Potions et discussions [Alicia & Margot]

Sa mission allait prendre fin. Terminées, les recherches, les heures de réflexions, les longues réunions avec d’autres Médicomages. Harmonie allait partir et, si la plupart des médecins désapprouvaient cela, ils ne pouvaient rien contre. Oh, la mission d’Alicia ne s’était pas soldée sur un échec, puisqu’elle avait fini par trouver ce qu’il s’était passé. La vérité était que la jeune femme n’avait jamais été empoisonnée. Elle avait agi en parfaite connaissance de cause, et sans être sous l’emprise d’un « Impérium liquide », comme ils avaient pu le supposer. Non, cela relevait uniquement de la folie de la jeune femme, qui avait attaqué son petit-ami sans sourciller. Quant à la potion trouvée dans l’infirmerie, diluée dans une boisson, elle ne pouvait pas être isolée pour être analysée. Et, alors qu’Azkaban semblait se profiler dans l’avenir d’Harmonie, un évènement inattendu avait fait son apparition : la Serpentard était enceinte. Et aussitôt que le père – Louis, son Médicomage – avait apprit cette nouvelle, il s’était empressé de la demander en mariage. Ils s’envoleraient pour la Nouvelle Zélande dans peu de temps, à ce qu’on disait.

Par Merlin. Alicia avait du mal à croire à cette histoire aussi surprenante qu’abracadabrante. Elle savait qu’elle allait être intégrée au service d'empoisonnement par potions et plantes de St Mangouste sous peu, toujours en tant qu’étudiante afin de terminer sa dernière année avant sa remise de diplôme, mais avait été surprise d’apprendre que la jeune femme sortirait de St Mangouste pour rejoindre non pas la prison des sorciers mais un nouveau pays. Elle secoua la tête. Inutile de se torturer les méninges pour rien, elle n’avait pas son mot à dire dans cette histoire et était obligée d’accepter les décisions que prenaient ses supérieurs.

Lâchant un soupir imperceptible, la jeune femme balaya le lieu où elle se trouvait du regard. Les cachots. Un petit sourire étira ses lèvres tandis qu’elle se remémorait les heures qu’elle avait passé ici, et notamment lors de ses cours de potions – ses préférés. Elle faisait partie de la génération qui avait connu Severus Rogue ainsi que la maître des potions actuelle, Margot Adamson et avait toujours beaucoup estimé ces deux professeurs.

Elle s’apprêtait à repartir – elle voulait mettre au courant William de son départ – lorsqu’une jeune fille sortit brusquement du bureau, des traces de larmes encore sur visibles sur ses joues. Respirant profondément, elle se redressa et commença à marcher vers la sortie. Cependant en arrivant à la hauteur d’Alicia, la Poufsouffle – puisqu’elle portait les couleurs des blaireaux – hésita, puis s’arrêta. Se retenant de lui fausser compagnie le plus rapidement possible, la jeune femme baissa les yeux vers elle et attendit qu’elle prenne la parole.

« Vous… Vous êtes Médicomage, n’est-ce pas ? » bafouilla-t-elle en essuyant ses joues avec le dos de sa main.

« Etudiante en Médicomagie. » corrigea-t-elle en toisant froidement la jeune fille.

« Et vous vous y connaissez en psychologie ? » demanda rapidement la Poufsouffle en triturant ses mains, visiblement pleine d’espoir. Elle poursuivit avant même que l’ex-Serdaigle puisse répondre : « Selon vous, j’ai quelques chances pour que Darren O’Connor, un garçon de Serpentard qui est absolument magnifique, s’intéresse à moi ? »

Dévisageant la Poufsouffle les sourcils légèrement haussés, Alicia retint sur exclamation ironique à l’entente de la phrase.

« C’est lui qui détient la réponse à votre question, Miss. » répondit-elle simplement, avant de la regarder s’éloigner, courant presque.

Elle secoua la tête, complètement dépassée par ce genre de sujets de conversations. S’approchant alors de la porte du bureau du professeur Adamson par laquelle la Poufsouffle venait de sortir, Alicia hésita quelques secondes, ne sachant pas vraiment ce qu’elle souhaitait. Finalement, elle donna quelques coups secs sur la porte en bois et attendit l’autorisation d’entrer, qui ne tarda pas à lui parvenir.

Poussant la porte, la jeune femme fit quelques pas dans le bureau, les yeux posés sur son ancienne enseignante.

« Bonjour professeur Adamson, Alicia Jones. » se présenta-t-elle. « J’espère que je ne vous dérange pas… ? » demanda la jeune femme en avisant le tas de copies devant Margot.

Alicia resta quelques secondes à quelques pas de la porte, avant de s’avancer plus franchement dans la pièce, une fois s’être assurée qu’elle ne dérangeait pas son ancienne enseignante. Esquissant un léger sourire devant la remarque de cette dernière, l’étudiante posa les yeux sur le tas de copies posées devant la directrice de la maison des Serpentard tandis qu’une légère nostalgie s’emparait d’elle. Légère parce qu’elle n’était jamais vraiment mélancolique en repensant à ses années passées au château – trop de mauvais souvenirs – et nostalgique parce que malgré tout, Poudlard avait été sa véritable maison durant sept longues années. Et si la vie lui avait toujours parue plus simple lorsqu’elle était enfermée entre les murs de l’école de sorcellerie, elle la trouvait aujourd’hui passionnante. Tout, absolument tout, la passionnait. Ses études, son travail. Alors oui, elle était moins accessible, cette vie. Plus d’heures passées à travailler, moins d’heures de sommeil. Et oui, elle avait mit sa vie sociale – déjà bien réduite – entre parenthèse depuis sa sortie de Poudlard. Mais elle aimait ce qu’elle faisait, elle aimait vraiment. Et n’était-ce pas le principal, en soit ?

« Je ne refuserais pas un café… » avoua Alicia après la proposition de Margot.

Le café, sa propre drogue. Elle ne comptait plus le nombre de tasses qu’elle avait avalé, depuis le début de ses études. Pour se tenir éveillée une nuit entière, pour réussir à surmonter une journée de cours après plusieurs nuits où elle ne s’était accordée que quelques heures de sommeil. Puis, boire une tasse de café, blottie dans ses couvertures, en lisant, lui avait toujours plu, depuis son plus jeune âge. Observant son ancienne enseignante à la préparation de deux tasses, Alicia fut tentée de lui proposer son aide, avant de la repousser aussitôt. Déjà, elle doutait que Margot Adamson ait besoin d’aide pour préparer deux simples cafés, et ensuite, sa timidité referait surface et l’empêcherait de faire quoique ce soit d’autre que de se taire. Finalement, elle se contenta de remercier la sous directrice et de porter la tasse à ses lèvres, appréciant la boisson.

Relevant finalement les yeux sur Margot Adamson lorsque cette dernière lui demanda ce qu’elle pouvait pour elle, Alicia prit quelques secondes pour réfléchir. Pourquoi était-elle venue rendre visite à son ancienne enseignante, au juste ? Elle avait toujours eu envie de venir la voir, depuis septembre, pensant pouvoir lui demander de l’aide. Mais à présent que tout était terminé, que sa mission prenait fin, que la solution avait été trouvée, que faisait-elle là ? A vrai dire, c’était peut-être le fait de pouvoir discuter avec une personne qu’elle avait admiré, plus jeune, qui l’avait attiré dans ce bureau. Peut-être est-ce aussi l’envie de parler, tout simplement.

« Professeur Adamson, » commença-t-elle enfin, « Est-ce qu’en sortant de vos études vous vous destiniez déjà à votre carrière actuelle ? » demanda la jeune femme avant de rajouter en baissant les yeux vers sa tasse : « Si ce n’est pas indiscret, évidemment. »

La question avait été posée sans même que l’étudiante sans rende compte, révélant ainsi son seul tracas à propos de sa carrière. Elle avait vu des personnes passionnées par leur métier tout arrêter quelques mois plus tard, accusant la lassitude. Et, intérieurement, c’était ce qui lui faisait peur. Se lasser de son travail, ne plus trouver le moindre plaisir à s’y plonger. Et que ferait-elle, si cela la prenait ? Vers quoi se diriger ? Alicia fronça légèrement les sourcils. Non, ce n’était pas possible. Elle regrettait déjà d’avoir posé la question.

Avalant une gorgée de café après avoir posé sa question, Alicia resta silencieuse, attendant la réponse de l’enseignante à sa question, avec plus d’impatience qu’elle ne l’aurait souhaité. Au final, elle était vraiment curieuse de connaître le point de vu d’un professeur sur l’enseignement. Ce qui pouvait plaire, ou au contraire, déplaire. Il n’y avait pas si longtemps que la jeune femme avait quitté Poudlard, et persuadée que sa voie était la Médicomagie, elle avait complètement négligée d’autres carrières en rapport avec les potions. Et si l’enseignement la tentait plus que la carrière à laquelle elle se destinait ? Et si elle était passée à côté de quelque chose ? réalisa-t-elle, ses mains se crispant légèrement sur sa tasse. Aussi, elle s’efforça à respirer calmement, et à écouter attentivement le récit de Margot. Hochant la tête alors que cette dernière lui racontait qu’elle avait commencé par étudier en France, la jeune femme reprit une nouvelle gorgée de boisson. Visiblement, c’était le fait que le poste d’enseignante des potions soit libre qui avait poussé le professeur Adamson à s’engager dans l’enseignement.

Et il était vrai que, présentée comme cela, cette voie était plus que tentatrice. Cependant, malgré ça, Alicia sentait qu’il y avait finalement quelque chose qui n’était pas pour elle. Et, si elle doutait quelques secondes auparavant de ses propres choix, à présent, elle y voyait presque plus clair. Parce que, contrairement à Margot, elle était parfaitement incapable de transmettre son savoir et sa passion. Le relationnel. Voilà ce qu’il lui manquait. Voilà pourquoi elle réalisait finalement qu’elle n’aurait jamais pu enseigner, aussi passionnant que le métier devait l’être. Elle était tout simple dénué de tout sens de relationnel. Elle était très bien, seule, avec ses livres, ses recherches. Un sourire soulagé étira finalement ses lèvres, tandis qu’elle finissait d’écouter le récit de l’enseignante. Cette impression d’être passée à côté de quelque chose, ce n’était pas la première fois qu’elle la ressentait. Pourtant, cette fois, elle avait finalement l’impression d’avoir réussi à la combattre.

"J'espère que cela répond à votre question, Alicia. Pourquoi une telle question, d'ailleurs ? Auriez-vous des doutes quant à vos propres choix ?"

Relevant la tête vers son ancienne professeure, la jeune interne secoua finalement la tête. Non. Elle avait douté, oui, d’avoir choisi Médicomagie par dépit. Elle avait craint s’être dirigée vers cette voie sans vraiment réaliser tout ce que cela impliquait. Mais, plus la conversation avançait, plus elle se rendait compte du contraire. Elle avait été stupide, de douter comme cela, d’avoir peur comme cela, d’avoir besoin d’être rassurée comme cela. Mais non, elle n’avait pas choisi sa voie par dépit, mais par amour. Par amour des potions, par amour du domaine médical.

« Je pensais. » avoua-t-elle enfin. « Mais je me rends compte que non, je ne doute pas. Ou du moins, je ne doute plus. Je veux dire, j'ai toujours été persuadée que ma voie était déjà toute tracée dans la Médicomagie, et je n'ai jamais pensé que je pouvais me tromper. Dès que j'ai quitté Poudlard, j'ai été prise à l'école de Médicomagie, donc je ne me suis jamais vraiment intéressée aux autres métiers. Et... Depuis quelques jours, je me demandais si je ne passais pas à côté de quelque chose. Puis finalement, j'ai beau essayer d'imaginer, je ne me vois pas ailleurs que dans le domaine médicale.»

Elle laissa passer quelques secondes, puis reprit :

« Je vous remercie d’avoir répondu à ma question. »

Elle hésita, et termina enfin :

« Et j’espère sincèrement que votre carrière évoluera comme vous l’entendez, professeur Adamson. »

Et, « espérer sincèrement », de la part d’Alicia, cela voulait tout dire.

Remerciant Margot Adamson d’un hochement de tête et d’un sourire alors que cette dernière affirmait qu’elle ferait une excellente médicomage, Alicia avala la dernière gorgée de son café avant de reposer la tasse devant elle. La confiance de son ancienne enseignante la touchait plus qu’elle ne voulait l’admettre. C’était toujours étonnant de revoir ceux qui avaient été ses professeurs dans le passé, ceux qui l’avaient instruite, au fil des années. Fugacement, elle repensa à William, qui lui avait confié qu’il avait encore peur qu’elle le réprimande, même après toutes ses années. Cette pensée lui arracha un sourire, alors qu’elle revoyait William, plus jeune, élève redouté de ses professeurs. Comme beaucoup, elle avait entendu parler de la réputation de farceur du jeune homme, qui disait-on connaissait le bureau de ce cher Rusard comme sa poche. Alicia, elle, lors de ses années passées au château, était tout le contraire. Calme, posée, discrète, secrète, timide, c’était le genre d’élève qu’on ne remarquait pas si on ne la cherchait pas. Aussi, elle se contentait de passer ses journées cachée derrière un livre, d’être celle qui prenait des notes en Histoire de la Magie pour son voisin de classe. Souvent, on lui avait dit qu’elle gâchait sa jeunesse – et on lui disait toujours – ce à quoi elle répondait tout simplement qu’elle vivait la jeunesse qu’elle avait décidé de vivre, et non celle qui était idéalisée par les étudiants.

Ecoutant les questions de la sous-directrice, Alicia prit quelques secondes pour réfléchir, méditant sur la réponse à donner. Finalement, elle se contenta d’hausser les épaules.

« Oui, elle vient de se terminer. » confirma-t-elle. « Finalement, il a été découvert qu’elle n’était sous l’emprise d’aucune potion. » expliqua la jeune interne tandis que le comportement néanmoins étrange d’Harmonie Fernoys lui revenait en mémoire. « J’ai vraiment apprécié être assignée à cette mission, oui. C’était très instructif, effectivement. Etudier un comportement, chercher des potions qui produisent ces effets, proposer, tester, rechercher, encore. » lista-t-elle avec le sourire, « ce sont vraiment des choses qui m’ont plu. On m’a assigné à St Mangouste pour finir l’année, et je vous avoue que je n’en suis pas mécontente non plus. »

Et dire qu’elle avait hâte était un euphémisme. Découvrir les journées à St Mangouste, conseiller, guérir, soigner les patients. Réfléchir, élaborer des hypothèses, les proposer. C’était ce qu’elle voulait, ce qu’elle désirait. Elle souhaitait plus que tout avoir son diplôme de Médicomagie à la fin de l’année, et n’en doutait plus, à présent. Elle voulait consacrer sa vie au domaine médical, elle voulait s’épanouir dans la médecine. Et c’était une de ses seules certitudes, finalement, alors qu’elle se remettait en question depuis plusieurs mois, qu’elle se cherchait, qu’elle ne savait plus qui elle était, qui elle voulait être et qui elle n’avait jamais été. Secouant doucement la tête pour sortir de ses pensées, Alicia reporta son attention sur le professeur Adamson, et reprit :

« Revenir à Poudlard fut étrange dans un premier temps. » avoua l’ex-Serdaigle « Mais… Ce fut une expérience enrichissante, je regretterais presque de le quitter. » avoua la jeune femme avec un léger rire.
Puis, s’intéressant à son enseignante, la jeune femme porta sur cette dernière un regard curieux et demanda enfin :

« Quel a été le moment le plus intéressant dans votre vie professionnel, professeur ? Je veux dire, vos études en France, votre poste à Beauxbâtons, à Poudlard ? »

Elle tritura doucement ses mains, avant de rajouter dans un sourire :

« Pardonnez ma curiosité. »