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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha]

Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeLun 29 Jan 2024 - 23:18
2 SEPTEMBRE 2023

Laine chaude, ouatée. Crépitement du feu, couleur lune froide, glacier, nuit bleue, pourtant brûlant. Douceur tendre et mortifère de la paresse. Paupières lourdes comme deux lingots jetés à la mer et qui coulent, irrémédiablement. Filtre à peine la lumière tremblante des flammes. Elles se tordent, s’enroulent, se dressent, éclatent, et se reflètent au fond de mes pupilles, à peine visibles, à peine éveillées.

Je cligne des yeux.

Dans mes tempes bat un mal qui s’enfonce jusque dans la moelle. C’est de ces moments où mon corps, tétanisé de fatigue, se laisse mourir au fond d’un cocon de chaleur moite que rien ne saurait briser.

Au début, je luttais. Au début c’était il y a au moins… Des années… En arrière. Je me souviens, je crois ; je luttais contre la léthargie qui plongeait mon esprit dans un bocal de formol. J’essayais de l’en sortir. Je m’agitais, je grattais le couvercle avec mes ongles. Peu à peu – je ne sais plus à partir de quand,- j’ai doucement abandonné.

Ça m’a soulagé. J’ai laissé aller ce poids que je portais à bout de bras. Ce poids, c’était moi, bien sûr. En le laissant couler ainsi comme on regarde s’en aller un morceau de bois posé sur l’eau, j’ai trouvé autre chose.

La culpabilité.

– Hmmm… »

Ma gorge déploie un faible grognement, tandis que je tâche de m’extraire de la couche de plaids qui me recouvrent. J’ai dû m’assoupir. Ma bouche est sèche, mes yeux brûlent. Mon bureau n’a pour toute lumière que le feu qui s’agite dans son cercueil ouvert et projette ses ombres de fantômes mouvants dans le pli des murs et autres recoins secrets. Avec un effort, je parviens à me redresser, alerté par le son d’une présence à l’arrière de mon fauteuil.

– C’est toi…  dis-je mollement, comme si quiconque d’autre que Sasha avait accès librement à l’intérieur de mon bureau.

D’un geste vague, je lui désigne la pile de rapports qui couvre une table basse, accolé au mur. Le désordre règne plus que jamais.

– Passe-les moi, s’il-te-plaît.

Je sais pourquoi elle vient. Mon esprit s’éclaire lentement alors que l’épais coton de la somnolence se lève. Se lèvent avec l’oubli et me reviennent les images d’un rêve à demi éveillé, un rêve doux tressé d’étoles et de brise estivales. De chevelures rousses.

– J’ai fais un rêve… Ho, dis-je en comprenant de quoi il était question.


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Sasha Benson
Sasha BensonLangue-de-Plomb
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeLun 5 Fév 2024 - 16:54
Il était tard pour se trouver encore au Ministère, même pour Sasha. La journée avait été longue, et pas assez productive à son goût. Elle avait dû sacrifier une partie de son après-midi pour représenter le département des Mystères à l'une des commissions budgétaires du Ministère. Présenter les chiffres du département, demander le renouvellement de leurs budgets, négocier chaque dépense, ce n'était pas la partie du boulot qu'elle préférait. Elle était plutôt douée pourtant -sa ténacité lui valait d'être détestée par tous les financiers du Ministère- mais elle avait tendance à considérer que ce genre de réunions était une perte de temps.

Elle savait toutefois que c'était un privilège de pouvoir y assister et d'y représenter le département des Mystères. Elle se faisait voir, elle se faisait connaître, et ce serait utile à sa carrière. On voyait beaucoup Sasha, ces derniers temps. Cela faisait des mois, peut-être même des années, que l'on voyait plus souvent Miss Benson que Monsieur Egalité dans ce genre de réunions administratives. Cela convenait très bien à la jeune femme, qui profitait de l'absence de son supérieur pour empiéter un peu sur ses plates-bandes.

Elle s'arrêta justement devant la porte de son bureau, comme chaque soir, et frappa doucement contre le battant en bois. Pas de réponse. Elle avait l'habitude. Elle déverrouilla la porte d'un coup de baguette et pénétra dans le bureau, qui se trouvait dans le même état chaotique que ce matin. Constantine s'était endormi sur le canapé, à moitié enseveli sous un plaid. Sans se soucier de le réveiller, Sasha se dirigea vers une petite armoire accrochée au mur, avec des gestes automatiques qui trahissaient une certaine habitude. Elle en sortit plusieurs fioles qu'elle disposa sur le bureau. Le bruit avait dû réveiller le propriétaire des lieux, qui émergea finalement du coma.

"Qui d'autre ?" répondit-elle sans lever les yeux du mélange qu'elle était en train de préparer.

Elle délaissa momentanément les fioles de potion, le temps d'attraper la pile de rapports et de la tendre à Constantine. Elle ne dit rien mais son regard était chargé de reproches. La relecture de ces rapports était due depuis déjà quelques jours. Retournant à sa préparation, Sasha écouta d'une oreille distraite la confession de son supérieur, concentrée sur son dosage. C'était un exercice délicat, que de préparer un traitement suffisamment efficace pour le maintenir dans un état de fonctionnement presque correct, sans lui permettre de retrouver toute l'étendue de ses capacités. Elle était persuadée qu'en consultant un nouveau médicomage et en augmentant un peu le dosage de certaines de ces potions, Constantine s'en sortirait bien mieux que ça. Cela l'arrangeait que ce ne soit pas le cas, et qu'il soit suffisamment désintéressé de son propre sort pour s'en préoccuper.

"Tiens. Elle lui tendit le verre dans lequel elle venait de concocter un délicieux mélange de stimulants intellectuels, d'anti-dépresseurs et de potion pour la mémoire. Un rêve de quoi ?"

C'était une conversation qui aurait pu paraitre un peu trop personnelle, pour le milieu professionnel dans lequel ils évoluaient, mais ils avaient depuis longtemps franchi les limites de ce qui était approprié ou non. Quand Sasha était entrée en apprentissage aux Mystères, à sa sortie de Poudlard, Constantine connaissait déjà ses secrets les plus sombres, et elle les siens. Elle avait dû déployer beaucoup d'efforts, pour percer les défenses mentales de son professeur de Legilimancie. Déjà, à l'époque, elle se plaisait à lui concocter de savants mélanges de potions...

21 juillet 2011

Cela faisait plus de trois semaines que Sasha prenait régulièrement des cours de Légilimancie avec Egalité. Trois semaines qu'il n'était disponible que tard le soir, tôt le matin, ou même au beau milieu de la nuit. Trois semaines qu'il faisait tout pour lui rendre la tâche insupportable, mais trois semaines qu'elle n'abandonnait pas. Chaque leçon la laissait épuisée et frustrée. Son professeur avait déterrés ses souvenirs les plus enfouis, les plus honteux, les avait commentés sans la moindre pudeur, et continuait de faire s'effondrer ses barrières mentales comme un simple château de cartes.

Ces derniers jours, pourtant, elle avait remarqué que l'exercice lui demandait plus d'efforts. Il paraissait presque aussi fatigué qu'elle, à la fin de leurs leçons, et il mettait de plus en plus de temps à percer la bulle de ses souvenirs. Elle aurait voulu croire que cela était uniquement dû à ses progrès et à son travail acharné, mais elle savait que ce n'était pas le cas. Depuis le début du mois, et à chaque fois qu'ils se voyaient, elle lui avait fait boire une quantité non-négligeable des anti-dépresseurs que prenait sa mère. Des petites fioles violettes fournies par Ste-Mangouste et dont l'étiquette indiquait, au niveau des effets secondaires "Fatigue, vertiges, lenteur, confusion".

Elle affaiblissait l'esprit de Constantine quand lui l'aidait à renforcer le sien, et elle espérait bientôt pouvoir renverser le rapport de force. Il en savait trop sur elle. Elle avait besoin d'accéder à sa mémoire, de lui voler des souvenirs, de lui arracher des secrets.

Alors ce soir, quand ils furent installés à leur endroit habituel, en pleine campagne anglaise, face au soleil qui déclinait, elle lui tendit comme à son habitude le thermos de thé qu'elle avait gentiment préparé avant leur rendez-vous.

"On commence ?"

Elle avait toujours hâte de commencer les leçons. Un enthousiasme qui se retrouvait généralement terni après quelques échecs. Mais peut-être que ce soir serait son jour de chance.



A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Sasha2023
Constantine Égalité
Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeMer 14 Fév 2024 - 16:35
Le papier est froid et rêche sous mes doigts engourdis. J’observe les mots follets s’agiter sur le blanc crème du parchemin, en petites danses sinueuses. Je cille. Ils font comme des poèmes incompréhensibles, comme des litanies infinies de suppositions, comme des abysses de doutes. Ils glissent en moi une angoisse qui rampe et sinue. Le cœur soudain froid, j’écarte la liasse de mon visage ; sur le front, un peu de sueur et de peur mélangés.

– Heu… »
Je prends machinalement le verre. Y bulle une mixture que mon organisme appelle de toutes ses forces. J’y plonge les yeux, dans cet enfer épais où se mélange les causes et les conséquences de tous mes actes. J’ai hâte d’en sentir sur ma langue l’amertume dégoûtante et l’acidité. De le sentir couler, sirupeux, dans ma gorge serrée.

Avec les années, j’ai compris ce que Sasha y glissait. Ce n’est plus un jeu entre nous, c’est simplement notre façon de partager quelque chose. Elle sait que je sais. On fait semblant de rien.

Parfois j’espère qu’elle va y mettre un peu d’arsenic, mais cela n’arrive jamais.

– J’ai rêvé de Joséphine, » dis-je. Il a fallu quelques secondes à mon esprit embrumé pour rappeler à lui la vision. « Et de Camille, bien sûr. »

Je rêve toujours de Camille, lorsque je rêve de Joséphine.

– C’était un souvenir étrange, on était en famille, ils étaient mariés et avaient un enfant très grand… » Mes sourcils se froncent, puis se haussent dans un élan de surprise amusée : « ha ha ! C’était toi, leur enfant. Ah, qu’est-ce-que tu te serais fait chier, avec mes parents. »

Je sers le verre entre mes doigts, mon regard se perd dans le vide.

– Je me demande comment elle va.»

21 juillet 2011

Une envie m’anime : celle de me coucher là et de dormir. Même sur la terre humide, même aux pieds de Sasha, je suis prêt à profiter d’un sommeil sans lendemain. De toutes ma vie je n’ai jamais été aussi rincé ; je m’applique à ignorer tous les signaux que mon corps et mon esprit me donnent.

Il y a quelques explications : entre les leçons que je donne à Benson -qui eut pensé que je sois professeur de quoi que ce soit un jour ?- et les incursions que nous faisons, Danielle et moi, au cœur de l’enfer chaotique qui me sers d’esprit, il me paraît normal que l’épuisement atteigne enfin mes capacités cognitive. Je dors peu, je travaille beaucoup. Le reste du temps, je suis dans ma tête, ou dans celle de Sasha. Ni l’une, ni l’autre, ne ressemblent à de petites promenades délicates au bord de l’océan.

L’esprit de Sasha est surprenant de mauvaises surprise. En quelques mois, j’ai découvert les recoins les plus retors de ses fantasmes et de sa personnalité. Elle a l’appétit d’un grizzly adulte. Elle a déjà tué quelqu’un. J’ai essayé d’en parler avec elle, mais c’était peine perdue.

En m’assaillant avec un vertige que je prends soin d’ignorer, je prends le thermos qu’elle me tend.

– Merci. »
Je me trouve un peu essoufflé, et pressent qu’autant que pour mon travaille, ma concentration va être pénible à mobiliser.
Le thé est chaud et sucré sur ma langue, réchauffe ma poitrine et mes doigts serrés autour du thermos. Je me dis, dans un espace de clarté éveillé comme un rayon de soleil révélé soudain d’entre deux nuages, que je suis trop fatigué. C’est une pensée brève, inhabituelle, sur laquelle je m’arrête à peine tant elle me semble étrangère et saugrenue. Il y a pourtant en moi un sentiment d’alerte qui hurle, étouffé par la ouate.
Je passe une main sur mes yeux.

– Allons-y.»

Je jette mon esprit contre celui de Sasha.


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Sasha Benson
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeMer 21 Fév 2024 - 14:19
Dans le dos de Constantine, Sasha est occupée à ranger les fioles de verre dans la petite armoire contre le mur. Elle lui jette un regard désabusé par-dessus son épaule quand il lui explique avoir rêvé de Joséphine, et de Camille. Elle retient une remarque ironique sur l’absence d’originalité de sa réponse et poursuit son rangement, attendant la suite. Pour n’importe qui d’autre, continuer de rêver si souvent de son frère disparu il y a vingt-cinq ans et de l’ancienne petite-amie de ce dernier aurait parut inquiétant. C’est la norme chez Constantine.

Avec les années, Sasha a eu un assez bon aperçu des évènements et des relations tordues entre ces trois protagonistes. Il s’est passé des choses terribles, sur lesquelles elle n’a émis aucun jugement, et qui lui permettent de comprendre un peu mieux l’homme qu’elle a en face d’elle. Elle sait que, depuis ces évènements, il lutte contre la culpabilité, les regrets et les remords. Elle sait aussi qu’il a perdu ce combat depuis longtemps.

"Un rêve, pas un souvenir, le corrige-t-elle mécaniquement en refermant l’armoire. Il avait une fâcheuse tendance à confondre un peu trop les deux. C’est nouveau ça, commente-t-elle en se tournant vers lui quand il ajoute que, dans son rêve, elle était la fille de son frère et de Joséphine. L’idée est absurde. Tes parents m’auraient adorée. »

Tous les parents l’adorent. Sauf les siens. Elle a été première de sa promotion, puis une employée modèle, elle est polie, flatteuse, bien élevée, et sait parfaitement se faire passer pour plus sympathique qu’elle ne l'est vraiment.

La remarque suivante de Constantine lui arrache un soupir. Elle ne connait pas cette fameuse Joséphine. Elle ne l’a vue qu’au travers des souvenirs de Constantine. Mais quelque chose lui dit qu’elle doit certainement aller mieux, et que ce n’est pas sans lien avec le fait qu’ils ne se soient pas vus depuis douze ans.

"Tu pourrais facilement le savoir."

Elle ne parle évidement pas de prendre des nouvelles, comme on le ferait auprès d’un vieil ami. Mais Constantine est directeur de département, il y a certainement plusieurs enquêteurs de la justice magique qui seraient ravis de lui rendre ce service.

"Tu veux que je demande un rapport ?"

****

Sasha souffle lentement, profondément, elle vide ses poumons et son esprit en même temps. Elle verrouille sa mémoire, remplit son cerveau d’un vide épais et opaque. Elle se prépare à un impact, qui se révèle moins violent que les fois précédentes. Cela fait quelques jours déjà, qu’elle résiste mieux aux tentatives d’intrusion de Constantine dans son esprit. Aujourd’hui, toutefois, la tâche est plus facile. Elle mobilise encore toute la concentration de la jeune femme, mais lui demande moins d’efforts.

C’est un bras de fer étonnement confortable. Elle n’a qu’à opposer une résistance tranquille, constante. Son bras ne tremble pas, elle n’est pas fatiguée. Elle pourrait rester ainsi pendant des heures, à lutter juste assez pour empêcher son adversaire d’avancer. Et pour la première fois, elle sent qu’il suffirait d’un petit effort supplémentaire de sa part pour renverser la situation. Une pression supplémentaire du poignet pour coucher le bras de Constantine.

Les doigts de Sasha se referme sur sa baguette, posée dans l’herbe à côté d’elle. Elle inspire calmement, maintient ses défenses. Elle lève sa baguette et la pointe sur Constantine.

« Legilimens. »

Elle entend sa propre voix comme s’il s’agissait de celle d’une étrangère, au loin. Un fourmillement parcourt son bras, son épaule, sa nuque. L’instant d’après, c’est elle qui projette son esprit contre celui de Constantine, et cette fois-ci, elle sait qu’elle va réussir.


A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Sasha2023
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Constantine ÉgalitéDirecteur du Département des Mystères
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeMer 28 Fév 2024 - 18:18
– Hein ? dis-je, au plus fort de ma réthorique, lorsque Sasha m’intime de ne pas confondre rêves et souvenirs.

Sa remarque met quelques secondes à accomplir son trajet. Je la dévisage, les sourcils légèrement froncés, cherchant à comprendre où est situé l’erreur de mon discours, incapable de comprendre à quoi elle fait allusion. Quand mon esprit s’éclaire, c’est à peine ; pas beaucoup plus qu’un fragment de bougie presque morte dont la flamme vacillante lutterai contre le vent. Comme si je n’était plus capable de sentir la distinction évidente entre ces deux notions, je les contemple, incertain.

– Rêves, souvenirs… murmures-je comme pour moi-même alors que Sasha referme le placard.

Puis je rigole.

– Tout le monde t’adore.

J’ai un doute [est-ce que Sasha montre son vrai visage à l’univers ; est-ce-qu’elle se cache au monde ; est-ce-que les autres savent ce qu’elle est ; est ce qu’elle laisse entrevoir l’araignée sous la jolie peau diaphane ; est-ce qu’elle ment ; est-ce que je sais qu’elle ment ?] que je cache sous un nouveau rire.

– Tout le monde t’adore, pas vrai ? Tu es la plus belle représentation de ce que tout parent souhaiterait avoir.

Je souris, sans être cruel, un sourire difficile à lire qui dissimule : peut-être mes souvenirs diffractés m’abandonnent-ils, ou peut-être ai-je conscience que les parents de Sasha n’ont pas pour elle le même émerveillement que le reste du monde.

– Et non, tendre, merveilleuse fille, ajoute-je en l’attirant à moi.
Je la force à s’assoir, plus pour lui prendre des mains la décoction qu’elle m’a préparé que pour la sentir près de moi. D’un trait, je bois le contenant, qui infuse aussitôt mes émotions, calme mon esprit.

– Je ne supporte plus les rapports, j’en ai trop. Tu sais, fais-je en fermant les yeux et en me renfonçant dans le canapé, appréciant la chaleur des coussins, il me suffirait d’entrer dans sa tête. Je pourrais tout y voir.

Mes pupilles bleus glaces éclairent le silence comme un flash et agrippent Sasha dans leur fenêtre de paupières, à peine ouvertes.

– Je pourrais faire pareil avec toi, Sasha. Mais c’est plus amusant de passer du temps à me demander ce qu’il se passe dans cette petite tête de psychopathe. Hm ?
Le feux crépite dans l’âtre froid. Je me demande combien de temps Sasha va me garder dans cet état pathétique.

– Qu’est ce qu’il se passe, là-dessous ?

***

J’entend à peine sa voix, perçois à peine son geste, et son esprit fait irruption dans le mien avec la violence d’un cognard renvoyé à pleine vitesse. J’arme toutes mes défenses, mais saisie d’une apathie de fond, Sasha n’a qu’à tendre le bras pour faire tomber un à un les murs.
Brusquement, c’est la panique.

La fatigue me térase. C’est comme si je m’observais de loin, tenter de bâtir un chateau de sable plus vite que la mer ne revient. Je me rend compte, en empilant le sable informe, que l’énergie qu’il me reste se dissous dans cet effort et qu’il ne m’en reste pour rien de plus. Sasha entre. Avec son pieds, elle balaie ma ridicule architecture spongieuse et regarde autour d’elle. Dans un assaut déterminé, pathétique et inutile, je cherche à la jeter hors de moi, en vain. Elle n’a pas besoins de résister beaucoup pour ne pas se laisser balayer par mon pauvre souffle.

– Qu’est ce que tu m’as fais, parviens-je à prononcer.

Ma voix résonne, affaibli. Je sais qu’elle n’a pas pu progresser autant. Qu’il n’existe aucun monde où ses efforts dépasseraient si vite ma propre maîtrise. J’ai conscience de mon savoir-faire, je suis parfaitement certain de son propre niveau.

Si cela ne vient pas d’elle, alors ça vient de moi. Et je repense à la fatigue, amplifiée, consécutive, aux vertiges et aux symptômes, et j’additionne machinalement, incertain et dans le désordre, et la conclusion draine tout le sang de mon visage, aussi bien dans le plan physique que psychique.

– Bien sur. J’aurais du m’en douter.

J’ai un rire aigre, sans joie. Je tente de garder à distance les souvenirs que je voudrais lui cacher mais bien sur, ce sont eux qui crient le plus fort.

– Sort d’ici, Benson. Sors ou dit adieu à ta carrière.

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle ne le fera pas.


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Sasha Benson
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeVen 1 Mar 2024 - 16:01
"Tu pourrais ? s'étonne-t-elle quand il lui répond qu'il pourrait simplement entrer dans la tête de sa chère Joséphine, et tout y voir. Même à distance ?"

Sa curiosité est réelle et balaie des considérations éthiques qui ne l'ont jamais arrêtée. Elle se fiche complètement que cette femme n'ait rien demandé, qu'elle n'ait pas envie que Constantine fasse irruption dans son esprit sans frapper, l'idée que ce soit possible la fascine. Une part d'elle est impressionnée par l'idée d'un tel talent, une autre est jalouse de ne pas le posséder.

"Seulement si je te laissais faire", rétorque-t-elle en tournant la tête vers lui quand il prétend qu'il pourrait tout aussi bien voir dans sa tête à elle.

Elle est révolue, l'époque où il pouvait entrer dans son esprit à sa guise, et se servir parmi ses souvenirs sans qu'elle ne puisse l'arrêter. Elle a eu le temps de progresser, en douze ans, et plus personne ne peut forcer la barrière de sa mémoire sans son accord, pas même Constantine Egalité.

Pourtant, elle le laisserait certainement faire, s'il essayait. Si elle l'arrêtait, ce serait uniquement par orgueil. Elle n'a plus rien à lui cacher, plus de secrets à protéger. Il connait ses souvenirs les plus intimes, les plus sombres, aussi bien que s'il s'agissait des siens. Il a fouillé les recoins les plus noirs de son passé et il connait des aspects de sa personnalité que peu d'autres ont aperçu.

Elle n'est pas fière de ce constat, mais Constantine est certainement la personne qui la connait le mieux. Il sait très bien, ce qui se passe dans sa tête de psychopathe. Elle le soupçonne même de savoir qu'elle limite volontairement les effets de son traitement pour le maintenir dans cet état où il est plus facile à gérer.

"Tu sais très bien ce qui s'y passe. Elle soupira et renverse sa tête en arrière contre le dossier du canapé, ses yeux clairs perdus sur le plafond de la pièce. A moins que tu n'aies oublié ça aussi ?"

***

Elle a réussi. Elle est entré dans la tête de Constantine. Elle est tellement surprise qu'elle manque de se déconcentrer et de détruire le pont fragile qu'elle a construit entre son esprit et le sien. Elle se force à garder son calme, à maintenir la pression continue qu'elle exerce pour imposer sa présence dans cet endroit où elle n'est pas voulue.

Elle entend la voix de Constantine, qui lui parait un peu étouffée, lointaine. Elle n'y prête pas attention. Elle n'écoute pas ses ordres, elle ignore sa menace.

Sa carrière est déjà finie. Il a compris qu'elle avait abusé de lui, il sait qu'elle l'a piégé, et il ne le lui pardonnera jamais. Il fera tout ce qu'il peut pour qu'elle ne soit jamais recrutée au département des Mystères ou à Skye. Elle ne peut plus compter sur son aide, si elle veut profiter de son soutient elle devra l'obtenir par la force.

Sasha sait qu'elle n'aura qu'une seule chance. Que si elle ne parvient pas à découvrir les secrets de son mentor, tout sera terminé pour elle. Son coeur bat un peu trop vite et un peu trop fort dans sa poitrine, elle sent des gouttes de sueur perler sur son front sous l'effort que lui demande cet exercice, mais elle ne faiblit pas. Elle n'a pas le droit à l'erreur, elle doit viser juste du premier coup. Elle ne pourra tirer qu'une seule flèche.

Elle résiste à l'urgence de se plonger dans le premier souvenir à sa portée. Elle lutte contre l'envie de fouiller frénétiquement dans cette mémoire qui défile autour d'eux, mal rangée, décousue. Elle ne peut pas se contenter de n'importe quel souvenir, elle doit trouver le bon, celui qu'il ne veut surtout pas qu'elle voit.

Elle sent toute l'énergie de Constantine s'ériger comme un bouclier autour d'un souvenir en particulier et elle dirige son attention sur celui-ci. C'est celui-ci qu'elle veut voir. Elle mobilise toute sa force mentale, elle se concentre, elle prend le temps de viser sa cible. Et elle tire.


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Constantine Égalité
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeJeu 7 Mar 2024 - 21:17
Je suis surpris et je le montre, en levant vers Sasha deux sourcils haussés et la clarté innocente de mon regard.

Je pensais qu’elle savait. Je cherche vaguement à comprendre pourquoi, mais si peu de temps que c’est comme une pensées fugitive et infirme qui traverse mon esprit. À peine un battement d’aile, aussi léger qu’un papillon.

Et puis, au fond, je me rappelle que cela n’a aucune importance.

– Probablement même à distance, oui, réponds-je calmement.

Ce n’est pas pour lui rendre service que je suis honnête avec elle, non. Je sais que si je ne lui donne rien, elle le prendra. Je sais qu’il n’y a plus aucun sens, depuis longtemps, à ce que moi, Constantine, je lui dissimule quoi que ce soit. Elle est mon ange gardien et mon démon personnel. Ma bienfaitrice et mon bourreau.

– Il y a une période où je voyais ce qu’elle voyait. Ça s’est estompé, mais je suis convaincu du fait que nos esprits ont encore un lien, quelque part.

Le temps pour moi se mélange et je reste vague sur des détails qui, de toutes façons, n’intéressent probablement pas ma tarentule. Elle me dévisage, veuve noire aux traits graciles, et je peux lire l’avidité qui joue dans les reflets de son iris une danse affamée. Je la connais par coeur. Elle n’a aucune résistance au pouvoir. La moindre miette l’appâte aussi sûrement qu’une goute d’eau un assoiffé. Bientôt elle voudra tout savoir et peut-être pour se faire, se rendra t-elle directement à l’essence de ce que je lui offre. Mon esprit est pour elle un livre dont elle peut tourner les pages, parce qu’elle s’assure qu’il conserve une légère clarté, tout en restant bien faible.

– Peut-être que toi et moi, on pourrait arriver à un résultat similaire, dis-je sur le ton du sarcasme, si on se cherchait encore un peu, je suis certain qu’on parviendrait à reproduire ce que j’ai crée avec Joséphine. Ça te plairait ?

Mon sourire s’est fait aigre. Ce serait terrible d’avoir Sasha dans ma tête. Et pourtant il y a un sentiment, une sensation, lointaine, enfouie, qui palpite et expire d’un soulagement profond à l’imaginer dominer, écraser, encore un peu plus de moi.

– Si j’oubliais, tu me redonnerais la mémoire ?

***

La flèche frappe, évite les leurs que je dresse sur sa route. Elle esquive et plonge pour mordre au coeur.

Camille. La boucle, qui se joue, qui dure, qui revient, des heures, toujours, non loin, omniprésent. Camille, des brides d’abord de souvenirs tendres, puis l’atmosphère terni de danger, de cris, et enfin le couteau. La sensation de la lame qui entre dans la chaire, transperce le muscle, heurte l’os, dévie, s’enfonce profondément dans l’estomac. La terreur. La douleur. Les muscles figés, le souffle coupé, comme au premier jour. Le déni et l’horreur qui valsent autour de moi leur danse infernale, et moi qui devient fou.

Ça ne lui suffit pas.

Lou Virtanen, enfant, minuscule, incapable de se défendre. Son esprit pulvérisé. Il me faut moins de trois secondes. Chloé, l’annonce de sa disparition, de sa mort.

Et Joséphine.

Soudain tout devient clair. Tout devient évident. Ma rencontre avec Sasha. Ce petit chantage que je l’ai autorisé à mettre en place. La drogue infusée dans mon corps, que j’ai bu comme si je ne m’ apercevais de rien. Mes barrières qui s’effondrent. Tout, tout devait conduire à cet instant où Sasha Benson, antisocial, sans empathie, plonge dans les cauchemars qui hantent ma réalité.

Je voulais qu’elle voit.
Je voulais qu’elle juge.
Je voulais que n’importe qui me condamne et j’ai senti que pour ça, elle serait la meilleure.
J’abaisse toutes mes barrières. Je n’offre plus aucune résistance à ses intrusions. Je lui donne mon passé, dans ce qu’il a de plus intime. Je lui offre ma culpabilité dévorante, ma haine de moi, et mes regrets. Je me donne à elle comme je ne me suis jamais donné à personne.

C’est un carnage que j’ajoute à ma liste d’atrocités.


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Sasha Benson
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeSam 9 Mar 2024 - 9:29
La possibilité qu'un lien suffisamment fort existe entre Constantine et cette Joséphine pour leur permettre de partager leurs pensées, même à distance, est effrayante et fascinante. Il pourrait, s'il le souhaitait, faire irruption dans la tête de cette femme, sans s'annoncer, et y voir tout ce qu'il voulait. Cette idée était scandaleuse, révoltante même, mais attise terriblement la curiosité de Sasha. Elle se ment en se persuadant que c'était un intérêt purement scientifique, mais elle savait que personne dans cette pièce ne l'aurait vraiment crue.

"Tu n'as jamais eu envie d'essayer ?" Elle tourne la tête vers lui, le braquant dans son regard clair.

Le fait qu'ils soient en train de parler d'une vraie personne, avec une vie privée, et le droit qu'elle soit respectée, est devenu parfaitement secondaire.

Elle hausse les sourcils, intriguée, quand son mentor affirme qu'ils pourraient parvenir au même résultat tous les deux. Et elle secoue négativement la tête à sa question chargée de sarcasme. L'idée d'avoir en permanence Constantine dans un coin de sa tête ne lui plait pas vraiment. C'est pourtant déjà presque le cas, ils ont suffisamment exploré leurs esprits respectifs pour ne plus rien avoir à se cacher de leurs souvenirs, mais elle tient à ce qui lui reste d'indépendance. La réciproque, bien sûr, est beaucoup plus attirante, mais elle est consciente que ce type de lien fonctionne nécessairement à double-sens.

"Pas vraiment non, répond-t-elle simplement en quittant Constantine des yeux pour les reporter sur le plafond au dessus d'eux. C'est trop mal rangé chez toi."

L'esprit de Constantine est à l'image de son bureau, surchargé, sens dessus dessous, sans aucun repère temporel. Elle a appris à s'y retrouver, à naviguer les eaux troubles de sa mémoire, mais c'est un endroit qui l'angoisse.

Sa question suivante la laisse songeuse un instant. La mémoire. Son sujet de prédilection. Son terrain de recherche préféré. Elle est entrée aux départements des Mystères avec l'idée de parvenir à rendre la mémoire à son père. Douze ans plus tard, elle n'y est pas parvenue. Parce que les souvenirs de son père ne sont sauvegardés nul part, il n'y avait aucun autre gardien de sa mémoire que lui-même. Les choses seraient différente avec Constantine. Elle connait si bien ses souvenirs qu'elle pourrait certainement les lui rendre, si un jour il venait à les perdre.

"Tu ne préfèrerais pas oublier ?" s'étonne-t-elle finalement.

Il vit si mal avec certains de ses souvenirs, elle est persuadée qu'il serait plus heureux s'il en était débarrassé. Elle sait aussi que le bonheur n'est pas ce qu'il recherche.

***

Les images défilent vite, presque trop vite pour que Sasha puisse les analyser. Elle se concentre sur l'essentiel.

Un duel au corps au corps, qui se termine sur un coup de couteau fatal entre les deux hommes, presque enlacés.

Une enfant d'à peine deux ans, sa courte mémoire sans défense, ravagée par une intrusion d'à peine quelques secondes.

Une femme rousse, dans une pièce que Sasha reconnait comme une cellule de Skye, à bout de force, qui supplie que ça s'arrête.

Elle aurait dû être terrifiée. Elle aurait dû être dégoutée par toutes les horreurs commises par Constantine Egalité. Pourtant quand elle rompt finalement le lien entre leurs deux esprits, le regard de Sasha brille de curiosité, et d'incompréhension.

Elle a senti la culpabilité écrasante, les regrets, les remords. Et c'est ça qu'elle ne comprend pas. Comment l'homme qui lui fait face peut-il encore souffrir des conséquences d'une moralité qu'il a si souvent bafouée ? Comment peut-il être capable du pire, tout en étant un juge si sévère de ses propres actions ?

Il ne lui a montré que le mal qu'il avait causé, pas celui qu'on lui avait fait, qui pourtant doit exister aussi, car l'un ne va pas sans l'autre. Il voulait qu'elle voit ses crimes, et quoiqu'il en dise, c'est lui qui les lui a offert, comme un aveu.

"C'était qui, l'homme, dans la première vision ?" demanda-telle finalement, comme s'ils n'étaient pas en train de discuter du pire souvenir de Constantine mais d'un sujet parfaitement théorique.

Lui n'avait pas eu la moindre délicatesse en disséquant ses souvenirs à elle, lors de leurs premières séances, et elle n'avait pas l'intention de se montrer plus clémente.


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Constantine Égalité
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeDim 24 Mar 2024 - 14:40
Un grattement, dans l’ombre, au fond d’un tiroir. Un grattement fin et aigüe contre le bois. Un couinement chiffonné, puis le claquement sec du mécanisme qui s’active magiquement, et le tiroir coulisse. En jaillit une petite hermine qui vient se lover au creux de mon cou, après avoir jeté à Sasha un feulement agressif.

C’est un bébé. Elle mesure à peine quelques centimètres de long. Sa fourrure crème brille de reflets ocres à la lumière du feu. Elle s’appelle Oona. Elle a mauvais caractère, mais moins que Chevalerie. Sans doute capable de reconnaître un plus gros prédateur, elle déteste Sasha. Quant à moi qui suis loin d’en être un, elle me laisse jouer avec elle, me laisse la nourrir, et me tiens compagnie.

Son intrusion a détourné mon attention de la discussion, dont je perds le fil alors que ma concentration se focalise sur ce petit être d’une agilité stupéfiante. Je l’admire, sourire conquis. Son pelage est doux et chaud et me transmet une agréable sensation de torpeur, alourdie par la drogue qui se distille dans mon organisme comme l’écoulement paresseux d’une rivière. Un long silence suit la question de Sasha avant que je ne réalise qu’elle a parlé.

– Hein ?

Je la regarde et voit sur moi ce regard qu’elle a lorsqu’elle attend une réponse : noir, attentif, terriblement statique. Je fouille dans ma mémoire pour invoquer la discussion qu’on vient d’avoir. Faire immerger du fleuve moite qui me sers d’esprit notre dernière interaction me demande quelques longues secondes.

– Ha.

Nouveau silence, les yeux perdus dans le feu qui crépite, les doigts machinalement occupés à divertir Oona qui couine et siffle de contentement.

– Si, dis-je finalement, si, bien sûr. Tu sais très bien ce qu’elle représente pour moi.

Le dernier îlot de douceur qui me lie à Camille. Cet écrin vivant qui contient sur mon frère un savoir précieux et sincère, intime et profond. La seule qui l’ai connu aussi bien que moi, et qui l’ai aimé.

– Tu ne préférerais pas oublier ? 
Je ris faiblement.
– Qu’est-ce que tu en penses ? Qu’est-ce que tu ferais, à ma place ?

Quelques années plus tôt, j’ai fais l’acquisition d’une pensine. J’avais toujours évité l’attraction de ces objets. Leur simple présence suscitait en mois une profonde angoisse et une attirance presque physique. Le besoin terrifiant d’y plonger l’esprit et d’y revivre les boucles les plus heureuses de mon existance. Retrouver un apaisement depuis longtemps disparu. L’envisager rendait mes mains moites, me trouvait fiévreux, me faisait trembler.

Un jour avec peut-être la même culpabilité qu’un homme attiré par l’alcool pour les mauvaises raisons, j’ai cédé à cet élan.

C’est à présent ma dépendance. Elle me conforte. Je peux y voir seulement ce que je désire y voir, autant de fois que je le souhaite. Je m’y suis conçu un monde passé fais de douceurs. J’en ai banni toutes ces choses que je n’oublie jamais, alors que j’oublie tout. Et parfois je rêve d’y ajouter les souvenirs de Joséphine pour agrandir mon mirage et le nourrir de nouvelles histoires.

***

Lorsque les visions s’éclaircisse et que la réalité reprends doucement corps autour de nous, je m’attends à trouver sur le visage de Sasha, si ce n’est une peur, du moins une méfiance justifiée.

Il n’y en a pas l’ombre d’une trace.

Elle m’observe avec curiosité, comme elle observerait un animal étrange ou un nouveau sujet de recherche. Un frisson nerveux me parcours face à ce regard. Je crois qu’à cet instant précis, je réalise qu’elle est ce que j’aurais voulu être, sans jamais y parvenir.

– C’était qui, l’homme, dans la première vision, demande-t-elle aussitôt.

D’abord je ne comprends pas sa question, parce qu’il me semble absurde que, de toutes les atrocités qu’elle vient de voir, ce soit celle-là qui attire spécifiquement son attention. Cette surprise est passagère et aussitôt balayée par une colère aussi soudaine que brutale.

– Ça ne te regarde pas, dis-je, les dents serrées.

Il y a des choses que je n’ai jamais formulé à voix haute, il y a des noms que je n’ai jamais associé à des souvenirs, il y a des choses que je n’ai jamais dites. Il y a des choses que je ne veux pas prononcer, pas face à des gens comme Sasha, pas dans des situations comme celles-ci. Il y a des choses sacrées qui ne doivent jamais vivre au delà de l’esprit car elles risqueraient de prendre une consistance, une vérité, avec laquelle je ne pourrais pas continuer à vivre.

Je l’ai déjà frôlé à Skye avec Joséphine.

– Sers toi, Benson. Réponds toi même à tes questions. C’est le moment ou jamais. Tu as fais en sorte de pouvoir le faire, pas vrai ? Alors, vas-y. Fais toi plaisir.


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Sasha Benson
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeSam 30 Mar 2024 - 9:31
Sasha ne s’offusque pas du regard perdu de Constantine, ni du temps qu’il met à retrouver le fil de leur conversation. Elle ne s’en offusque plus depuis longtemps, elle a l’habitude. Les conversations avec lui sont souvent un peu décousues. Elle ne s’agace plus, ne répète plus. Elle n’est pourtant pas d’un naturel patient mais elle a appris à respecter ces silences et ces moments de flottement, à les utiliser pour tenter de deviner ce qui se passe dans l’esprit tourmenté de son supérieur. Cette fois-ci, elle se laisse distraire par l’hermine qui vient de s’échapper d’un tiroir pour s’installer sur les genoux de son maitre. Sasha n’a jamais franchement apprécié l’animal, et elle sait que la réciproque est vraie. Finalement, Constantine rattrape le fil de la conversation pour lui livrer une réponse parfaitement prévisible.

Qu’est-ce qui te retient ?

Elle est réellement curieuse de connaitre les raisons de son inaction qui, elle le sait, ne peut s’expliquer par une quelconque éthique ou par le respect de la vie privée d’autrui. Ce sont des considérations qui ne les arrêtent pas, l’un et l’autre. Si elle avait été à sa place, si elle avait eu la possibilité de pénétrer l’esprit d’une autre personne, à distance, à volonté, elle ne s’en serait pas privée. Mais elle n’est pas à sa place et a appris depuis longtemps que Constantine lutte dans des combats moraux qui la dépassent complètement.

Il aime le pouvoir, comme elle, il aime le contrôle, mais ce n’est pas ce qui dicte ses actes. Il a d’autres motifs, plus personnel, plus intimes. Cela a dû être une force, un jour, de se sentir investi d’un but si légitime, mais en tournant à l’obsession cela devient une faiblesse. Encore aujourd’hui, sa vie entière semble tourner autour du souvenir de son frère décédé. Sasha est persuadée qu’il irait bien mieux s’il parvenait à s’en détacher, ce qu’elle ne manque jamais de lui dire, en vain.

Pour la première fois, il lui retourne sa question et elle resta un instant silencieuse. Le regard posé sur un détail du plafond boisé, elle songe à tous ces mauvais souvenirs qu’elle pourrait vouloir oublier, pour finalement décider qu’elle ne voudrait se priver d’aucun d’entre eux. Ils sont désagréables, pourtant, douloureux pour certains, mais ils ont participé à faire d’elle la personne qu’elle est aujourd’hui. Les effacer serait prendre le risque de se perdre, de se retrouver complètement déracinée, et elle trouve ça terrifiant.

Je ne voudrais pas oublier, répond-t-elle après un bref instant de réflexion. Mais je ne suis pas toi. Sous-entendu : je ne suis pas aussi faible que toi. Elle vit mieux avec ses crimes que Constantine avec les siens. Tu cherches la rédemption, poursuit-elle sur un ton dénué de reproches. Un jour tu devras bien choisir entre l’oubli ou l’aveu.”

Et elle sait déjà lequel il choisira, mais elle espère qu’il attendra quelques années avant de s’y résoudre, parce que les conséquences ne pourront être que désastreuses, et qu’elle a encore besoin de lui pour le moment.

***

La colère de Constantine n’est évidement pas une surprise. A aucun moment Sasha n’a espéré qu’il répondrait calmement à sa question et qu’il lui livrerait tous les détails de ses souvenirs les plus secrets. Elle est même surprise qu’il soit encore là, qu’il ne l’ait pas plantée ici pour transplaner à l’autre bout du pays, s’il en a encore la force. Ce constat la conforte dans l’idée que, quelque part, il a voulu qu’elle voit ces souvenirs. Il peut prétendre le contraire mais elle est persuadée qu’il n’a pas lutté autant qu’il aurait pu, et qu’elle lui a arraché ces confessions bien trop facilement.

Plus facilement qu’elle ne l’aurait imaginé, mais pas sans effort. Si elle ne s’exécute pas quand Constantine l’invite à se servir elle-même, à chercher directement les réponses dans son esprit, ce n’est pas par égard pour lui. En vérité, elle n’est pas certaine de pouvoir renouveler l’expérience. Ce court voyage dans la mémoire de son mentor l’a épuisée. C’était la première fois qu’elle utilisait le légilimancie et elle se sent encore un peu fébrile. Elle craint de se ridiculiser si elle tente une nouvelle intrusion et échoue. Elle est consciente de ne pas avoir d’autre public que Constantine, qui doit déjà avoir une piètre opinion d’elle, mais elle préfère de loin qu’il la déteste d’avoir violé sa mémoire, plutôt qu’il la méprise de ne pas y parvenir une seconde fois.

Elle a besoin d’un peu de temps pour se remettre, pour reprendre des forces et pouvoir attaquer à nouveau. Il est hors de question de l’admettre, aussi décide-t-elle de répondre aux accusations de Constantine, comme si elle avait réellement ç coeur de se défendre et de se faire pardonner son geste.

Tu savais trop de choses sur moi.”

Elle ne sait plus exactement quand elle a arrêté de le vouvoyer, mais il lui semble que c’est un changement assez récent. En jeune fille polie, il n’est pourtant pas dans ses habitudes de tutoyer les adultes de l’âge de ses parents, mais après ce qu’elle a vu, la politesse lui semble être une considération parfaitement secondaire.

Il me fallait des garanties.

Comment être certaine, sinon, qu’il n’irait pas raconter comment elle avait poussé Ana Sorden dans la gueule d’une plante carnivore, ni comment elle avait fait chanter Alessandro ou torturer Ahren Keller. Constantine Egalité avait vu ses plus grands secrets, et le seul moyen de s’assurer de son silence était de faire en sorte qu’il ait aussi besoin du sien.


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Constantine Égalité
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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeLun 1 Avr 2024 - 13:01
J’aurais donné, sans doute, beaucoup, pour être Sasha Benson.
Comme Sasha Benson.
Froid. Directe. Efficace.
Dénué de toute notion de culpabilité et de regrets.
Elle me fascine. Chaque minute passées en sa présence me permet de redécouvrir son inhumanité. Absence d’empathie.
Parfois, je me demande s’il arrivera un jour où elle prendra conscience de la portée de ses actes, après quoi je me souviens qu’elle n’est plus une enfant depuis longtemps déjà. Qu’elle n’en a peut-être jamais été une et surtout, qu’elle a toujours su.
Il n’y a rien en elle que des considérations pratiques. Comme un animal elle fait en sorte de subvenir à ses besoins, mais ses besoins sont différents. Sasha se nourrit de pouvoir. Elle est dépendante à la domination qu’elle boit comme un alcoolique se nourrie du plus mauvais alcool. Elle se projète loin, haut, longtemps. Prête à enfoncer dans la gueule ouverte de ses opposants le fin stylet de ses talons.  
J’aimerais être elle.
Ni douleur, ni cauchemars. Ni fantômes, ni larmes.

Je souris.
– Un reste de décence, j’imagine, réponds-je à sa question.
Il y a dans mon ton comme un fond de sarcasme. Elle sait, et moi aussi, que si quoi que ce soit me poussait demain vers Joséphine, la décence ne serait pas longtemps une excuse suffisante.
– Tu connais ma sensibilité, Sasha. Tu sais que si je m’imposais à elle à nouveau, je m’en voudrais à mort.

Je ris doucement d’un rire creux qui s’efface péniblement dans le silence. Je n’essaie pas de dissimuler combien ce projet me brûle ni à quel point Joséphine me manque. Combien parler de Camille a quelqu’un me manque, ne serait-ce que pour dire son prénom et sentir en face la même détresse.
Paradoxalement, la peur et la lâcheté.

– Ça ne t’arrangerai pas trop, que je meurs tout de suite, dis-je encore en lui jetant un regard de biais.

Pour avoir été la témoin privilégiée de ma volonté d’en finir avec la douleur et la culpabilité, elle sait que je ne plaisante pas.

Sa présence est chaude dans la pièce et me fait me sentir un peu moins seul.

– Je ne voudrais pas oublier, dit-elle, mais je ne suis pas toi.
L’arc élégant de son cou forme une virgule blanche dans la pénombre frappée de flammes.
– Non, c’est certain, réponds-je, en sachant exactement ce qu’elle sous-entend.
– Tu cherches la rédemption. Un jour, tu devras bien choisir entre l’oublie ou l’avoeux.
Doucement, je secoue la tête.
– Tu te trompes, je ne cherche pas la rédemption. Aucun des actes que j’ai commis n’est pardonnable.
En affirmant cela, je me sens étrangement calme.
– Mais j’ai une éducation catholique, vois-tu, et ma mère m’a appris comment on purge un péché.
Je hausse un sourcil, incapable de ne pas dérailler mais pourtant sérieux comme la mort. Ce que je dis, je le pense, dans une mesure certaine, et je le repousse avec la terreur propre qu’engendre un concept inconcevable. Toute cette haine de moi, je ne peux l’admettre, ou je me tue sur le champ.
– J’imagine que c’est quelque-chose que tu connais bien.
Conclus-je en faisant allusion à ses pratiques.

Ô, maîtresse, punissez-moi car j’ai pêché.

***

Cette garantie, elle en a profité, Sasha, en s’assurant de ne jamais perdre le contact.
Jusqu’au jour où, d’adolescente scolarisé elle devint adolescente en recherche et me fit part de son désir d’intégrer le Département des Mystères.

Je ne peux pas dire que se fut une surprise : Sasha est prévenant avec ses envies et n’est pas du genre à se laisser surprendre par l’avenir. Son avidité pour le pouvoir et sa curiosité sauraient trouver une place décisive au sein de mon domaine ; et puisque je retrouvait chez elle les mêmes appétences que chez moi, il me sembla dans la nature des choses qu’elle s’adresse à moi aussitôt ses Aspics obtenues, pour me faire comprendre que nous allions travailler ensembles.

Problème étant qu’en tant que Directeur, je n’ai jamais eu la main sur les recrutements. Le dernier mot, certainement. Avantage étant qu’avec son cursus exemplaire et ses deux mois de stage à Skye, sa capacité étrange à se faire aimer et sa vivacité d’esprit, Sasha Benson avait déjà été repérée par les chasseurs de tête du département.
Amy m’avait glissé son profil entre deux cafés : grande mobilisation de ma part pour ne pas laisser entrevoir que je connaissais déjà très bien la créature concernée.

C’est comme ça qu’elle s’était retrouvé en commission d’admission, face à Lou, Amy, Balthazard et moi.

– Parlez nous un peu de votre stage, Madame Benson, avait demandé Amy sur un ton détaché, demi sourire au coin des lèvres, après quoi vous nous expliquerez ce qui vous a motivé à répondre positivement à notre proposition de candidater.


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A Spoonful of sugar helps the medicine go down [Sasha] Icon_minitimeSam 6 Avr 2024 - 9:57
"Pas trop non, concède-t-elle. J'ai encore besoin de toi pour l'instant."

Cela aurait pu être une plaisanterie. On ne peut dire ce genre de chose que sur le ton de l'humour, dans une conversation polie. Pourtant ils savent tout les deux à quel point elle est sérieuse. Elle tourne la tête sur le côté et accroche le bref regard que lui jette Constantine. Ils s'observent un instant en silence, en toute honnêteté. Lui, hanté par ses démons et la haine qu'il a de lui-même, et elle, dévorée par son ambition.

C'est assez curieux, d'être assise à côté de lui sur ce canapé, à discuter calmement du fait qu'un jour -pas tout de suite- cela l'arrangerait bien qu'il disparaisse. Elle veut sa place, bien sûr. Et elle sait qu'il sait ce qu'elle veut. Elle est presque certaine qu'il lui cédera sans trop de résistance, le moment venu. Ce n'est pas contre lui, qu'elle devra lutter pour le trône. Mais des gens moins brillants, qui penseront qu'une jeune femme n'a rien à faire à la tête d'un département, et encore moins des Mystères. Ce sont eux qu'elle doit convaincre, et elle a encore besoin d'un petit peu de temps pour ça.

"Tu te trompes, je ne cherche pas la rédemption. Aucun des actes que j’ai commis n’est pardonnable.
Sasha hausse un sourcil, dubitative.
- Et si certains t'offraient leur pardon, tu ne le prendrais pas ? interroge-t-elle, réellement curieuse. Les gens pardonnent parfois des choses impardonnables."

Elle n'appartient pas à cette catégorie bien sûr. Elle ne pardonne pas facilement. Elle n'a pas adressé la parole à sa propre mère depuis plus de dix ans, et elle lui en veut encore.

Un mince sourire sans chaleur se dessine sur les lèvres de Sasha quand Constantine affirme que sa mère à lui lui a appris comment purger un pêché. Elle secoue faiblement la tête quand il ajoute que c'est quelque chose qu'elle doit connaitre. Elle sait parfaitement ce qu'il évoque. Il a vu des choses, dans ses souvenirs, qui trahissent la manière qu'elle a de se punir de ses pêchés. Mais est-ce vraiment une punition si on y prend autant de plaisir ? Parce qu'il faut ensuite se punir d'avoir apprécié la punition. C'est un cercle sans fin.

"Ça marche certainement moins bien si on commet un autre pêché pour purger le premier, non ?"

Elle n'a pas reçu d'éducation religieuse, mais elle est certaine que l'église catholique n'approuverait pas ses méthodes.

"Mais tu n'es plus à ça près..."

Il n'est pas dans ses habitudes de parler sans réfléchir. Ses mots sont toujours calculés, soigneusement choisis, et s'ils ont un double-sens il est souvent intentionnel. Ici pourtant, elle n'est pas certaine d'avoir anticipé toute la portée de cette invitation à peine déguisée. Elle a envie de se dire que les mots lui ont échappé, tout en étant consciente que ce n'est pas tout à fait vrai.

***

Sasha a terminé major de sa promotion, avec de brillants résultats. Elle sort également de deux années d'alternance à Skye. En partie parce qu'elle a été une apprentie dévouée, et en partie parce qu'elle s'est retrouvée prise en otage dans une affaire d'espionnage industriel, Tobias Stern lui a écrit une lettre de recommandation particulièrement élogieuse. Elle a un excellent dossier, elle le sait parce qu'elle a déjà été recontactée par plusieurs département du Ministère au sein desquels elle a effectué des stages au cours de sa scolarité.

Des commissions de recrutement comme celle-ci, elle en a déjà affronté plusieurs. Mais celle-ci est la plus importante. Cette fois-ci elle a les mains un peu moites et le ventre un peu noué. Elle s'efforce de ne pas le montrer, de ne surtout pas faire le moindre geste qui pourrait traduire sa nervosité. Ne pas croiser les bras. Ne pas jouer avec ses cheveux. Ne pas regarder par terre. Ne pas parler trop vite, ni trop bas. Avoir l'air confiante, mais pas trop non plus. Rester humble. Du haut de ses dix-huit ans, elle est déjà rompue à l'exercice.

Le début de l'entretien s'est bien passé, selon elle. Elle a remercié ses interlocuteurs de la recevoir, elle s'est brièvement présenté. Elle espère avoir fait une bonne première impression, mais elle sait que tout se joue maintenant.

"C'est justement mon stage qui m'a donné l'envie de postuler dans votre département. Je n'avais jamais pensé à la recherche avant, avoue-t-elle, presque sur le ton de la confidence. J'ai assisté au travail effectué par les tisseurs de mémoire, j'ai pu observé tous les aspects pratiques de la modification et de la création de souvenirs. Comment ils sont construits, implantés dans la mémoire des patients, et l'impact qu'ils peuvent avoir sur leur vie quotidienne et sur leur bien-être, explique-t-elle, en taisant volontairement les autres usages potentiels de ce genre de pratiques. Aujourd'hui j'ai envie de pousser un petit peu plus loin, et d'explorer la théorie également, pour comprendre comment tout cela est possible. Si vous m'offrez la chance d'intégrer votre département, mon projet de recherche se concentrerait sur la mémoire et sur la façon dont elle peut-être altérée ou effacée par la magie. Elle hésite un instant avant de livrer quelques pistes de sujets auxquels elle avait déjà réfléchi. Ils n'étaient pas encore aboutis et elle devait affiné davantage son angle de recherches, mais elle tenait à prouver qu'elle se projetait déjà au sein du département. Les souvenirs créés par la magie ont-ils la même nature, et la même résonance, que de véritables souvenirs ? Jusqu'où peut-on changer la perception et les idées d'une personne en modifiant sa mémoire ? Pourrait-on créer une mémoire toute entière, jusqu'à façonner une nouvelle personne ? De façon parfaitement théorique, bien sûr."

Bien sûr.


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