Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal

Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies]

Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
Messages : 2375
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeLun 25 Mar 2024 - 3:55
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Nzoro_10
Néro Davies, 36 ans, frère d'Avalon.

14 juillet 2015


Son visage le hante. Il n’a même pas besoin de fermer les yeux pour le voir. C’est là, partout. Sa peau pâle, un peu grise. Ses yeux gonflés derrière ses paupières fermées. Ses joues affaissées, ses lèvres décolorées. Néro est sorti de la salle en titubant, trop alourdi par le poids de cette image pour marcher droit. Oui, a-t-il dit au médecin légiste. Oui, c’est son frère.

Yvain est mort trois jours plus tôt selon leurs estimations. Overdose. Le mot est tombé comme un coup à l’arrière de son crâne. Ce sont ses voisins qui ont appelé la police, interpellés par la musique qui tournait en boucle depuis plusieurs jours sans s’arrêter. Pas assez forte pour les gêner jour et nuit mais suffisamment pour qu’ils la perçoivent lorsqu’ils se tenaient sur le palier. Ils ont tapé à la porte. Pas de réponse. Ils ont appelé la police, deux agents sont intervenus et ont trouvé le corps inanimé d’Yvain dans son salon.

Néro a reçu un premier appel une heure plus tôt. Numéro inconnu donc il a hésité à répondre. Il s’est décidé au dernier moment, juste avant la dernière sonnerie. Il a coincé son appareil entre son oreille et son épaule, les mains occupées par le papier de verre qu’il frottait contre une planche de bois. Ses gestes se sont suspendus, il s’est redressé avec la gestuelle d’un homme confus et l’air de celui qui est frappé par la foudre. On lui a demandé de venir et il a tout abandonné pour partir.

Il a dû prendre le métro pour se rendre à la morgue. Il est entré dans un wagon bondé, surchauffé, au milieu des londoniens pressés et des touristes heureux. Quatre stations, un changement à Holloway Road et six stations à patienter, dans cet état curieux où le temps passe et ne passe pas. Puis la morgue, l’accueil désolé des personnes qui y travaillent, la pièce refroidie et le corps masqué par un drap. Un médecin a soulevé le tissu blanc pour révéler le visage inanimé de son frère. La première chose que Néro a pensé, c’était que son frère devait avoir froid. Yvain a toujours été un putain de frileux, le genre à se peler le cul au printemps, toujours à se plaindre des températures de l’Angleterre. Puis il a réalisé qu’il était mort.

Qu’il ne ressentait plus le froid.

Qu’il ne ressentait plus rien du tout.

A l’extérieur, devant la morgue, Néro titube. Il y a une masse en lui qui est tellement douloureuse qu’il voudrait se l’arracher, la jeter au sol, la brûler, crier, hurler. Mais il reste là, comme un con, à fixer les voitures qui démarrent et les bus qui passent. Sa seule envie, c’est de parcourir les trois mètres qui le séparent d’un pub miteux et se mettre une caisse avec leur alcool le moins cher, celui qui brûle la gorge et qui pourrait brûler son ventre qui lui donne envie de se plier en deux. L’envie fourmille dans ses doigts, dans sa langue et là, le monstre dans sa poitrine se réveille. Il s’étire, contemple le chaos autour de lui, s’en délecte. Allez. Juste un verre.

Juste le temps de trouver quoi dire à ceux qui ignorent encore tout.

Une lutte s’engage et Néro n’est même pas certain d’en sortir vainqueur. Il est sobre depuis trois ans. Trois ans, ce n’est rien à côté de ses quinze années d’addiction. Trois ans, ça se balaye d’un revers de main. Instinctivement, sa main plonge dans sa poche, serre le jeton de sobriété qu’on lui a remis quelques mois plus tôt. Il le serre à s’en faire mal à la main, à en imprimer les rebords dans sa paume, jusqu’à ce que la douleur puisse concurrencer l’envie qui lui tord le bide. Il souffle. S’éloigne. Prend la direction d’un parc. Il y a des enfants qui s’amusent dans une aire de jeux, qui descendent encore et encore le même toboggan sous les regards attentifs de leurs parents. Néro s’assoit sur un banc, quelques mètres plus loin. Il se force à penser à sa fille. Depuis la mort de sa mère, Aimee vit chez Galaad. Il la voit les weekends, parfois pendant les vacances. Il a bossé comme un fou pour la retrouver, il s’abime les mains à travailler le bois, il s’abime le dos, il lutte tous les jours. Il a promis à Rebecca de s’occuper d’elle, de ne pas la laisser entrer dans le système infernal des familles d’accueil et des foyers. C’est la dernière chose qu’il lui a dit ; elle est morte quelques jours plus tard. C’est con mais cette promesse-là, il sait qu’il ne peut pas la trahir. C’est comme si, en mourant, Rebecca lui avait ôté la possibilité de se défiler. Alors il lutte et ses efforts payent ; Aimee doit venir vivre chez lui à partir du mois de septembre.

Il ne peut pas lui faire ça.

Ses mains tremblent lorsqu’il déverrouille son téléphone. Galaad est le premier qu’il appelle. Son frère répond et là, les mots s’enfuient. Yvain est mort. Il n’arrive pas à le dire. Il reprend. Yvain est mort. Cette fois-ci, il a parlé à voix haute. Galaad reste silencieux. “Qu’est-ce qu’il s’est passé ?” demande-t-il finalement, la voix comme un minuscule filet. Et Néro raconte ce qu’il sait, ce qu’il a compris, ce qu’il a retenu. “Les autres savent ?” Non, il est le premier qu’il appelle. “Il faut les prévenir. Abuelo et abuela aussi.” Puis un silence. Néro devine ce qu’il va dire. “Et les parents.” Il hoche la tête mais son frère ne le voit pas. “Tu veux que je le fasse ?”

Et là, Néro prend une grande inspiration.

“Non, répond-il. Je vais le faire.”

Il doit le faire. Il ne sait pas pourquoi, mais il sent qu’il doit le faire. Que c’est son rôle. Son devoir. La marque de son jeton, toujours imprimée dans sa peau, le lance douloureusement. Il se rappelle de la neuvième étape du processus de sa sobriété. “Réparer ses torts envers ceux que nous avons lésés.”

“T’es sûr ?
-Je vais le faire. Je t’appelle après.”
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2890
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeLun 25 Mar 2024 - 3:59
« Plutôt celui-là, il a plus de caractère je trouve, décide Roy. T’en penses quoi, toi ? 
-Je suis d’accord, l’autre est trop clair, approuva Ignacio avant de se tourner vers leur archimage. On part là-dessus ? »

Abel redresse les lunettes sur son nez et repose sur la table les deux échantillons de parquet qu’il a apportés pour la réunion de chantier du jour. D’un oeil attentif, il examine une dernière fois les deux pièces, l’une à la teinte miel et l’autre d’un brun plus soutenu et hoche la tête.

« C’est un bon choix, il s’accorde très bien avec la couleur qu’on a choisi pour les murs. Je pensais partir sur une pose en chevron, c’est une pose en décalage, comme ça » explique t-il en prenant les lattes pour faire la démonstration. « Ça donne un effet très élégant, ça collerait bien à ce que vous recherchez. »

Il n’y avait pas tant de pièces dans des écuries qui nécessitaient autant de soin et de préciosité sur les finitions, mais concernant la décoration des bureaux de leurs locaux récemment acquis, les deux nouveaux associés étaient tombés d’accord. Il fallait que ça soit raffiné, en accord avec leurs goûts personnels -que Roy a eu le plaisir de découvrir similaires aux siens chez Ignacio- et le type de clientèle avec qui ils espèrent faire affaire ; beaucoup de personnalités publiques, et parmi eux, un certain nombre d’aristocrates qui tiennent la course de chevaux en haute estime, presque comme un héritage familial. Parce que ni Ignacio ni Roy ne proviennent de ce type de milieu, ils font particulièrement attention à ce que leurs locaux pourraient renvoyer comme image et là-dessus, l’expertise d’Abel leur est très utile.

« Parfait, approuve Roy. Tu peux nous montrer où on en est en terme de budget, pour l’aménagement du bureau principal ? »

Abel recherche ses papiers dans sa mallette quand le Pear de Roy posé sur la table se met à sonner. Il s’apprête à renvoyer l’appel d’un geste réflexe mais le nom affiché sur l’écran retient aussitôt son attention.

Néro Davies ne l’appelle jamais. Les relations vont mieux entre Avalon et lui depuis qu’il s’est pris en main pour obtenir la garde de sa fille, Roy l’a revu à plusieurs reprises et a nuancé son avis à son propos. Pour autant, on ne peut pas dire que les deux hommes soient proches, et certainement pas au point de s’appeler mutuellement. Roy se souvient avoir récupéré son numéro de téléphone un jour où il voulait organiser une surprise pour l’anniversaire d’Avalon et de mémoire c’est la seule fois où il a échangé des messages avec lui.

Alors, forcément, il se demande ce qui peut bien lui valoir un appel de sa part en pleine journée et son esprit ne peut imaginer que des scénarios catastrophes ; s’il l’appelle directement, ça concerne forcément Avalon, songe t-il avec un brin d’inquiétude. Elle est restée à la maison avec Alma et à priori, il n’y a aucune raison pour que quelque chose lui soit arrivé, si ce n’est qu’elle entre dans son septième mois de grossesse. Cette pensée le pousse à attraper aussitôt son Pear, en s’excusant auprès d’Abel et d’Ignacio :

« Désolé, je dois prendre l’appel, je reviens. »

Il quitte la pièce qu’ils occupent temporairement comme une salle de réunion et prend l’appel au moment où il pousse la porte de la terrasse extérieure.

« Allô ? 
-Roy, c’est moi. Néro. »

Aussitôt, le ton de la voix de l’aîné Davies interpelle Roy. Elle lui semble plus grave, plus éteinte, aussi. Sans qu’il ne puisse le contrôler, le coeur de Roy se met à battre plus vite dans sa poitrine. Cette part de lui, un peu persuadée que la grossesse d’Avalon se passe beaucoup trop bien depuis le départ pour que ça soit réel, se met en alerte.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Il s’est passé quelque chose ? C’est Avalon… ?

-Non, c’est pas Avalon c’est… » Et là, un silence. Puis une inspiration. « C’est Yvain. Il est… mort. La police vient de le trouver. »

Un long silence lourd tombe. De toutes les nouvelles que Roy imaginait entendre, celle-ci ne figure même pas sur la liste. Il connait très peu Yvain, c’est sûrement le membre de la fratrie Davies qu’il a le moins côtoyé en quatre ans de mariage avec Avalon. Il connaît bien Galaad et Célice, maintenant, il a de bons rapports avec Morgane aussi, il a croisé plusieurs fois Garlan, il commence à fréquenter Néro. Beaucoup moins Yseut, qui semble éviter ses frères et soeurs autant qu’elle le peut. Yvain est le grand absent, celui qui ne fait même pas l’effort de venir aux événements familiaux. Le seul de toute la fratrie à n’être pas venu à leur mariage.

Roy a des récits partiels à son sujet plus qu’une réelle appréciation personnelle de ce jeune homme qui semble être le seul à avoir gardé sa vie antérieure telle quelle après le procès de ses parents. Toujours fourré dans des mauvais plans, en lien avec la canaille londonienne, enfoncé dans ses addictions. Il disparaissait parfois, lui semble-il. Il se souvient avoir déjà vu Avalon inquiète, par moments, parce que plus personne n’avait de nouvelles d’Yvain avant qu’il ne refasse brusquement surface.

Quoiqu’il trafique pendant ces périodes-là, cette fois-ci a été fatale pour lui.

Roy devine sans mal ce qui a pu se passer. Il n’y a pas si longtemps, ce monde de violence était aussi le sien. Une rixe qui a mal tourné. Une balle perdue. Un assassinat prémédité pour avoir fourré son nez là où il ne le fallait pas ou pour avoir eu trop d’ambition. Une overdose. Tout est possible. Il ne pose pas tant la question pour savoir que parce qu’il sent déjà que si Néro l’appelle, c’est que c’est lui qui va devoir faire ce récit à Avalon.

« Qu’est-ce qui s’est passé… ? »


****


Deux heures se sont écoulées depuis l’appel. Roy a rapidement pris congé d’Abel et Ignacio en déclarant qu’il devait gérer une urgence familiale, sans préciser de quoi il s’agissait. Il n’est pas rentré tout de suite. Il a eu besoin d’un moment de solitude pour digérer le récit insupportable qu’il vient d’entendre et trouver quoi faire, maintenant.

Il aurait préféré ne pas avoir à le faire, lui-même, pour être honnête et pourtant, il a décliné la proposition de Néro de prendre le train pour venir en informer Avalon lui-même. « T’as bien fait de m’appeler » lui a confirmé Roy alors qu’il s’excusait de lui faire porter cette charge. Néro a confusément bredouillé qu’il sait que la première grossesse d’Avalon a été compliquée et qu’il n’a pas envie de provoquer une montée de stress chez elle en s’y prenant mal. Ils ne l’ont pas formulé ainsi mais ils le savent tous les deux : c’est une nouvelle trop lourde pour être annoncée froidement, par téléphone, sans personne pour être physiquement présent près d’elle.

Parce qu’ils habitent à Oxford, loin de tous les autres frères et soeurs d’Avalon qui vivent toujours à Londres, que Roy fasse lui-même cette tragique annonce est la solution la plus simple et la plus logique.

Il le sait et pour autant, il aimerait que cette journée dure éternellement pour ne pas avoir à rentrer.

Une part de lui, la plus égoïste, celle qui ne connait pas assez Yvain Davies pour avoir toute l’empathie que la situation mérite, désespère de constater que ce brusque décès arrive maintenant. Roy pense en effet aux conséquences que cet événement peut avoir sur la fin de grossesse de sa femme. Alors qu’elle est si épanouie, si heureuse dans cette période qu’elle peut savourer pleinement, contrairement à sa première grossesse qui avait été si chaotique, Roy doit venir mettre un brutal coup dans cet équilibre si durement gagné.

C’est tellement injuste.

Mais ruminer sur l’ordre des événements n’a aucun effet sur le présent. Roy finit par ramasser son courage à deux mains pour se décider à quitter le parc qu’il a choisi pour refuge. Il passe quelques minutes longues et désagréables à appeler ses parents pour leur expliquer la situation avant de transplaner près de sa demeure.

Le chemin du portail jusqu’au porche ne lui a jamais paru aussi long. Le poids dans son estomac est terriblement lourd quand il pousse la porte de chez lui. Il entend la voix d’Alma dans le salon, puis ses pas qui se précipitent jusqu’au vestibule comme à chaque fois qu’elle entend la porte d’entrée claquer. Roy ne prend pas la peine de retirer ses chaussures ; il ne va pas tarder à repartir.

« Papaaaaa ! s’écrie sa fille, ravie.
-Coucou, cariña. »

Son salut à lui n’est pas du tout aussi enthousiaste que d’habitude et son sourire est forcé mais Alma ne semble pas le remarquer. Elle se jette déjà dans ses jambes pour qu’il la porte, ce que Roy ne refuse jamais, encore moins dans un moment pareil. Embrasser la joue rebondie lui offre un peu de réconfort qui n’est pas superflu à cet instant.

« Tu sais, papa, avec maman, eh bah, on a fait plein de choses aujoudui, raconte t-elle avec entrain en se laissant transporter dans le couloir.
-C’est vrai, ça ? Tu me raconteras tout à l’heure. Elle est où Maman ? »

Roy suit la direction de la cuisine qu’Alma lui désigne. Avalon est près de la bouilloire qu’elle chauffe, sans doute pour se faire un thé. Elle a sorti une boîte à biscuits et Roy devine que celui qui est entamé sur le plan de travail est celui d’Alma.

« Tu manges le goûter avec nous, Papa ? »

Le noeud dans son estomac ne fait que se serrer davantage à la vue de cette douce petite scène de famille qu’il vient perturber. Sûrement, son trouble se lit déjà sur son visage, car le regard inquisiteur d’Avalon se pose sur lui. Roy l’embrasse en cherchant comment se défaire de cette situation. Il se sent incapable de faire bonne figure devant elle alors qu’il porte quelque chose de si lourd en lui.

Devant Alma, c’est un peu moins difficile parce qu’elle est plus crédule et moins observatrice que sa mère.

« Tu sais quoi, p’tit coeur ? J’ai appelé Yaya juste avant de venir et elle a fait tes beignets préférés pour le goûter. »

Le regard de la petite fille s’illumine de gourmandise.

« Des sopapiya ?
-Oui, des sopaipillas. Je t’emmène là-bas pour que tu restes un peu avec eux et je reviens te chercher après, qu’est-ce que t’en dis ? » Parce qu’il sent le regard confus d’Avalon sur lui, il lui dit en espagnol, pour ne pas qu’Alma comprenne : « Il faut que je te parle en tête-à-tête, c’est important. »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 692
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeLun 25 Mar 2024 - 7:41
L’été est doux. Les températures sont agréables sans être assommantes, les jours s’étirent en longueur. Cela fait une semaine qu’Avalon a réduit son activité professionnelle ; elle entre dans son septième mois de grossesse et elle préfère se ménager. Pourtant, les médicomages sont formels ; tout va très bien. Le bébé – c’est une petite fille – se développe bien. Elle bouge beaucoup, surtout le matin, et fait désormais la taille d’un ananas, comme l’informe régulièrement une application téléchargée sur son Pear. Tout va bien, Avalon le sait. Mais on ne sait jamais, alors elle préfère lever un peu le pied. Juste au cas où. Et puis, Alma est en vacances depuis la fin du mois de juin alors cela lui permet de passer un peu plus de temps avec elle.

Ce matin, elles sont allées se promener sur une plage du sud de l’Angleterre, juste à côté de Brixton. Alma a retiré ses petites chaussures pour mettre les pieds dans l’eau et a joué dans les vagues qui venaient lui lécher les mollets. Elles se sont baignées toutes les deux, Alma logée dans les bras de sa mère, ses petits bras autour de son cou, riant dès qu’une vague apparaissait à quelques mètres d’elles. Elle la pointait du doigt, disait “attention !” et Avalon faisait semblant de prendre un air horrifié avant de simplement se redresser pour que l’eau ne caresse que les jambes de sa fille. Elles se sont ensuite un peu attardées sur la plage, occupées à construire un château plus fort que la marée, plus solide que l’écume. Elles sont rentrées à Oxford pour le déjeuner, qu’elles ont pris sur la terrasse à l’ombre d’un parasol. L’après-midi a été plus tranquille ; Avalon a proposé une activité poterie à Alma, elles ont réussi à faire un bol qui ne tient pas droit, dont un bord est plus haut que l’autre mais la petite a décrété qu’elle voulait l’offrir à son père alors elles ont attendu qu’il sèche pour pouvoir le décorer. C’est vraiment laid mais Avalon pense que Roy va l’adorer, juste parce qu’Alma a peint un cœur maladroit dessus.

Maintenant que la table est débarrassée de la terre séchée et des tubes de peinture, Avalon y dresse un petit goûter pour sa fille. Alma mange sagement une banane et un gâteau pendant qu’elle fait chauffer de l’eau pour se servir un thé. Lorsque la porte d’entrée s’ouvre, le regard de la fillette s’éclaire et elle bondit sur ses pieds pour courir à la rencontre de son père avec une exclamation ravie. Avalon a un sourire en l’entendant parler avec excitation de sa journée ; dans ses yeux, chaque jour semble être un merveilleux conte de fée. Elle sort une tasse d’un placard quand Roy pénètre dans la cuisine, leur fille dans les bras.

Il a l’air de celui qui voudrait se trouver ailleurs.

Avalon suspend ses gestes et fronce les sourcils. Elle connait trop bien son mari pour ne pas percevoir l’expression de ses émotions, même lorsqu’il affiche un sourire de façade pour parler à Alma. Ils ont traversé l’enfer ensemble, ils en sortent à peine, elle sait quand il fait semblant d’aller bien alors qu’il porte quelque chose de lourd, de secret, d’encombrant.

“Ça va ?” lui demande-t-elle avec un regard inquiet.

Il ne répond pas à sa question et propose à Alma de la déposer chez ses grands-parents. Elle l’observe sans comprendre et il lève les yeux vers elle. Sa phrase fait tomber un poids dans son ventre.

“Qué pasa ?”
Il lui fait ce regard, celui qui semble dire “pas maintenant” et elle finit par hocher la tête. Le sourire qu’elle adresse à Alma est un peu incertain. Sa voix est plus maîtrisée : “La chance ! Tu feras un bisou à Yaya pour moi ?
-Ouiiii et à Yayo aussi !”

Quelques minutes plus tard, Roy et Alma ont disparu. Commence alors une attente qui lui paraît excessivement longue, pendant laquelle ses pensées fusent. C’est quelque chose de grave, Avalon en est certaine. Quelque chose que Roy doit lui dire maintenant, sinon il aurait simplement attendu le soir, qu’Alma soit endormie. Instinctivement, sa main se pose sur son ventre. Mais non, songe-t-elle, ça ne peut pas être ça. S’il y avait un problème avec le bébé, sa gynécomage l’aurait appelé elle. Ou alors, elle les aurait fait venir tous les deux en urgence à Ste-Mangouste. Ça ne peut pas être ça, se répète-t-elle pour s’efforcer à y croire. Alors elle pense à Vivianne. Sa sœur passe la journée chez Angelina, son amie et camarade de dortoir. De mémoire, les deux filles avaient pour projet d’aller au cinéma. Avalon saisit son téléphone ; elle n’a aucun message de Vivianne depuis qu’elle l’a déposée à Manchester ce matin. Incapable de résister, elle lui envoie : “Tu veux que je passe te chercher à quelle heure, ce soir ?” Vivianne ne met que quelques secondes à répondre : “Vingt heures, c’est possible ?” Et Avalon respire.

Tout va bien.

Tout va bien mais l’attitude de Roy est un grain de sable dans cette croyance. Avalon a les doigts qui fourmillent d’une impatience qu’elle a du mal à contenir. Elle s’occupe les mains pour ne pas penser, nettoie la table, range les feutres d’Alma laissés sur la table basse. Elle se dit que c’est peut-être Toni. Ou Fergus ?

Quand Roy revient, elle a l’impression d’être restée seule des heures. Elle l’accueille avec un sourire incertain, une expression inquiète peinte sur le visage.

“Qu’est-ce qui se passe ? Tu me fais peur...” lui demande-t-elle en fronçant les sourcils, sans le quitter des yeux. La phrase qui lui échappe est prémonitoire mais elle la dit avec un rire nerveux, comme pour mettre l’idée à distance : “Quelqu’un est mort ou quoi ?”



Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2890
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeMar 26 Mar 2024 - 6:56
Roy sait qu’il laisse sa femme dans une position difficile où elle doit gérer l’attente et l’ignorance pour le temps qu’il revienne. Mais lui faire cette annonce alors qu’Alma est présente avec eux lui semble être une très mauvaise idée. Il n’a pas envie que leur bébé voit sa mère s’effondrer et il n’a pas envie non plus qu’Avalon se fasse violence pour contenir ses émotions devant elle.

Quelques instants plus tard, sa mère lui ouvre la porte de chez elle avec un regard inquiet, tout en offrant un grand sourire à Alma. Roy lui accorde une minute pour lui expliquer dans les grandes lignes ce qui se passe, en espagnol, avant de dire qu’il doit filer. Il patiente une seule minute de plus pour récupérer toute une boite de sopaipillas et d’autres douceurs de sa part -sa manière à elle de témoigner son soutien et apporter du réconfort- laisse sa fille déçue de le voir partir le retarder encore quelques minutes, le temps de lui expliquer qu’il ne reste pas mais revient très vite.

Dix minutes en tout, c’est peut-être le temps qui s’écoule entre son premier et son deuxième transplanage. Quand il retrouve Avalon, elle a changé d’expression, ses gestes sont nerveux et son sourire est forcé. Sa tentative de plaisanterie, elle, fait tomber un silence épais, insupportable. Roy baisse les yeux, se laisse quelques secondes pour rassembler son courage. Il s’approche du plan de travail, pour y déposer sa boîte pleine de beignets chauds, avant de revenir vers Avalon.

Mon Dieu, qu’il déteste devoir faire ça. Comme il appréhende l’effet que va avoir cette annonce sur sa femme. Comme il aurait aimé faire n’importe quoi pour lui éviter une telle peine. Il se met à sa place et il est à peine capable d’imaginer la douleur que ce serait pour lui d’entendre qu’Adrian, Irina ou Jason est brutalement mort dans la nuit, seul, sans que personne n’ait pu l’anticiper.

La gorge nouée et la mine défaite, Roy s’approche d’Avalon, tend les mains vers elle pour caresser ses bras et amorce un discours mainte fois répété dans sa tête :

« Néro m’a appelé tout à l’heure. C’est par rapport à ton autre frère… Yvain. » Son estomac se tord et son coeur bat à toute allure dans sa poitrine, sur cette seconde suspendue où il n’a pas encore prononcé le plus difficile. Il révèle, d’une voix éraillée : « Il a été retrouvé mort d'une... d'une overdose. »


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 692
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeMar 26 Mar 2024 - 16:36
Ses mots résonnent longtemps entre eux. Quelqu'un est mort ou quoi. Elle a dit ça comme une plaisanterie, comme pour mettre à distance ce doute insidieux qui s'agite. Elle aurait voulu voir Roy secouer la tête, dire « non, c'est pas ça » mais il baisse les yeux et une part d'elle sait avant même de savoir. Elle le regarde sans le voir ; il dépose une boîte dans la cuisine puis s'avance vers elle. Il pose ses mains sur ses bras et elle a un mouvement de recul presque instinctif. Elle n'a pas du tout envie d'entendre les mots qui s'apprêtent à sortir de sa bouche.

C'est forcément quelqu'un qu'ils connaissent tous les deux. Les prénoms fusent immédiatement dans son esprit ; Toni, Fergus, Jayce, Isobel. D'autres noms lui viennent après, tournent en boucle dans son esprit, se heurtent contre ses lèvres mais elle ne peut rien dire, rien demander. L'angoisse lui tord le ventre, lui fait mal à la gorge.

Puis Roy parle et là, ses pensées se taisent. Il prononce le nom de son frère mais elle ne comprend pas. Il ne parle jamais de Néro, encore moins d'Yvain. Roy connait peu le premier et n’a croisé le second qu’à quelques reprises ; si quelqu'un devait l'informer de quoique ce soit les concernant, ce ne serait pas lui. Voilà sur quoi son cerveau s'arrête, comme s'il refusait d’admettre cette vérité qui s’esquisse. Yvain ne peut pas être mort, c’est impossible. C’est absurde, même ; c’est son petit frère, il ne peut pas mourir.

Lorsque le mot “overdose” sort péniblement de la bouche de Roy, le silence que conserve Avalon se fait plus lourd. Elle sent qu’il y a un poids dans son cœur, un autre dans son ventre mais elle n’en ressent même pas les effets ; c’est comme si elle était anesthésiée. Elle ne ressent rien du tout, juste un immense vide qui la fait questionner la véracité de cette annonce. Pour l’instant, ce ne sont que des mots sans sens, sans image. Dans sa tête, c’est le calme plat.

Elle n’a pas vu Yvain depuis quatre ou cinq mois. Peut-être même six, elle n’arrive pas à compter. Ils se sont croisés à Leeds, chez leurs grands-parents. Il était là, affalé dans le canapé du salon, les yeux perdus dans l’écran de son téléphone. Avalon a dit “salut”, il a dit “salut” et elle a lancé “ça fait longtemps, c’est cool de te voir”. Il a haussé les épaules et a lâché un “ouais” sans quitter son portable des yeux. Cette scène se joue et se rejoue dans son esprit.

Mais non, Yvain n’est pas mort ; ça ne peut pas être leur dernier échange.

Le premier mot qui sort de sa bouche témoigne de cette impossibilité à réaliser qu’elle vit désormais dans un monde où son frère n’existe plus.

“Non...” Elle secoue la tête, recule. Roy la regarde avec une lueur désolée au fond des yeux et ça lui fait un effet insupportable. “Mais non... Si Yvain était... S’il lui était arrivé quelque chose, Néro m’appellerait moi...”



Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
Messages : 2890
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeSam 30 Mar 2024 - 1:04
Roy connaît sa femme. Il sait qu’il y a peu de chances qu’elle fonde en larmes devant lui, sur le coup de l’annonce. Il peut compter sur les doigts de la main les moments où il a vu Avalon pleurer, avec une petite exception pour la période très traumatique qui a directement suivi l’enlèvement d’Alma.

Là, le choc est trop grand. L’annonce est trop violente, trop inattendue. Sans grande surprise, son premier réflexe est de se réfugier derrière une protection. Chez Roy, cela aurait été la colère. Chez Avalon, c’est le déni.

Alors elle s’accroche à un détail qui est en effet surprenant mais qui n’invalide en rien ce qu’il est en train de lui dire. Roy ne réagit pas tout de suite, il ne relève pas l’absurdité de ce raisonnement, il ne souligne pas que personne ne ferait de mauvaise plaisanterie sur un tel sujet, ni lui ni Néro. Ses yeux glissent vers le bas, vers ce ventre bien rond qu’Avalon porte depuis quelques mois. Ses mains saisissent délicatement les siennes, alors qu’il reprend la parole avec la sensation que chaque mot pèse trois tonnes :

« Néro t’a pas appelé parce que… Il voulait pas que tu entendes ça au téléphone. Ou que tu sois toute seule à ce moment-là. Il s’inquiétait pour… le bébé. »

Il n’y a pas grand-chose à dire de plus alors Roy s’arrête. Il est prêt à répondre à toutes les questions qu’elle se pose, si gagner du temps est ce dont elle a besoin pour encaisser la nouvelle. Car c’est tout ce qu’ils font, actuellement, gagner du temps jusqu’au moment où Avalon finira par craquer.

Et Roy redoute que ce moment ne vienne trop tard.


Roy Calder

Walking on the sunny side

KoalaVolant
Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 692
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitimeLun 1 Avr 2024 - 3:34
Parce que son déni se dresse sur de fragiles échasses, il s’effondre au premier argument rationnel. Avalon baisse les yeux vers son ventre rond, le visage figé par le vide qu’elle ressent à l’intérieur. Elle reçoit chaque information comme une indication purement factuelle. Yvain est mort. Ok. Néro ne l’a pas appelé pour éviter qu’elle apprenne cette nouvelle seule. Ok. Il était inquiet pour le bébé. Ok. Elle n’a pas besoin de Roy pour comprendre les raisons de cette crainte ; elle les porte dans sa chair depuis la naissance prématurée d’Alma. Le stress, ce n’est pas bon pour les bébés.

Ok.

Avalon recule de quelques pas, l’esprit à la fois bouillonnant et immobile. Elle marche jusqu’au canapé, s’y installe, coince ses mains entre ses cuisses. Yvain est mort. Elle se le répète comme si, au bout de trois fois, elle allait réussir à y croire. Yvain est mort. Elle ne ressent rien, c’est comme un brouillard épais dans sa tête. Deux années de psychothérapie n’auront pas permis d’annihiler ses réflexes défensifs ; Avalon s’accroche à tout ce qu’elle peut pour ne pas plonger dans le vide vertigineux que cette nouvelle ouvre en elle. Elle se maintient à la surface en reprenant les faits, les preuves et tous les éléments qui peuvent nourrir ses pensées anesthésiées.

“Comment...” Elle s’interrompt lorsqu’elle réalise que Roy lui a déjà donné cette information. Elle reprend : “Depuis quand ?” Puis : “C'est Néro qui l'a trouvé ?”


Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
Something I can not repair [Roy, Avalon & fratrie Davies] Icon_minitime