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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon]

Avalon Calder
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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 25 Juin 2023 - 21:35
8 juillet 2012

Un mois s’était écoulé depuis leur retour de Louisiane. Ils avaient pris la décision de quitter la Nouvelle-Orléans un peu à contrecœur, le ventre noué par la peur. Ils s’étaient promis que, si la situation leur paraissait à nouveau insupportable, ils ne s’épuiseraient pas à rester en Angleterre.

Et la situation était insupportable.

La fragile tranquillité d’esprit qu’Avalon avait retrouvé aux Etats-Unis s’était envolée dès qu’elle avait poussé la porte de leur appartement à Bristol. Elle n’avait pas pu retrouver les lieux sans que ses pensées ne la ramènent immédiatement à ce qui s’était produit quelques mois plus tôt. Tout lui rappelait le jour où on lui avait arraché sa fille, comme si les pièces étaient chargées d’une tristesse étouffante et d’une angoisse sourde auxquelles elle ne pouvait s’arracher. La veille, en faisant le tri dans les affaires d’Alma, elle avait retrouvé la petite couverture blanche dans laquelle elle l’avait emmitouflé, le jour où elle était censée quitter l’hôpital avec eux. La même couverture qu’ils avaient retrouvé au fond de son berceau, encore chaude du contact de sa peau mais vide de toute présence. Avalon s’était figée, les yeux écarquillés par un sentiment d’effroi qui lui avait donné la nausée. Elle avait conservé le tissu dans ses mains tremblantes pendant quelques secondes, avant de la reposer dans le tiroir.

Pour une obscure raison, elle n’avait pas pu se résoudre à la jeter.

La peur accompagnait le moindre de ses pas depuis leur retour. Elle était toujours présente dans ses pensées, comme une voix qu’elle ne parvenait pas à faire taire, qui lui susurrait des mots terrifiants, convoquait dans son esprit des images cauchemardesques, nouait son ventre et sa gorge. Et, si parfois elle se faisait discrète et silencieuse, elle finissait toujours par éclater, par occuper tout l’espace, par lui donner envie de pleurer, de crier et de vomir.

Elle en devenait folle.

Folle de peur. Et folle de rage d’avoir aussi peur.

Sa vie était devenue une vague imitation de ce qui avait un jour été la normalité. Elle se levait toujours le matin, mais avec une boule au ventre. Elle accompagnait encore Vivianne à l’école, mais en s’assurant toujours qu’elles n’étaient pas suivies. Elle accordait toute son attention à Alma, mais en sachant pertinemment qu’il ne pouvait pas en être autrement. Il était impensable pour elle de la laisser à quelqu’un d’autre, même quelques heures. Elena le lui avait déjà proposé plusieurs fois, avec cette envie manifeste de passer du temps en tête-à-tête avec sa petite-fille. Avalon avait poliment refusé. « Tu pourras en profiter pour dormir un peu », avait insisté sa belle-mère. Elle avait souri et prétendu qu’elle n’était pas si fatiguée.

Elle ne pouvait simplement pas dormir sans avoir la certitude qu’Alma était dans un environnement protégé ou entourée de personnes aptes à le faire.

Ce n’était pas nouveau ; déjà à la Nouvelle-Orléans, cela lui semblait inconcevable d’imaginer engager une baby-sitter pour se dégager quelques heures de tranquillité dans la journée. Roy et elle la gardaient en permanence avec eux, comme pour s’assurer qu’elle allait bien, qu’elle était là et que personne ne pourrait lui faire du mal. Alors elle n’avait pas été surprise de ressentir une forme de réticence à l’idée de confier Alma à ses grands-parents.

Non, ce qui était nouveau, en revanche, c’était qu’Avalon avait de plus en plus de mal à laisser leur fille à Roy.

Elle ne savait pas exactement dater depuis quand ce malaise diffus s’était emparé d’elle, parce qu’elle n’en avait pris conscience que très récemment. Quelques jours plus tôt, alors qu’Alma peinait à trouver le sommeil et pleurait depuis un moment, Roy avait émis l’idée de sortir dans le quartier pour la calmer ; la poussette avait souvent cet effet-là sur elle. Il faisait encore jour, les températures étaient douces et leur quartier était surveillé par les Veilleurs. Pourtant, Avalon avait perçu un sentiment d’urgence émerger au creux de son estomac, une fébrilité insupportable qui l’avait poussé à convaincre son mari de rester à l’intérieur. Il n’avait pas cherché à la contredire, sentant sans doute la peur qui s’immisçait entre ses mots. Mais lorsqu’Avalon avait bercé Alma dans l’espoir de l’endormir, lorsqu’elle l’avait installé contre sa poitrine en lui chuchotant une berceuse, elle avait brusquement réalisé que sa réticence n’était pas simplement liée au fait de sortir de cet appartement relativement sécurisé.

Elle n’avait pas voulu que Roy sorte seul avec leur fille.

Elle n’avait pas voulu parce qu’elle avait peur, parce qu’elle était en colère, parce qu’elle lui en voulait, parce qu’elle n’avait pas confiance, parce qu’elle était terrifiée, parce que toutes les émotions qu’elle avait si sagement et si gentiment étouffées ces derniers mois explosaient désormais et qu’elle ne parvenait plus à les contenir. Elle sentait qu’une fébrilité s’était emparée d’elle ; une fébrilité qui la rendait nerveuse et acide.

Une fébrilité qui s’était installée la première fois que Roy était retourné sur la Voie des Miracles, quelques jours après leur retour.

Il avait « des choses à régler », « des choses à voir avec les gars », « quelques trucs à faire. » Il s’en allait avec des mots vagues, rentrait avec des récits tout aussi vagues. Il devait « s’occuper de deux-trois trucs avant de partir » ou « s’assurer que tout se passe bien » ou « mettre de l’ordre dans ses affaires ».

Elle n’avait rien dit la première fois. Elle avait mordu sa langue, ravalé ses mots. Une fois. Deux fois. Depuis, elle cultivait sa contrariété, les yeux chargés par une colère qu’elle masquait de plus en plus difficilement. Elle interrogeait Roy, pourtant. Il esquivait toujours ses questions, la rassurait d’un mot ou d’une caresse dans les cheveux. « Tout va bien, je m’occupe de tout. » lui disait-il en l’embrassant.

Et c’était encore pire.

C’était encore pire et elle avait de les lui claquer à la figure, ses paroles de réconfort qui ne servaient à rien, qui ne rassuraient personne, qui ne protégeaient personne. Elle ne voulait pas être rassurée, elle voulait la vérité. Non, même pas ; elle voulait qu’il arrête, qu’il honore sa promesse et qu’il quitte Bristol, qu’il ne mette plus jamais un seul pied sur la Voie.

Elle n’avait rien dit quand il était parti, en fin d’après-midi pour « aider Toni sur un truc. » Elle avait dîné avec Vivianne, nourri et baigné Alma, puis avait patienté, une fois les enfants endormies, dans le salon ouvert qui faisait face à l’entrée. Elle avait attendu et encore attendu, l’esprit occupé par les reproches et par la peur.

Ce fut dans cet état que Roy la trouva lorsque les portes de l’ascenseur privé s’ouvrirent sur leur appartement, à moitié plongé dans la pénombre.

« Salut. » lança Avalon, la voix tendue par l’agacement. Sa question fusa alors que Roy s’approchait d’elle pour l’embrasser : « T’étais encore sur la Voie ? »



Avalon Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 27 Juin 2023 - 21:24
Quatre mois. Quatre mois s’étaient écoulés depuis la dernière bataille contre Norvel. Il semblait à Roy que c’était encore hier. Il lui suffisait de fermer les yeux, de se replonger dans ses souvenirs pour sentir le souffle de la mort derrière son cou, l’horreur au creux de ses entrailles et l’impression d’étouffer du manque de sa fille. Ces sensations s’atténuaient, lui permettant de fonctionner au quotidien, mais elles n’avaient pas disparu.

C’était hier et à la fois si lointain. Roy s’en rendait compte à chaque fois qu’il mettait un pied dans la Voie. Les lieux avaient indubitablement changé depuis cet événement terrible. Les bars étaient presque déserts, là où ils étaient remplis de Veilleurs bruyants et fêtards jusqu’à déborder sur les terrasses, auparavant. Les clients venus de l’extérieur qui s’y aventuraient ne venaient plus à visage découvert. Des conversations se chuchotaient dans les ruelles. Quelques Veilleurs patrouillaient, les épaules tendues, l’oeil ombrageux. Tout le monde se méfiait de tout le monde.

Et même les Veilleurs se méfiaient les uns des autres. Trop de questions restaient en suspens : Norvel avait-il bénéficié d’aide de l’intérieur, pour parvenir à monter un coup aussi bien ficelé alors même qu’il était si affaibli ? Avaient-ils encore des choses à gagner dans ce gang qui traversait mille crises ? Que deviendrait le gang sous la direction de Fergus et Toni, qui avaient toujours eu une ligne un peu plus dure et puriste que celle des précédents chefs ?

La passation de pouvoir ne se faisait pas sans accroc. Qu’il s’agisse de leurs hommes ou de leurs partenaires, tous n’étaient pas ravis de voir Roy et Jayce se retirer du navire si précipitamment. Ce renouveau tombait d’autant plus mal que le gang traversait une véritable crise : le conflit contre Norvel les avait exposés et fragilisés aux yeux de leurs rivaux. Et comme si cela ne suffisait pas, le remaniement du gouvernement depuis la mort de Leopold, la nouvelle politique du Ministre Ogden par intérim, et notamment la dissolution de la Milice et la restructuration du bureau des renseignements, ne jouaient pas en leur faveur. Face à ces bouleversements politiques, Avalon n’était plus là pour leur servir de paravent ou d’oreille. Toni et Fergus peinaient à obtenir les informations dont ils avaient besoin pour se repositionner sur l’échiquier politique et ils avaient d’autant plus de difficultés à le faire que jusque là, c’était Roy qui avait toujours assuré le dialogue avec le Ministère.

Le duo s’était donc retrouvé à devoir gérer tout à la fois ; les remous internes, la neutralisation de la menace extérieure, la restructuration du gang, le désengagement du gouvernement et le maintien de leurs activités. Tout cela avec un appui plutôt lointain de Jayce et de Roy. L’ambiance n’était pas tout à fait au beau fixe entre les quatre amis, qui nourrissaient chacun leurs propres frustrations et inquiétudes personnelles. Depuis qu’il était revenu en Angleterre, Roy ne parvenait pas complètement à se détacher d’un sentiment de responsabilité, qui le poussait à aller plus souvent voir Toni et Fergus, pour s’enquérir des nouvelles et les appuyer dans leurs réflexions stratégiques.

Leurs entrevues plus ou moins régulières le laissait toujours sur des émotions contradictoires. Roy sentait bien que Toni et Fergus ne lui disaient pas tout ; pour mieux le préserver ou pour l’écarter de ce qui était désormais leurs affaires, il ne savait pas. En même temps, leurs échanges n’avaient rien d’inutile, ils leur permettaient d’avancer. Mais il se jouait là une passation de pouvoir un peu délicate, faite de beaucoup de sentiments qu’aucun d’eux ne prenait la peine d’expliciter. Des regrets partagés, parce qu’ils sentaient bien que leur quatuor était en train de se scinder en deux et que plus rien ne serait comme avant, à partir du moment où ils cesseraient de s’occuper de ce grand projet mafieux qui les avaient portés et réunis pendant plus de dix ans. Beaucoup de frustration, parce qu’ils auraient tous préféré que les choses se passent différemment. Une forte loyauté qui les poussaient à continuer de se soutenir malgré tout. Un peu de jalousie, d’un côté comme de l’autre, parce que prendre la place de ses amis et voir ses amis prendre la sienne n’avait rien d’évident. Et à côté de tout ça, il y avait aussi la question délicate de l’argent, ils n’avaient pas encore conclu un accord sur la somme que Roy et Jayce devaient percevoir en partant : Fergus et Toni réclamaient plus de temps pour se positionner, le temps de régler les autres affaires plus urgentes.

L’autre émotion, tout aussi vive, que Roy taisait à chaque fois qu’il entrait dans le Bristol sorcier, c’était cette continuelle culpabilité qui ne le quittait plus depuis l’attaque. Il se sentait coupable de toute cette situation, coupable de la manière dont il la gérait. Il avait promis à Avalon de tout arrêter et il ne se sentait pas encore capable de le faire. Pas complètement.

C’était donc sur un fil en équilibre précaire que Roy avançait depuis son retour en Angleterre. Il tâchait tant bien que mal de remplir les rôles qui lui incombaient, sans pouvoir n’en remplir aucun parfaitement. Un constant sentiment d’échec l’accompagnait, parce que ni la refonte des Veilleurs ni leur retour à Bristol avec Avalon ne se passait comme il l’aurait voulu. La peur, l’inquiétude, la frustration, la culpabilité étaient revenues, comme si elles n’avaient fait que l’attendre ici.

Parfois, il songeait qu’il aurait bien mieux fait de rester à la Nouvelle-Orléans.

Ce fut avec une mine plutôt sombre que Roy entra dans le vestibule de son appartement. D’un geste machinal, il déposa ses chaussures dans la niche prévue à cet effet, avant de prendre le chemin de la cuisine. Voyant qu’Avalon était sur le canapé du salon, il changea légèrement de trajectoire pour la rejoindre.

Et il comprit aussitôt au ton de sa voix et à son expression qu’elle l’attendait et qu’elle en était largement mécontente ; elle refusa même le mouvement qu’il fit vers elle pour l’embrasser.

Roy se redressa, un peu tendu. Dans d’autres circonstances moins sérieuses, il aurait pu esquiver la question mais il sentit que cette situation ne s’y prêtait pas.

« Oui… J’étais avec Toni. Désolé, ça a pris un peu plus de temps que prévu » s’excusa t-il pour faire bonne mesure. « Tu as dîné, toi ? »


Roy Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 28 Juin 2023 - 10:33
Avalon observa Roy avec un mélange de contrariété et de lassitude. Elle avait croisé les bras sur sa poitrine et se tenait droite, les épaules raides, la nuque douloureuse. Elle avait déjà eu tout le loisir d'imaginer cette conversation, de la rejouer plusieurs fois, si bien que des répliques cinglantes lui brûlaient déjà les lèvres. Parce qu'Avalon savait. Elle connaissait Roy et son attachement profond pour cet empire qu'il avait construit. Elle savait les liens forts, fraternels même, qui l'unissaient à Toni, Fergus et Jayce. Elle savait qu'il percevait le renoncement comme un échec et ce départ comme une fuite. Elle le savait et, dans d'autres circonstances, elle aurait même pu le comprendre. Si la menace était imaginaire, si le danger était lointain, un départ progressif, lent, mesuré, aurait eu du sens.

Sauf que le danger était réel. Quatre mois plus tôt, Alma avait été enlevée, Avalon avait été torturée et Roy avait frôlé la mort. Et, même si cette menace-là semblait sous contrôle, rien ne garantissait qu'une autre n'émergerait pas dans les prochains jours, les prochains mois, les prochaines années. Ils avaient vécu exactement la même chose, quelques mois plus tôt. Ils avaient été empoisonnés, leurs poumons s'étaient entièrement vidés d'air et ils avaient sombré dans une dangereuse inconscience avant d'être miraculeusement sauvés, quelques secondes avant que la mort ne les emporte. Puis il y avait eu l'hôpital, les retrouvailles émues, les cauchemars, la peur diffuse pendant quelques semaines. Et ils avaient oublié. L'oubli les avait poussé à l'imprudence, à l'orgueil et les avait conduit dans cet entrepôt désaffecté, le ventre tordu par la peur, le cœur gonflé par le chagrin.

Alors cela la rendait folle de voir que Roy reproduisait le même schéma, comme s’ils n’avaient rien appris, comme s’ils pouvaient encore se permettre de repousser les limites qu’ils avaient déjà franchi à de multiples reprises. Car cette fois-ci, Avalon ne pouvait pas oublier la peur, le manque étouffant, le froid du cœur ou cette détresse immense qui semblait ne jamais vouloir s’effacer. Il suffisait que ses pensées s’égarent vers ce jour pour que son cœur s’arrête et que sa respiration se bloque. Exactement comme si elle y était encore.

Evidemment, elle savait que Roy ne traitait pas cet évènement avec désinvolture. Elle voyait sur son visage les marques de l’angoisse, ils partageaient la même fébrilité nerveuse qui les rendait attentif au moindre bruit et au moindre mouvement autour d’eux. Mais elle savait aussi – elle savait surtout – à quel point il était difficile de quitter la mafia ; à la fois parce qu’elle ne laissait personne partir et parce que personne ne parvenait à le faire non plus. C’était une pieuvre, dont les tentacules rattrapaient toujours les membres, surtout ceux qui s’éloignaient pendant un temps sans oser s’écarter franchement. Avalon avait l’impression de voir ce processus se déployer lentement autour de Roy qui, passivement, ne faisait rien pour l’arrêter.

Et cela la mettait profondément en colère.

En colère parce que c’était en partie de sa faute si leur fille avait été enlevée, quelques semaines après sa naissance. Sa faute si Alma avait été menacée de mort. Sa faute si elle avait été torturée. Sa faute si elle avait failli devenir veuve, juste après leur mariage. Sa faute et il ne faisait rien. Il ne faisait rien, ne lui disait rien, ne reconnaissait rien.

Elle en perdait le sommeil.

Sa justification ne fit qu’accroître sa contrariété. D’un geste de la main, Avalon ignora la question qu’il lui posait et secoua la tête, les sourcils froncés au-dessus de son regard sombre.

« Arrête de me prendre pour une conne, Roy, lâcha-t-elle sèchement. J’ai compris, tu as « un truc à voir avec Toni » et « des choses à régler » et « de l’ordre à mettre dans tes affaires ». » Elle se leva, ne supportant plus d’être immobile alors que ses pensées étaient aussi agitées. « Quand est-ce que tu vas me dire que finalement, tu ne vas pas pouvoir quitter les Veilleurs maintenant ? Que c’est pas le moment de partir, avec toutes les tensions internes et le changement de gouvernement ? Qu’il faut que tu restes « juste le temps que les choses s’apaisent » ? Et que c’est « pour pas laisser Toni et Fergus dans la merde ? »


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 28 Juin 2023 - 13:02
Le geste de recul qu’Avalon avait esquissé pour échapper à sa tentative de baiser en disait déjà suffisamment long sur l’état d’esprit dans lequel elle se trouvait. Le ton qu’elle adopta pour lâcher une réplique acerbe appuya sur ce qui était évident : elle était fâchée. Très fâchée.

Roy ne pouvait pas dire qu’il était surpris ; il avait senti chez elle un magma d’émotions qui bouillonnait lentement, jour après jour, depuis leur arrivée en Angleterre. Elle était plus anxieuse, plus préoccupée, un rien pouvait la contrarier. Même si elle avait donné son accord pour quitter la Nouvelle-Orléans, elle s’était montrée un peu plus réticente que lui, plus inquiète de retrouver des lieux familiers qui leur rappelleraient inévitablement tout ce qui s’était passé. Ils n’en parlaient pas beaucoup mais Roy sentait chez elle une tension qui venait directement de l’environnement dans lequel il se trouvait et il ne pouvait pas l’en blâmer : lui non plus ne parvenait pas à se sentir tout à fait à sa place ici, même si c’était leur cocon, celui où ils avaient emménagé ensemble et construit leur nid d’amour. Les patrouilles discrètes et régulières des Veilleurs dans le quartier auraient du lui procurer un sentiment de sécurité mais parfois, Roy songeait que cela n’arrangeait rien : leur présence leur rappelait précisément le danger qu’ils couraient.

Au milieu de toute l’angoisse, il y avait cette colère et cette impatience qu’Avalon avait parfois laissé apercevoir. Ce n’était pas la première fois qu’elle semblait contrariée de ses départs réguliers vers Bristol sorcier et au fond, Roy savait d’où cela provenait. C’était en revanche la première fois qu’elle laissait éclater cette colère sans filtre. Elle lui déversa brusquement, sans prévenir, un flot de reproches qu’une part de Roy avait attendu.

Et pourtant, cela ne l’empêcha pas de se placer dans une posture instinctive de défense.

« C’est pas ce qui se passe » répliqua t-il. Même dans sa bouche, ces mots sonnèrent un peu faux et il rectifia légèrement : « Je veux dire… Oui, c’est compliqué en ce moment et ça me fout mal de laisser Toni et Fergus se démerder seuls avec un tel bourbier. Mais je remets pas en question le fait de partir » se défendit t-il. « Et c’est ce que je fais, là, tu crois que j’y suis comme avant ? J’ai déjà un pied dehors, je touche pas aux trois quarts de ce qui se passe. » Ses épaules s’étaient légèrement remontées, tendues, parce que leur conversation touchait des points sensibles chez lui. Pour autant, il n’avait pas envie de se fâcher avec Avalon, pas dans la situation précaire et trouble dans laquelle ils se trouvaient, alors il tâcha pour une fois d’arrondir les angles et voulut se montrer rassurant : « Ecoute, je sais que j’avais dit que j’arrêtais tout et c’est toujours mon but, je te jure. Je suis pas en train de te la mettre à l’envers. Ça prend juste… plus de temps que prévu. »


Roy Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 28 Juin 2023 - 18:15
« C'est pas ce qui se passe. »

Évidemment.

Avalon leva les yeux au ciel, peinant à contenir son agacement. Bien sûr que Roy réfutait, tempérait, disait que c'était compliqué, difficile. Elle le connaissait par cœur, lui et ses excuses, lui et ses démons, lui et ses addictions, lui et ses contradictions. Il lui assurait qu'il ne lui avait pas menti, qu'il voulait réellement quitter les Veilleurs, mais Avalon doutait qu'il puisse vraiment prendre la décision de partir. Elle ne voyait pas comment, un jour, il parviendrait à quitter la Voie en sachant qu'il n'y remettrait pas les pieds. Il y aurait toujours quelque chose à faire, un client mécontent à apaiser, un contrat qu'il connaissait sur le bout des doigts à renégocier, un rival à traquer, un partenaire à rassurer. Roy ne parviendrait jamais à partir et Fergus et Toni ne le laisseraient jamais partir non plus. Pas par égoïsme, pas par méchanceté, mais parce qu'ils étaient tous plongés dedans jusqu'au cou et tous incapables de regarder la situation avec une once de lucidité.

Une lucidité qu'Avalon avait très récemment acquise, le jour où elle avait cru tout perdre. On lui avait arraché sa fille et elle avait compris. On avait failli lui prendre son mari et elle avait su. Elle avait vu l'envers de ce monde grisant, cette part d'ombre qu'elle avait toujours ignoré ou oublié. Pendant plusieurs heures, elle avait été obligée de la regarder en face et il lui semblait qu'elle conservait dans sa chair la marque de cette réalisation cruelle. Cette brûlure l'empêchait d'oublier et de se bercer d'illusions.

Norvel était peut-être mort, mais les prochaines années feraient émerger un nouvel ennemi. Un rival humilié qui chercherait vengeance. Un jeune un peu trop ambitieux, comme l'avait été Roy à une époque. Un ami davantage attiré par l'appât du gain. La menace ne disparaîtrait pas tant que Roy gardait un pied dans ce monde - en réalité, même son départ ne le protègerait pas entièrement du danger. Mais c'était déjà un premier pas, une première barrière.

Que Roy ne voulait pas franchir.

C'était visible, évident, flagrant. Il savait qu'il devait partir mais il ne pouvait pas, ne voulait pas le faire. Avalon perçut la pointe de regret dans sa voix et sentit ses épaules se tendre. Ses paroles rassurantes n'eurent pas l'effet escompté ; elle trouvait insupportable qu'il ose les lui dire, comme si lui-même y croyait vraiment. Elle secoua la tête, agacée.

« Arrête. On sait tous les deux vers quoi ça mène, ce genre de phrases. Au début c'est quelques semaines, le temps que les choses se calment. Puis quelques mois, mais juste parce qu'il y a un contrat sur lequel on a vraiment besoin de toi. Puis quelques années, mais ce sera plus comme avant, tu te seras mis en retrait. » commenta-t-elle ironiquement. « C'est exactement ce que que Jayce fait depuis dix ans. Et tu sais quoi ? Ça aurait très bien pu être Meera, là-bas, à la place d'Alma. Tant que tu restes dans la mafia, elle est pas en sécurité. Et toi non plus. » Si la colère assombrissait son regard, la peur la rendait fébrile et cela se vit dans les tics nerveux de ses mains. « C'est toujours la même chose, Roy. On a déjà failli mourir en février. On était des épaves pendant des semaines, j'ai fait des cauchemars toutes les nuits pendant un mois. Et on a oublié. On s'est replongés là-dedans et on a juste oublié. »Elle le toisa, les sourcils froncés. « Et c'est ce qui va se passer, si tu restes. Tu vas oublier que t'as failli perdre ta fille, qu'elle a failli mourir à cause de ce que tu fais et dans deux ans on va se retrouver dans la même situation. »


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 30 Juin 2023 - 11:10
La vérité avait toujours une affreuse sonorité aux oreilles de Roy quand il se trouvait en posture de déni. S’il n’avait pas été si orgueilleux, ou simplement s’il avait été un peu plus lucide, il aurait pu admettre qu’Avalon n’avait pas tort dans ce qu’elle disait. Au fond, il le sentait, car autrement, ses répliques ne lui feraient pas un tel effet d’attaque.

La comparaison avec Jayce fut une claque douloureuse parce qu’elle entrait en écho avec tout ce que Sun avait dit à son mari pendant des années et ce dont il avait fini par convenir tout récemment ; si Roy traînait encore dans la Voie des Miracles ces derniers jours, on n’y voyait plus Jayce en revanche. Sa femme lui avait posé un ultimatum violent, mais juste quand on considérait toutes les années qu’elle avait passées à attendre patiemment qu’il décroche. Ce que Avalon soulignait était exactement ce que Sundari avait répété avec colère face à son mari qui était rentré amoché de leur mission suicide : « ça aurait très bien pu être ta fille ».

Avalon, elle, ne semblait pas avoir la patience de Sundari qui avait laissé son mari décrocher un peu, puis revenir, s’éloigner et revenir inlassablement vers cette mafia qui les tenait tous du bout de ses tentacules. Peut-être parce qu’elle y était liée elle aussi, peut-être parce qu’elle s’était retrouvée au coeur de cette mission qui aurait pu lui coûter la vie de sa fille, Avalon semblait investie d’un sentiment d’urgence et de fureur. Elle plaçait déjà Roy face à ses contradictions, sans aucun ménagement.

« Tu vas oublier que t'as failli perdre ta fille, qu'elle a failli mourir à cause de ce que tu fais et dans deux ans on va se retrouver dans la même situation. »

Roy tressaillit, comme s’il réprimait un sursaut face à cette conclusion accusatrice. Tout ce que disait Avalon appuyait sur ses entrailles et pressait son coeur, mais rien autant qu’une telle sentence qui raviva cet insupportable sentiment de culpabilité dont il ne se séparerait jamais. Alma avait failli mourir à cause de ce qu’il faisait. Elle avait failli mourir à cause de lui. Il se détestait pour ça.

Et il se détestait au moins autant de ne pas réussir à couper complètement les ponts avec ce qui leur avait failli coûter la vie à tous. La colère d’Avalon lui faisait l’effet d’un miroir révélateur de ses sentiments à lui : si c’était lui qui avait dû faire son propre procès, il aurait été encore plus dur qu’elle. Il se serait insulté de tous les noms. Père inconscient, époux indigne, homme lâche, faible, coupable.

Roy savait qu’il ne faisait pas ce qu’il fallait, qu’il ne se montrait pas à la hauteur de ses promesses et pourtant, il continuait de se lever tous les matins et marcher comme un fantôme vers cette foutue Voie des Miracles, comme s’il ne pouvait être nulle part ailleurs que là-bas.

Comme s’il ne pouvait rien être d’autre que cet homme accroché à son trône sur un amoncellement de cadavres.

Insupportable. C’était insupportable.

Il explosa.

« Tu parles de Jayce, mais ça n’a rien à voir putain, Jayce on lui a pas enlevé sa fille justement !! Moi, si ! Tu crois quoi, que je prends ça à la légère ? Que c'est un truc que je peux OUBLIER ? » s'insurgea t-il. « Tu crois que je sais pas déjà tout ce que tu me dis ? Mais qu’est-ce que tu veux que je fasse, en fait ?! Tu parles comme si je pouvais juste tout arrêter du jour au lendemain, d’un claquement de doigts, comme si j'avais pas douze ans de toute cette merde derrière moi et ce que ça implique comme conséquences ! Je peux pas faire ça, c’est pas que je veux pas, je PEUX PAS. » Pour une raison qu’il n’identifia pas, cet aveu de sa propre faiblesse l’ébranla profondément. Malgré sa voix grondante, ce n’était pas seulement la colère qui l’animait. « Tu dis qu’on a replongé mais toi t’es pas dedans, Av’, t’es pas dedans comme moi je le suis. C’est facile pour toi de juste tout plaquer sans un regard en arrière et de me dire que j’ai qu’à faire pareil ! »


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 30 Juin 2023 - 14:05
Quelques jours après leur retour en Angleterre, Sundari avait appelé Avalon. Les deux femmes se connaissaient depuis plusieurs années mais s'étaient particulièrement rapprochées pendant les quelques semaines où Vivianne avait été accueillie et hébergée chez les Bowers. Lors de leur fuite aux Etats-Unis, elles avaient échangé quelques messages pudiques, pour s'assurer que l'autre allait bien et s'enquérir de la santé des enfants. Avalon avait appréhendé l'appel de Sundari, l'esprit englué dans une culpabilité dont elle avait du mal à se défaire. Elle savait que Jayce avait pris des risques inconsidérés pour sauver Alma, qu'il aurait pu en mourir comme d'autres étaient morts ce jour-là. Elle avait craint les reproches dans la voix de son épouse.

Elle y avait trouvé une colère flamboyante, entièrement dirigée contre Jayce. Elle avait longtemps fulminé contre son inconscience, répétant encore et encore que la situation aurait pu être dramatique, que Meera ou Chandra auraient très bien pu être prises pour cibles, comme Alma l'avait été. Sa fureur n'avait pas tardé à contaminer l'esprit engourdi d'Avalon, qui avait abondé dans son sens à plusieurs reprises. Elle avait posé un ultimatum à Jayce, lui avait-elle finalement confié. La mafia ou sa famille. Depuis ce jour, Jayce n'avait pas remis un seul pied dans la Voie. « Si Roy n'arrête pas maintenant, Avalon, avait conclu Sundari, la voix tremblante, il n'arrêtera jamais. »

Cette phrase n'avait pas quitté son esprit depuis leur échange. Elle se la répétait dès que Roy partait pour Bristol et dès qu'il rentrait, les traits tirés et le visage pâle. Quatre mois plus tôt, ils avaient failli tout perdre. Leur fille avait été enlevée et menacée de mort. Ils avaient été torturés et blessés. Lorsqu'elle fermait les yeux, Avalon était hantée par l'image de son mari, étendu sur le sol, entouré par une mare de sang. Ils avaient failli tout perdre. Roy avait failli tout perdre. S'il n'arrêtait pas après ça, quand pourrait-il arrêter ?

Et Roy explosait, il tempêtait, criait, s'insurgeait. Mais il continuait à mentir. A se cacher derrière les mêmes excuses creuses qui sonnaient faux. Face à lui, Avalon serrait les dents et le toisait de son regard noir. Sa dernière réplique lui arracha un sursaut et elle riposta :

« Facile ? Facile ? On m'a arraché ma fille et tu es presque mort sous mes yeux et tu crois que c'était facile de réaliser ça ? De sortir de ça ? Que j'aurais pas préféré tout plaquer avant ? » Sa colère était perceptible, flagrante sur son visage et dans ses gestes. « T'as raison Roy, ça fait douze ans que t'es dedans. T'as construit un truc, un putain d'empire là-dedans. Mais tu sais quoi ? Moi j'y née. Il y a toute ma famille dans ce putain de monde. Mes parents, mes frères, toi, putain, Toni et Fergus. Alors commence pas à me dire que c'est facile. C'est pas facile mais c'est la seule putain de chose à faire. »

Fugacement, ce discours fit écho avec un autre, qu'elle avait tenu quelques mois auparavant, face à son frère aîné. Le parallèle la troubla une brève seconde.  

« Arrête de te trouver des excuses Roy. Tu peux partir. Toni et Fergus sont là, ils veulent cette place depuis des années, ils savent ce qu'ils font et ils savent ce qu'ils récupèrent. Ils ont pas besoin de toi. »

Avalon s'arrêta sur cette dernière phrase. La tension entre les deux époux sembla se charger d'une nouvelle intensité, presque douloureuse.

« C'est toi qui a besoin de ça. » lâcha-t-elle du bout des lèvres. « Bordel, je sais même pas comment j'ai pu être aussi aveugle. T'es complètement accro à ça, en fait. »


Avalon Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 30 Juin 2023 - 17:39
Dans certaines situations, Roy pouvait se montrer fin stratège et excellent négociateur, trouver exactement quoi dire à quel moment pour emmener ses interlocuteurs dans son sens. Mais à partir du moment où ses émotions et sa personne étaient impliquées, et en particulier quand il se trouvait pris à défaut, il se mettait à parler sans réfléchir. À tête froide, cela lui aurait paru absurde et injuste d’émettre l’idée que les choses puissent être faciles pour Avalon ; il voyait bien, tous les jours, qu’elles ne l’étaient pas. Pourtant, ce furent les paroles qui sortirent instinctivement de sa bouche, parce qu’il se sentait incompris, et même aveuglé par sa colère, il vit qu’elles blessaient Avalon.

Mais il avait été blessé aussi de l’entendre suggérer qu’il puisse un jour oublier qu’il avait mis en danger leur fille. Dans ce domaine, Roy comme Avalon avaient tendance à rendre les coups qu’on leur portait alors leur échange monta très vite dans les tours, sans que ni l’un ni l’autre ne se tempère.

« Mais à quel moment c’est comparable ?? Ouais, j’ai construit un truc qui m’a tenu debout pendant douze ans ! Toi tu t’es sortie de ce qui t’enfonçait dans la misère ! Maintenant, ton seul lien avec ça, c’est à travers nous. Moi j’y suis encore, c’est pas du tout la même situation ! »

Roy n’avait pas les idées assez claires -ni la bonne dose d’humilité- pour réellement expliciter ce qui les séparait de son point de vue. Lui, il avait trouvé ses frères, sa gloire et sa fortune dans ce milieu mafieux où il avait évolué et placé toute son énergie pendant toute sa vie d’adulte. Avalon, elle, n’avait pas choisi d'y être, elle y avait tenu une place d’enfant puis d’adolescente sous l’emprise de ses parents drogués et inconscients, c’était un milieu qui lui avait arraché son enfance et l’avait détruite à petit feu, jusqu’à ce qu’elle finisse par prendre la décision de s’en extraire. Ils n’y étaient pas entrés de la même manière, ils n’y avaient pas trouvé les mêmes choses. Abandonner la mafia avait forcément des enjeux différents pour eux. Roy avait investi des espoirs et des projets là où Avalon n’avait jamais rien pu construire.

Alors cet aveu qui ne pouvait pas franchir ses lèvres, au fond, Roy savait ce que c’était. Il savait que ce à quoi il s’accrochait présentement, c’était un sentiment d’appartenance, un lien quasi-identitaire à ce milieu qui avait fait de lui l’homme respecté, puissant et fortuné qu’il avait rêvé de devenir.

Un milieu sans lequel il ne savait tout simplement plus ce qu’il était.

C’était de là que provenait ce malaise diffus qu’il ressentait, quand il participait aux échanges avec le nouveau duo de têtes pensantes des Veilleurs. Roy cherchait encore cette place qu’il était sensé leur céder et qu’ils occupaient déjà. Et c’était sans doute ce que Fergus et Toni essayaient de lui faire comprendre, en lui cachant certaines informations : ce n’était plus sa place.

Ils n’avaient pas besoin de lui. C’était lui qui avait encore besoin de ça.

La prise de conscience résonna chez Roy en même temps que les mots amers d’Avalon. Sa dernière phrase fut la plus douloureuse et la plus violente gifle qu’il pouvait recevoir à cet instant.

« T’es complètement accro à ça, en fait. »

La figure du mafieux se décomposa totalement. La colère qui le faisait tenir debout et tendait ses épaules s’évapora d’un coup, ses yeux s’écarquillèrent de choc. Son être tout entier sembla perdre de sa substance alors qu’il encaissait cette effroyable sentence. Il ne trouva rien du tout à répliquer pour se défendre cette fois-ci. Rien, aucune excuse, aucune justification ne lui vint en tête. Même la mauvaise foi la plus crasse ne pouvait rien pour lui, à cet instant.  

Avalon avait raison. Elle venait de pointer du doigt ce petit éclat qui restait coincé et bloquait les rouages mécaniques de son avenir. Elle avait précisément ciblé le dysfonctionnement qui le poussait à se rendre régulièrement sur la Voie des Miracles, en sachant très bien que ce n’était plus un lieu sûr, en allant à l’encontre de ses instincts de survie, ceux qui avaient été pourtant suffisamment forts en lui quelques mois plus tôt pour le pousser à prendre un Portoloin vers les États-Unis sans un seul regard en arrière.

Avalon avait raison sur toute la ligne. Il était accro. Accro à l’adrénaline, au danger, à la gloire qu’incarnait sa position de chef des Veilleurs. L’affrontement contre Norvel, l’enlèvement d’Alma, la mort qu’il avait frôlée, tout ça, c’était un affreux bad trip. Maintenant qu’il s’en remettait doucement, Roy revenait pernicieusement à ses vieilles habitudes. Mais parce que cela aurait été trop insupportable de se le raconter de cette manière, il s’aveuglait de prétextes, il s’imaginait une responsabilité à tenir, un rôle indispensable qu’il devait remplir, pour justifier sa présence et son implication. C’était du vent, tout ça. Tout ce qu'il essayait de remplir, c’était cet endroit de son âme vide du manque de reconnaissance et de frissons dont il était si dépendant, parce que c’était tout ce qui lui donnait l’impression d’être lui, Roy Calder. Qui était Roy Calder s’il n’était pas le mafieux redouté de la Voie des Miracles, le roi de Bristol ? Qui était-il si d’autres personnes pouvaient si vite prendre sa place et récupérer à leur compte ce qu’il avait construit sur ces douze dernières années ?

La vérité était là, désormais, nue et hideuse devant lui. Il ne pouvait plus se leurrer maintenant qu’Avalon avait levé le voile. Elle avait raison. Il était accro. Et parce qu’il était accro, il était prêt à mettre en duel l’ego et les passions de son âme contre la sécurité de sa propre famille.

Il était tellement minable. Il se dégoûtait.

Face à ce constat atroce, plus aucune parole cohérente ne pouvait sortir de sa bouche. Il n’avait jamais eu autant envie de vomir qu’à cet instant. Livide, Roy tourna le dos à sa femme, revint sur ses pas pour récupérer la veste qu’il avait laissée dans le vestibule. Sa voix n'était plus qu'un filet quand il déclara :

« Je reviens, je vais fumer. »

Avalon se serait adressée à un mur en essayant de le retenir ; il ne laissa très vite rien d’autre derrière lui que le silence.

Leur immeuble donnait sur une cour intérieure plantée. En cette fin de soirée d’été, le soleil déclinait doucement et laissait une douce lumière pénétrer dans les feuillages. Roy ne s’arrêta pas de marcher en essayant d’attraper une cigarette de sa main fébrile. Il en fit tomber une par terre, échoua à allumer la seconde, ce qui le fit éructer d’impatience :

« Putain de merde ! »

Il laissa tomber son entreprise, conscient que fumer n’allait être qu’une maigre consolation de toute manière et ne suffirait jamais à libérer le magma d’émotions qui bouillonnait en lui. Il dut trouver un endroit complètement masqué par les arbres pour faire ce qu’il désirait réellement.

Dix secondes plus tard, le vertige causé par le transplanage ajouta à sa sensation de nausée déjà présente et le poussa à se plier en deux. Le Veilleur qui gardait l’entrée de sa villa plus ou moins inhabitée s’approcha à toute vitesse.

« Patron ? » s’inquiéta t-il.

Roy sentait que parfois, les Veilleurs ne savaient plus comment s’adresser à lui quand ils le croisaient. Quel titre devait-on donner à son ex-chef ? Roy secoua la main, pour le garder à distance, et se força à se redresser.

« Ça va, ouvre-moi les portes, j’en ai pour cinq minutes. Que personne ne rentre, compris ? Personne. »

Même s’il n’y avait personne dans la demeure, Roy la trouva impeccablement rangée, luisante de propreté, comme si quelqu’un venait de passer faire le ménage. Le carrelage au sol brillait, le bar de la cuisine en marbre luisait sous les luminaires suspendus. Chaque ustensile était à sa place, toute la vaisselle reposait derrière des placards débarrassés de toute trace de poussière. Comparé à l’appartement qu’il occupait avec Avalon et qui foisonnait de vie -et parfois d’un peu de désordre de sa femme et des enfants- cette maison ressemblait à un appartement témoin.

Il n’eut aucun scrupule à le saccager.

En quelques minutes seulement, cette cuisine où Roy avait si souvent répété à ses convives d’utiliser des dessous de verre pour ne pas salir son bar se retrouva sens-dessus dessous. La rage de son propriétaire fut aussi radicale que sa méticulosité d’antan. Un tabouret de bar se retrouva propulsé contre la baie vitrée, un autre termina sa course avec un pied cassé. Roy brisa des dizaines de verres et d’assiettes d’un geste rageur sur le plan de travail, lança des casseroles contre les murs, renversa les vases de plantes qui décoraient sobrement les lieux, répandit le contenu de bouteilles de vin hors de prix en les projetant au sol.

Putain, putain, putain.

Putain de merde.

La cacophonie de ses jurons sonores et de la casse monumentale ne suffirent pas étouffer le silence des lieux. Roy termina son éclat de fureur échevelé, essoufflé, égratigné par des éclats de verre, avec la sensation d’être aussi vide et brisé que les placards de sa cuisine. Il se laissa glisser contre un mur jusqu’à tomber au sol, en larmes. Il n’avait pas pleuré de cette manière depuis qu’il avait cru perdre femme et enfant, trois mois plus tôt. La vérité qu’il voulait fuir prenait plus de place encore que tout à l’heure. Elle bousculait tout son être, détruisait le peu d’estime de lui-même qu’il avait encore depuis l’affrontement.

Il était accro, il se méprisait, il avait honte et il ne savait plus comment s’en sortir.


Roy Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeSam 1 Juil 2023 - 0:18
Avalon et Roy étaient colériques et connus pour s'emporter facilement. Ils se chamaillaient souvent, se disputaient parfois mais se réconciliaient toujours rapidement, peu enclins à la rancœur. Ils s'échauffaient vite mais savaient aussi revenir sur leurs pas, écouter et comprendre. Mais aujourd'hui, debout l'un face à l'autre, aucun des deux ne semblait vouloir faire cet effort. Les mots fusaient, le ton montait, les regards étaient noirs et durs. La colère habitait Avalon ; non, elle explosait en elle, autour d'elle, envers Roy. Cette colère brûlante qu'elle avait si longtemps réduite au silence, cette colère effroyable qui masquait en réalité une inquiétude féroce.

Elle ne pouvait pas tempérer, écouter, comprendre. Elle aurait pourtant pu déceler ce que son mari voulait dire derrière ses mots accusateurs et brusques. Elle savait ce que Roy devait quitter, ce à quoi il devait renoncer, cette part de lui qu'il devait laisser en arrière. Elle savait à quel point cela pouvait être violent, douloureux, insupportable. Elle le savait pour l'avoir vécu, pour l'avoir expérimenté dans sa chair. Et d'une phrase, d'un mot condescendant, il réfuta ce qu'elle avançait, minimisa ce qu'elle ressentait. Face au vide qui s'était ouvert en elle pendant leur échange, cette réaction lui sembla intolérable. Elle eut un geste de recul et le dévisagea un instant, le visage crispé.

« J'ai quitté ma famille, Roy. Ma famille, répéta-t-elle froidement. Pas ma misère. »

Ce mot plana un instant entre eux, sembla raisonner contre les murs de leur salon. Avalon avait le ventre serré par la colère et par l'amertume, la bouche plissée par ces mêmes sentiments. Roy était plein d'une mauvaise foi qu'elle trouvait insupportable, méchante même. Elle n'aimait pas son ton condescendant, ni qu'il utilise lâchement son histoire pour la tenir éloignée de sa réalité à lui. Sa réalité qui était si différente et si particulière et si spéciale. Elle ne pouvait visiblement pas la comprendre, ni même imaginer tout ce que cette vie avait pu lui apporter.

Ce n’était pas comme si elle était aux premières loges de sa fortune, de son pouvoir et de son statut depuis plus d’un an.

Elle savait. Elle savait parce qu’elle connaissait Roy et parce qu’elle avait expérimenté cette même séparation douloureuse, des années plus tôt. Le quotidien misérable qu’il dépeignait avait été sa vie pendant des années. Son quotidien. Son milieu, celui de ses parents, de ses frères et de ses sœurs. Un milieu dur, injuste, sale. Un milieu grisant, transgressif, attirant. Un milieu qu’elle aurait pu choisir de quitter, au moment de sa majorité, mais dans lequel elle était retournée, encore et encore. Jusqu’au jour où elle avait été obligée de partir. Elle avait abandonné une partie de sa vie là-bas ; sa famille, quelques amis, une part de qui elle était. Et ce n’était pas facile ; c’était triste à en pleurer, rageant à en crier, mais pas facile. Que Roy puisse suggérer le contraire relevait d’une méchanceté basse.

Une méchanceté qui, par la même occasion, révéla à quel point Roy cherchait désespérément à maintenir le déni autour de lui. Ce déni fonctionnait comme une forteresse qui l’entourait et le protégeait de la vérité. A chaque attaque, il colmatait le trou d’une excuse ou d’une justification. Ce n’était jamais comparable. Elle ne pouvait pas comprendre. Il ne pouvait pas tout abandonner. Il y avait des conséquences à son départ. Pierre après pierre, il s’escrimait à reconstruire ce qu’Avalon détruisait. Jusqu’à cette phrase.

« T’es complètement accro à ça, en fait. »

Brusquement, tout s’effondra. Cet anéantissement fut visible sur le visage de Roy, dont les traits se décomposèrent. Il sembla tituber sous le poids de cette vérité ; ses épaules s’affaissèrent, ses jambes peinaient à le porter. La colère fut chassée en quelques secondes, remplacée par un immense désarroi qui laissa Avalon silencieuse. Aucun mot ne vint briser le silence ; la constatation amère d’Avalon occupa tout l’espace autour d’eux et résonna longtemps dans leurs oreilles.
Puis Roy fit demi-tour. Murmura quelques mots dont elle ne saisit que l’idée principale et quitta l’appartement avant même qu’elle ait pu dire quoique ce soit pour le retenir. Elle se retrouva seule, les mains agitées par la nervosité, le cœur lourd de cette dispute et des incertitudes qu’elle soulevait. Des larmes roulèrent sur ses joues et Avalon les essuya rageusement, trop en colère pour s’autoriser à pleurer.

Elle était furieuse. Furieuse contre Roy qui n’avait rien voulu voir et rien voulu entendre, alors que leur fille avait été enlevée, alors qu’il avait failli mourir, alors qu’elle portait la peur de cette perte dans sa chair. Furieuse contre ce monde qui avait voulu lui prendre sa fille, qui voulait lui prendre son mari. Furieuse contre elle pour ne pas l’avoir vu plus tôt, pour s’être laissée aveuglée et avoir fermé les yeux sur l’évidence. C’était exactement ce qu’elle avait dit à Roy, quelques minutes plus tôt ; ils avaient oublié. Ils avaient oublié ou fait semblant de ne pas se rappeler. Ils étaient retombés dans les mêmes travers, les mêmes habitudes ; lui encore plus qu’elle, évidemment, mais tous les deux assez pour risquer la vie de leur fille. Et il oublierait encore, Avalon en était certaine, malgré la colère immense qu’elle avait déclenché chez Roy en lui assénant cette vérité. Il oublierait parce qu’ils oubliaient tous. Il oublierait comme Fergus oublierait cette peur qui l’avait saisi au ventre lorsqu’il avait songé, lui aussi, que Laoise aurait pu être enlevée à la place d’Alma. Il oublierait comme il avait déjà oublié par le passé qu’il était mortel, vulnérable, fragile. Il oublierait comme Néro oubliait le manque de sa fille, dès que la cocaïne dilatait ses pupilles. Il oublierait comme Avalon avait oublié de si nombreuses fois la douleur, les yeux lourds, le poids dans l’estomac, la respiration difficile.

Il suffisait juste de recommencer. C’était ça, qui était facile.

Le cœur serré par des sentiments ambivalents, Avalon guetta le retour de Roy. Elle s’était assise sur le canapé, sans parvenir à s’y reposer entièrement. Elle se tenait sur le bord, prête à se lever ou à bondir. Sa jambe tremblait de nervosité, ses mains s’agitaient sans qu’elle n’y prête attention. Cinq minutes passèrent. Puis dix minutes. Lorsqu’une demi-heure se fut écoulée, sa colère se raviva. Sa peur aussi. Une peur irrationnelle qui lui tordait le ventre et lui donnait la nausée. Une peur qui la submergeait régulièrement depuis leur retour à Bristol, dès que Roy s’absentait en s’entourant d’un silence. Une peur qui la décida à appeler Fergus, le visage tiré par la fatigue.

« Oui ?
-Allo, Ferg’ ? C’est moi.
-Tout va bien ? » s’enquit-il immédiatement, avec cette inquiétude dans la voix qui ne le quittait plus depuis quelques semaines.
« Est-ce que tu sais où est Roy ? » demanda Avalon en évitant sa question. Fergus ne s’en formalisa pas, mais fronça les sourcils.
« Il était dans la Voie, mais Toni m’a dit qu’il était parti.
-Tu sais s’il y est retourné ?
-Non, je suis aux Folies… Quelque chose ne va pas ? » Avalon secoua la tête, sans répondre. « Tu veux que je me renseigne ?
-Ouais, s’il-te-plait. »

A nouveau plongée dans ce silence assourdissant, entièrement occupé par ses pensées bruyantes, Avalon sentit un poids supplémentaire se poser sur ses épaules. Elle se mordit l’intérieur de la joue, sans vraiment prendre conscience de la douleur qui émanait de ce geste. Lorsque le nom de « Fergus » apparut à nouveau sur l’interface de son téléphone, sa gorge se noua tellement fort qu’elle dut s’éclaircir la voix à deux reprises pour répondre :

« Oui ?
-Roy est à Bristol, mais pas sur la Voie.
-Il est où ?
-Dans sa villa.
-Dans sa… » Avalon secoua la tête, les doigts crispés autour de son appareil. Son cœur cognait dans sa poitrine, lourd d’un mauvais pressentiment. « Tu sais ce qu’il fait ? »

Fergus garda le silence, ce qui était une réponse à la fois suffisante et bien trop maigre.

« Fergus ? insista-t-elle.
-Qu’est-ce qui se passe, Ave ? »

Cette fois-ci, ce fut le silence d’Avalon qui accueillit sa question.

« Est-ce que je dois m’inquiéter, Fergus ? lui demanda-t-elle finalement.
-Non.
-Non ?
-Non.
-Il n’est pas en train de faire une énorme connerie ?
-Non, répondit Fergus après un instant d’hésitation. Non, je te le promets.
-D’accord, lâcha Avalon avec raideur. Merci, Ferg’. »

L’échange prit fin mais Avalon garda son téléphone logé dans le creux de sa main, les yeux rivés sur l’écran qui restait désespérément sombre. Apprendre que Roy était parti pour Bristol lui retournait l’estomac de cette amertume aigre. Et, malgré les mots rassurants de Fergus, son esprit ne pouvait s’empêcher d’esquisser tous les scénarios pour expliquer un tel départ précipité. Certains lui inspiraient de la colère, d’autres de la peur, d’autres de la tristesse. Toutes ces émotions se mélangeaient et se confondaient, si bien qu’elle ne savait plus ce qu’elle désirait. Qu’il rentre ou qu’il reste loin ? Qu’il s’excuse ou qu’il comprenne ? Qu’il l’enlace ou qu’il ne la touche pas ?

Et les minutes passaient, s’écoulaient avec une lenteur infinie. Fébrile, Avalon se leva, s’occupa l’esprit en lavant à la main les quelques verres qui traînaient dans la cuisine. Elle en remplit un d’eau, voulut le porter à ses lèvres mais son estomac noué ne put en admettre la moindre goutte.

Ses pensées qui vagabondaient, qui passaient de questions en questions, de doutes en peurs, se figèrent lorsqu’un message apparut enfin sur l’interface de son Pear. Elle l’ouvrit.

« Tu as raison. Je suis désolé. Je ferai tout ce que tu veux que je fasse, maintenant. »

Avalon se mordit la lèvre, les yeux hagards, les mains tremblantes. Elle sentait une lourdeur derrière ces mots, comme le poids d’une réalisation douloureuse et celui d’un aveu insupportable. Elle n’eut aucun sourire, aucune marque de joie en constatant que Roy lui accordait ce qu’il avait si longtemps dénié. Elle se sentait simplement triste, épuisée, lasse. Une colère bouillonnait toujours, mais avec moins de force et moins de virulence, comme un feu qui se serait apaisé et dont il ne resterait plus que quelques braises flamboyantes.

Ses doigts volèrent sur le clavier de son téléphone.

« Reviens à la maison, s’il-te-plait. »

Elle envoya le message puis reposa son téléphone sur le bar. Sa tête tournait, pulsait sous le coup d’une douleur nerveuse. Quelques minutes s’écoulèrent encore, jusqu’à ce qu’un léger tintement se fasse entendre dans l’entrée, signe que l’ascenseur s’ouvrait. Avalon était à quelques mètres des portes lorsque ces dernières s’ouvrirent sur Roy. Elle croisa son regard fatigué, nota les égratignures sur son visage et sur ses mains, ses vêtements froissés, les traces de larmes sur ses joues.

Elle ne sut quelle émotion l’empêcha de parler mais elle garda le silence, sans pour autant le quitter des yeux.


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeSam 1 Juil 2023 - 18:03
La cuisine ressemblait à un champ de bataille que Roy, seul survivant, contempla d'un regard vide pendant un long moment, perdu dans ses pensées et ses émois. Il avait vécu ici un jour et pourtant, il avait l’impression de n’avoir jamais vraiment habité les lieux. A part quelques vêtements et quelques objets personnels, il n’avait rien emporté avec lui quand il avait emménagé avec Avalon ; au fond, rien ici n’avait une réelle valeur à ses yeux. Tout semblait encore neuf, comme si aucune trace de temps et de vécu n’était passé sur les meubles et les objets que Roy avait pourtant soigneusement choisis. « C’est vraiment chez toi ? » lui avait demandé Adrian, la première -et seule- fois qu’il était venu le voir ici, en rentrant d’Argentine. Maintenant, même Roy en doutait.

Tout ce qu’il gardait de souvenirs de cet endroit était lié aux Veilleurs. Ils avaient tenu des conseils de guerre dans ce salon, avec Jayce et les autres. La demeure avait accueilli des soirées gigantesques et débauchées qui s’emmêlaient dans l’esprit de Roy, parce qu’elles se ressemblaient toutes.

Ce n’était pas tout à fait vrai. Il y avait eu des éclats de rire, des parties de poker endiablées, des dîners chaleureux, des conversations importantes avec ses amis. Il y avait eu des regards appuyés échangés avec Avalon, sur ce canapé où ils avaient flirté à quelques reprises, avant d’être ensemble. Il y avait eu cette fameuse nuit où ils avaient dormi ensemble, sans aller plus loin. Cette soirée où elle n’arrivait pas à dormir et où ils s’étaient confié leurs cauchemars.

Il y avait quelques instants de vie mémorables, à certains moments, à certains endroits de cette gigantesque maison abandonnée. Pour autant, Roy n’avait pas la sensation d’avoir vécu ici. Pas comme il occupait et habitait l’appartement qu’il avait acheté avec Avalon, où ils avaient décoré ensemble la chambre d’Alma et fabriqué leur nid d’amour.

Il y avait quelque chose de très paradoxal de s’accrocher aussi fort à ce qui lui apportait si peu de souvenirs vraiment mémorables. Les mots que Jason avait prononcés un jour n’avaient jamais résonné avec autant de justesse qu’à cet instant.

« Je comprends pas, t’es prisonnier ou vivant là-dedans ? »

Prisonnier. Accro.

C’était une autre histoire qu’il se racontait désormais en regardant derrière lui.

Son doigt finit par appuyer sur le nom qu’il regardait depuis quelques minutes sur l’écran de son Pear. La voix de Jayce retentit bientôt, après quelques tonalités.

« Allô ? »

Silence.

« Roy, c’est toi… ? Ça va ? »

Roy eut l’impression que c’était la voix de quelqu’un d’autre qui répondait, sur une tonalité légèrement éraillée :

« Tu vas tout arrêter, hein ? »

Ce fut au tour de Jayce d’adopter un silence, comme s’il prenait la mesure de l’importance de la question et surtout de la réponse qu’il allait livrer à son meilleur ami dont le trouble était palpable, même à distance. Fidèle à lui-même, après un instant de réflexion, Jayce opta pour la simplicité et l’honnêteté :

« Oui. »

Roy enfouit la tête entre ses genoux, pris d’un mélange étouffant d’émotions. Il ne savait pas si la certitude qui semblait émaner de Jayce le soulageait ou l’angoissait, au contraire ; lui, il ne se sentait pas capable de ressentir un centième de sa sérénité sur cette décision qu’ils avaient pourtant prise en même temps.

« Et qu’est-ce qu’on va faire, maintenant ? » souffla t-il.

Qu’est-ce qu’on va être, était la question qui brûlait ses lèvres. Jayce n’eut guère besoin qu’il l’explicite pour le comprendre aussitôt : il passait exactement par les mêmes questionnements de son côté. Sa voix grave résonna à l’appareil, avec ce calme olympien que Roy était venu chercher en l’appelant et auquel il se raccrocha :

« La même chose qu’on a toujours fait depuis qu’on se connaît, Roy. Se soutenir dans ce qui compte vraiment. C’est pas la mafia et tu le sais. » Un léger silence plana, avant qu’il n’ajoute : « Je m’en fiche de ce qu’on va faire. C’est ce qu’on est, l’important. Tu seras toujours mon frère. »

La gorge serrée d’émotion, Roy essuya ses yeux avec la sensation qu’un certain poids s’enlevait de ses épaules et qu’un peu de clarté revenait dans son esprit.

« Toi aussi. Merci. »

Après avoir raccroché, Roy fit glisser la fiche de contacts de son Pear jusqu’à trouver le nom d’Avalon.


******


Une heure s’était écoulée depuis que Roy avait transplané vers sa villa. Ce temps avait été précieux et nécessaire pour lui permettre de gérer un débordement intense d’émotions, qu’il aurait fini par faire éclater d’une manière regrettable s’il était resté chez lui. Il préférait encore saccager un endroit où sa famille ne mettait pas les pieds, plutôt que d’offrir l’affreux spectacle de sa colère à sa femme et à leurs enfants.

Il savait qu’il avait fait ce dont il avait eu besoin mais il était aussi conscient qu’une heure était passée et que c’était beaucoup. Il se rappelait qu’Avalon était habitée d’une immense colère quand il l’avait quittée. Il n’avait aucun moyen de savoir quel était le ton du message qu’elle lui avait envoyé en réponse au sien. Est-ce qu’elle se trouvait toujours furieuse ? Résignée ? Froide ? Inquiète ?

Il passa la porte de son immeuble avec la peur au ventre d’avoir commis quelque chose d’irréparable. Ce fut dans l’ascenseur qu’il remarqua sa mine affreuse, à travers le miroir qui occupait l’une des parois. Il n’eut pas le temps de faire mieux qu’épousseter ses vêtements et recoiffer ses cheveux pour arranger son aspect ; Avalon l’attendait dans l’entrée, à quelques mètres de leur ascenseur.

Il avança vers elle, habité d’un sentiment d’humilité rare chez lui, qu’il avait déjà laissé transparaître dans son message. Il pensait sincèrement ce qu’il lui avait écrit ; il était prêt à faire tout ce qu’elle lui demanderait pour se racheter et changer. Il y avait longuement réfléchi dans cette cuisine en débris, tout à l’heure, et il lui semblait que c’était la seule option qu’il lui restait pour se libérer de cette situation qui représentait trop d’enjeux importants. Il ne s’agissait plus seulement de sa santé mentale à lui et de sa sécurité ; c’était aussi la sécurité de son foyer.

Et peut-être la survie de son mariage.

Avalon ne lui avait pas posé un ultimatum comme Sundari avait pu le faire à Jayce, excédée par des années d’atermoiements de son mari. Leur mariage ou la mafia. Avalon ne l’avait pas fait mais elle aurait pu, Roy le sentait comme une certitude glaçante au fond de lui-même. Elle n’avait pas eu l’air prête à céder un moindre pouce de terrain, pendant leur dispute violente. Elle aurait pu lui poser le même ultimatum que Sun, s’il s’était obstiné, s’il n’avait pas voulu faire de compromis, car c’était après tout la seule carte qu’il restait à Avalon pour lui faire entendre raison.

Roy n’avait aucune envie qu’ils en arrivent à de telles extrémités, surtout pas maintenant qu’elle l'avait brutalement mis face à la vérité. Il se sentait déjà père indigne, mari indigne. Il ne se sentait pas la force de gérer cette situation en sachant qu’Avalon se tenait prête à le quitter.

Déjà il sentait planer entre eux un malaise et un silence insupportable. Les premiers mots qu’il finit par prononcer furent de plates excuses :

« Désolé d’être parti comme ça, je… J’avais besoin d’être un peu seul pour réfléchir. »

La vive honte qui l’avait poussé à partir une heure plus tôt ne s’était pas envolée. Roy la sentait toujours en lui, ravivée par le regard indéchiffrable que sa femme posait sur lui. Il décelait une certaine réserve dans son attitude, comme si elle attendait de voir ce qu’il avait à dire pour trouver sa posture. Bras ballants, mal à l’aise, il dut lutter pour ne pas détourner le regard face à elle en poursuivant :

« Je pense ce que je t’ai dit dans mon message. Si tu veux que je pose plus jamais un pied dans la Voie ou aux Folies… Je le ferai. »


Roy Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeSam 1 Juil 2023 - 22:07
Les excuses de Roy furent le premier son qui déchira l’atmosphère lourde et pesante qui s’était installée entre les deux époux. Avalon hocha lentement la tête, comme pour les accueillir, mais ne trouva rien à y répondre. Elle demeura debout face à lui, le dos raide, les bras croisés sur sa poitrine. Elle ne voulait pas se lancer la première dans cet échange, pas après la manière dont ils s’étaient quittés une heure plus tôt. Elle attendit, dans un silence lourd, presque gluant, que Roy se jette dans les mots, qu’il forme quelques phrases maladroites et douloureuses, qu’il initie cette conversation dont ils saisissaient tous les deux l’importance.

Et ce fut une promesse que Roy lui fit d’abord. Il lui répéta ces quelques mots qu’il lui avait envoyés et les accompagna d’une proposition qui éclaira le regard d’Avalon d’une lueur indéchiffrable. Elle se retrouva à court de mots, incapable d’affirmer ce souhait qu’elle ressentait pourtant dans chaque fibre de son corps. Un malaise s’insinua en elle, un malaise et un doute qu’elle ne parvint pas à identifier clairement. Parce que son silence commençait à s’éterniser, elle prit une longue inspiration et finit par lâcher, en désignant le salon du menton :

« Attends, viens, on va s’asseoir. » Roy s’engagea dans le salon mais, prise d’une hésitation au moment de le suivre, elle lança d’une voix un peu incertaine : « Je crois que je vais me faire un thé. T’en veux un ? »

Roy acquiesça et Avalon changea de direction pour rejoindre la cuisine. Elle remplit la bouilloire, la reposa sur son socle et enclencha le système de chauffe avant de s’appuyer contre le plan de travail, les yeux dans le vague. Ce n’était pas tant la soif que l’envie d’être seule qui l’avait conduite ici et Avalon profita de ces quelques minutes pour mettre de l’ordre dans ses pensées agitées. Elle sentait toujours la colère luire au creux de son estomac, moins flamboyante que celle qu’elle avait laissé exploser tout à l’heure. Elle était étouffée par cette inquiétude qui l’envahissait si souvent, qui la privait parfois de sommeil et qui tordait ses entrailles. Une inquiétude qui avait de multiples sources mais qu’elle ne savait pas comment apaiser. Une inquiétude qui, désormais, était chargée de cette responsabilité que Roy avait mis entre ses mains.

Avalon pensait ce qu’elle lui avait dit. Il était accro. Accro à l’adrénaline, au danger, à la gloire. Complètement dépendant de ce monde dans lequel il était influent, craint, respecté. Et lorsqu’il prenait des coups, lorsqu’il tombait à terre, ce n’était jamais qu’un prétexte pour le pousser à se relever et à demander encore plus pour compenser le tort qu’il avait subi. Avalon en avait déjà été témoin ; elle l’avait vu s’effondrer à ses côtés, les poumons vidés d’air. Elle l’avait vu à l’hôpital, quelques heures plus tard, le regard encore hanté par l’ombre de la mort. Et puis elle l’avait vu replonger, partir en guerre contre ses ennemis et oublier la peur, oublier l’impuissance, oublier la vulnérabilité. Le milieu mafieux avait de pernicieux qu’il conférait à tous ce sentiment de puissance qui frôlait parfois dangereusement avec l’impression d‘être immortel. Personne ne pouvait quitter ce monde, parce que cela supposerait alors de renoncer à cette immortalité promise dans chaque frisson d’adrénaline.

Avalon le savait pour l’avoir déjà vécu. A une autre place, moins prestigieuse et moins glorieuse mais pas moins grisante. Elle se souvenait de ce bonheur transgressif qu’elle ressentait parfois et de ce sentiment d’appartenance d’autant plus majoré chez ceux qui étaient exclus des grands espaces de la société. Elle le savait aussi parce qu’elle avait expérimenté cette autre addiction qui lui faisait oublier les limites de son propre corps. Lorsqu’elle se droguait, Avalon avait toujours eu l’impression de tenir le monde dans le creux de sa main, d’être capable de toucher les étoiles et de cueillir le soleil. C’était puissant, euphorisant, délicieux. Lorsque les effets se dissipaient, il y avait toujours cette fatigue insupportable, cette douleur derrière les yeux, ce poids dans son cœur. Mais ce n’était pas grave ; le bonheur était toujours à quelques mètres d’elle. Il lui suffisait juste de tendre les bras.

Pour Roy, c’était pareil. Sa dose, c’était ce frisson dans son estomac lorsqu’il pénétrait dans la Voie des Miracles. C’était ce danger perpétuel autour de lui qu’il avait l’impression de maîtriser. C’était cette gloire tant enviée et tant redoutée. C’était pareil et pourtant Avalon comprenait pourquoi il n’avait pas pu tracer ce parallèle si facilement.

C’était insupportable, d’avouer sa dépendance.

Inévitablement, ses pensées s’échappèrent vers des souvenirs vieux de douze ans. Des souvenirs qui lui paraissaient à la fois lointains et très actuels.

***

C’est la nuit. Il fait chaud. Ses vêtements se collent contre sa peau moite. Assise par terre, Avalon regarde ses pieds se balancer au-dessus de la Tamise. Elle ne sait pas exactement où elle est mais ses jambes douloureuses lui font savoir qu’elle a marché longtemps. Elle est loin de chez elle, dans un quartier où les pavés sont plus propres que le sol de sa cuisine. Elle inspire nerveusement sur la cigarette coincée entre ses lèvres, qui se consume de quelques centimètres. Sa main est refermée sur une flasque de vodka bon marché, qu’elle a volé dans une épicerie ouverte toute la nuit. Sous elle, l’eau coule et coule encore. Parfois, Avalon a envie d’y plonger et de laisser la Tamise l’emporter sur plusieurs mètres. Inconsciemment, elle s’est un peu rapprochée du bord.

« Ce serait une très mauvaise idée de sauter. »

Avalon sursaute, si fort qu’elle en fait presque tomber son sac dans le fleuve. Elle le rattrape du bout des doigts et jette un regard noir à l’inconnu qui s’est rapproché d’elle.

« Va te faire foutre.
-C’était un égout, avant, poursuit-il en s’installant à côté d’elle. Tout le monde y déversait ses toilettes.
-Super, maugrée Avalon.
-Je t’évite juste une très certaine gastroentérite. » répond l’homme en haussant les épaules. Il ne la regarde pas, ses yeux sont fixés sur Big Ben, qu’ils aperçoivent en face. Avalon ne peut voir que son profil ; des cheveux noirs et fins, coiffés vers l’arrière, un nez proéminant, sûrement cassé. Son regard tombe sur ses mains, posées à plat sur ses genoux. Il a une alliance à l’annulaire gauche et une chevalière à l’autre main.

« C’est quoi, ça ? » demande-t-elle en désignant vaguement sa main. Sa voix lui paraît lointaine, différente. Les mots qui franchissent ses lèvres semblent appartenir à quelqu’un d’autre et, pourtant, Avalon les force à sortir car le silence donne à sa détresse un espace qu’elle n’est pas prête à la voir occuper.
-Quoi ? Les symboles ?
-Ouais. Ça veut dire quelque chose ?
-Loyauté, courage et méfiance.
-C’est quoi, ta devise ? » Son ton est chargé d’une ironie mordante, que l’inconnu semble à peine percevoir.
« On peut dire ça comme ça.
-J’ai jamais vu un truc aussi bourge. »

L’homme pivote pour se tourner vers elle. Elle l’observe brièvement mais ne supporte pas son regard qui la scrute en silence. Elle tire à nouveau sur sa cigarette et fait passer le goût de la fumée d’une gorgée d’alcool.

« Qu’est-ce que tu veux ? l’interroge-t-elle finalement, un peu sèchement.
-Rien.
-Pourquoi t’es là, alors ?
-Je te l’ai dit, j’avais peur que tu sautes dans la Tamise.
-Je suis assise. Si je voulais sauter, je serais debout sur ce putain de pont. »

L’inconnu hausse les épaules.

« Tout ce que je sais, c’est que t’as la tête de celle qui n’a plus rien à perdre.
-Mais va te faire foutre. » Sa voix tremble un peu, cette fois-ci.

***

C’est encore la nuit. Il fait froid et pourtant, Avalon meurt de chaud. Elle tremble, les bras crispés autour de son ventre douloureux. Elle se sent fiévreuse et nauséeuse, fuit le contact du drap sur sa peau frissonnante. Et ce n’est pas qu’une douleur physique ; c’est comme si tout son esprit se tordait de douleur. Allongée dans ce lit, elle a l’impression qu’elle pourrait mourir.

« Tu veux boire un truc ? »

Elle ne répond rien, se mord la lèvre si fort qu’un goût métallique se répand dans sa bouche. Fergus lui tend un verre en plastique rempli d’eau, qu’elle envoie au sol d’un geste brusque de la main. Il l’observe sans rien dire et elle a envie d’hurler.

« Arrête de me fixer comme ça, putain de merde, lâche-t-elle entre ses dents serrées.
-Faut que tu manges, Avalon.
-Je mangerai un truc quand tu m’auras filé le flacon d’oxy que j’avais dans mon sac.
-Tu m’as interdit de te le donner.
-Bah je te le demande maintenant.
-Non.
-Non ? Avalon se redresse difficilement. Son regard est noir, méchant. C’est à moi, putain. T’es vraiment un enculé. Pourquoi tu veux le garder pour toi ? Tu veux le revendre, c’est ça ? C’est ma thune, espèce de fils de…
-Insulte-moi si tu veux, je l'ai déjà jeté.
-Je mangerai pas. Je mangerai pas et j’espère que je vais clamser dans ton vieil appartement et que tu pourriras dans votre putain de prison sorcière. Ils te condamneront pour avoir été un sale pervers qui ramène chez lui des filles de dix-huit ans au lieu de rester avec sa femme. »

Fergus se lève brusquement, les mains agitées d’une nervosité qui tire un sourire mesquin à Avalon.

« Je vais faire des pâtes. » annonce-t-il en se dirigeant vers le couloir. Il se tourne vers elle, l’observe dans un silence. « Ça ira mieux demain. »

***

Il avait fallu trois jours pour ses tremblements cessent. Six jours pour que sa nausée passe. Le septième jour, Avalon s’était levée de son lit, le corps douloureux, les yeux rougis, les cheveux emmêlés. Elle s’était douchée, dans l’espoir de parvenir à se débarrasser de cette saleté de honte qui la rendait misérable et dégoûtante.

« Je suis pas certaine de me souvenir de tout ce que je t’ai dit. »

Face à elle, Fergus est imperturbable, même si un pli soucieux occupe l’espace entre ses sourcils.

« Je t’ai beaucoup insulté. » devine sans mal Avalon. Certains mots lui brûlent encore les lèvres.
« Ma mère aussi, commente Fergus, pince-sans-rire. La pauvre. La prochaine fois, tu devrais plutôt t’en prendre à ma sœur, je me ferai un plaisir de t’écouter. »

Ce trait d’humour ne suffit pas à dérider Avalon. Elle sourit mais le cœur n’y est pas.

« Pardon. Pardon, j’ai vraiment été atroce. Je sais même pas quoi dire, c’est… C’est minable. »

Fergus se penche suffisamment pour poser sa main sur son avant-bras. Il cherche son regard, qu’elle lui accorde à contre-cœur.

« C’est fini, Ave. Et c’était pas minable. T’as réussi. T’as décidé d’arrêter tout ça et t’as réussi. »

Elle lui adresse un léger sourire mais peine à le croire, l’esprit encore hagard et perdu dans les sensations douloureuses qui ne veulent pas la quitter. Qui ne la quitteront jamais véritablement.

« De toute façon, reprend-il en se redressant, le seul truc blessant que tu m’aies dit, c’est quand tu m’as traité de gros bourge à cause de la ma chevalière, la première fois qu’on s’est rencontrés. »

**

Avalon ne se souvenait plus de tout. Elle gardait cependant en mémoire cette détresse immense au creux de son estomac et cette urgence à la faire taire. A cette époque, elle aurait pu vendre son âme pour avoir accès à quelque chose pour remplir ce vide qui s’ouvrait en elle. Et, si sa situation et celle de Roy n’étaient pas exactement similaires, Avalon pouvait imaginer qu’il y avait un gouffre aussi chez lui. Un gouffre d’autant plus important qu’il avait été creusé encore plus profondément avec l’arrachement de leur fille. Un gouffre qu’il devait donc lui paraître nécessaire de remplir à ras-bord, pour ne pas en voir le fond vertigineux.

La bouilloire émit un léger bruit pour indiquer la fin de la chauffe. Avalon la souleva et remplit deux tasses qu’elle amena prudemment dans le salon. Roy était installé sur un canapé, les mains jointes et le regard fuyant. Elle déposa une tasse devant lui et s’installa dans un fauteuil en face. Ils se dévisagèrent en silence, avant qu’Avalon ne prenne la parole, d’une voix un peu éraillée :

« J’ai pas envie que tu retournes dans la Voie. »

Sans lâcher Roy du regard, elle chercha les mots qui lui avaient échappé plus tôt :

« J’ai pas envie parce qu’à chaque fois que tu es là-bas, j’ai l’impression qu’il va t’arriver quelque chose. J’ai peur qu’il y ait une attaque, une mutinerie, une embuscade et que tu meurs. » Ce mot plana un instant entre eux, lourd de toutes les images qu’il convoquait. « Depuis que… Depuis que je t’ai vu ce jour-là c’est comme s’il y avait un… Un vide… Un vide en moi. » Sa gorge se noua d’une émotion palpable dans ses mots. « Et quand tu pars sur la Voie, c’est tellement fort que j’arrive plus à… A vivre normalement. Je peux seulement attendre que tu rentres ou que quelqu’un m’annonce que tu es mort là-bas. » confia-t-elle finalement, dans un souffle douloureux. « J’ai pas envie que t’y retournes parce que c’est dangereux pour toi là-bas et parce que ça met Alma en danger. Chaque jour que tu passes là-bas, ça la met en danger. » insista-t-elle. « Et je sais que tu le sais. C’est pour ça que je te disais que t’étais accro à ça parce que… T’as beau savoir ça, tu continues à le faire. Et je pense que tu continueras à le faire tant que t’auras pas lâché complètement. On peut pas arrêter à moitié. Si t’es un peu dedans, t’y es entièrement, même si t’essaies de te raconter une autre histoire. »

Une poignée de secondes s’écoulèrent avant qu’Avalon ne reprenne. Son cœur s’accéléra légèrement et ses mains tremblèrent de nervosité contre sa tasse.

« Moi, j’ai pas envie que tu retournes dans la Voie ou aux Folies. Mais si toi tu ne veux pas que ça s’arrête, alors ça sert à rien que je te demande de ne plus y aller. Tu continueras quoiqu’il arrive, tu me mentiras et tu te trouveras des excuses… Et tu finiras par m’en vouloir, par me détester même, parce que je veux que tu changes. » Du bout des doigts, Avalon tapota nerveusement sa tasse en céramique. « Ce que tu fais avec les Veilleurs, Roy, ça doit venir de toi. Si tu me fais choisir à ta place, ça n’aura aucune valeur. »



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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 2 Juil 2023 - 11:43
En temps normal, Avalon était un livre ouvert pour Roy. Elle était si expressive et il la connaissait si bien qu’il pouvait deviner ce qu’elle avait en tête avant même qu’elle n’y mette des mots. Cette fois-ci, pourtant, il eut l’impression de naviguer à vue. Il s’exposa à elle, par ses paroles maladroites et ses excuses pétries de culpabilité, il fit un premier pas en espérant qu’elle ferait le suivant, mais elle resta à une certaine distance. Elle se protégea derrière un regard indéchiffrable et une posture fermée qui ne permettait pas à Roy d’accéder à ses remous intérieurs. Il ne sut pas d’où venait cette pudeur. Peut-être qu’elle réservait son jugement et qu’elle avait besoin de réfléchir. Peut-être qu’elle était toujours fâchée.

Roy acquiesça sans y penser quand sa femme lui proposa de faire un thé et la suivit en silence vers le salon. Il prit place sur l’un des canapés, pendant qu’Avalon s’éloignait vers la partie cuisine. Il ne voyait que ses longs cheveux qui chutaient dans son dos, de là où il se trouvait. Son regard resta fixé sur ses épaules, comme si elles pouvaient lui donner des indices sur son état d’esprit. L’estomac tordu d’angoisse, il eut l’impression que la préparation de ce thé durait une éternité. Il ne toucha même pas à sa tasse quand, enfin, Avalon la déposa devant lui. Il regarda la fumée s’évaporer en silence ; pourtant, il détestait le thé tiède.

Roy finit par lever les yeux vers Avalon, retracer chaque contour de son visage dans l’espoir d’y déceler quelque chose. Son silence le tuait, parce qu’il avait désespérément besoin qu’elle lui parle. Qu’elle le rassure. Qu’elle lui dise que tout irait bien, qu’elle allait l’aider, qu’ils allaient s’en sortir.

Qu’elle ne lui en voulait pas et qu’elle l’aimait toujours.

Cette hantise revenait le guetter comme aux premiers jours qui avaient suivi l’enlèvement d’Alma. Roy s’était instinctivement tenu prêt à ce que, à tout moment, Avalon explose de colère et lui déverse un tombereau de reproches avant de lui intimer de s’éloigner d’elle et de leur fille. Il s’était tenu prêt parce que, parfois, il songeait que c’était tout ce qu’il méritait. Elles avaient été toutes les deux mises en danger par sa faute, pour son imprudence et son orgueil, pour ses activités qu’il ne maîtrisait pas totalement malgré les histoires qu’il se racontait à lui-même.

Mais Avalon ne lui avait donné que de l’amour, du soutien, de la force. Elle avait été plus qu’une épouse modèle, elle avait été son pilier sur lequel il s’était reposé pour se reconstruire doucement et panser ses plaies.

Quelle piètre manière de la remercier que de revenir à ses mauvaises habitudes dès l’instant où ils reposaient un pied en Angleterre. Il n’y avait pas de mot pour décrire l’ampleur de la honte qu’il ressentait. Elle était si grande qu’il avait de nouveau l’impression qu’à tout moment, Avalon pouvait lui dire d’aller plier ses affaires et s’en aller, comme si c’était la seule sentence qu’il méritait ; aller se cacher au fond d’un trou pour y être misérable, sans entraîner tout son entourage avec lui.

Pourtant, à nouveau, ce ne fut pas ce qu’Avalon finit par dire, après un silence interminable. Cette fois encore, elle lui témoigna son soutien et son amour, en lui partageant l’inquiétude qu’elle ressentait pour lui. L’estomac de Roy se tordit un peu plus en l’écoutant évoquer d’une voix tremblante ce vide que son absence creusait en elle et qui l’empêchait de vivre normalement. Il voulut murmurer des excuses mais ses mots s’étranglèrent dans sa gorge nouée. Il ferma brièvement les yeux, pour contenir son émotion. Il en eut une sensation de vertige, comme s’il éprouvait physiquement ce qu’Avalon était en train de lui décrire.

Vide.

Il y avait un vide en lui aussi. Un gouffre interminable, comme si une main cruelle avait creusé le fond de ses entrailles en lui arrachant tout ce qui lui était le plus précieux. Les quelques heures où Alma avait été en danger loin de lui, là où il ne pouvait plus la voir, avait suffi à en creuser la moitié. Puis il y avait toutes ces images d’horreur dont il faisait encore des cauchemars ; le feu, le sang, la fumée, Norvel qui ricanait de satisfaction, ses amis lancés dans une bataille impossible, Avalon qui se contorsionnait de douleur au sol, son ventre barré par une profonde entaille. La peur de tout perdre, tout ce qui importait vraiment.

Il pensait pouvoir combler ce vide intérieur en retrouvant la présence de sa femme, de ses filles et de ses proches. Mais cela n’avait pas suffi, parce que même si elles étaient là, bien vivantes et bien portantes près de lui, Roy n’arrivait pas à se sentir vraiment en sécurité. Le moindre bruit suspect dans sa maison, le moindre cauchemar un peu trop réaliste suffisait à rappeler la peur de la perte en lui et à nouveau, convoquer le vertige.

Ce qu’il réalisait maintenant c’était qu’il y avait encore un autre creux en lui, un creux moins profond mais beaucoup plus honteux, celui qu’Avalon avait mis en lumière tout à l’heure en prononçant le mot juste. Addiction. Il y avait un vide là où il y avait le manque de l’adrénaline, de la sensation de toute-puissance, de l’impression d’immortalité qui avaient chargé les douze dernières années de sa vie d’une intensité totalement folle. Roy se retrouvait brusquement sans cette décharge quotidienne qui le maintenait debout, donnait un but à ses journées et cultivait son ego.

Et la chute était violente.  

Alors, comme un drogué, il essayait de retrouver un peu de cette sensation perdue, en revenant se brancher comme il le pouvait à ces sources d’énergie monstrueuse. Le plus minable, c’était qu’il n’y arrivait même pas. Quand il était dans la Voie avec Fergus et Toni, il n’arrivait même plus à ressentir un centième de l’exaltation qu’il avait éprouvée par le passé. Il n’y arrivait plus parce que Roy n’avait jamais été aussi conscient de sa vulnérabilité que ces derniers mois. L’enlèvement d’Alma et l’affreux conflit qui avait suivi lui avait rappelé tout ce qu’il avait oublié : il n’était qu’un misérable être humain mortel et faillible, comme tous les autres, et ni l’argent, ni le pouvoir ne pouvaient changer ça.

Il s’accrochait à une sensation fantôme. Peut-être qu’avec le temps, avec l’oubli, elle finirait par revenir, comme le soulignait Avalon. Mais ce serait au prix terrible du sacrifice de ce qui comptait vraiment pour lui.

Alors, il ne pouvait pas rester perfusé, même par une toute petite aiguille. Avalon avait raison, Jayce avait raison. Il ne pouvait pas rester à moitié. C’était prendre le risque de retrouver les étincelles de cette sensation addictive à laquelle il s’accrocherait malgré lui. C’était précisément parce qu’il était conscient de sa propre faiblesse qu’il s’était humilié tout à l’heure, en demandant à Avalon de prendre des décisions pour lui. Il ne lui avait jamais demandé ça, ni à elle, ni à personne. Il n’avait laissé à personne les clés de son avenir, il n’avait fait que se battre toute sa vie pour les garder entre ses mains.

Mais cette fois-ci, il sentait qu’il courait un danger à les garder. Il les remettait à Avalon en espérant la voir en faire meilleur usage. Et parce qu’elle mesurait très bien la responsabilité qu’une telle demande impliquait, elle voulut d’abord s’assurer de ce qu’il voulait, lui. Comme pour tenter de canaliser les vives émotions qui s’agitaient toujours en lui, Roy prit une inspiration.

« Je veux que ça s’arrête, Av’. Je te demande ça parce que je veux que… que ça s’arrête. »

Ce fut la seule phrase qu’il parvint à articuler avant que son barrage intérieur ne saute. Il venait de prononcer des mots qui résonnèrent fortement en lui, comme s’il avait enfin lâché la vérité que tout son être attendait. Il voulait que tout s’arrête. C’était tout ce qu’il voulait. Sa vie devenait un cauchemar. Il voulait désespérément en sortir, il voulait marcher dans la rue sans regarder en permanence derrière lui. Il voulait pouvoir profiter pleinement des sourires d’Alma et des étreintes d’Avalon, sans avoir constamment l’impression qu’une ombre les suivait.

Il n’en pouvait plus.

Cette fois, il ne retint plus les larmes qui dévalaient ses joues.

« Je peux plus, putain, j’ai l’impression de devenir taré. Comme si j’étais dans… le corps de quelqu’un d’autre, je peux pas m’empêcher de… Putain. » Il passa d’un geste nerveux ses mains tremblantes sur son visage. « Pardon pour... Je veux pas que tu… Je veux pas t’empêcher de vivre normalement à cause de mes conneries, merde. Je veux pas crever un jour comme j’ai failli… » Il ne parvint pas à terminer la fin de cette phrase qui convoquait des souvenirs trop douloureux pour eux deux. Le visage caché dans ses mains, il termina dans un sanglot : « Je peux pas vous perdre… »


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Avalon se souvenait du jour où, les joues ruisselantes de larmes, elle avait confié à Fergus qu’elle voulait tout arrêter. Elle ne savait même pas exactement ce qu’elle mettait derrière ce « tout » désespéré ; la douleur lancinante qui pesait sur son cœur, ce constant sentiment de culpabilité et de dégoût qu’elle nourrissait envers elle-même, cette aigreur dans sa bouche, cette urgence qui agitait ses mains. Elle avait dit « tout » avec ce regard que Fergus avait perçu chez elle, la première fois ; celui de celle qui n’avait plus rien à perdre. Elle avait mis entre ses mains ce souhait désespéré et il en avait pris soin comme un trésor qu’elle lui aurait confié. Il avait été patient, un véritable pilier pour elle pendant ces longues semaines, puis toutes les années qui avaient suivi. Il avait été tellement solide, même lorsque le manque avait placé dans la bouche d’Avalon des paroles acides, méchantes, mesquines. Il n’avait pas cillé une seule fois devant ses attaques ni devant ses supplications. Et, lorsque les effets de ce sevrage brutal s’étaient finalement dissipés, ses démons n’avaient pas disparu pour autant. Avalon portait l’ombre de l’addiction dans sa chair depuis des années ; une ombre parfois discrète, parfois bruyante et menaçante. Mais elle ne portait pas ce fardeau seule ; elle ne l’avait jamais porté seule. Quelques mois plus tôt, elle avait mis entre les mains de Toni ce flacon blanc qui l’attirait autant qu’il la repoussait, parce qu’elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait pas se faire entièrement confiance tant qu’elle le gardait sur elle, comme un secret dangereux et sale.

Alors, lorsque Roy prononça ces quelques mots si semblables à ceux qui avaient franchi ses lèvres des années plus tôt, Avalon les accueillit de la même façon que Fergus avait accueilli les siens ; comme un trésor dont elle avait désormais la responsabilité.

Elle observa Roy, le cœur serré par la tristesse, alors qu’il fondait en larmes face à elle. Visiblement écrasé par la honte, le chagrin et la colère, il lui confia quelques phrases maladroites et confuses pour lui expliquer cette impuissance qui rongeait son corps et lui donnait l’impression d’être quelqu’un d’autre. Avalon se mordit la lèvre, comme pour contenir vainement l’émotion qui humidifia ses yeux à son tour. Cet échange remuait tant de choses en elle ; des choses récentes et des choses si anciennes qu’elle pensait les avoir oubliées. Mais, si son cœur était agité, son regard, lui, était certain et déterminé. A son tour, Avalon devint pilier, rocher dans la tempête. Comme Roy l'avait fait de si nombreuses fois pour elle au cours de ces derniers mois, elle prit sur ses épaules ce poids qu'il portait alors seul, le soulagea d'une charge immense en la partageant avec lui.

Essuyant nerveusement le coin de ses yeux, Avalon se pencha vers Roy, jusqu’à poser sa main sur son genou.

« Je suis là, Roy. » souffla-t-elle, la voix écrasée par la tension de ces dernières heures. Elle dut s’éclaircir la voix pour reprendre. « Je suis là et je ne vais nulle part. »

Parce que la distance devenait difficile à supporter, Avalon se leva et contourna la table basse entre eux pour venir s’asseoir à côté de son mari. D’une pression qu’elle exerça dans sa nuque, elle l’attira contre elle et referma ses bras autour de lui. Ils demeurèrent ainsi, enlacés l’un à l’autre, pendant de longues secondes qui prirent un goût d’éternité nécessaire.

« Je sais que là, ça paraît insupportable. Comme si… Comme si on s’apprêtait à t’arracher une partie de toi. » murmura Avalon dans le secret de leur étreinte. « Mais je te jure que ça passe. Et quand ça passera, tu te rendras compte à quel point c’était du vent, tout ça. Ça vaut pas que tu risques ta vie. » Sa voix trembla un peu sur cette dernière phrase et Avalon baissa légèrement la tête pour embrasser les cheveux sombres de son mari. « Je suis là, répéta-t-elle encore une fois, ça va aller. On va trouver des solutions et ça va aller. »



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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 3 Juil 2023 - 11:47
L’orgueil si précieux de Roy semblait détruit en morceaux à cet instant où il laissait voir ses fragilités les plus honteuses et ses émotions les plus secrètes. Il abandonnait ses défenses habituelles parce qu’il n’avait plus la force de les tenir, mais aussi parce que c’était Avalon en face de lui ; face à aucune autre personne, il ne se serait montré si vulnérable. Seule Avalon partageait avec lui l’intimité qui lui permettait d’accéder à son être le plus total, dépouillé de tous les artifices et les remparts dont il se parait habituellement. Ses meilleurs amis l’avaient vu pleurer ; mais aucun ne l’avait vu fondre en larmes comme il le faisait désormais face à sa femme.

Il éprouva un mélange perturbant de soulagement et de honte à se libérer de cette manière. Quelque chose en lui était déjà en train de s’apaiser, comme si ses aveux atténuaient enfin une voix qui hurlait depuis longtemps en lui, sans avoir été entendue. Pour autant, un certain inconfort subsistait, un mélange d’embarras, d’incertitude et d’inquiétude qui resta très vif en lui, jusqu’à ce qu’Avalon finisse par poser ses mains sur lui et souffler les mots qu’il attendait désespérément.

« Je suis là, Roy. Je suis là et je ne vais nulle part. »

Il se laissa aller sans résister dans l’étreinte qu’elle initia d’une pression sur sa nuque. Le visage enfoui dans le cou d’Avalon, Roy eut l’impression de retrouver son souffle. Ses bras lui faisaient l’effet d’un cocon protecteur autour de lui et il en profita d’autant plus fort qu’il avait craint, l’espace d’un instant, de ne plus pouvoir le retrouver. Il lui exprima silencieusement sa reconnaissance en serrant plus fort sa taille contre lui. À nouveau, Avalon lui offrait son soutien entier et son amour intact. Même si Roy avait l’impression de ne plus vraiment le mériter, il s’y accrocha comme il aurait pu s’accrocher à une bouée en plein naufrage.

Sans doute, il n’y avait pas que de l’amour dans la posture d’Avalon ; il y avait aussi une véritable empathie. Roy perçut en filigrane dans la suite de son discours le parcours qu’elle-même avait effectué pour se débarrasser d’une addiction encore plus tangible, des années plus tôt. Évidemment qu’elle pouvait se mettre à sa place et savoir exactement comment ils pouvaient s’en sortir. Elle avait réussi bien avant lui. S'il accorda du crédit à ses mots rassurants, il sentit également un certain malaise faire surface car il se souvenait de ce qu’il avait dit plus tôt, dans un accès de colère et de déni. Un silence suivit, parce qu’il mit quelques minutes à trouver les mots pour s’en excuser.

« Désolé d’avoir dit tout à l’heure que c’était pas comparable nos situations… Je crois que… J’avais surtout pas envie de les rendre comparables, justement. » Cela aurait été admettre qu’il y avait quelque chose dans le parcours de lutte d’Avalon qui pouvait ressembler à là où il se trouvait maintenant. Et il n’avait pas pu l’entendre avant qu’elle ne le lui jette à la figure, crument. « Je sais que tu sais ce que c’est. » Il se redressa légèrement pour retrouver son regard, une main accrochée à son bras. Ses yeux étaient rouges et humides mais les larmes avaient cessé de couler. Il essuya les dernières traces sur ses joues en essayant de retrouver la maîtrise de sa voix. « Ce qui me fait chier aussi, c’est que… Bah mes liens avec la mafia, c’est mes liens avec des gens aussi. Et c’est pareil pour toi. Jayce, encore, il est en train de tout quitter lui aussi mais Fergus et Toni, eux… »

Les paroles de Jayce pendant leur appel tout à l’heure résonnaient encore fortement en lui. Entendre son meilleur ami lui confirmer que le plus important, leur amitié, n’allait pas changer, l’avait profondément rassuré. Mais il ne savait pas s’il pouvait espérer la même chose du côté de Toni et de Fergus qui allaient continuer à évoluer dans un monde qui ne serait plus le sien.

« Toi t'avais du couper les liens avec ta famille, à l'époque, pour te sortir de ton addiction… J'ai peur qu'on doive faire pareil avec certains de nos amis » souffla t-il, le regard troublé.


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 3 Juil 2023 - 19:20
Cela faisait presque un an que Roy était devenu un pilier dans la vie d’Avalon. Il l’avait accompagné à travers les épreuves les plus difficiles auxquelles elle avait dû se confronter, en lui offrant son soutien indéfectible et son amour inconditionnel. Il était avec elle le jour où sa famille s’était brisée après un immense conflit qui l’avait opposée à son père. Il avait vu la colère la submerger, la rage l’aveugler puis la tristesse l’envahir. Il s’était tenu à ses côtés à chaque étape du procès pour la garde de Vivianne, s’était assis au premier rang pendant l’audience et ne l’avait jamais quitté des yeux. Il avait accueilli sa sœur chez eux, sans montrer une quelconque gêne. Il avait été là pour toute sa grossesse, depuis les migraines effroyables jusqu’à l’accouchement douloureux. Il avait été son pilier et, au cours de ces derniers mois, Avalon s’était appuyée sur lui plus qu’elle ne s’était appuyée sur quiconque tout au long de sa vie.

Roy avait été son pilier et, désormais, c’était à son tour d’être le sien. Elle accueillit ce constat avec douceur et détermination, en promenant ses doigts dans les cheveux de son mari. Elle pouvait presque sentir ses pensées s’agiter, se heurter les unes aux autres, tourner encore et encore dans son esprit même si elles ne parvenaient pas à franchir la barrière de ses lèvres. Respectant le silence qu’il laissait se déployer entre eux, Avalon se contenta de raffermir son étreinte, comme pour contenir entre ses bras la détresse de son mari.

Lorsqu’il reprit finalement la parole pour lui accorder ce qu’il avait si violemment nié un peu plus tôt, Avalon secoua doucement la tête.

« Non mais je comprends aussi pourquoi tu disais que c’était pas comparable. Je vois très bien tout ce que ça t’a apporté, ces dernières années. » A son tour, elle lui souffla des excuses : « Désolée aussi, j’aurais pu te dire les choses autrement. »

Mais, comme souvent lorsque la colère prenait le pas sur sa raison, elle n’avait pas réfléchi aux mots qui glissaient sur sa langue, ni aux conséquences que ces derniers pouvaient avoir. Elle avait parlé avec empressement, urgence même, parce qu’elle sentait que quelque chose était en train de basculer et qu’elle avait terriblement peur de la chute. Tellement peur qu’elle n’avait pas forcément pris mesure de tout ce que cette décision impliquait. Lorsque Roy mentionna Toni et Fergus, le regard d’Avalon s’agita et elle hocha la tête.

Pour Roy, Toni et Fergus étaient intrinsèquement liés à la mafia. Ils s’étaient rencontrés là-bas et y évoluaient ensemble depuis une douzaine d’années. Ce n’était alors pas anodin de quitter ce monde dans lequel ils resteraient ; cela signifiait dire adieu à une facette de leur relation. Et peut-être, comme le supposait Roy avec un regard troublé, à toute leur relation. Il traçait même un parallèle avec la famille d’Avalon que cette dernière ne pouvait pas démentir ; elle s’était en effet éloignée d’eux pour vaincre son addiction. Comment aurait-elle pu faire autrement ?

Et, si elle voyait très bien où Roy voulait en venir, il fut difficile pour elle d’abonder immédiatement dans son sens. Son amitié avec Toni et Fergus lui était précieuse, indispensable, même. Ils étaient des repères pour elle. Ses frères. Les témoins qu’elle avait choisis pour l’accompagner le jour de son mariage. Ils avaient des habitudes et des traditions qui s’étaient installées au fil des années, des moments qu’elle chérissait particulièrement. La perspective de devoir y renoncer pesait lourdement sur son cœur.

Pourtant, Avalon savait qu’elle ne pouvait pas attendre à ce que Roy quitte la mafia si leur quotidien ne changeait pas en conséquence. Toutefois, son discours fut plus nuancé et elle commença par une précision qui lui semblait indispensable :

« Je me suis éloignée de ma famille, oui… Pendant un temps. » Elle serra doucement les doigts de son époux entre les siens. « J’ai pas vraiment coupé les liens avec eux. Mais c’est vrai que les choses étaient différentes, après. » admit-elle cependant. « Et elles le seront forcément avec Fergus et Toni aussi mais ça ne veut pas dire que tout doit s’arrêter non plus. Les liens que vous avez… ça dépasse les Veilleurs. » affirma-t-elle avec force. « Toni et Fergus étaient témoins à notre mariage, Toni est le parrain d’Alma. » énuméra-t-elle. Elle eut un sourire un peu désabusé et ajouta : « Curieusement, c’est même l’oncle de mon neveu. De notre neveu, maintenant qu'on est mariés. Alors… Même si tu arrêtes, ça, ça restera. »

Sa main quitta celle de Roy et vint trouver sa joue. Du pouce, elle essuya les traces de larmes qui restaient sur ses joues puis laissa sa paume appuyée contre sa peau.

« Moi aussi, ça me fait flipper, confia-t-elle. Mais pour l’instant, le plus important, c’est que tu sois en sécurité. »


Avalon Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 3 Juil 2023 - 22:15
Roy hocha légèrement la tête pour accueillir les excuses d’Avalon, mais puisqu’ils se trouvaient tous les deux dans un moment d’honnêteté, il concéda :

« Si tu me l’avais pas dit comme ça… Je l’aurais probablement pas entendu. »

Il se connaissait et Avalon le connaissait aussi : il pouvait s’obstiner très longtemps et très fortement dans sa mauvaise foi quand il le voulait. La seule manière de l’en faire sortir restait de lui claquer ses quatre vérités en face, avec ce qu’il fallait de brutalité pour le secouer un bon coup. Il tempêtait, il protestait, il explosait, mais il finissait par prendre le coup, l’encaisser, réfléchir et revenir, exactement comme il venait de le faire.

Cette heure qu’il avait passée seul de son côté lui avait permis de réfléchir à beaucoup de choses, et notamment tout ce qui allait changer s’il mettait réellement à exécution sa décision de couper les ponts avec la mafia. Outre ses questionnements existentiels et quasi-identitaires sur ce qu’il pourrait devenir sans ce qui l’avait tenu pendant tant d’années, il y avait la question pas moins épineuse de ses relations. Il s’était fait des amis dans ce milieu, et surtout, il y avait Fergus et Toni. Fergus et Toni qui étaient en train de prendre sa place, ce qui mettait inévitablement une forme de malaise entre eux. Fergus et Toni qui allaient continuer à évoluer dans la mafia, plongés jusqu’au cou, pendant qu’il s’éloignait.

Il savait que, même s’ils s’étaient connus sur le plan professionnel d’abord, leur amitié dépassait désormais leur appartenance au même gang. Leurs longues années d’amitié leur avait permis de trouver d’autres points communs ; il gardait des souvenirs mémorables avec eux qui n’avaient rien à voir avec la mafia. Des débats engageants et passionnants avec Fergus. De joyeuses escapades dans des voitures de course avec Toni. Des paris ridicules, des parties de cartes jusqu’au bout de la nuit, des fêtes arrosées, des dîners gargantuesques. Ces habitudes-là n’avaient pas forcément besoin de changer.

Mais il savait aussi que les Veilleurs avaient pris beaucoup de place dans leurs relations. Ils se voyaient quotidiennement, plusieurs fois par jour, parfois sans même le prévoir, juste parce qu’ils travaillaient tous ensemble, fréquentaient les mêmes lieux, respiraient le même air presque en permanence. Ce point changerait, inévitablement, si Roy cessait de fréquenter les lieux des Veilleurs.

Il appréhendait donc un déséquilibre, quelque part, un bouleversement de leurs quotidiens qui commençait déjà à s’opérer et il craignait ce qu’il pouvait y perdre.

Avalon semblait un peu plus sereine ou en tout cas, elle en donna l’impression en lui répondant sur un ton rassurant. Roy sourit vaguement sur le dernier point -il ne s’habituait toujours pas à cet incroyable coup de théâtre où ils avaient fini par apprendre que le mystérieux père d’Elio était en fait le frère de Toni. Puis il hocha la tête d’un geste pensif.

« Ouais… Sans doute. C’est clair qu’on partage d’autres trucs aussi. C’est juste qu’on va forcément changer toutes nos habitudes. »

Ce qu’ils auraient forcément dû faire de toute manière, avec un nourrisson à la maison, songea t-il. Les Folies Sorcières n’étaient pas exactement l’endroit le plus adapté pour recevoir des bébés.

Les derniers mots d’Avalon tirèrent un maigre sourire à Roy, qui embrassa légèrement la paume de sa main laissée près de sa joue.

« C’est que vous soyez toutes en sécurité aussi » compléta t-il.

C’était la seule chose qui le motivait dans ce départ. Cette pensée en amena inévitablement une autre, celle autour de laquelle Roy tournait depuis un moment : cette culpabilité tenace, qui le suivait dès qu’il songeait à leur fille et à la manière dont sa vie avait été menacée. Cette culpabilité qu’il avait ressentie tout à l’heure en songeant qu’Avalon pourrait le quitter pour de bonnes raisons. Un long silence s’installa, un silence lourd où pesaient les remous intérieurs de Roy, qui hésita longuement avant de lâcher :

« Je peux te demander un truc ? » Son regard vacilla dans celui d’Avalon, très incertain de ce qu’il s’apprêtait à faire. Son coeur cognait plus fort dans sa poitrine, parce qu’il n’était pas certain de vouloir obtenir la réponse à la question qui lui trottait en tête. Il finit par la poser, parce qu’il se rendait compte qu’il ne pouvait plus supporter d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête et se demander si, à chaque conflit avec Avalon, elle allait finir par lui trancher la tête. « Est-ce que tu m’en veux pour ce qui est arrivé à Alma ? »


Roy Calder

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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 4 Juil 2023 - 18:24
Avalon hocha la tête après l’ajout de Roy, la main toujours logée contre sa joue. Elle tirait un certain réconfort de ce geste tendre qui les unissait et le prolongea encore un peu, alors que le silence reprenait ses droits entre eux. Ils étaient parvenus à une conclusion difficile mais nécessaire, qui soulevait évidemment son lot de questions et de doutes. Le chemin serait long, sûrement semé d’embuches, mais ils avaient tous les deux le même désir : la sécurité de leur famille. C’était tout ce qui comptait, tout ce qui importait vraiment.

Prise d’un immense soulagement qui apaisa son cœur, Avalon ne perçut pas immédiatement le trouble qui avait saisi Roy. Elle se sentait presque étourdie de savoir que c’était fini. Vraiment fini. Qu’il n’y aurait plus de Voie des Miracles, plus de Folies Sorcières, plus de Bristol. Plus de Veilleurs, plus de gang, plus de mafia. Elle prit conscience du poids terrible qui pesait sur ses épaules au moment où celui-ci s’envola ; un poids fait de cette angoisse sourde qui creusait son ventre à chaque fois que Roy s’en allait dans ce monde où, à deux reprises en moins d’un an, on avait voulu l’assassiner. Elle aurait pu en pleurer.

Elle cligna des yeux pour y chasser l’émotion et observa Roy, visiblement plongé dans ses pensées. Ses doigts quittèrent sa joue pour venir trouver sa main mais son regard ne lâcha pas le sien. Parce que le silence s’éternisait et que Roy semblait vouloir le rompre sans y parvenir, Avalon attendit qu’il s’ouvre à nouveau à elle. Il le fit avec une question lourde de ce qu’elle annonçait déjà, qui lui fit l’effet d’une décharge.

« Oui, bien sûr. » répondit-elle en sentant son cœur s’accélérer légèrement dans sa poitrine.

Roy ne faisait jamais ça. Il ne demandait jamais la permission pour poser une question ; il la posait souvent sans détour, avec cette assurance qui le caractérisait. Et, lorsqu’il était embarrassé, lorsqu’il était mal-à-l’aise, il redoublait d’aplomb pour compenser cet état ou se servait de l’humour pour le contourner. Mais il ne demandait jamais. Qu’il le fasse aujourd’hui, au cœur de cette conversation, n’était pas anodin.

« Est-ce que tu m’en veux pour ce qui est arrivé à Alma ? »

La question tomba comme un couperet, si bien qu’Avalon tressaillit légèrement. Elle ne s’éloigna pas, ne retira pas sa main logée dans celle de Roy, ne quitta pas son regard non plus mais se retrouva à court de mots pour lui répondre. La réponse était pourtant évidente, elle le savait.

Bien sûr qu’elle lui en voulait.

Comment aurait-elle pu ne pas lui en vouloir, alors que leur fille avait été enlevée pour des histoires de territoires, de gangs, d’argent ? Comment aurait-elle pu ne pas lui en vouloir, alors qu’ils avaient failli la perdre, à peine un mois après sa naissance ? Comment aurait-elle pu ne pas lui en vouloir, alors que cette peur la rongeait depuis qu’ils avaient découvert son berceau vide ? Et Roy le savait. Il le savait parce que sa question avait tout de celui qui cherche une confirmation.

« Oui. » admit-elle finalement après un temps de silence. « J’ai eu tellement peur de la perdre, ce jour-là. De vous perdre tous les deux. Et de me dire que ça aurait pu arriver, juste à cause de tes histoires avec Norvel… » Sa voix s’étrangla dans sa gorge et Avalon secoua la tête, le regard brièvement hanté par ce nom qui pesait lourd dans l’atmosphère.

Curieusement, cet aveu la libéra davantage qu’il n’alimenta sa colère. Caché dans l’ombre de son cœur, il était bien plus terrible qu’exposé ainsi à la lumière, où elle était capable de le nuancer.

« Mais je m’en veux aussi. Quand on était là-bas… C’était moi, qu’il voulait. Mes contacts, mes privilèges au Ministère. Et il savait très bien comment les obtenir. » Son visage s’était refermé, assombri par la culpabilité. « Il a pris Alma pour m’obliger à céder. » conclut-elle dans un souffle douloureux.

Avalon savait qu’elle avait une part de responsabilité dans cette sordide histoire ; peut-être moindre que celle de Roy mais pas inexistante pour autant. Elle connaissait les risques ; elle aurait pu – et même dû – les anticiper. Elle avait été inconsciente, orgueilleuse, irresponsable.

Serrant la main de Roy dans la sienne, Avalon inspira comme pour calmer son cœur agité par le remord.

« Oui, je t’en veux mais… Je sais aussi que tout ça, c’est arrivé malgré toi et que t’aurais jamais mis intentionnellement Alma en danger. On sait tous les deux qui est le vrai responsable. » affirma-t-elle. Son regard était sincère quand elle reprit, après une brève pause : « Je te pardonne, Roy. Je sais que toi, tu vas mettre des années à le faire mais moi, je te pardonne. J'ai eu trop peur de te perdre, j'ai aucune envie de passer des années à nourrir de la rancœur ou quoique ce soit... Je veux juste qu'on trouve le moyen d'aller mieux. » Son doigt retraçait délicatement les contours de son alliance.


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 5 Juil 2023 - 16:25
Roy n’attendait pas une autre réponse qu’un « oui » à sa question. Il ne voyait pas comment Avalon pouvait ne pas le blâmer, même juste un peu, pour tout ce qui s’était produit. D’ailleurs, son premier réflexe au moment où Alma avait été enlevée avait été d’exprimer sa colère contre lui. Et il l’avait reçue sans se défendre, sans protester, parce qu’il savait. C’était de sa faute. Il n’avait pas été assez prudent, il avait sous-estimé une menace grandissante, il avait pris des risques qui avaient désormais des répercussions sur ses proches et il savait que c’était le prix à payer pour la position haut placée dans la mafia où il se trouvait.

Il savait mais cela ne rendit pas la réponse d’Avalon moins difficile à entendre. Ce fut comme un coup en plein ventre qu’il encaissa, encore une fois sans répondre. Elle nuança ses propos d’une manière qui lui fit mal au coeur, parce qu’il détestait la voir se blâmer pour ce qui s’était passé ; il aurait préféré porter tout le fardeau et qu’elle n’ait pas, elle aussi, à se sentir rongée par la culpabilité.

Mais il ne dit rien non plus, il la laissa parler parce qu’elle semblait peiner à trouver ses mots. Elle ne lui avait pas encore dit ce qu’il voulait si désespérément savoir. Ce qui l’empêchait de dormir parfois, ce qui lui donnait cette sensation qu’à tout moment Avalon pouvait le quitter, c’était de ne pas savoir ce qu’elle faisait de cette rancoeur intérieure. La Nouvelle-Orléans avait été une bulle loin du monde pour eux, où il avait été plutôt aisé de se concentrer sur eux et de s’apporter du réconfort mutuel. Mais maintenant qu’ils revenaient dans leur quotidien et près de leurs proches, maintenant que tout leur rappelait sans cesse ce qui s’était produit, comment se positionnait t-elle ? Est-ce que cette colère qu’elle avait laissée voir tout à l’heure avait une chance de s’apaiser avec le temps ?

Est-ce qu’elle pouvait le pardonner ?

Comme si elle pouvait lire cette question dans son regard troublé, Avalon finit par presser sa main dans la sienne et lui offrir les mots qu’il attendait plus que tout. L’alliance à son doigt, qu’elle caressait de son pouce, leur rappelait à tous les deux ce qu’ils avaient promis : se soutenir, pour le meilleur et pour le pire. Avalon n’aurait pas pu lui fournir une meilleure démonstration de son engagement qu’à cet instant où elle affirmait qu’elle voulait seulement tourner la page à ses côtés.

Saisi d’une vague d’émotions presque étourdissante, Roy se retrouva dépourvu de mots. À défaut de savoir quoi dire, il exprima sa reconnaissance à Avalon en l’entourant de ses bras et en l’attirant contre lui. Il ne pouvait pas dire qu’il se sentait bien, cette soirée avait charrié trop de douleur pour que ce soit le cas. En revanche, il sentait que les choses pourraient aller mieux, désormais, et que ce n’était pas un voeu pieux comme celui qui les avait poussés à revenir en Angleterre. Ils venaient de se partager les souffrances les plus intimes et les plus enfouies en eux, sans chercher à les masquer ou à les minimiser comme ils avaient pu le faire ces derniers temps, par peur ou par impossibilité de trouver les mots justes. Ils étaient en train de résoudre quelque chose, Roy en était conscient. Il pesa d’autant plus précautionneusement ses mots en répondant :

« C’est tout ce que je veux aussi. » Il déposa plusieurs baisers appuyés dans les cheveux de sa femme. « Je t’aime tellement. » Il embrassait son front, sa chevelure, ses tempes, débordant d’une reconnaissance qu’il ne savait pas exprimer autrement, tout en chuchotant des paroles de réconfort : « Toi aussi, il faut que tu trouves un moyen de te pardonner… Tu as fait comme tu pouvais. Et c’est moi qui t’ait impliquée là-dedans le premier… » Il la serra plus fort contre lui. Retrouver le contact d’Avalon après un tel conflit lui faisait un bien fou. « Ça n’arrivera plus, je te le promets. Je te donnerai plus de raison d’avoir peur pour moi ou pour Alma. »


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'Cause it feels like I'm all on my own tonight [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 5 Juil 2023 - 22:41
Exprimer sa rancœur n’avait pas replongé Avalon dans cet état fébrile où la colère côtoyait l’inquiétude. Elle se sentait même plutôt soulagée d’avoir pu la confier à son mari et, ainsi, de la faire quitter ses pensées où elle ne cessait de grandir, nourrie par des frustrations quotidiennes ; elle lui paraissait désormais moins effrayante et moins insurmontable.

Il ne servait à rien de nier cette rancœur ; cela ne l’aurait pas fait disparaître pour autant. En revanche, elle pouvait choisir comment elle voulait – et comment elle pouvait – se positionner vis-à-vis d’elle. Elle aurait pu nourrir cette colère explosive et cette rancœur acide. Elle aurait même pu faire le choix de partir. Mais à quoi bon ? Quel était le coût de cette colère ? Son mariage. Le foyer qu’elle avait construit avec Roy. Leur famille.

Avalon n’avait pas envie de renoncer à cette vie dont elle percevait la douceur dans les quelques moments quotidiens qui échappaient à l’angoisse qui les habitait encore. Les dîners avec Vivianne, où elle leur partageait ses récentes découvertes sur le monde magique avec un mélange de fascination et de méfiance. Les bains d’Alma, où elle agitait maladroitement ses pieds dans l’eau avec des légers soupirs d’aise. Les nuits qu’ils passaient ensemble, blottis l’un contre l’autre.

Elle ne voulait pas renoncer à ça, ni au futur qui se dessinait derrière le brouillard épais qu’ils traversaient. Elle ne voulait pas renoncer à Roy et à l’amour qu’elle lui portait. Peut-être encore moins maintenant, alors qu’elle avait frôlé l’idée de le perdre définitivement.

Alors Avalon fit le choix du pardon, en sachant pertinemment qu’elle ne désirait en faire aucun autre. Ses paroles eurent un effet immédiat sur Roy, qui l’attira contre lui pour l’embrasser, visiblement ému. En refermant ses bras autour de lui, le visage logé au niveau de son cou, Avalon songea que, pour la première fois depuis leur retour en Angleterre, ils étaient réellement sincères l’un envers l’autre. Ce constat délia quelque chose en elle, et elle répondit à son mari par un mot d’amour qui gonfla son cœur :

« Moi aussi, je t’aime. »

Et dans ce contexte précis, cette déclaration avait un sens peut-être encore plus fort. Elle disait certes l’amour, mais elle disait aussi le pardon et la reconstruction. C’était un « je t’aime » qui avait des accents rassurants d’un « je te veux toujours ».

« Je sais… » souffla Avalon lorsque Roy mentionna qu’elle devait s’accorder ce pardon qu’elle lui offrait.

Elle n’ajouta rien car elle n’avait rien d’autre à dire ; elle savait mais, pour l’instant, elle ne pouvait pas se débarrasser de la culpabilité qui agitait son cœur. Elle pouvait l’apaiser mais pas l’écarter entièrement. En revanche, la conclusion de son mari la libéra de cette inquiétude qu’elle nourrissait depuis qu’il était retourné dans la Voie, quelques semaines plus tôt. Elle sentit ses poumons se remplir d’air, comme si elle avait inconsciemment retenu sa respiration pendant tout ce temps. La promesse de Roy lui sembla si franche qu’elle ne chercha pas à la questionner. Elle hocha la tête.

« Merci. » Son front vint se poser contre celui de son époux. Avalon ferma les yeux et répéta « Merci » comme un mot d'amour et comme une prière.

RP TERMINE.



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