Fastidieux travail de groupe

- Séphy... Je pense qu'il ne viendra pas.

Perséphone releva les yeux de l'ouvrage dans lequel elle était plongée, tranquillement appuyée contre le mur de la bibliothèque. Beth, Wendy et Jane Mason se trouvaient face à elle, parfaitement identiques. Cela était assez impressionnant, tout de même. Heureusement qu'elles étaient dans des maisons différentes et que leurs cravates permettaient une identification, car Séphy aurait été incapable de retrouver sa meilleure amie dans le lot. Les triplettes sortaient de la bibliothèque où elles venaient de travailler deux bonnes heures toutes les trois. Elles avaient invité Séphy à venir, c'était toujours plus agréable de travailler à plusieurs même si c'était moins efficace, mais elle avait décliné l'invitation. Elle attendait son partenaire de travail de sortilèges, que lui avait gentiment attribué le professeur Harris. Ils avaient rendez-vous voilà... une heure et demi. Évidemment, elle avait prévu le coup et avait apporté un livre pour se divertir en l'attendant.

- Oh si, ne t'inquiète pas Wendy, il viendra, répondit-elle simplement.

Wendy échangea un regard entendu avec ses sœurs et soupira.

- Sérieusement Séphy, ça fait plus d'une heure que tu l'attends. Tu crois quoi ? Valentyne se fiche complétement de son travail.
- Il doit être en train de faire un truc interdit quelque part, fit Jane en bombant le torse pour qu'on voit son badge de préfète.
- Ou en train de draguer une fille, lança Beth en haussant les épaules. Les trucs habituels, quoi.
- C'est ce que j'ai dis, un truc interdit ! reprit Jane.
- Draguer une fille n'est pas interdit à ce que je sache.
- Les démonstrations d'affection en public le sont.
- Quand tu dragues quelqu'un, il n'y a pas de démonstration d'affection. Tout le monde n'est pas Killian Gray.
- Quoi qu'il en soit, il fait des choses qui ne se font pas.
- Mais pas interdites.
- Tu me tapes sur le système, Beth.
- C'est réciproque, Jane.
- Vous me tapez toutes les deux sur le système, en tout cas ! intervint Wendy en coupant Jane dans sa prochaine réplique. Bref, Séphy, rentre donc avec moi à la Tour. Je t'aiderai pour le devoir, ça fera comme si t'avais bossé avec Valentyne.
- Valentyne ne bosse pas aussi bien que toi, précisa Jane.

Wendy lança un regard exaspéré à sa sœur. Elle n'était pas l'ainée, la place revenant à Jane, mais elle avait une certaine autorité sur ses soeurs, étant notamment la seule qui pouvait les empêcher de se manger le nez en permanence. Jane et Beth dans la même pièce, c'était juste insupportable. Pour avoir passé des vacances chez les Mason, Perséphone parlait d'expérience. Un peu amusée par le spectacle - les trois ensemble étaient quand même assez divertissantes à voir - Séphy referma son livre en y déposa soigneusement un marque page. Jayden Valentyne viendrait à la bibliothèque. Elle ne le connaissait uniquement de vue, il n'était pas le genre de personne qu'elle fréquentait, mais elle savait très bien ce qu'on disait de lui et avait pu le constater par elle-même. Il n'était pas le genre à faire consciencieusement ce qu'on lui demandait de faire pour le plaisir d'avoir une bonne note. Il était insolent, paresseux et violent. Mais elle savait parfaitement qu'il ne résisterait pas à l'envie de venir faire un tour dans ce coin, pour vérifier si elle était encore là ou pas. C'était son petit pouvoir personnel, il ne savait qu'embêter les gens. Mais elle savait qu'il viendrait. Elle n'avait pas de preuves mais c'était une intuition. Et elle se savait assez perspicace pour prendre le risque d'attendre encore un peu.

- Rentre, Wendy. J'attends encore. Je sais qu'il viendra uniquement pour se donner une petite idée du temps que j'ai attendu. C'est son petit plaisir personnel.

Wendy lui adressa un regard désabusé mais s'éloigna tout de même dans le couloir, suivie de ses deux sœurs. Jane lui adressa un petit signe de la main.

- On se voit à la réunion des préfets ! Et, Perséphone... S'il vient vraiment, claque-le. On ne fait pas attendre une fille comme ça.
- Comme toi et Whitaker ?
- Whitaker est un voyeur, c'est différent, répondit Jane avec un sourire mutin avant de s'éloigner.

Perséphone lui adressa un signe de la main avant de rouvrir son livre. Valentyne viendrait, elle le savait. Du moins elle se raccrochait à cette idée pour ne pas désespérer d'avoir attendu une heure et demi pour rien. Heureusement que son livre était passionnant. Elle levait les yeux régulièrement pour guetter sa venue mais ce ne fut que cinq minutes plus tard que Monsieur daigna le bout de son nez. Elle n'était même pas agacée, elle s'était préparée à ce retard. Et elle avait fixé l'horaire dans un trou de quatre heures dans son emploi du temps de travail. Ce qui faisait que Jayden n'était même pas trop en retard. Refermant son livre, elle se précipita vers lui en voyant qu'il ne s'arrêtait pas. Il cherchait à la narguer en faisant semblant d'avoir oublié leur rendez-vous. Mais elle était loin d'être idiote : Jayden Valentyne n'était pas du genre à trainer dans le couloir de la bibliothèque pour rien. Il la prenait vraiment pour une greluche s'il croyait qu'elle se laisserait leurrer par les airs qu'il se donnait. Elle se planta devant lui, un sourire condescendant aux lèvres - il était vraiment idiot s'il croyait qu'elle tomberait dans le panneau de "je passe par là par le plus grand des hasards et je te vois pas alors que tu es plantée à moins de deux mètres de moi" et le sujet de leur devoir à la main.

- Bonjour Jayden ! Comment-vas-tu ? Tu m'as l'air frigorifié ! Tu étais dehors ?

Elle ne mentionna pas son retard. De toute manière, elle l'avait prévu. C'était fait, c'était fait, elle n'allait pas revenir là-dessus, il n'attendait que cela. Et puis même si ce n'était pas poli, elle n'avait pas à faire à Justin ou à un autre garçon bien élevé. C'était Jayden Valentyne, il ne fallait pas trop lui en demander. Qu'il se soit présenté était déjà quelque chose de très bien et de positif.

- Je te dirai bien "prêt à travailler ?" mais je veux pas te laisser le plaisir de me dire non. Que sais-tu du sortilège Fidélitas ? interrogea-t-elle, quelque peu amusée.

Il aimait énerver les gens, elle le savait. Sauf qu'il ne lui avait pas donné la satisfaction de la ponctualité. Elle ne lui donnerait alors pas celle de la colère. De toute manière, c'était bien trop facile de céder à l'agacement. Alors elle coinça une mèche de ses cheveux derrière ses oreilles et le défia du regard.

Tandis que Valentyne s'emparait de son menton, elle retint son souffle. Elle n'aimait pas du tout, du tout ça, ces manières qu'il se permettait avec elle. Elle n'était pas Kelsey Lorgan, elle n'était pas une vulgaire fille aux mœurs légères. Mais ça, Valentyne l'avait très bien compris au vu du surnom dont il l'avait affublée. Mais elle préférait mille fois être vue comme "Miss Coincée" que comme "Miss Dévergondée", elle avait des principes. Et si elle mourrait d'envie de se dégager de force et de s'éloigner au plus vite de Valentyne, elle savait que ce n'était pas la bonne solution. Il verrait que ça l'atteignait et il prendrait un malin plaisir, encore plus que maintenant. Alors elle se contenta de vriller ses pupilles dans celles de Jayden et de souffler :

- Passe-moi la bague au doigt d'abord, Jay.

Dieu merci, il finit par la lâcher, peu amusé pour son manque de réaction. Satisfaite d'elle - elle avait eut bien raison de ne pas s'emporter - elle serra son livre contre elle. Cela avait été une situation complètement inconvenante et rien que d'y penser, elle se sentait rougir. Elle releva le menton pour se donner une constance et se remit à sourire, ragaillardie par les paroles de Valentyne. Il jouait très mal la comédie, heureusement pour elle. Elle avait distingué le mensonge dans sa voix dès qu'il avait ouvert la bouche. S'il avait vraiment ignoré le sortilège de Fidélitas, il n'aura pas écorché le nom de manière aussi évidente et aussi idiote. Heureuse de retrouver un point d'appui, elle saisit son poignet alors qu'il s'éloignait. Elle avait fait ça pour deux raisons. La première, qu'il retira sa main où elle jurait de le trainer chez la Directrice pour le faire renvoyer. Elle ne supporterait pas que ce genre de comportements existent à Poudlard car s'il se permettait cela avec elle, préfète, il se le permettait avec d'autre. Et si frapper avec ses poings était une chose, cela en était une autre. La deuxième étant qu'il était hors de question qu'il s'en aille. Elle n'en n'avait pas fini avec lui.

- Je mettrai d'abord quelque chose au point. Ose me toucher encore une fois comme cela, moi ou n'importe quelle fille de l'école, et je te jure que je te fais renvoyer. Je ne suis pas Kelsey Lorgan. Et, si tu es en manque d'affection, trouve-toi une copine.

Rien que de repenser à cette main la mettait mal à l'aise. Elle était bonne pour se confesser dès qu'elle le pouvait, pendant les prochaines vacances. Elle ne supporterai pas de ne pas être absoute de cela. Elle baissa les yeux, honteuse à l'idée de ce que lui dirait le Père. Mais ce n'était pas le moment pour penser à cela, elle ne voulait pas montrer que Valentyne l'avait mis plus que mal à l'aise. Elle pouvait supporter les mots mais ne pouvait pas supporter ce genre de contacts physiques, surtout venant de la part d'un garçon tel que lui. Elle releva les yeux vers Valentyne et laissa naître un rictus sur ses lèvres.

- Ensuite, j'aimerai que tu ne joues pas les idiots avec moi. Tu mens assez mal. J'ai entendu dans ta voix que tu connaissais le Fidélitas. Tu peux me qualifier de beaucoup de choses, mais pas d'idiote. Et je peux te qualifier de beaucoup de choses aussi, mais pas d'idiot non plus.

Violent, indécent, paresseux, agaçant... Mais pas abruti, non. C'était un style qu'il se donnait, cela crevait les yeux. Du moins, cela crevait les yeux de Perséphone. Il jouait les méchants, c'en était d'un lassant. Et même dans sa méchanceté, il ne triomphait même pas par des joutes verbales, mais uniquement par sa force physique. Désolant. Certes, tout le monde ne pouvait pas avoir la verve de Cassandre Harper mais pour elle qui mettait l'esprit et la raison au dessus de tout, c'était aberrant qu'on puisse penser uniquement par la force physique. Elle savait qu'il la dominait physiquement et qu'il se permettrait des choses qu'elle n'oserait même pas imaginer. Elle savait aussi qu'en magie, elle se débrouillait bien mais qu'il valait aussi quelque chose. La seule donnée qui lui échappait dans cette équation, c'était l'intellect de Valentyne. Et elle détestait ne pas savoir. Elle lâcha son poignet et planta ses yeux dans les siens.

- Oh, et si tu pouvais avoir l'amabilité de te renouveler dans les surnoms, cela va vite devenir lassant si tu m'appelles toujours de la même façon.

Un sourire naquit sur ses lèvres tandis qu'elle plantait de nouveau son regard dans le sien en haussant les sourcils, narquoise et un peu provocatrice sur les bords, pour tout avouer.

- Utilise ton imagination.

Sans se démonter le moins du monde, Perséphone croisa les bras sur sa poitrine et afficha une moue amusée. Ainsi, Valentyne se prenait pour le professeur Hellsoft à prévoir son avenir ? Intéressant. Elle ne le voyait pas vraiment du style à fixer une boule de cristal pendant des heures, mais si c'était un de ses passes-temps, qui était-elle pour critiquer ? Elle ne croyait pas du tout en la divination, ayant décidément un esprit trop rationnel. Elle était quelqu'un de trop terre à terre pour se laisser entrainer dans des choses aussi nébuleuses et incertaines comme prévoir l'avenir. Elle préférait les réfléxions brutes, les matières faites uniquement de concret. Elle ne comprenait pas qu'une matière comme celle-ci puisse être étudiée en classe mais après tout, c'était une branche de la magie. Et la magie elle-même n'était-elle pas nébuleuse ? Si elle passait des heures entières plongées dans des livres de Runes, c'était aussi pour comprendre l'origine des sorciers et autres créatures magiques. Qu'était la magie ? D'où venait-elle, comment se transmettait-elle ? C'était des questions qui la passionnaient et dont elle comptait avoir la réponse un jour. Elle avait entendu dire que le Département des Mystères faisait des recherches sur cela et elle rêvait d'y participer. Elle poserait sûrement sa candidature après son diplôme de l'université Magique. Elle pensait y étudier les Runes en matière magique et la biologie en matière moldue afin de comprendre comment le gêne magique se transmettait et pourquoi il apparaissait soudainement chez des enfants comme elle, dont les parents étaient parfaitement dépourvus de magie. Mais en attendant, elle devait décrocher ses BUSES et l'attitude de Valertyne l'en éloignait plus qu'autre chose, bien qu'elle soit certaine de pouvoir fournir un excellent travail sans lui c'était uniquement pour le principe qu'elle insistait. Quoi qu'il en soit, utiliser le sarcasme ne ferait pas avancer la discussion aussi opta-t-elle pour une réponse parfaitement neutre.

- Si tu te plais à le penser. Et tu mènes ta vie amoureuse comme tu l'entends, c'est le cadet de mes soucis.

Elle ne bougea pas d'un pouce quand il se mit à tourner autour d'elle et leva les yeux au ciel quand il lui toucha l'épaule en assortissant son contact d'une plaisanterie idiote qui se voulait sûrement intelligente. Légèrement agacée, elle planta ses yeux dans ceux de Valentyne.

- Ton sens de l'humour est juste renversant.

Le sarcasme lui ayant échappé, elle se morigéna intérieurement : cela ne faisait pas avancer leur affaire. Elle devait se montrer ferme sans brusquer Valentyne, qui prendrait mal le moindre sarcasme ou la moindre moquerie, étant donné qu'il était affreusement susceptible. Elle mettait un point d'honneur à ne pas s'énerver et à ne pas perdre le contrôle d'elle même, tout en réfléchissant toujours avant d'agir en pesant le pour et le contre de chaque situation. En l’occurrence, si elle brusquait Valentyne, il la laisserait se débrouiller seule avec leur devoir. Donc elle se devait de bannir l'ironie et le sarcasme de leur conversation. Elle n'avait pas de mal à rester calme, n'étant pas d'un tempérament prompt à s'agiter. Il pouvait donc jouer son petit jeu comme il le voulait, il en fallait énormément pour la faire sortir de ses gonds. Ce qui n'était d'ailleurs jamais arrivé depuis qu'elle était née.

- Pourrai-je savoir quels sont les motifs que tu invoques pour ne pas rédiger ce devoir avec moi, Jayden ?

Et tandis qu'il sortait une cigarette et l'allumait, elle plongea la main dans sa poche pour en sortir sa baguette magique, sans geste brusque pour qu'il ne croit pas qu'elle l'attaquait. Les Gryffondor semblaient assez rapides à se battre en duel. Évidemment, si un combat s'engageait elle était assez sûre d'elle mais ne connaissait pas assez le niveau en magie de son hypothétique adversaire pour calculer précisément ses chances de victoire. Peu importe ce qu'il affirmait, elle était persuadée que Valentyne était loin d'être bête. Il avait fait semblant de mal prononcer le nom du sort, elle en était sûre. Elle ne savait pas pourquoi il s'adonnait à ce petit manège mais était plus que certaine que c'était une couverture, aussi ne le sous-estimait-elle pas.

- Il est interdit de fumer dans l'enceinte de l’établissement, Jayden.

D'un sortilège informulé - qu'elle maitrisait tout juste depuis une semaine - elle transforma la cigarette de Valentyne en sable fin qui lui coula entre les doigts et s'éparpilla sur le sol. Elle aimait beaucoup ce qu'on avait la possibilité de faire avec la métamorphose, cela permettait de déployer toujours plus de créativité. Et en bonne Serdaigle, elle avait une certaine dose de créativité. Elle pointa sa baguette magique sur le petit tas de sable et l'éparpilla dans le couloir à l'aide d'un léger Ventus. Certains camarades lui lancèrent un regard surpris mais ne s'arrêtèrent pas en voyant avec qui elle parlait.

- En tant que préfète je ne pouvais décemment pas te laisser enfreindre le règlement juste sous mes yeux.

Elle croisa de nouveau ses bras sur sa poitrine, laissant dépasser l'insigne qu'elle portait épinglé sur sa robe, mais garda néanmoins sa baguette en main. Pour connaître les frasque de Valentyne grâce aux autres préfets, elle préférait se méfier. Même si elle ne pensait pas qu'il était du genre à frapper une fille. S'il essayait, elle le trainait en Conseil de Discipline sans hésiter un seul instant. Poudlard devait rester une école où l'autorité pouvait s'appliquer sans se prendre un retour de bâton.

- Et ensuite, je peux savoir pourquoi tu refuses de travailler ? Je ne te demande pas grand-chose pourtant, deux heures tout au plus. Et affirme ce que tu veux, mais tu es loin d'être idiot. J'en connais des vrais, des idiots, et crois-moi, tu ne tiens pas la comparaison même dans tes plus mauvais jours !

Elle aurait volontiers cité plusieurs de leurs camarades - Kelly Murdoch et Victor Lloyd par exemple - mais ne pouvait s'y abaisser en étant préfète. Elle ne pouvait se permettre de s'en prendre aux élèves qu'elle était censée protéger, même si ces deux-là ne brillaient pas par leur intelligence, il fallait l'avouer. Elle avait eut affaire plusieurs fois à Murdoch et si elle essayait de rester patiente avec elle, c'était plutôt difficile. Les Serdaigle de cinquième et sixième année avaient l'habitude de parier sur leurs résultats scolaires et si la punition pour les perdants était de passer une journée entière avec Murdoch, ce n'était pas pour rien. Cette fille était un désastre pour tout cerveau humain normalement constitué. Dieu soit loué, elle était une excellente élève.

Est-ce qu'elle était fière de ses résultats ? Bien sûr que oui. Elle était fière de ses capacités, de ses notes, des O sur ses copies et de la magie qu'elle produisait. Elle était heureuse de sa réussite et s'en satisfait. Ce qui était parfaitement normal à ses yeux. La réussite permettait d'ouvrir des voies intéressantes, qui lui permettraient de faire ce qu'elle désirait. C'était logique, il n'y avait pas à se questionner. Alors quand Jayden lui demanda si elle était fière de son informulé et glissa une petite remarque désagréable, sûrement destinée à la vexer avec, elle se contenta de sourire.

- Relativement fière, en effet.

Sans baisser les yeux lorsque Valentyne s'approcha d'elle pour cracher du venin, elle ne sourcilla pas à la moindre de ses insultes. Aucune n'était fondée, logique, réfléchie. Ce n'étaient que des paroles en l'air, sûrement destinées à la vexer mais qui n'agissait pas du tout sur elle. C'était un méchanisme de défense de la part de son condisciple, elle le savait très bien et réagir ne ferait qu'empirer les choses tout en lui donnant le malin plaisir de le laisser penser qu'il avait atteint son but. But qu'elle ne discernait même pas, d'ailleurs. Qu'attendait-il d'elle ? Qu'elle s'énerve, qu'elle l'envoie voir ailleurs, qu'elle s'emporte ou se mette à pleurer en partant en courant ? Aucune de ces réactions n'étaient constructives et ne feraient que donner raison à Valentyne. Aussi, Perséphone se contenta-t-elle d'hausser les épaules.

- Je suis ce que j'ai envie d'être, Jayden, répondit-elle en citant mot pour mot la réplique énoncée par le jeune homme.

En plus, il fallait être honnête. Elle aimait respecter les règles et les faire appliquer elle-même grâce à son poste de préfète. Elle adorait se cultiver, lisait tout ce qui lui tombait sous la main et se régalait de toute goutte de connaissance. Et elle n'en n'avait pas honte. Elle le revendiquait, au contraire. Jayden pouvait bien en penser tout ce qu'il voulait, elle aimait ces traits de son caractère et ne les changerait pas. De toute manière, elle en serait sûrement incapable. Quant à son importance... Elle était persuadée d'être importante. Peut-être pas aux yeux de ses parents et de sa famille, certes, qui semblaient vouloir l'oublier. Et y arriveraient sûrement. Cela la peinait plus qu'elle ne l'avouerait jamais, mais c'était ainsi. Elle ne pouvait y faire autrement. Elle était une sorcière et pas eux. Mais elle avait de l'importance à l'école, elle le savait. Elle assurait bien son poste de préfète, travaillait dur pour soutenir l'équipe de Quidditch de sa maison et rapportait des points grâce à ses résultats. Et elle était importante aux yeux de Wendy, par exemple. Elle était sa meilleure amie, elle le lui avait dit. Alors, il pouvait penser tout ce qu'elle voulait. Mais la logique, qui primait sur tout, le prouvait. Elle était aimée et respectée des personnes à l'école. C'était sa famille ici. Pour remplacer l'ancienne. Celle qui ne voulait pas d'elle. Papillonnant légèrement des paupières, elle chassa l'idée de sa famille de son esprit. Elle ne voulait pas y penser. Elle avait fait un choix rationnel qui ne devait pas être remis en cause. Et elle ne voyait pas pourquoi les paroles de Valentyne lui faisaient penser à ça. Dieu soit loué, il la sortit vite de ses pensées en l'insultant de la manière la plus vulgaire qui soit, sûrement dans une dernière tentative de la faire réagir. Éclatant franchement de rire - elle n'était pas vraiment le genre de filles qu'on classait dans cette catégorie, plus le contraire à vrai dire - elle leva légèrement les yeux au ciel.

- Rayonnage cinq, troisième étagère en partant du haut, sur ta gauche, les dictionnaires. Parce que je pense que toi et moi n'avons pas vraiment la même définition de ce mot, vois-tu.

Mais même si elle avait tendance à calculer les possibilités de réaction de son camarade, elle ne s'attendait sûrement pas à ce qu'il dirige ainsi brusquement vers la bibliothèque en l'invitant à le suivre, de manière un peu cavalière certes, mais tout de même. Avec un petit temps de réaction, elle lui emboita le pas, rangeant au passage sa baguette magique. Ainsi, c'était tout ? Il avait cédé, comme ça ? Après un tel affrontement ? Car mine de rien, c'était un affrontement. Deux forts caractères qui se tenaient tête. Et elle n'était pas du genre à laisser tomber, elle était très tenace comme fille. Elle aimait que tout se passe comme elle l'avait prévu. Et elle n'avait pas prévu qu'il cède ainsi. Oh bien sûr, c'était agréable mais quelque chose murmurait à Séphy qu'il y avait baleine sous gravier. Il avait sûrement accepté pour qu'elle le laisse en tranquille et qu'il puisse végéter sur une table tout l'après-midi pendant qu'elle ferait le travail. C'était déjà un progrès mine de rien. Elle avait réussi à faire céder Jayden Valentyne sur un point. Toute fière d'elle et guillerette, elle s'installa à la même table que lui. Elle avait gagné cette partie. Et n'était pas assez bête pour en engager une autre au risque de la perdre, cette fois-ci. Autant rester sur un coup gagnant. Alors elle sortit son parchemin, attrapa une plume et écrivit le titre de leur devoir.

- En fait... Je n'ai pas besoin de toi. Tu peux partir ou rester là à prendre racine, comme tu le souhaites. Je me débrouillerai bien toute seule.

C'était vrai, elle avait déjà son plan en tête. Elle n'avait jamais eut besoin de l'aide de Jayden Valentyne, elle était parfaitement capable de travailler sans lui et de rendre un devoir parfait. Mais c'était pour le principe, qu'elle avait ainsi insisté. Et maintenant que le principe était respecté, elle n'allait pas lui laisser le plaisir de gâcher sa victoire. Tout en ouvrant son livre de sortilèges, elle jeta un coup d’œil vers son camarade. Peut-être que la psychologie inversée allait fonctionner sur lui, ne savait-on jamais. En voyant qu'elle n'avait pas besoin de lui, peut-être essayerait-il de rester justement pour l'embêter en rédigeant le devoir avec lui. On ne savait jamais, avec un tel garçon. Il ne fonctionnait pas de manière rationnelle. Mais il semblait tellement peu amoureux du travail que cela l'étonnerait fort. De toute manière, elle avait prévu de rédiger seule dès le début. Mais était très satisfaite d'avoir fait céder Jayden. Pour le principe.

- Je mettrai ton nom sur le devoir et affirmerai que tu as rédigé une partie. Mais c'est très gentil de ta part d'être venu m'aider, très généreux.

Ne résistant pas, elle lui adressa un sourire un peu narquois.

- Merci.

Satisfaite, heureuse, amusée et légèrement en train de jubiler, Perséphone abaissa la tête sur son devoir et commenca à rédiger. Les petits plaisirs étaient toujours les meilleurs. N'est-ce pas ?


HRP : A toi de choisir la fin ! Jayden peut rester ou s'en aller, au choix :mrgreen: