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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeLun 27 Mar 2023 - 21:26
22 mars 2012 - ancienne villa de Roy.

Avalon sent qu’on la saisit par les épaules, qu’on la dégage du corps de Roy contre lequel elle est appuyée. Elle proteste faiblement, d’une voix qui tient davantage du murmure mais n’a plus la force de s’opposer à ce geste brusque. Ses yeux sont lourds, une douleur lui vrille les tempes, son corps ne lui répond plus. Ce n’est pas une simple fatigue ; Avalon frôle l’épuisement et l’inconscience. Son regard flou peine à distinguer Fergus, penché sur Roy. Il marmonne quelque chose, les sourcils froncés par la concentration, le visage tordu par l’appréhension.

Chaque seconde à un goût d’éternité.

Chaque seconde lui donne un avant-goût de ce monde dans lequel il n’est plus. Idée intolérable, impensable, douloureuse. Y-a-t-il un mot plus fort ? Un mot pour dire le vide après l’amour ? Un mot pour dire le manque de celui qu’on aime avec notre âme ? Un mot pour dire la chute, pour dire le gouffre, pour dire le froid du cœur ? Pour dire la tristesse du corps ?

Puis, brusquement, le bruit d’une respiration désordonnée. Un corps qui se soulève comme pour revenir à la vie. Un mot murmuré qui emplit tout l’espace.

Un sanglot s’arrache à Avalon. Fergus se redresse, légèrement étourdi.

Roy est vivant.

Elle fond en larmes.

Incapable de se redresser sur ses jambes pour rejoindre son mari, Avalon tend vainement une main vers lui. Ce geste alerte Fergus, qui tourne la tête vers elle et la regarde comme s’il prenait brusquement conscience de sa présence. Un éclair d’inquiétude passe dans ses yeux. Il se tourne vers elle, pose une main sur sa joue humide. Puis, son regard trouve la plaie tracée le long de son abdomen, partiellement masquée par ses vêtements.

« Merde. » jure-t-il entre ses dents. Il soulève son pull pour dévoiler sa peau. « Merde, qu’est-ce qui… ? »

Mais Fergus n’a pas le temps de finir sa phrase. L’inquiétude, la fatigue, la terreur, l’épuisement physique, nerveux et magique emportent Avalon. Ses yeux se révulsent et elle s’effondre contre son ami. Son esprit s’efface sur une certitude et une dernière question :

Roy est en vie. Où est Alma ?

***

Plafond blanc. Lumière douce. Calme. Avalon papillonne des yeux. Pendant quelques secondes, elle demeure immobile, prise entre ces deux mondes qui entourent un réveil. Puis, tout lui revint très brusquement. Un sentiment d’urgence agite ses mains et elle essaie de se redresser, le cœur battant à une vitesse folle.

« Doucement. » lui intime une voix qu’elle connaît bien. « Doucement, Ave. »

Fergus, installé sur un fauteuil, se lève pour la rejoindre. Son regard confus suit son mouvement alors qu’il s’installe au bord de son lit.

« Tout va bien. C’est fini. Tout va bien. »

Images et sensations déferlent sur elle. L’enlèvement d’Alma. Le manque. Le vide. La colère. Le désespoir. L’appel à l’aide. La rencontre avec Norvel. La fouille. La fausse dispute. Les insultes. La peur. Les sorts qui fusent, qui frappent, qui s’échouent contre les murs. La porte dissimulée derrière des cartons. Son premier combat. Sa course pour rejoindre Roy. La bataille acharnée qu’ils livrent. Les remarques acides. Le feu. Ses hurlements de douleur alors que son corps brûle et gèle et grouille et se brise. Leur marche pleine d’espoir vers la sortie. L’impuissance. Les cris de Roy qui se débat de toutes ses forces contre le sort implacable de Bonham. Ses promesses. Ses supplications. La gifle de Norvel. L’arrivée des Veilleurs. Le soulagement. L’espoir. Puis cette course désespérée, pleine de rage. La pièce silencieuse. La main de Norvel qui se referme sur ses cheveux. La baguette qu’il pointe sur sa gorge. La plaie qu’il ouvre sur son ventre. Roy qui pose les armes. La lente marche que Norvel lui impose où elle comprend qu’il compte les tuer tous les deux. Le sort qui fuse. Son cri désespéré. Les coups de feu. Les balles qui lui ôtent la vie. Le sang, le sang partout, sur le sol, sur ses mains, dans les cheveux de Roy. L’odeur qui emplit la pièce. Ses mots tremblants. Sa tentative désespérée pour faire cesser l’hémorragie. La fatigue. L’épuisement. Cette impression de sombrer. Puis Fergus. Roy qui revient à la vie.

Et le noir.

Des images, des bruits, des sons, des odeurs. Et pourtant, il n’y a qu’un seul mot dans son regard, un seul mot sur ses lèvres.

« Alma ? »

Fergus lui presse doucement la main.

« Elle va bien. Elle est ici, avec Isobel. »

Son cœur se remet à battre. Ses poumons se gonflent. Ses yeux sont brillants de larmes alors qu’elle murmure :

« Mon Dieu, merci… »

***

Lorsqu’Avalon se glisse dans le couloir, ses cheveux humides mouillent le t-shirt qu’elle a revêtu en sortant de la douche. Fergus l’a dissuadé de se précipiter auprès de sa fille, pointant avec justesse son état. Outre les multiples blessures qui parsèment son corps, ses joues sont couvertes de suie, ses cheveux empestent la fumée, du sang macule encore ses mains et ses ongles. Confrontée à son reflet dans un miroir, Avalon a consenti à se glisser sous une douche où elle a frotté son corps pour se débarrasser de ces odeurs et de ces traces rouges. Elle a lavé ses mains compulsivement, sans parvenir à s’arracher à la dernière image qu’elle possède de Roy.

Il va bien. Fergus lui a assuré qu’il allait bien. Qu’il avait perdu beaucoup de sang, qu’il était faible, mais qu’il était hors de danger.

Roy va bien. Alma va bien.

Avalon se répète ces deux phrases en boucle depuis son réveil, sans réussir à chasser ce sentiment d’urgence et d’impuissance qui a marqué son corps avec une telle puissance qu’il semble désormais ancré en elle, dans sa chair, dans chacune des cellules qui la compose.

Tout va bien, se dit-elle pour essayer de calmer le tremblement de ses mains alors qu’elle tourne à l’angle d’un couloir.

Alma n’est pas blessée. L’état de Roy est stable. Elle se remettra de ses blessures. Sa plaie au ventre est un peu vilaine, un peu irrégulière, mais les médicomages lui ont assuré qu’elle ne garderait pas de cicatrice. Elle doit porter un pansement qui lui enserre l’abdomen pour éviter l’infection mais il semblerait que, dans quelques jours, elle ne garde aucune trace de cet évènement. Elle se remettra de ses blessures.

Mais peut-être pas des plaies béantes au creux de son estomac et de son cœur.

Avalons sent que pour les apaiser, elle doit retrouver sa fille. Elle doit la voir, l’embrasser, la bercer, caresser ses cheveux, l’entendre babiller, la voir bouger maladroitement.

Elle pénètre dans la chambre et découvre Alma dans les bras d’Isobel.

Une exclamation étouffée lui échappe. Elle pose sa main contre ses lèvres comme pour réprimer les sanglots qui bloquent sa gorge alors qu’elle fait un pas vers son bébé.

Enfin.

***

« Mon bébé, souffle Avalon en se penchant vers Alma. Je suis là. »

Ces mots lui retournent l’estomac, gonflent ses yeux de larmes, la font sourire et pleurer en même temps. Isobel vient de refermer la porte derrière elle, Avalon s’est installée sur le lit avec sa fille dans les bras. Ses yeux ne lâchent pas son visage, comme si elle essayait de se repaître de chaque détail dont elle a été privée pendant quelques heures. Sa petite bouche rose, son minuscule nez, ses joues rondes, ses cheveux noirs, ses yeux sombres. Et ses petites mains qu’elle agite vers elle, ses pieds qui sont pris de mouvements désordonnés. Sa voix qui babille, qui gémit.

L’émotion est trop forte ; le soulagement côtoie l’immense culpabilité, la peur et la joie se chevauchent. Avalon a cette terrible sensation d’être réunie avec une part d’elle et d’en ressentir toujours le manque. Le manque de ces heures passées à la chercher et à espérer de toutes ses forces et de toute son âme la retrouver vivante.

Elle embrasse le front d’Alma lorsqu’un frisson la saisit.

Elle aurait pu mourir.

Sa fille aurait pu mourir.

Cette phrase tourne longtemps dans son esprit, comme pour mieux s’y imprimer maintenant qu’elle ne peut plus la repousser avec force.

Elle aurait pu mourir.

Des sanglots incontrôlables la secouent. Elle ne parvient à les étouffer qu’à moitié en se mordant la lèvre et ne peut rien faire contre les larmes qui dévalent ses joues. Paradoxalement, il s’agit à la fois du moment le plus douloureux de son existence et celui où elle ressent un bonheur presque trop grand pour être contenu.

Alma va bien mais, si sa toute petite fille a été détenue captive pendant plusieurs heures, c’est à cause de ses erreurs. De ses erreurs, de celles de Roy ; les deux personnes censées la protéger envers et contre tout.

Alors évidemment, le soulagement est massif, intense et chasse ce vide vertigineux qui s’agrippait à son corps. Mais derrière lui, la culpabilité et les regrets sont acides, pernicieux, violents.

Avalon se sent misérable.

« Pardon, pardon… chuchote-t-elle. Je suis désolée. Maman est désolée… »

Alma gémit un peu plus fortement, sûrement gênée par cette étreinte humide. Lorsqu’elle se redresse, elle lui confie la même phrase qu’elle se force à se répéter :

« Tout va bien maintenant. Tout va bien. Maman est là. » Sa voix tremble un peu. « Je ne laisserai plus jamais quelque chose t’arriver, je te le promets… »

Les joues mouillées par les larmes salées, les yeux rougis, le visage gonflé, elle s’efforce de retrouver son souffle. Alma s’agite dans ses bras, gémit un peu plus fort. Elle pousse ce petit cri qui signale qu’elle a faim et Avalon se dénude légèrement puis l’installe correctement dans ses bras. La bouche d’Alma trouve instinctivement son sein, sa petite main se pose contre sa poitrine. Pendant un moment qui lui apparaît comme hors du temps, elles semblent ne plus faire qu’un.

Lorsqu’Alma est repue, Avalon l’installe contre son épaule, la berce doucement en caressant son dos. Elle sent sous ses doigts son corps dont elle connaît chaque relief, perçoit les battements de son cœur, entend sa respiration à son oreille.

C’est une renaissance.

Une renaissance émue où le chagrin et la joie se livrent une féroce bataille.

« Almalita, chantonne-t-elle d’une voix éraillée. Almalita, je t’aime, je t’aime tellement. »

L’enfant gazouille, soupire, agite ses mains.

Avalon la redescend dans ses bras, se penche pour l’embrasser, sur le front, sur la joue, sur le bout de son nez.

Elle ne relève la tête que lorsqu’elle perçoit un son sur le pas de la porte. Son regard trouve celui de Roy.


Avalon Calder

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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMar 28 Mar 2023 - 1:11
« Combien ils sont ? »

Le matelas sous son corps lui semble familier, comme un vieux contact un peu oublié. La lumière au-dessus de lui est chaude, diffuse.

« Six. Deux qu’on a capturés avec Isy. Quatre de votre bataille dans l’entrepôt. »

Les voix qui chuchotent autour de lui sont familières aussi.

« Qui les surveille ?
-J’ai doublé les effectifs des gars qui surveillent les cellules dans la Voie. Et ceux qui surveillent les entrées de la Voie aussi. Ils pourront jamais s’échapper de là-bas.
-Bien, c’est bien… »

Quand Roy baisse les yeux sur son corps étendu, recouvert d’un drap, il a l’impression d’en redécouvrir les sensations, comme si on lui en avait arraché le contrôle. Cela lui fait étrange de bouger ses bras. Ses jambes ne lui ont jamais paru si lourdes. Le léger râle qui sort de sa gorge lui semble porter une tonalité différente, plus grave et abîmée que d’habitude. Des bruits de pas l’approchent. Ses yeux croisent ceux de Jayce, penché au-dessus de lui.

« Comment tu te sens, Roy ? »

Il est rare que Jayce l’appelle par son prénom sur un ton aussi sérieux. Il lui réserve habituellement des surnoms affectueux ou moqueurs, Royounet, bro, beauté, sunshine, ou peu importe. Tout inspire la gravité chez son meilleur ami qui l’observe d’un regard très soucieux. Et Roy ne trouve pas la force de lui répondre. Son corps est dans un état minable, fourbu de courbatures, couvert d’hématomes. De nombreux bandages enserrent son torse douloureux, quelques cloques cuisantes parsèment ses bras, ses articulations lui font mal, sa gorge l’irrite. Une gêne indescriptible le tenaille à certains endroits, comme des fourmillements sous la peau qu’il reconnaît comme la marque que certains sorts de magie noire peuvent laisser derrière eux, jusqu’à plusieurs heures après leur effet. Mais le plus pénible est cette désagréable sensation sur son coeur, une pression omniprésente, comme un chagrin tenace et diffus.  

C’est lorsqu’il croise le regard de Toni, debout à côté de Jayce, que ses souvenirs lui reviennent en rafale et ravivent ce lourd chagrin.

Le message à l’hôpital dans le berceau d’Alma. L’angoisse, l’horreur, la culpabilité, la détresse. Le plan périlleux, monté à la dernière minute avec ses amis. L’entrepôt, les menaces de Norvel. La fuite, les duels. Les premiers morts. Le feu. L’Endoloris. Le visage d’Avalon défiguré par la torture. La peur, le désespoir, la haine. Le bref moment d’espoir avant l’affreuse désillusion. La souffrance totale, la torture, encore. L’échec total, la désolation. La fin de tout. Puis la renaissance, l’arrivée des secours, de Fergus et de Jayce. De nouveau, l’espoir. La fureur, la course jusqu’à Norvel pour ne pas le laisser s’échapper, encore. Le piège, la prise d’Avalon en otage. La blessure mortelle sur son ventre qui a porté la vie. L’impuissance et la sensation que rien ne s’arrête jamais. La défaite. L’abandon.

Puis le noir.

Roy est mort dans cette pièce obscure. Il est mort avant que ses amis ne le ramènent à la vie. Et dans cet intervalle insaisissable, il n’y avait que la peine, les regrets et les remords.

Non. Il y avait surtout une intense envie de vivre, pour rattraper ses erreurs, pour faire mieux, faire plus, demander pardon et pour aimer.

Roy tend la main un peu vivement pour s’agripper au bras de Toni, sans prêter attention à la douleur que ce mouvement brutal lui cause. Il prononce le mot auquel il s’est si fermement accroché pour ne pas sombrer dans l’oubli :

« Al… Alma ? »

De sa main, Toni recouvre celle de son ami dans un geste réconfortant.

« Elle est là, on l’a récupérée. Elle va bien. » Fidèle à lui-même, il lui fait même un sourire, accompagné d’une plaisanterie : « T’aurais dû nous voir avec Isobel… On a niqué des mères, je te le dis. Un vrai duo d’enfer. »

Il semble un peu amoché par la bataille qu’il a livrée de son côté, quelques coupures sur les mains, un bandage autour de l’avant bras qui doit masquer une plaie, deux ou trois hématomes. Mais aucune de ses blessures ne semble entamer l’optimisme qu’il affiche face à son frère d’arme et qu’il surjoue sans doute un peu pour le rassurer. Voyant que l’inquiétude ne quitte pas le visage de Roy, Jayce le devance au moment où il prend une inspiration pour poser une seconde question :

« Avalon va bien aussi. C’est fini. Tout va bien. »

Jayce a beau prendre son ton le plus doux et le plus rassurant, Roy a du mal à laisser ces mots s’imprimer en lui. Il a vécu un tel enfer que cette simple phrase lui semble presque inconcevable. Tout va bien. Mais son incrédulité n’empêche pas l’émotion et le soulagement de déferler sur lui.

Avalon et Alma sont en vie. Il est en vie aussi.

La pression douloureuse sur son coeur s’est allégée. Il sent toutefois qu’elle n’a pas complètement disparu, que les mots ne lui suffisent pas, qu’il a besoin de plus.

« Faut… Faut que j’aille les voir » articule t-il, en essuyant ses yeux humides.

Il se redresse contre ses oreillers en grimaçant sous l’effort que ce mouvement lui demande.

« Attends, tu devrais rester allongé, Roy. T’as perdu beaucoup de sang, respiré des fumées toxiques, encaissé beaucoup de magie noire… On a fait venir les médic’ du gang, ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais t’as besoin de repos.
-Laissez-moi, faut que j’y aille…
-On peut ramener Alma jusqu’ici, si tu veux ! propose Toni. Elle est dans une chambre d’amis avec Isy. Allez, déconne pas, mec, allonge-toi et on s’occupe de…
-Laissez-moi, je vous dis. »

Son ton ferme et son regard sombre dissuadent ses amis d’insister. En se levant péniblement, Roy constate face au miroir de pied qui occupe un coin de son ancienne chambre à quel point il n’est pas beau à voir, malgré les soins que les médicomages lui ont apporté. On a changé ses vêtements, sa peau est débarrassée de la suie et du sang, ses cheveux ont été lavés mais la propreté de ses bandages et le nettoyage de ses blessures ne change pas grand-chose au résultat final. Il est sacrément amoché.

« Ok… Laisse-nous t’aider, au moins. »

Jayce passe un bras autour de la taille de Roy pour le soutenir dans sa marche pendant que Toni leur ouvre les portes sur leur chemin. Depuis l’étage de sa villa bristolienne qui a longtemps été -et qui est restée- le repaire du gang, Roy entend des voix résonner en bas. Beaucoup de voix fortes, beaucoup de Veilleurs qui s’agitent. Des médicomages qu’on a fait attendre, des hommes sur le qui-vive, venus prendre des nouvelles ou attendre des ordres. Un grouillement, pourtant habituel, qui lui paraît brusquement insupportable.

« Putain, dites-leur de partir, tous. Je veux juste… » Il inspire douloureusement. « Je veux juste être tranquille avec ma famille, là. »

Toni hoche la tête et s’engage dans les escaliers. Roy entend sa voix forte couvrir celle des autres et lancer des directives. Il reprend sa marche, jusqu’à parvenir devant la porte d’une des nombreuses chambres qui composent la demeure. Jayce les arrête devant, dépose une caresse inquiète dans le dos de son meilleur ami.

« Tu nous appelles si besoin. »

En guise de réponse, Roy presse sa main et le remercie d’un murmure. Il se retrouve seul face à la porte derrière laquelle l’attendent sa femme et sa fille. Sa main tremblante se pose sur le battant. Sa gorge se serre avant même qu’il ne pousse la porte.

Avalon est là, installée sur le lit au milieu de la pièce. Elle porte dans ses bras leur bébé, qu’elle embrasse et cajole avec une émotion perceptible.

Cette vision qui l’avait tellement enchanté ces trois dernières semaines et qu’il avait cru ne plus jamais voir vient libérer quelque chose en lui. Une immense masse d’émotions contenues depuis le début de cette journée interminable. Soulagement, chagrin, angoisse, joie, culpabilité, terreur et amour déferlent en lui, avec une intensité qu’il peut ressentir pleinement maintenant qu’ils ne sont plus en danger de mort, tous les trois. Tant qu’il livrait sa bataille et qu’il avait besoin d’y jeter toutes ses forces et tout son courage, Roy s’est interdit de s’effondrer.

Mais maintenant, plus rien ne le retient.

« Mon Dieu… »

Il s’avance d’un pas vacillant, il omet la douleur, le vertige, la fatigue. Il a littéralement traversé l’enfer pour se permettre de vivre ce moment, il peut fournir un dernier effort pour rejoindre les deux femmes de sa vie. Ses yeux embués de larmes s’abreuvent de l’image si douce, si merveilleuse du visage de sa petite fille endormie dans les bras de sa mère. Il pose sa main sur l’épaule d’Avalon, effleure la joue d’Alma du bout des doigts, comme pour s’assurer qu’elles sont bien réelles toutes les deux.

Alma est le visage de la paix à elle seule, l’incarnation de la douceur et de l’innocence qu’il manquait au coeur de Roy pour revivre.

« Alma, mon amour, mon bébé… » Il se penche au-dessus de son enfant, redécouvre ses yeux noirs, ses cheveux fins, sa peau douce, ses petits soupirs d’aise. « Mon Dieu… »

Son bonheur est aussi terrassant et vertigineux que le vide creusé par l’absence de sa fille. Mais l’un ne chasse pas l’autre. Les deux cohabitent et se percutent à cet instant, dans un choc qui met Roy à terre.

Il est en ruines.

Incapable de supporter plus longtemps l’immense poids de ses émotions, Roy tombe à genoux, aux pieds d’Avalon et de leur fille. Sa tête se loge contre les jambes de sa femme, ses mains s'agrippent à elle, ses épaules s’affaissent, son corps tremble tout entier.

Il veut mourir et il se sent si heureux d’être en vie.

C’est tout son être qui se déchire de ce paradoxe insoutenable. Bouleversé, il pleure, encore, et encore. Il pleure à chaudes larmes. Il pleure comme il n’a jamais pleuré, à gros sanglots sonores. Il pleure comme s’il exprimait le chagrin et les regrets accumulés sur toute une vie, trop longtemps enfouis. Il s’effondre complètement dans les bras d’Avalon, son seul roc dans cette tempête terrible qui emporte tout sur son passage.

Il a failli tout perdre en une seule journée, tout ce qu’il a de plus précieux. D’un père et mari heureux, fortuné et puissant, il est passé à un homme misérable, dépouillé, maltraité, aux portes de la mort. Et d’un coup tout aussi brusque, il retrouve tout ce qu’il pense avoir perdu. Son pire ennemi est mort, ses amis sont tous vivants, sa fille est retrouvée, sa femme a survécu. Tous ses proches sont sortis de l'enfer dans lesquels il les a entraînés. C’est un miracle qu’il vit, un miracle vertigineux et douloureux.

Un miracle qu’il n’est même pas sûr de mériter. A cet instant, c’est peut-être sa culpabilité qui lui fait le plus mal et qu’il finit par exprimer entre deux sanglots :

« Pardon… Pardon. » Il ne peut pas lever les yeux vers Avalon, il ne peut pas affronter son regard, il a peur de ce qu’il pourrait y lire. Il se déteste si fort qu’il ne peut pas concevoir qu’elle puisse l’aimer comme avant. « Tout est ma faute, pardon… »


Roy Calder

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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMar 28 Mar 2023 - 13:42
Lorsqu'elle découvre Roy sur le pas de la porte, un nouveau sanglot gonfle sa gorge et compresse sa poitrine. La dernière image qu'elle garde de lui est celle d'un homme aux portes de la mort, le corps maculé par le sang qui s'échappe de ses propres blessures. Roy est vivant. Blessé, pâle, la peau parsemée d'hématomes et de blessures. Mais vivant. Une nouvelle vague de soulagement déferle sur Avalon, la libère d'un poids immense qu'elle porte dans son cœur depuis qu'elle a senti, sous ses doigts tremblants, la vie le quitter. Le poids de sa disparition, le poids de la perte, le poids du silence éternel.

Les mots restent coincés dans sa gorge. Avalon observe Roy les rejoindre péniblement, frémit lorsqu'il pose sa main sur son épaule, tressaille quand elle entend sa voix si familière murmurer son amour à leur fille puis appeler Dieu dans ce même réflexe qu'elle a eu un peu plus tôt. Appeler Dieu pour implorer Sa pitié, pour remercier, pour promettre.

Alors Roy implore, Roy remercie, Roy promet.

Puis il s'effondre.

Il tombe à genoux, le corps secoué par des sanglots qui déchirent le silence. Il hoquète, peine à trouver son souffle, les joues mouillées par les larmes, les mains prises par des tremblements incontrôlables. Il s'accroche à elle dans un geste presque désespéré et son cœur se brise face à la détresse qui l'emporte.

Avalon n'a jamais vu Roy ainsi. Face à elle, il s'est déjà abandonné au chagrin, à la tristesse. Mais jamais à un désespoir aussi lourd et aussi vertigineux. Elle a l'impression qu'il se décompose, qu'il s'éparpille sous le poids de la culpabilité, de la peur, du soulagement. Sous ses yeux effarés, Roy apparaît comme morcelé. Et Avalon, qui ressent exactement la même déchirure, sait très bien d'où elle vient.

Ils sont peut-être en vie, mais ils ne sont revenus entiers de cet entrepôt. Ils ont laissé une part d'eux-mêmes dans leurs cris désespérés, dans leurs affrontements acharnés, dans ce combat pour leur vie.

Et même si Avalon ne fait qu'effleurer cette pensée, cette dernière s'impose à elle comme une certitude : il n'y a plus aucun retour en arrière possible.

Avalon pleure lorsqu'elle se penche pour enlacer son mari, sa fille endormie au creux de ses bras. Elle pose ses lèvres dans ses cheveux pour refermer cette étreinte aussi salvatrice que douloureuse. Les mots étouffés qu'il prononce serrent son cœur, attisent la culpabilité sourde qui rivalise d'ingéniosité pour la soumettre entièrement à elle.

Évidemment que Roy s'en veut. Et Avalon n'oublie pas les mots qu'elle a eu pour lui, ces mots plein de colère, de rage, de peur. Elle lui en a tellement voulu aussi.

Mais la peur a renversé la colère, la souffrance a balayé la rage. Ce n'est pas de la rancœur qu'Avalon ressent en pleurant contre Roy ; c'est une détresse infinie. Elle a eu si peur. Elle a eu si mal. Elle a cru tout perdre ; sa fille, son mari, sa vie. Elle aurait pu tout perdre. C'est un miracle qu'ils soient vivants, un miracle qu'ils n'aient à porter le deuil d'aucun de leurs amis. Miracle, destin, bénédiction ; Avalon ne sait pas comment appeler ce qui est venu les sauver des fautes qu'ils ont commises.

Elle souffle contre Roy, le ventre serré par la culpabilité :

« On savait tous les deux... »

Un an. Ils ont laissé une année entière à Norvel pour fomenté sa revanche. Ce n'était même pas comme s'ils l'avaient oublié ; ils en parlaient parfois, le regard sombre, frustrés par les pistes infructueuses, les informations imprécises. Ils se sont crus invincibles, intouchables. Norvel a raison ; c'est leur orgueil qui les a mené à leur perte.

Et Avalon peut accuser Roy ; au fond, elle sait très bien que sa responsabilité est aussi engagée que la sienne. Elle n'a rien à voir avec les origines de leur conflit, mais elle y a pris part. Elle y a pris part un an plus tôt, en accordant sans sourciller son aide à Roy. Elle y a pris part pendant les mois qui se sont écoulés ensuite, en envoyant ses équipes traquer Norvel et ses hommes. Elle y a pris part parce qu'elle a épousé Roy, parce qu'elle a pris son nom et parce qu'elle savait que ce choix était lourd de sens.

Avalon ne peut même pas faire semblant de découvrir la violence de ce monde. Elle la connaît aussi bien que Roy, ou peut-être différemment parce qu'elle est née dedans et que ses yeux d'enfant ont eu des années et des années pour s'y accoutumer. Elle a grandi parmi les dealeurs, les menaces, les règlements de compte, les coups, les humiliations, les meurtres, les sévices. Elle a eu la chance d'en être préservée en raison de son éloignement dans le monde sorcier, mais elle sait. Et c'est avec ce savoir qu'elle s'est engagée dans cette première mission contre Norvel, c'est avec ce savoir qu'elle a épousé Roy, c'est avec ce savoir qu'ils ont fondé leur famille sur le sol anglais.

Avalon se sent idiote. Idiote d'orgueil et de prétention.

Et pour ça, elle ne peut blâmer personne d'autre qu'elle.

« Je savais aussi. » chuchote-t-elle à son oreille. Elle ne sait même pas si elle fait ça pour se flageller ou pour le consoler. « Je savais aussi... On aurait dû faire quelque chose, on aurait dû mieux la protéger... »

Sa voix se brise sur ce dernier mot, sous le poids de l'angoisse qui peine à refluer. Elle donnerait tout ce qu'elle possède pour revenir quelques heures en arrière, à ce moment précis où tout à basculer. Ils n'auraient jamais dû laisser quiconque emmener leur fille loin d'eux. Jamais.

« J'ai eu tellement peur... » souffle Avalon à travers ses larmes. « J'ai cru que tu allais mourir. J'ai cru que... Que je vous avais perdu tous les deux. » Cette pensée fait redoubler ses sanglots. A son tour, elle s'accroche à son mari, comme pour le sentir vivant sous ses mains. Son discours devient incohérent, confus. « Je peux pas... Je peux pas vivre ça. Tu étais mort... Tu étais mort dans mes bras, Alma avait disparu et... Je peux pas. Je peux pas, il faut que ça s'arrête. »

Avalon ne sait même pas ce qu'elle met derrière « ça ». La peur indélébile inscrite dans sa chair. L'angoisse qui compresse son cœur. La douleur qui imprègne ses muscles, qui tord son ventre à l'endroit où Norvel l'a blessé. Tout. Cette vie où leur vie est mise à prix. Tout. Ce monde cruel dans lequel leur fille de trois semaines a été précipitée. Tout.


Avalon Calder

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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMar 28 Mar 2023 - 20:17
Le temps s’arrête pendant que les deux époux s’effondrent dans les bras l’un de l’autre. Il n’y a rien d’autre que leur détresse immense qu’aucun corps ne pourrait contenir et qu’ils sont forcés de laisser s’écouler hors d’eux. Leurs sanglots viennent libérer des craintes qu’ils ont toujours eues mais qu’ils ont enterrées au fond d’eux pendant des années pour ne pas les voir et se maintenir dans leur vie de folle allure. Peur de mourir, peur d’échouer, peur de perdre leurs proches. Ils ont été éprouvés de la plus dure des manières dans leurs plus grandes faiblesses. Et même s’ils ont réussi à s’en sortir, ils n’en sont pas revenus indemnes. Roy a laissé une part de lui dans cet entrepôt sinistre, il le sait, parce qu’il sent encore un vide au creux de lui, alors même qu’il a retrouvé les êtres chers à son coeur.

Il n’y a pas assez de mots pour exprimer le désespoir qui l'étreint. Les seuls mots que Roy parvient à prononcer sont ceux pour exprimer le lourd poids culpabilité qui n’a pas quitté le fond de son estomac depuis qu’Alma a disparu. Il se sent coupable, indigne d’être le mari d’Avalon et le père d’Alma. Une part de lui a l’impression qu’il n’a plus sa place auprès d’elles, après les avoir mises dans un tel danger. L’autre part s’accroche à leur présence et à leur amour comme il s’est accroché à la vie quelques heures plus tôt. Il prie pour leur pardon, parce qu’il ne peut pas concevoir une vie sans elles. Il s’agrippe aux bras de sa femme comme s’il était en train de se noyer.

Il se noie et cette sensation est familière. C’est celle que la Mort lui a laissée en l’effleurant tout à l’heure. La sensation de plonger dans une abysse de regrets, de désespoir, de remords, de solitude. Il n’aurait pas supporté de laisser sa famille derrière lui. Il n’aurait pas supporté non plus de les voir partir. A chaque instant où il a vu Avalon souffrir, il a souffert avec elle, comme si c’était lui qu’on torturait d’un sortilège Impardonnable ou qu’on poignardait dans le ventre. Si elle avait perdu la vie, il aurait perdu la sienne aussi. Il aurait erré sur Terre, aussi mort et vivant qu’un fantôme.

Alors il est immensément reconnaissant de la sentir respirer dans ses bras, de l’entendre pleurer près de son oreille. Il pleure aussi pour remercier, dire son soulagement, implorer le destin, Dieu, ou toute puissance supérieure qui puisse l’aider à préserver les siens. Parce que lui, il a échoué. Il a appris une terrible et cruelle leçon d’humilité aujourd’hui, le genre de leçon dont il avait besoin pour chuter de son haut piédestal de chef mafieux craint et respecté. Il n’est pas tout puissant, il n’est pas intouchable, il n’est rien. Rien qu’un homme faillible, fragile et vulnérable. Un homme trop orgueilleux qui, lancé dans sa course au pouvoir et à la richesse, s’est brûlé les ailes et a bien failli disparaître pour toujours.

Le plus insupportable est que dans sa chute, il a failli entraîner avec lui les personnes qu’il aime le plus. Quand il entend Avalon lui faire part de sa propre culpabilité, il secoue la tête en signe de négation et serre ses mains dans les siennes. Elle savait, c’est vrai, elle savait dans quoi elle s'engageait avec lui. Mais elle n’a rien provoqué, elle a simplement fait le choix de l’accueillir et l’accepter entièrement dans sa vie, lui et toutes ses casseroles.

« Mais c’est moi qui suis à l’origine de tout ça et je… Je t’ai entraînée là-dedans. Et maintenant, notre bébé… » Il n’aurait jamais dû impliquer Avalon en premier lieu. Laisser ses proches en-dehors de ses problèmes mafieux, c’est quelque chose qu’il s’est toujours promis de ne pas faire. Avec Avalon, la frontière a toujours été un peu floue parce qu’elle côtoie de près les Veilleurs. Il s’en veut de ne pas l’avoir tracée plus nettement. « Je suis désolé… » murmure t-il en étouffant un sanglot.

Roy se redresse légèrement pour pouvoir la regarder. Il essaye de reprendre son souffle, essuie avec sa paume ses joues humides, frotte ses yeux gonflés. Avalon, elle, se met à sangloter de plus belle tandis qu’elle tente de poser des mots sur la peur qu’elle a ressentie. La voir dans cet état lui fend le coeur. Il frémit à ses paroles qui ravivent cette peur si intense qu’elle décrit et qu’il a ressentie aussi. Il l’a ressentie pour elle, pour Alma mais aussi pour lui-même. Des frissons le saisissent encore quand il repense au contact froid du sol en béton dans son dos et à la sensation de ses vêtements trempés par son sang brûlant. Il n’arrive pas à poser des mots dessus, il se tait, lève simplement la main pour pouvoir la poser sur la joue d’Avalon, dans un geste de réconfort.

Il est là, maintenant.

Il sent la pression des mains de sa femme qui s’agrippe à lui comme pour s’assurer qu’il ne disparaisse pas. Elle ne peut pas, répète t-elle, bouleversée. Elle ne peut pas revivre ça, comprend t-il.

Il faut que ça s’arrête.

Cette phrase résonne chez lui. Il ressent la même urgence à tout mettre à l’arrêt. Il veut que le monde s’arrête de tourner, le temps qu’il se remette de cette catastrophe qui a ébranlé toutes ses croyances et détruit toute son estime de lui-même. Il a envie de rester dans une bulle où il n’y a que sa femme et leur fille, sans personne pour venir la perturber. Il ne veut pas sortir de cette bulle tant qu’il n’a pas la ferme certitude qu’ils ne sont plus en danger.

Et il sait très bien par quoi il doit commencer pour assurer leur sécurité.

Il trouve en lui un courage insoupçonné, une détermination qu’il ne pensait pas avoir pour faire une promesse qui lui semble couler de source à cet instant :

« Ça va s’arrêter, je te le promets. » Dans ses deux mains, il presse la main libre d’Avalon, celle qui n’est pas occupée à tenir leur fille contre sa poitrine. « Je peux pas vous perdre non plus. Ça ne nous arrivera plus jamais. Je vais tout arrêter. Les Veilleurs, la mafia… Tout. Moi aussi, je… Moi aussi, je peux plus. »

Sa voix tremble sur cette dernière phrase car il réalise ce qu’il ressent en même temps qu’il le dit à Avalon. Il ne peut plus. Il n’en peut plus. Depuis combien de temps ? Difficile à dire à quel moment de sa vie exactement il a commencé à sentir que ce qui lui procurait tant d’adrénaline et de reconnaissance est devenue une braise brûlante qu’il tient difficilement dans sa main.

Pourtant, il a eu des coups d’éclats à des moments qui auraient pu le mettre sur la voie et lui permettre d’admettre plus tôt l’évidence. Ce n’est pas ce soir qu’il se sent brusquement arriver à la fin de quelque chose. Cela fait bien plus longtemps. Il songe aux longs mois de réflexion qu’il a dû prendre pour savoir s’il voulait occuper sa place de père auprès de Teresa, parce qu’au fond de lui, il était déjà bien conscient qu’il y avait quelque chose de fondamentalement incompatible avec ses activités mafieuses. Il repense à ce qu’il a dit à Jason, onze mois plus tôt, dans ce café où ils ont été pris en otage. Même son frère a été plus lucide que lui, décelant des contradictions dans son discours qu’il n’admettait pas.

« Je comprends pas, t’es prisonnier ou vivant, là-dedans ? » lui avait-il dit.

Roy n’avait pas su répondre, à l’époque. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, il ne peut plus dire qu’il se sent vivant là-dedans, pas après ce qu’il vient de traverser. Pas après avoir vu la mort prête à le cueillir. Pas après avoir vu sa vie défiler dans son esprit, ses meilleurs souvenirs comme les plus terribles. Il se rend compte qu’il n’a songé à aucun moment à toutes les prétendues victoires qui ont ponctué sa carrière de mafieux. L’image de ses coffres forts plein à craquer de Gallions ne lui a même pas effleuré l’esprit. Les moments de gloire qu’il a pu connaître, après un duel hargneux ou une négociation bien menée, non plus. Il n’a pensé qu’à sa famille et ses amis, au temps qu’il a passé avec eux, aux moments trop nombreux qu’il a manqués et à ceux qu’il voudrait vivre avec eux. Il n’a pensé qu’à la douceur des bras d’Avalon et de ses deux filles.

C’est évident.

« J’arrête tout. »

Et cette fois-ci, sa voix ne tremble pas, son regard ne vacille pas. Roy se lève pour s’installer à côté d’Avalon et l’attirer dans ses bras. Il sent ses larmes couler moins vite, moins abondamment, comme si la décision qu’il vient de prendre apaise quelque chose chez lui. De sa main, il caresse le dos de sa femme.

« C’est fini, mon amour. C’est fini… »


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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMar 28 Mar 2023 - 22:39
Il faut que ça s’arrête. Il faut que le danger disparaisse, que la peur reflue, que l’angoisse se tasse. Ils ne peuvent pas vivre ainsi, suspendus au-dessus du vide et redoutant à chaque seconde que quelqu'un scie la corde qui les maintient en vie. Ils ne peuvent plus fermer les yeux, prétendre maîtriser un univers sur lequel ils n’ont aucune prise. Ils ne doivent plus fermer les yeux ; désormais, Alma dépend d’eux et des choix qu’ils font.

Il faut que ça s’arrête.

Il faut que Roy arrête.

Cette pensée s’impose à Avalon au moment où il lui en fait la promesse. Elle hoche la tête à plusieurs reprises, incapable de formuler un mot à travers ses sanglots étouffés, mais un poids s’allège en elle. Avalon prend conscience qu’elle n’aurait jamais accepté une autre réponse, qu’elle n’aurait pas supporté entendre Roy négocier, argumenter, marchander. Ce besoin urgent trahit une promesse qu’elle lui a fait, quelques mois plus tôt ; celle de ne jamais lui demander de quitter ce monde dans lequel il évolue depuis des années, ce monde qu’elle-même n’a jamais vraiment abandonné non plus. Roy a construit sa vie autour de la mafia ; il a bâti un empire auquel il n’a jamais fait mine de vouloir renoncer. Avalon le sait depuis le jour où ils se sont embrassés pour la première fois, depuis cette nuit où il lui a dit qu’il l’aimait. Elle le sait depuis des mois et a toujours assuré qu’elle ne lui ferait jamais choisir entre elle et cet univers. Pourquoi aurait-elle eu besoin de le faire ? Elle fait partie de cet univers.

Mais cette naïve promesse éclate en morceaux, s’envole sans même qu’elle ne cherche à la retenir. Roy doit arrêter. Il doit arrêter pour eux, pour elle, pour lui, pour Teresa et pour Alma. Il doit arrêter parce qu’il a failli mourir dans ses bras aujourd’hui et que l’idée que peut-être – peut-être – un évènement similaire puisse se reproduire un jour lui donne envie de pleurer, de vomir et de lui faire jurer, encore et encore, qu’il cessera ses activités mafieuses.

Avalon n’est pas naïve ; il y aura toujours un ennemi. Un ancien compagnon lésé, un jeune un peu trop ambitieux, un rival fou de rage. La place de Roy est autant crainte et respectée que convoitée.

Et si cette idée n’a jamais été complètement absente de l’esprit d’Avalon, elle prend désormais toute la place, s’imprime dans chacune de ses pensées. Il faut qu’il arrête.

Alors Avalon ne cherche pas à questionner cette promesse spontanée. Elle ne lui dit pas de prendre le temps d’y réfléchir, elle ne lui demande pas s’il est certain. Elle hoche la tête parce qu’elle sait qu’il s’agit de la seule décision sensée, de l’unique choix possible dans cette situation.

On leur a pris leur fille. Sa vie a été menacée pour les punir, pour les contrôler, pour les faire ployer.

Plus jamais.

Soulagée de ce poids silencieux, Avalon se laisse entraîner contre son mari qui s’est installé à côté d’elle. Elle pose sa tête contre son épaule, ferme les yeux pour faire tarir les larmes qui coulent inlassablement sur ses joues comme autant de signes de ce désespoir qui s’exprime à retardement. Roy la berce. C’est fini, répète-t-il en boucle et Avalon saisit l’ampleur de cette phrase. C’est fini. Tout est fini. Elle inspire longuement, sent les battements de son cœur ralentir après cette explosion incontrôlable. Elle sent la poitrine de Roy se soulever à intervalles réguliers, elle perçoit son souffle dans ses cheveux et savoure ces minuscules détails qu’elle ne remarquait qu’à peine et qui, à l’espace de quelques secondes, lui ont cruellement manqués. C’est fini.

Lorsqu’elle ouvre les yeux, son regard tombe sur le visage d’Alma. L’agitation autour d’elle a dû la réveiller car elle la dévisage avec ses grands yeux noirs. Un sourire étire faiblement les lèvres d’Avalon et, du bout des doigts, elle caresse la joue de sa fille.

« Regarde-la, murmure-t-elle à l’intention de Roy. C’est la plus belle chose qu’on ait faite ensemble. » De sa main libre, elle serre doucement la sienne. « Je sais que tu aurais pu donner ta vie pour la sauver, là-bas. Moi aussi, confesse-t-elle d’une voix éraillée. Et maintenant… Maintenant il faut qu’on continue. Tu arrêtes tout et on lui donne la vie qu’elle mérite. »

Une autre vie, loin de la violence, des conflits, des règlements de compte, des rivaux perfides, des alliés véreux. Une autre vie pour cette toute petite fille qui les observe en s’agitant doucement. Une autre vie pour eux.

Avec précaution, Avalon se redresse et pivote légèrement pour faire face à son mari. Elle ne parvient pas à retenir une grimace en voyant son visage marqué par la fatigue et la magie.

« Comment… » « Tu vas » s’apprête-t-elle à lui demander mais les derniers mots meurent sur ses lèvres. Elle a déjà la réponse à cette question. « Qu’est-ce que les médicomages t’ont dit ? » achève-t-elle finalement soucieuse. Elle pose doucement sa main contre son torse. « Le sort… Les plaies… ? »


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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMar 28 Mar 2023 - 23:51
Sans dire un mot, Avalon accepte sa promesse et l’approuve d’un hochement de tête, entre deux sanglots. Elle ne cherche même pas à comprendre, à lui demander s’il est certain, comment il compte s’y prendre. Tout comme à lui, cette décision lui paraît logique. Elle est même la seule acceptable. Roy a essayé de tenir toutes ses contradictions, de s’écarteler entre sa vie de mafieux et ses responsabilités de père, entre ses dangereuses ambitions et son besoin de protéger sa famille. Il ne peut pas construire la paix autour de ses proches tout en s’enfonçant dans un monde régi par la violence et le sang. Tant qu’il n’était que lui et ses trois fidèles amis, tout aussi impliqués les uns que les autres, cela avait du sens de rester, d’avancer ensemble, de se soutenir, de braver tous les dangers, leurs choix n’engageaient qu’eux. Maintenant qu’il a deux filles, qu’il a épousé Avalon et qu’il a promis d’offrir un foyer stable à Vivianne, il ne peut plus prendre de tels risques. Il doit faire un choix.

Et quand il pose ses yeux sur le visage de sa fille endormie, le choix est évident. Il n’y a rien qu’il ne désire plus que de préserver son sommeil de cauchemars et l’envelopper dans un cocon de paix et d’amour.

C’est exactement ce qu’Avalon murmure, en caressant la joue d’Alma qui s’éveille doucement. Roy les contemple toutes les deux de ses yeux encore rougis d’émotion et pour la première fois depuis trop longtemps, il esquisse un sourire.  

C’est la plus belle chose qu’ils aient faite ensemble, la plus belle preuve de leur amour.

Il approuve d’un hochement de tête et essuie une dernière larme qui roule sur sa joue, une larme douce, réconfortante.

« On lui donnera tout » promet-il. Du bout de ses doigts, il effleure le front d’Alma. Il se penche légèrement pour déposer un baiser dans ses fins cheveux noirs. « Tout ce qu’il y a de meilleur dans ce monde… »

Il s’accroche à cette pensée, cette promesse pleine d’espoir, pour atténuer le chagrin et la culpabilité qui lui serrent encore l’estomac. Il se répète les mêmes mots qu’il a soufflés à Avalon dans une litanie pour la réconforter tout à l’heure.

C’est fini.

C’est fini.

Le déferlement d’émotions qui l’a saisi en rentrant dans la pièce se tempère doucement. Roy sent alors tout son corps se décharger de cette tension insoutenable qui lui a permis de tenir debout malgré son état. Quand Avalon l’interroge avec un regard soucieux, il prend conscience des signes de son corps qu’il a ignorés pour venir jusqu’ici. Ses épaules s’affaissent, une lassitude le gagne, la douleur sur ses plaies et ses nombreux hématomes se réveillent.

« Je… je sais pas » réalise t-il. « J’ai perdu connaissance à l’entrepôt, tout est flou… » Roy était dans une demi-conscience quand Fergus a terminé les premiers soins et qu’un groupe de Veilleurs est venu le transporter. Il n’y avait que des bribes de souvenirs dans son esprit, des sensations plus que des images. L’urgence, la panique, l’inquiétude autour de lui. Il baisse les yeux vers les bandages qui ceignent son torse et qu’Avalon recouvre de sa main. Il fronce les sourcils en ressentant de nouveau des fourmillements sur cette zone, comme de minuscules épines s'agitant sous sa peau. « Je… sens que c’est de la magie noire. » Il n’a pas besoin d’essayer de se souvenir des mots des médicomages pour le savoir, il le sait dans sa chair traumatisée. « Je suis venu directement ici en me levant, y avait que Jayce et Toni dans ma chambre. Ils m’ont juste dit que je devais me reposer. » Il ajoute, pour faire bonne mesure : « Mais ça va. »

Il lève les yeux vers Avalon tandis que ses pensées se dirigent naturellement vers elle.

« Et toi ? » Si les souvenirs après le dernier maléfice de Norvel sont très vagues pour lui, il n’a en revanche rien oublié de ce qui s’est passé avant. Et juste avant de perdre connaissance, Avalon saignait sous l’effet d’un cruel sort. Le visage de Roy se froisse à ce souvenir, il baisse un regard inquiet et troublé sur le ventre de sa compagne, en partie masquée par le petit corps d’Alma. « Ton ventre… ? »


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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMer 29 Mar 2023 - 11:44
Les paroles de Roy scellent une promesse nécessaire. Ils feront mieux, semblent-ils jurer au-dessus de leur fille. Ils lui offriront tout ce que la terre possède de meilleur, tout ce que leurs cœurs peuvent renfermer de bon et éloigneront de son quotidien le danger, la peur, la violence. Alma grandira préservée de ce monde que ses parents aiment autant qu’ils détestent, ce monde cruel, fascinant, terrible, familier, violent, grisant. Un monde dans lequel un enfant n’a pas sa place. Ils le savent depuis longtemps mais ont agi avec une insouciance dangereuse, presque criminelle.

Et ils en ont durement payé le prix.

Désormais, il faut faire mieux.

Soigner les blessures du corps à défaut de guérir les plaies de l’âme. Et faire mieux.

L’émotion reflue doucement, Avalon essuie ses joues humides et se tourne vers son mari pour lui faire face. Il est dans un état inquiétant ; son visage n’a pas encore retrouvé toutes ses couleurs, un hématome noircit son front et la peau de sa joue est légèrement boursouflée, malgré les soins. Avec précaution, elle baisse les yeux et trouve les bandages qui entourent son abdomen puis hoche la tête lorsqu’il confesse sentir encore les effets de la magie noire sur son corps.

« C’était un Sectumsempra. » Sa voix tremble un peu. Elle se rappelle de tout. Son corps qui s’effondre, le sang, l’épuisement. « Je ne connaissais pas le contre-sort, j’ai juste réussi à ralentir l’hémorragie mais… » Elle lève un regard inquiet vers lui. « Tu as perdu beaucoup de sang. »

Lorsqu’il lui retourne la question, elle grimace légèrement comme si son corps se rappelait à elle. Elle se sent épuisée ; tous ses muscles sont ankylosés, endoloris, en proie à une douleur fantôme qui peine à refluer. Un hématome s’étale sur sa mâchoire, à l’endroit où Norvel lui a asséné un coup quelques secondes avant l’arrivée des Veilleurs. Son ventre est meurtri, la tire douloureusement.

« Ça ira. » affirme-t-elle pourtant parce qu’elle se sent incapable de mettre des mots sur cette douleur. Tout est encore trop vif et Avalon ne parvient qu’à attraper des images et des sensations qui ont marqué sa chair mais qui ne peuvent pas encore se dire. Les mains sur son corps, sa peau qui semble fondre, la fumée qui brûle ses poumons, son ventre qui se déchire. « J’étais inconsciente quand les médicomages sont passés mais Fergus m’a dit que la plaie devrait se résorber d’ici les prochains jours. Je dois juste garder un bandage pour éviter qu’elle s’infecte. Ça me fait un peu mal, admet-elle avant d’ajouter à son tour, comme un réflexe familier et presque rassurant : mais ça va. »

Le sujet de leurs corps meurtris plane encore quelques secondes entre eux. Les questions qui fusent dans l’esprit d’Avalon meurent avant même d’avoir atteint ses lèvres. Elle finit par renoncer à les formuler.

« Tu dois te reposer. » lui intime-t-elle. Elle se décale légèrement sur le lit, redresse un peu les oreillers contre lesquels elle s’est appuyée pour allaiter Alma. « Viens, allonge-toi. »

Elle baisse les yeux vers sa fille qui, dans ses bras, s’agite doucement. Un sourire s’étire sur son visage à cette vision. « Et si tu allais voir un peu ton papa ? Tu lui as beaucoup manqué aussi… » Son regard retrouve celui de Roy : « Je peux peut-être la poser sur toi, ça te fatiguera moins que de la tenir dans tes bras. »

Avec précaution, Avalon dépose Alma sur le matelas, le temps de lui retirer son body afin qu’elle ne soit vêtue que d’une simple couche. Ses yeux inquiets parcourent son corps, comme pour y trouver un signe de ce sa fille a pu vivre pendant ces quelques heures où elle était loin d’elle. Mais la peau d’Alma ne présente aucune anomalie, ce qui ne parvient pas à rassurer totalement Avalon. Son sourire tremble un peu lorsqu’elle la prend à nouveau dans ses bras pour la poser avec prudence contre le torse de Roy, à un endroit où il ne présente aucune blessure.

Pendant les trois semaines où Alma a été hospitalisée, ils ont pris l’habitude de la garder ainsi contre eux, peau contre peau. Souvent, Alma s’endort ainsi, bercée par la respiration et les battements de cœur.

« Et voilà… » fait Avalon en caressant doucement le dos de sa fille. Elle tire un drap pour recouvrir le corps de Roy et celui d’Alma puis se glisse en dessous à son tour. Elle pose la tête sur l’épaule de son mari, savoure ce bonheur simple, ce bonheur évident. Ce bonheur qu’elle voudrait éternel.



Avalon Calder

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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeMer 29 Mar 2023 - 23:39
Les images du moment où Roy s’est effondré au sol sont partielles et confuses. Il garde surtout des impressions, des sensations. Il se rappelle avoir entendu sa voix, prise de désespoir, le supplier de s’accrocher, de rester avec elle. Son coeur se serre à cette pensée, alors qu’il essaye de se mettre à sa place : il n’a déjà pas supporté de voir sa femme sous l’emprise du Doloris, il ne pouvait pas l’imaginer se vider de son sang sous ses yeux.

Mais le souvenir qui le marque le plus, c’est la sensation de la présence enveloppante d’Avalon autour de lui, à un moment où il sombrait, comme si elle essayait de l’attraper dans ses bras pour le remonter vers la surface. Une sensation qui prend sens au fil du discours de sa femme. Roy la contemple tandis qu’il réalise ce qu’elle a fait pour lui pendant qu’il basculait dans un interstice entre la vie et la mort. Il saisit la main d’Avalon dans la sienne et la presse dans un geste où il tente de faire passer des émotions difficiles à exprimer par des mots. L’idée qu’elle ait pu voir la vie le quitter au point d’avoir peur de le perdre pour de bon lui laisse des frissons d’horreur, parce qu’il sait qu’il n’aurait pas pu le supporter à sa place. Et il mesure d’autant plus le courage et le sang-froid dont elle a su faire preuve en ralentissant son hémorragie, le temps que les secours arrivent.

Il n’y a pas de mots pour exprimer tout ce qu’il lui doit.

« Je m’en serais pas sorti sans toi » souffle t-il.

Il n’aurait jamais pu mener cette mission sans elle, ils s'en sont sortis de justesse, grâce à un enchaînement complexe d’événements qu’ils devaient en partie à leur adresse mais aussi beaucoup à leur chance et à leurs amis. Si Avalon n’avait pas été présente, Roy ne serait plus là pour en parler. Encore une fois, elle a été son meilleur soutien et sa plus grande force dans les pires épreuves, comme ils se le sont promis, lors de leur mariage.

Pour le meilleur et pour le pire.

Et ils n’ont pas fini d’être présents l’un pour l’autre, dans cette longue et douloureuse phase de reconstruction qui se présente à eux. Pour le moment, tout ce dont ils parviennent à parler concerne leurs douleurs physiques. Le reste est encore trop vif, trop brûlant. Ils ne s’y aventurent pas. Roy baisse les yeux vers son ventre, s’efforce de repousser l’angoisse terrible qui l’a saisie en la voyant blessée à cet endroit. Il s’accroche aux paroles plus rassurantes d’Avalon.

« Tant mieux, répond t-il en passant sa main dans le dos de sa compagne. On fera attention. »

Ils feront attention à tout, désormais. Roy le sait déjà, il sent au fond de lui qu’il est encore en état d’alerte, un état qui ne s’effacera pas de sitôt.

Avalon lui témoigne déjà sa préoccupation en le poussant à s’allonger sur le lit, à côté d’elle. Roy ne cherche pas à lutter. Il se sent épuisé, fourbu, éprouvé. Il n’y a rien qu’il désire davantage que de trouver la paix et le repos auprès de sa famille. Avalon semble comprendre ce besoin sans même qu’il ne l’ait à l’exprimer. Son coeur tressaille dans sa poitrine à la proposition qu’elle lui fait. L’époque où il pouvait tenir sa fille contre lui en peau à peau lui parait si lointaine, presque irréelle, que Roy en ressent un manque presque physique. Un manque qui s’apaise aussitôt qu’Avalon dépose Alma sur une parcelle de peau de son torse découvert et cerné de bandages. Il l’accueille avec précaution, en posant une main sur le dos de son bébé et en s’assurant qu’elle est bien installée. Il grimace légèrement en cherchant la position qui lui convient aussi et qui le fait le moins souffrir. Il laisse Avalon venir contre eux et compléter ce doux moment de retrouvailles.  

Puis il s’immobilise et il se met à écouter sa fille. Sa respiration, ses battements de coeur, sa vie qui palpite et frémit sous sa peau chaude. L’émotion le gagne à nouveau, tandis qu’il éprouve la même prise de conscience qu’il a eue en entrant dans la pièce tout à l’heure.

Alma vit et elle se porte bien. Il pourrait en pleurer de soulagement.

« Mon bébé… On est là maintenant. » murmure t-il. Sa main recouvre entièrement le tout petit dos d’Alma qui gigote légèrement sur lui. Ses yeux rencontrent ceux de sa fille, aussi noirs que les siens. « Pardon… Tu as dû avoir peur, sans nous. »

Roy ne peut que projeter ses propres inquiétudes sur elle et cela le frustre terriblement de ne pas pouvoir savoir ce qu’elle a vécu et ressenti pendant qu’elle était loin d’eux. A cet instant, cette incertitude lui paraît insupportable. Comment peuvent-ils s’assurer qu’elle va bien ? Qu’a t-elle ressenti loin de ses parents ? Est-ce qu’elle a éprouvé un manque ? Est-ce qu’elle a eu peur, elle aussi ? Est-ce qu’il va lui rester des séquelles de cette journée traumatisante ? Est-ce qu’elle a subi quelque chose, là où elle était ?

Son esprit s’arrête sur cette dernière pensée terrifiante.

Il bouge légèrement la tête, croise le regard d’Avalon.

« On devrait demander aux médic’ de l’examiner, elle aussi. »


Roy Calder

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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeJeu 30 Mar 2023 - 15:42
La remarque de Roy tire à Avalon un vague sourire, quelque chose qui s’apparente davantage à une grimace. Se replonger dans ce moment lui procure une sensation d’étouffement, comme si elle se noyait à nouveau dans ce désespoir, dans ce cauchemar qui semble avoir pris fin et qui, pourtant, est réactivé par chacun de leurs échanges. Une part d’elle veut oublier. Oublier la peur, oublier le sang, oublier sa lutte contre l’épuisement. Fermer les yeux sur ce jour et ne plus jamais y revenir. C’est un désir naïf, un désir humain.

Un désir impossible.

Avalon a conscience que son corps porte désormais les marques de la peur, les cicatrices de cette angoisse vertigineuse. Il n’y a rien à faire et, s’il y aurait en revanche beaucoup de choses à dire, les mots lui manquent pour les exprimer.

En guise de réponse, elle serre doucement les doigts de Roy entre les siens. Son regard s’accroche au sien un bref instant. Quelques secondes d’un échange silencieux pour dire le soulagement et la reconnaissance sans masquer la peur sous-jacente qui danse au fond de ses yeux. Ce moment qui effleure leurs blessures se ferme avant que ces dernières ne se remettent à saigner.

Puis Roy s’allonge, accueille Alma sur sa poitrine dans une posture à la fois familière mais qui, dans ce contexte lourd d’émotions, semble presque lointaine. Ils se retrouvent tous les trois au cœur d’une étreinte nécessaire et salvatrice. Les yeux d’Avalon ne quittent pas sa fille, comme pour se rassurer et s’abreuver de sa présence. Alma est là, vivante. Elle s’agite doucement sous les caresses de ses parents, cherche leurs regards, soupire, gémit. Elle est là, sous leurs yeux, sous leurs mains.

Et pourtant, quelque chose manque.

C’est une sensation curieuse, comme un vide qui se remplit mais reste vide, comme un cœur qui se remet à battre mais demeure à l’arrêt, comme un souffle qui gonfle des poumons mais se coupe. C’est le manque de ces dernières heures, ces heures qu’ils ne récupèreront jamais et pendant lesquelles Alma était loin d’eux, dans un lieu qu’ils ne connaissent pas, sous la surveillance d’hommes qui n’ont pas hésité à menacer sa vie. En l’espace de deux heures, Avalon et Roy ont joué avec la mort, dansé avec la souffrance, défié la vie. Et Alma ? Qu’a-t-elle vécu pendant que ses parents étaient plongés en Enfer ? De quoi sont capables des hommes prêts à assassiner une enfant ?

Le regard que Roy tourne vers elle exprime les mêmes pensées, les mêmes inquiétudes. Sa remarque lui noue le ventre et, avec appréhension, elle hoche la tête.

« Je sais… » Avalon caresse doucement la minuscule main d’Alma, posée contre le torse de son mari. « Ça me rend malade de pas savoir ce qu’elle a pu subir ou voir… » confesse-t-elle à voix basse. « J’ai regardé, il n’y a rien sur sa peau mais… » Mais le doute persiste, s’ancre dans sa tête. L'idée que sa fille ait été vulnérable entre les mains de ces hommes lui donne la nausée. « On sait de quoi ils sont capables. »

Ils ont vu leur magie à l'œuvre, ils en ont même été victimes. Rationnellement, Avalon peut admettre que les hommes de Norvel n'auraient eu aucun intérêt à blesser Alma ; elle était le levier pour faire céder ses parents. Mais Avalon n'est pas rationnelle et le fait que sa fille soit bien trop petite pour pouvoir s'exprimer n'aide en rien ; elle ne peut que projeter ses peurs sur cette ignorance insupportable.

Lorsqu'une idée effleure son esprit, Avalon ne la délivre pas immédiatement à Roy. Elle la pèse avec prudence et hésitation. Sentant le regard de son mari sur elle, elle finit par se lancer :

« On pourrait peut-être avoir des réponses si on avait accès à des souvenirs... » Elle a entendu Fergus dire qu'ils avaient fait captifs plusieurs hommes pendant cette opération. Elle lui explique son ambivalence en triturant le drap qui les recouvre : « Après tout ça, j'ai juste envie que tout s'arrête... Pas d'aller arracher des souvenirs à ces types qui ont kidnappé Alma mais... » Son menton tremble légèrement sous le coup de la colère et de la fatigue. « Mais ce serait insupportable de pas savoir ce qui s'est passé pour elle. »


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Roy Calder
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Wrecked [Avalon & Roy | Mafia acte III] Icon_minitimeDim 2 Avr 2023 - 23:35
Roy tressaille légèrement aux mots d’Avalon qui réveillent chez lui une appréhension terrible. Il baisse les yeux vers leur fille, qui gigote tranquillement contre eux. Rien ne semble différent chez elle. Et pourtant, tout a changé.

Et si les maux n’étaient pas physiques ? Et s’ils étaient bien plus profonds, invisibles ? Pendant la grossesse d’Avalon, les médicomages leur avaient souvent dit que le foetus pouvait sentir les émotions de leur mère, dont il partageait le corps. Que restait-il de cette connexion presque mystique, maintenant ? Alma n’avait que trois semaines, elle partageait encore le corps d’Avalon d’une certaine manière, puisqu’elle en était dépendante. Est-ce qu’elle pouvait sentir la peur et l’inquiétude de sa mère quand elle lui donnait le sein ? Est-ce qu’elle pouvait sentir les blessures de son père, maintenant qu’il la tenait contre sa peau nue ?

Et pendant ce moment à la fois court et atrocement long où Alma leur avait été retirée, qu’avait-elle ressenti ? La faim, la soif ? La peur, la douleur ? Est-ce que ses ravisseurs l’avaient maltraitée ? Délaissée ? Toutes ces questions affluent dans l’esprit de Roy comme une avalanche impossible à réprimer et à contenir. Il frémit déjà d’horreur à l’idée que sa fille puisse être marquée d’une quelconque manière par les événements qu’ils viennent de vivre. S’il y a une partie de son statut de père qu’il prend très à coeur, c’est son rôle de protection. Il ne pourrait pas supporter l’idée de n’avoir pas réussi à protéger sa fille, d’échouer déjà dans une fonction aussi primordiale alors même qu’Alma vient juste d’arriver parmi eux.

C’est Avalon qui le tire de ses pensées anxieuses et obsédantes en proposant une solution à laquelle Roy ne réfléchit pas longtemps. Il hoche la tête, sa prise se resserre légèrement sur le dos d’Alma, comme un geste instinctif pour mieux la maintenir contre lui.

« T’as raison » approuve t-il.

Pendant quelques secondes, il envisage d’être la personne qui va arracher ces précieux souvenirs dans l’esprit des captifs qui gisent dans la Voie des Miracles, sous la surveillance des Veilleurs. Quand on exerce un métier comme le leur, où les informations sont si importantes qu’elle peuvent vous coûter la vie, on apprend à protéger son esprit contre toute tentative d’incursion. Mais Roy connaît quelques sorts de torture très efficaces… Alors que son regard s’assombrit et que ses pensées plongent vers la part la plus noire et vengeresse de lui-même, il ressent brusquement un sursaut. Un mouvement de recul, comme s’il venait de mettre sa main sur une flamme sans y prêter gare, accompagné des mots qu’Avalon vient de prononcer.

« J'ai juste envie que tout s’arrête »

Lui aussi, il a envie que tout s’arrête. Il ne peut plus. La violence dans laquelle il se projette lui parait tout d’un coup insurmontable. Trop proche de ce qu’il vient de vivre. Trop incarnée en lui.

« Je peux en parler à Fergus ou Toni » déclare t-il alors, en repoussant ses sombres pensées, une grimace aux lèvres. « Ils sauront faire ça très bien… » Et il ne précise pas comment, conscient qu’Avalon devait parfaitement suivre le chemin de ses pensées. « Moi non plus, je peux pas supporter l’idée que… qu’il lui soit arrivé quelque chose et qu’on n’en sache rien. » Sa main se pose délicatement sur la tête d’Alma. « Et comme ça on peut découvrir aussi la nature exacte de leurs plans. »

Capturer quelques vivants pendant la bataille avait été une brillante idée de Fergus. C’était le meilleur moyen de s’assurer que d’autres mauvaises surprises ne les attendaient pas : une autre question qui taraude Roy mais qu’il finit par repousser de son esprit de toutes ses forces. Son corps ne semble plus pouvoir supporter une nouvelle source d’anxiété. Il ne supporte plus rien tout court. Un soupir épuisé s’échappe de Roy pendant qu’il conclut :

« On les laissera faire pendant qu’on essaye de… se remettre. »

Il ne trouve pas de mot plus adapté. La conversation s’éteint sur cette lourde décision, et peu à peu, Roy sent son corps éreinté par les émotions et les blessures reprendre ses droits. Il sait que leur situation est encore loin d'être résolue, mais il finit par laisser Avalon endormir Alma pendant que lui-même ferme les yeux, le temps d’un repos agité, incomplet mais nécessaire.

FIN DU RP ET DU DERNIER ACTE


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