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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans]

Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 6 Juin 2023 - 18:40
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Coucouuu I love you Cet rp sera une suite de posts en solo ou en JR, pour raconter les déboires du Avaloy après la trame mafia kidnapping de l'enfer, et leur reconstruction progressive sur le temps qu'ils sont abrités à la Nouvelle-Orléans Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] 3590073050 Bonne lecture Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] 3246920224


25 mars 2012 - La Nouvelle-Orléans

« Merci. Je te la ramène tout à l’heure pour sa sieste. » Un sac d’affaires de bébé sur l’épaule, Roy tendit les bras pour attraper leur fille que Joséphine lui tendait. « Je viens de t’envoyer notre adresse par texto, au cas où.
-Vous savez combien de temps vous allez rester ? »

Un bref silence accueillit cette question, un silence pendant lequel Roy essaya d’installer Teresa qui gigotait dans le porte-bébé sanglé autour de son torse.

« Pas vraiment » avoua t-il avec une légère grimace. « Je te tiendrai au courant. »

Roy attrapa le regard préoccupé que Joséphine posait sur lui et sur Teresa. Il ne lui avait pas caché les raisons de son arrivée aux Etats-Unis, puisqu’elle connaissait déjà la nature de ses activités. En revanche, il n’était pas rentré dans les détails de tout ce qui s’était passé. Il l’avait sentie inquiète au téléphone quand il l’avait appelée la veille pour lui annoncer sa venue prochaine et c’était normal : elle avait forcément en tête l’idée que Teresa puisse être impactée également par ses conflits mafieux. Roy n’avait pas voulu l’entretenir davantage en lui racontant à quel point il avait réellement cru perdre femme et enfant, trois jours plus tôt à peine. Il ne voulait pas que Joséphine le considère comme un homme qui mettait leur fille en danger.

Cependant, elle n’avait pas l’air d’agir différemment avec lui, elle n’avait pas cherché à changer leur mode de garde. Elle s’était même montrée plutôt rassurante, comme elle le fit en lui répétant ce qu’elle lui avait déjà dit au téléphone :

« Bon. En tout cas, vous serez tranquille ici, personne ne viendra vous chercher des noises. Tu me dis si tu as besoin de quelque chose. »

Roy hocha la tête. Il avait choisi la Nouvelle-Orléans d’abord pour se rapprocher de Teresa, mais aussi parce qu’il savait que la ville serait un lieu à peu près sûr pour lui et Avalon. En tout cas, le plus sûr possible compte tenu des circonstances. Il savait que les covens tenaient la ville et qu’il pouvait compter sur leur protection en cas de problème. Il le savait rationnellement mais c’était difficile de se sentir complètement en sécurité pour autant. Il n’avait qu’une envie, présentement, c’était de regagner la maison qu’il louait avec sa femme et s’y enfermer à double tour avec elle et ses deux filles.

Mais toute main tendue dans la situation où il se trouvait était bonne à prendre et il accepta celle de Joséphine avec un remerciement sincère :

« Merci, Jo’. »

Cette co-parentalité qu’il construisait avec elle n’était pas toujours évidente parce qu’ils étaient très différents tous les deux mais il avait appris à connaître la jeune femme avec le temps et à voir toutes les qualités qu’elle possédait au-delà de ses côtés un peu pénibles. Il savait qu’elle se montrait fiable, loyale, droite dans ses bottes et qu’elle pensait avant tout au bien-être de ses enfants. Elle ne prononçait pas de paroles en l’air, elle pensait tout ce qu’elle disait -parfois un peu trop d’ailleurs- alors si elle lui disait qu’il pouvait compter sur elle, il savait que c’était le cas.

En l’accompagnant jusqu’à la porte de chez elle, Joséphine lança :

« Je t’ai mis son anneau de dentition dans le sac, pense à lui donner pour la soulager.
-Son quoi ?
-Son anneau de dentition, c’est un truc en caoutchouc qu’elle peut mordre. C’est mieux quand c’est froid, tu peux le laisser au frigo. Elle commence à faire ses dents en ce moment, ça fait mal. C’est pour ça qu’elle bave beaucoup et qu’elle fait des crises de larmes parfois.
-Ah… D’accord.
-Et y a une boîte de médicaments aussi mais ça c’est vraiment si tu vois qu’elle commence à faire de la fièvre. Faut pas l’habituer à ça, hein. »

Roy resta étrangement abasourdi face à ces recommandations. Tandis que la porte de Joséphine se refermait derrière lui, il prit conscience que cela faisait un moment qu’il n’avait pas entendu quelque chose d’aussi banal, à propos de l’une de ses filles. Si tout ce dont il avait à se soucier pour Teresa était la pousse correcte de ses dents… Il s’y ferait très bien, songea t-il en baissant les yeux sur son bébé installé contre son torse. Elle bavait beaucoup, effectivement et c’était bien le seul être sur cette Terre qui était autorisé à salir autant sa chemise.

Il en eut des larmes de soulagement aux yeux.


Roy Calder

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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 6 Juin 2023 - 18:47
28 mars 2012

Il était huit heures à la Nouvelle-Orléans. Quatorze heures à Londres. Installée sur le canapé du salon, les jambes repliées et recouvertes par un plaid, Avalon avait les yeux baissés sur l’écran de son téléphone.

A cette heure-ci, la maison était encore silencieuse. Roy était à l’étage avec Alma ; il avait pris l’habitude de la garder contre lui après sa première tétée de la matinée. Il l’installait sur son torse dénudé et lui parlait doucement en lui caressant le dos, jusqu’à ce qu’elle se rendorme. Quant à Vivianne, elle dormait toujours mais ne tarderait sûrement pas à descendre pour prendre son petit-déjeuner.

Il n’y avait donc qu’Avalon au rez-de-chaussée de la grande maison qu’ils occupaient tous les quatre. Avalon et ses gestes hésitants qui exprimaient une nervosité qu’elle s’efforçait de maîtriser. Son cœur battait un peu vite lorsqu’elle pressa le bouton « appel » et elle se racla la gorge comme pour y chasser la boule qui y était logée. La sonnerie s’éleva une fois, deux fois, trois fois. A la quatrième, Célice répondit.

« Allô ?
-Coucou, c’est moi, s’annonça Avalon en remontant davantage le plaid sur son ventre. Je te dérange pas ?
-Non, non, je me prépare pour aller bosser. Ça va toi ? Vous êtes bien installés ?
-Oui, la maison est bien, répondit-elle en évitant sciemment la première question. Elle est un peu loin du centre-ville mais au moins on est tranquille. Et toi, ça va ?
-Mhh, oui. Enfin, je me suis embrouillée avec mon manager la semaine dernière.
-Ah oui ?
-Oui, il me casse les couilles à changer mes horaires du jour au lendemain comme si on avait tous une vie aussi vide que la sienne. » Avalon sut, au ton qu’employait sa sœur, qu’elle levait ostensiblement les yeux au ciel. Son ton était plus soucieux lorsqu’elle reprit : « Comment va Alma ? Tout se passe bien avec elle ?
-Oui, ça va. On a rendez-vous chez un pédiatre demain pour son suivi mais elle a l’air de bien grandir et de prendre le poids qu’il faut alors… » Un sourire un peu fatigué s’esquissa sur ses lèvres. « Ça devrait aller.
-Et toi ? Tu tiens le coup ? »

La question de Célice fut suivie par un silence épais, qu’Avalon ne parvint pas à rompre. Elle tritura nerveusement les bords de la couverture duveteuse, sans réussir à prononcer les mots qui se bousculaient contre ses lèvres. Ce n’était pas seulement de l’orgueil ou de la fierté ; il y avait véritablement quelque chose d’indicible, d'innommable, qui l’empêchait de parler.

« Av ? » Silence. « Ça va pas du tout, hein ?
-Non, répondit-elle d’une voix étouffée, le cœur douloureusement serré dans sa poitrine.
-Qu’est-ce qui se passe ? »

Avalon resta muette quelques secondes devant cette question si vaste, qui effleurait tant de sujets. Il se passait la peur, la culpabilité, les cauchemars terribles, la fatigue du corps, les plaies de l’âme. Il se passait l’impuissance rageuse, la colère flottante, le désespoir profond. Il se passait le gouffre sans fin, les journées insurmontables, les ombres menaçantes dans tous les recoins. Elle finit par souffler :

« J’arrête pas de penser à… Tu sais, ce qui est arrivé.
-Bah oui, j’imagine… »

A nouveau, le silence. Lourd et pesant, fait d’une pudeur ridicule qu’Avalon fissura d’une phrase :

« J’arrive pas, Célice. J’arrive pas à… » Quelque chose se bloqua dans sa gorge et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle les essuya d’un geste rageur, incapable de poursuivre.
« T’arrives à dormir un peu ?
-Non, avoua Avalon d’une voix plus maîtrisée mais toujours tremblante.
-Vous faîtes quoi de vos journées ?
-Bah… On essaie de sortir un peu mais, enfin, tu vois…
-Ouais, l’interrompit Célice, je vois. »

A peine une semaine plus tôt, Avalon avait informé Galaad et Célice de son départ imminent aux Etats-Unis. Elle avait pudiquement écrit qu’il « s’était passé quelque chose » et qu’elle allait partir quelques semaines avec Roy, Vivianne et Alma. Cinq minutes après l’envoi de ce message, elle avait reçu un appel de son jumeau et sa sœur, aussi curieux qu’inquiets. « Il s’est passé quelque chose avec Alma ? » avait demandé Célice, soucieuse. Et Avalon s’était tue. « Elle va bien ? » avait renchéri Galaad. Et Avalon, épuisée et empêtrée dans des sentiments lourds et douloureux, avait pleuré en tenant le téléphone contre sa joue. Elle n’avait pas tout dit de l’enfer qu’elle avait vécu dans l’entrepôt mais, en quelques mots, elle avait expliqué l’enlèvement, la bataille, la peur. Horrifié, son jumeau n’avait rien dit. Furieuse, sa sœur avait juré à plusieurs reprises.

Ces derniers jours, elle avait reçu plusieurs messages de son frère et sa sœur. Des messages soucieux de la part de Galaad, pour savoir comment elle allait et pour s’enquérir de l’état d’Alma. Des messages de Célice, plus légers mais dont le nombre témoignait également de l’inquiétude. Des mains tendues vers elle, qu’elle se décidait enfin à attraper.

« Est-ce t’as besoin d’un truc, Av ? s’enquit finalement Célice, d’une voix douce qu’elle empruntait rarement pour s’adresser à son aînée.
-Oui. Justement, oui. Je t’appelais pour ça, en fait.
-Ah ?
-Je voulais savoir si… Si c’était possible que tu viennes.
-Que je vienne ? Aux Etats-Unis ?
-Oui ? »

La surprise s’entendait sans difficulté dans la voix de Célice. Avalon s’agita, mal-à-l’aise.

« Pardon, je sais que ça sort de nulle part c’est juste que… Je pensais pas que ce serait aussi dur d’être là-bas, et de… » A nouveau, elle lutta contre l’indicible. « Roy et moi… On a besoin d’aide, on peut pas s’occuper de Vivianne et d’Alma tout seuls, pas alors que… » Les mots s’étouffèrent dans sa gorge. « Je sais que j’abuse de te demander ça, souffla-t-elle pour combler le silence que Célice laissait entre elles.
-Non, non, c’est juste que c’est super loin…
-Ouais je sais… Mais je sais pas quand on va pouvoir revenir en Angleterre.
-Je sais et vous faites bien d’y rester si c’est plus sûr pour vous là-bas. » affirma Célice. Elle semblait pensive et finit par demander, un peu incertaine : « Tu me demandes ça à moi parce que… ?
-Parce que je pourrais jamais laisser Alma à quelqu’un que je connais pas, en qui j’ai pas confiance. » soupira Avalon. Roy et elle n’avaient même pas envisagé la possibilité d’engager une babysitter pour les soulager un peu ; l’idée même de laisser une inconnue pénétrer dans cette maison leur semblait insupportable. « Mais si c’est trop galère avec ton taff je comprends hein, je sais que c’était pas du tout prévu.
-Ouais… Enfin, je peux toujours essayer de m’arranger, peut-être échanger avec d’autres filles…
-T’es sûre ?
-Je peux voir, au moins. Moi aussi ça me fait chier que tu sois aussi loin, Av, surtout après tout ça, avoua Célice. Si j’arrive à venir une semaine ou dix jours, ce serait déjà pas mal, non ?
-Ce serait génial, Lili. » souffla Avalon d’une voix écrasée par une vive émotion. Elle prit une inspiration pour la chasser. « La maison est grande, tu auras ta chambre et Elio pourra dormir avec toi ou avec Vivianne, comme tu préfères. Et puis, ajouta-t-elle, je paierai vos billets d’avion, évidemment. »

Célice eut un rire un peu ému.

« En première classe, j’espère, finit-elle par dire, la voix un peu tremblante.
-Tout ce que tu veux, vraiment. »


Avalon Calder

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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 6 Juin 2023 - 19:18
18 avril 2012, Nouvelle-Orléans

« Vous nous voyez bien, là ? »

D’un geste de sa baguette magique, Roy tentait de maîtriser la hauteur de son Pear One en lévitation, pour que ses parents à l’autre bout du fil puissent correctement voir la scène. Toute réveillée, Alma était logée dans les bras de sa mère, ses grands yeux noirs rivés avec fascination sur l’hologramme qui jaillissait de l’appareil devant elle. Ils étaient tous les trois assis sur le canapé du salon, pendant que Victor et Elena semblaient assis autour de la grande table à manger de leur demeure familiale du Pays de Galles.

« Oh rapproche-nous encore un peu de la petite, qu’on puisse bien la voir… Coucou, querida, oh la la, c’est fou comme elle grandit ! Coucouuu, c’est abuelo et abuela ! s’extasiait Elena en faisant de grands signes de la main. Qué belleza !* Oh mais dis donc, elle a vraiment tes yeux, cariño ! s’exclama t-elle à l’adresse de son fils. C’est fou, je retrouve ton visage au même âge. Mira, Victor, como se parece a tu hijo !** » lança t-elle amusée, en posant la main sur le bras de son mari.

Victor, qui n’était pas très à l’aise avec tout ce qui relevait de la technomagie -et qui avait donc décidé d’y vouer un certain mépris- approchait très près son visage de l’écran, dans l’espoir de mieux voir. Malgré les lunettes de vue vissées sur son nez, il fronçait les sourcils en ronchonnant :

« On ne voit rien sur ces trucs… C’est elle, là ?
-Mais oui ! Dans les bras d’Avalon ! Qui veux-tu que ça soit d’autre ?
-Ah ! Oui ! Hola, princesa, lança t-il à l’adresse d’Alma avec un sourire qui occupait la moitié de l’écran.
-Mais pousse-toi un peu, je ne vois plus rien ! »

Roy assista pendant quelques secondes à leurs chamailleries de vieux couple et se plia sans broncher aux demandes de ses parents, le temps que tout le monde trouve satisfaction dans cette situation pas tout à fait confortable. Il fit de son mieux pour donner le change et paraître comme d’habitude, peu désireux d’éveiller des soupçons chez ses parents. Au fond, il espérait que l’échange ne durerait pas trop longtemps, par peur de laisser voir quelque chose ou laisser la place à des questions auxquelles il ne voulait pas répondre.

Comme celle que finit par poser Elena, après avoir pris des nouvelles du couple :

« Bon alors… Quand est-ce que vous rentrez, tous les deux ? »

Roy échangea un imperceptible regard avec sa femme, avant de répondre d’un ton égal :

« Je t’ai dit qu’on sait pas exactement quand on va rentrer, on se repose pour le moment.
-Oui oui, j’avais bien compris que vous aviez besoin de vacances après tout ce qui s’est passé, répondit Elena en faisant allusion au dernier mois de grossesse difficile de sa belle-fille. Mais bon, je ne pensais pas que vous partiez pour un mois de vacances, quand même !
-Ça fait pas un mois, maman…
-Ça fait trois semaines et puisque vous ne savez pas quand vous rentrez, j’imagine que c’est pas pour demain donc… Ça fait peut-être pas un mois mais on va y arriver là ! »

Citation :
*quelle beauté
**Regarde, Victor, comme elle ressemble à ton fils


Roy Calder

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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 6 Juin 2023 - 20:26
Lorsqu’Elena et Victor avaient appris leur départ précipité pour la Nouvelle-Orléans, ils avaient manifesté une incompréhension légitime, qui s’était renforcée face aux réponses évasives du couple. Une incompréhension qui, désormais, se teintait de reproches à peine voilés. Le sourire d’Avalon se figea lorsque la mère de Roy s’enquit de leur date de retour mais elle resta silencieuse et déposa un baiser sur les cheveux noirs d’Alma, qui s’agitait doucement contre elle.

Cela faisait effectivement trois semaines qu’ils étaient arrivés aux Etats-Unis. Trois semaines pendant lesquelles ils avaient tout fait pour retrouver un semblant de sérénité, qu’ils ne parvenaient qu’à effleurer du bout des doigts. Les choses s’étaient un peu améliorées avec l’arrivée de Célice et Galaad, dix jours plus tôt. Ces derniers avaient pris en charge toute la logistique liée au quotidien ; ils faisaient les courses, cuisinaient, s’occupaient de Vivianne et ménageaient ainsi un temps précieux pour les jeunes parents épuisés qui le consacraient généralement à dormir à tour de rôle, assommés par les potions de sommeil sans rêve qu’un médicomage leur avait prescrit. Avalon avait été réticente à les prendre, au départ ; l’immense attrait qu’elle ressentait à leur égard n’avait fait que renforcer sa méfiance. Elle avait fini par céder, épuisée par les nuits sans sommeil qui s’enchaînaient, désespérée de ne pas pouvoir trouver le repos le temps de quelques heures. Elle s’était organisée pour pouvoir tirer son lait en quantité suffisante en amont et attendait toujours scrupuleusement que son corps ait bien évacué les effets de la potion avant d’allaiter Alma à nouveau.

Depuis qu’elle dormait – qu’elle dormait vraiment, pendant plusieurs heures d’affilées – elle se sentait mieux. Une angoisse sourde persistait au creux de son estomac, elle avait toujours des scènes qui éclataient devant ses yeux impuissants lorsque ses pensées s’égaraient et se sentait éternellement prête à bondir au moindre bruit. Elle n’était pas remise, pas sereine, pas tranquille. Mais elle pouvait sortir dehors sans que son cœur n’explose dans sa poitrine, elle pouvait aligner deux phrases sans fondre en larmes, elle pouvait embrasser Alma sans avoir l’impression qu’une part d’elle revivait et mourait à ce contact. Elle se sentait mieux.

Mais pas au point d’avoir déjà évoqué sérieusement avec Roy leur retour en Angleterre.

Ils en parlaient parfois, comme d’une échéance qu’ils repoussaient toujours un peu plus mais qui avançait inexorablement.

« Célice et Galaad repartent dans quelques jours, annonça-t-elle à Elena, en évitant habilement son reproche. On s’est dit qu’on allait profiter de ce temps avec eux avant de penser à notre retour. »

L’argument sembla faire mouche auprès de la mère de Roy, même si elle ne s’avoua pas tout à fait vaincue :

« Je comprends… On espère que vous n’allez pas trop tarder après ça, alors » dit-elle en échangeant un regard avec son mari.

Elle semblait attendre de lui qu’il la soutienne dans cette conversation, ce que fit Victor mais avec un certain manque de tact et un reproche plus perceptible dans son ton :

« A ce rythme, elle va grandir sans voir ses grands-parents, cette petite. Déjà que c’est déjà le cas avec Teresa… »

Avalon n’eut pas besoin de tourner la tête vers Roy pour savoir ce que son silence signifiait. Elle posa sa main sur son bras dans un geste de soutien silencieux et assura en soutenant le regard de ses beaux-parents :

« On ne compte pas s’installer définitivement à la Nouvelle-Orléans, rassurez-vous. On a juste besoin d’un peu de temps pour… récupérer. Mais, ajouta-t-elle pour ne pas laisser le temps à Elena de rebondir sur ses mots, on se disait qu’à notre retour, il faudrait qu’on organise quelque chose avec vos deux familles pour leur présenter officiellement Alma. »



Avalon Calder

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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 6 Juin 2023 - 21:43
Plus habilement que lui, Avalon répondit à ses parents, sans se laisser impressionner. Ses réflexes d’Auror et de milicienne semblaient toujours rejaillir dans ces moments-là où elle se montrait capable de retourner n’importe quel interrogatoire à son avantage. Et sa dextérité était un soutien précieux pour Roy à cet instant qui se retrouvait pris entre plusieurs émotions contradictoires.

La plus naturelle -mais pas la plus présente- était une certaine contrariété mêlée d’impatience, comme un vieux réflexe de l’homme qu’il avait toujours été et qui n’aimait rendre des comptes à personne. Il avait l’impression que ses parents lui demandaient de se justifier sur une décision qu’il avait prise pour son bien-être et celui de sa famille alors qu’il aurait préféré avoir simplement leur confiance.

Toutefois, il savait très bien au fond de lui qu’il n’avait rien fait pour mériter leur confiance. Ils commençaient juste à reprendre des relations plus sereines mais tout n’était pas réparé pour autant, Roy gardait encore en mémoire cette douloureuse conversation qu’il avait eu avec son père au sujet de sa paternité, avant la naissance de Teresa. Il gardait toujours des pans entiers de sa vie secrets pour eux. Et il sentait leur malaise dès qu’il proposait de leur offrir quelque chose, comme des billets de Portoloin pour les Etats-Unis, parce qu’ils savaient tous très bien qu’il s’agissait d’argent sale.

Alors au milieu de toutes ses émotions, Roy se sentait surtout coupable. Avec ce départ précipité et inexpliqué, il avait l’impression de mettre à mal les efforts qu’ils avaient tous mis en place pour mieux s’entendre et se voir plus souvent. Les reproches de ses parents n’étaient pas infondés, même s’ils les exprimaient avec peu de subtilité, voire un manque de tact en ce qui concernait Victor. Mais Roy se connaissait : son père avait raison de craindre de ne plus voir Alma ou presque, parce qu’au fond, Roy était capable de se laisser happer par une solution de facilité, comme toujours, et rester aux Etats-Unis sur un temps déraisonnable.

Il ne pouvait pas dire que son quotidien à la Nouvelle-Orléans était devenu facile, mais c’était le plus supportable qu’il pouvait vivre actuellement. Il ne se sentait pas encore prêt à revenir en Angleterre. L’arrivée et le soutien de Galaad et de Célice leur faisaient beaucoup de bien à lui et à Avalon. Ils parvenaient à se reposer, à dormir, ils avaient des adultes à qui parler de sujets légers quand ils en avaient envie ou besoin, ils pouvaient s’appuyer sur leur présence pour gérer le quotidien et rendre leur maison plus sécurisante. En somme, ils pouvaient voir le temps s’écouler sans craindre en permanence que quelque chose arrive à Alma ou Vivianne.

Et c’était déjà si précieux. C’était déjà un pas énorme en comparaison de là où ils en étaient trois semaines plus tôt.

Un pas énorme mais pas suffisant. Roy aurait aimé pouvoir compter aussi sur la présence de ses frères et soeur et même de ses parents. Mais il ne pouvait pas leur expliquer tout ce qui s’était passé. Il ne pouvait pas leur avouer que, quelques semaines plus tôt, Alma avait failli mourir dans d’atroces circonstances, par sa faute à lui. Ce n’était pas même une question d’orgueil, comme quand il avait pu se retenir par le passé de raconter d’autres événements traumatisants qu’il avait vécu, par refus de voir ses proches lui répéter qu’ils lui avaient toujours dit que c’était dangereux.

Il n’y avait plus d’orgueil chez Roy, pas à cet endroit-là, pas après avoir failli perdre femme et enfant. En revanche, il y avait une peur -assez égoïste- de voir le regard de sa famille changer de manière irréversible sur lui. Il éprouvait déjà une telle culpabilité qu’il ne se sentait pas capable d’encaisser en plus les regards accusateurs de sa fratrie. Il ne pouvait pas supporter l’idée que ses proches décident de ne pas lui pardonner d’avoir à ce point mis en danger leur petite-fille et leur nièce. Il avait déjà beaucoup de chance qu’Avalon ne lui voue pas une rancune tenace après ce qui s’était passé.

Il ne se sentait tout simplement pas du tout assez solide pour leur avouer toute la vérité, alors il se retrouvait coincé dans cette position très inconfortable, de devoir inventer des excuses pour faire passer la pilule.

Avalon en trouva d’ailleurs une plutôt brillante, une proposition qui redonna un léger sourire à Elena, comme une lueur d’espoir :

« Oh, c’est une très bonne idée, ça ! On pourrait organiser ça sur l’été, disons, pour profiter des beaux jours… » Mais elle ne perdit pas le nord pour autant, car elle profita précisément de cette occasion pour renchérir : « Vous serez revenus d’ici l’été, quand même ? »

Un silence lourd et gêné suivit cette question. Avalon tourna la tête vers lui et Roy pressa légèrement sa main dans la sienne, comprenant tout à fait le message silencieux qu’elle lui envoyait. C’était à lui désormais d’estimer comment il voulait rassurer ou non ses parents, et prendre la responsabilité de mentir s’il le fallait.

Nerveux, il se mit à triturer ses mains. L’espace d’un instant, il envisagea la solution de facilité, celle qui consistait à dire « Bien sûr, ne vous inquiétez pas ». Mais la vérité c’était qu’il n’en savait rien. Même s’il allait un peu mieux en ce moment, il n’était pas à l’abri d’une rechute, et Avalon non plus. Les informations que leur envoyait régulièrement Jayce leur indiquait que tout n’était pas encore réglé du côté des Veilleurs, il était peu sage de s’avancer là-dessus.

Roy dut mettre un peu trop de temps à réfléchir et laisser voir son trouble, car Elena finit par l’interroger :

« Qué pasa, cariño ? »

En relevant la tête, Roy croisa le regard préoccupé de sa mère. A cet instant, un flash douloureux, comme ceux qui lui revenaient souvent quand ses pensées s’égaraient du côté de son combat contre Norvel, le saisit dans sa chair. Ce n’était pas le souvenir d’une scène, mais la mémoire d’une sensation. La peur paralysante et les profonds regrets qu’il avait ressenti, allongé sur le sol froid du hangar, alors qu’il sentait la vie le quitter. Il se souvenait encore avec force de ses prières et ses promesses, et d’ailleurs, c’était ce qui le faisait tenir debout quand il sentait le désespoir revenir le guetter.

Il se souvenait qu’il s’était promis, aux portes de la mort, de ne pas gâcher une seconde chance que Dieu lui accorderait. Il avait vu avec une grande clairvoyance ce qui était réellement important pour lui : ni la fortune, ni la gloire, mais l’amour et le respect de ses proches.

Et il se souvenait s’être promis de ne plus jamais inquiéter sa mère et d’essayer de se réconcilier avec son père.

Poussé par cette réminiscence, il lâcha comme un poids qu’il avait trop longtemps porté :

« Il faut que je vous dise quelque chose. »


Roy Calder

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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 10:37
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Victor Calder, 60 ans, père de Roy

Quand Victor entendit sa femme interroger leur fils, il saisit l’inquiétude dans le fond de sa voix. Elle avait laissé voir le même sentiment, quelques jours plus tôt, pendant l’une de leurs conversations qui précédaient leur coucher. Alors qu’ils évoquaient ensemble leur regret de ne pas voir Alma, Elena s’était brusquement laissée prendre par des questionnements préoccupés. « Et s’il y avait autre chose que ce qu’ils nous disent ? »

Victor était resté perplexe face à cette hypothèse que sa femme s’était empressée de défendre. Elle percevait une gêne chez Roy, à chaque fois qu’ils évoquaient le sujet de son départ à la Nouvelle-Orléans, il formulait des réponses vagues, comme s’il ne voulait pas trop en dire, comme s’il cachait quelque chose. Victor s’était montré dubitatif. De son point de vue, il ne s’agissait que des agissements habituels de leur fils, qui avait toujours fait les choses comme bon lui semblait et contre l’avis de tout le monde, sans ne rien expliquer à personne. Il ne voyait pas pourquoi il faudrait s’en inquiéter. S’en agacer, oui, parce qu’en attendant, ses lubies inexpliquées les empêchaient de voir leur petite-fille comme ils le voudraient, mais s’inquiéter, il ne voyait pas l’intérêt.

Elena n’avait pas su développer davantage ses craintes, elle n’avait pas su dire ce qu’il aurait pu se passer d’autre qu’une simple envie d’aller prendre le soleil près de Teresa avec femme et enfants pour se reposer, comme Roy le leur répétait. Elle s’était couchée un peu contrariée, en arguant que c’était son instinct de mère qui lui soufflait que quelque chose clochait. Et Victor l’avait laissée à ses « instincts maternels » qu’elle aimait si souvent rappeler au sujet de leurs enfants. Il s’était couché sans prolonger la conversation, certain de ne pas se tromper de son côté.

Mais quand il entendit la voix de son fils trembler légèrement en déclarant qu’il devait leur parler, quelque chose de cette certitude bornée chez Victor vacilla. Il fronça les sourcils, saisi d’un mauvais pressentiment.

Un pressentiment dont l’origine lui apparut très clairement dès la première phrase de Roy :

« On est pas vraiment partis pour prendre des vacances… On est partis pour se protéger. »

Se protéger de quoi ? aurait demandé n’importe quel parent, à cet instant. Mais ni Victor ni Elena n’eurent besoin de cet éclaircissement. Venant de leur fils aîné, ils savaient très bien ce qui pouvait le mettre en danger, même s’ils n’en parlaient jamais.

« Quelque chose est arrivé ? »

La voix de Victor sortit de manière abrupte, comme un réflexe. Maintenant, l’inquiétude le saisissait à son tour et comme souvent dans ces cas-là, elle se manifestait par une certaine brutalité. Très vite, des scénarios terribles envahissent son esprit. Victor avait passé une grande partie de son enfance et son adolescence au Mexique, dans un village qui n’était pas épargné par les cartels de drogue. Alors son rapport aux gangs mafieux n’était pas du tout celui d’un néophyte un peu fasciné qui aurait vu les films du Parrain et s’imaginerait tout connaître de ce milieu bien trop glamourisé par les fictions. Victor n'avait pas le loisir de se leurrer sur ces organisations un peu mystérieuses et attirantes pour un oeil inexpérimenté. Il avait trop souvent été témoin de scènes atroces, réelles, concrètes, qui se passaient dans sa rue ou celle d’à côté.

C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il avait si mal accueilli le fait que son fils aîné, celui qui aurait pu faire de grandes choses, finisse par céder à l’appel de l’argent facile et prenne cette voie mortifère. Comment donc Roy avait-il l’audace de réduire à néant les efforts de son père et ceux de son grand-père avant lui pour offrir à leur famille la sécurité et la stabilité ? Avait-il traversé l’océan Atlantique dans l’espoir d’une vie paisible et sûre pour que son fils ramène dans leur foyer une pareille malédiction ?

Victor ne le lui avait jamais pardonné. Ils avaient un peu renoué ces derniers temps, parce que Roy semblait s’assagir, il devenait père, il épousait une femme qu’il aimait et avec qui il fondait une famille. Mais il restait entre eux cette grande trahison qu’il ne pouvait pardonner, comme un mur impossible à briser.

Alors, à cet instant, Victor sentait dans sa chair que c’était exactement sur ce terrain-là que la conversation s’aventurait. Il commençait à anticiper une annonce atroce, qui allait épaissir encore davantage ce mur infranchissable.

Mais l’inverse se produisit.

« Non. »

Pourtant, la voix de Roy hésitait, il était difficile d’y croire pleinement. Victor le contemplait en silence, essayant d’estimer à travers ce fichu hologramme flou le degré de sincérité sur le visage de son fils. Ce fut peut-être ce qui poussa Roy à répéter, plus fermement :

« Non, rien ne s’est passé, mais… Je sais que ça pourrait arriver un jour. »

Un silence de plomb suivit cette déclaration. Même avec des kilomètres de distance et l’intercession de leurs Pears One, la tension se percevait. Elena n’osait plus parler, les yeux écarquillés, les sourcils froncés dans une mine soucieuse. Victor attendait impatiemment une suite qui ne semblait pas vouloir venir et qu’il dut bousculer en interpelant Roy :

« En effet… Où est-ce que tu veux en venir ? »

Son visage dur et les plis au coin de ses lèvres ne le laissaient pas vraiment voir mais à cet instant, Victor se sentait fébrile, parfaitement conscient qu’ils se trouvaient tous dans un moment important. Un moment que personne n’osa perturber, laissant la place au père et au fils qui semblaient régler de lointains comptes.

« Ce que je veux dire, c’est que… J’ai pris la décision d’arrêter. Tout arrêter. Toutes… mes conneries et… C’est pour ça qu’on est partis. Le temps que les choses se fassent et qu’on puisse revenir en paix. »

À nouveau, le silence se fit, cette fois-ci pétri d’émotions indicibles. Roy semblait plus fébrile que jamais. Dans d’autres circonstances, Victor se serait peut-être réjoui de la nouvelle. Mais il se montra surtout confus et abasourdi par le choc d’une annonce qu’il n’attendait pas. Il échangea un regard éloquent avec Elena qui semblait pas en mener plus large que lui. Ce fut d’ailleurs elle qui bredouilla des questions désordonnées :

« Comment ça ? Je ne comprends pas, c’est… Tu as besoin de partir si loin pour quitter tes… tes activités ? »

Personne ne semblait pouvoir mettre les mots exacts sur cette réalité qu’ils évitaient tous d’évoquer depuis si longtemps. En parler charriait en eux un lot d’émotions qu’ils s’étaient efforcés de contenir pour préserver un peu de leurs relations familiales. Roy venait de renverser cet équilibre bancal et personne ne semblait savoir comment évoquer ce qui avait fini par devenir un tabou tenace.

Cependant, encore une fois, Victor n’était pas un néophyte en la matière. Des réminiscences de son enfance au Sinaloa, des bouts de conversations, des rappels de la menace constante qui planait sur le village le menèrent à une conclusion logique :

« Ils ne te laisseront pas partir comme ça, c’est ça ? »

Évidemment que non. La mafia était à l’image d’une pieuvre gigantesque qui attirait dans ses tentacules ses membres, pour ne jamais les laisser s’enfuir. Victor en avait vu, à travers ses yeux d’adolescent, des hommes plus âgés que lui sombrer dans quelque chose qui, après leur avoir apporté fortune et gloire pendant un moment, commençait à leur échapper. Il sut que son pressentiment était le bon, car Roy hocha simplement la tête, avec une émotion visible, qu’il semblait peiner à contenir.

Victor se sentit alors saisi d’une vague incontrôlable, comme un sentiment de nausée. Difficile de se réjouir de la décision que prenait Roy à cet instant où la tension était si lourde. Pour le moment, tout ce qu’il ressentait, c’était un immense vertige et encore, il n’était pas celui qui était au bord du précipice.

C’était Roy. Roy, son fils, qui semblait s’effondrer en morceaux devant eux. Il balbutiait désormais des excuses, les yeux humides, comme un petit garçon venant demander pardon à ses parents après une énorme faute.

« Je suis désolé, je… J’aurais préféré que vous puissiez voir Alma comme vous voulez, et… C’était pas ce que je voulais. Mais je sais pas comment faire autrement. Pour le moment, je peux pas vous dire quand je reviendrai. »

A la droite de Victor, Elena pleurait également, une main posée sur sa bouche, dans une vaine tentative de contenir son émotion et sa vive inquiétude. Elle semblait incapable de prononcer le moindre mot et pourtant mille questions brillaient dans ses yeux.

Voyant sa femme et son fils flancher, Victor se sentit alors investi d’un sentiment de responsabilité qui le poussa à se montrer solide pour eux trois. Comme Avalon qui réconfortait son mari d’une caresse dans le dos, Victor attrapa dans sa main celle de sa femme, puis il s’efforça de maîtriser sa voix en affirmant :

« Tu fais ce qu’il faut, hijo. Et il faut que tu ailles au bout, tu m’entends ? Nous, on s’adaptera. On viendra aux États-Unis, s’il faut. Mais ne laisse pas tomber ce que tu es en train de faire, quoiqu’il en coûte. Pour tes filles. »

Avec force, Victor serra la main d’Elena, pris d’un étrange sentiment d’ivresse. Il se sentait au coeur d’un moment crucial dans sa relation avec son fils, peut-être le plus important de tous. Et il savait qu’à plusieurs reprises, il n’avait pas agi comme il le fallait, il n’avait pas assez encouragé Roy. D’ailleurs, ce dernier ne s’était pas privé de le lui dire, quelques mois plus tôt. Ses mots restaient gravés dans sa mémoire.

« Tu voulais qu’on soit ce que toi tu voulais être. »

Victor avait compris, même si son fils ne l’avait pas formulé de cette manière. Il avait compris le reproche : il n’avait pas encouragé ses enfants, il ne les avait pas laissés faire des choix pour eux-mêmes, aussi mauvais soient-ils.

Alors maintenant que Roy prenait enfin une bonne décision, celle qui pourrait peut-être réparer beaucoup de choses, Victor trouva en lui la voix du père encourageant qu’il n’avait pas suffisamment été :

« Tu peux le faire. Tu as toujours réussi tout ce que tu entreprenais pour toi. Alors fais-le pour toi, pour ta femme et tes enfants, d’accord ? Ne t’occupe pas de nous et va au bout. »
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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 11:58
Roy n’avait pas vraiment prévu de faire cette annonce. Il y avait réfléchi, il savait qu'il ne pourrait jamais dire toute la vérité, alors il avait longuement songé à ce qu’il pourrait dire à sa famille si la situation durait trop longtemps. Mais il n’avait pas prémédité de le faire maintenant et ses aveux lui firent l’effet d’un douloureux arrachement. Il avait si longtemps contenu dans une sphère à part et secrète ses déboires avec la mafia que les dévoiler à ses parents fut comme de se séparer d’une part de lui-même.

Dans cette demi-vérité qu’il leur livrait, celle où il passait sous silence tout ce qu’il ne pouvait pas dire, Roy se sentit malgré tout mis à nu, comme si plus rien ne pouvait le protéger désormais. Sa légendaire fierté n’était plus là pour faire rempart à ses parents. D’une voix tremblante, il reconnut ses difficultés, ses regrets et même sa détresse. Il balbutia des mots d’excuses parce qu’il se sentait coupable de mentir et d'avoir créé cette situation, et parce qu’il avait honte.

Tellement honte.

Et ce fut si dur, si douloureux de laisser tomber ses dernières barrières, de se montrer si vulnérable face à ses parents, alors qu’il avait passé les douze dernières années à se bâtir des défenses infranchissables face à eux. Ce fut si dur de voir des larmes d’inquiétude brouiller le regard de sa mère, de se confronter aux mots tendus de son père. La main d’Avalon dans la sienne fut son seul point d’appui dans cette tempête intérieure.

Puis, de manière inattendue, son père lui en offrit un autre. Surpris et troublé, Roy releva ses yeux humides vers Victor qui prononçait des mots inespérés. Combien de fois avait-il attendu des signes d’encouragement de sa part ? Roy ne parlait pas de la période où il avait décidé d’intégrer la mafia -aucun parent n’aurait pu encourager cette voie- mais de moments bien avant cela, des souvenirs de son enfance et son adolescence où son père ne semblait jamais satisfait de lui. Il ne ramenait pas d’assez bonnes notes de l’école, il se laissait trop aller, il se montrait fainéant alors qu’il pouvait être bien meilleur en classe. Il ne s’occupait pas assez de ses jeunes frères et soeur. Il avait trop de mauvaises fréquentations. Tout n’était que trop ou pas assez pour Victor Calder quand il s’agissait de son fils aîné. Et même si, par orgueil, Roy avait fait mine de s’en moquer, chaque critique l’avait marqué. Puis, par pur esprit de contradiction, il avait fini par jouer pleinement ce rôle du mauvais fils que son père lui attribuait, car à quoi bon faire des efforts qui n’étaient pas reconnus ?

Quelque chose de cette tension qui avait toujours empoisonné leurs liens semblait rejaillir et s’apaiser ici, sous l’effet des quelques mots sincères que Victor répéta. Tu peux le faire, affirma t-il. Tu as toujours réussi, admit-il sous les yeux stupéfaits de son fils. Le lourd sentiment d’échec qui s’agitait chez Roy quelques secondes plus tôt encore s’affaiblit un peu, laissant place à une brève accalmie. Son regard se posa sur les traits doux d’Alma qui occupait sagement les bras de sa mère. Il attrapa brièvement le regard ému d’Avalon.

Pour elles, se répéta t-il en son for intérieur.  

Du revers de la main, Roy essuya ses joues humides et retrouva un peu de contenance en répondant à son père :

« Je lâcherai pas. Et je vous tiendrai au courant quand les choses iront mieux. »

Elena, qui semblait trop hagarde pour réagir, laissa l’échange se terminer sur quelques mots entre père et fils. Roy entendit sa mère les saluer d’une voix éteinte, avant que Victor ne raccroche. Il attrapa son Pear One dans sa main et le posa sur la table basse devant lui. Il prit son visage entre ses mains d’un geste fébrile. Ses membres tremblaient sous l’effet de l’adrénaline qui redescendait brusquement, laissant place à un étrange mélange de soulagement et d’inquiétude.

« Putain… J’espère que j’ai bien fait de leur dire » souffla t-il d’une voix trouble.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 13:06
La question d’Elena eut sur Roy un effet qu’Avalon perçut du coin de l’œil. Son visage se froissa dans une expression indéchiffrable, ses muscles se raidirent et le silence qu’il conserva suffit à exprimer son agitation douloureuse. Cette fois-ci, elle préféra garder le silence et ne posa qu’un regard soucieux sur son mari, qui semblait lutter contre des mots à la fois trop lourds pour être dits et trop lourds pour être tus.

Roy n’avait rien dit à sa famille du drame qu’ils avaient vécu quelques semaines plus tôt. Il n’avait même pas évoqué la possibilité de le faire et, lorsqu’Avalon l’avait questionné sur ce sujet, ses épaules s’étaient affaissées. Il ne pouvait pas faire face à ses parents, lui avait-il confié, la voix écrasée par la culpabilité, comme si le fait d’y songer était déjà une épreuve insurmontable. Et Avalon comprenait. Elle vivait en permanence avec cette honte, cette culpabilité étouffante, et imaginer la contempler en reflet dans le regard de ses proches était une perspective qui la rendait malade. Pourtant, elle n’avait pas caché la vérité à Célice et Galaad. Elle n’avait pas tout dit – elle doutait encore d’en être capable – mais elle ne leur avait menti. Elle avait évoqué l’enlèvement d’Alma, la peur, la bataille et la mort omniprésente, dans des phrases saccadées entrecoupées de lourds sanglots. Elle n’avait pas menti, parce qu’elle avait été incapable de trouver une excuse ; l’effroi lui avait ôté toute capacité à imaginer quelque chose d’autre que la cruelle réalité dans laquelle elle était plongée. Elle ne leur en avait pas reparlé depuis cet appel, pas même lorsqu’ils étaient arrivés à la Nouvelle-Orléans quelques jours plus tôt. Elle sentait leurs regards inquiets, percevaient parfois leurs chuchotements soucieux mais elle n’avait pas pu se résoudre à dire plus que ce qu’elle avait déjà dévoilé.

Et Galaad et Célice n’avaient pas besoin de plus ; au fond, ils savaient. Ils avaient vu avec leurs yeux d’enfants, d’adolescents et d’adultes la violence du milieu dans lequel ils avaient grandi. Lorsque Célice posait son regard soucieux sur elle, Avalon ne percevait pas le reflet de sa propre honte, mais plutôt une colère bouillonnante qui produisait, chez elle, un lointain écho.

Lorsqu’Alma avait été enlevée, la colère avait été le seul sentiment qui lui avait permis de ne pas sombrer dans un profond désespoir. Elle avait été portée par une fureur vive, une haine viscérale qui avait guidé sa main et ses jambes pendant les trop longues heures où elle avait été séparée de sa fille. Et quand Alma avait été retrouvée, quand Avalon avait enfin pu la tenir contre elle, quand Roy était apparu dans l’encadrure de la porte, toute sa colère s’était évanouie. Elle n’avait pas disparu ; elle était simplement devenue inaccessible. Il ne restait désormais plus qu’une énorme détresse, une lourde angoisse qui l’étouffait dès qu’elle ouvrait les yeux et une culpabilité immense. La colère couvait sous ces émotions, présente mais lointaine.

Ce ne fut donc pas la colère, ni la rancœur, qui furent réactivées par le témoignage douloureux de Roy, mais une détresse similaire à celle de son mari. Avalon sentit son estomac et sa gorge se nouer. Ses yeux se remplirent de larmes, si bien qu’elle baissa le regard vers Alma pour éviter ceux de ses beaux-parents. Bien éveillée, blottie dans le creux de ses bras, sa fille l’observait de ses grands yeux sombres, si semblables à ceux de son père. Elle ne sut dire si Alma percevait l’agitation et la tension autour d’elle mais, dans un geste doux et protecteur, Avalon effleura sa joue rebondie.

Lorsqu’elle releva finalement la tête, son regard trouva le profil de Roy. Elle posa une main dans son dos, le cœur serré face à cette vision de lui, au bord des larmes, la voix tremblante et le visage défait. Les mots semblaient lui peser, comme s’ils avaient été retenus trop longtemps. Les prononcer désormais lui demandait un effort particulier, que Roy fournissait avec difficulté en luttant contre la facilité du silence et contre l’habitude de l’omission. Face à lui, Victor et Elena affichaient clairement leur inquiétude ; dans une expression aisément reconnaissable pour l’une, dans une attitude brusque pour l’autre.

« Ça va aller… » lui souffla Avalon en caressant doucement le dos de son mari, alors qu’il se confondait en excuses embrouillées.

Mais ce fut Victor qui trouva les mots pour réconforter son fils. Des mots forts, encourageants, chargés d’affirmations catégoriques. Tu peux le faire, répétait Victor en conservant son regard ancré dans celui de Roy. Avalon vit Roy renaître, comme si un nouveau souffle lui était transmis dans ces paroles. Il essuya ses joues humides, se redressa légèrement et poursuivit la conversation avec une conviction renouvelée. Lorsqu'ils raccrochèrent enfin, l'adrénaline retomba brusquement, laissant ses marques sur le corps tremblant de Roy.

Avalon se pencha vers lui et, de sa main libre, vint chercher celle qui cachait son visage.

« Je pense que oui. » affirma-t-elle d'une voix douce. « Ils se seraient doutés de quelque chose, de toute façon. Forcément ils sont inquiets pour toi mais... Ce sont tes parents, c'est normal. » lui assura Avalon en caressant doucement le creux de sa paume avec son pouce. « Et puis, ça a dû te faire du bien de leur dire, au moins une partie de la vérité. C'est lourd, comme mensonge. » souffla-t-elle avec une voix enrouée. Elle conclut finalement, en entrelaçant ses doigts aux siens : « Ton père... Il avait l'air fier de toi. »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 16:08
Alors que formuler une partie de la vérité à ses parents lui avait semblé la chose à faire quelques instants plus tôt, Roy sentait désormais quelques doutes s’emparer de lui. Même si son père l’avait encouragé, sa mère, elle, n’avait même pas trouvé les mots pour réagir et c’était inquiétant quand on la connaissait. Roy se sentait soulagé de s’être délivré d’un poids très lourd à porter et d’avoir ébranlé ce mur de secrets entre lui et ses parents. Mais il ne pouvait s’empêcher de se demander s’il aurait mieux fait de continuer à prendre sur lui, régler ses histoires de son côté et ne pas entraîner sa famille dans ses ennuis.

Il savait ce que c’était de regarder sans cesse par-dessus son épaule pour s’assurer d’être en sécurité et il n’avait pas envie que ses parents se mettent à le faire.

Roy fut donc sensible aux mots rassurants et au soutien que sa femme lui offrit. Il hocha légèrement la tête, sans parvenir à masquer son trouble.

« Je voulais pas les inquiéter » souffla t-il.

Et c’était l’une des raisons pour lesquelles il avait toujours veillé à tenir sa famille loin de ses affaires. S’il y avait une chose qui le rassurait à peu près, c’était de les savoir loin de toutes ses histoires. Il se faisait déjà assez de souci pour ses amis qui eux, trempaient jusqu’au cou dans ses problèmes et il envoyait quotidiennement des messages à Jayce, Toni, Fergus et Isobel pour s’assurer que tout allait bien chez eux.

Cela étant dit, il avait demandé à Fergus de mettre en place une protection discrète autour des membres de sa famille et pour le moment, personne ne semblait vouloir leur chercher des noises.

« Et puis, ça a dû te faire du bien de leur dire, au moins une partie de la vérité. C'est lourd, comme mensonge. »

Ces paroles réveillèrent chez Roy un mélange confus d’émotions, qu’il essaya de traduire par des mots maladroits :

«  Ouais… Je me sens un peu bizarre, en vrai. Je leur ai tellement caché de choses pendant des années que leur parler de ça, c’est… dur, reconnut t-il avec pudeur, en pressant la main d’Avalon dans la sienne. Mais bon… Je suppose que maintenant, les choses seront plus simples. »

Il n’aurait plus à mentir à chaque fois qu’un membre de sa famille le contactait pour savoir comment il allait et quand il comptait rentrer. Il pourrait peut-être même compter sur leur soutien, comme Avalon avait pu se reposer sur Galaad et Célice qui savaient toute l’histoire. Et il devait l’avouer, cette perspective avait quelque chose de réconfortant. Peut-être n’avait-il plus à être aussi seul et aussi éloigné des siens, désormais. Il n’avait pas forcément à se battre tout seul pour offrir un foyer stable à Avalon et ses filles. Ses parents, ses frères et soeur, avaient une place légitime dans cette entreprise.

Il parvenait à cette réalisation quand Avalon mit le doigt sur autre chose. Roy tourna un regard agité vers elle. Il était toujours difficile de savoir ce à quoi Victor Calder pensait, mais tout à l’heure, même à travers le Pear One, Roy avait perçu chez lui ce qu’Avalon qualifiait de fierté. Il ne savait pas si c’était le mot juste, il s’était montré encourageant, oui, mais… fier ? À cette pensée, un léger malaise s’empara de Roy, quelque chose comme un sentiment d’illégitimité qui le poussa à répondre :

« Ça, c’est parce qu’il connait pas toute l’histoire… »

Nul doute que s’il avait su qu’Alma avait été enlevée par ses ennemis, l’attitude de son père aurait été très différente. Il n’aurait pas eu le droit à son discours de soutien, mais plutôt à une pluie de reproches furieux et violents, et à raison.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 17:27
« Ce sont tes parents, » répéta Avalon en serrant la main de Roy dans la sienne. « C’est leur rôle de s’inquiéter pour toi. Et puis, ils savaient déjà ce que tu faisais… Au moins, maintenant, ils savent où tu en es. C’est important aussi. » lui assura-t-elle.

Elle savait que Roy souffrait des liens distendus qu’il entretenait avec les membres de sa famille. Une part de lui prétendait les tenir éloignés pour assurer leur sécurité, mais ce n’était qu’une demi-vérité : à côté de cette intention, il y avait aussi le poids des non-dits, des secrets et des mensonges, qui avait érigé un mur entre lui et les siens. Avalon, qui venait aussi d’une famille déchirée par les tensions et par les silences, connaissait cette souffrance étrange qui venait toucher les liens d’appartenance.

Alors pour la première fois depuis des années, Roy avait parlé. Il n’avait pas tout dit mais suffisamment pour que ses parents saisissent l’urgence qui avait motivé leur départ précipité pour un autre continent.

« Je sais… » souffla-t-elle en caressant son dos de sa main libre. « Mais ça devenait impossible de tout garder pour toi… Surtout maintenant qu’on a Alma. »

Alma qui, de fait, s’inscrivait dans cette famille que Roy avait passé tant d’années à tenir à l’écart de sa vie. C’était la petite-fille de ses parents, la nièce de ses frères et de sa sœur. Elle portait le nom « Calder » et faisait désormais entièrement partie de cette histoire familiale. Avalon en était arrivée aux mêmes conclusions un peu plus tôt et c’était ce qui l’avait poussé à s’ouvrir davantage à s’ouvrir à sa famille. Ses propres liens avec ses parents étaient trop abimés, trop douloureux, trop inexistants pour qu’elle puisse envisager d’en prendre soin ainsi, mais elle avait réussi à entretenir une dynamique nouvelle avec une partie de sa fratrie. Célice et elle n’avaient jamais été aussi proches, Yseut renouait doucement avec eux et même Néro se montrait plus ouvert depuis la conversation qu’ils avaient eu chez leur grand-mère. Et cela lui faisait un bien fou, comme un sentiment d’ancrage qui lui manquait parfois cruellement.

Alors elle se doutait de ce que Roy avait pu ressentir en écoutant les mots encourageants de son père et c’est pour cela qu’elle osa les interpréter, avec un mot qui froissa le visage de son mari. Son commentaire la laissa silencieuse quelques secondes. Roy n’avait pas tort ; si ses parents pouvaient se montrer encourageants, s’ils pouvaient être inquiets sans ressentir la même angoisse sourde qui l’habitait depuis trois semaines, c’était parce qu’ils ne connaissaient qu’une infime partie de la vérité. Si cette dernière avait été connue de Victor, son soutien aurait probablement laissé place à une colère sourde. Fugacement, Avalon fut soulagée de ne pas la voir se peindre sur les traits de ses beaux-parents car cette colère ne ferait que faire écho à celle qui bouillonnait en elle et qu’elle se sentait incapable, pour l’instant, de laisser éclater.

« Peut-être… » répondit-elle plutôt en s’écartant légèrement pour faire face à Roy. « Mais ça n’enlève rien au fait que t’as pris la meilleure décision pour toi. Et pour nous. Tu peux être fier de ça. »

Lorsque ces mots franchirent ses lèvres, Avalon sut qu’ils sonnaient justes, qu’ils étaient sincères. Exactement comme la rancœur acide qui couvait au creux de son estomac et qu’elle ignorait. Alors, au lieu de s’y attarder, elle préféra le questionner sur un sujet qui planait tous les jours entre eux mais qu’ils n’abordaient pas souvent, comme si la lourdeur du sujet empêchait leurs langues de se délier.

« J’ai eu Toni ce matin. Il m’a dit que les choses commençaient à se calmer un peu de leur côté… » amorça-t-elle en réajustant la position d’Alma dans ses bras. « Mais j’imagine que ton départ a suscité pas mal de choses, là-bas. » Les mots lui semblaient pesants, comme s’ils convoquaient des souvenirs d’une vie qu’Avalon n’avait pas envie de se remémorer. Elle s’y efforça en prenant une longue inspiration : « Est-ce que tu sais un peu plus comment tu vas pouvoir quitter les Veilleurs ? »



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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 20:49
Roy hocha la tête d’un geste vague, essayant de s’accrocher aux paroles rassurantes de sa femme. Il était difficile de prédire quelle serait la réaction de ses parents, désormais. Son père semblait dans le soutien, mais cela allait-il durer ? N’était-ce pas l’effet d’annonce et d’urgence qui avait produit cette réaction chez lui ? Quant à sa mère, elle semblait si bouleversée que Roy sentait son coeur se serrer en repensant à l’expression qu’elle avait eue. Il la connaissait bien, elle se montrait assez anxieuse surtout au sujet de ses enfants, elle n’était pas du genre à se contenter de si peu d’informations. En l’occurrence, il venait de la quitter sur des informations difficiles à encaisser. Il était très probable qu’elle l’appelle bientôt pour lui poser des centaines de questions, dans l’espoir d’apaiser ses angoisses. Que lui dirait-il alors ?

Il s’efforça de chasser cette brume de doutes et s’accrocher à son sentiment premier, celui qui l’avait poussé à parler. Avalon avait raison sur un point : il ne pouvait plus mentir éternellement à ses parents, surtout quand cela concernait Alma. Il ne s’agissait plus de lui et de ses intérêts personnels. Il s’agissait d’offrir à sa fille un foyer serein, une famille équilibrée, le plus possible en tout caser au fond de lui, il savait que cela passait pas régler certains différends de longue date avec ses proches. Il l’avait su dès le début, avant même que Teresa ne naisse. Par conséquent, il répondit à Avalon dans un souffle, dès qu’elle évoqua Alma :

« Ouais, t’as sûrement raison… »

Même s’il essayait de s’accrocher à l’idée qu’il avait fait ce qu’il fallait, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de culpabilité et une certaine angoisse quand il songeait à tout ce qu’il avait préféré garder sous silence. Il craignait que ses parents ne finissent par se douter que quelque chose s’était vraiment passé, surtout quand ils reviendraient en Angleterre. C’était d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Roy ne voulait pas précipiter son départ : il n’avait aucune envie d’offrir le spectacle de l’homme détruit et fragilisé qu’il était actuellement. C’était le meilleur moyen de mettre la puce à l’oreille de ses proches.

Avalon le tira de ses pensées sombres d’une caresse sur son dos et de paroles de réconfort. Il attrapa son regard, hésitant entre l’apaisement et le sentiment d’illégitimité que ses mots lui procuraient. Cela lui faisait du bien que sa femme tente de remonter son estime de lui-même mise à mal par les derniers événements. Mais une part de lui avait envie de répondre que même s’il avait pris la bonne décision, il n’y avait pas de fierté à en tirer : il l’avait prise bien trop tard et au prix de beaucoup de choses précieuses. Mais il ravala cette réplique, peu désireux de s’épancher sur ses états d’âmes, pour répondre simplement, d’une voix trouble :

« Merci… »

Machinalement, il posa sa main sur la jambe d’Avalon, dans un geste de remerciement. Il ne resta pas longtemps dans ses pensées tumultueuses car sa femme l’interrogea bientôt sur un autre sujet, celui qu’ils s’étaient efforcés d’éviter trop frontalement. Même Roy s’était montré incapable d’entendre parler de la mafia sur les jours qui avaient suivi l’attaque. Il avait laissé ses amis s’occuper de gérer les retombées de ce conflit, comme paralysé à l’idée de remettre un pied là-dedans. C’était un peu plus tard, après s’être installé à la Nouvelle-Orléans et y avoir trouvé ses marques, qu’il avait fini par passer un appel à Jayce et lui demander un rapport détaillé de la situation. Depuis, il avait des comptes-rendus réguliers de sa part, dont il ne donnait que des conclusions vagues à Avalon. Il ne voulait pas l’inquiéter ni ajouter à ses soucis, et il sentait que de son côté à elle, elle n’avait pas envie d’aborder le sujet non plus.

Il fut donc un peu déstabilisé de la question plutôt frontale qu’elle lui adressa et il hésita sur la marche à suivre. Cherchait t-elle une réponse détaillée ou une réponse générale apte à la rassurer ? À défaut de savoir, il avança avec prudence :

« Pour le moment on se concentre surtout sur le fait d’éliminer les menaces. Mais… Ouais, on a parlé de mon départ et celui de Jayce. Disons que ce qui est compliqué, c’est qu’entre nous quatre, chacun a son avis sur ce que les Veilleurs doivent devenir. Mais on arrive à un compromis. Et ça va le faire, ça prend un peu de temps, mais… T’as pas à t’en inquiéter. » Il recouvrit de sa main celle qu’Avalon avait posée sur le ventre de leur fille. « Tout ça, ça sera bientôt derrière nous » promit-il.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 7 Juin 2023 - 23:12
Roy et Avalon ne parlaient plus de la mafia. Ils évitaient habilement le sujet et, quand ils l'effleuraient au détour d'une conversation, cela produisait toujours chez elle un mélange de rejet, de colère et d'angoisse dont elle préférait se tenir à distance. Paradoxalement, ne pas savoir ce qui se passait sur le sol anglais majorait encore plus son inquiétude. Alors, Avalon avait pris l'habitude d'appeler Fergus pour obtenir les informations qu'elle ne voulait pas demander à Roy. Et, si son ami avait eu des réticences à lui répondre au début, son entêtement - qui trahissait son anxiété - avait eu raison de ses principes ; il se montrait ainsi toujours concis mais franc lorsqu'elle le questionnait.

En revanche, Avalon n'avait jamais évoqué avec Fergus le départ de Roy à la tête des Veilleurs. Et, depuis que son mari lui avait promis d'arrêter ses activités mafieuses, elle n'avait pas pu se résoudre à l'interroger davantage non plus. Ce n'était pas le moment - il fallait d'abord s'occuper de savoir si Alma avait été malmenée pendant son enlèvement, puis essayer de survivre aux heures qui se succédaient, puis fuir en Louisiane pour ne pas avoir à supporter le décor à la fois familier et étranger de l'Angleterre, puis traiter leurs insomnies chroniques... Ce n'était jamais le moment et, lorsque les choses avaient commencé à s'apaiser, Avalon n'avait pas pu aborder à nouveau ce sujet qui, pourtant, planait dans leurs échanges.

Parce que Roy avait ouvert la parole le premier en parlant à ses parents, Avalon s'était sentie moins empêtrée dans ses silences. Elle l'avait questionné frontalement, la main logée dans la sienne, sans s'attarder sur la douleur qui s'était éveillée au creux de son estomac.

La réponse de Roy ne majora pas cette douleur mais ne l'apaisa pas non plus. Il parlait sans vouloir trop en dire, ce qu'elle ne savait pas comment interpréter. Elle finit par hocher la tête, autant pour Roy que pour faire taire ses pensées.

« Ok... » souffla-t-elle, pensive. Elle reprit avec davantage de conviction : « Ok. J’espère que vous trouverez un moyen de te faire sortir rapidement de là. » conclut-elle.

Elle ne pouvait même pas imaginer qu’il y remette un pied.

*****

19 avril 2012.

« Viv’, tu sais ce que tu veux ? » demanda Avalon en fouillant dans son sac pour y trouver son portefeuille.

Vivianne observait les différents écriteaux avec un air très concentré. Elle ouvrit la bouche et la referma, puis sembla se raviser avant de déclarer :

« Mangue et citron, s’il-vous-plait.
-Dans un pot ou dans un cornet ? l’interrogea une femme au visage marqué par les années.
-En cornet ! » Lorsqu’elle s’aperçut que sa sœur s’apprêtait à régler une seule glace, elle réagit en fronçant les sourcils : « Tu veux rien prendre, toi ?
-J’ai pas très faim, se justifia Avalon en sortant quelques pièces.
-Mais c’est de la glace, ça se mange pas vraiment, expliqua Vivianne d’un ton docte. En plus, il y a un parfum trois chocolats avec des morceaux de caramel qui est su-per bon.
-Tu es venue combien de fois ici, toi ? s’amusa sa sœur aînée.
-Une ou deux… éluda-t-elle. Mais je suis sûre que tu vas aimer ! »

Face à la moue de Vivianne, Avalon finit par se laisser tenter, tout comme Roy qui commanda une boule de glace café – dans un pot évidemment. Ils quittèrent le glacier pour reprendre la petite balade qui leur faisait arpenter le centre-ville de la Nouvelle-Orléans. Ce n’était pas la première fois qu’ils quittaient les murs épais de leur maison et, si Avalon ne sursautait plus à chaque bruit un peu trop fort ou à chaque mouvement un peu trop brusque, elle voyait bien qu’elle demeurait sur ses gardes, prête à bondir à tout instant. Elle s’efforçait de ne pas le laisser paraître devant Vivianne, qui marchait à ses côtés. Roy se tenait également à la gauche de la petite fille, Alma blottie dans le porte-bébé qui ceignait son torse.

Ils progressaient lentement dans le carré français de la ville, s’arrêtant parfois aux vitrines des magasins pour contempler les différents objets exposés. Vivianne – à qui Roy et Avalon avaient annoncé le projet d’acheter un bien à la Nouvelle-Orléans – s’attardait parfois devant les agences immobilières. Cela aurait pu être une scène familiale douce, complètement normale, délicieusement banale.

Sans ce sentiment d’urgence qui la prenait à la gorge lorsque son regard croisait un peu trop longuement celui d’un inconnu.

« Ohh, elle est super belle, cette église, s’exclama Vivianne alors qu’ils débouchaient face à la cathédrale Saint-Louis.
-C’est une cathédrale, précisément machinalement Avalon en croquant un morceau de son cornet de glace.
-C’est quoi la différence entre église et cathédrale ?
-Euh… » Elle échangea un regard avec son mari. « La taille ?
-C’est vrai qu’elle a l’air super grande, approuva Vivianne, qui sembla se contenter de cette réponse floue. Vous êtes déjà allés à l’intérieur ? »

Avalon hocha la tête.

« Notre amie Isobel s’est mariée ici il y a quelques mois. »

Vivianne eut une expression admirative.

« Ca devait être super beau.
-Oui, ça l’était, confirma Avalon un sourire. Tu veux t’assoir cinq minutes ? » lui proposa-t-elle en désignant un banc, quelques mètres à leur gauche.

Ils s’y dirigèrent et s’y installèrent, savourant l’ombre des arbres. Même si les températures étaient encore clémentes, il faisait déjà chaud au soleil. Laissant sa sœur à la contemplation de la cathédrale Saint-Louis, Avalon se pencha vers Alma, qui s’était réveillée quelques minutes auparavant. Elle regardait autour d’elle avec une certaine curiosité qui lui tira une expression attendrie. Avalon releva les yeux vers son mari et ils eurent l’un de ces brefs échanges silencieux où ils semblaient se repaître de la douceur de leur fille.

« Mais est-ce que vous croyez vraiment en Dieu, vous ? » demanda finalement Vivianne en tournant la tête vers eux, le visage véritablement marqué par l’interrogation.



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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeVen 9 Juin 2023 - 11:18
Le mois d’avril à la Nouvelle-Orléans faisait l’effet d’un doux été à Roy, qui songeait en marchant dans les rues du Carré Français qu’ils avaient bien choisi leur destination de fuite. Leur petite balade familiale avait des airs de vacances ensoleillées et ce fut assez naturellement qu’ils s’arrêtèrent pour prendre une glace. Il opta pour une glace en pot -beaucoup moins salissant- et s’amusa du regard presque hypnotisé de sa fille Alma, calée contre lui, qui suivait chacun de ses gestes.

Il y avait une forme de normalité dans cette scène qui faisait beaucoup de bien à Roy. Depuis quelques jours, il se sentait capables de sortir avec Avalon et les enfants sans avoir constamment l’impression d’être épié. Une part de lui restait sur ses gardes, toujours, mais il sentait qu’il parvenait à apprécier le moment, à contempler les paysages, à laisser son attention papillonner vers les multiples sources de distraction dans les rues. Et c’était déjà un progrès immense.

Alors qu’ils arrivaient au détour d’une rue sur la cathédrale Saint-Louis qui avait des airs de château avec ses colonnes et ses trois grandes tours, Vivianne s’extasia de la beauté du bâtiment. L’architecture était bien différente ici de ce dont ils avaient l’habitude en Angleterre et la jeune fille semblait beaucoup s’y intéresser. Si Roy ne fut pas capable de répondre à sa question sur la différence entre une église et une cathédrale -piètre chrétien qu’il était- il renchérit sur la suite de la discussion :

« C’est vrai qu’elle est belle à l’intérieur, il y a une voûte colorée et plein de drapeaux. »

Roy jeta son pot vide avant de rejoindre Avalon et sa soeur sur le banc qu’elles avaient choisi. Il s’installa sur une place bien à l’ombre, par souci pour Alma. Protégée du soleil par les arbres et par le petit bob qu’elle portait sur sa tête, elle semblait tout à fait à son aise. Roy déposa une caresse affectueuse sur sa joue, et le regard qu’il échangea avec sa femme voulait tout dire : leur fille était beaucoup trop mignonne.

De son côté, Vivianne semblait toujours préoccupée par la cathédrale qui leur faisait face car elle posa une question qui les surprit tous les deux. Roy reporta son regard sur l’église, pris d’un étrange sentiment. Quelques mois plus tôt, il aurait sûrement répondu quelque chose comme « Bof, je sais pas trop si j’y crois encore à tout ça », voire même que ce n’était que des conneries. Pourtant, il avait été élevé dans la foi catholique, lui et ses frères et soeurs portaient tous des seconds prénoms se référant à l’histoire biblique, leurs parents les emmenaient régulièrement à l’église quand ils étaient jeunes, ils avaient même tous été forcés de suivre des cours de catéchisme -avant que la scolarité à Poudlard ne vienne les sauver de là. Roy croyait savoir que Jason avait gardé quelque chose de cette éducation chrétienne, il était celui qui se prêtait le plus à suivre leurs parents à la messe et à accomplir des pratiques. Irina et Roy étaient les plus mauvais élèves. Quant à Adrian, c’était fluctuant.

Pourtant, Roy n’était pas certain d’avoir été complètement athée un jour, même s’il avait eu un rejet assez marqué de la religion, à cause de toutes les obligations qui l’accompagnaient, de son aspect moralisateur qui lui déplaisait, et d’une forme de malaise aussi : après tout, s’il devait croire à tout ça, avec tout ce qu’il avait fait, il irait forcément en enfer alors à quoi bon ? Et c’était bien parce que cette idée provoquait chez lui un certain malaise, le poussant à refuser d’examiner la question, qu’il savait qu’au fond, il y accordait un certain crédit. S’il avait été parfaitement athée comme Jayce pouvait l’être par exemple, cela ne lui aurait fait ni chaud ni froid.

« Ça dépend des moments » finit-il par répondre, voyant qu’Avalon semblait toujours réfléchir à sa réponse. « Et en ce moment… Oui, plutôt » admit-il.

Comment pouvait-il en être autrement après tout ce qui était arrivé ?  La réussite de sa mission périlleuse contre Norvel, leur survie à tous alors que tout partait si mal, l’évitement d’une tragédie terrible, et la manière dont il avait véritablement frôlé la mort avant d’être rappelé à la vie… Roy ne pensait pas croire aux miracles mais cette fois-ci il ne voyait pas comment qualifier autrement ce qui s’était produit. Ils avaient eu tellement de possibilités d’échouer et pourtant, une main invisible semblait avoir arrangé pour eux l’exact timing qui avait permis à chacun de jouer au mieux son rôle et d’arriver aux bons moments pour se sauver les uns les autres. C’était trop de coïncidences bienheureuses pour ne pas venir titiller la foi qui sommeillait chez Roy.

Et surtout, de manière moins rationnellement explicable, une part de lui était persuadée qu’il avait survécu pour une raison : faire mieux. Orienter sa vie dans une autre direction. Alors que le concept de rédemption si cher aux chrétiens n'avait jamais parlé à Roy, désormais il trouvait une résonance très forte chez lui. Ce n'était pas seulement pour protéger sa famille qu'il avait pris la décision d'arrêter la mafia, même si c'était la raison première. C'était aussi pour laver sa conscience. Il sentait qu'il ne pouvait plus, qu'il n'avait plus le droit de continuer à commettre les péchés les plus terribles, pas maintenant qu'on lui offrait une seconde chance inespérée de vivre.

Il se rendit compte qu'il n'avait encore parlé de tout ça à personne, pas même à Avalon. Il se tut dans un silence pudique, les yeux rivés sur Alma, l'autre petit miracle de sa vie.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeVen 9 Juin 2023 - 19:56
La question de Vivianne plongea Avalon dans un silence réflexif, qu'elle conserva quelques secondes, les yeux perdus dans la contemplation de la cathédrale Saint-Louis. Elle ne savait plus si elle s'était déjà posée frontalement cette question auparavant ; elle avait admis, petite, l'existence d'un Dieu, avant de reléguer cette information dans un coin de son cerveau au fil des années. Ses parents n'avaient jamais été de grands croyants ; c'était sa grand-mère et son grand-père qui s'étaient attelés à faire son éducation religieuse ainsi que celle de ses frères. Avalon se souvenait de la Bible que sa grand-mère leur lisait, des bénédicités prononcés par son grand-père, des messes le dimanche et des prières le soir. Elle avait fait sa première communion à l'âge de sept ans avec Galaad et Néro, à l'église de Leeds. Elle n'avait pas beaucoup de souvenirs de la cérémonie en elle-même, mais sa grand-mère avait conservé beaucoup de photos, dont certaines trônaient toujours sur le buffet du salon de leur maison.

Pendant des années, Avalon n'avait pas eu à réfléchir à sa foi ; cette dernière existait, largement entretenue par les discours de ses grands-parents et les rites auxquels ils se livraient. Lorsque Néro, Galaad, Célice et elle étaient retournés vivre à Londres de façon permanente, quelques mois avant la naissance d'Yseut, ils avaient laissé de côté la pratique quotidienne à laquelle s'adonnaient Alma et Mateo mais pas la foi qu'on leur avait inculqué. L'existence d'un Dieu, le Bien et le Mal, le Paradis et l'Enfer, les Anges, les péchés et la rédemption.

Puis Avalon avait découvert son statut de sorcière et, si elle n'avait pas remis frontalement en question sa foi à ce moment-là, ses croyances en avaient forcément été ébranlées - la religion catholique n'étant pas tendre envers la magie, considérée comme païenne et hérétique. Avec son éloignement à Poudlard pendant la majeure partie de l'année, la religion n'avait été qu'un énième héritage auquel Avalon avait cru devoir renoncer. Elle l'avait fait sans véritable regret mais sans parvenir non plus à s'en détacher entièrement. C'était sa grand-mère, à l'aube de ses vingt-ans, qui l'avait interrogé l'air de rien sur le sujet, en lui demandant si elle continuait à aller à la messe, au moins pour les fêtes de Noël. Gênée, Avalon avait cherché à éluder la question, sans succès. Elle avait fini par lâcher, en haussant les épaules : « tu sais bien que l'église n'accueille pas vraiment les sorciers, Abuela. » Et Alma avait eu l'opportunité de lui faire le long discours qu'elle semblait avoir préparé depuis des années. Elle lui avait répété combien il était nécessaire de placer sa confiance en Dieu et dans le plan qu'Il avait pour elle. Elle lui avait dit qu'elle avait été questionner le prêtre de sa paroisse, pour savoir si un état qui ne relevait pas tant d'un choix que d'une identité pouvait sortir un croyant de sa religion et qu'on lui avait assuré que l'importance résidait dans le cœur, dans les efforts déployés pour suivre les enseignements de la Bible et sortir du péché. Avalon avait souri. « Tu ne lui as pas dit que j'étais sorcière, n'est-ce pas ? » « Bien sûr que non ! » lui avait assuré Alma. « Tu as conscience qu'il a dû penser que tu parlais d'homosexualité ? » Alma en avait été rouge d'embarras.

Mais Avalon n'avait jamais repris une pratique religieuse, quand bien même son cœur tendait de temps à autre vers la prière. Elle n'avait jamais remis les pieds volontairement dans une église - à l'exception des mariages et autres fêtes auxquelles elle avait été conviée. Pendant longtemps, sa foi était restée confinée dans cet espace réduit, où elle existait sans exister pour autant.

Mais les récents événements avaient heurté Avalon à l'endroit sensible où sommeillait sa spiritualité. La réponse de Roy fit alors écho à sa propre expérience et elle hocha doucement la tête en tournant un regard vers lui. Tout avait commencé pendant sa grossesse difficile, où la menace de la perte avait bouleversé son quotidien. Lorsqu'elle s'était épanchée auprès de sa grand-mère, celle-ci lui avait assuré qu'elle prierait tous les jours pour elle et pour le bébé. De façon presque désespérée, Avalon s'y était mise à son tour. Un soir, elle avait adressé une prière à un Dieu auquel elle n'avait pas pensé depuis longtemps. Et elle avait recommencé, encore et encore, jusqu'à la naissance d'Alma.

Et puis il y avait eu l'enlèvement, la peur, le désespoir et, là encore, il avait fallu se raccrocher à quelque chose de plus grand, quelque chose capable de les protéger et de protéger leur fille. Avalon avait prié mille fois dans cette chambre d'hôpital vidée de la présence d'Alma et mille fois encore dans l'entrepôt sombre où elle avait lutté pour sa vie. Elle avait imploré et dit « pitié ». Puis elle avait dit « merci », encore et encore, pendant toutes les heures où elle avait enfin tenu Alma contre elle. Et une part d'elle continuait à remercier, dès qu'elle posait les yeux sur le visage apaisé de sa fille, dès qu'elle entendait ses babillements, dès qu'elle soupirait d'aise dans le creux de ses bras. Merci, merci, merci de me permettre de vivre ça.

« Et toi, Av ? l'interrogea alors Vivianne, jugeant sûrement son silence trop long.
-Je crois que oui, répondit-elle en tournant la tête vers sa petite soeur. Je réfléchissais parce que ça faisait longtemps que je ne m'étais pas posée cette question. Mais je crois que oui. Et toi ?
-Je sais pas trop... fit Vivianne en laissant traîner sa voix. Je connais pas trop. Parfois, Abuela veut que j'aille à la messe avec elle mais je comprends pas les histoires. »

Avalon étouffa un rire.

« Même moi je comprends pas toujours. Et pourtant, Abuela nous faisait le catéchisme !
-C'est les cours de religion ?
-C'est ça.
-Mais... » Vivianne fronça les sourcils. « La religion c'est pas, euh, interdit aux gens comme nous ? Je veux dire, aux sorciers ?
-C'est un peu plus compliqué... commença Avalon en échangeant un regard avec Roy. Disons que ça dépend des interprétations de la Bible. Il existe des interprétations différentes dans le monde sorcier, qui expliquent que ce que la Bible condamne, c'est pas magie en tant que telle mais l'utilisation de la magie noire, tu vois ?
-C'est la méchante magie ?
[color=violet]-Oui, on peut dire ça.
-Mais alors tout le monde croit à la même chose mais pas de la même façon ? C'est super nul. Pourquoi il y a pas le même mode d'emploi pour tout le monde ? »

Avalon eut un sourire amusé, qu'elle masqua en reprenant la parole :

« Il y a pas vraiment de mode d'emploi. La foi c'est plutôt... Quelque chose en quoi tu crois. Une certitude, tu vois ? »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeVen 9 Juin 2023 - 23:21
La religion n’était pas vraiment un sujet dont Avalon et Roy parlaient. Ils savaient qu’ils avaient été éduqués dans la même foi et qu’ils s’en étaient beaucoup éloignés sur le plan de la pratique. Ne restaient que quelques rites ponctuels : ils s’étaient par exemple accordé sur le fait de baptiser leur fille et de faire un mariage à l’Église, plus par volonté de s’inscrire dans un héritage culturel et de réunir leurs familles qu’autre chose. Mis à part cela, leur foi n’était pas un thème présent dans leur couple. Ils avaient déjà échangé quelques fois sur la notion de destin. C’était à peu près tout.

Ils n’avaient pas vraiment réactualisé le sujet entre eux, au vu des derniers événements, mais Roy ne fut pas surpris d’entendre Avalon prononcer une réponse similaire à la sienne. C’était une preuve de plus de leur manière similaire de voir les choses et de traverser les épreuves. Avalon s’était certainement réfugiée dans des prières désespérées, elle aussi, pour traverser sa grossesse à risques multiples et plus tard, pour survivre à l’attaque de Norvel et retrouver leur fille. Pour des coeurs essoufflés sur le plan spirituel comme les leurs, rien de tel que de frôler de multiples catastrophes pour se raccrocher à sa foi.

Mais il y avait autre chose. Roy le savait, au fond de lui. Des situations malheureuses et désespérées où il avait cru y passer, il en avait vécues d’autres. Dans ces moments-là aussi, il avait imploré en son for intérieur. Puis il s’en était sorti. Et il avait oublié. Il avait repris sa vie d’insouciance et de légèreté, sans regard en arrière.

Il y avait autre chose, parce que cette fois-ci, cette petite étincelle de foi qui s’était rallumée chez lui au coeur de l’action ne disparaissait pas une fois l’événement difficile passé. Elle restait, ravivée et entretenue à feu doux par un autre sentiment que la terreur et le désespoir. C’était cette petite chaleur au fond de son coeur quand il contemplait les traits d’Alma, bien portante et épanouie, ou quand il tenait Avalon dans ses bras, bien vivante et toujours près de lui. Une bouffée de reconnaissance et de gratitude de pouvoir vivre ces moments malgré tout.

Alors oui, en ce moment, Roy se sentait croyant. Pas vraiment pratiquant, de fait, mais croyant et c’était déjà un grand changement chez lui.

Avalon semblait ressentir la même chose de son côté. Quant à Vivianne, elle était exactement à un âge où on commençait à se poser des questions et à douter de ce que les adultes enseignaient aux enfants sur le sujet. En l’occurrence, ses questions devaient être nombreuses car elle n’avait sans doute pas reçu grand-chose comme éducation religieuse, songea Roy en l’écoutant parler. Difficile d’imaginer Dwight et Edith Davies comme des catholiques insistants pour emmener leurs enfants au catéchisme ou leur lire la Bible…

Difficile aussi de se raccrocher à un culte catholique quand tout ce qu’on y connaissait, c’était l’interprétation que les moldus en donnaient. Roy avait grandi relativement préservé de tout ça, puisque son environnement familial était très majoritairement sorcier mais il savait que tous n’avaient pas cette chance. Toni, par exemple, avait vécu du rejet et des insultes de la part de membres de sa propre famille et de ses voisins dès le moment où ses aptitudes magiques avaient commencé à se faire connaître. Ce type de traitement n’était pas réservé qu’aux enfants nés dans des familles catholiques moldues. Jayce avait carrément subi des sévices de l’ordre de la torture, dans les temples hindouistes où ses parents l’emmenaient pour « exorciser le démon en lui ».

C’était ainsi qu’on qualifiait les gens comme eux, qui pratiquaient de la magie, dans toutes les religions. Des gens possédés, des démons. Des satanistes. Le Mal absolu, en somme.

Cette exposition indirecte via le vécu de ses amis à l’intolérance qui pouvait exister dans le monde moldu était assez insupportable pour Roy. Et après avoir vu comme Vivianne s’était faite rejeter par ses propres parents, il n’avait aucune envie qu’elle se sente également mise à l’écart de la foi de ses grands-parents, si c’était quelque chose qu’elle voulait connaître. Il abonda donc dans le sens d’Avalon :

« Et puis heureusement que tout le monde n’interprète pas les choses de la même manière, avec un unique mode d’emploi pour tous. T’imagines, sinon, ça voudrait dire qu’aucun sorcier pourrait jamais être croyant, alors que bah… En soi, ça n’a rien à voir. C’est pas comme si on avait choisi d’être des sorciers, on est juste nés comme ça » rappela t-il, en tournant les yeux vers Vivianne. « Et si c’est ça le problème, bah c’est à Dieu qu’il faut aller se plaindre, hein, puisque c’est lui qui nous a créés, soyons logiques. »

Comme toujours sensible à l’argument de la logique, Vivianne hocha la tête :  

« Je crois que je vois ce que tu veux dire…
-De toute manière tu sais de quoi ça vient, tout ça ? C’est tout bête, c’est juste que les prêtres moldus connaissent rien de la magie, ils s’imaginent que ça vient d’un pacte avec le Diable ou je sais pas quoi… Moi je sais pas ce qu’il en est de ton côté mais je me rappelle pas avoir signé de contrat avec un monstre à cornes quand j’avais six ans » plaisanta t-il.

L’image grotesque convoquée par les mots de Roy fit rigoler la jeune fille.

« Dit comme ça, ça paraît très bête…
-Je t’ai dit, c’est bête.
-Hum, d’accord mais… » Le petit froncement entre ses sourcils indiquait qu’elle n’était pas encore convaincue. « Comment tu crois en Dieu si tu ne le vois jamais ? »

Ce fut au tour de Roy de rire légèrement, en échangeant un regard avec Avalon.

« Je crois que j’ai posé exactement la même question à ma mère quand j’avais ton âge… Hum, je sais même plus ce qu’elle m’a répondu, tu vois. Probablement un truc comme « il y a des preuves partout, dans les merveilles de la nature ! » Moi ça m’a pas trop parlé, mais peut-être que toi plus, vu que t’es une vraie petite scientifique.
-Mais justement, moi je cherche des vraies preuves, souligna t-elle.
-Évidemment… Mais je peux pas t’en sortir de mon chapeau, Viv’. Personne ne peut, d’ailleurs, sinon tout le monde croirait en Dieu. C’est comme ta soeur a dit, c’est… un sentiment. Un truc que t’as en toi ou que t’as pas.
-Mais comment vous l’avez, vous, alors ? » insista t-elle en posant tour à tour son regard sur Avalon et Roy.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeSam 10 Juin 2023 - 8:59
Avalon fut soulagée de voir Roy appuyer ses paroles et offrir à Vivianne plusieurs éléments de réflexion sur la place des sorciers dans la religion catholique. Elle avait été à la place de sa sœur quelques années auparavant, perdue entre les différentes injonctions et les discours de haine. Elle avait dû construire son identité entre ces deux mondes qui ne voulaient jamais d'elle entièrement et cela l'avait profondément marqué. Quand Vivianne avait manifesté son don magique, Avalon avait de nouveau été confrontée à cela, à travers sa petite sœur cette fois-ci. Elle s'était revue à onze ans, obligée de quitter sa famille pour un environnement inconnu et de devoir en apprendre les codes et la langue, sans personne pour la guider. Elle avait vu le souvenir de sa propre détresse dans le regard de Vivianne et s'était promis qu'elle vivrait les choses différemment.

Avalon veillait ainsi à la protéger des discours manichéens souvent utilisés pour opposer les sorciers et les moldus. Vivianne et elle - comme tous les nés-moldus - existaient à une frontière qui ne pouvait être nourrie que par la nuance et la mesure. Que Roy prenne le temps de faire émerger cette nuance fut un moment important, autant pour Avalon que pour Vivianne, qui buvait ses paroles, ses sourcils légèrement froncés au-dessus de ses yeux bruns. Elle était concentrée, comme si elle cherchait à percer un mystère qui, malheureusement, lui échappait. Alors, comme à son habitude, elle questionnait, demandait pourquoi, comment, encore et encore, jusqu'à saisir l'essence d'une réponse. Des réponses que Roy et Avalon lui apportaient tant bien que mal, parfois dépassés par des questions qui les forçaient à réfléchir sur ce sujet qu'ils avaient eu tendance à reléguer au second plan.

Pourtant, il prenait de plus en plus de place dans le cœur d'Avalon, qui avait cessé d'implorer dans la peur et dans l'urgence. A présent, elle se sentait immensément reconnaissante, parfois presque coupable de ne pas savoir comment remercier et rendre à la hauteur de ce qu'elle avait reçu. Miracle, bénédiction, destin... Elle ne savait quel mot utiliser pour décrire cet enchaînement parfait qui leur avait permis de retrouver leur fille. En revanche, elle sentait qu'elle avait besoin de s'en montrer digne en prouvant qu'elle était capable de mieux, de plus.

Évidemment, si cette étincelle avait pu se transformer en un feu chaleureux, c'était parce qu'Avalon avait reçu, des années auparavant, une éducation religieuse qui avait contribué à faire émerger chez elle une forme de spiritualité. Sa grand-mère ne s'était pas contentée de les amener - elle et ses frères - de temps à la messe ; elle s'était réellement investie auprès d'eux pour leur inculquer les bases de la religion. Cela n'avait pas été possible avec les plus jeunes de leur fratrie, qui n'avaient pas eu la chance de passer autant de temps chez leurs grands-parents. Face aux interrogations de Vivianne, Avalon réalisa que ce rôle lui revenait désormais. Incapable de tenir les mêmes discours convaincus que sa grand-mère - qui avait en plus de cela une fine connaissance des textes religieux qui lui permettait de répondre à chaque interrogation en citant des versets de la Bible - elle s'efforça toutefois de répondre avec son cœur :

« Je l'ai parce que je crois que les choses arrivent pour une raison, commença-t-elle avec prudence, incertaine de là où ses mots allaient la mener.
-Comme quoi ? demanda Vivianne, avec une petite moue sur le visage.
-Comme... Comme le fait qu'on soit des sorcières, toi et moi, par exemple. Ou le fait d'avoir eu Alma. Je crois que c'était notre destin, à Roy et à moi, de vous avoir toutes les deux avec nous.
-Mhhhh... fit Vivianne en faisant rouler distraitement un caillou sous son pied. Et quand des choses mal arrivent ?
-Quand des choses mal arrivent, je crois que Dieu nous aide à nous en sortir et à les dépasser, répondit-elle, d'une voix qui lui sembla un peu lointaine.
-Mais comment tu sais que c'est Dieu et pas quelque chose que toi tu fais ?
-C'est les deux à la fois. Tu sais Viv, avoir la foi c'est pas chercher des preuves. C'est ce que Roy te disait, personne peut prouver que Dieu existe et c'est pas le but. Si Dieu existait, on ne croirait plus, on admettrait tous qu'il existe comme on admet que la Terre est ronde, tu vois ? La foi, c'est croire que Dieu existe parce que même si tu peux pas le prouver, tu le sais.
-Moi, je sais pas si je sais que Dieu existe.
-Je sais ma puce, fit Avalon en lui passant une main dans le dos, en plus toi, personne ne t'a appris quoique ce soit sur la religion alors forcément, ça aide pas à se faire une idée. »  

Vivianne garda le silence, les yeux rivés sur la cathédrale. Avalon échangea un regard avec Roy, avant de proposer en pressant l'épaule de sa sœur :

« Tu veux qu'on entre à l'intérieur ?
-Mhh... D'accord, acquiesça Vivianne en se relevant.
-Finis ta glace avant, conseilla Avalon, il faut éviter de manger dans les églises. »

Vivianne croqua les derniers bouts de son cornet et essuya ses doigts sur une serviette en papier. Puis ils se dirigèrent tous les quatre vers l'entrée de la cathédrale. Si les grandes portes étaient fermées - elles ne s'ouvraient probablement que pour les temps de célébration - ils purent entrer à l'intérieur en passant par une petite porte, sur le côté gauche.

Avalon retrouva le décor familier du mariage d'Isobel. La grande allée jusqu'à l'autel, le sol carrelé, les drapeaux, les peintures délicates. Comme dans toutes les églises, l'endroit était calme, silencieux, même si quelques fidèles étaient installés sur les bancs en bois et que quelques touristes en faisaient le tour. Vivianne s'avança doucement, presque sur la pointe des pieds.

« C'est beau, hein ?
-J'aime bien le plafond. » répondit-elle, la tête rejetée en arrière pour contempler les motifs qui l'ornaient.

Ils entreprirent une petite marche dans les allées, s'arrêtant parfois devant des statues ou des peintures.

« Comment on fait pour prier ? »demanda finalement Vivianne, en louchant vers une dame qui, les mains jointes, semblait murmurer tout bas. ][


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeDim 11 Juin 2023 - 23:33
Dans cette conversation, Roy découvrait le point de vue d’Avalon sur la question en même temps que Vivianne, car ils n’en avaient jamais discuté aussi frontalement et longuement. Il le découvrait et en même temps, il eut l’impression en l’écoutant de le connaître déjà. Parce qu’il connaissait Avalon, il la connaissait si bien que tout ce qu’elle disait de ses croyances intimes semblait simplement s’inscrire dans la juste continuité de ce qu’il savait déjà d’elle.

Évidemment qu’elle pensait que les événements marquants de leur vie arrivaient pour une bonne raison. Roy le croyait aussi. Il ne l’avait pas toujours pensé, mais sa vie prenait un chemin qui l’amenait à se rappeler à cette idée. Ce n’était pas seulement depuis l’enlèvement d’Alma. Déjà avec Avalon, ils avaient effleuré cette notion de destin autour de leur amour aussi inattendu qu’intense. Roy se souvenait d’une discussion au creux de la nuit, assez tôt dans leurs débuts de couple, où ils s’étaient émerveillés ensemble de ne s’être trouvés que maintenant alors qu’ils se connaissaient depuis tant d’années : pourquoi maintenant ? La question était restée suspendue entre eux, sans trouver une réponse rationnelle, seulement une intime conviction : avant n’était pas le moment. C’était maintenant qu’ils étaient parfaits l’un pour l’autre, que leur histoire pouvait s’épanouir pleinement et qu’ils pouvaient mutuellement se tirer vers le haut. Ils s’étaient trouvés exactement au bon moment, après une suite de circonstances précisément réglées.

On pouvait croire à une succession de coïncidences hasardeuses ou on pouvait croire en la minutie d’une main invisible et bienveillante.

Tout arrivait pour une raison, disait Avalon. Plus Roy y réfléchissait -et il avait tout le loisir de réfléchir à sa vie et à ses choix dans cette maison isolée de la Nouvelle-Orléans où il restait caché- plus le plan des derniers mois de sa vie lui paraissait prendre un sens clair. Il avait trouvé en Avalon une compagne de vie, il avait eu une première fille puis une deuxième, il s’était rapproché de sa famille, il avait risqué de tout perdre très brutalement, frôlé la mort avant de revenir pour une raison. Rien de tout cela n’avait été vain ni gratuit, tout avait concouru vers cette décision qu’il avait fini par prendre : quitter ce qui le gangrénait et se mettre à l’abri, lui et ses proches. Changer. Être un autre homme, un meilleur mari, un meilleur frère, un meilleur père. Cela n’aurait pas été possible s’il n’avait pas eu Avalon à ses côtés. Cela n’aurait pas été possible non plus s’il n’avait pas vécu ces horreurs dans cet affreux entrepôt, au milieu de ses pires ennemis.

Ce fut cette pensée qui le poussa à ajouter, quand le silence se fit, en revenant sur un point de la conversation :

« Quand des choses mauvaises arrivent, c’est pour t’apprendre quelque chose. »

Il piqua l’attention de Vivianne qui tourna la tête vers lui, semblant attendre une suite que Roy mit quelques instants à trouver. La conversation devenait beaucoup plus intime que tout à l’heure, les mots eurent plus de mal à trouver leur chemin. Mais une telle volonté de comprendre brillait dans le regard de la jeune fille que Roy s’efforça, tant bien que mal, de préciser sa pensée :

« Je pense comme ta soeur, les choses arrivent pour une raison. Parfois, il se passe des trucs qui s’enchaînent d’une telle manière que… Ça serait fou de croire à une simple suite de coïncidences. Et là tu te dis que oui, y a peut-être quelqu’un qui te guide quelque part et qui veut te faire comprendre un truc. Mais je crois pas à un destin qui ferait que t’es pas acteur de ta vie, que t’es juste une marionnette dans un plan qui te dépasse ou je sais pas quoi… Non, c’est pas ça. Parce que dans la vie, on fait des choix face à ce qui nous arrive, tout le temps. Pour moi, la foi c’est de croire que tout ce qui t’arrive, de bien ou de mal, au final, c’est pour te pousser à atteindre la meilleure version de toi-même. Et tu l’atteins par tes choix, par tout ce que toi, tu choisis de faire » affirma t-il.

Ses convictions intérieures qu’il n’avait jamais pris le temps de formuler semblèrent prendre du sens en même temps que Roy les expliquait. Raffermi dans ses croyances intimes, il conclut :

« C’est dans ces moments-là que j’arrive à sentir de la foi, moi. Ça me parle beaucoup plus que de contempler un paysage de carte postale, en tout cas » ajouta t-il sur un ton plus plaisantin. Quand il tourna la tête vers Vivianne, il vit qu’elle semblait toujours plongée dans ses pensées et il ajouta pour ne pas la perturber davantage : « Mais toi peut-être que tu vas trouver autre chose. Ou pas, d’ailleurs. À toi de voir. »

Avalon lui proposa alors d’entrer dans la cathédrale qui leur faisait face, comme pour l’encourager à se faire une idée par elle-même. Vivianne accepta aussitôt, sans doute plus curieuse encore de découvrir l’atmosphère intérieure du bâtiment, après ce dont ils venaient de discuter. En se relevant, Roy remarqua qu’Alma s’était paisiblement endormie contre son torse et il déposa un baiser plus léger qu’une caresse sur son crâne, avant de suivre les deux soeurs.

L’église était beaucoup moins remplie et agitée que lorsqu’il y était entré pour la première fois, pour le mariage d’Isobel. Ils marchèrent le long d’une allée collatérale à la nef, suivant le rythme des pas de Roy qui avançait lentement pour ne pas perturber le sommeil d’Alma. Ils empruntèrent le même chemin que les touristes qui s’arrêtaient régulièrement pour prendre en photo des détails de l’architecture ou des sculptures ornant les murs. Mais Vivianne sembla plus intéressée par l’expérience des fidèles dans l’église, notamment ceux qui se trouvaient en position de prière dans les petites chapelles.

« Comme la dame » répondit Roy, d’un ton bas. « Tu joins les mains et tu demandes ce que tu veux.
-Tout ce que je veux ? s’enquit Vivianne, en haussant les sourcils. Je peux tout demander à Dieu ?
-Tout ce que tu veux » confirma t-il avec un sourire en coin. « Mais ne t’attends pas non plus à ce qu’un cadeau emballé descende du ciel après l’avoir demandé, ça marche pas comme ça. C’est pas au Père Noël que tu t’adresses.
-Je sais, quand même, répliqua la jeune fille, d’un air entendu, comme à chaque fois qu’elle essayait de rappeler qu’elle n’était pas si petite. Je vais pas demander des jeux à Dieu.
-Tu pourrais. Moi c’est ce que je faisais quand j’avais ton âge. Après j’allais dire à mes parents tout ce que j’avais demandé, et je leur disais que si ça se réalisait c’est que Dieu existait, sinon c’est qu’il existait pas. Je pensais qu’ils seraient obligés de m’acheter ce que je voulais, du coup.
-Et ça marchait ? s’esclaffa Vivianne.
-Pas du tout. T’as vu ma mère ? Elle est encore plus retorse que moi. Elle me disait que Dieu n’écoutait que les enfants sages et obéissants avec ses parents et que si mes prières se réalisaient pas, c’était plutôt parce que j’étais ni sage ni obéissant. »

Ils étouffèrent leur amusement pour ne pas perturber la sérénité des lieux. Après avoir fait le tour de l’église, ils prirent le temps de s’asseoir quelques minutes sur l’un des bancs en bois. Pendant que Vivianne observait avec curiosité l’autel qui leur faisait face et les mouvements des gens autour d’eux, Roy se laissa peu à peu gagner par un sentiment de quiétude qu’il n’avait pas expérimenté dans une église depuis très longtemps. Peut-être était-ce l’effet de cette longue conversation avec Vivianne et Avalon, mais il se sentit dans un lieu accueillant. La respiration légère et profonde d’Alma contre son torse le rappela au sentiment de gratitude qu’il évoquait quelques instants plus tôt et le poussa à esquisser un signe de croix.

Les mains jointes, il ferma les yeux.

Merci mon Dieu.
Merci d’avoir mis Avalon dans ma vie.
Merci pour mes filles, merci de les laisser vivre avec nous.
Protège-les. Protège-nous.
Et pardonne-moi.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeLun 12 Juin 2023 - 18:30
7 mai 2012

Les températures avoisinaient les vingt-quatre degrés à la Nouvelle-Orléans, mais une brise légère rafraîchissait l’atmosphère et retardait la venue d’une chaleur étouffante, prévue pour les prochains jours. Roy et Avalon avaient profité de ce temps clément pour s’installer dans un coin ombragé de leur jardin avec Alma et Teresa. Les deux étaient allongées sur un épais tapis d’éveil, mais la seconde était beaucoup plus active que la première. Teresa venait d’avoir sept mois et expérimentait avec un plaisir visible sa motricité et les sons qu’elle était capable de produire. Elle rampait en poussant sur ses petites jambes, sous le regard attentif de Roy et Avalon. Alma était allongée sur le dos et agitait doucement ses jambes en gazouillant, tout en tenant un anneau entre son poing qu’elle ne lâchait pas des yeux. Elle avait eu deux mois à la fin du mois d’avril et semblait de plus en plus réactive à son environnement. Elle souriait de manière intentionnelle et adressée, tournait la tête volontairement, parvenait à suivre un objet du regard et à le saisir quelques secondes. Née prématurée de trois semaines, Alma avait encore tendance à vite se fatiguer, mais le pédiatre leur avait assuré que cela était parfaitement normal et que leur fille se développait sans retard, ce qui avait été un immense soulagement pour les deux parents.

Ils avaient donc profité qu’Alma soit bien reposée de sa sieste pour l’installer à côté de sa sœur. Si la plus jeune n’était pas encore assez éveillée pour prendre pleinement conscience de la présence de Teresa, celle-ci était en revanche était particulièrement intéressée par ce deuxième petit humain qui gigotait à ses côtés. Elle rampait régulièrement vers elle et agitait maladroitement ses mains dans sa direction en prononçant des syllabes avec sa petite voix aigüe.

« Ta, ta, ta, ta, ta » fit Teresa avant de souffler bruyamment, ce qui fit vibrer ses lèvres l’un contre l’autre. Elle parut étonnée de produire ce son et recommença une nouvelle fois, se détournant de sa dernière occupation.

« C’est vraiment mignon comment elle découvre les sons qu’elle peut faire. » confia Avalon à Roy avec un petit rire attendri. Elle était assise en tailleur à côté d’Alma mais observait Teresa, qui s’était emparé d’une petite peluche en forme de renard et bavait joyeusement dessus.

Teresa venait souvent chez eux, depuis qu’ils s’étaient réfugiés à la Nouvelle-Orléans. Roy passait la récupérer chez Joséphine et la gardait quelques heures dans la journée. Cela avait été étonnant de la retrouver après tout ce temps – la dernière fois qu’Avalon avait voyagé aux Etats-Unis pour la voir, elle n’avait que trois mois et, malgré les vidéos que Roy lui montrait presque quotidiennement, elle avait été surprise de la voir si grande. C’était un tout autre bébé qu’elle avait rencontré lorsqu’ils étaient arrivés en Louisiane ; et ce sentiment était d’autant plus majoré qu’elle-même avait la sensation d’être une toute autre personne. Il lui avait fallu un temps d’ajustement et elle ne s’était pas sentie très à l’aise avec Teresa les premières semaines, trop préoccupée par l’état de santé d’Alma, par sa propre détresse émotionnelle et par la fatigue qui creusait des cernes sous ses yeux.

Aujourd’hui, les choses semblaient un peu plus apaisées. Cela faisait plus d’un mois qu’ils avaient quitté l’Angleterre et Avalon sentait que ce départ avait été bénéfique. Elle dormait mieux dans cette maison qu’elle commençait à bien connaître, n’avait plus la constante impression d’être épiée, suivie, menacée. Elle connaissait toujours des nuits pleines de cauchemars, des réveils en sursaut et gardait la marque de l’angoisse au creux de son estomac, mais elle n’était plus autant fébrile qu’à leur arrivée. Cela devenait alors plus facile pour elle d’aller à la rencontre de Teresa ; timidement d’abord, puis de manière plus spontanée et plus naturelle.

« C’est fou qu’elles aient six mois d’écart. » Cela signifiait que Joséphine et Avalon avaient été enceinte en même temps. « J’espère qu’elles seront proches quand elles grandiront. » Elle se pencha vers Teresa, qui s’était retournée sur le dos et tenait toujours sa peluche entre ses mains. Elle posa une main sur son ventre et se pencha vers elle. « Qu’est-ce que tu en dis, toi ? Tu vas pouvoir jouer avec ta sœur quand elle sera plus grande… » Elle s’empara de la peluche que Teresa avait jeté à côté d’elle et chatouilla la petite dans le creux de son cou, entre le bas de sa joue et son épaule. Teresa poussa un rire de joie et agitant les mains. Avalon recommença à plusieurs reprises, riant à son tour. « Bah oui, ce sera chouette de jouer avec elle. Tu pourras même lui prêter tes petites santiags… »



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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeLun 12 Juin 2023 - 22:51
Il y avait quelque chose d’un peu irréel dans cette scène presque trop normale. Roy ne réalisait pas tout à fait qu’il était en train de vivre une paisible et chaude après-midi avec ses filles et Avalon, assis dans le jardin, sous l’ombre d’un arbre. Le monde extérieur ne lui semblait plus si menaçant dans cette bulle où il se trouvait, entouré des femmes de sa vie, par une belle journée de printemps.

Les choses s’arrangeaient doucement. Elles s’arrangeaient à Bristol et elles s’arrangeaient ici, à la Nouvelle-Orléans. Cette escapade forcée avait eu le mérite de permettre à Roy de régler certaines choses qui le tracassaient, même avant l’enlèvement d’Alma. Il se sentait notamment beaucoup plus connecté avec Teresa, maintenant qu’il pouvait la voir plusieurs jours dans la semaine, voire plusieurs jours d’affilée. Vivre dans la même ville qu’elle changeait tout à leurs rapports. Il pouvait s’inscrire dans son quotidien, il sentait qu’il occupait la place qu’il était sensé tenir auprès d’elle. Teresa le reconnaissait quand il venait la récupérer chez sa mère, elle cherchait sa présence, tendait les bras vers lui quand il passait près d’elle. Grâce à tous ces moments privilégiés qu’ils passaient ensemble, Roy se sentait enfin pleinement père avec elle.

Quant à Alma, elle grandissait bien. Le pédiatre ne signalait aucune anormalité dans son développement, et c’était à chaque fois un soulagement de quitter son cabinet pour les deux époux. Leur bébé allait bien. Ils avaient réussi à éviter le pire.

Quand ils étaient arrivés en catastrophe aux Etats-Unis, un mois plus tôt, Roy avait eu la sensation que chaque geste du quotidien était un effort considérable pour lui. Maintenant, c’était ce qui l’aidait à s’ancrer et à se sentir mieux. Toutes ces petites scènes banales et tellement réconfortantes, qu’il pouvait vivre avec sa petite famille.

Alors il les vivait pleinement, avec soulagement et reconnaissance. Et il y avait de quoi s’émerveiller face à ses filles qui grandissaient et changeaient à vue d’oeil : chaque jour semblait être le prétexte d’une nouvelle découverte pour elles. Quant à Roy, il découvrait lui aussi ce que cela faisait d’être un parent témoin de toutes ces petites évolutions chez ses enfants et il devenait cet homme qu’il ne s’imaginait pas du tout être un jour : celui qui s’attendrissait de chaque gazouillement produit par sa fille.

« Mais oui, elle est tellement mignonne » renchérit t-il en couvant du regard Teresa qui semblait s’amuser avec sa bouche. Pris d’un élan de tendresse, il se pencha pour faire mine de dévorer son petit ventre rond. « T’es trop mignonne, cariña, hein ? T’es trop mignonne, papa va te manger, miam miam miam… »

Secouée de ses rires aigus de bébé sous l’effet des chatouilles, Teresa se tortilla dans les bras de son père qui finit par la lâcher. Énergisée par ce petit jeu, elle se mit à ramper de plus belle, vers les jouets qui l’intéressaient autour d’elle. En levant les yeux vers Avalon qui rappelait le faible écart d’âge entre Alma et Teresa, Roy ne trouva aucune gêne chez elle et pourtant, il aurait pu y en avoir : il se souvenait encore de la mine troublée de ses parents quand il leur avait annoncé la grossesse d’Avalon et la date de son terme. Le calcul avait vite été fait par rapport à la naissance de Teresa.

Oui, Roy avait mis deux femmes différentes enceintes, presque en même temps.

Il y avait quelque chose d’à la fois cocasse et gênant dans cette situation et s’il fallait être honnête, Roy n’avait pas hâte que ses filles commencent à poser des questions sur le sujet. Heureusement, il n’y était pas encore et Avalon ne semblait pas lui en tenir rigueur. Au contraire, elle nouait peu à peu des liens avec Teresa, elle prenait cette place de belle-mère qu’elle représentait pour elle et elle semblait même en tirer un certain plaisir. Comme à chaque fois qu’il voyait Avalon faire preuve d’affection avec Teresa, le coeur de Roy se prit d’une chaleur particulière, comme une bouffée de tendresse et de gratitude à la fois.

Il avait tellement de chance.

Un rire lui échappa, tandis qu’il se rapprochait de sa femme.

« Alors, on va éviter de commencer à pervertir leurs esprits avec des objets aussi moches que des santiags. » De son bras, il entoura les épaules d’Avalon et déposa un léger baiser sur sa peau découverte. « Moi aussi, j’espère qu’elles seront proches… J’espère que vous serez proches toutes les trois » ajouta t-il avec un léger sourire.  


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 13 Juin 2023 - 10:25
Un éclat de tendresse passa dans le regard d'Avalon alors qu'elle observait Roy faire rire Teresa aux éclats. Ces moments constituaient désormais leur nouveau quotidien ; un quotidien fait d'une douceur qui tranchait drastiquement avec la violence qui avait marqué leurs corps. Cela lui faisait la sensation d'une grande bouffée d'air frais, dont elle se délectait comme si elle avait été privée d'oxygène trop longtemps.

Ici, presque rien ne les rappelait à la vie qu'ils avaient laissé en Angleterre ; il n'y avait ni mafia, ni Ministère. Ils étaient simplement eux, récemment mariés et nouvellement parents, profitant de chaque moment qu'ils avaient cru ne jamais pouvoir vivre. Ils se promenaient avec Vivianne dans les rues de la Nouvelle-Orléans, passaient de longs moments avec Alma et Teresa, se retrouvaient désormais en tête-à-tête le soir sans que l'air ne soit chargé de toutes ces choses qu'ils n'arrivaient pas à se dire. Galaad, Célice et Elio étaient partis quelques jours plus tôt, mais leur venue avait été salvatrice pour le couple, qui avait profité de ce temps pour relâcher une part de cette tension inconsciente qui les maintenait toujours en alerte.

Alors ils respiraient, le cœur toujours meurtri mais plus à l'arrêt. Ils parvenaient même à se projeter dans le futur, à évoquer leur avenir et les espoirs qu'ils nourrissaient. Quelque chose en eux s'était remis en mouvement ; un mouvement timide, un peu bancale, mais qui n'était plus constitué uniquement par la répétition mortifère des récents événements.

« C'est pas moche les santiags. Je commence d'ailleurs à me dire que ça m'irait bien. » confia Avalon avec un sourire, en se laissant entraîner contre son mari. Face à son regard, elle se défendit : « Quoi ? Depuis qu'on m'a fait essayer un chapeau de cow-boy, je suis prête à me laisser convaincre par la mode locale. »

D'autant plus qu'ils avaient prévu d'acheter une maison à la Nouvelle-Orléans. Ces derniers jours, ils avaient commencé à prospecter, avaient même fait quelques visites pour se faire une idée de ce qu'ils pouvaient trouver. Ils n'avaient pas encore eu de coup de cœur, mais ce nouveau projet leur occupait l'esprit et leur faisait du bien. Avalon sentait bien que Roy était soulagé d'avoir un ancrage physique près de sa fille aînée. Elle-même était rassurée de pouvoir s'inscrire dans cette partie si précieuse de la vie de son mari. Le commentaire de ce dernier lui tira un sourire.

« Oui, j'espère qu'elle m'aimera bien. » souffla-t-elle en tendant son index vers Teresa. Cette dernière s'en empara dans son petit poing, ravie d'avoir un nouvel objet à tenir. « Il faudra trouver des trucs sympas à lui raconter sur les belles-mères, parce que moi, la seule image que j'ai en tête c'est celle dans Cendrillon. C'est un conte moldu, précisa-t-elle en tournant la tête vers Roy, où la belle-mère force sa belle-fille à nettoyer la maison. Bon, fit-elle avec un sourire taquin, de nous deux, c'est plutôt toi qui demanderas aux enfants de ranger la maison, alors je devrais être tranquille de ce côté là... »

Avalon reporta son attention sur Teresa et secoua doucement sa petite main qui tenait toujours son doigt. Elle lui adressa un large sourire qui fit sourire la petite en retour. Avalon nourrissait moins de craintes quant à sa place auprès de Teresa depuis qu'elle pouvait la voir régulièrement avec Roy et qu'ils avaient décidé de venir plus souvent en Louisiane. Elle avait l'impression qu'il serait plus simple pour elle de nouer un véritable lien avec la fille aînée de son mari si elle était présente dans son enfance et qu'elle n'était pas uniquement « l'autre femme » qui tenait son père éloigné de la Nouvelle-Orléans. Évidemment, des questions demeuraient mais elles étaient moins nombreuses qu'avant la naissance Alma ; de fait, la naissance de leur fille - et donc de la sœur de Teresa - avait acté de les constituer tous comme une famille.

Retrouvant sa liberté en échangeant son index contre un hochet en bois et en tissu, Avalon ramena son bras contre elle, effleurant doucement la joue d'Alma au passage.

Une pensée en entraînant une autre, son silence se fit un peu plus long, uniquement perturbé par le bruit des oiseaux qui chantaient.

« Est-ce que parfois, finit-elle par lâcher en tournant la tête vers Roy, tu te dis que ce serait mieux qu'on reste ici ? De façon permanente, je veux dire. »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMar 13 Juin 2023 - 22:46
Il y avait quelque chose d’à la fois naturel et terriblement lointain dans l’échange léger qu’Avalon initia au sujet des santiags. Alors que le fait de se taquiner très souvent avait toujours fait partie de leur dynamique de couple, ces derniers mois n’avait laissé que peu de place aux plaisanteries entre eux. Il y avait d’abord eux les complications de grossesse d’Avalon, la naissance prématurée d’Alma, puis cet événement atroce d’enlèvement qu’ils auraient préféré oublier. Alors Roy mesurait très bien la chance qu’il avait de pouvoir de nouveau vivre un moment aussi banal et agréable que celui-ci et il se laissa prendre au jeu sans hésiter.

« Hum… J’imagine que je peux rien dire vu que je t’ai épousée pour le meilleur et pour le pire. Je classe clairement ton attirance pour la mode locale dans la deuxième catégorie. »

De tout ce qu’il pouvait aimer à la Nouvelle-Orléans, la mode vestimentaire n’en faisait pas du tout partie et Roy ne manquait pas de le signifier. Avalon n’était pas la première personne à le taquiner sur le sujet et il savait qu’il allait devoir s’y faire à un moment ou à un autre : Teresa voudrait sûrement ressembler un jour à ses soeurs et ses cousines du coin, qui portaient les shorts en jean, les chemises à carreaux et les santiags comme de secondes peaux.

A croire que l’époque des cow-boys n’était pas révolue dans ce coin des États-Unis.

Heureusement, pour le moment, Teresa se contentait d’être le plus adorable des bébés avec ses grands yeux noirs et ses bouclettes brunes. Elle avait beau n’avoir que sept mois, elle dégageait déjà une certaine personnalité que Roy avait appris à connaître au fil des semaines passées avec elle. Assez sociable, elle se laissait aller dans les bras qui se tendaient vers elle, mais elle pouvait aussi passer des heures à jouer tranquillement dans son coin, sans faire mine d’avoir besoin d’un adulte dans les parages. Roy percevait déjà chez elle la petite fille calme, débrouillarde et curieuse qu’il l’imaginait devenir.

Et il voyait assez bien comment ce type de personnalité pouvait très bien s’entendre avec Avalon. Ce long mois passé à la Nouvelle-Orléans avait rassuré Roy sur un point qui le tracassait beaucoup quand il passait son temps à se diviser en deux, entre sa vie en Angleterre et celle aux Etat-Unis : il était désormais assez confiant dans le fait qu’ils pouvaient former une famille unie tous les quatre. Avalon avait pris sa place auprès de Teresa sans que cela ne soit bizarre, Joséphine ne faisait pas non plus de difficultés et semblait même satisfaite de voir Roy s’impliquer. Quant à Alma, elle grandissait tranquillement près d’eux et elle ne tarderait pas elle aussi à explorer le monde à la suite de sa soeur.

« T’inquiète, y aura pas besoin de lui raconter des trucs sur les belles-mères. » Son regard cherchait celui d’Avalon qui concentrait toute son attention sur Teresa. « T’auras juste à… continuer d’être exactement comme tu es avec elle et forcément elle t’aimera bien. » Dans son léger sourire en coin se lisait la tendresse et la reconnaissance que lui inspirait cette petite scène de complicité entre sa fille et Avalon. « T’es trop mignonne avec elle. »

Et il ne savait comment la remercier avec des mots à la hauteur de tout ce qu’elle faisait pour lui et pour eux, alors il se contenta de laisser son regard sur elle le dire pour lui.

Le moment aurait pu être parfait si l’ombre familière qui ne les quittait jamais totalement ne se rappelait pas à eux. C’était précisément dans ces moments doux et tendres où il sentait sa garde se baisser que parfois, au détour d’un silence un peu trop long, Roy se souvenait. Parce qu’il mesurait très bien la chance qu’il avait de pouvoir vivre ces jolis instants, il se rappelait de tout ce qui n’était pas encore fini. Tout ce qu’il avait laissé en Angleterre.

Le chemin des pensées d’Avalon les mena tous les deux au même endroit et elle posa la question qu’ils repoussaient tous les deux.

A nouveau, un silence se fit, pendant lequel Roy réfléchissait. Son regard suivait les mouvements de la poitrine d’Alma qui se soulevait au rythme de sa respiration, ses petits poings qu’elle agitait au-dessus d’elle comme pour attraper des angelots invisibles.

« Ouais » avoua t-il finalement. « Souvent, même. »

Comment ne pas se laisser tenter par l’appel de cette vie relativement facile, dans une autre ville, à l’autre bout du monde ? Personne, ou presque, ne les connaissait ici. Ils pourraient facilement repartir à zéro s’ils le souhaitaient, devenir les nouvelles personnes qu’ils voulaient être. Ils seraient proches de Teresa qui pourrait grandir avec Alma. Sur le papier, tout semblait parfait.

Et pourtant, Roy ne parvenait pas complètement à se laisser conquérir par ce projet tentant. Une part de lui percevait la facilité de cette fuite et redoutait les sacrifices qu’elle nécessiterait. Il songeait que ce ne serait pas très juste de couper Alma des racines qu’elle avait en Angleterre, où se trouvait toute leur famille et toutes les personnes chères à leur coeur. Il sentait que partir définitivement avait un goût de lâcheté et revenait à laisser quelque chose d’inachevé et d'irrésolu derrière lui.

« Mais… Je sais pas si c’est le mieux à faire. »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 14 Juin 2023 - 19:11
Les yeux rivés sur Teresa, Avalon esquissa un léger sourire après la remarque de Roy. Elle souligna avec un trait d'humour :

« Je doute qu'à quatorze ans, elle soit ravie que je continue à jouer avec elle comme quand elle avait sept mois... »

Elle tourna la tête vers son mari qui leva légèrement les yeux au ciel, comme pour lui signifier qu'il voyait très bien qu'elle faisait exprès de ne pas saisir le véritable sens de ses paroles. Ils échangèrent un regard un peu plus long, jusqu'à ce qu'Avalon brise le silence qui s'était brièvement installé le temps de cette conversation silencieuse.

« Moi aussi, je pense que ça peut bien se passer. »

Évidemment, il était plus facile d'affirmer ça maintenant, quand Teresa était encore bébé. Mais Avalon s'accrochait justement aux souvenirs qu'elles pouvaient ainsi créer toutes les deux, qui faciliteraient sûrement leurs relations dans le futur et contribueraient à souder leur famille. Avalon avait longuement réfléchi à sa place auprès de Teresa, encore plus depuis la naissance d'Alma. Roy et elle en avaient parlé une fois, lorsqu'elle était encore hospitalisée et qu'ils avaient évoqué la possibilité d'entreprendre, ensemble, des voyages plus réguliers aux États-Unis. Cette conversation lui était restée longtemps en mémoire et, même si sa jalousie avait été difficile à confesser à son mari, elle avait été soulagée de pouvoir se libérer de ce poids désagréable qui pesait sur son cœur. Cet échange avait également contribué à l'éclairer sur le rôle qu'elle était prête à prendre auprès de Teresa. De fait, cette dernière ferait partie de sa famille. Elle était la fille de son mari, la sœur de sa fille et sa belle-fille. Alors, Avalon avait décidé qu'elle incarnerait pour elle le rôle qu'elle accepterait de lui donner. Peut-être celui d'une grande cousine ou d'une tante, une figure maternelle parmi toutes celles qu'elle avait aussi à la Nouvelle-Orléans.

Ses questions s'étaient apaisées depuis et, désormais, Avalon se contentait d'agir avec elle comme elle le faisait avec tous les enfants de son entourage. Bien sûr, cette facilité était aussi liée à leur séjour long à la Nouvelle-Orléans, qui leur offrait un temps précieux pour nouer des liens et bâtir les fondations de leur famille.

Tout semblait plus facile ici. Pas évident, mais plus facile. Ils commençaient à prendre un rythme, entre les repas qu'ils prenaient sur la terrasse ombragée, les balades dans la ville, les jeux de société qu'ils faisaient avec Vivianne, les longs moments où ils câlinaient Alma, ceux où ils jouaient avec Teresa, les soirées qu'ils passaient ensemble lorsque les enfants dormaient... Parfois, Avalon avait l'impression de vivre dans un rêve, tant son quotidien lui semblait empreint d'irréalité. De la violence qu'ils avaient vécu en Angleterre, il ne restait plus que les marques sur leurs corps et sur leurs esprits.

Et Avalon commençait à prendre goût à cet éloignement physique avec cet immense traumatisme qu'elle sentait encore flotter en elle. Elle en faisait toujours des cauchemars atroces, mais elle n'avait plus l'impression d'être perpétuellement épiée. Elle était trop loin, se disait-elle au début pour se rassurer, personne ne viendrait la chercher ici.

Mais qu'en serait-il lorsqu'elle rentrerait en Angleterre ?

Parfois, lorsqu'elle y songeait, elle sentait son estomac se tordre de peur. Elle s'imaginait revenir dans cet appartement qu'ils avaient quitté à la va-vite un mois plus tôt et retrouver les marques de la souffrance intolérable qu'ils y avaient ressenti. Elle pensait au jour où elle devrait remettre un pied à Ste-Mangouste et percevait l'ombre de la sidération qui la saisirait alors. Et le Ministère, Bristol, les Folies Sorcières... Tout n'était que de douloureux rappels du jour où sa vie s'était arrêtée.

Alors évidemment qu'Avalon pensait aussi à étendre leur séjour à la Nouvelle-Orléans. Pourquoi pas ? songeait-elle parfois au cœur d'une nuit sans sommeil. Ils se plaisaient ici, ils pourraient s'y établir de manière permanente. Puis Teresa vivait là, ce serait même idéal pour qu'elle puisse grandir près de Roy et d'Alma. Vivianne pourrait aller à l'école ici. Vraiment, Avalon voyait bien comment ils pourraient être heureux.

Mais forcément, une part d'elle la retenait d'embrasser entièrement cette idée. Une part d'elle qui demeurait attachée à l'Angleterre et à ceux qui l'attendaient là-bas : Toni, Fergus, Isobel et Jayce, ses frères et ses sœurs, ses grands-parents, ses amis et ses collègues. Toutes ces personnes qui constituaient son monde et son quotidien.

Était-elle réellement capable d'y renoncer ?

La réponse en demi-teinte de Roy laissa s'installer un léger silence entre eux, pendant lequel Avalon laissa son regard s'attarder sur le visage d'Alma, qui finit par se froisser de mécontentement. Un cri plaintif lui échappa et Avalon se pencha vers elle pour la prendre. Elle l'installa contre sa poitrine, blottie au creux de ses bras et garda ses yeux baissés vers elle.

« Je sais pas non plus... Parfois je me dis que ce serait tellement plus simple de rester ici. » avoua-t-elle finalement en relevant la tête vers Roy. « Je sais, je sais, c'est loin de nos amis, de nos familles. Mais en même temps... J'ai l'impression qu'on est en sécurité ici. » Elle rectifia après une seconde : « En tout cas, plus en sécurité qu'on pourrait l'être en Angleterre. »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 14 Juin 2023 - 19:52
Alma sembla percevoir que leur échange se chargeait d’une certaine intensité -ou se lasser d’être allongée- car elle se mit à geindre de sa petite voix, pour réclamer plus d’attention. Les yeux de Roy restaient rivés sur son bébé blotti dans les bras de sa mère, tandis que ses pensées s’égaraient. Avalon avait raison, tout paraissait plus simple et plus sécurisant ici. Ils étaient dans une ville agréable à vivre, sous la protection du coven Lavespère, dans une belle maison avec un grand jardin. Leur vie en Angleterre avec tous ses soucis et tous ces visages ennemis qui leur voulaient du mal semblait loin d'eux. Ils parvenaient à se reconstruire tout doucement, à trouver un quotidien plutôt paisible, ici.

Mais leur vie en Angleterre comportait aussi tout ce qu’ils chérissaient : leurs amis, leur famille, leurs souvenirs et leurs rêves. Ils avaient construit tellement de choses dans leur pays natal, des relations et des projets auxquels ils étaient attachés. Aussi agréable était leur résidence temporaire à la Nouvelle-Orléans, Roy ne savait pas s’il se voyait réellement construire une vie ici.

« Peut-être. Mais si on restait ici, ça voudrait dire tout recommencer à zéro, en étant seuls… » souligna t-il. Dun geste pensif, il attrapa un brin d’herbe à ses pieds et se mit à le triturer. « On se sent bien ici parce qu’on vit une vie de vacances un peu… C’est différent de s’installer vraiment. »

Roy voulait bien admettre que l’idée avait quelque chose de tentant, que cela pourrait même être une belle aventure mais il sentait une part de lui résister. Son foyer se trouvait en Angleterre, il le savait, et l’idée d’y renoncer dans des circonstances qui échappaient à son contrôle lui laissait un goût amer en bouche. Ce n’était pas comme s’ils avaient une superbe opportunité à la Nouvelle-Orléans qui les enthousiasmait et leur donnait envie de tenter l’expérience.

Non, ils avaient simplement peur. Peur au point de préférer quitter tous leurs proches plutôt que de prendre le risque de revenir.

« Ça me fait flipper aussi de retourner chez nous » admit-il en relevant son regard vers Avalon. « Mais je crois que ça me ferait chier que ça soit la seule raison qui nous pousse à rester ici. »


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeMer 14 Juin 2023 - 21:07
Roy avait raison ; c’était la peur qui poussait Avalon à envisager un séjour plus long aux Etats-Unis. Elle aimait bien la Nouvelle-Orléans, elle s’y plaisait, mais c’était la peur qui mordait l’estomac, pas l’envie. Cependant, si la remarque de Roy fit écho chez elle, Avalon demeura silencieuse, les yeux baissés vers Alma qui l’observait attentivement.

Était-ce si mal d’avoir peur ? N’était-ce pas finalement ce qui leur avait fait défaut, dans le passé ? Un manque de peur, un excès d’orgueil qui les avait précipités dans une situation dramatique ? Était-ce sage de balayer cette angoisse sourde, qui était autant un signe de leur détresse qu’un signal d’alarme ? Les choses s’apaisaient peut-être en Angleterre, mais ils ne pouvaient pas être certains que la menace ait été entièrement neutralisée. Même si Roy avait décidé de quitter la mafia, il avait fréquenté ce monde pendant plus de dix ans. Dix ans à faire des alliances et à collectionner les ennemis, à grimper les échelons sous le regard envieux d’autres hommes, à prendre ce que d’autres désiraient. Elle-même sortait d’une carrière à la tête d’un corps hautement controversé.

Et si quelque chose de similaire se reproduisait ?

A cette pensée, Avalon sentit son sang se glacer. Elle ne pourrait pas le supporter.

Inconsciemment, elle resserra son étreinte sur Alma, comme pour mieux sentir les battements de son cœur et sa respiration.

« Je comprends ce que tu veux dire, finit-elle par lâcher après un long silence. Moi aussi, j’ai pas envie de rester ici juste parce qu’on flippe de retourner en Angleterre mais en même temps… La dernière fois, on a pas été assez prudents. J’ai pas envie qu’on reproduise ça par ego ou je sais pas quoi. » Elle poussa un soupir las. « Mais j’ai pas non plus envie de priver Alma ou Vivianne de grandir auprès de leur famille. Et puis, mes grands-parents commencent à vieillir, Toni et Fergus ma manquent… »

Avalon interrompit son discours décousu, le visage froissé dans une expression indéchiffrable. Elle avait l’impression d’être bloquée, coincée entre deux perspectives qu’elle ne parvenait ni à embrasser entièrement, ni à rejeter complètement.

« Tu penses que c’est quoi le mieux, pour elle ? » lui demanda-t-elle finalement en désignant Alma du regard.

C’était finalement ce qu’ils s’étaient promis, quelques semaines plus tôt, le visage brouillé par les larmes. S’en sortir, faire mieux et offrir à leur fille toutes les plus belles choses que la terre pouvait porter.


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Live to see tomorrow [Avaloy & Co à la Nouvelle-Orléans] Icon_minitimeDim 25 Juin 2023 - 19:59
Les arguments d’Avalon faisaient mouche chez Roy qui garda un silence réflexif. Ils avaient fait preuve de beaucoup d’orgueil en construisant leur vie comme si de rien n’était, alors qu’ils avaient un ennemi mortel en fuite, quelque part dans la nature. Peut-être était-ce le contexte difficile de la grossesse et de toutes ses complications qui les avait empêchés de se soucier d’autre chose. Mais Roy savait qu’au fond, ils avaient commis l’erreur de se sentir trop en sécurité, trop protégés. Trop puissants. Comme si rien ne pouvait les atteindre.

Ils ne pouvaient plus commettre cette erreur, pas maintenant qu’Alma était parmi eux. Même si leurs proches leur manquaient beaucoup, leur seule et unique priorité restait la sécurité de leur foyer, et surtout celle de leur fille. Ce fut ce que Roy finit par répondre à sa femme :

« Qu’elle soit en sécurité. C’est la seule chose qui compte. Si c’est pas possible en Angleterre, eh bien… On avisera. » Ils n’avaient pas encore toutes les clés pour prendre la bonne décision, il le sentait. « On est pas obligés de prendre une décision, tout de suite. »

Son regard se posa sur Teresa qui avait cessé de s’agiter et s’était retournée sur le dos. Elle suçait son pouce, les yeux à demi-clos, signe qu’elle commençait à s’assoupir. Doucement, Roy remplaça le doigt dans sa bouche par une tétine. Avec une dernière caresse dans ses bouclettes noires, il souffla :

« Pour l’instant, on est bien à la Nouvelle-Orléans, on peut se contenter de ça. »

Ce qui était déjà beaucoup, songea t-il en contemplant son aînée endormie et sa cadette blottie dans les bras de sa mère. Vivre ces moments apaisés étaient déjà un cadeau précieux dont il voulait profiter pleinement. Il sentait que lui comme Avalon en avaient même terriblement besoin pour se reconstruire.

FIN DU RP


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