La pièce secrète [Jeremy & Juliet]

Les mains dans les poches, Jeremy avançait dans les couloirs de Poudlard d'un pas conquérant tout en sifflotant une chanson moldue à la mode. Taylor avait passé l'été à écouter cette rengaine pop et Jeremy ne parvenait pas à la sortir de sa tête depuis trois jours. Il appliquait donc la méthode dite "A la volette" qui consistait à chantonner la mélodie pour essayer de se la sortir de la tête. Cela ne fonctionnait pas vraiment, mais qu'importe, c'était une belle journée ensoleillée, propice à la musique. Qui plus est, Jeremy n'avait pas cours ce matin et n'avait pas encore de devoirs. Il avait donc prévu de se promener dans les couloirs avec Juliet, histoire de bavarder et de reprendre possession des lieux après deux mois d'absence.

Ce fut donc un Jeremy de très bonne humeur qui rejoignit Juliet et qui répondit avec enthousiasme à son sourire éclatant.

"Salut Ju' ! Ca va super bien, et toi ? On peut aller où tu veux, peu importe !"

Il haussa les épaules en signe d'indifférence et éclata de rire devant les gesticulations de la jeune fille.

"Oui c'est horrible les fourmis ! T'as raison, marchons un peu, ça passera plus vite !"

Ils avancèrent au hasard dans les couloirs en discutant de tout et de rien pendant un moment. Un peu trop confiant en sa capacité à se repérer dans le grand château, Jeremy ne prit pas garde au chemin qu'ils avaient emprunté et ils se retrouvèrent bientôt dans une allée peu empruntée, qu'il ne connaissait guère. Ce tableau de l'Armée de Dumbledore, par exemple, il ne se rappelait pas l'avoir déjà vu auparavant... Mais tout à sa discussion, il repoussa ce problème à plus tard. Bien mal lui en prit.

"Alors Jer’, sinon, ça va comment la vie ?"

"Plutôt bien, tu sais, la routi..."

CLAAAAAAAAC !

*Comment ça, CLAAAAAAAAC ?*

Un mur venait de se fermer derrière eux, les enfermant dans une salle inconnue. Jeremy fronça les sourcils et sortit sa baguette tandis que Juliet s'acharnait contre le mur pour tenter de l'ouvrir, en vain. La jeune fille finit par se laisser tomber à terre tout en lui demandant s'il savait comment sortir de là, d'un ton stressé.

"Non, je ne suis jamais venu ici et je n'ai jamais entendu parler de cette pièce", avoua-t-il à mi-voix en s'approchant du mur pour l'examiner.

A son tour, il pesa de tout son poids contre la surface lisse. On ne sait jamais, après tout il avait probablement plus de force dans les muscles que Juliet... Malheureusement, ses efforts ne furent pas plus couronnés de succès que ceux de la jeune fille. Sans grande conviction, Jeremy lança un timide "alohomora". Bien évidemment, il resta sans effets. Le jeune homme entreprit de faire le tour de la pièce en cherchant une sortie cachée. Mais il apparut bientôt qu'ils étaient enfermés...

Jeremy rejoignit Juliet et s'agenouilla devant elle, puis posa ses mains sur ses épaules. Il savait que certaines personnes supportaient mal d'être enfermés dans un espace clôt, et il semblait que Juliet en faisait partie. Il pouvait lire une lueur de panique dans ses yeux, et s'efforça d'être rassurant, même s'il n'avait pas la moindre idée de la façon dont ils allaient sortir de là.

"T'inquiète pas, Juliet, on va trouver un moyen de sortir de là. Il y a sûrement un mécanisme à déclencher quelque part, ou alors il faut simplement attendre que le mur se rouvre de lui-même...Ca va bien se passer, d'accord ?"

Il lui fit un sourire rassurant, puis lâcha ses épaules et s'assit à côté d'elle tout en détaillant la pièce du regard.


HRP : je te laisse décrire la salle si tu en as envie, elle peut être complètement vide ou avoir des meubles, des décorations, des objets magiques non identifiés...Comme tu préfères

Face aux paroles rassurantes de Jeremy, Juliet tenta de faire bonne figure et lui annonça qu'elle n'aimait pas être enfermée, avant de faire appel au légendaire courage des Gryffondor. Jeremy haussa les épaules quand elle le remercia et répondit :

"Hé, c'est normal. T'as pas à être désolée, on a tous des trucs qui nous font peur."

Pendant que la jeune fille se levait et recommençait à examiner tous les recoins de la salle, Jeremy essaya de se rappeler de cette pièce, en vain. Il savait à peine dans quelle partie du château ils se trouvaient, et ne se rappelait pas avoir jamais entendu parler d'élèves enfermés dans une pièce qui ressemblait au vieux bureau d'un professeur disparu depuis des siècles... Juliet décida d'affronter la situation en discutant, ce qui n'était pas vraiment étonnant étant donné son débit de paroles habituel.

"Pas de soucis", répondit-il, "notre conversation va être tellement passionnante que tu ne voudras même plus sortir de la pièce de toute façon !"

Malgré son ton faussement joyeux, Jeremy commençait à être sérieusement intrigué et un peu agacé par la situation. Il se remit sur ses pieds et se dirigea nonchalamment vers la table. Il saisit le grimoire poussiéreux qui s'y trouvait et alla s'affaler dans le canapé, qui protesta avec moult grincements. Malheureusement, Juliet ne paraissait pas plus détendue.

"Mais oui, on va s'en sortir. Au pire, si on ne trouve pas la sortie tous seuls, quelqu'un finira bien par s'apercevoir de notre absence et par prévenir les professeurs. Personne n'est jamais resté enfermé bien longtemps à Poudlard !"

Sur ce dernier point, il n'était pas sur de ce qu'il avançait mais il sentait que Juliet avait besoin d'optimisme. D'ailleurs, la jeune fille semblait rechercher une distraction puisqu'elle lui demanda à nouveau ce qu'il avait de neuf à raconter.

"Oh, eh bien, euh... rien de spécial. Ça fait bizarre de me dire que c'est ma dernière année à Poudlard... D'un côté je suis triste que ça soit la fin, mais de l'autre j'ai hâte de passer à la suite. Faut dire que je suis un peu fâché contre mes potes de dortoir, j'ai parfois l'impression qu'ils ont un âge mental de douze ans... Tiens d'ailleurs, je voulais te demander, tu ne sais pas si Olivia se serait amusée à raconter des âneries sur moi ? Sur, euh, sur..."

Jeremy rougit légèrement puis finit par cracher le morceau :

"Sur ma vie sentimentale, enfin, tu vois. Je sais que c'est ta meilleure amie et puis moi aussi je l'aime beaucoup, mais si ça vient d'elle, c'est vraiment pas cool..."

Jeremy ne jugea pas utile de préciser de quels rumeurs il parlait, puisqu'elles concernaient en partie Juliet et qu'il espérait qu'elles ne lui soient pas parvenues aux oreilles. Si la réponse était négative, il creuserait la piste Swann, mais il craignait qu'Aaron l'envoie balader...

"Enfin, bref, c'est pas très grave tout ça. Sinon, mon frangin me manque déjà. C'est bizarre, plus il grandit et plus on est proches... D'habitude on dit que les frères et soeurs sont toujours en train de se tirer dans les pattes, mais faut croire qu'on échappe à la règle. Comme Léah et toi, non ? Comment elle va, d'ailleurs ?"

Le jeune homme cessa de parler, dans l'attente d'une réponse, et ouvrit enfin le grimoire, faisant s'envoler un nuage de poussière.

"Toujours !", s'exclama Jeremy en réponse à Juliet qui affirmait que leurs conversations étaient toujours passionnantes. Bon, ce n'est pas non plus comme s'ils avaient eu des milliers de conversations dans leur vie non plus, mais c'était vrai que Jeremy ne s'ennuyait jamais avec la jeune fille. Il se remémora avec amusement le fameux cours de drague qu'ils avaient donné à Irving ou encore les bons moments passés au barbecue durant l'été.

Jeremy se poussa un peu pour laisser de la place à Juliet sur le canapé et l'écouta avec attention tandis qu'elle parlait des rumeurs. Un sourire fleurit sur ses lèvres lorsqu'elle lui dit être une bonne cible pour les rumeurs. C'était vrai que la septième année avait une réputation pour le moins sulfureuse, ce qui lui donnait qui ne correspondait pas vraiment à la jeune fille intéressante et intelligente qu'elle était.

"Bon, si tu t'en fiches, alors moi aussi", répondit-il en haussant les épaules.

Il l'écouta alors parler de sa petite soeur avec intérêt, riant à la mention du mouton. C'était un peu bizarre comme cadeau pour une jeune fille, à son humble avis, mais il savait que Juliet aimait faire des bizarreries de temps en temps alors il ne dit rien. Il fut heureux d'entendre que Léah semblait s'ouvrir plus aux autres, mais une phrase de Juliet le laissa perplexe.

"Enfin remarque, je suis bien contente qu’elle soit à Poudlard parce que… Enfin, bref."

Que voulait-elle dire par là ? Il n'eut cependant pas l'opportunité de la questionner puisque Juliet s'intéressa au vieux grimoire. Jeremy était maintenant plus intéressé par leur conversation que par la façon dont ils allaient sortir de là, mais il fit l'effort de s'intéresser au livre. Jeremy en tourna quelques pages poussiéreuses et constata avec étonnement qu'il ne s'agissait pas là de l'alphabet qu'il connaissait.

"C'est quoi ça, des runes anciennes ?"

Il tourna encore quelques pages et vit quelques gravures illustrant des espèces de monstres à moitié humains. Il fronça les sourcils.

"Plutôt effrayant", commenta-t-il, "Tu as pris runes, en option ? Parce que je suis incapable de déchiffrer ça..."

Il balaya la pièce du regard, un sombre pressentiment s'insinuant lentement en lui. Il y avait quelque chose de très étrange dans cette pièce. C'était comme si Juliet et lui avaient pénétré dans un lieu interdit, privé, auquel ils n'auraient pas du avoir accès. Il espérait que la solution pour en sortir ne se trouvait pas dans ce grimoire, parce que si c'était le cas, ils étaient enfermés pour longtemps... Comme toujours, Jeremy eut recours à une tentative d'humour pour dissiper son malaise et pour alléger l'atmosphère.

"Si ça se trouve, Virtanen est un vampire et on se trouve dans son antre. C'est là qu'il vient boire le sang de ses victimes, entre deux cours..."

*Ouais, très rassurant, Jeremy, bravo...*

Jeremy chercha en vitesse quelque chose de plus léger à dire, mais rien ne lui vint. Ses pensées ne cessaient de revenir sur les précédentes paroles de Juliet. Le fait qu'elle ait le rôle de la personne forte dans sa famille, les difficultés de Léah... Juliet lui paraissait toujours si pleine d'entrain et de vie qu'il en oubliait parfois qu'elle avait des problèmes, comme tout le monde, et qu'il devait lui arriver de se sentir dépassée par tout ça. Et lui, il avait envie de lui parler et de l'aider, mais il se savait parfois si maladroit qu'il hésitait. Enfin, il se décida et brisa le silence.

"Qu'est-ce que tu voulais dire tout à l'heure ? Pourquoi tu es contente que Leah soit à Poudlard ?"

Conscient que son ton pouvait paraître un peu abrupt, il passa une main nerveuse dans ses cheveux et ajouta :

"Je suis désolé si je parais indiscret, c'est juste que...enfin, tu sais. Je suis là si tu veux parler."

Sur ces paroles si banales, Jeremy baissa la tête et tourna quelques pages du grimoire. Non pas qu'il puisse en comprendre grand chose, cela dit...

Jeremy grimaça lorsque Juliet lui confirma ne pas avoir choisi l'étude des runes. Voilà qui n'était pas pratique, il n'avait pas la moindre idée de comment sortir d'ici... Enfin, avec un peu de chance, la solution n'avait rien à voir avec ce bouquin effrayant que l'on aurait dit sorti tout droit de la Réserve. Jeremy fut content néanmoins de parvenir à faire rire Juliet avec sa blague sur Virtanen, et rit à son tour lorsqu'elle mentionna les loups-garous.

"J'en doute", répondit-il avec amusement. "Si des loups-garous venaient passer la pleine lune ici, cette salle serait dans un autre état, crois-moi. Ce canapé aurait été réduit en charpie depuis bien longtemps !"

Heureusement, Juliet ne l'envoya pas balader lorsqu'il lui posa la question sur sa soeur. Ce n'était pas vraiment le genre de la jeune fille, de toute façon, mais il fallait bien reconnaître que Jeremy se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Détachant son regard du grimoire, Jeremy observa Juliet qui semblait hésiter, chercher ses mots. Il fut alors désolé d'apprendre que son intuition avait été bonne, et qu'il y avait effectivement quelque chose qui l'attristait. Des problèmes de famille... décidément, Juliet semblait les enchaîner. Elle n'avait vraiment pas de chance, songea-t-il en l'encourageant du regard.

"Ma mère fait une dépression."

Un silence suivit ses paroles, pendant lequel Juliet fixa le sol avant de se tourner vers Jeremy. Celui-ci cherchait vainement quelque chose de réconfortant à dire, mais comme souvent lorsqu'il se trouvait confronté à la détresse d'autrui, il ne savait que dire, que faire... Après tout, que connaissait-il sur la dépression ? Rien, personne dans son entourage n'avait du y faire face. La seule chose qu'il pouvait deviner, c'est que la vie familiale pour Juliet ne devait pas être facile tous les jours, entre une petite soeur autiste et une mère en dépression...

Son coeur se serra lorsqu'il discerna les larmes dans ses yeux, et entendit son sanglot.

"Oh, Juliet...", murmura-t-il d'un ton désolé.

Les mots de réconfort s'étranglèrent dans sa gorge et il se contenta de franchir l'espace qui les séparait pour l'entourer de ses bras. Décidément, c'était la deuxième fois que la jeune fille pleurait à cause de ses questions, à croire qu'il était doué pour évoquer les sujets sensibles... D'un autre côté, elle n'en aurait pas parlé si elle n'en avait pas éprouvé le besoin, pas vrai ? Parfois cela faisait du bien de laisser simplement libre cours à ses émotions, pour se sentir mieux ensuite. Il s'abstint de paroles pendant quelques minutes, caressant doucement la chevelure brune/châtain/blonde (rayer les mentions inutiles) de la jeune fille, puis s'écarta et reprit sa place.

"Je suis sincèrement désolé, j'espère qu'elle vite va aller mieux... Est-ce que...est-ce qu'il y a une raison particulière à sa dépression ? Cela dure depuis combien de temps ?"

Tout à leur discussion, il en avait oublié qu'ils étaient censés trouver un moyen de sortir d'ici. Après tout, ce canapé était aussi bon qu'un autre pour s'épancher... Du moins, jusqu'à ce qu'ils commencent à mourir de soif et de faim.

Jeremy attendit patiemment que Juliet lui réponde, conscient que son amie était encore bouleversée par ses confidences. Elle finit par lui raconter le peu qu'elle savait de la dépression de sa mère. Visiblement, ses parents ne lui en avaient pas beaucoup dit, probablement désireux de la protéger de tout ça. Mais Juliet semblait malgré tout endosser le rôle de la personne forte de la famille, qui encaissait tout sans rechigner... Jusqu'à ce qu'elle craque. Cela n'étonnait guère Jeremy, qui avait déjà eu l'occasion de voir cet aspect de sa personnalité. Elle préférait afficher enthousiasme, optimisme et bonne humeur, sans laisser paraître ses problèmes. Même là, dans cette pièce à l'abri des regards, elle semblait réticente à montrer ses larmes à Jeremy.

Pour finir, Juliet orienta la conversation sur Jeremy en lui demandant s'il avait, lui aussi, des confidences à faire. Cependant, Jeremy décida de rebondir sur ses paroles précédentes :

"Tout le monde a besoin de se lamenter sur son sort de temps en temps, Juliet. Ce qui affecte tes proches t'affecte aussi, c'est normal. Cela ne fait pas de toi quelqu'un de faible, au contraire... Tu es quelqu'un de fort, d'ailleurs, tu m'impressionnes tu sais."

Il lui adressa un sourire tranquille avant de réfléchir à sa question.

"Des confidences, hein ? Hum, tu sais, quand je t'écoute parler je trouve que j'ai beaucoup de chance. Je n'ai pas...bon, c'est vrai que ma vie familiale est un peu agitée parfois, surtout en ce moment d'ailleurs... mais je n'ai vraiment pas à me plaindre."

C'était vrai qu'à côté des problèmes de Juliet, les siens semblaient bien dérisoires. Ce qui le tourmentait le plus, c'était l'ambiance délétère qui avait régné tout l'été chez lui. Oh, il lui avait fallut un bon mois pour réaliser que les choses étaient pires que d'habitude. Après tout, les relations familiales avaient commencé à se dégrader plus d'un an auparavant, mais Jeremy avait mis ça sur le compte de la découverte que Taylor était un cracmol... Cependant, désormais, cette explication ne tenait plus. Jeremy avait trouvé son frère particulièrement heureux pendant ces vacances, et il savait que la petite Diggory n'y était pas pour rien...

Fatigué de recevoir des réflexions maternelles peu amènes, et surtout lassé par les disputes entre ses parents, Jeremy avait fini par fouiner. Son père et sa mère avaient toujours eu une relation des plus conflictuelles, aussi avait-il appris jeune à ne pas prêter attention aux éclats de voix... Mais sa mère était si souvent absente "pour le travail" que Jeremy avait fini par trouver cela suspect. Alors il avait piqué les oreilles à rallonge de Taylor et avait...il avait honte rien que d'y penser...il avait un peu espionné une discussion parentale. Mais il n'avait rien appris de concluant, si ce n'est que son grand-père était malade. Jusque là rien de nouveau, le vieux sorcier se battait avec la maladie depuis longtemps, et il ne voyait pas en quoi cela pouvait bien affecter les relations de ses parents... Cette séance d'espionnage avait eu lieu la veille de la rentrée, aussi Jeremy était-il reparti à Poudlard frustré et bien décidé à oublier ces intrigues familiales.

Jeremy hésita une seconde à confier son sujet de préoccupation, puis décida que cela aurait au moins le don de changer les idées de Juliet. Et puis cela lui ferait du bien, à lui aussi, de sortir ces idées de sa tête.

"La seule chose qui me turlupine en ce moment, c'est les disputes incessantes entre mes parents... Au début je pensais que le problème venait de moi, parce que ma mère n'arrêtait pas de m'engueuler, mais j'ai fini par réaliser que ce n'était qu'un...effet secondaire, en quelque sorte. Je me demande s'ils ne vont pas finir par se séparer, un jour. Bientôt. J'ai toujours cru que leurs disputes étaient normales, qu'elles faisaient partie de leur...passion, de leur amour, d'une certaine manière. Mais je crois que je me suis trompé. Peut-être qu'ils ne sont pas heureux."

Il haussa les épaules et sourit doucement :

"Enfin, c'est leur problème, ils sont assez grands pour gérer ça. Du moment que mon frère va bien, moi, je suis heureux."

Tournant la tête vers Juliet, il remarqua que ses joues portaient encore les traces des larmes qui y avaient coulé. Il tendit le bras et lui ébouriffa les cheveux en un geste affectueux.

"Bon, il y a eu assez d'histoires tristes et de larmes dans cette pièce sinistre, tu ne crois pas ? Passons à des confidences plus joyeuses..."

Il se pinça les lèvres et réfléchit à un sujet de conversation susceptible de redonner le sourire à son amie. Il se sentait prêt à lui parler de n'importe quoi, ou presque. Jeremy avait l'intuition qu'il pouvait faire confiance à Juliet, parce qu'elle s'était livrée à lui avec sincérité, sans retenue. Un sourire malicieux fleurit alors sur ses lèvres. Il avait bien une anecdote futile et croustillante à lui raconter, et puisque c'était une fille, elle devait bien aimer les anecdotes futiles et croustillantes...

"Hé, tu sais quoi, je vais te livrer un scoop sur moi-même. Intriguant hein ! Bon, c'est rien de passionnant, mais tu seras la seule à le savoir... Alors voilà. Tu sais, la rumeur selon laquelle j'aurais passé une nuit avec Kelsey ? Eh ben...c'est vrai."

Le silence s'abattit une seconde sur la pièce, avant qu'il n'ajoute avec un peu de précipitation :

"Enfin, c'était qu'une fois, tu vois. C'est pas comme si ça allait se reproduire. Parce que..."

Puis son cerveau décida que les confidences, ça suffisait maintenant, et Jeremy s'interrompit en haussant les épaules à nouveau, les joues rosies.

"Enfin voilà."

Étonnamment, malgré sa maladresse, Jeremy semblait avoir trouvé les mots justes pour soulager un peu Juliet du poids de sa tristesse. A son tour, il se mit à lui raconter ses problèmes de famille et réalisa tout en parlant que c'était la première fois qu'il avait une conversation aussi sérieuse avec une amie fille. Confronté à des filles comme son ancienne groupie Suzanne, ou comme Eva et ses histoires avec Horace, Jeremy avait toujours pensé que les filles rendaient la vie plus compliquée. Pourtant, cette conversation avec Juliet prouvait bien qu'elles pouvaient également rendre la vie plus simple et plus agréable ! Cela semblait naturel de lui parler, parce qu'ils se comprenaient relativement vite et bien, et parce qu'elle n'était pas le genre de personnes à juger les autres. Sans doute avait-elle trop souvent été jugée pour en faire autant...

Quand il eut fini son récit, Juliet lui passa un bras autour du cou puis lui adressa quelques mots.

"Si jamais tu as besoin de parler, je suis là, tu sais. Je suis certaine que cette année va être géniale pour toi. Et ne me demande pas pourquoi, je le sais… Ouais, je ne t’avais pas dit que j’avais un don extraordinaire en Divination ?"

Juliet déposa alors un baiser sur la joue de Jeremy avant de s'écarter. Cela aussi, c'était agréable, songea-t-il en son for intérieur, ce genre de contacts qu'il n'avait pas avec un ami masculin. Enfin, à l'exception d'Irving pour l'embêter, peut-être. Les bisous sur la joue, c'était quelque chose d'exclusivement féminin, et Georgiana le faisait aussi. A la soirée mousse, il y avait eu droit plusieurs fois ! Mais ce n'était pas comme avec Juliet. Un bisou de Juliet lui apportait du réconfort, là où un bisou de Georgiana l'embarrassait et le ravissait à la fois. Enfin, comment ses pensées s'étaient-elles à nouveau attardées du côté de la jolie attrapeuse ? C'était bien trop fréquent ces derniers temps...

Jeremy détourna efficacement la conversation sur un sujet plus léger et plus joyeux que les problèmes de famille. Et, passé sa gêne, il fut plutôt heureux d'avoir osé la confidence. Il avait vu juste : Juliet ne le jugeait pas, au contraire... Et elle lui fit d'ailleurs une confidence similaire, révélant avoir partagé une nuit avec Killian.

Un demi-sourire apparut sur les lèvres du Gryffondor tandis qu'il posait un regard pensif sur Juliet. Sacré Killian ! Il avait toujours été à la fois amusé et à la fois un peu envieux par l'aisance incroyable avec laquelle le Serpentard séduisait, charmait et attirait l'attention autour de lui. Cela dépassait un peu le Gryffondor, qui ne comprenait pas vraiment pourquoi les femmes semblaient toujours fascinée par des beaux-parleurs qui ne les respectaient pas. Car il avait beau apprécier Killian, il ne savait que trop bien la façon dont il traitait les femmes, qui n'avait rien à envier aux méthodes d'O'Connor. La facilité avec laquelle l'un et l'autre parvenaient à envoûter les demoiselles était incompréhensible pour Jeremy, lorsqu'il pensait à leur manque de panache et de subtilité... C'est pourquoi il n'était pas vraiment ravi d'apprendre que Juliet éprouvait ces sentiments pour Killian. Parce qu'il se demandait si Killian était capable de rendre son amie heureuse. Satisfaite le temps d'une nuit, très certainement, mais heureuse...? Et il n'avait aucune envie de voir Juliet souffrir. A en juger par leur conversation précédente, elle avait besoin de quelqu'un qui rende sa vie plus facile et sur qui elle puisse s'appuyer, pas d'un bad boy séducteur qui rechigne au moindre engagement...

Enfin, peut-être qu'il se trompait. Juliet connaissait probablement Killian mieux que lui, et peut-être que Killian pouvait tomber amoureux, lui aussi. Ce n'était pas Jeremy, qui n'avait jamais été en couple, qui allait en juger. Si ses deux amis pouvaient être heureux ensemble, il en serait ravi. Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher d'être un peu méfiant, et d'avoir envie de la protéger.

"Tu dois me trouver stupide, non ?"

Jeremy sortit de ses pensées, réalisant que Juliet attendait une réponse. Elle semblait anxieuse, vu la façon dont elle se mordillait la lèvre, et il lui adressa un sourire pour la rassurer.

"Bien sûr que non. Je serai mal placé pour parler. Je...eh bien, disons que je sais que c'est que d'éprouver des sentiments pour quelqu'un qui..."

Qu'essayait-il de dire ? Il ne le savait pas exactement. Il essayait pour la première fois de mettre des mots sur cette impression étrange qui l'envahissait chaque fois qu'il pensait à Georgiana depuis quelque temps, et cela n'avait rien de facile. Parce que c'était Georgiana, cette jeune fille farouche et passionnée qui l'impressionnait autant par son caractère que par sa beauté. Il ne savait jamais comment se comporter avec elle, il ne savait jamais ce qu'il ressentait pour elle, et il était persuadé que ces sentiments impromptus feraient mieux de rester bien cachés. Il n'avait probablement pas la moindre chance qu'ils soient réciproques, de toute façon.

"Enfin, non, je ne sais pas vraiment. Mais je ne te trouve pas stupide, je sais bien que l'on ne décide pas de ce genre de choses."

Instinctivement, autant pour rassurer Juliet que pour se réconforter lui-même, il étendit le bras et attrapa la main de la jeune fille qui reposait sur le canapé. Il serra doucement les doigts de Juliet et plongea son regard dans ses yeux gris.

"Je suppose que tout serait plus simple si l'on pouvait décider."

Il sentit les battements de son coeur s'accélérer légèrement tandis qu'une constatation faisait le jour dans son esprit. S'il pouvait décider de ses sentiments, il choisirait quelqu'un comme Juliet. Cette fille qui lui ressemblait, avec qui il se sentait à l'aise, lui-même, avec qui tout semblait facile... Oui, mais voilà, on ne choisissait pas. Sa petite voix intérieure s'empressa de le lui rappeler, et il lâcha la main de Juliet aussi vivement qu'il l'avait saisie.

Jeremy ne savait vraiment pas ce qu'il lui prenait, ces temps-ci. Pourquoi il avait toutes ces pensées dans la tête, toute cette confusion et ces émotions encombrantes. Il se détourna quelques instants, les joues rosies, puis s'efforça de reprendre un ton plus léger.

"Peut-être que c'est possible, avec Killian, non ? Je sais que ce n'est pas ce qu'il s'est passé exactement entre vous et je ne le connais pas si bien que ça, mais...Enfin, tout le monde peut changer. Il agit souvent comme quelqu'un qui n'accorde pas d'importance aux sentiments mais tout le monde peut tomber amoureux. Pourquoi pas lui ?"

Lorsque Juliet affirma qu'elle aurait préféré ne pas tomber amoureuse de Killian, il hocha la tête avec compréhension. La plupart des garçons de l'école s'estimeraient heureux de recevoir une telle attention de la part d'une fille comme Juliet, mais Killian était peut-être l'exception. Enfin, il fallait lui laisser le bénéfice du doute et ne pas partir défaitiste. Tout le monde pouvait connaître l'amour, comme le fit remarquer Jeremy pendant que Juliet s'allongeait et fermait les yeux. Bon, la discussion avait au moins eu le mérite de la détendre, songea-t-il en riant intérieurement. Elle n'avait plus l'air stressée par l'idée d'être enfermée dans l'antre du professeur Sanguini...

"Bah, tu connais Killian non ? Enfin je veux dire… Jamais il n’acceptera de se poser. Du moins je crois. Mais bon… Je verrais bien."

"Oui, tu verras bien", conclut-il, "tiens moi au courant. C'est pas bon de ressasser ça toute seule dans ton coin. Promis ?"

Au grand malheur du Gryffondor, la discussion dériva alors sur sa propre vie amoureuse. Il jura intérieurement, se maudissant d'avoir laissé échapper qu'il avait quelqu'un en vue, un peu plus tôt. S'il avait parlé à Horace ou à Aaron, ses amis n'auraient probablement pas relevé, mais Juliet était une fille, et les filles faisaient toujours attention à ce genre de choses.

En réponse au clin d'oeil de Juliet, Jeremy grogna avec une fausse mauvaise humeur et chercha désespérément un moyen de détourner la conversation. Mais ses propres paroles lui revinrent en tête. C'est pas bon de ressasser tout seul dans son coin, il l'avait dit lui-même... Peut-être que dire enfin à haute-voix ce qui lui trottait dans la tête lui permettrait de rendre ses pensées un peu moins confuses... Et Juliet semblait être la bonne personne pour parler de cela.

Tout à son hésitation, Jeremy s'affala un peu plus dans le canapé et laissa errer son regard sur le plafond de la pièce secrète. Il sentait que s'il regardait Juliet, il allait se mettre à rougir bêtement comme un élève de première année interrogé par le professeur Adamson.

"Je ne sais pas, à vrai dire. Il y a bien quelqu'un auquel je pense beaucoup, et...enfin, je veux dire, elle me plait, c'est évident. Dans le sens où je suis attiré par elle, et j'aimerais passer du temps avec elle, et la faire rire, et puis je la trouve géniale. Elle a vraiment du caractère, pas comme ces cruches sans cervelles qui peuplent Poudlard..."

Il poussa un long soupir, avant de conclure :

"Mais de là à dire que j'en suis amoureux, il y a un pas de géant."

Se redressant légèrement, Jeremy coula un regard en coin en direction de Juliet. Cette réponse lui suffisait-elle ? Non, à tous les coups elle allait insister pour savoir de qui il s'agissait, et elle finirait d'une façon ou d'une autre par lui faire cracher le morceau... Autant prendre les devants. Jeremy baissa la tête et confessa d'une petite voix :

"Enfin bref, cette fille c'est...c'est...bon, c'est Georgiana."

A nouveau, il poussa un soupir à fendre l'âme.

"Tu vois, le grand Jeremy Baker pas doué, lui non plus. Elle me tient en piètre estime, enfin peut-être que ça a changé maintenant, mais...pas au point que je l'intéresse aussi, quoi. Donc, voilà, j'essaie de la sortir de ma tête."

Il jeta un regard malheureux à Juliet, et ajouta à mi-voix :

"Mais je n'y arrive pas."