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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy]

Avalon Calder
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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeLun 3 Avr 2023 - 0:21
27 mars 2012 - La Nouvelle-Orléans, Louisiane, Etats-Unis

La maison était calme mais le silence n’avait plus rien d’apaisant. Un verre d’eau logé dans la paume de la main, Avalon s’engagea dans les escaliers qui menaient à l’étage, sans parvenir à retenir un regard circulaire qu’elle jeta derrière elle, comme pour s’assurer que les ombres de la pièce demeuraient immobiles.

Ils étaient arrivés deux jours plus tôt à la Nouvelle-Orléans, les traits tirés par la fatigue et le corps encore douloureux de leurs blessures, après avoir quitté l’Angleterre dans la précipitation. Ce choix s’était presque imposé à eux : impossible de rester là où ils avaient été attaqués, impossible de se sentir en sécurité malgré les moyens qu’ils avaient à disposition. Lors d’une nuit sans sommeil, ils avaient loué une maison à la Nouvelle-Orléans ; une jolie maison avec un étage et un jardin à l’arrière. Ils étaient partis le lendemain avec Alma et Vivianne, autant pour se protéger que pour fuir.

Evidemment, leurs familles n’avaient pas compris. Les parents de Roy avaient été particulièrement décontenancés, inquiets et contrariés par cette décision qu’ils avaient essayé de questionner sans parvenir à obtenir une réponse satisfaisante. Roy avait simplement évoqué leur besoin de se reposer et se retrouver après la longue hospitalisation d’Avalon et d’Alma, ainsi que l’importance qu’ils accordaient au fait que Teresa et sa sœur puissent passer du temps ensemble. Les frères et les sœurs d’Avalon avaient été tout aussi dubitatifs lorsqu’elle leur avait annoncé ce départ précipité pour les Etats-Unis mais la situation – dont elle avait tracé les contours en quelques mots hachés – les avait dissuadés de se montrer insistants.

La vraie difficulté avait été de parler à Vivianne. Ils n’avaient pas pu se résoudre à lui dire la vérité ; comment trouver les mots justes pour expliquer à une fillette qu’ils avaient frôlé la mort et que la vie d’Alma avait été menacée pendant plusieurs heures ? Evidemment, Vivianne avait été confuse et déstabilisée ; elle avait d’ailleurs commencé par s’opposer à leur projet de partir quelques semaines aux Etats-Unis. Elle avait école, avait-elle balbutié, elle était invitée à l’anniversaire de sa copine Leah dans quelques jours et elle avait une compétition de karaté mercredi prochain. Le cœur d’Avalon s’était serré face à sa détresse évidente et elle avait essayé de la convaincre avec des jolies promesses. Ce sera sympa, Viv’, presque comme des vacances. On pourra faire des choses chouettes et passer du temps ensemble avant que tu partes à Poudlard.

Sauf que ces jolies promesses avaient un arrière-goût de mensonge car rien n’inspirait à Avalon le doux climat des vacances. La distance n’avait pas suffi à atténuer l’urgence ou la peur qui s’étaient durablement ancrées en elle. Chaque sortie était un véritable calvaire pendant lequel elle tressaillait à chaque bruit et chaque mouvement autour d’elle, la main agitée par un frisson qui lui faisait aussitôt refermer les doigts sur sa baguette magique. Elle était constamment en alerte et, de fait, incapable de trouver le sommeil. Elle passait la plupart de ses nuits les yeux grands ouverts, ne s’assoupissant que quelques heures avant de se réveiller brusquement dans un sursaut.

Après avoir vérifié que Vivianne dormait paisiblement dans sa chambre, Avalon regagna la sienne. Elle contourna le berceau d’Alma qui jouxtait leur lit et se glissa entre les couvertures après avoir déposé son verre sur une petite table en bois. Roy s’était endormi quelques heures auparavant, à un moment où Avalon cherchait vainement le sommeil. Il était empêtré dans les draps, la main refermée sur le tissu comme pour s’y agripper. Elle remonta la couverture sur son dos et s’installa à ses côtés, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone dans l’espoir d’éteindre le tourbillon de ses pensées qui l’empêchait de dormir. Elle répondit aux messages de Toni et de Galaad, avant de naviguer entre les différentes applications installées sur son appareil. Une photo de Célice, souriante, qui tenait Elio sur ses genoux face à un gâteau surmonté par cinq bougies. Un article sur les effets de la lune sur le sommeil. Une courte vidéo de Finn. Un questionnaire pour cibler ses habitudes de consommation. La bande-annonce d’un documentaire sur un mystérieux glacier.

Un mouvement à sa droite la tira brusquement de cette contemplation passive.

Avalon tourna la tête vers Roy, qui s’était retourné vivement en repoussant le drap qui entourait son corps. Dans la pénombre, elle distinguait à peine son visage. Il bougea à nouveau.

« Roy ? » souffla-t-elle en tendant la main pour le poser sur bras.

Avant qu’elle n’ait pu l’effleurer, un lourd gémissement s’échappa de lui.

« Roy ? » répéta-t-elle un peu plus fort.

Puis un cri qui déchira le silence.

« Hééé » Avalon se précita vers lui pour essayer de l’arracher à son sommeil. « Roy, ça va, tout va bien, ça va, c’est moi, c’était un cauchemar… » L’agitation de la chambre réveilla Alma, qui se mit à pleurer dans son berceau. « Je suis là, respire, tout va bien… »


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeLun 3 Avr 2023 - 22:39
Silhouettes dans la fumée. Rires désordonnés. Hurlements stridents. Les murs plus proches, comme un étau autour de lui. Un tourbillon de flammes, comme un trou noir en plein milieu de la pièce. Un corps d’enfant au coeur de la tempête. La bouche grande ouverte mais sans aucun son. La bouche encombrée de cafards. Des cafards grouillant sous la peau, la chair en sang, dévorée. Mille cafards jusque dans sa trachée. De l’air, de l’air…

De l’air.

Quand Roy ouvrit les yeux, la course désespérée pour sa vie l’habitait encore. Il s’entendit crier dans le prolongement de son mauvais rêve, il s’agitait pour échapper aux cafards, il peinait à retrouver son souffle perdu. Les murs de la chambre ne lui étaient pas familiers. Il mit du temps à les reconnaître. Seule la voix d’Avalon fut son ancrage dans la réalité, auquel il s’accrocha fermement.

Un cauchemar, répétait t-elle. Juste un cauchemar.

La respiration de Roy se régula au fur et à mesure qu’il prenait conscience que personne ne cherchait à l’étouffer. Il cessa de s’agiter sous ses draps mais ses membres restèrent tendus, sa main agrippée à l’avant-bras d’Avalon. Son mauvais rêve lui laissa une sensation de froid sur sa peau en sueur et une emprise entêtante, comme une ombre lointaine qui le suivait.

Il ferma les yeux, peinant à réguler ses émotions en vrac et à refouler la peur instinctive qui serrait toujours sa gorge.

« Désolé… » souffla t-il. Il prit à cet instant conscience des pleurs d’Alma, juste à côté d’eux, dans le berceau collé à leur lit. « C’est moi qui l’ait réveillée ? » Il se redressa aussitôt, grimaça légèrement sous le bref vertige qui le saisit après ce mouvement brusque, mais il l’ignora pour tendre la main vers Alma. « Chht, ça va, bébé, désolé… »


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeMar 4 Avr 2023 - 0:11
Roy semblait reprendre difficilement pied dans la réalité, qu’Avalon s’efforçait de rendre tangible en lui parlant et en le touchant. Tout va bien, murmurait-elle en posant une main sur son bras. Ce n’est qu’un cauchemar, soufflait-elle en se penchant légèrement sur lui. Elle savait. Elle savait la peur immense et le vide vertigineux du cauchemar répétitif et entêtant. Elle savait les battements désordonnés du cœur et l’impression de mourir. Elle savait le combat pour revenir à soi et pour chasser les démons perfides de la nuit. Depuis quelques jours, Avalon faisait face à des épisodes similaires où le sommeil qu’elle trouvait difficilement était inévitablement perturbé par des cauchemars si réalistes qu’ils lui coupaient le souffle.

Le cœur serré face au visage de Roy, froissé par l’angoisse, Avalon secoua la tête lorsqu’il s’excusa d’une voix éraillée.

« C’est rien… » lui assura-t-elle avant de tourner la tête vers Alma qui pleurait dans son berceau en s’agitant. « Elle… » commença-t-elle avant qu’une autre voix ne l’interrompe :
« Av ? » La voix ensommeillée de Vivianne leur parvint à travers la porte. « Ça va ? J’ai… J’ai entendu quelqu’un crier… »

Avalon s’agita légèrement, tiraillée par l’inquiétude. Elle échangea un regard avec Roy et finit par lui demander :

« Tu peux rendormir Alma pendant que je vais voir Viv ? »

Elle quitta son époux sur une dernière caresse qu’elle déposa sur sa joue avant de se lever pour ouvrir la porte de leur chambre et découvrir Vivianne, les yeux gonflés par le sommeil.

« C’est rien, lui assura-t-elle en passant un bras affectueux autour de ses épaules. Roy a fait un cauchemar, c’est tout. Ça arrive. » affirma-t-elle. « Viens, je te raccompagne. »

Vivianne, encore endormie, se laissa entraîner sans opposer une trop grande résistance. Elles gagnèrent ensemble la chambre occupée par sa petite sœur et Avalon l’incita à se glisser sous les draps. Elle s’installa quant à elle sur le bord du lit et remonta légèrement la couverture pour couvrir les épaules de Vivianne.

« Rendors-toi, lui intima-t-elle avec un sourire un peu tremblant. Tu dois être fatiguée…
-Toi aussi. » fit remarquer Vivianne en baillant. Un silence passa. « Il va vraiment bien, Roy ?
-Oui, ne t’en fait pas. Ça ira, c’était juste un mauvais rêve. » Cette affirmation lui laissa un arrière-goût de mensonge dans la bouche. « Rendors-toi, répéta-t-elle en se penchant vers sa sœur pour l’embrasser tendrement sur le front, tout va bien. »

Vivianne lui répondit dans un marmonnement étouffé et Avalon veilla quelques minutes auprès d’elle pour s’assurer que le sommeil l’avait bel et bien emporté à nouveau. Elle quitta la chambre sur la pointe des pieds et referma la porte derrière elle. Une fois dans le couloir, elle entendit la voix grave et basse de Roy adresser quelques phrases à Alma dans l’espoir de calmer ses pleurs. Cette méthode sembla fonctionner car peu à peu, ses cris semblèrent se tarir. Peu désireuse de perturber l’endormissement de sa fille, Avalon se dirigea à nouveau vers le rez-de-chaussée. L’obscurité lui sembla lourde, menaçante et elle alluma les lumières pour la chasser. Emmitouflée dans un large pull, elle gagna la cuisine et, presque machinalement, remplit une bouilloire d’eau avant de la replacer sur son socle pour l’allumer.

Roy pénétra à son tour dans la pièce au moment où elle s’apprêtait à verser l’eau chaude dans une tasse. Elle guetta son visage fatigué, hagard, son regard encore agité. Un « ça va » buta contre ses lèvres. Bien sûr que non, rien n’allait. Rien n’allait et cette phrase qu’elle se répétait comme un mantra, ce « tout va bien » qu’elle disait à longueur de journée ne lui avait jamais paru aussi ridicule et insupportable qu’en plein milieu d’une nuit où la fatigue ne suffisait pas à les faire s’abandonner au sommeil.

« Tu veux boire quelque chose ? » lui demanda-t-elle finalement en levant un regard soucieux vers lui.


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeDim 9 Avr 2023 - 19:37
La voix de Vivianne près de la porte de leur chambre attira l’attention du couple. La jeune fille affichait un air fatigué et inquiet, ce qui raviva la culpabilité qui ne quittait jamais vraiment Roy. Il s’en voulait pour tout ce qui s’était passé, il s’en voulait de ne pas réussir à faire bonne figure, il s’en voulait aussi pour ce départ loin de tous ses repères qu’il imposait à Vivianne. Parce qu’elle était sage et gentille, elle n’avait pas protesté trop longtemps mais Roy avait vu la déception et l’incompréhension dans son regard, et il avait détesté devoir chambouler son quotidien alors même qu’il s’était engagé à lui offrir un foyer stable.

Face à Vivianne, à cet instant, Roy ne sut quoi dire ni comment se positionner. Il fut soulagé de voir Avalon se diriger vers elle et prendre en charge la suite. « Merci » souffla t-il tout bas à sa femme avant qu’elle ne se lève.

Brusquement seul avec Alma dans la pièce, les pleurs du bébé prirent plus de présence et d’importance. Roy tendit les bras vers le berceau en prenant sa voix la plus douce.

« Hey, ça va, petit coeur. Tout va bien… » Il saisit délicatement le petit corps de son bébé puis commença à la bercer. « Tout va bien… »

Ces mots devinrent une litanie qui n’était pas uniquement à destination d’Alma. Mais se concentrer sur elle permit à Roy de ne pas trop diriger son attention sur lui-même et sur la peur qui le tenaillait encore. Peu à peu, les pleurs d’Alma devinrent des gémissements, de plus en plus espacés, jusqu’à ce qu’elle finisse par fermer les yeux et les poings. Quand il sentit que sa respiration devenait profonde et régulière, Roy sut qu’elle était endormie. Il profita quelques minutes de ce calme réconfortant, laissa son regard s’abreuver et se rassurer de la vision de sa fille paisiblement endormie, avant de la reposer tout doucement dans son berceau.

Un bruit à l’étage inférieur lui indiqua qu’Avalon avait terminé avec Vivianne. Quant à lui, le sommeil l’avait totalement quitté et bien vite, rester seul dans cette chambre lui sembla insupportable. Après un bref passage dans la salle de bains pour se rafraîchir le visage, il descendit les escaliers à pas feutrés.

Avalon était derrière le bar de la cuisine, en train de se faire un thé, les traits tirés par la fatigue. Roy n’avait sans doute pas meilleure mine. Il s’approcha et prit place sur un des tabourets du bar, en grimaçant.

« Non, c’est bon. »

L’idée de mettre quoi que ce soit dans son estomac le dégoûtait. Il passa une main fatiguée dans ses cheveux. Autant pour rompre le silence lourd que par réel souci, il demanda :

« Ça va, Viv’ ? Elle s'est rendormie ? »


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeDim 9 Avr 2023 - 20:14
La première chose qui frappa Avalon, lorsque Roy passa la porte de la cuisine, fut les cernes qui creusaient sa peau. Son mari n’avait jamais été un grand dormeur et se contentait aisément de quelques heures de sommeil par nuit ; aussi, la fatigue ne le marquait que très rarement. Depuis l’enlèvement d’Alma, son visage était constamment tiré par le manque de sommeil. Regard terne, peau blanchâtre, cernes bleutés.

Face à lui, Avalon renvoyait exactement la même image.

Elle se contenta d’hocher la tête lorsqu’il refusa sa proposition et ne remplit qu’une seule tasse d’eau bouillante. Elle n’était pas certaine que la tisane à la camomille qui y infusait lui permette réellement de passer une « nuit paisible » comme cela était indiqué sur la boîte, mais elle ressentait le besoin d’occuper ses mains et ses pensées. Elle finit par s’asseoir en face de Roy, sur un des hauts tabourets qui trônait sous le bar central de la cuisine, et fit tourner machinalement le sachet de sa tisane dans sa tasse, les yeux perdus dans la contemplation de ce mouvement circulaire.

Elle était épuisée. Elle sentait ses yeux lourds d’un sommeil qui ne voulait jamais la cueillir et son corps vidé d’énergie. Pourtant, elle demeurait dans un constant état d’alerte, dans lequel ses pensées ne pouvaient jamais s’éteindre et où elle sursautait au moindre bruit qui venait troubler ses rares phases d’endormissement. La maigre sérénité qu’elle trouvait dans les bras de Roy s’envolait bien trop rapidement pour qu’elle puisse réellement compenser l’angoisse massive qui se nourrissait d’elle autant qu’elle l’alimentait.

« Ouais, elle s’est rendormie en quelques minutes, répondit Avalon en levant les yeux vers son époux. Et Alma ? »

Une atmosphère lourde pesait sur leurs épaules, faite de toutes ces choses qu’ils avaient veillé à ne pas se dire, de toutes ces blessures qu’ils avaient peur d’empirer en les évoquant, de tous ces cauchemars qui les hantaient perpétuellement. Avalon savait ; elle sentait Roy sursauter à côté d’elle et gémir dans son sommeil, tout comme lui la voyait se débattre avec leurs draps et se réveiller les joues trempées de larmes.

« C’était quoi, ton cauchemar ? » l’interrogea-t-elle finalement en posant ses mains contre les parois de sa tasse pour réchauffer ses paumes qui lui paraissaient glacées.


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeDim 9 Avr 2023 - 22:13
« Pareil » répondit Roy au sujet d’Alma, sans développer davantage.

Les mots étaient une charge supplémentaire sur ses épaules déjà alourdies de douleur et de culpabilité. Inévitablement, ses pensées se tournèrent vers tout ce dont ils ne parlaient que très peu avec Avalon mais qu’ils connaissaient tous les deux parfaitement. Cinq jours. Cinq jours de cauchemars quasi continus depuis ce jour où ils avaient mis leurs vies et celles de leurs proches en danger.

Roy ne se l’était toujours pas pardonné. Et au fond, au-delà de la violence et des images traumatisantes qu’il gardait de cet affrontement, c’était surtout ça qui l’empêchait de dormir.

Il le savait dans son for intérieur mais cela restait une chose indicible. Une souffrance trop profonde, trop vivace, trop récente pour être exposée aussi crûment. Tout son corps se tendit à la question d’Avalon qui venait appuyer exactement sur ce point. Il garda le silence, les lèvres serrées, le regard trouble.

« Pas très envie d’en parler » articula t-il finalement.

Il frissonnait encore au souvenir de cette atroce sensation d’étouffement sur laquelle il s’était réveillé. Il étouffait. Il étouffait de désespoir, de peur, de chagrin, de culpabilité. Et pourtant, le pire était que n’importe quel cauchemar ponctuant ses nuits n’était même pas aussi terrifiant que celui qu’il avait vécu dans la réalité, cinq jours plus tôt.

Ses yeux se fermèrent brièvement pour tenter de chasser les souvenirs qui affluaient. Quand il les rouvrit, ce fut pour rencontrer le visage tant aimé de sa femme face à lui, son regard aussi soucieux que hanté qu’elle posait sur lui.

Elle ne dormait pas mieux que lui. Elle n’avait pas moins mal que lui. Elle était tout aussi brisée que lui. Et pour le moment, une seule chose les aidait à recoller les morceaux, ou en tout cas, en donner l’illusion.

Ils surent tous les deux ce qui se passait quand Roy se leva de sa chaise, contourna le bar pour venir rejoindre Avalon et poser ses lèvres sur les siennes. Leur baiser s’enhardit très vite, leurs mains se perdirent sur leurs corps, le silence laissa sa place à leurs soupirs lourds. La tasse de thé sur le bar resta pleine et devint froide.

******

Quand le silence revint entre les deux époux étendus sur le canapé, seules leurs peaux échauffées et l’épaisseur d’un plaid leur servaient de couverture. Moins lourd, mais pas totalement apaisé pour autant, ce silence laissait beaucoup d’espace à leurs pensées pour s’étendre et leur permettait d’explorer tout ce qu’ils voulaient pas dire ou voir.

A cet instant, Roy avait parfaitement conscience de ce qui venait de se jouer. Ce n’était pas la première fois qu’il venait chercher dans les bras de sa femme un remède à ses plaies. Quand il faisait l’amour avec elle, il avait brièvement l’impression de redevenir lui-même dans leur étreinte, de redevenir un homme, un amant, un compagnon aimant et fidèle, capable de ressentir de belles choses et d’apporter du bonheur à la femme qu’il aimait. Il pouvait presque oublier ce vide persistant en lui, cette impression de ne pas être revenu entier des récents événements et d’avoir laissé un morceau de lui dans ce maudit entrepôt.

Oublier. Au fond, c’était peut-être ce qu’il recherchait le plus dans ses étreintes avec sa femme. C’était là qu’il exprimait ses émotions les plus intenses, qu’il faisait ses aveux les plus difficiles. C’était de cette manière qu’il disait à Avalon qu’il avait mal, qu'il n’en pouvait plus. Il ne voulait pas parler, il voulait oublier. Oublier la peine, oublier ses fautes. S’oublier lui-même.

Au fond, Roy savait que ce n’était pas tout à fait sain. Mais il savait aussi que c’était l'une des seules chose qui lui permettait de rester encore debout. Il savait que c'était toujours mieux que de céder à la terrible tentation de s’oublier d’une manière bien plus destructrice.

Il n’avait après tout qu’un seul coup de fil à passer pour recevoir tous les stocks de drogues les plus dures qu’il désirait.

Cette pensée lui tira un léger frisson qu’il réprima en s’enfonçant un peu plus contre les oreillers du canapé et sous son plaid. Il déposa un baiser sur l’épaule d’Avalon, avant d’admettre dans un chuchotement :

« Je sais pas ce que je ferais sans toi, là. »


Roy Calder

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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeLun 10 Avr 2023 - 13:06
Soupirs emmêlés. Peaux échauffées. Cœurs agités. Regards troubles. Lorsqu’Avalon se blottit contre Roy, pressant son dos contre sa poitrine, le vide vertigineux qui l’avait brièvement quitté pendant leur étreinte reprit sa place au creux de son estomac.

Ce n’était pas la première fois qu’ils se perdaient ainsi, qu’ils s’oubliaient dans les bras l’un de l’autre au cœur d’une nuit sans sommeil. Ils apprenaient à réapprivoiser leurs corps changés, les éprouvaient avec des caresses comme pour en sentir les contours. Lorsqu’Avalon sentait la peau chaude de son mari sous ses doigts, lorsqu’elle percevait les frissons qui la parcouraient, lorsqu’elle voyait son visage être traversé par mille expressions, le poids qui pesait sur ses épaules semblait brusquement s’alléger. Elle le sentait vivant et cela suffisait à conjurer les images qui la hantaient depuis plusieurs jours. Lorsqu’il l’embrassait, lorsqu’il effleurait doucement son corps, lorsqu’il faisait glisser ses lèvres sur sa peau, elle éprouvait de la même façon sa propre existence qui, parfois, ne lui paraissait pas si évidente.

Cinq jours s’étaient écoulés depuis l’enlèvement d’Alma. Cinq jours et, pourtant, Avalon avait l’impression d’être un fantôme depuis une éternité.

Alors, pendant ces courts moments où ils s’arrachaient des soupirs, Avalon expérimentait un agréable sentiment d’être en vie. La fatigue s’effaçait brièvement, la peur cessait de lui tordre le ventre, la culpabilité ne l’étouffait plus. Elle oubliait le danger, les cauchemars, les réminiscences, la douleur diffuse. C’était délicieux, de pouvoir oublier, de pouvoir mettre sur pause tous les souvenirs et toutes les émotions, de pouvoir se perdre brièvement dans une réalité qui n’existait qu’entre l’espace de leurs corps.

Sauf que tout revenait ensuite. Le silence s’installait et ses pensées s’envolaient inévitablement vers les images cauchemardesques qui hantaient son esprit. Elle revoyait le berceau vide de sa fille, la couverture encore chaude, le parchemin plié en quatre, l’entrepôt, les combats, le feu, le corps de Norvel qui s’effondrait, Roy étendu par terre dans une mare de sang. Tout revenait, avec une intensité presque renouvelée par ce bref répit. Cela lui coupait le souffle, la prenait aux tripes, la rongeait de l’intérieur alors, évidemment, elle ne désirait qu’une chose : oublier plus longtemps.

Quelle familière envie.

La remarque de Roy lui tira un sourire un peu tordu. Elle embrassa tendrement son avant-bras qui l’entourait avant de souffler, les yeux fixés sur un point vague en face d’elle :

« Ah oui ? Parce que moi, je sais très bien ce que je ferais, si tu n’étais pas là. »

Evidemment qu’elle y avait déjà pensé, qu’elle s’était dit à plusieurs reprises que les choses seraient tellement plus faciles si le monde s’arrêtait de tourner, même juste l’espace de deux heures. Juste une fois, le temps de s’endormir, de récupérer pour mieux revenir ensuite. Juste une fois pour s’accorder une pause, après tout ça. Juste une fois pour ne pas devenir folle. Elle avait des raisons valables, légitimes même, soufflait parfois la petite voix perfide de son addiction, ce n’était pas comme si elle était imprudente ou inconsciente des risques. Il suffisait juste qu’elle se maîtrise – mais c’était ce qu’elle faisait depuis des années et avec succès ! Si elle tirait son lait en quantité suffisante en amont, pour être certaine qu’Alma puisse boire à sa faim, alors elle pouvait peut-être s’octroyer quelques heures pour se reposer. Juste une fois, insistait la petite voix.

Juste une fois, jusqu’à ce que tout lui revienne avec une intensité décuplée et qu’Avalon ne désire plus qu’une chose : oublier plus longtemps.

Quelle familière envie.

« Tu te souviens, quand on a découvert ma grossesse ? lui demanda-t-elle alors dans un chuchotement. Et qu’un mois plus tard, quand on a cru qu’on allait perdre le bébé, on s’est promis d’arrêter de faire semblant de maîtriser quelque chose qui nous échappait complètement ? C’est exactement ce qu’on fait, là. » Elle bougea contre lui pour se retourner et trouver ses yeux. Son regard épuisé et marqué par la souffrance rencontra celui de son époux, hagard et agité. « J’arrive pas. J’arrive pas et je sais pas comment y arriver parce que le seul truc que j’ai envie de faire, c’est de prendre n'importe quelle drogue pour que ça s’arrête. »



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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeLun 10 Avr 2023 - 17:54
Dans ses journées et ses nuits marquées par le traumatisme des derniers événements, Roy trouvait quelques bouffées d’air frais autour de lui. Cela ne durait jamais longtemps, mais pendant un instant, il pouvait respirer et oublier un peu. C’était quand il allait récupérer sa fille Teresa qui habitait près d’eux maintenant qu’ils s’étaient installés à la Nouvelle-Orléans. C’était quand il portait Alma dans ses bras et qu’il caressait doucement ses fins cheveux noirs. C’était quand il tenait Avalon contre lui, dans une étreinte passionnée. Un peu d’air avant d’étouffer à nouveau. Voilà le seul répit qu’il trouvait, pour le moment.

Parce qu’il sentait son coeur et sa chair meurtris, il essayait de d’apaiser la douleur par une source de plaisir. Aimer le corps d’Avalon et la laisser aimer le sien l’aidait à oublier tout qu’il détestait chez lui, désormais. Il détestait les horribles cicatrices qui barraient encore son torse et qui ne disparaîtraient jamais totalement, parce qu’elles étaient empreintes d’une puissante magie noire. Il détestait le chemin infernal de ses pensées qui ne le laissait jamais en paix. Il détestait son reflet dans le miroir, parce qu’il ne voyait plus l’homme assuré, courageux, beau et fier qu’il avait toujours été mais un demi-homme, brisé, vaincu, coupable, fragilisé, affreux.

Et même s’il n’en parlait pas vraiment avec Avalon, il savait qu’elle ressentait plus ou moins la même chose de son côté. Il voyait les traces des combats sur son corps, ajoutées aux marques de son accouchement difficile qui s’était déroulé un mois plus tôt. Il voyait son regard se ternir brusquement, dans les moments de silence. Il entendait sa respiration s’accélérer quand elle commençait à faire de mauvais rêves. Inévitablement, même s’ils leur faisaient du bien, leurs moments d’amour étaient teintés du mal-être qu’ils ne parvenaient pas à se cacher. Ils ne réparaient rien, Roy le savait. Ils passaient seulement une pommade sur leurs plaies, qui les soulageait temporairement, jusqu’à ce que leur douleur revienne. Ils soignaient les symptômes plutôt que les causes.

Et comme une drogue à laquelle ils commençaient à s’accoutumer, s’oublier dans le sexe commençait à perdre de son efficacité.

Mais il n’y avait rien d’autre, aucun autre genre de drogue qu’ils pouvaient s’autoriser à consommer pour oublier plus longtemps, sans que cela n’ait de terribles conséquences. Ils le savaient tous les deux et pourtant, leurs pensées ne pouvaient s’empêcher de s’y diriger. Roy sut aussitôt que c’était exactement ce qui se cachait derrière les mots qu’Avalon prononça.

Oui. Lui aussi, en vérité, il savait très bien ce qu’il ferait si elle n’était pas là et si Alma et Teresa n’étaient pas là non plus. Il l’avait déjà fait par le passé, plusieurs fois. Multiplier les prises de monalisa quand la pression était trop forte ou que ses peines étaient trop lourdes à porter.

Drogue. Il savait que c’était le mot qui planait entre eux mais il frémit quand Avalon le prononça à haute voix. Son regard trouble tressaillit dans celui de sa femme. Un long silence s’installa, parce qu’il mit une éternité à trouver quoi dire. Les mots bataillaient dans sa gorge, les mots qu’il retenait sans même savoir pourquoi. Avalon avait raison. Ils s’étaient promis d’arrêter de faire semblant de maîtriser les situations qui leur échappaient. Alors pourquoi ? Ils ne faisaient même pas semblant, en vérité, songea t-il, à part face à Vivianne et leurs proches qui ne savaient pas ce qui s’était passé. Mais ils ne faisaient pas semblant l’un avec l’autre, ils ne pouvaient pas le faire, ils avaient vécu la même chose. Ils savaient, tous les deux.

Alors pourquoi c’était si dur de le dire ?

« J’arrive pas non plus. »

Ces aveux furent assez douloureux pour faire remonter la masse d’émotions que Roy tassait au fond de lui. Il n’y arrivait pas. Il n’arrivait plus à rien. Il était vivant comme un fantôme. Mort mais présent. Incapable de soutenir le regard d’Avalon, il détourna les yeux, leva légèrement la tête vers le plafond qu’il se mit à fixer.

« J’arrive pas et je sais pas quoi faire. On peut rien prendre, toi et moi, ça serait… »

Trop dangereux. Trop risqué. Trop bon et trop mauvais à la fois. Pris d’une brusque vague de désespoir qui brisa sa voix, Roy essuya rageusement les larmes qui lui montaient aux yeux.

« J’ai juste envie de passer une seule putain de nuit sans cauchemar, même juste cinq heures de repos sans me réveiller, ça m’irait… Merde, j’ai l’impression que je peux même pas avoir ça, putain. »

Quand ce n’était pas un cauchemar qui le réveillait brutalement en pleine nuit, c’était les pleurs d’Alma qui réclamait à manger. Et même sans ça, Roy ne dormait jamais vraiment. Il ouvrait les yeux au moindre bruit, se réveillait dès qu’Avalon faisait un mouvement à ses côtés, tendait parfois le bras pour vérifier qu’Alma était bien là, qu’elle respirait bien. Il n’était jamais tranquille la nuit et encore moins en journée. Mettre un pied dehors, même pour faire de simples courses, était une épreuve car les sources de bruit et de danger lui semblaient multipliées par dix.

Alors il n’en pouvait plus. Maintenant qu’il avait fait cet aveu, ses nerfs lâchèrent. Il se trouva minable de pleurer, minable de ne pas savoir quoi faire, minable de n’avoir rien dit. Il se sentit mal pour Avalon qui se trouvait dans le même état de détresse. Il finit par resserrer ses bras autour d’elle, autant pour la réconforter que pour s’accrocher à sa présence.

Puisqu’ils ne pouvaient pas oublier, que leur restait-il ? songea t-il dans le silence qui s’installait. Ne pas oublier, justement. Parler parce qu’ils s’étaient promis de le faire. Parler pour ne pas oublier. Parler pour sortir du cycle infernal de leurs pensées dans lequel ils étouffaient. Peut-être parce qu’il venait de faire chuter une grosse barrière, ce qui le rendait déjà vulnérable, Roy accepta de répondre à la question qu’Avalon lui avait posée plus tôt, avant qu’ils ne tombent dans les bras l’un de l’autre :

« Tout à l’heure, j’ai rêvé de… de sensations plus que vraiment des scènes, tu vois ? C’était comme s’il y avait des murs qui se rapprochent autour de moi et… Y a moins d’air. Puis j’arrive plus du tout à respirer parce qu’il y a… » Il frissonna au souvenir de cette affreuse sensation qu’il avait éprouvée dans la réalité, sous un sortilège de torture, et qu’il revivait régulièrement dans ses cauchemars. « Comme des cafards sous ma peau qui me dévorent et remontent jusque dans ma gorge. Je me suis réveillé à cause de ça. » Il baissa les yeux vers Avalon, blottie contre lui. « L’impression d’étouffer. »


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeMar 11 Avr 2023 - 15:37
Évidemment que la drogue planait entre eux, comme une amie silencieuse qui leur tendait la main. Si Avalon était familière avec son addiction, elle savait aussi que Roy y était à peine moins sensible qu'elle. Il avait peut-être su conserver un certain équilibre sur cette pente glissante, mais il avait vacillé à plusieurs reprises. Il avait cédé à l'appel de la drogue pour faire taire l'angoisse sourde, la tristesse lancinante, la culpabilité étouffante. Il ne s'y était peut-être pas oublié au point de devoir lutter pour en sortir mais l'envie persistait, tentatrice, destructrice, pernicieuse.

En voyant Roy tressaillir lorsqu'elle prononça le mot qui flottait dans leurs silences, Avalon sut qu'elle avait touché juste. Elle n'ajouta rien, son regard accroché à celui de son époux, ses bras glissés autour de sa taille. Plusieurs secondes passèrent, pendant lesquelles elle put presque entendre le vacarme assourdissant de ses pensées. Puis, il se decida à admettre l'évidence.

Bien sûr qu'ils n'y arrivaient pas. Vivre était une torture, un combat de chaque seconde qu'ils étaient obligés de mener mais dans lequel ils s'épuisaient. Ils avaient peur constamment, sursautaient au moindre bruit, guettaient les ombres derrière chaque porte et dans chaque rue. Ils ne dormaient plus, mangeaient difficilement, n'étaient jamais sereins, jamais tranquilles. Avalon redoutait qu'un événement similaire puisse se produire à nouveau. Norvel était mort sous ses yeux mais les autres ? Ceux qui avaient réussi à s'enfuir ? Et ceux qui voudraient s'inspirer de lui pour se venger de Roy ?

Elle vivait dans un constant état d'hypervigilance. Sa main effleurait sa baguette magique plusieurs fois par jour, comme pour s'assurer qu'elle serait capable de se défendre en cas d'attaque. Son esprit anticipait des scénarios terribles et imaginait toutes les solutions possibles pour y échapper. Et si quelqu'un pénétrait dans la maison en pleine nuit ? Des éléments fusaient immédiatement : bloquer la porte qui menait à l'étage. Appeler la police. Ensorceler le couloir pour rendre la progression difficile. Se réfugier dans la chambre la plus éloignée. Fuir par la fenêtre ? Sur des balais ? C'était prendre le risque d'être des cibles mouvantes. Mais c'était toujours mieux que de se cacher, au risque d'être pris au piège...

C'était épuisant.

Elle n'en pouvait plus.

Et elle ne savait pas comment sortir du cycle infernal de ses pensées.

« On peut rien prendre, toi et moi, ça serait…
-Je sais. »

C'était à la fois la meilleure et la pire chose à faire. La meilleure parce qu'ils trouveraient brièvement le répit. La pire parce qu'en faisant ça, ils renonceraient à tout ce qui leur importait réellement.

Le brusque éclat de Roy ne surprit pas Avalon car il fit écho à cette détresse colérique qui grondait souvent en elle quand elle ne parvenait pas à s'endormir, quand Alma se réveillait dès qu'elle s'assoupissait, quand un cauchemar la tirait de son sommeil dans un violent sursaut. Fatigue, peur, épuisement, angoisse. Colère.

« Je sais... » répéta-t-elle d'une voix éraillée.

Les larmes qui roulaient sur les joues de Roy étaient le signe d'un désespoir profond mais aussi d'une impuissance rageuse. Avalon sentit son cœur se serrer et ses yeux s'humidifier en miroir. Elle glissa sa main à l'angle de la mâchoire de son époux, sans parvenir à attraper son regard qu'il gardait rivé sur le plafond au-dessus d'eux. Quelques minutes supplémentaires furent nécessaires pour ouvrir un dialogue entre eux, le tout premier depuis les évènements indicibles qu'ils avaient vécus.

Avalon sentit un frisson courir le long de son dos lorsque Roy lui relata son cauchemar. S'il lui parlait de sensations, elle y associa immédiatement des images ; le feu qui les avait piégés dans l'entrepôt, la fumée noire qui les empêchait de distinguer les alentours, les hurlements de Roy lorsque le sort de Bonham l'avait frappé, le commentaire doucereux de Norvel. Et puis ce souvenir, plus ancien mais brusquement réactualisé, qui la ramenait sur le sol froid d'un restaurant où, pendant de longues et interminables secondes, elle avait été incapable de respirer.

« Je vois très bien... répondit Avalon qui, blottit contre Roy, fit le choix de ne pas lever les yeux vers lui. A chaque fois que je m'endors, je retourne là-bas. C'est jamais exactement la même chose mais... Souvent, je suis toute seule. Je t'entends hurler, j'entends Alma pleurer mais j'arrive jamais à vous rejoindre. Et je... Je brûle comme lorsque... » Elle n'acheva pas sa phrase. Comme lorsqu'elle avait été torturée pendant ce qui lui avait paru être une éternité. « Puis il y a du bruit, des voix, des cris et je sens qu'on me touche mais il n'y a personne autour de moi. » Un frisson la traversa à nouveau. Sa voix n'était qu'un murmure lorsqu'elle admit : « J'ai même plus envie de m'endormir. »

Et pourtant elle était épuisée et le manque de sommeil éprouvait encore plus ses nerfs déjà à vif.

« Tu devrais prendre quelque chose pour dormir, Roy... Il y a bien des potions de sommeil sans rêve, non ? » Le regard qu'il baissa vers elle la poussa à s'expliquer : « C'est ce que Fergus me filait parfois quand j'étais plus jeune. Tu pourrais au moins dormir quelques heures... »

Et, au point où ils en étaient, quelques heures de sommeil supplémentaires pouvaient déjà faire une immense différence.

« J'espérais que ce soit plus facile, ici. » soupira Avalon en fermant les yeux. « Je me disais qu'au moins on serait loin de tout mais... » Elle haussa légèrement les épaules.

Mais rien n'était facile.


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeSam 22 Avr 2023 - 11:48
Pendant un long moment, il n’y eut rien d’autre entre les deux époux qu’un silence lourd et désespéré, et des émotions qu’ils n’exprimèrent qu’à travers leurs regards humides. Ils pleuraient de nervosité, ils pleuraient d’angoisse face à la situation sans issue dans laquelle ils se trouvaient. Ils pleuraient par dépit, parce qu’ils ne savaient pas quoi faire d’autre.

Cela ne fit pas vraiment du bien à Roy de mettre des mots sur son rêve, mais en revanche, cela lui fit l’effet d’une étape nécessaire. Il n’en pouvait plus de tourner en boucle dans sa tête, de jour comme de nuit. S’il ne pouvait même pas parler à sa femme qui avait vécu la même chose que lui, alors à qui pourrait-il parler ? Il parla parce que c’était la seule chose qu’il pouvait faire.

Et comme un fil qu’on tire doucement d’un noeud inextricable, la parole se poursuivit chez Avalon. Elle parla avec pudeur et douleur des visions cauchemardesques qui agitaient ses nuits. Roy sentit ses entrailles se tordre face aux images qu’elle convoquait. Il avait l’impression que la vision d’elle, prostrée au sol, en train de se tordre de douleur sous l’emprise d’un Doloris, ne disparaîtrait jamais de son esprit. Il pouvait la voir devant ses yeux aussi clairement que si elle était encore en train de se produire. Et cela provoquait toujours chez lui une intense envie de vomir ou de frapper quelque chose.

Il dut prendre une profonde inspiration pour refouler cette pulsion. Il ne sut pas quoi répondre. Il passa sa main dans le dos de sa femme, dans un geste désolé.

Puis elle lui fit une suggestion qui le tira de ses sombres pensées et qui le fit répondre d’une voix éraillée :

« Ouais… Peut-être. Enfin, je sais pas si ça m’empêcherait de me réveiller. » Mais cela ne coûtait rien d’essayer, songea t-il avant de baisser la tête vers Avalon. « Toi aussi, tu devrais essayer. »

Il savait que cela posait des questions très pratiques, comme qui allait nourrir Alma si elle dormait cinq heures d’affilée et est-ce qu’elle pouvait prendre ce type de potion alors qu’elle allaitait. Il savait aussi qu’Avalon n’était jamais à l’aise avec l’idée de prendre des potions et des médicaments, à cause de son addiction. Mais il y avait forcément des solutions, sur lesquelles ils devaient se pencher sérieusement avant de finir par perdre la tête à cause du manque de sommeil.

La remarque suivante d’Avalon produisit un silence chez Roy, qui laissa son regard se perdre dans le vague face à eux. Il finit par dire dans un murmure :

« Je crois que c’est toujours moins pire que si on était resté là-bas. »

La seule idée de revenir dans des rues qu’il connaissait, emplies de gens qu’il connaissait et qui ne lui voulaient pas forcément du bien réveillait une sourde angoisse dans son estomac. Il ressentait une certaine culpabilité de laisser Fergus, Toni et Jayce régler la situation pour eux et traquer leurs ennemis sans eux mais il se sentait incapable de faire autrement.

Avalon avait raison sur un point, toutefois. Partir ne se révélait pas non plus comme la solution miracle à leurs problèmes. Leur départ leur avait permis d’avoir un peu moins peur quand ils mettaient un pied dehors mais cela créait également son lot d’émotions indésirables. Et notamment une solitude qui commençait à peser sur les épaules de Roy. Il se décida à la partager à Avalon, du bout des lèvres :

« Peut-être qu’on est un peu seuls, ici… » Il baissa la tête, chercha à croiser le regard de sa femme. « Je sais pas, peut-être que ça serait plus facile et qu’on pourrait plus se reposer s’il y avait quelqu’un pour faire des trucs basiques comme… Surveiller Alma pendant qu’on fait une sieste ou sortir avec Viv’. Tous ces trucs du quotidien un peu… »

Insurmontables. Le mot se perdit dans la gorge de Roy mais se décela dans son regard trouble.


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeSam 22 Avr 2023 - 19:53
Le silence s'installa après le récit douloureux d'Avalon. Roy glissa une main dans son dos mais ne prononça pas un mot ; il n'y avait rien à dire de cette violence, rien à dire de ces images cauchemardesques qui la hantaient tous les jours et toutes les nuits. Pourtant, le nœud dans sa gorge lui semblait moins douloureux maintenant qu'elle avait cessé de ravaler cette douleur qui lui brûlait l'estomac. Blottie contre Roy, Avalon cessa brièvement de guetter les ombres et leva les yeux vers lui.

Ses traits tirés et les cernes qui creusaient sa peau la poussa à lui proposer une solution temporaire à leurs insomnies. Elle connaissait bien le goût amer des potions de sommeil sans rêve ; à dix-huit ans, elle en avait pris à plusieurs reprises pour lutter contre des cauchemars répétitifs et mortifères. Fergus lui en laissait toujours une dans l'armoire à pharmacie de la salle de bain, comme une main secourable qu'elle saisissait parfois au milieu d'une nuit agitée. Elle n'aimait pas ça ; l'effet duveteux dans lequel elle tombait lui rappelait forcément la douce insouciance de son addiction. Mais pendant quelques semaines, cela avait été nécessaire pour combattre l'angoisse qui la gardait éveillée à chaque heure de la journée.

« Je sais pas... » souffla-t-elle cependant lorsque Roy lui retourna la proposition qu'elle venait de lui faire. « Je pense pas que je puisse prendre quoique ce soit, avec Alma. Et... J'ai pas envie d'arrêter de l'allaiter. » avoua-t-elle avec un regard trouble. « Pas alors qu'elle est encore aussi petite... »

Alma fêterait son premier mois le lendemain. Un mois. Des semaines passées à s'inquiéter pour sa santé, à enchaîner des examens médicaux et des bilans obscurs. Quelques heures à craindre pour sa vie. Plusieurs jours à en redouter les conséquences. Alma était née trop tôt, était restée enfermée dans un environnement impersonnel avant d'en être brusquement arrachée. Puis ils étaient partis, encore. Et la lourde culpabilité qui pesait sur Avalon l'empêchait d'envisager un énième sevrage à quelque chose qu'elle connaissait. Sans oublier  qu'Alma était encore petite et que les médicomages avaient longuement insisté sur l'importance des apports du lait maternel pour son système immunitaire et sa croissance.

Alors l'idée d'avaler une potion pour dormir quelques heures était peut-être tentante, mais elle charriait surtout plusieurs sentiments négatifs qui se lisaient clairement dans son regard agité

Elle voulait simplement que tout s'arrête. Que ses pensées s'éteignent d'elles-mêmes, que le monde se fasse moins menaçant, que la peur qui tenaillait son ventre reflue et disparaisse.

Douce illusion qu'ils étaient venus chercher sur un autre continent.

« Oui je sais... » soupira Avalon.

Demeurer en Angleterre, après tout ça, avait un arrière-goût d'impossible. Ils avaient quitté le territoire sans même regarder en arrière, poussés par l'urgence. Sauf qu'une fois aux Etats-Unis, ce sentiment n'avait pas disparu.

Et Roy avait raison ; leur isolement ne faisait que le majorer.

Ils vivaient avec deux enfants qui dépendaient entièrement d'eux. S'ils n'avaient eu qu'Alma, les choses auraient peut-être été différentes - rien ne les obligeait à quitter la maison avec un nourrisson - mais Vivianne commençait à manifester une impatience légitime. Elle était pleine d'énergie et curieuse de découvrir ce nouvel endroit qu'on lui avait présenté comme un lieu de vacances. Un peu plus tôt dans la journée, ils étaient sortis dans le centre-ville de la Nouvelle-Orléans, pour une courte balade.

Et cela avait paru insurmontable à Avalon.

Chaque silhouette était menaçante, chaque bruit un peu fort la faisait sursauter. Son flagrant manque de sommeil la rendait parfois irritable et elle luttait pour contenir une agressivité nerveuse qui brûlait ses lèvres.

« Ouais... Sûrement. » accorda-t-elle à Roy. « En plus j'ai peur que Viv' nous en veuille de l'avoir amené ici quasiment du jour au lendemain... Peut-être que ça lui ferait du bien d'avoir quelqu'un qui soit plus... capable de faire des choses avec elle. » Du bout des doigts, elle triturait le plaid qui recouvrait sa peau nue. « Mais je sais pas à qui on peut demander ça. Toni, Fergus, Jayce... C'est pas le moment. »

Elle ne ressentit pas le besoin de developper davantage cette pensée ; Roy savait très bien ce qu'elle voulait dire par-là. Leurs amis avaient pris en chasse les hommes de Norvel sur le territoire anglais pour éliminer la menace qui pesait sur leur famille. Et quand bien même Toni accepterait de faire le trajet jusqu'en Louisiane, les récents événements - ceux dont personne ne parlait mais qu'ils avaient tous vécu - flotteraient inévitablement entre eux.

« Tes parents comprennent déjà pas pourquoi on est partis, c'est compliqué de leur demander de venir... » Un éclair passa dans son regard mais Avalon ne dévoila pas immédiatement l'idée qui venait d'effleurer son esprit. Elle la soupesa d'abord avant de la confier à Roy avec une légère hésitation. « J'ai plus ou moins dit à Célice et Galaad ce qui s'était passé. Peut-être que je pourrais voir avec eux ? Si je paye leurs billets d'avion... » Elle se mordit la lèvre, pensive. « Et puis, ma sœur a l'habitude des bébés, je sais que je pourrais lui laisser un peu Alma. »


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Tes cauchemars remplaceront tes rêves [Avalon & Roy] Icon_minitimeDim 23 Avr 2023 - 19:00
Roy ne chercha pas à contrecarrer les arguments de sa femme dont il lisait l’inquiétude visible dans le regard. S’il fallait être honnête, l’idée de priver leur fille d’allaitement naturel ne le rassurait pas non plus, car les médicomages avaient insisté sur l’importance de cet apport sur les premiers mois. Ils avaient tellement eu peur de la perdre, dès l’instant où ils avaient appris la grossesse risquée d’Avalon, et ils avaient été si proches de la perdre quelques jours plus tôt, que Roy était lui aussi incapable d’envisager de prendre le moindre risque pour la santé de leur fille.

Mais ici, il s’agissait aussi de la santé d’Avalon, alors trouver un compromis équitable entre les deux lui paraissait nécessaire.

« On n’en sait rien, en vrai. Il y a peut-être des potions que tu peux prendre malgré l’allaitement, ou un dosage à trouver… On devrait quand même en parler à un médicomage, je pense, il sera plus à même de nous proposer des options. Il faut qu’on trouve une solution viable pour toi aussi » insista t-il en pressant doucement l’épaule de sa femme dans sa main.

En tout cas, Roy voulait croire que des solutions existaient et en parler lui procurait un brin d’espoir, ce qu’il n’avait pas ressenti depuis trop longtemps. Il n’en pouvait plus de tourner en rond dans sa tête, il était prêt à essayer toutes les solutions qu’on lui proposerait et qui leur permettrait de trouver un peu de repos. C’était ça ou sombrer dans la folie de toute manière.

Aussi, quand Avalon proposa du bout des lèvres de faire appel à ses frères et soeurs pour les aider à s’occuper d’Alma, Roy considéra sérieusement cette option. Dans une autre situation où ils n’auraient pas été aussi fragilisés et multiplement traumatisés tous les deux, il n’aurait jamais envisagé de demander à qui que ce soit d’assurer leur rôle à leur place pour leur permettre de dormir. Sa fierté et sa volonté de se prouver à lui-même qu’il pouvait parfaitement tenir son rôle de père l’en aurait empêché. Mais même l’orgueil de Roy avait ses limites. Ils étaient au fond d’un gouffre sans fin, avec Avalon, un gouffre dont ils ne pouvaient sortir seuls. Et leur fille méritait amplement qu’ils mettent tout en oeuvre pour son bien-être. « Tout » impliquait parfois d’accepter de l’aide.

Alors il finit par hocher doucement la tête.

« T’as raison… De tous nos proches, c’est sans doute la meilleure option » admit-il. Ils n’étaient pas aussi impliqués dans cette histoire que l’étaient Toni, Jayce et les autres. Et ils pouvaient comprendre ce qu’ils traversaient sans les juger pour ce qui s’était passé. Roy n’avait rien dit de ce qui s’était passé à ses parents, par peur qu’ils ne s’inquiètent trop mais aussi -et surtout- par peur de leur jugement. Il se jugeait lui-même déjà si durement, il n’avait aucune envie de porter en plus le poids du regard de ses parents. « Ouais, on peut leur proposer. En plus, Vivianne sera plus à l’aise avec eux aussi, ça lui fera plaisir de les voir. »

Sur cet accord, Roy se glissa un peu plus sous le plaid qu’il partageait avec Avalon. Il ferma les yeux en poussant un léger soupir. Il se sentait épuisé par cette situation qui leur prenait tant d’énergie et leur demandait sans cesse de s’adapter. Mais pour la première fois, ils en parlaient et ils évoquaient des solutions concrètes. Rien n’était encore réglé mais la perspective de pouvoir s’appuyer un peu sur quelqu’un d’autre créait une petite lueur au-dessus de lui, depuis le gouffre où il se sentait plongé.

Il se tourna vers Avalon en rouvrant les yeux.

« On remonte ? » souffla t-il.

Alma était toujours là-haut et il avait besoin de l’avoir près de lui pour pouvoir envisager de se rendormir.


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