant les yeux fermés. Peeves savait trouver des substances dégoûtantes pour recouvrir les élèves et elle ne voulait pas savoir sur quoi elle était tombée, surtout si c'était de la morve de quelque chose, comme il en avait l'habitude. Au bout de quelques longues secondes, elle se frotta néanmoins précautionneusement les yeux et les rouvrit, pour découvrir qu'elle était recouverte de peinture fuchsia de la tête aux pieds. Merlin. Elle ne pouvait décemment pas rentrer à la Salle Commune dans cet état, c'était faire une déclaration d'amour à Victor Lloyd, là. De plus, autour des filles, c'était le chaos. Les hiboux, englués et incapables de voler, était en train de piailler et de se cogner dans les murs. Malgré toute la compassion qu'elle ressentait pour les pauvres bêtes qui ne devaient pas comprendre ce qui leur arrivait, elle en aurait volontiers tué un ou deux pour qu'ils se taisent. Avec tout ce vacarme, elles allaient se faire prendre, c'était obligé. La peinture commençait déjà à sécher et Cassie retira quelques mèches déjà durcies de son visage, bougeant ses doigts autour de sa baguette magique pour éviter qu'ils n'y restent fixés. Le bois était entièrement et rose, ainsi que l'embouchure. Elle n'était pas sûre d'arriver à jeter un sort. Peut-être même qu'elle était fichue. Sa baguette. Fichue.

- Je vais tuer Peeves, gronda-t-elle. Il s'en sortira pas comme ça.

Mais avant de laisser libre cours à sa violence, il fallait sortir d'ici. le cœur de Cassandre manqua un battement en entendant des pas dans l'escalier. Si c'était un préfet, elle le stupéfixait. Enfin, si elle arrivait à jeter un sort. Et si c'était un professeur... Elles pouvaient se jeter par la fenêtre en prévision de leur punition. Parce qu'en plus du couvre-feu, on allait les accuser d'avoir recouvert la volière de peinture pour nuire aux hiboux. Comme si c'était leur passe-temps préféré. Et comme si, même si elles l'avaient fait, elles auraient eu la bêtise de se recouvrir de peinture elle-même. Elles n'était pas Victor Lloyd, tout de même ! Et comme si tout cela ne suffisait pas, elle vit Nora reculer et s'écraser sur le sol. Fantastique. Même plus la peine d'essayer de prendre la fuite, désormais. Elles étaient fichues. Soupirant, Cassandre tendit tout de même une main pleine de peinture à sa camarade pour l'aider à se relever.

- Ça va ?

Au moment où elle se remettait debout, une jeune fille débarqua sur le pallier, les yeux grands ouverts. Au moins, ce n'était pas un professeur, c'était déjà ça. Les préfets, c'était corruptibles, sauf les les plus acharnés, comme Harrington. Et peut-être que Mason aurait la gentillesse d'épargner sa chère amie Nora. Cette dernière regarda tour à tour les hiboux, Cassandre et Nora trempées de peintures, puis de nouveau les hiboux.

- Le spectacle est à ton goût, Mason ? lança Cassandre, acide.

Ce n'était peut-être pas la meilleure technique pour corrompre Jane, quand on y pensait bien.

- En effet, cela à toujours été mon rêve de te voir recouverte de peinture, Harper. On ne voit plus ta tête, c'est juste délicieux, répliqua Mason en levant les yeux au ciel. Ça va Nora ? ajouta-t-elle, plus doucement.

Et sans attendre la réponse, Jane sortit sa baguette magique pour lancer un Récurvite à Nora, qui se retrouva impeccable de la tête aux pieds. La préfète nettoya également quelques hiboux, ce qui eut le mérite de faire redescendre le niveau sonore de la pièce. Toujours recouverte de penture, glacée et sérieusement entravée dans ses mouvements par la peinture qui commençait à sécher, Cassandre fusilla sa condisciple du regard.

- Ce que j'ai toujours aimé dans la maison Poufsouffle, c'est qu'ils ne faisaient pas de favoritisme, lança-t-elle, narquoise.

Mason leva une nouvelle fois les yeux au ciel avant de lancer un sort à Cassie, qui retrouva de nouveau sa liberté. Elle avait toujours détesté l'art moderne et n'avait donc pas très envie de se transformer en statue humaine. Sa baguette était également intacte, du moins extérieurement. Désireuse de vérifier - et de se rassurer - Cassandre murmura un sortilège d'insonorisation. Les fourmillements dans ses doigts lui indiquèrent que cela avait fonctionné. Soulagée, elle laissa échapper un soupir.

- Alors ? s'enquit Jane Mason en croisant les bras. Je peux savoir ce que vous faîtes ici, à cette heure tardive ?
- Nous pouvons retourner la question, Mason, répondit Cassandre, faussement indifférente.

Cette fille lui tapait sur le système, c'était physique. Jane lui lança un regard noir, rougissant aussitôt et bafouillant.

- Je... Non... J'ai pas à m'expliquer ! répliqua-t-elle brusquement. C'est moi la préfète dans cette histoire. Et puis ferme là, Harper. Nora, qu'est-ce que tu fais ici ? Avec... elle.

Cassie ne releva même pas la pique. Tout ce qui l'intéressait, c'était l'hésitation de Mason à répondre. Un quart d'heure auparavant, elle était avec Harrington. Là, elle était seule et sûrement en train de faire un truc qu'elle voulait garder secret. Enfin, c'était mieux d'être tombée sur elle que sur une autre personne. Au moins, Mason aurait la gentillesse de ne pas s'en prendre à Nora. Pas contre, pour elle, rien n'était sûr.

Nora attrappa la main que Cassandre lui tendait pour se relever mais elles étaient toutes les deux couvertes de peinture et, alors qu'elle s'aidait de la jeune fille pour se remettre sur ses pieds, leurs doigts glissèrent sans parvenir à se raccrocher et elle retomba sur le sol. Elle étouffa un juron en réitérant sa tentative. Elle n'était pas connue pour avoir des pulsions meurtrières en général, au contraire, mais elle aurait volontiers étrangler Peeves. Elle parvint finalement à se remettre debout et remercia Cassandre d'un sourire, gênée par la peinture qui commençait à sécher sur ses joues et se craquelait à la moindre expression. Si elles ne trouvaient pas rapidement une solution pour se débarrasser de cette peinture, elles allaient devenir des statues humaines, rose fuchsia. Elle préférerait éviter. Mais sa baguette était dans son sac, lui aussi couvert de peinture. Elle se demanda un instant s'il y avait une chance que ses affaires n'aient pas été trop touchées, mais chassa cette inquiétude de son esprit, la priorité pour le moment était de convaincre la personne qui montait les escaliers qu'elles n'étaient responsables de rien. Elle se mit à espérer que ce n'était pas Harris, il ne laisserait sans doute pas passer une occasion de punir une Gryffondor, ou Dérébusor, qui se mettrait forcément à hurler, à vrai dire mieux valait que ce ne soit pas un professeur.

Heureusement, il ne s'agissait que de Jane Mason. Nora se permit un soupir de soulagement en reconnaissant sa camarade de dortoir, visiblement stupéfaite. Il fallait reconnaitre que le tableau devait avoir un petit coté surréaliste, toute la volière repeinte en fuchsia, deux élèves changées en statues toutes roses, et les hiboux qui semblaient devenir complètement fous. Mais Nora faisait confiance à Jane pour arranger les choses, elle était certaine que sa camarade comprendrait la situation et leur viendrait en aide. Après tout Jane les avait déjà surpris, elle et Artémis, à enfreindre le règlement et elle n'avait jamais rien dit. Elle leur avait fait la morale pendant des jours entiers quand elles avaient décidé de se rendre à la soirée mousse l'an dernier, mais elle ne les avait pas dénoncées. Nora savait qu'elle pouvait faire confiance à Jane, il suffisait de lui dire la vérité.

Nora tourna un regard plein d'incompréhension vers Cassandre quand celle-ci lança une pique à la Poufsouffle. Comment voulait-elle qu'elle leur vienne en aide et passe l'éponge sur leur infraction au règlement si elle s'en prenait à elle de la sorte ? Nora ne comprendrait jamais ceux qui pensaient obtenir quoi que ce soit des autres en se montrant agressif à leur égard. La meilleure façon de négocier avec quelqu'un était de se montrer conciliant dès le début. Et puis, Jane ne leur avait rien fait, il n'y avait aucune raison d'être en colère contre elle. Nora se tourna subitement vers sa camarade de dortoir quand celle-ci répondit à la remarque de Cassandre, hautaine. Pourquoi ces deux-là se détestaient-elles ? Elles n'avaient aucune raison de ne pas s'apprécier, elles ne se connaissaient peut-être même pas ! Comment pouvait-on décider de ne pas aimer quelqu'un sans avoir un minimum fait sa connaissance ?

Jane agita se baguette et Nora retrouva aussitôt sa liberté de mouvement. Ses cheveux étaient encore un peu roses, elle espérait que ça partirait rapidement, mais elle était sèche et à peu près propre. Elle adressa un sourire reconnaissant à sa camarade.

"Merci."

Elle se retint de lever les yeux au ciel en voyant que Jane n'avait pas rendu le même service à Cassandre, et elle l'invita à le faire d'un signe de tête, mais celle-ci était occupée à nettoyer quelques hiboux. Leur petite rivalité était ridicule. Avec une nouvelle remarque de son cru, Cassandre réussit à convaincre Jane de la débarrasser de la peinture elle aussi et Nora remercia à nouveau sa camarade d'un sourire. Celle-ci leur demanda ce qu'elles faisaient ici et avant que Nora ait pu répondre, Cassandre répliqua qu'elles pouvaient très bien lui retourner la question. Tiens, Nora n'y avait pas pensé mais il était vrai qu'il était étrange que Jane soit venue si vite. Ce n'était donc pas le bruit qui l'avait alerté, elle se rendait déjà à la volière. Si cela faisait partie de sa ronde, pourquoi n'était-elle pas restée avec Perséphone ? La curiosité de la jeune fille était piquée, mais contrairement à Cassandre elle n'avait aucunement l'intention d'embêter Jane là dessus, pour le moment.

"Je... Non... J'ai pas à m'expliquer ! répliqua-t-elle brusquement. C'est moi la préfète dans cette histoire. Et puis ferme là, Harper. Nora, qu'est-ce que tu fais ici ? Avec... elle. "

Nora fronça les sourcils en entendant Jane s'adresser à Cassandre de la sorte, elle lui aurait bien répondu que c'était à elle de la fermer puisqu'elle n'avait aucune raison de mépriser la Gryfffondor de la sorte, mais elle se retint. Ni l'un ni l'autre n'était très sympa avec l'autre, les torts étaient partagés. Elle ne pouvait compter que sur elle-même pour apaiser la situation.

"Je devais envoyer une lettre à Irving, commença-t-elle. C'était important, il est avec son père, ajouta-t-elle, plus grave. Et Cassandre m'a gentiment accompagné jusqu'à la volière."

Elle avait volontaire insisté sur le mot gentiment, parce que c'était ce que Cassandre avait été ce soir, gentille. Elle ne voulait pas savoir quelle animosité opposait la Gryffondor à Jane, et elle se fichait des raisons qui faisaient que ces deux là se détestaient. Aujourd'hui Cassandre avait été un véritable soutient pour elle, et si Jane était vraiment son amie, elle ferait un effort.

"Peeves est arrivé avec deux pots de peinture, j’imagine qu'il voulait repeindre la volière et...La suite est évidente. Elle ponctua sa phrase d'un sourire. On avait vraiment l'intention de rentrer directement, il fallait juste qu'on envoie cette lettre."

Nora était à peu prêt certaine de ne pas avoir grand chose à craindre de Jane mais elle voulait surtout la convaincre de se montrer clémente avec Cassandre, elle ne voulait surtout pas que la Gryffondor se retrouve punie par sa faute.

"C'est le bruit qui t'a alerté ? demanda-t-elle, faussement innocente. Tu as fais vite."

Ce devait être la première fois de sa vie qu'elle entendait les mots "gentiment" et "Cassandre" dans la même phrase. Quelle sensation étrange ! Après tout, Cassie s'était toujours trouvé beaucoup de qualités. En toute objectivité, évidemment. Elle savait qu'elle était une excellente sorcière, une bonne baguette, qu'elle avait un bon niveau en magie, elle se savait assez éloquente, avec un bon sens de la répartie, une bonne capacité d'adaptation et un bon sens de la réflexion. Et une haute-estime d'elle même. Oui, elle était prétentieuse et avait fini par s'en rendre compte, par voir comment les autres la voyaient. Mais elle était fière de ce qu'elle était et refusait de jouer les fausses modestes pour s'attirer les sympathies. Elle était prétentieuse, oui. Un défaut comme un autre. Mais cette prétention lui donnait une assurance dont elle était fière et dont elle se servait au quotidien. Et puis après tout, elle était Cassandre Harper. Et il y avait des choses qui ne changeraient jamais. Comme son égo. Enfin, si elle se reconnaissait des qualités, elle savait aussi que la gentillesse n'en faisait pas partie. Elle avait du mal à être gentille, elle devait se forcer. Ce n'était pas son mode de fonctionnement, elle était quelqu'un d'assez agressif à la base. Là, avec Nora... C'était un peu différent. Elle n'avait pas eu besoin d'être agressive, elle s'était juste comportée à peu près normalement, en faisant un peu attention à ne pas être trop acide. Et cela avait été... relativement facile. Elle n'avait pas dû faire de gros efforts. C'était... étrange. Et sûrement la première fois que cela lui arrivait. Peut-être parce que Nora avait été gentille dès le début. Peut-être parce qu'elle était sûrement tombée sur la personne la plus gentille de cette école, Nora Weaver, qui semblait être faite de sucre et de guimauve. Ce n'était pas péjoratif, comme pensée. Il est vrai que Weaver semblait incapable d'être méchante. Elles devaient être les deux personnes les plus opposées de cette école. Et ne s'étaient pas si mal entendues pourtant. Irving jubilerait de voir cela, elle en était sûre. Cassandre releva la tête à l'entente de la voix de Jane, qui avait rougi comme une tomate.

- Hum... J'étais revenue en arrière pour... Perséphone m'a dit que... Hum, bref. L'essentiel est que ce soit moi qui soit montée et pas Séphy, non ? Je l'aime bien mais niveau règlement... Enfin, je vais faire comme si je n'avais rien vu, d'accord. Pour vous deux. De toute manière, je pourrai jamais te dénoncer à un prof, tu le sais très bien, Nora, ajouta Jane avec un sourire.

Cassie s’efforça de ne pas voir le sous-entendu dans la phrase de Jane. Enfin, s'il y avait un sous-entendu. Les Poufsouffle étaient parfois, souvent, très candides et si ça se trouve, Mason disait cela sans arrières-pensées. Même si elle l'aurait sûrement trainé chez un professeur si elle l'avait trouvée seule dans la volière couverte de peinture à cette heure-ci. Enfin, si elle n'avait pas pas croisé Nora, elle serait déjà dans son dortoir à cette heure-ci, en train de boucler son devoir après un tour à la bibliothèque. Même si les secrets très mal dissimulés de Mason l'intriguaient, Cassandre fit le choix de ne pas insister. Pour le moment. Après tout, il serait dommage que la préfète change d'avis et aille la balancer à un professeur. Mais elle se promit de fouiner de ce coté-là, il devait y avoir des choses à gratter. Jane Mason, qui ne perdait jamais une occasion de faire la morale et qui faisait des choses en pleine nuit qu'elle ne voulait pas avouer ? Il y avait forcément quelque chose d'intéressant derrière.

- Harper, c'est...

Mason toussota.

- Sympathique de ta part d'avoir soutenu Nora. J'aurai pas cru que...

Cassandre eu un sourire innocent et adressa un regard narquois à Mason.

- Oui ? ajouta-t-elle, la candeur incarnée.
- Que c'était ton genre. Me suis trompée, marmonna Mason.
- Tu ne serais pas en train de me présenter des excuses, là, par hasard ?
- Faut pas pousser non plus, répondit Jane en fronçant le nez.

Cassandre eut un sourire narquois et retint un ricanement.

- Il faudrait qu'on y aille, reprit Mason, au cas où quelqu'un d'autre aurait entendu.

Cassandre hocha la tête et suivit Mason en dehors de la volière, accompagnée de Nora. Après tout, le hibou était parti, il n'y avait plus rien d'autre à faire. Avec un peu de chance, Irving le recevrait demain matin. Même s'il arrivait demain après-midi, ce serait forcément une source de réconfort, de savoir que sa meilleure amie pensait à lui. Elle ne savait pas comment il prendrait le petit mot qu'elle avait ajouté. Bien, elle l'espérait. Tandis qu'elles marchaient silencieusement, guidées par Jane et son insigne de préfète qui pourrait les protéger d'un professeur, Cassandre jeta un coup d’œil à Nora. Elle ne savait pas si elle se reparlerait après cette histoire. Peut-être que Cassandre irait lui demander après-demain si elle avait reçu une réponse d'Irving mais après tout, ce n'était que ce dernier qui les reliait. Elles n'étaient pas dans la même maison ou dans la même année et n'avaient au fond que le garçon comme seul point commun. Mais Nora était vraiment quelqu'un de gentil au fond. Mais d'un autre coté, la dernière fois que Cassie avait rencontré et sympathisé avec quelqu'un, avant Irving qui était différent, c'était Amely Anderson. Elles ne s'étaient jamais plus adressées la parole après la Laponie, mais c'était un contexte différent. Cassandre avait fait le choix d'ignorer tout ce qui s'était passé là-bas, bons et mauvais souvenirs, parce que c'était trop douloureux. A chaque fois qu'elle y pensait, elle ressentait une sensation de froid. La nuit, parfois, elle revoyait le plafond s'écrouler sur elle, la même peur, la même sensation de douleur juste avant qu'elle perdre conscience et surtout cette sensation de froid qui lui brûlait la peau, même à travers le fin tissu de sa peau. Elle avait également arrêté de répondre à Topïas. C'était lâche, mais elle voulait oublier tout ce qui s'était passé et que rien ne lui rappelle l'évènement. Peut-être l'année prochaine, avec Amely. Il lui fallait encore du temps. Elle sortit de ses pensées en arrivant devant le couloir qu'elle devait prendre pour remonter jusqu'à l'entrée de la Tour de Gryffondor.

- Te fais pas prendre, Harper, lança Mason.
- C'était pas mon attention, répliqua Cassandre en relevant le menton.

Elle devait arrêter de penser à ce genre de choses. C'était du passé. Mason hocha la tête et commença à se diriger dans la direction opposée, pour rejoindre la Salle Commune des Poufsouffle.

- Weaver ! lança Cassie avant que cette dernière ne s'éloigne.

Elle fit quelques pas dans sa direction, un peu gênée.

- Ce fut... une excursion agréable. Malgré le passage Lloydesque avec la peinture. Je... suis contente, de t'avoir... croisée, dirons-nous.

Mason avait eu le tact de se s'éloigner sans appeler Nora de manière impatiente.

- T'es une chouette fille, Weaver. Vraiment. Te laisse pas faire. Les autres ne valent pas mieux que toi, peu importe ce qu'ils en pensent.

Elle adressa un léger sourire en coin à Nora avant de jeter un coup d'oeil à Jane, qui patientait toujours, ce qui la fit sourire plus largement. Elle se pencha vers Nora, pour lui confier quelque chose.

- Et ta copine voit un garçon en secret, je parierai ma main là-dessus. Un Serdaigle, je dirai, sixième année.

Elle fit un clin d'oeil à Nora et se détourna pour s'engager dans le couloir qui menait à la Tour. Finalement, heureusement qu'elle avait eu un trou de mémoire. Sinon, elle ne serait jamais sortie de son dortoir. N'aurait pas croisé Nora. Et cela aurait été vraiment dommage. Même si ses cheveux auraient été en meilleur état.


HRP : J'ai terminé, sauf si tu veux poster après