[Pièges - Tour d'astronomie] DBD, à qui le tour?

Dimanche 25 février 2006

Il était tôt lorsqu'Artémis s'était levée ce matin-là. Elle avait quitté son dortoir discrètement, sans que Nora et Jane ne s'en aperçoivent, comme elle le faisait au moins une fois par semaine. Elle savait que ses amies se demandait parfois où elle disparaissait et, pour pallier à son inaptitude à mentir, prévoyait toujours une bonne excuse avant même de partir. Cette fois-ci, elle prétendrait être aller faire un tour dans le parc pour profiter du calme matinal.

Pourtant, elle se rendait à l'opposé du parc, puisque sa destination était le haut de la tour d'astronomie. C'était là qu'Ulrich lui avait donné rendez-vous pour leur séance d'entraînement. Cela faisait désormais presque deux mois qu'elle avait convaincu l'effrayant Serpentard de lui apprendre son art. Et s'il lui faisait peur, la fascination qu'elle éprouvait à son égard dépassait tout le reste. Elle avait trop besoin de lui pour partir en courant comme son instinct lui criait de le faire. Car, si elle ressortait épuisée de ses cours, elle en était fière aussi. Lorsqu'elle réussissait un sortilège, elle sentait la magie courir dans ses veines comme jamais cela n'avait lieu durant les traditionnels enseignements de l'école. Une onde de puissance la traversait, et alors elle savait que le prochain qui se placerait sur son chemin en paierait le prix. Pour la première fois de sa vie, elle en venait à souhaiter entendre les piques de Cécilya Richardson.

En ce dimanche 25 février, sous la houlette d'Ulrich, Artémis s'entraînait à réaliser un Maléfice d'Immobilisation bien moins sympathique que le traditionnel Immobilus, puisqu'il provoquait chez la victime une sensation d'étouffement, comparable à l'enfermement dans un sac lesté qui coulait au fond du lac... La jeune fille s'appliquait, mais le résultat n'était pas au rendez-vous. Elle n'avait jamais été bonne en pratique, préférant la théorie, et même si la magie noire s'avérait plus facile que sa consoeur blanche, cela restait un exercice délicat, d'autant plus que "le petit manuel du mage noire débutant" n'était étrangement pas disponible dans la bibliothèque de l'école. Peut-être qu'il y avait quelque chose dans la réserve, mais Artémis n'y aurait pas accès avant d'avoir ses BUSEs, sinon plus. Réduite donc aux informations que consentait à lui donner son aîné, la jeune Nott ne parvenait qu'à mmobiliser un bras, ou une jambe du mannequin articulé qu'il avait enchanté, n'arrivant pas à étendre le sortilège au reste du corps.

Elle allait prononcer la formule une fois de plus lorsqu'un bruit la fit sursauter. Baissant sa baguette, elle interrogea Ulrich du regard, n'osant pas parler. C'était des bruits de pas en provenance des escaliers. Sans savoir pourquoi, Artémis eu la présence d'esprit de dissimuler sa baguette. Elle se morigéna intérieurement, songeant que la pointer sur la porte eut été plus intelligent. Après les bruits de pas, d'autres se firent entendre à travers le château. C'était des grincements, des cris de surprise et de peur. Artémis jeta un oeil par dessus les créneaux de la tour et constata que ça s'agitait en bas, sans toutefois comprendre l'origine du raffut.

"Qu'est-ce qu'il se passe, en bas?"

D'ailleurs, elle n'eut que peu de temps pour y penser, puisque la porte fini par s'ouvrir.

"Bonjour..." dit-elle au nouvel arrivant, surprise de son identité.

Puis elle se réfugia dans un silence prudent, laissant Ulrich parler. En effet, elle ne savait pas comment justifier sa présence et l'excuse d'une balade dans le parc ne semblerait pas crédible.

- Gryffondor ? Pouah, sale engeance !

Cassandre se retourna brusquement en dégainant sa baguette magique, le livre qu'elle tenait quelques secondes auparavant s'écrasant sur le sol. Mauvais réflexe dans un sens, très bon dans un autre. Elle se retrouva face à un homme avec un impressionnant chapeau de sorcière, une robe épaisse en velours et un teint pâle à faire jalouser un fantôme. Il la regardait d'un air condescendant, reniflant régulièrement de manière peu élégante. Cassie avait beau fouiller dans son esprit, elle n'avait pas l'impression de l'avoir déjà vu à Poudlard. Quoi qu'il en soit, il n'était pas armé, aussi rangea-t-elle sa baguette dans une poche de sa robe, tout en haussant un sourcil.

- Pourrais-je savoir qui m'insulte de la sorte ? aboya-t-elle, méprisante.

L'homme la dévisagea de la tête aux pieds avant d'aborder un air suffisant. Il releva le menton et croisa les bras sur sa poitrine, dans un geste hautain.

- Ser Raynald Mirmington, damoiselle !

Le seul ser qu'elle connaissait était Ser Nicholas, ou Nick Quasi-Sans-tête, et il était mort depuis quelques années déjà. Sauf que celui-là semblait un peu trop vivant. Jetant un coup d’œil autour d'elle, elle ne put que constater qu'elle était toute seule avec Ser Raynald dans le couloir. C'était bien sa veine. Et dire qu'elle était juste venu récupérer la broche qu'elle avait perdu hier soir en sortant de son cour d'Astronomie ! Elle était tombée quand elle s'était faite bousculer et ne s'en était rendue compte qu'au dortoir. Heureusement, personne ne l'avait ramassée et elle l'avait retrouvé sous un banc. Et elle devait se coltiner Ser Raynald. Chouette. Croisant aussi les bras sur sa poitrine, Cassandre jaugea l'homme du regard.

- Et d'où sortez-vous donc, Ser Raynald ?
- Oh, c'est bien simple, damoiselle. De mon tableau.

Il désigna d'un vague signe de la main une toile vierge accrochée au mur du couloir, à laquelle elle n'avait jamais vraiment prêté attention. On y distinguait un chateau en arrière-plan et un cheval blanc qui mangeait tranquillement de l'herbe, visiblement débarrassé de son cavalier. Mais même si les tableaux bougeaient, on ne pouvait pas sortir d'un tableau. La magie ne faisait pas de tels miracles. Son regard passant de la toile à l'homme en face d'elle, Cassandre hésitait de plus en plus sur la conduite à suivre. Dans un sens, cet homme ne pouvait pas sortir de ce tableau. Dans l'autre, elle avait face à elle une véritable personne qui semblait vêtue comme son ancêtre Gaïus Harper.

- Vous sortez réellement de ce tableau ?
- Si fait, ma dame.

Il fallait prévenir un professeur, ce n'était pas une situation normale. Avisant la porte d'entrée de la Tour d'Astronomie du coin de l'oeil, Cassandre pointa un doigt impérieux sur Ser Raynald.

- Vous ne bougez pas d'ici, vous.

Celui-ci sembla s'offusquer de son ton et poussa un grognement hautain.

- Je ne vais pas me laisser dicter ma conduite par une jeune pucelle !
- Et la pucelle va vous faire subir un traitement dont vous vous rappellerez longtemps si vous bougez d'ici ! Sachez qu'on croise rarement des hommes comme vous ici. Vous êtes légèrement repérable, très cher.

Elle lança un dernier regard menaçant à Ser Raynald et se mit à courir vers la Tour d'Astronomie, abandonnant son livre. Le Professeur Dérébusor n'aurait pas été son choix premier en temps normal mais elle avait l'impression que l'autre damoiseau ferait rapidement fi de ses menaces. Elle monta les marches quatre à quatre et poussa la porte de la salle de classe pour la retrouver vide. Débusor sortait rarement de sa Tour, il devait être à l'étage supérieur, sur la plateforme. Cassandre coinça derrière son oreille une mèche de ses cheveux qui s'était échappée de son chignon et se remit à escalader les escaliers jusqu'à la porte, qu'elle poussa sans frapper. Tant pis pour son professeur qui allait hurler à la mauvaise éducation des jeunes. Parce que "de son temps", ce n'était pas comme ça que cela se passait et tout le reste. Aussi quelle ne fut pas la surprise de Cassandre de se retrouver face à deux de ses camarades !

Elle connaissait peu Ulrich Keller, uniquement par son poste de préfets et les vociférations que pouvait avoir Darren à son sujet. Quant à Artémis Nott, elle l'identifiait surtout comme une fille timide et la petite sœur de Théo. Ce qu'elle n'arrivait pas à déterminer, c'était le lien entre les deux. Scrutant les deux jeunes gens, elle haussa un sourcil et releva le menton. Les Keller étaient une famille de Mangemorts. Les Nott avaient des Mangemorts dans leur famille, le propre père d'Artémis. Mais là n'était pas la question, toutes les familles avaient leur vice. La véritable question était de savoir ce que fabriquaient ces deux-là, qui n'étaient même pas amis ou de la même année, dans la Tour d'Astronomie déserte à cette heure de la journée. Une vingtaine de possibilités passèrent dans son esprit, de la plus futile à la plus sérieuse. La plus futile étant que Keller et Nott batifolaient tous les deux, la plus sérieuse qu'ils tramaient des choses pas très nette. La deuxième lui paraissait tout de même plus crédible, elle ne voyait pas Keller et Nott en joli petit couple. Mais que pouvaient-ils faire ? La réponse la plus évidente ayant un rapport avec les Mangemorts. Mais c'était un raccourci un peu facile et très cliché. Ce n'est pas parce qu'ils avaient des Mangemorts dans leur famille qu'ils partageaient leurs idées. Lier Voldemort et famille de Sang-Pur était encore trop comment. Elle-même venait d'une famille pure depuis quatre génération et aucun de leurs membres n'avaient trempé dans le coté sombre de la guerre. Plutôt le contraire. Néanmoins, en posant son regard sur Keller et Nott ainsi réunis, elles plongea ses deux mains dans ses deux poches et referma sa main droite sur sa baguette magique sans pour autant la sortir. Elle n'aimait pas ne pas comprendre et se retrouver ainsi en position de faiblesse. Surtout que des pas retentissaient à l'étage au dessus, comme si quelqu'un allait monter. Si elle était tombée en pleine petite réunion sombre, elle allait avoir de sérieux ennuis. Alors elle releva le menton, sourit et planta ses yeux dans ceux du préfet-en-chef, Artémis semblant gênée.

- Joli petit endroit pour faire des cachoteries. Le professeur Dérébusor est au courant de ce qui se passe dans sa Tour ? Parce que c'est justement lui que je cherchais.

Si Nott et Keller faisaient des trucs de Mangemorts, ce n'était pas très fin de sa part d'adopter ce ton. Mais que voulez-vous ? Les Gryffondor, une sale engeance, dirait Ser Raynald.

Joy s'arracha de son lit avec regrets. Elle avait toujours eu du mal à se lever pendant son enfance, mais sa mère ouvrant les rideaux à huit heures précises tous les matins, il avait bien fallu s'y faire. À Poudlard, rien ne semblait pouvoir la réveiller – elle éteignait le réveil de Paige dans son sommeil, et ouvrait les yeux sans avoir le moindre souvenir de son geste. Fort heureusement – et c'était bien le seul avantage de partager un dortoir avec Kelly – Murdoch avait le devoir de la secouer le matin, à l'heure qu'elle lui avait indiquée, comme ce matin-là. Paige avait raconté à Joy que cette dernière parlait dans son sommeil, ce qui était extrêmement gênant pour la Serpentard. Elle espérait juste que ses camarades de dortoir n'avaient jamais rien entendu de compromettant.

Après s'être habillée – l'uniforme n'était pas obligatoire le dimanche –, la jeune fille sortit du dortoir et marcha d'un pas vif à travers sa salle commune vide et silencieuse, dans l'intention de sortir dehors pour s’entraîner un peu avant le petit déjeuner. Elle traversait la Grande Salle quand une présence se fit sentir, au bout d'une des longues tables. Joy identifia Neil Wagstaff, assis en face d'une touffe de cheveux marron dépassant d'un dos un peu courbé, reconnaissable entre mille : son petit cousin. Elle ne pouvait pas définir avec certitude la relation qu'elle entretenait avec Burt, mais une chose était sûre : elle n'avait pas envie de discuter avec lui. Il était certes plus agréable à écouter qu'à regarder, mais Joy avait le sensation qu'il savait bien trop de choses sur elle, et réciproquement. C'était bien le problème d'avoir de la famille dans la même école que soi.

« Salut cousine ! »

Au moment même où il prononçait ces mots, Joy le revit quelques années plus tôt, vomissant par la fenêtre de la petite chambrette qu'ils partageaient pendant les vacances. Elle se dit aussi qu'il devait peut-être la regarder en voyant uniquement la petite fille à la fois honteuse et pliée de rire qu'elle était lorsqu'elle l'avait découvert caché derrière le placard à balais, entièrement congelé. Elle répondit platement :

« Salut cousin, tu es bien matinal. »

Il haussa les épaules – concernant le lever, il savait qu'elle savait qu'il avait le même problème qu'elle – et demanda avec nonchalance :

« Toi aussi. Où vas tu comme ça ? »

Joy se contenta de lâcher :

« Rien ne vaut un peu de sport pour se mettre en appétit. »

Elle plongea les mains dans ses poches avant de se rappeler que ce n'était pas très distingué ; mais quelque chose lui parut étrange. Pourquoi sa poche était-elle vide ? Où était la clé du local réservé aux capitaines ? Cette petite impression de patauger dans le vide s'empara d'elle, comme à chaque fois qu'on ne trouve pas un objet important et nécessaire.

« Je... excuse-moi, j'ai oublié quelque chose ! » jeta-t-elle avant de s'enfuir vers les escaliers.

Elle eut juste le temps d'entendre Wagstaff fanfaronner :

« Dis, je t'ai raconté ce qu'il m'est arrivé l'autre jour ? J'ai découvert que j'étais la réincarnation de Celestina Moldubec... »

Mais Joy tentait déjà de se rappeler quel était le dernier endroit où elle était allée la veille. N'était-ce pas à l'avant dernier étage de la Tour d'Astronomie ? Elle partit au pas de course vers cette destination, et une fois arrivée, s'arrêta net en entendant un grondement sourd... Tous les muscles de son corps tendus et prêts à l'action, Joy dégaina nerveusement sa baguette. Aux aguets, elle laissa ses réflexes prendre le dessus, guettant le moindre mouvement suspect... Soudain, un chat sortit de l'ombre. Dans les rayons de soleil pâles qui l'éclairaient depuis la fenêtre, on aurait plutôt dit un gros chaton... un gros chaton avec de la bave au menton... un gros chaton avec de la bave au menton qui lui barrait la sortie. Vouant une confiance aveugle à sa baguette, Joy resta le plus immobile possible, frémissante, ses yeux vrillés dans ceux de la bête sortie d'elle ne savait où.

« Expelliarmus ! » lança-t-elle, mais seul un petit crachotement d'étincelles rouges s'échappa de sa baguette.

Horrifiée, Joy se demanda un instant si elle avait perdu ses pouvoirs magiques. Elle ne sentait aucun changement en elle, bien qu'elle ne ressentit plus la même chose quand ses doigts touchaient la baguette. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas le moment de tergiverser : le chaton enragé avait bougé, tel un scorpion en attente de mouvement, et la poursuiveuse avisa un seul échappatoire : les escaliers menant au sommet de la Tour d'Astronomie. Elle se rua dessus, grimpa les marches quatre à quatre, avec l'impression que quelqu'un la précédait de peu. La porte menant à la plateforme était toujours ouverte, si bien qu'elle la ferma violemment et se plaqua contre elle. À la vue de la scène qui se déroulait devant ses yeux, elle eut presque envie de revenir sur ses pas. Elle fuyait un gros chaton, et se réfugiait dans la fosse aux lions.

Darren O'Connor, dont la bedaine rebondie le portait en haut de la pyramide du ridicule, affrontait Ulrich Keller qui se donnait des grands airs. Pour Joy, si la présence de Cassandre Harper ne l'étonnait pas plus que cela, celle d'Artémis Nott lui semblait aussi incongrue que la sienne. Que faisait-elle dans ce repère de fous ? Elle n'avait rien à voir avec ces gens-là ! Leurs problèmes ne la regardaient pas, elle en avait bien assez des siens ! Décidant qu'elle préférait affronter un chat fou sans baguette plutôt que d'assister à l'altercation de gens qu'elle ne connaissait pas et dont elle ne voulait surtout pas faire la connaissance, elle rouvrit la porte et posa un pied à l'extérieur... dans le vide. Se rattrapant in extremis à la poignée de porte, Joy retrouva son équilibre. Elle s'appliqua à garder un visage impassible mais à l'intérieur, elle hurlait :

*MAIS QU'EST-CE QU'IL SE PASSE ?!?!?! OÙ SONT PASSÉS LES ESCALIERS ?!?!?*

Et, presque désespérée : *Je veux partir d'ici !*

Se retournant vers les occupants de la pièce, elle haussa la voix – comme elle avait appris à le faire pour attirer l'attention des membres de son équipe – en disant :

« Excusez-moi d'interrompre vos considérations – passionnantes, je n'en doute pas – mais je tiens à vous signaler qu'il n'y a plus d'escaliers, et par conséquent, aucun moyen de s'enfuir, ce qui signifie que nous sommes tous coincés ici... »

*… je vous prierais donc de ne point vous entre-tuer.*

Artémis ne fut pas surprise de voir Cassandre Harper se mêler de ce qui ne la regardait pas. Elle ne connaissait pas personnellement la Reine du Bal de Laponie, mais elle avait entendu à son sujet les mêmes choses qu'à celui de Cécilya, ce qui n'avait rien d'attirant. Elle se demanda si les deux pestes s'entendraient, si elles venaient à se croiser. Il était plus probables qu'elles se battent jusqu'à ce que mort s'ensuive. Artémis espérait, dans ce cas, que Cassandre gagne. Et cela d'un point de vue totalement objectif, bien sûr.

Heureusement pour elle, Ulrich se chargea de répondre à la question de Cassandre. Il se justifia encore. Artémis trouvait que c'était une très mauvaise habitude, mais ils n'avaient en l'occurrence pas le choix, vu qu'Ulrich voulait conserver sa réputation. Un nouveau venu vint cependant mettre cette résolution en péril. La Poufsouffle regarda avec appréhension O'Connor s'avancer dans la tour. Sa relation avec Ulrich était une véritable poudrière et Artémis avait peur que leur rencontre ne suffise à allumer une étincelle. Elle n'aimait pas l'ancien capitaine des Serpentard. Il n'avait pas la classe des vieilles familles sorcières qu'elle connaissait. C'était quelqu'un d'agressif, d'arrogant et de violent, bref, quelqu'un qui lui faisait peur. Elle en venait parfois à comprendre ce qui avait poussé Ulrich à en arriver à de telles extrémités avec lui. Pourtant, elle désapprouvait le comportement du Préfet-en-Chef, et en était même venue à plaindre Darren en le voyant, la mine défaite et abattue, au mois de janvier.

Mais le peu de compassion qu'elle avait éprouvé pour lui s'envola dès qu'il commença à agresser Cassandre et Ulrich. Il était incapable de se tenir et délira, comme il semblait avoir pris l'habitude de le faire ces derniers temps. Cette fois-ci, il était question d'un chaton monstrueux qu'il aurait créé. Ulrich se défendit avec calme, mais Artémis craignait qu'il ne se lâche si Darren continuait. Elle ne connaissait pas bien les limites de Keller mais savait en revanche que Darren n'en avait aucunes. Il fallait trouver un moyen rapide de les séparer.

Elle allait se diriger vers la porte lorsque Joy Highlands, fraichement débarquée, les informa qu'il n'y avait plus d'escalier. La Poufsouffle se précipita vers l'ouverture pour vérifier, et eu un hoquet d'horreur en constatant qu'elle disait vrai. Ils étaient coincés ici. Harper avait une langue aussi aiguisée qu'un couteau, Ulrich pratiquait la magie noire à un degré élevé, et Darren avait sa haine contre ce dernier, ainsi que celle contre sa remplaçante, Joy. Artémis réalisa qu'elle était la seule réellement sans défense, et cela lui fit peur.

Il fallait sortir, vite, mais elle ne trouvait désespérément rien.

"Il faut qu'on sorte, et vite" murmura-t-elle aux deux filles avec un regard rapide mais éloquent en direction des deux coqs qui se faisaient face.

Cassandre n'aimait pas vraiment le ton de Keller. Trop... Quelque chose. Lisse. Tout élève classique se serait offusqué devant une accusation semblable à celle qu'elle venait de lançer. Il aurait froncé les sourcils, protesté... Mais sa première action n'aurait pas été de se justifier. Comme si elle déjà prévu son excuse. Comme s'il savait qu'il avait besoin de se justifier. Et ça, c'était étrange. Mais elle n'en montra rien et se contenta de poser les yeux sur Darren en fronçant les sourcils, quand il pénétra dans la Tour d'Astronomie avec une bedaine de femme enceinte. Tout à fait normal. Ce dernier sembla surpris de la trouver ici en compagnie de Keller et de Nott et elle vit presque les rouages de son cerveau s'enclencher pour arriver à une conclusion erronée, bien évidemment. Levant les yeux au ciel devant tant de bêtises et de paranoïa, Cassandre croisa les bras sur sa poitrine et fusilla Darren du regard, agacée.

- Si la Reine du Drame veut bien cesser de voir des complots contre elle partout, nous serions bien avancés. Pitié, O'Connor, pour une fois dans ta vie, réfléchis.

Mais Darren semblait plutôt d'humeur à utiliser ses poings, tout en tact et subtilité comme il le prouva en s'approchant de Keller. Elle avait bien sûr entendu tout ce qu'il disait sur leur préfet-en-chef et, même si elle reconnaissait la propension de O'Connor à se sentir persécuté, elle était légèrement méfiante. Surtout qu'elle ne savait toujours pas ce que Nott et Keller fichaient dans cette tour. Et que l'attitude de ce dernier était assez louche. De toute manière, même si Keller était parfaitement innocent, il y avait autour d'eux beaucoup trop de vide pour laisser la situation dégénérer. Voir un de ses camarades exploser sur la pelouse du Parc n'était pas dans ses activités quotidiennes. Si le petit discours concernant Lorgan l'intrigua, ce fut la dernière phrase d'Ulrich Keller que nota Cassandre "Je ne fuis jamais mes adversaires et je les fixe droit dans les yeux jusqu'à leur fin." Son rythme cardiaque accéléra légèrement et elle décroisa ses bras pour resserrer ses doigts sur sa baguette magique à l'intérieur de sa poche, imperceptiblement. Ce n'était même pas une phrase de fanfaronnade. Elle était à Gryffondor, elle avait entendu mille fois les vantardises de ses camarades concernant leur courage. Non, ça, c'était une affirmation. "Jusqu'à leur fin." Elle n'aimait rien du tout là-dedans. Le ton, les mots et surtout pas le sous-entendu. Keller aurait pu cracher beaucoup plus vulgairement "je te regarderai dans les yeux jusqu'à ce que j'ai terminé de t'assassiner" cela aurait été du pareil au même. Est-ce qu'elle devenait trop paranoïaque ? A force de fréquenter Darren, de l'entendre maudire tout le monde ? Ce garçon ne cessait de sentir persécuté. Peut-être qu'elle s'inquiétait trop, que c'était le résultat de l'influence de Darren. Peut-être qu'elle se faisait des idées. Mais Keller l'avait prononcé, cette phrase. Elle n'avait pas rêvé. Et le sous-entendu était là, ce n'était pas anodin. Il y avait quelque chose de louche chez le préfet-en-chef. Quelque chose de pas normal. Et elle avait un très mauvais pressentiment. Ulrich Keller passait pour un parfait petit gentleman, bien éduqué et bien propret. Et cette phrase, cela n'allait pas avec le cadre. Cela n'allait pas avec son image. L'image qu'il donnait. Et Cassandre n'était pas bête. Quand on se donnait un genre, c'était pour camoufler quelque chose. Quelque chose de pas très ragoûtant. Et étonnamment, elle n'avait pas vraiment envie de savoir ce que cachait Keller alors qu'elle était coincée avec lui. Peut-être qu'elle se faisait des idées. Mais prudence était mère de sureté. Alors, elle ne montra rien. Elle ne bougea pas, n'adressa pas de regard méfiant à Keller. Qu'il continue de croire, que tout le monde continue de croire, qu'elle n'avait rien remarqué, que ce n'était qu'une phrase en l'air. Keller dissimulait peut-être des choses. Mais elle savait très bien le faire aussi.

Quand les deux garçons menacèrent de se battre, Keller se plaçant devant la sortie, elle soupira, comme agacée par ce qui n'était qu'un combat de coqs. Mais la phrase du préfet-en-chef tournait encore dans sa tête. Inconsciemment, elle raffermit sa poigne sur sa baguette magique dans sa poche. Elle n'avait pas vraiment envie d'être celle que Keller regardait dans les yeux jusqu'à la "fin". Il était en septième année mais elle restait une bonne baguette. Peut-être pas assez pour le battre, vu qu'il avait parlé "d'habitude" mais assez pour ne pas se laisser faire. Quoi qu'il fasse. Partagée entre deux courants - elle devenait folle, elle passait trop de temps avec Darren, elle allait devenir aussi paranoïaque que lui mais en même temps, Keller semblait vraiment louche et elle ne pouvait que réagir sur sa phrase - elle ne savait pas vraiment quoi faire. Elle pouvait le faire à la Gryffondor et secouer les poings d'un air menaçant ou réfléchir un peu et prendre du recul. Voilà, ça c'était bien. Ils allaient sortir de cette Tour tranquillement, elle allait observer Keller quelques temps et prendrait une décision réfléchie suite à cela. C'était bien, comme idée. En attendant, elle allait faire comme si rien ne s'était passé. Il ne faudrait pas que Keller se doute de quelque chose... Après tout, on ne savait jamais.

- Oh, Morgane ! s'exclama-t-elle, agacée et sans avoir besoin de faire semblant. Battez vous si vous voulez, mais je ne vais pas passer ma journée ici. J'étais venue chercher Dérébusor. On va redescendre, du moins, moi, on va s'occuper de ton... chaton, Darren, et tout sera réglé. Pousse toi, Keller, s'il te plaît.

Mais visiblement, Morgane ne semblait pas être de cet avis vu comment Joy Highlands débarqua dans la pièce, de manière assez fracassante. Tout Poudlard s'était donné rendez-vous dans le coin ou quoi ? Visiblement surprise de les trouver ici, Highlands entreprit de faire demi-tour sans prononcer un mot et rouvrit brusquement la porte. Cette fille était vraiment étrange. Impression qui se confirma quand elle se retourna de nouveau vers eux, pour leur adresser la parole cette fois-ci. Et leur signaler qu'il n'y avait plus d'escaliers et qu'ils étaient tous coincés ici. Le cœur de Cassandre manqua un battement tandis qu'elle posait des yeux incrédules vers sa camarade.

- Tu plaisantes, j'espère ? s'exclama-t-elle en se précipitant vers la porte pour vérifier par elle-même.

Mais elle ne put que constater qu'Highlands avait raison quand l'ouverture de la porte ne lui laissa aucun doute. Un immense vide s'étalait sous ses pieds. Retenant un juron de justesse, elle referma l'ouverture et se tourna vers le reste des gens présents. Récapitulons. Darren et Keller se détestaient et s'étriperaient volontiers si on leur laissait la possibilité. Nott et Keller étaient ici pour manigancer des choses pas très nettes et ils étaient tous les deux des enfants de Mangemorts. Joy Highlands... ne servait à rien, ou du moins, n'était mêlée à rien. Ah, si. Elle avait piqué la place de Darren en tant que Capitaine des Serpentard. Chute assez méritée, néanmoins, selon Cassandre. Donc, deux ennemis de Darren, ce dernier complètement hors de lui et l'un des ennemis de Darren étant tout de même assez louche pour qu'elle le remarque. Fantastique. Vraiment fantastique. Et en plus, il y avait trois Serpentard face à elle ce qui n'était pas pour plaire à son instinct de Gryffondor. Et alors qu'elle aurait voulu s'éloigner de Keller pour qu'il ne remarque rien de sa méfiance, elle était coincée avec lui. Heureusement qu'elle savait mentir et tromper, parce que sinon, elle craignait quelque peu pour sa sécurité, des centaines de mètres au dessus du sol. Artémis Nott sembla faire le même constat vu le regard qu'elle lança aux deux garçons qui se faisaient toujours face. Et qu'il fallait absolument séparer. Cassandre dégaina sa baguette magique sans pour autant la pointer sur qui que ce soit. Si elle menaçait Keller, il verrait qu'elle était méfiante. Darren était celui qui semblait le plus incontrôlable même si c'était en lui qu'elle avait le plus confiance. Mais ce n'est pas Darren qu'il fallait berner, elle aurait tout le temps de lui expliquer plus tard et avec un peu de chance, il comprendrait lui-même la manoeuvre. Aussi, vint-elle se placer entre les deux garçons, sa baguette en direction de Darren. Comme l'aurait fait une élève sage et impartiale qui tentait de gérer la situation.

- Reculez, tous les deux. Rangez donc vos égos hippogriffes et attendez donc qu'on soit sortis d'ici pour vous défouler. C'est un truc à passer par dessus la rambarde et honnêtement, j'ai autre chose à faire que d'être interrogée par les Aurors. Reculez. Si quelque chose devait vous arriver, ce serait une grande perte pour le monde, vous ne pensez pas ? lança-t-elle, narquoise.

Tournant la tête vers Keller, elle haussa un sourcil.

- Tu es notre préfet-en-chef, tu devrais être responsable. Dans cette situation, tu es censé prendre les rênes et t'occuper des plus jeunes.

Réalisant soudain que c'était elle la plus jeune, elle leva les yeux au ciel. C'était assez vexant tout de même. Elle avait quinze ans ! Et elle se mettait elle-même dans cette situation délicate.

- Enfin, moi ça va, mais tu as compris l'idée, rectifia-t-elle. Au lieu de réagir aux provocations de O'Connor, trouve plutôt comment nous sortir d'ici. Quant à toi, Darren...

Elle tourna les yeux vers lui. A coup sûr, il n'allait pas comprendre et se persuader qu'elle était du coté de Keller parce que ce n'était pas lui qu'elle menaçait de sa baguette. Il allait s'emporter et crier à la trahison. Parfois, il manquait vraiment de subtilité et de discernement pour un Serpentard ! Il aurait dû finir à Gryffondor, à foncer dans le tas sans réfléchir. Régulièrement, elle avait l'impression d'être plus mature que lui malgré leur différence d'âge. Vrillant ses pupilles dans les siennes, elle le conjura mentalement de réfléchir. Ils étaient amis, non , Une amitié un peu particulière, un peu étrange aussi, mais c'était ça. Alors qu'il ait un peu confiance en elle. Ils avaient discuté, dans le parc, non ? Alors qu'il s'en rappelle ! Sur ce coup, il devait lui faire confiance. Même si le fait qu'il s'énerve rendrait plus crédible sa petite manipulation de Keller. Tout ce qu'elle voulait, c'est que ce dernier ne se rende compte de rien. Parce que cette phrase la rendait définitivement méfiante. Elle le fixa dans les yeux. Comprends, par Salazar, utilise tes neurones.

- Calme-toi un peu ! Tu n'aimes pas Keller, tout Poudlard est au courant, mais pas la peine d'en rajouter une couche ! Tu vas être viré si tu fais encore une bêtise. Et arrête un peu de te sentir persécuté, on est tous ici par accident. Keller et Nott regardaient les étoiles...

Elle n'en croyait pas un mot. Mais elle n'en laissait rien paraître.

- ... Je cherchais Dérébusor, toi-même tu es là par hasard et Highlands... Bref, on ne s'était pas donné rendez-vous. Cesse de voir tout le temps des ombres derrière les mots.

C'est l'expression qu'elle avait utilisé, quand elle était venue le voir dans le Parc pour lui tendre la main. C'était ça qui avait scellé le début de ce qui s'apparentait à une amitié sincère. Les ombres derrière les mots. Qu'O'Connor s'en souvienne ! Elle lui avait dit cela pour montrer que leurs rapports seraient honnêtes désormais, qu'ils pourraient se faire confiance. C'était pour lui dire la même chose qu'elle l'avait replacé maintenant. Si Darren s'en souvenait, c'était gagné. Cela voulait dire "fais-moi confiance". S'il comprenait l'allusion, le code, tout se passerait bien et ils pourraient être tous les deux contre Keller sans que ce dernier ne puisse s'en rendre compte. Sans lâcher Darren du regard, elle abaissa légèrement sa baguette.

« J'ai l'air de plaisanter ? » répondit Joy sans s'adresser à quelqu'un en particulier, après que Cassandre lui ait demandé si elle était sérieuse.

Artémis Nott articula qu'il fallait qu'ils sortent de cette tour, résumant parfaitement la pensée de Joy qui se rangea mentalement aux côtés de celle-ci. O'Connor et Keller se tenaient face à face, prêts à se voler dans les plumes, tandis qu'Harper s'interposait entre eux. Or, ce n'était ni le moment ni l'endroit pour ce genre de confrontation. De toute évidence, la Poufsouffle était sans conteste la personne la plus sage de la salle. Joy ignorait en quoi elle était mêlée aux affaires d'Ulrich Keller mais quoi qu'il en soit, la sixième année, elle, ne l'était pas. Et pourtant, contre son gré, elle était enfermée avec deux Serpentard furieux et voulait sortir vivante de cette tour. La langue aiguisée de Cassandre Harper, ajoutée au comportement instable de Darren O'Connor, sans oublier la voix étonnamment inquiétante d'Ulrich Keller, n'auguraient rien de bon. Cependant, contemplant les deux jeunes hommes dans une retraite prudente, Joy ne put s'empêcher d'être blasée. Certes, elle ne savait rien des causes qui les opposaient – et à en juger leurs propos, ce n'étaient pas des raisons anodines. Mais peu importe. Elle n'était pas non plus le genre de personne ayant soit-disant « tout vu », ce genre de personne comme Neil Wagstaff, si expérimentée au sujet du monde, de la vie et des hommes que plus rien ne l'étonnait. Non, au contraire, Joy voyait simplement deux êtres humains en train de s'entre-accuser de lâches, comme pour se prouver à eux-mêmes qu'ils ne l'étaient pas et tenter vainement d'avoir le dessus sur l'autre. C'était drôle. Ça faisait peur, mais c'était drôle. C'était peut-être ça qu'on appelait l'esprit de relativisation.

Grâce aux remontrances de Cassandre, la gravité de la situation consentit enfin à monter au cerveau des deux Serpentard, puisque Darren accepta de se calmer et résuma l'étendue de leurs malheurs avec grandiloquence. Il ne cessa pourtant pas de siffler des reproches à son ennemi, ce dernier se contentant de répondre poliment des paroles de mépris. Joy se demanda comment un changement aussi important avait pu s'effectuer en si peu de temps dans les manières de Keller. Il y a deux minutes à peine, il semblait prendre les accusations d'O'Connor très au sérieux ; « Je ne fuis jamais mes adversaires et je les fixe droit dans les yeux jusqu'à leur fin » et maintenant, il ne semblait plus leur accorder aucune considération ; il n'était « pas d'humeur à perdre son temps avec des futilités », comme il disait. Se faire soupçonner de corruption n'était donc que futilité pour Keller tandis qu'il était apparemment prêt à assassiner quelqu'un, mais attention !... en le regardant dans le blanc des yeux. Il en avait vu d'autres ! Joy se força à étouffer la voix ironique qui lui murmurait tout ça à l'oreille. Elle serait bien bête de se sous-estimer un camarade. On ne pouvait jamais savoir à qui on avait affaire. Une personne dans cette pièce était-elle totalement blanche ? Pourquoi Cassandre était-elle si proche de Darren ? Pourquoi Artémis fréquentait-elle Ulrich ? Joy n'était pas voyante, mais elle mettrait sa main au feu que ces curieux couples n'étaient pas réunis en haut de la Tour d'Astronomie pour une rencontre romantique. Et elle, dans tout ça ? Elle était la cinquième roue du carrosse, la cinquième convive sans cavalier, la cinquième personne en trop – mais qui possédait une place de choix : observatrice.

Ce fut O'Connor qui trouva en premier un moyen potentiel de les sortir d'ici en désignant le hibou Grand-Duc du professeur Dérébusor. Avant que personne n'ait eu le temps d'articuler le moindre mot, Keller se dévoua pour affronter l'immonde volatile, tel un martyr se sacrifiant pour des êtres chers à son cœur. Joy, faisant taire à nouveau la petite voix qui soufflait des remarques cyniques à son cerveau, regarda sans ciller le jeune homme se faire déchiqueter la main droite. Ce n'était pas très joli à voir, mais elle admira sa contenance : rien qu'une petite grimace. Son petit cousin Burt, lui, aurait hurlé de douleur et pleuré pendant des heures, mais à n'en pas douter, Burt n'avait absolument rien à voir avec Ulrich. De toute évidence, ce dernier ne désirait pas que quelqu'un vienne le réconforter et justement, Joy n'y tenait pas spécialement non plus. Quand le message fut envoyé, elle appuya son dos contre le mur et réprima un soupir. Quel joyeux petit comité pour attendre l'arrivée des secours.

Artémis en avait marre. Ils n'étaient là que depuis quoi, un quart d'heure? et pourtant, elle était fatiguée. Déjà énervée par son entraînement, l'interruption par les trois autres avaient augmenté sa colère d'un cran. Et il fallait bien sûr qu'elle soit tombée sur l'ennemi personnel de Keller, cette insupportable Miss-Je-Sais-Tout de Gryffondor et Highlands, une Serpentard incapable de faire face à tous ces forts caractères - le bon côté des choses, c'est qu'elle ne risquait pas d'en rajouter une couche.

Comme les deux mâles en présence tentaient de marquer leur territoire, Harper entreprit de jouer la médiatrice, comme une grande, tentant de rappeler son rôle à Ulrich et de clouer le bec de Darren. Elle échoua, évidemment, constata dédaigneusement Artémis. Darren continua ses monologues emportés et insupportables, et Artémis ne l'écouta qu'à moitié. Elle resta prudemment en retrait alors qu'Ulrich envoyait un message à l'oiseau. Il ne restait plus qu'à attendre que l'on vienne les délivrer.

La jeune Poufsouffle décida de suivre le trajet du hibou, et se pencha par dessus la rembarde pour mieux voir. Hurlelune errait autour d'une tour, celle du bureau du professeur McGonagall, en poussant des hurlements stridents, mais ne parvenait pas à y entrer. Super. Artémis ne fit cependant pas part de son observation à ses compagnons d'infortune, jugeant qu'il y avait suffisamment de tensions comme cela. Elle décida de regarder en bas, à la recherche d'un autre échappatoire, et fut forcée de constater que cela s'agitait beaucoup dans le parc. Plusieurs personnes, vêtues étrangement, frappaient à la porte du château, des élèves regardaient les nouveaux venus à distance. On entendait des cris, des exclamations. Tout semblait indiquer qu'ils n'étaient pas les seuls à être frappés par les incidents magiques qui les coinçaient en haut de la tour d'Astronomie. En somme, ils n'étaient pas sortis de l'auberge.

"Tu as de la chance qu'il y ait des témoins, Keller!" continuait O'Connor sans s'arrêter et encore moins sans se rendre compte du ridicule de la situation. "Sinon je t'aurai DBD en vitesse, ne croie pas que ton acte soi-disant héroïque avec ce vieux hibou me trompe! Tu es un vil gueux et..."

"STUPEFIX!"

Artémis s'était brusquement retournée et d'un même geste, avait sorti sa baguette de sa poche et l'avait pointée sur Darren, qui s'effondra brusquement. Voyant que le sort avait atteint sa cible, elle eu un instant d'étonnement, regardant sa baguette. Elle n'avait jamais réussi à lancer ce Sortilège aussi promptement, et encore moins à l'aveuglette. Constatant que son geste avait de quoi en énerver plus d'un, elle rengaina rapidement.

"Hum" dit-elle, sa gêne habituelle revenant au galop. "Je suis désolée mais vu la situation, je pense que nous n'obtiendrons pas d'aide rapidement, et O'Connor étant incapable de se taire, j'ai... Bref, je ne peux pas le supporter des heures, et vous non plus."

Car O'Connor continuerait de provoquer, Ulrich continuerait de répondre, et Cassandre de mettre son grain de sel. Artémis savait que le Préfet-en-Chef ne s'énerverait pas devant les autres, mais il avait un défaut majeur: il parlait trop. Malgré toutes ses précautions, il avait l'orgueil viril de tous les hommes et ne céderait pas devant Darren, préférant lui répondre par des phrases pleines de sous-entendus qui finiraient forcément par alerter son interlocuteur. O'Connor avait du mal avec le second degré, certes, mais pas à ce point.

Elle s'assit ensuite contre le mur, se retranchant dans un silence prudent. La pipelette du groupe était neutralisée, Cassandre n'avait plus à jouer les baby-sitter - comme si elle en était capable, Joy ne décrocherait pas un mot et Ulrich... Oh, il faisait bien ce qu'il voulait, ça n'était pas son problème. Elle ignorait à quel point l'attente qui commençait serait longue.

Car ce ne fut que trois heures plus tard que des cris retentirent dans le parc. Bondissant sur ses pieds, la jeune Nott fut la première à apercevoir les robes violettes des Oubliators se déployer dans l'enceinte du château et encercler plusieurs personnes. A partir de là, ce ne fut qu'une questions de minutes avant que les escaliers ne réapparaissent. Désireuse de quitter au plus vite ce lieu étouffant, elle enjamba le corps de Darren - de toute façon, elle ne savait pas lancer un énervatum - et se précipita vers la porte. Les escaliers étaient de retour! Elle les dévala, et arrivée en bas des marches, un "miaou" retentit. Artémis était face à face avec le monstre créé par Darren O'Connor.

"Oh, t'es tout mignon, toi!" dit-elle en prenant la petite bête dans ses bras.

Le monstre. Ridicule, franchement!