Situation suspecte [Juliet]

Juliet accéléra le pas. Elle allait être en retard. Et si d’ordinaire cette perspective ne l’affolait pas plus que ça, aujourd’hui elle avait une bonne raison de se presser. En effet, elle avait promit un peu plus tôt dans la journée à la petite Hellsoft de lui expliquer une notion en Soins aux créatures magiques. Maeva était venue la trouver dans la salle commune ce matin et lui avait demandé de l’aider avec un « s’il te plaaaaait » très convaincant. Cette gamine était vraiment trop mignonne et la septième année n’avait pu qu’accepter. La rouge et or tourna et se retrouva face à un couloir bondé. Elle tenta de se frayer un passage dans la foule, en vain. Regardant autour d’elle pour trouver une échappatoire, elle avisa un couloir peu fréquenté et s’y engouffra. Une fois à l’intérieur elle commença à marcher d’un bon pas. Elle allait pouvoir expédier ce petit cours rapidement et aurait peut être encore un peu de temps pour aller voler tranquillement.

Regardant devant elle, la jeune femme marchait rapidement. Merlin qu’elle bénissait les couloirs pas fréquenté où elle pouvait marcher à sa guise sans être compressée entre deux sacs de cours. C’est pour ça que sa première réaction fut d’être étonnée lorsqu’elle se sentit pousser violement contre le mur. Une grimace s’afficha sur son visage lorsque sa tête heurta la pierre. Sentant une baguette se poser contre sa gorge, la Gryffondor ouvrit les yeux qu’elle avait fermés lors de l’impact. C’est alors qu’elle découvrit le visage d’Aaron Finnigan, un Serdaigle qui lui demanda ce qu’elle lui voulait.

« Bordel de troll Finnigan, mais t’es complètement taré ou quoi ?! »

Elle le fixa avec un regard mauvais avant de reprendre :

« Ce que je te veux ? Ce que JE te veux ?! Putain je te signal que c’est TOI qui vient de me pousser contre le mur et de me foutre ta baguette sous la gorge ! »

Il avait intérêt à la relâcher. Sinon, elle userait de toutes les techniques qui lui passeraient par la tête pour se sortir de là.

« Et puis tant qu’à faire, lâche moi hein, ça m’arrangerait tu vois. »

Un sourire ironique dessiné sur les lèvres, la Poursuiveuse hésita à adopter la technique d'Olivia et de lui cracher au visage. Décidant cependant d'attendre la réaction du bleu et bronze, la Gryffondor attendit.

Aaron était complètement fou. Du moins, c’était la seule hypothèse à peu près valable que Juliet avait trouvé et qui pourrait justifier un tel comportement. Il venait en effet de lui répondre avec hargne que si elle avait sa baguette pointée sur sa gorge, c’était parce qu’elle le suivait. Haussant un sourcil, elle le regarda, méprisante. Fou et paranoïaque en plus de cela.

« Tu es stupide ou quoi Finnigan ? T’es au courant ou pas qu’on est plusieurs à Poudlard ou… ? Non mais parce que si au bout de sept ans tu n’as toujours pas comprit que tu n’étais pas seul dans cette école, je m’inquiète sérieusement pour toi ! »

Faute de pouvoir secouer, elle leva les yeux au ciel, et c’est avec soulagement qu’elle le vit la relâcher et reculer d’un pas. Se passant prudemment une main sur l’arrière du crâne, la jeune femme ne pu retenir une grimace de douleur. Jetant un regard noir à Aaron, elle sentit sa baguette quitter sa poche pour gagner la main du Serdaigle. Haussant les épaules et croisa les bras et attendit qu'il prenne la parole. Ce qui ne tarda pas à venir. Ce dernier se lança dans une petite tirade, qui prit la Gryffondor au dépourvu. Pas bons comédiens ? Le suivre ? Par Merlin, mais de quoi parlait-il ? Et surtout, que pouvait-il bien s'imaginer ? Qu'elle le surveillait ? Qu'elle lui tendait un piège ? C'était vraiment n'importe quoi. Premièrement, elle n'avait jamais, ou alors vraiment rarement, parlé à ce garçon, et deuxièmement, si elle avait vraiment voulu le suivre, elle aurait été bien plus discrète que ça.

"Attend.... Attend, tu penses vraiment que j'essaie de te tendre un piège ? Tu crois que je te suivais là ? Vraiment ? Mais... T'es complètement taré non ?" Elle le dévisagea quelques secondes et reprit : "Wahou, on ne me l'avait jamais faîte celle là. Finnigan, désolée de briser ton rêve, mais je te rappelle, au cas où tu l'aurais oublié hein, que je ne te connais pas. Tu m'expliques ce qui m'aurait poussé à te suivre ? Bordel, t'es un Serdaigle quoi, réfléchit un peu !"

Soupirant, Juliet planta ses prunelles grises dans celle du jeune homme et lança, d'un voix dure :

"Sérieux, dégage maintenant."

Il y avait quelque chose qui n’allait pas. Oui, décidemment, il y avait un problème. Le comportement d’Aaron lui paraissait trop… Trop extrême pour être réaliste. Elle ne connaissait pas le jeune homme, mais savait que c’était un très bon ami de Jeremy. De plus, il sortait avec Twilfit, et Juliet imaginait mal la Serpentard être en couple avec quelqu’un de paranoïaque. Non, ce n’était pas normal.

Regardant le Serdaigle s’énerver, la menacer avec sa baguette, et parler pendant plusieurs minutes, Juliet dévisageait son agresseur. Il avait le teint pâle et les yeux écarquillés, il semblait totalement fou. Alors qu’elle allait tenter un geste pour se dégager, le jeune homme raffermit sa prise en pointant correctement sa baguette sur son cou. Intérieurement, la rouge et or se maudit. Elle aurait pu essayer de s’échapper pendant sa longue tirade. Cependant elle s’était perdue dans les méandres de son esprit, alors qu’elle recherchait vainement un indice pour expliquer un tel comportement. Ou alors elle se trompait complètement et Aaron était juste parano et fou. Possible aussi.

"J'ai raison, c'est ça? C'est pour ça que tu ne dis plus rien tout d'un coup! Eh bien tu diras à Swann que je n'ai jamais rien fait pour mériter ça, et que si elle a un problème, elle vient me le dire directement!"

Prenant conscience que c’était à son tour de prendre la parole, la jeune femme ouvrit la bouche, avant de la refermer, encore indécise de ce qu’elle allait dire. Vu dans l’état dans lequel le Serdaigle se trouvait, lui balancer des répliques acides serait bien plus dangereux qu’autre chose. Après avoir laissé passer quelques secondes, elle se décida enfin et commença :

« Déjà, je ne sais absolument pas de quoi tu parles. » déclara-t-elle, puis elle s’empressa d’ajouter avant qu’il ne la devance : « Mais euh… T’es certain que tu es dans ton état normal ? »

Bon, c’était peut-être un peu brusque comme phrase. Fronçant les sourcils, elle poursuivit :

« T’as pas bu un truc pas net, ce matin, par hasard ? »

Juliet avait toujours été nulle en potion, mais vraiment nulle. Et dans cette situation, elle ne saurait reconnaître si Aaron avait ingéré une potion ou quelque chose du genre. Cependant c’était maintenant clair dans son esprit. Le comportement du Serdaigle n’était pas normal.

« Hé, ça te dit pas d’arrêter de me tenir comme et d’arrêter de me menacer avec ta baguette ? Tu me fais légèrement mal là. »

"C'est toi, alors! C'est toi qui a mis quelque chose dans mon jus de citrouille! Pourquoi? J'exige que tu me le dises!"

En entendant cette phrase, Juliet retint de se frapper le front avec la main. Bon, certes elle ne pouvait pas, vu comment il la tenait, mais la pensée était là. Aaron était complètement fou. Etrangement, il lui rappelait son oncle Louis, un des frères de sa mère. Il avait une tendance à la paranoïa et était toujours persuadé que quelqu’un cherchait à l’empoisonner. Sauf qu’au contraire d’Aaron, il y avait des centaines de raisons de vouloir empoisonner de vouloir empoisonner Louis. En effet, de ce qu’elle savait du Serdaigle, il n’avait pas d’ennemis, ou du moins, cela ne se savait pas. Bon, elle n’était pas une commère et n’était bien évidemment pas au courant de tout, fort heureusement, elle détestait cela. Mais cependant elle n’avait jamais entendu parler d’une violente dispute opposant le jeune homme à une autre personne…

« Bon écoute Finnigan, aux dernières nouvelles, on ne mange pas ensemble. Tu m’expliques comment j’aurais pu venir jusqu’à toi pour verser je ne sais quoi dans ton jus de citrouille sans que tu ne me vois ? » demanda la jeune femme avant d’ajouter, lasse : « Et non, je n’ai pas un complice à Serdaigle qui l’a fait pour moi. »

Soupirant de soulagement lorsqu’il la relâcha, Juliet le fixa, sans véritablement savoir ce qu’elle devait faire, ou dire. Elle pensait qu’Aaron n’était pas dans son état normal, mais pouvait très bien se tromper. Elle ne connaissait pas le garçon après tout. Peut-être était-il victime d’une maladie qui le rendait paranoïaque et complètement fou tous les vendredis treize ? Elle imagina plusieurs solutions, certaines probables, et d’autres moins. Ce fut le Serdaigle qui rompit le silence, prononçant une phrase qui laissa la Gryffondor perplexe. A quoi jouait-il donc ?

« C’est une blague c’est ça ? » questionna la rouge et or, se retenant de ne pas exploser – c’était drôle cinq minutes, pas plus ! « Franchement, tu joues à quoi Finnigan ? Parce que ce n’est clairement pas drôle du tout. »

Lorsqu’il grinça un « J’attend », la stupéfaction de la jeune femme augmenta d’un cran. Il y avait donc décidemment quelque chose qui n’allait pas. Fixant les étincelles vertes et bleues qui jaillissaient de sa baguette, la Gryffondor laissa passer quelques secondes avant de répondre :

« Euh… Sérieusement, t’as quoi ? Tu m’agresses, tu me menaces, tu hurles au complot, et là, tu veux me faire croire quoi ? Que tu viens de tout oublier ? Finnigan, soit t’as un sérieux problème, soit c’est une très mauvaise blague. »

Définitivement, la situation devenait bien trop étrange. Alors que quelques minutes plus tôt il avait sa baguette pointée sous sa gorge, cherchant à tout prix à obtenir des informations qu’elle n’avait pas, Aaron semblait à présent complètement perdu, et Juliet avait l’impression qu’il ne l’écoutait pas vraiment parler. Il devait y avoir une explication rationnelle, logique, à tout cela. Et pourtant, la jeune femme n’en trouvait pas. Elle s’était rarement retrouvée dans une situation aussi étrange. Peut-être qu’elle rêvait ? Non, ce n’était pas possible… Portant sur le Serdaigle un regard interrogateur, la rouge et or émit deux hypothèses : soit il avait un sérieux problème, soit tout ce qui se passait n’était qu’une très mauvaise blague. Aaron lui répondit alors que cela pouvait bien être les deux.

Cette phrase eu le mérite de faire plonger rapidement Juliet dans ses pensées. Une blague ? Mais pourquoi ? Qui pouvait donc bien trouver cette situation amusante ? Quelqu’un se serait amusé à verser quelque chose dans le verre de jus de citrouille du jeune homme ? Et surtout, la question qui revenait tout le temps : « Pourquoi ? ». Pourquoi faire ça ? Non, ce n’était pas possible que tout cela soit planifié depuis le début. Comment quelqu’un aurait-il pu prévoir qu’elle passerait justement par ce couloir ? Et puis, si l’on admettait l’hypothèse de la « blague » qui aurait donc bien pu faire ça ?

« T'as des ennemis? » lui demanda alors le Serdaigle, la tirant alors de ses pensées.

Elle prit quelques instants pour réfléchir. Avait-elle de véritables ennemis ? Elle savait que Kelsey Lorgan ne l’appréciait pas – sentiment partagé – et elle haïssait le petit Keller. A part ça, elle ne voyait pas vraiment… Elle s’entendait relativement bien avec tout le monde. Bon, certes, elle ne portait pas plusieurs personnes dans son cœur. Natasha Damian, Swann Twilfit – cette dernière notamment parce qu’en règle générale elle n’appréciait pas les commères. En règle générale, parce qu’Olivia était tout de même sa meilleure amie. Mais personne qu’elle ne pouvait qualifier « d’ennemis ». Elle s’apprêtait à donner sa réponse à Aaron lorsque ce dernier se courba en deux avant de se laisser tomber par terre. La jeune femme remarqua alors son teint livide et se précipita vers le jeune homme, qui semblait sur le point de rendre son déjeuné.

“Hé, ça va ?” demanda-t-elle stupidement avant de reprendre : « Non, ça ne va clairement pas, d’ailleurs. Tu peux… » Commença-t-elle avant de voir ses yeux papillonner.

Et voilà que le Serdaigle s’évanouissait. S’agenouillant à ses côtés, elle le secoua par l’épaule.

« Hé merde, Finnigan, qu’est-ce que c’est que cette connerie… Bon, et si tu te réveillais Finnigan ? Aaron ? »

Lorsque l’interpellé ouvrit enfin les yeux, Juliet cessa de le secouer et soupira de soulagement. Elle avait été à deux doigts le gifler pour le réveiller, ou de faire léviter jusqu’à l’infirmerie… Le jeune homme grogna un « Foutu mal de crâne en portant une main à sa tête. Alors qu’elle allait lui demander comment il allait, le bleu et bronze lui demanda ce qu’il lui était arrivé. Perplexe, Juliet haussa les sourcils, avant de répondre :

« J’en sais rien… J’crois que t’as bu, ou mangé un truc qui t’as fait devenir complètement fou. Et parano. Et qui, en plus, te file des maux de têtes. D’ailleurs tu veux aller à l’infirmerie ? Ca m’étonnerait que tu puisses aller en cours comme ça. En fait, ça m’étonnerait que tu puisses aller quelque part comme ça. Bref, vient, j’t’emmène à l’infirmerie. Tu peux marcher ou… ? »

Ou bien elle serait obligée de le faire léviter jusqu’à l’antre de Miss Bloomwood ? Attendant la réponse du jeune homme, Juliet se releva, et ramassa sa baguette magique pour la remettre dans sa poche.

Alors qu’Aaron reprenait conscience, Juliet soupira de soulagement avant de proposer au jeune homme de le conduire à l’infirmerie. En effet, elle n’était pas certaine que rester dans ce couloir était la meilleure des solutions. Premièrement parce que le Serdaigle pouvait avoir une nouvelle crise bien plus violente et qu’il resterait évanoui plus longtemps, et deuxièmement parce que dans ce cas là, elle serait dans l’obligation de l’emmener de force à l’infirmerie, et que s’il se réveillait sur le chemin, elle ne serait pas en position de force pour se défendre s’il était à nouveau atteint de paranoïa. Bref, tout ça pour dire qu’elle était bien contente que le jeune homme se soit réveillé.

Il semblait cependant assez patraque. Enormément même. Bon, c’était probablement normal, aussi, vu qu’il venait de s’évanouir. Se raisonnant, la jeune femme adressa un vague sourire à Aaron lorsqu’il approuva son idée, et se baissa afin qu’il puisse s’appuyer sur elle pour se relever. Doucement, ils commencèrent à avancer vers l’infirmerie.

« Pourquoi ? » était une des nombreuses questions qui revenait souvent dans l’esprit de Juliet lors de cette progression silencieuse. Pourquoi Aaron avait agit comme cela ? Pourquoi tout laisser à penser qu’il avait ingéré une potion qui l’avait rendu paranoïaque – et dangereux de surcroît - ? Etait-ce un hasard si elle s’était retrouvée dans ce couloir à cette heure précise, ou alors tout avait été calculé ? Et dans le cas, à nouveau : Pourquoi ? Qui avait-elle comme ennemis en commun avec le Serdaigle ?

Secouant doucement la tête, Juliet soupira. Elle ne comprenait absolument rien à ce qu’il se passait. Visiblement, Aaron non plus, car il lui demanda si elle savait qui lui avait fait ça, et si oui, pourquoi.

« Si j’avais su ce qu’il allait t’arriver, Finnigan, je ne serait pas passée dans ce couloir, au risque que tu me blesses. » débuta-t-elle en haussant les épaules, avant de poursuivre : « Et je me pose exactement les mêmes questions que toi, d’ailleurs. »

Alors qu’ils tournaient à l’angle d’un couloir, l’infirmerie enfin en vue, la jeune femme se surprit à espérer qu’elle se trompait et qu’Aaron avait seulement abusé de Mandragore, ou bien qu’il était vraiment fou. Parce qu’on se le dise, c’était assez suspect, comme situation.