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[OS] Blackbird

Cassandre Harper
Cassandre HarperSeptième année
Messages : 364
Profil Académie Waverly
[OS] Blackbird Icon_minitimeVen 9 Nov 2012 - 22:24




11 Novembre 2006

La respiration haletante et le cœur battant, Cassandre se laissa glisser lentement contre le mur, oubliant la paille crasseuse au sol et les courants d'air qui traversaient la volière. Fermant les yeux, elle laissa échapper un sanglot. Elle avait l'impression que le monde entier se dérobait sous ses pieds. Dans un geste de colère, elle lança la lettre de ses parents à l'autre bout de la pièce. Elle ne voulait plus la voir. Elle voulait l'occulter, l'oublier, prétendre qu'elle n'avait jamais existé. Prétendre que tout allait encore bien, que tout allait s'arranger, que le pire était passé. Que plus rien ne pouvait lui arriver.

Blackbird singing in the dead of night


Elle y avait cru. Aux paroles rassurantes de ses parents, aux assurances, aux mots dans le vent, aux promesses bancales. Elle y avait cru. Elle s'était raccrochée à ses certitudes, elle s'était raccrochée à tout ce qui tenait encore debout dans son monde. Ses parents. Son nom. Elle s'était accrochée à du vent, s'était accrochée à un maigre espoir, léger comme un nuage. Et était retombée.

Take these broken wings and learn to fly


Incapable de retenir ses larmes plus longtemps, elle enfouit son visage dans ses bras. Elle n'aurait jamais dû ouvrir cette lettre. Elle aurait dû l'ignorer. Elle n'aurait pas dû espérer. Elle ne savait même pas ce qu'elle espérait. Un mieux. Un plus. Un moins pire. Qui n'arriverait sans doute jamais. C'était fini. C'était terminé. Tout ce qui avait bercé son enfance, le poste de son père, l'amour entre ses parents. Elle le savait très bien, ils ne pouvaient plus la leurrer. Elle avait entendu ce qu'ils disaient cet été. Blottie dans l'escalier, l'oreille tendue, le souffle court. Elle avait entendu leurs mots durs, leurs déchirements. Mais elle avait affirmé que cela allait s'arranger. Elle avait relevé le menton, séché ses larmes et avait continué de prétendre.

All your life


Elle avait toujours cru que tout irait bien. Elle avait été élevée dans cette illusion. Que tout était facile, qu'il suffisait de tendre la main et de fermer le poing. Jamais insatisfaite, toujours choyée et protégée. Le monde extérieur n'était que cette chose lointaine qu'elle entrapercevait dans les journaux. Elle vivait dans le cocon de ses parents, loin de tous les coups, de toutes les déceptions, de toutes les frustrations. Même à Poudlard, elle avait gardé ses illusions. Les autres étaient en tort, jamais elle. C'est ce qu'on lui avait toujours dit. Elle voyait encore tout avec le voile de la facilité, celui qui avait posé sur sa tête dès sa naissance. Ce n'est que maintenant qu'elle se rendait compte de ce qu'était vraiment la réalité. C'était tout ce qu'elle ne connaissait pas, qu'on lui avait caché depuis des années. Et maintenant, c'était terminé. Elle avait grandi. Il était temps de retirer le voile et de plonger.

You were only waiting for this moment to arise


Tout ce que les autres savaient depuis longtemps, c'était à elle de l'apprendre désormais. Elle devait quitter le cocon de ses parents. Cocon déjà bien amoché. Le renvoi de son père, la brisure entre ses parents, le retour à l'école... Tout cela avait commencé à grignoter peu à peu les barrières qui avaient été érigées jusque là. Elles n'avaient pas encore cédées, malgré cela. Pas totalement. Ses parents pansaient les plaies. Avec du vent. Ils essayaient, encore et encore. Même dans cette lettre, où ils lui apprenaient la rétrogradation de son père à un simple poste de cadre. Même quand ils lui expliquaient qu'ils ne pourraient pas garder la maison, qu'ils déménageraient dans quelque chose de moins grand, de moins beau, de moins cher, ils affirmaient que tout irait bien, que ce serait bien quand même.

Black bird singing in the dead of night

Ils la prenaient encore pour une enfant, dont on soufflait sur les plaies, comme si cela allait soulager la douleur. Du vent, de l'air. Elle ne savait même plus s'ils la réconfortait elle, ou s'ils se rassuraient eux-même. Elle ne savait même plus si ses parents étaient conscients de ce qui leur arrivaient vraiment. On pouvait dire que ce n'était pas grave, qu'il y avait pire. Et il y avait sûrement pire. Des morts, des malades, des presques-morts. Mais elle s'en fichait. Tout ce qu'elle voyait, c'était les bases sur lesquelles étaient construites sa vie qui s'effritaient. Tout ce qu'elle voyait, c'était que rien n'avait jamais vraiment été solide, que tout n'était que du sable. Friable et léger. Et qui était emporté par le vent.

Take these sunken eyes and learn to see

Il était temps d'oublier. Tout ce qu'elle avait prévu, tout ce qu'elle avait pensé. Il était temps de changer. Il était temps de grandir. Il fallait qu'elle soit réaliste, qu'elle cesse de se leurrer, qu'elle cesse de prétendre. Tout ne s'arrangerait pas. Rien ne s'arrangerait. Son père ne retrouverait pas son poste, ses parents ne retrouveront pas ce qui les liait et elle ne retrouverait pas le confort et la sûreté de son enfance. Il fallait apprendre à voir le monde sans le voile si doux qui l'avait bercée pendant des années. Il était temps de voler de ses propres ailes, d'oublier le nid chaleureux et les promesses de facilité.

All your life

Elle allait devoir tout faire par elle-même. Comme les autres. Reconstruire sa vie et ses certitudes toute seule. Peu à peu. Relevant la tête, elle sécha ses larmes et jeta un regard vers la lettre abandonnée. Elle allait y répondre. Elle ne savait pas encore quoi, mais elle ne l'ignorerait pas comme les précédentes. Elle ne ferait pas comme si elle n'avait pas vu. Elle ne ferait pas comme si tout allait bien. Cette fois-ci, elle ne ferait pas l'enfant. De toute manière, elle n'en n'avait plus le loisir. Plus le choix. Plus l'envie.

You were only waiting for this moment to be free

La lettre était écrite d'une main tremblante, hésitante. Tout comme l'avenir qui se dressait devant elle. Devant eux. Qu'allaient-ils devenir, désormais ? Elle n'en savait rien. Mais elle savait ce que ce serait à elle de le déterminer. Ses parents ne tiendraient pas. Elle les connaissait trop bien. Elle l'avait trop vu. Elle le savait depuis cet été, qu'ils ne se releveraient pas. Elle l'avait vu dans leurs yeux, dans le comportement de son père. Elle l'avait vu dans les larmes de sa mère, dans les articles moqueurs jetés au feu, dans l'apathie de son père, le soir, devant la cheminée.

Blackbird fly, Blackbird fly
Into the light of the dark black night.


Est-ce qu'elle serait devenue comme ça, elle aussi ? Si rien de tout ça ne s'était passé ? Si tout lui était resté à portée de main ? Serait-elle devenue incapable de surmonter les chocs ? Aurait-elle renoncer à tout à la moindre difficulté, au moindre changement ? Si elle était restée toute sa vie dans l'étreinte de ses parents ? Elle se sentait impuissante face à tout ce qui se passait, elle se sentait faible et abattue. Mais elle savait qu'elle s'en remettrait. Qu'elle continuerait. Elle ne savait pas encore comment, ni quand, mais elle le savait. Parce qu'elle se connaissait. Et parce qu'elle savait qu'elle avait encore du temps, devant elle. Et parce qu'elle le devait. Parce que ses parents ne le pouvait pas. Ne le pouvait plus.

Blackbird singing in the dead of night


Elle devra le faire toute seule, comme une grande. Elle devra passer outre ce qui se passait en ce moment pour continuer. Elle devra apprendre à voler toute seule, après être tombée du nid. Elle devra avancer sans se retourner et sans s'arrêter. Parce que ses parents ne pourront plus l'aider. Sa mère ne restera pas, elle le savait. Elle l'avait dit à son père, cet été. Elle l'avait entendue, cachée dans la pénombre de l'escalier. Ce n'était qu'une question de temps. Le temps qu'elle sorte de Poudlard, le temps qu'elle parte. Et après, sa mère s'en ira. Elle était déjà restée trop longtemps, selon elle. Son père avait une image à tenir, sa femme ne pouvait pas le quitter. Sa mère avait une fille à choyer, elle ne pouvait pas quitter son mari. Cela ne se faisait pas, chez les Harper. On continuait de prétendre, quoi qu'il arrive. Et c'est pour ça qu'ils prétendaient encore que tout allait bien.

Take these broken wings and learn to fly

Elle partait avec du retard, dans la vie. Elle s'était persuadée d'être avantagée et elle était maintenant derrière tout le monde. Elle ne savait encore ce que c'était vraiment, la vraie vie. Elle tâtonnait encore là où les autres se cherchaient déjà. Elle avait toujours été persuadée qu'elle était quelqu'un d'important. Après tout, c'était la fille de, c'est tout ce qui comptait. Mais si elle n'était plus la fille de personne, alors qui était-elle ? Si elle ne se reposait plus sur son nom, sur quoi pouvait-elle s'appuyer pour exister ?

All your life
You were only waiting for this moment to arise

Elle aurait à le trouver, ça aussi. Elle aurait à prouver qu'elle était autre chose que la fille de quelqu'un, maintenant. Elle aurait prouver beaucoup de choses, désormais. Des choses qu'elle croyait acquises pour toujours. Elle devait tout recommencer. Mais seule. Elle aurait à bâtir sa vie, à se rebâtir elle-même. Comme une grande. Elle ne prendrait pas les débris qui restaient. Elle voulait du neuf. Elle avancerait, chercherait, trouverait. Un jour. Elle passerait d'Harper à Cassandre. Toute seule.

Blackbird fly, Blackbird fly
Into the light of the dark black night.

Blackbird fly, Blackbird fly
Into the light of the dark black night.

Black bird singing in the dead of night
Take these sunken eyes and learn to see
all your life
you were only waiting for this moment to be free
you were only waiting for this moment to be free
you were only waiting for this moment to be free


Lentement, comme une feuille d’automne, la lettre s'envola dans les airs, disparaissant dans la brume du matin.



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