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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeLun 20 Mar 2023 - 19:20
22 mars 2012

« Alors ça y est, c’est le grand jour ? »

Avalon leva la tête et découvrit le visage souriant d’Ella, une infirmière du service de néonatologie qu’elle commençait à bien connaître maintenant.

« Oui, répondit-elle avec un large sourire. Enfin… »

C’était le grand jour : ils étaient enfin autorisés à ramener Alma chez eux. Le médicomage était venu leur annoncer la bonne nouvelle hier, juste avant le dîner : leur fille était en bonne santé, elle avait atteint un poids correct pour un bébé de son âge et ses derniers examens étaient tous revenus normaux. Il n’y avait donc plus aucune raison de la garder hospitalisée.

Avalon avait eu du mal à y croire ; elle avait même demandé au docteur Mendez s’il était vraiment sûr ce qu’il avançait. Le médecin avait eu un rire bienveillant mais avait réitéré sa recommandation : Alma pouvait rentrer chez elle, désormais. Il faudrait qu’elle revienne dans quelques semaines, avait-il toutefois nuancé, afin qu’un nouveau bilan de santé soit réalisé mais d’ici-là…

D’ici-là, elle pourrait enfin connaître autre chose que les murs de sa chambre d’hôpital.

Avalon et Roy avaient eu du mal à contenir leur joie. Ils s’étaient enlacés, à la fois fébriles et soulagés. L’hospitalisation d’Avalon et d’Alma avait duré plusieurs semaines et ils n’aspiraient qu’à retrouver une vie normale, loin de Sainte-Mangouste, du ballet des infirmières, du bruit des machines. Cette nuit, Avalon avait eu du mal à trouver le sommeil, tant elle était impatiente de voir le jour arriver. Elle s’était levée à l’aube pour rassembler toutes les affaires qui avaient eu le temps de s’accumuler dans la chambre mais s’était aperçue que sa valise était bien trop petite pour toutes les contenir. Elle avait trouvé un sac en tissu et y avait fourré les derniers objets qui traînaient dans la chambre. Elle avait fait une pause pour allaiter Alma, puis pour l’habiller d’un adorable petit pyjama en laine blanche (qui finirait sûrement tâcher dans les trois prochaines heures, mais elle voulait marquer le coup).

Roy était arrivé une heure plus tôt, un large sourire sur les lèvres et un petit-déjeuner digne des grands jours entre les mains. Ils avaient mangé ensemble, si heureux à l’idée de se retrouver vraiment, loin de cet hôpital, loin de cette chambre qu’ils commençaient à connaître par cœur.

Ils avaient attendu le passage habituelle de l’infirmière, qui leur avait confirmé qu’Alma sortirait dans la matinée. Tout n’était plus qu’une question de temps.

« Ce qui est terrible, avec ce métier, commenta Ella avec un petit sourire, c’est qu’on est toujours aussi tristes qu’heureux de voir nos petits patients partir !
-Alma est le bébé le plus adorable que vous avez eu dans le service, avouez ?
-Evidemment.
-Et vous dîtes ça à toutes les mamans, n’est-ce pas ?
-Evidemment ! »

Avalon eut un rire et réajusta le petit bonnet blanc sur la tête de sa fille.

« Allez, je vous amène signer les papiers pour la sortie d’Alma. Le docteur Mendez les signera au poste de soins. »

Avalon et Roy s’apprêtaient à suivre l’infirmière, lorsqu’un autre soignant toqua quelques coups à la porte de la chambre. Blouse rose, visage souriant, cheveux masqués par une charlotte en tissu.

« Bon-jour ! lança-t-il à la cantonade. J’amène Alma faire son tout dernier examen avant de nous quitter !
-Un dernier examen ? s’étonna Ella en fronçant légèrement les sourcils. Ce n’était pas hier ?
-C’est pour le docteur Anderson, précisa l’infirmier. Elle aimerait vérifier une dernière fois sa fonction rénale, visiblement les images d’hier étaient un peu floues.
-Oh ! » Ella capta le regard surpris que partagèrent Avalon et Roy et s’empressa de leur expliquer : « C’est souvent le cas avec les nourrissons, ils gigotent beaucoup pendant les examens alors il faut parfois s’y reprendre à deux ou trois fois…
-Mais ça peut retarder sa sortie ? s’enquit Avalon, sans parvenir à cacher une pointe de déception dans sa voix.
-Sûrement pas, lui assura Ella. Le docteur Anderson veut juste être prudente. On peut tout de même faire les papiers, l’examen ne prendra que quelques minutes et vous serez autorisés à partir juste après.
-Tu vas avec elle ? s’enquit-elle en regardant Roy. Je peux m’occuper des papiers…
-Oh, ce n’est pas la peine, ne vous en faîtes pas, intervint l’infirmier. Le docteur Mendez va sans doute vouloir vous voir tous les deux pour dernières recommandations, de toute façon.
-C’est comme vous préférez. » fit Ella avec un sourire.

Avalon confia finalement Alma au soignant, qui l’installa dans un petit berceau monté sur des roulettes. Roy et elle suivirent Ella jusqu’au poste de soins ; l’infirmier, quant à lui, poursuivit jusqu’au fond du couloir et tourna à gauche. Ils signèrent une montagne de papiers administratifs, récupérèrent une partie du dossier médical de leur fille ainsi que plusieurs feuilles qui comportaient des recommandations sur le suivi de son état de santé. Le docteur Mendez passa les voir, les salua avec chaleur et leur distribua encore quelques conseils qu’ils écoutèrent attentivement.

« Eh bien, c’est le moment ! » finit par s’exclamer Ella en tapant dans ses mains. « On a les papiers, vous avez le dossier d’Alma, les recommandations des différents médicomages… Tout est en ordre.
-Alma est revenue ? demanda Avalon.
-De son examen ? Oui, sans doute, je viens de voir passer le docteur Anderson, elle descendait au bloc. Alma doit être de retour dans son berceau. » Ella eut un sourire. « Bon… Il est temps de nous dire au revoir, alors.
-Merci pour tout, Ella, lança Avalon avec sincérité.
-C’était un plaisir. Portez-vous bien, tous les trois ! »

Avalon et Roy s’éloignèrent dans le couloir, jusqu’à la porte de la chambre de leur fille. Son ancienne chambre, songea Avalon avec émotion en y entrant.

« Tu prends Alma ? proposa-t-elle à Roy. Je vérifie juste que j’ai rien oublié dans la salle de bain… »


Avalon Calder

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Roy Calder
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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeLun 20 Mar 2023 - 21:26
Quand Roy passa la porte de la chambre, avec plusieurs liasses de parchemin entre les mains, il arborait un grand sourire satisfait. Tout était en ordre pour qu’Avalon et Alma puissent enfin rentrer avec lui et qu’ils retrouvent la quiétude de leur maison. Après ces trois longues semaines d’attente et d’hospitalisation, il avait hâte de pouvoir installer sa fille dans la jolie chambre aux couleurs claires qui avait été préparée pour elle. Il avait hâte de retrouver ses habitudes avec Avalon aussi, pouvoir faire des choses aussi simples et habituelles que dormir et se réveiller à ses côtés. Il rêvait d’un nouveau quotidien avec elle, leur fille et Vivianne, une forme de normalité après ces longs mois passés à se faire tant de souci.

Il entra donc avec un sourire aux lèvres, effleura la taille d’Avalon du bout des doigts avant de la laisser partir vers la salle de bains.

« Oui, j’y vais. » Il s’approcha du berceau, prit cette voix affectueuse qu’il réservait à sa fille en se penchant en avant. « On rentre à la maison, mon bébé ? Tu viens avec Pa… »

Il tendait déjà les bras quand il s’interrompit en plein milieu de sa phrase. Le berceau était vide, malgré la petite bosse que formait l’amas de couverture. Perplexe, il fronça les sourcils.  

« Av’ ? appela t-il. Elle n’est pas là. Ils ont pas dû la faire revenir, faut qu’on aille voir en salle d’examen… »

Mais alors qu’il soulevait machinalement les couvertures, il se rendit compte qu’un petit bout de parchemin y était glissé. Un parchemin qui ne portait pas le sceau de l’hôpital et qui comportait quelques mots écrits à la main, dans une fine écriture. En le dépliant, il esquissa sans le savoir le geste qui allait faire basculer le reste de sa vie.

Le coeur de Roy s’arrêta instantanément de battre. Le monde entier s’effondra sous le poids immense de ces quelques lignes.

Je détiens ta fille et je t’observe. Si tu donnes l’alerte, elle meurt. Appelle ce numéro. 

Une poignées de chiffres suivait la dernière phrase. Il n’y avait aucun nom, aucune signature mais Roy savait. Il savait dans sa chair, comme une certitude profonde, qui était la personne qui venait de s’en prendre à sa fille.

Norvel.

La vie semblait déjà avoir déserté le visage de Roy quand Avalon revint dans la pièce. Il ne l’entendit pas, ne la vit pas. Ses mains tremblaient, son regard s’éteignait, son existence vacillait. Le parchemin lui échappa des mains, arraché par sa compagne. Il n’esquissa aucun mouvement pour la retenir.

Si tu donnes l’alerte, elle meurt.

Son corps hurlait l’alerte mais ses lèvres restaient fermées, bâillonnées par la menace terriblement efficace qui marchandait son silence. Pendant l’espace d’un instant qui sembla durer des heures, Roy resta piégé dans un entre-deux où le choc était si grand, la peur si étouffante, l’effroi si inimaginable que le monde réel ne l’atteignait plus vraiment. Il n’y avait plus que les grands yeux invisibles de son pire ennemi qui régissait son univers.

Je t’observe. Si tu donnes l’alerte elle meurt.

Les ongles d’Avalon plantés dans son bras et sa voix affolée finirent par l’atteindre et le tirer péniblement vers la réalité.

« Roy ? … Roy ? ROY ! J’appelle, putain, tu fais quoi ? »

Elle tendait son Pear One entre eux. Roy posa les yeux sur l’écran où s’affichait le numéro inconnu. Intraçable certainement. Retentit enfin le son qui indiquait que quelqu’un à l’autre bout du fil avait décrocha. Puis un silence. Roy le rompit, d’une voix hagarde :

« Allô ? »

Un son étouffé et insupportable lui répondit, comme un rire soufflé par le nez. Puis cette voix obséquieuse et détestable, à travers le haut-parleur du Pear :

« Roy Calder. C’est bien toi. »

La peau livide de Roy retrouva quelques couleurs alors que le sang affluait en lui, sous forme d’un torrent de haine et d’une vague de panique.

« Norvel » répondit-il, d’une voix étranglée.

Il échangea un regard affligé avec Avalon. Il aurait préféré se tromper. Il aurait voulu qu’il s’agisse de n’importe qui d’autre que ce vieil ennemi qu’il n’avait pas réussi à coincer, après un an de recherches infructueuses et qu’il avait presque fini par oublier. Comme s’il avait lu dans ses pensées, le mafieux susurra :

« Coucou à ta chère petite femme aussi, je suppose qu’elle est avec toi… Pensiez-vous pouvoir m’oublier si vite, tous les deux ? »

Il avait envie de pleurer. Il avait envie de tout casser. Il voulait mourir.

« Dis-moi juste ce que tu veux » finit-il par lâcher en s’efforçant de maintenir le barrage de ses émotions.

« Eh bien, c’est très simple. J’en ai assez de me planquer de tes espions et des miliciens que vous envoyez ratisser tout le pays. J’ai des affaires qui m’attendent et vos petits camarades m’empêchent de les mener à bien. Mais je suis sûr qu’on peut trouver un arrangement maintenant que j’ai votre fille, hum ? »

Instinctivement, Roy rebondit aussitôt sur ce dernier point, sans parvenir à masquer son inquiétude :

« Où est-ce qu’elle est ?
-Oh bah tu ne penses quand même pas que je vais te le dire, non ?
-Je veux avoir une preuve qu’elle est vivante, exigea t-il. Une photo ou une vidéo.
-Pour que ta petite copine puisse faire analyser les images par son service de renseignements ? Non, non, Roy, je ne suis pas si stupide… Tu vas devoir me faire confiance sur ce coup-là. Et je te préviens, miss Davies n’a pas intérêt à impliquer le Ministère dans le coup, si je vois un seul agent dans les parages, votre fille est morte. Oh pardon, j’ai dit miss Davies mais j’ai cru comprendre que c’était Madame Calder, maintenant ? J’ai oublié de vous faire part de toutes mes félicitations pour votre mariage… »

Roy n’avait jamais autant haï un autre homme à cet instant. Tandis qu’il n’avait réussi à obtenir aucune information concluante sur la position de son ennemi depuis qu’il avait pris la fuite lors de leur dernière rencontre, Norvel, lui, semblait tout à fait au courant de tous les derniers événements de sa vie, même son petit mariage intimiste et confidentiel. Roy s’efforça de repousser le sentiment d’oppression qui commençait à s’emparer de lui et le faire se sentir comme une petite bête coincée sous une cloche et observée sous toutes ses coutures.

« Où est-ce que tu veux qu’on se retrouve ?
-Tu vas recevoir des coordonnées dans quelques minutes. C’est l’endroit où je me trouve mais ta fille n’est pas avec moi alors pas la peine d’envoyer un commando. Je suis le seul à être en contact avec les gars qui s’occupent de garder le bébé. Ils ont des ordres très clairs, ils butent la petite s’ils n’ont plus de nouvelles de moi toutes les cinq minutes. Bref, tu as compris la musique, cherchez pas à jouer aux plus malins. »

Il ajouta, achevant de figer le sang de Roy :

« Et je répète. Pas de police. Vous venez seuls, toi et ta femme ou c’est le bébé qui trinque. »


Roy Calder

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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeLun 20 Mar 2023 - 23:29
Avalon referme la main sur un tube de crème oublié dans la salle de bain lorsque Roy l’appelle. Elle fronce les sourcils lorsqu’il lui annonce qu’Alma n’est pas dans son berceau et abandonne ses affaires pour le rejoindre dans la chambre. Le docteur Anderson n’est pourtant plus dans le service, songe-t-elle fugacement en s’avançant vers lui. Le dos de son mari masque le berceau de leur fille, aussi ne perçoit-elle pas immédiatement le vide à l’intérieur. La couverture vide, le matelas froid, le drap froissé. Ce qui lui saute aux yeux, en revanche, c’est la posture figée de Roy. Ses gestes sont comme suspendus.

« Roy ? » l’appelle-t-elle, d’une voix qui sonne presque lointaine.

Il ne se retourne pas.

Avalon le contourne pour constater à son tour l’absence d’Alma. Il n’y a qu’une couverture blanche dans le berceau – celle qu’Avalon met sur son épaule lorsqu’elle la berce doucement après l’avoir nourri. Elle tend la main vers le tissu, le saisi entre ses doigts. Contre sa peau, le contact est presque étrange.

Et Roy ne dit toujours rien.

Ses yeux tombent sur le papier qu’il tient entre ses mains tremblantes et son cœur fait une embardée dans sa poitrine. Elle le prend. Le lit.

Et sa vie s’arrête.

Son cœur chute dans sa poitrine, dans son estomac, dans ses jambes tremblantes, percute la terre, la creuse, s’enfonce dans le sol. Elle titube alors que ses yeux parcourent encore et encore les mêmes mots. Je détiens ta fille et je t’observe. Si tu donnes l’alerte, elle meurt. Appelle ce numéro. Je détiens. Je t’observe. Elle meurt. Appelle.

Elle meurt. Elle meurt.

Avalon se recule presque instinctivement, comme pour mettre de la distance entre elle et ce berceau vide, ce berceau qui signe un destin funeste. Elle se retrouve en plein milieu de la pièce, le cœur au bord des lèvres, les mains agitées par les tremblements, l’esprit vide, aussi vide que le petit lit d’Alma, les yeux écarquillés dans une expression de terreur. Elle a l’impression que le poids de la terre s’écrase sur elle, suffoque comme si ses poumons ne savaient plus se remplir d’air, titube comme si ses jambes ne savaient plus comment la porter. C’est un cauchemar.

C’est un cauchemar.

Un bruit dans le couloir la ramène à la réalité mais ne la réveille pas. Ce n’est pas un cauchemar.

Alma a disparu.

Cette phrase s’imprime dans son esprit, dans sa chair, dans son être, dans ses os, alors qu’une douleur lui vrille l’estomac et lui coupe le souffle. C’est un arrachement. Où est son bébé ? Où est sa fille ?

Finalement, après une poignée de secondes qui lui semble être une éternité, son corps se met en marche d’une manière presque instinctive. Elle ferme la porte, la verrouille et tire les rideaux, ce qui plonge la chambre dans une légère obscurité pendant un bref instant, avant que les néons vacillants ne se chargent d’éclairer la pièce d’une lumière blanchâtre. Ne pas donner l’alerte.

Appeler.

Ses doigts tremblants saisissent son téléphone, coincé dans la poche de son manteau. Elle doit s’y reprendre à deux fois pour réussir à le déverrouiller, ignore les notifications de son interface et entre immédiatement la suite de chiffres qui a été consciencieusement inscrite sur le parchemin. Elle appuie sur le petit symbole vert et l’appel se lance.

Il faut une seconde à Avalon pour s’apercevoir qu’elle est seule dans cette pièce, pour comprendre que Roy n’a pas réintégré son corps. Ses ongles s’enfoncent dans son bras, sa voix est un chuchotement furieux et terrifié.

« Roy ? … Roy ? ROY ! J’appelle, putain, tu fais quoi ? »

Elle tend son Pear entre eux. La sonnerie s’élève une fois. Deux fois. Trois fois. Puis le silence.

Le silence, puis une voix qui avait longtemps hanté ses cauchemars.

Norvel.

Norvel qui rit, Norvel qui susurre, Norvel qui questionne, pose ses conditions, demande, exige, refuse. Norvel qui détient sa fille. Norvel qui menace sa fille. Une fois, deux fois, trois fois. Votre fille est morte. Ils butent la petite. C’est le bébé qui trinque. Chaque phrase est un nouveau coup de couteau dans le ventre d’Avalon, qui lutte pour se maintenir debout. Elle a posé ses mains sur le rebord du berceau et ses doigts sont blancs à force de serrer la rambarde. Elle a l’impression que son esprit tourne à toute vitesse mais, paradoxalement, elle est incapable d’attraper une seule pensée. Elle ne reconnaît même pas sa voix lorsque celle-ci s’élève dans la pièce :

« On ne fera rien si on n’a pas la preuve qu’elle est en vie.
-Vous pensez vraiment être en position de négocier quoique ce soit ? fait remarquer Norvel et Avalon imagine sans mal son expression doucereuse qui la révulse.
-Je veux la voir, ou l’entendre, je m’en fiche. Je veux quelque chose qui me prouve que tu ne l’as pas déjà assassiné.
-Tu ne me fais pas confiance, Avalon ?
-Non. »

Norvel rit ; il se délecte de la situation.

« Et pourtant, je ne suis pas certain que tu aies très envie que je fasse en sorte de la faire pleurer. »

La conversation coupe sur cette phrase qui le retourne l’estomac.

Avalon a un haut-le-cœur qu’elle réprime le temps de se précipiter dans la salle de bain. Elle se penche au-dessus des toilettes pour vomir le contenu de son dernier repas. Sa gorge la brûle, ses yeux sont humides, son ventre est tordu par la peur, par la haine, par le vide. Elle a l’impression qu’elle pourrait mourir ici, dans ce monde qui se résume désormais à la perte. Ses jambes se dérobent sous elle et elle s’effondre sur le sol.

Elle ne pleure même pas. Ce n’est pas suffisant.

Elle essuie maladroitement sa bouche avec du papier, se relève en tremblant, rince sa bouche à l’eau tiède, croise son regard hagard dans le miroir, puis celui de Roy qui la fixe. Elle veut dire quelque chose mais n’y arrive pas. Elle a l’impression d’avoir oublié les mots, le langage, les phrases. Lorsqu’elle se retourne vers lui, quelque chose émerge dans son esprit.

Je t’observe.

Ses yeux s’écarquillent et sans rompre le silence, elle actionne le robinet de l’évier et celui de la douche. Elle retire son pull, examine les mailles à la recherche d’un appareil électronique. Face au regard de Roy, elle articule le mot « Micro » et retire son pantalon pour lui faire subir le même examen. Elle ne trouve rien sur ses vêtements, rien sur ceux de Roy non plus. Lorsqu’elle coupe l’eau de la salle de bain, une légère buée s’était déposée sur la vitre. Son visage est flou, représente presque son esprit engourdi.

Le plus difficile est de quitter la chambre d’hôpital sans Alma. Partir du service avec sa valise et un berceau vide, dans lequel ils ont laissé la couverture pour créer l’illusion. Ils se forcent à marcher dans le couloir mais Avalon a envie de courir, de courir loin d’ici, loin de cet hôpital, loin de ce monde, loin de cette vie. Cette putain de vie de merde qui lui a volé sa fille.

Dehors, tout lui paraît menaçant. Chaque regard sur eux vient d’un homme de Norvel, chaque bruit lui appartient aussi. C’est tellement insupportable qu’Avalon fait transplaner Roy avant même de s’assurer qu’aucun moldu ne peut les apercevoir. Ils réapparaissent d’abord dans une ruelle sombre proche de l’appartement qu’elle possède à Londres mais, par précaution, elle les fait disparaître à nouveau dans un tourbillon désagréable.

Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle se tient en plein milieu d’une ancienne aire de jeux pour enfants. Balançoires fatiguées, toboggan rayé, marelle presque effacée par la pluie. C’est ici qu’Avalon s’est rendue avec Toni, le jour où elle a appris qu’elle était enceinte d’Alma.

Elle n’a même pas réfléchi avant de visualiser cet endroit.

C’est loin de tout, personne ne les trouvera ici.

Nerveusement, elle lâche la main de Roy. En s’éloignant, son pied tape dans une bouteille de bière vide, abandonnée sur le sol. Un juron s’échappe de ses lèvres.

« Putain. »

Il n’en faut pas plus pour que l’effroi s’exprime dans une nouvelle insulte :

« Putain… Putain, putain, PUTAIN. » Elle envoie valser la bouteille encore plus loin et elle s’écrase contre le pied d’un banc. « Mais PUTAIN de MERDE, comment est-ce qu’il savait tout ça sur nous ? Comment est-ce qu’il a su pour notre mariage… Comment est-ce qu’il a su pour la date de sortie d’Alma ? COMMENT ? » Elle éructe ; c’est parfaitement inutile, elle le sait bien, mais tant que son téléphone demeure parfaitement silencieux, elle n’a aucun moyen de donner à cette énergie dévastatrice un autre canal que celui des mots. « Ca fait combien de temps qu’il nous observe ? Combien de temps qu’il prépare ça ? Comment est-ce qu’on n’a rien pu voir venir ? » s’interroge-t-elle et puis la colère prend le dessus. « Comment est-ce que tu n’as rien pu voir venir ? Je pensais que tu avais des gars sur le coup ! Je pensais que tu… PUTAIN ! Norvel détient notre fille pour ces PUTAINS d’histoire de MERDE. » Sa voix se brise sur ce dernier mot.



Avalon Calder

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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeMar 21 Mar 2023 - 0:51
« Et pourtant, je ne suis pas certain que tu aies très envie que je fasse en sorte de la faire pleurer. »

La conversation s’arrête sur cette phrase terrible, cette dernière menace qui rejoint les précédentes et qui achève de tétaniser Roy.

Sa fille, son tout petit bébé est entre les mains de son pire ennemi et il ne l’a pas vu venir. Il n’y a rien qu’il puisse faire pour la sauver.

À cet instant, ce n’est ni la colère ni la haine -pourtant intense- qu’il ressent à l’égard de Norvel qui prend le dessus. Il est bien trop écrasé par la culpabilité et l’impuissance pour laisser s’exprimer quoique ce soit d’autre. Il s’en veut. Il s’en veut tellement qu’il veut disparaître. Alma lui manque si fort qu’il a l’impression qu'un gouffre s'est creusé en lui, qu’une main cruelle a fendu son être en deux.

Intolérable, insupportable.

Avalon semble prise du même sentiment d’horreur, peut-être plus intensément encore. Un sentiment qui se manifeste physiquement chez elle. Roy l’entend vomir depuis la chambre. En ce qui la concerne, il n’y a rien de métaphorique dans le fait d’affirmer qu’on lui a arraché une part d’elle. A peine quelques semaines plus tôt encore, Avalon et Alma ne faisaient encore qu’un. Elles ne se sont pas quittées une seconde depuis. Un détail, presque anecdotique compte tenu de la situation et à la fois terriblement essentiel, surgit alors dans l’esprit de Roy. Comment Alma pourra t-elle être nourrie en étant détenue par une bande de mafieux loin de sa mère ?

Il ferme les yeux, réprime les larmes qui montent. Il sait que s’il se met à craquer maintenant, c’est fini. Il va s’effondrer et ce n’est pas le moment de s’effondrer. Pas tant qu’Alma n’est pas saine et sauve, avec eux.

Alors, il se fait violence pour forcer son corps à bouger et le porter jusque la salle de bains où Avalon se trouve. Elle a la présence d’esprit de commencer à scruter ses propres vêtements pour vérifier qu’il n’y a pas de micro dessus. Je t’observe, disait Norvel. Roy prend alors conscience que derrière cette phrase peuvent se cacher tous les dispositifs de surveillance possibles, magiques ou technomagiques, humains ou techniques. Machinalement, il regarde autour de lui, en commençant à se déshabiller. Il se plie à l’exercice, examine les plis de sa chemise et les poches de son pantalon, laisse les yeux plus experts d’Avalon vérifier derrière lui.

Enfin, ils finissent par sortir de l’hôpital, hagards, horrifiés, à tenter tant bien que mal de jouer la mascarade que Norvel leur impose. Ils sortent avec un berceau sans bébé, partent comme des voleurs en évitant les regards des médicomages sur leur route. Pourtant, Roy sait que parmi eux, il y a des traîtres. Il y a forcément des gens qui ont rendu possible le kidnapping de son bébé, à commencer par l’infirmier qui leur a insisté pour emmener Alma faire des examens. Mais Roy ne cherche pas à le retrouver. Trop de risques. Les mots de Norvel résonnent encore douloureusement chez lui.

Pas d’alerte ou elle meurt.

Cette menace guide leurs pas jusqu’au coeur de Londres, puis jusqu’au lieu où Avalon choisit de les faire transplaner. Roy sent un tournis et un bourdonnement prendre toute la place dans ses pensées quand ils atterrissent dans une vieille aire de jeux abandonnée et il sait que ce n’est pas seulement à cause du voyage.

Mais Avalon ne lui permet pas de laisser son esprit s’engourdir sous le choc. Très vite, elle jure par tous les noms, elle laisse jaillir sa fureur et sa détresse, elle pose de légitimes questions et chacune d’entre elles vrille le coeur de Roy et vient y attiser la culpabilité qui s’y embrase déjà.

Il ignore comment Norvel a pu obtenir toutes ces informations sur eux, sur leur vie, jusqu’à réussir à enlever leur enfant en plein milieu d’un hôpital public, surveillé et protégé. Et en même temps, il sait que s’il a pu le faire, c’est parce qu’il l'a laissé faire. Parce qu’il a fini par baisser sa garde au fil des mois qui se sont écoulés, sans aucun signe de vie de sa part. Parce qu’il s’est reposé sur ses lauriers, songeant que Norvel était trop affaibli par sa défaite et apeuré pour songer à mener une contre-attaque d’ampleur contre les Veilleurs.

Il a encore commis l’erreur de le sous-estimer et cette fois, cette erreur ne le concerne plus uniquement lui et ses complices. Cette fois, c’est un être parfaitement innocent, la prunelle de ses yeux, son sang et sa chair, la personne qu’il aurait voulu protéger par-dessus tout qui s’en retrouve impactée.  

Elle et, par extension, Avalon, l’autre amour de sa vie, qui le regarde désormais avec colère et l’accuse d’avoir laissé une telle situation se produire.

Les mots d’Avalon ne sont même pas aussi durs que ceux qu’il aurait eu pour lui-même mais ils lui font quand même très mal. Il encaisse le coup, sans chercher à l’éviter ni se défendre. De l’orgueil légendaire de Roy Calder, il ne reste plus rien à cet instant. Il n’y a que la culpabilité atroce, la détresse totale, l’envie de mourir si cela peut sauver sa fille.

Ce ne sont pas ces putains d’histoires de merde. Ce sont ses putains d’histoires de merde, à lui.

« Je sais pas » souffle t-il. Sa voix tremble, les mains qu’il passe dans ses cheveux dans un geste nerveux tremblent aussi. « Je sais pas comment ça a pu arriver, je… »

La suite s’étrangle dans sa gorge, nourrit le magma d’émotions qui s’y forme. Il n’arrive même pas à se mettre en colère et pourtant, il est véritablement furieux. Contre la situation, contre Norvel et contre lui-même. Mais son désespoir annihile tout.

« On surveille ses hommes depuis des mois, je… » Sans grande réussite, réplique une voix pernicieuse dans sa tête. « Je pensais qu’on avait ça sous contrôle. » Bah voyons. « Si j’avais pu imaginer qu’il avait assez de ressources pour… » S’il avait pu écraser son orgueil deux minutes et considérer l’idée qu’il n’était pas tout puissant, plutôt. « Je sais pas quoi te dire, Av’. »

Il n’y a rien à dire. C’est sa faute. Sa fille va peut-être mourir à cause de lui.

Sa fille et lui-même. Il connait Norvel et quel que soit l’arrangement de paix qu’il cherche à conclure avec lui, Roy n’imagine pas que cet accord n’inclue pas sa propre mort. Jamais Norvel ne le laissera repartir en vie de ce traquenard. Le pire, c’est que Roy s’y résigne à cet instant. Il n’y accorde aucune importance. Si cela peut permettre à Alma de vivre alors il veut bien payer ce prix.

Après tout, c’est de sa faute.

Ce chemin de pensée le mène vers une autre pensée plus funeste. Il lève les yeux vers Avalon, pris d’une nouvelle inquiétude car la possibilité qu’elle puisse perdre elle aussi la vie dans l’espèce de mission suicide qui les attend lui parait insupportable.

« J’irai tout seul, ça sert à rien que tu viennes aussi. »


Roy Calder

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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeMar 21 Mar 2023 - 16:38
La colère d’Avalon explose, cette colère qui la brûle et lui retourne l’estomac. Elle se fiche qu’elle ne soit ni juste, ni adaptée, ni mesurée ; c’est une vague incontrôlable qui s’écrase sur Roy. Il titube sous son poids, devient aussi blanc que la mort qui les guette. Il balbutie, passe ses mains tremblantes dans ses cheveux. Evidemment, il s’en veut.

Et Avalon lui en veut aussi.

Elle en veut en monde entier. On lui a arraché sa fille ; c’est une sensation physique. Avalon a envie d’hurler, de pleurer, de mourir, de suffoquer, de frapper quelque chose, quelqu’un. Sa fille a disparu et c’est comme si une part d’elle-même s’était volatilisée. Elle déteste le monde entier. Elle déteste Roy, elle déteste Norvel, elle se déteste elle-même. Mais surtout, elle déteste ce monde sans règle, sans loi, dans lequel un enfant est pris en otage pour faire ployer ses parents.

Ce monde qu’elle connaît bien ; elle a assuré à Roy qu’elle ne lui demanderait jamais de le quitter pour elle. Quelle grosse conne. Quelle putain de grosse conne orgueilleuse et prétentieuse, persuadée d’être protégée par son statut, par ses proches, par le ministère.

Le pire – le pire – c’est que l’idée que quelqu’un puisse s’en prendre à sa fille ne lui a jamais effleuré l’esprit. Alma et Avalon ont passé plusieurs semaines à l’hôpital et pendant tout ce temps, elle n’a jamais imaginé qu’un tel évènement puisse se produire. Elle a confié sa fille aux bons soins des soignants, sans connaître leurs intentions. Brusquement, le visage de l’infirmier lui revient en mémoire ; lui, Ella, le docteur Anderson, le docteur Mendez… Qui ? Qui lui a pris sa fille ?

Ces interrogations s’effacent aussi rapidement qu’elles traversent son esprit. Au fond, Avalon sait que ce n’est pas le moment de se demander pourquoi, comment, qui. Personne ne peut lui apporter les réponses qu’elle attend, pas même Roy qui, au bord de l’effondrement, lui murmure qu’il ne sait pas quoi lui dire. Leur fille a disparu ; il n’y a rien à dire de plus.

Ils doivent la retrouver.

Son cerveau se met en marche, d’abord laborieusement puis à toute vitesse. Norvel veut quelque chose ; il n’aurait jamais pris le risque de kidnapper Alma sinon. Pour récupérer sa fille, Avalon pourrait tout lui donner. Elle n’aurait aucun scrupule à sacrifier l’organisation mafieuse de son mari, à lui livrer les Folies Sorcières, à lui vendre les secrets du ministère, à vider son compte en banque et celui de Roy.

Mais elle se doute que ce n’est pas assez.

Elle connaît les hommes comme Norvel ; ce qu’ils veulent, c’est le pouvoir. L’ascendance.

Et c’est Roy qui le détient.

Avalon sait que son mari parvient à la même conclusion qu’elle, elle voit un éclat de résignation passer dans son regard et cela majore sa colère, sa révolte. Avant même qu’il ne reprenne la parole, elle sait ce qu’il va lui dire. J’irai seul. Reste-ici. Ne viens pas. Ça ne sert à rien qu’on y aille tous les deux. Ça ne sert à rien qu’on meurt tous les deux.

« Arrête de dire de la merde. » réplique-t-elle un peu sèchement. Elle a envie de le secouer. « Tu penses vraiment que tu peux réussir à négocier quoique ce soit avec Norvel ? Même ta vie contre celle d’Alma ? Tu penses vraiment qu’il va la laisser VIVRE si tu te SACRIFIES ? Bien sûr que non ! Il va te tuer Roy, et il va continuer à nous faire exactement le même chantage. Il va nous buter jusqu’au dernier, puis il va tuer Alma parce qu’il sait très bien que ça ne s’arrête pas à toi ! Ni à moi ! » Norvel sait qu’ils se sont mariés quelques semaines auparavant. Sûrement sait-il aussi qu’ils étaient entourés par leurs amis les plus proches, trois figures emblématiques chez les Veilleurs. Jayce, le frère de Roy, qui ne laisserait jamais sa mort impunie. Fergus, qui tuerait pour eux. Toni, le parrain d’Alma. « Il ne va rien négocier avec nous parce que la seule chose qu’il veut c’est ta putain de place et qu’il y a que comme ça qu’il peut l’obtenir. »

Sa colère retombe lorsqu’elle sent son téléphone vibrer dans la paume de sa main. Son cœur fait une embardée ; elle a deux nouveaux messages. Le premier est une suite de chiffres – des coordonnées GPS – le second est un fichier audio. Parce que la menace de Norvel ne l’a pas quittée depuis la fin de leur appel, Avalon tremble lorsqu’elle lance le message. Il ne dure que quelques secondes et, brusquement, la toute petite voix d’Alma s’élève entre eux. Elle ne pleure pas tout-à-fait mais elle gémit, comme lorsqu’elle a froid ou qu’elle a faim. « Oh, mon Dieu. » souffle-t-elle d’une voix étouffée par la tristesse et par le manque. Elle sent qu’elle pourrait brûler l’univers pour retrouver sa fille, pour la prendre dans ses bras, la bercer, l’embrasser, la calmer. Elle ressent ce besoin physique, urgent, de la tenir contre elle. Un troisième message la fait sortir de sa torpeur désespérée.

Norvel leur donne rendez-vous dans une heure.

Une heure.

Avalon expire tout l’air contenu dans ses poumons. Réfléchir. Elle doit réfléchir. Elle lève les yeux vers Roy.

« La plupart des hommes de Norvel seront avec lui, déduit-elle. Il nous dit où le trouver, il va vouloir s’assurer d’être en sécurité là-bas. Son plan repose sur le fait qu’Alma soit cachée, non ? Ça lui permet de ne pas diviser ses effectifs. » Ce qui est à la fois sa plus grande force et sa plus grosse faiblesse. « Ce qui veut dire que… Elle n’est peut-être pas sous haute-surveillance. Il pense sûrement qu’on est piégés, parce qu’on peut pas se reposer sur le ministère, que l’hôpital est surveillé alors… Il doit se dire qu’on peut pas remonter sa trace. Mais… » Avalon a du mal à rassembler ses pensées. « Roy. Notre seule chance, c’est de savoir où elle est. Sinon… »

Sinon, ils perdent tout.


Avalon Calder

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Roy Calder
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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeMer 22 Mar 2023 - 20:17
Les paroles d’Avalon sont d’une violence insupportable. Roy sait qu’elle a parfaitement raison mais son être tout entier se dresse contre le constat terrible qu’elle présente. Ils sont pris dans un atroce cercle de violence qu’il connait par coeur et qui régit le monde mafieux. Et il sait très bien qu’il n’y a qu’une manière d’en sortir : disparaître sans laisser de traces ou alors être celui qui frappe le plus fort et le plus radicalement.

Fuir n’étant pas une option, Roy n’a d’autre choix que de répliquer pour tenter de sauver sa vie et ses proches. C’est inéluctable, un bain de sang les attend. Et si ce n’est pas le sang de Norvel et de ses soutiens, ça sera le sien, celui d’Avalon et tous leurs proches impliqués.

Une nausée le saisit à cette pensée. Le fait qu’Alma soit menacée est déjà suffisamment atroce sans devoir imaginer quels sont les prochains sur la liste de Norvel. Il est le premier, il le sait. Avalon n’est pas loin. Jayce, Toni, Fergus, aussi. Qui d’autre encore ? Ses frères et soeurs ? Ses parents ? Isobel ? Vivianne ? Teresa ? songe t-il, le sang glacé d’effroi à la pensée que peut-être Norvel sait aussi qu’il a une autre fille.

L’idée qu’ils puissent tous perdre la vie à cause de lui, de ses conflits mafieux, de ses erreurs de jugement, lui est tout simplement intolérable. Roy le sait, il préfère encore mourir plutôt que d’assister à un tel carnage et s’en rendre responsable. C’est ce qui le pousse à écarter d’emblée la présence d’Avalon dans l’affrontement qui l’attend. Il se souvient encore de ce terrible moment, un an plus tôt, où il s’est retrouvé avec elle, tous les deux immobilisés sur le sol froid d’une cave de restaurant, sur le point de mourir asphyxiés. Déjà à l’époque, il n’a pas pu se pardonner d’avoir à ce point mis en danger Avalon, son amie. Mais aujourd’hui, elle est sa femme, la mère de sa fille, l’amour de sa vie, l’idée qu’elle puisse risquer sa vie à cause de lui est tout bonnement inenvisageable, inacceptable.

Mais l’écarter des événements ne la protégera pas. C’est avec froideur et colère qu’Avalon le souligne, achevant de désespérer son mari. Roy baisse la tête, trop horrifié pour pouvoir répondre. Qu’il le veuille ou non, ils sont tous les deux liés dans la suite des événements.

Il a à peine le temps d’intégrer ce fait que le Pear One d’Avalon sonne. Le fichier audio qui accompagne le dernier message de Norvel est le coup de grâce, pour Roy. Entendre la respiration saccadée et les gémissements de sa fille sans pouvoir la voir ni la prendre dans ses bras serre son coeur dans un cruel étau. Il ferme les yeux, dans une tentative vaine de contenir ses émotions. Quelques larmes de frustration, de désespoir s’échappent à travers la barrière de ses paupières. Ce n'est que le choc et l’immense sentiment d’urgence qui lui permettent de tenir encore debout et l’empêchent de s’effondrer tout à fait.

« Putain mais quel… »

Il ne trouve pas de mot assez fort pour qualifier la haine profonde que lui inspire cette ultime provocation de Norvel. Et avec sa haine se réveille en lui une certaine colère salvatrice à cet instant. Car avec la colère vient le besoin d’action qu’Avalon met en oeuvre la première en lui faisant part de ses premières déductions.

Sa prise de parole est une claque qui force Roy à écarter le brouillard de son esprit. Il vient d’entendre sa fille gémir au téléphone, comme si elle les appelait à son secours. Il n’en fallait pas plus pour déployer son immense instinct de protection, qui le submerge comme une vague d'adrénaline, une énergie quasi-vitale. Laisser Alma une heure loin d’eux est déjà trop. Mais c’est aussi très peu de temps pour monter un plan fonctionnel.

Roy passe les mains sur son visage, comme pour se réveiller. Réfléchir. Il doit réfléchir. Il s’accroche aux paroles d’Avalon, hoche légèrement la tête pour les approuver. Il tressaille à sa dernière remarque, celle à laquelle il n’a pas de réponse pour le moment et qui tord son estomac d’anxiété et d’inquiétude. Il se lève du banc, fait quelques pas pour s’éclaircir les idées.

« C’est sûr, il a dû garder un maximum d’hommes autour de lui, pour assurer sa protection. » Il connaît Norvel et le courage ne fait pas partie de ses qualités. « Il doit se douter qu’on va pas venir seuls, il se prépare forcément à une contre-attaque… » Réfléchir, réfléchir. Repousser la terreur que lui inspire la situation. Se mettre à la place de son ennemi pour penser comme lui. Son regard s’éclaire légèrement. « Et s’il est allé jusqu’à enlever notre fille pour nous forcer la main, c’est qu’il est mal en point. Il aurait pas pris un tel risque, sinon, il tente le tout pour le tout, là. Donc si on réussit à venir en nombre… On a toutes nos chances de le neutraliser. »

Cela lui paraît logique, maintenant qu’il se force à observer la situation d’un oeil plus froid. Malgré l’impunité et la violence qui règnent dans leur milieu, les kidnapping de nourrissons ne font pas non plus partie des méthodes privilégiées. C’est prendre le risque d’un trop grand retour de bâton, une vengeance sans fin, une mise à prix aveugle sur toutes les têtes de ses proches, hommes, femmes et enfants. Si Norvel en est réduit à mener une telle opération suicide, c’est qu’il n’a pas le choix, pas d’autre solution. Pas assez de puissance, en somme.

Et c’est assez logique avec ce que les Veilleurs ont pu observer du gang de Norvel -ou plutôt de ses restes- depuis la disparition de leur chef. Si Roy n’a pas pu retrouver la planque de son rival, il a en revanche eu des rapports assez réguliers des activités en baisse de ses hommes restés à Londres. Les voir se faire bouffer par l’influence et la puissance des autres gangs de la capitale a d’ailleurs contribué à lui faire baisser sa garde : il a fini par se dire que ce n’était qu’une question de temps avant que le gang de Norvel ne devienne plus qu’un vague souvenir.

En face de ça, Roy, lui, est en capacité de mobiliser un raid d’une centaine d’hommes en claquant des doigts. Mais il ne peut pas prendre le risque de le faire avant d’avoir pu récupérer sa fille, le risque est trop grand. Son ennemi a été très clair à ce sujet : la vie d’Alma dépend de sa survie à lui.

La conclusion d’Avalon est très juste : leur seule chance se trouve dans la possibilité de localiser leur bébé avant de se présenter face à Norvel.

Alors que Roy passe mentalement en revue tous les subterfuges et sorts de magie noire qu’il connaît, son regard s’éclaire brusquement d’une pensée, avant de se troubler légèrement. Il n’aime pas l’idée qu’il a en tête mais c’est la meilleure qu’il possède et comme le temps leur est compté, il finit par braver son hésitation pour la partager à Avalon :

« La seule personne que je connais qui peut nous aider à trouver Alma, c’est Isobel. »

Leur amie est très secrète sur ses capacités magiques mais à travers les années et leur proximité, Roy a réussi à grappiller quelques informations sur ses dons, qu’il a déjà eu l’occasion de voir à l’oeuvre à quelques reprises. Il lui semble l’avoir déjà entendue mentionner des sorts de localisation, un pendule magique auquel elle devait échapper ou quelque chose de ce genre, quand sa famille s’est lancée à sa recherche des années plus tôt, après sa fugue de la Nouvelle-Orléans. Il ne sait pas exactement comment le sort fonctionne mais il est presque sûr qu’Isobel peut leur apporter une solution. Plusieurs fois, elle a réussi à le sortir de mauvais pas en dégainant une magie terriblement puissante pouvant produire des sorts que personne ne connaît, ce qui présente un avantage inouï : Norvel n’a aucune possibilité de les anticiper.

Roy n’aime pas l’idée de devoir encore une fois impliquer Isobel dans une mission aussi risquée et imminente, mais il ne voit pas d’autre solution et il attend l’avis d’Avalon, son regard anxieux posé sur elle.


Roy Calder

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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeMer 22 Mar 2023 - 22:05
Il y a la peur, la tristesse, la colère, l’effroi, le désespoir mais, surtout, il y a ce manque viscéral qui pousse Avalon à tout mettre en œuvre pour le combler, le remplir. Elle doit retrouver sa fille, c’est une nécessité physique, pressante, urgente. Elle marche peut-être au bord de l’effondrement, avance sur une corde tendue au milieu d’un ravin mais elle avance, portée par une énergie insoupçonnée et dévastatrice. Et puis, a-t-elle vraiment le choix ? Alma a besoin d’elle.

Alors elle puise dans toutes ses ressources pour mobiliser ses pensées qui s’éparpillent. Elle voit que Roy se force au même exercice et, très vite, leur conversation perd ses accents désespérés. Ils oublient les questions, les pourquoi, les comment, les coupables pour se concentrer sur l’essentiel : sauver leur fille. Ils savent tous les deux qu’ils prennent un immense risque en élaborant les contours d’un plan pour court-circuiter celui de Norvel. Ce dernier les a prévenu : ils sont surveillés et, s’il pressent la moindre attaque, c’est leur fille qui en paiera le prix. Il veut les obliger à accepter ses conditions, à ployer sous ses menaces et, dans n’importe quelle autre configuration, Avalon n’aurait pas protesté. Si elle avait eu le moindre espoir de pouvoir donner quelque chose à Norvel en échange d’Alma, elle l’aurait fait sans hésiter. Mais Norvel ne veut pas d’argent, il ne veut pas non plus un quelconque arrangement avec les Veilleurs. Il veut le pouvoir et il veut l’arracher sur le corps inerte de Roy.

L’enlèvement d’Alma signe le début d’une guerre et, si Norvel en est à l’origine, c’est parce qu’il n’a rien à perdre.

Ce qui le rend encore plus dangereux.

Plus dangereux mais pas mieux organisé, car, comme le souligne Roy, il est moins influant, moins puissant aujourd’hui.

« Donc si on réussit à venir en nombre… On a toutes nos chances de le neutraliser.
-Oui… répond Avalon. Mais on ne peut rien faire avant d’avoir récupéré Alma. »

Or, pour la récupérer, il faut d’abord qu’ils sachent où elle est et Norvel s’est assuré de rendre cette tâche difficile. Si Avalon avait pu bénéficier du soutien du ministère, elle aurait sûrement pu la localiser… Il y a un système de surveillance autour de Ste-Mangouste ; les caméras auraient sûrement pu les renseigner sur la personne qui a enlevé leur fille et ils auraient pu remonter sa piste ainsi. Mais c’est trop dangereux ; Avalon ne sait pas de quelle manière Norvel la surveille ou s’il a un contact au Ministère. Si elle avait eu plus de temps elle aurait peut-être pu s’arranger pour entrer en contact avec les plus hautes sphères de la Justice Magique, mener une opération secrète, inconnue de tous… Mais en une heure, c’est impossible.

Il faut donc qu’ils se reposent sur les moyens qu’ils ont à leur disposition.

Leurs proches, donc.

Lorsque Roy mentionne Isobel, Avalon tourne la tête vers lui. Isobel a toujours été très secrète sur ses capacités magiques mais, au fil des années, tous ont pu comprendre – ou ont été témoin de – ses talents. Elle ne sait pas bien comment fonction la magie vaudou mais, à vrai dire, ce n’est pas ce qui la préoccupe ; comme Roy, Avalon se sent prise par une vague hésitation avant d’adhérer à l’idée. Ils se dirigent vers un bain de sang et elle se sent réticente à l’idée d’impliquer une personne supplémentaire.

Sauf qu’ils n’ont qu’une heure pour retrouver leur fille et que c’est la première piste sérieuse qu’ils peuvent envisager.

« Et Norvel ne se douterait de rien. » complète-t-elle en hochant doucement la tête.

Il faut qu’ils trouvent un moyen de la contacter ; elle mais aussi Toni, Fergus et Jayce qui sont leurs meilleurs appuis chez les Veilleurs. Sauf qu’ils ne peuvent pas les appeler – il est étonnement aisé de pirater les appareils Vargas – et qu’il est hors de question qu’ils se rendent aux Folies Sorcières.

Si tu donnes l’alerte, elle meurt.

Réfléchir. Elle doit réfléchir.

« Jayce est à la maison avec Vivianne. Si on arrive à le prévenir, il pourrait alerter les autres pour nous… »

Mais ils ne veulent pas s’autoriser à parler librement chez eux car il n’est pas impossible que Norvel y ait placé des micros – le risque est moindre mais la prudence est de mise. Ils s’accordent sur un subterfuge et Avalon récupère le parchemin maudit qui s’est froissé dans la poche de Roy. Au dos du mot rédigé par Norvel, elle trace quelques indications. « Préviens Fergus, Toni et Isobel. Retrouvez-nous sur les falaises de Bristol. Vérifiez que personne ne vous suit et que vous ne portez pas de micros. »

C’est presque cruel de les convoquer là où, quelques semaines plus tôt, ils s’unissaient face à eux. Mais Bristol demeure la ville où ils sont le plus en sécurité et le bruit de la mer devrait suffire à couvrir leurs voix s’ils s’avéraient qu’ils étaient écoutés. Sans perdre un instant, Avalon et Roy transplanent. Visages froissés par la concentration, regards frappés par le désespoir. On dirait qu’ils ont pris dix ans en l’espace de quelques minutes.

Lorsqu’ils pénètrent dans l’entrée de leur appartement, Avalon doit à nouveau retenir ses larmes. Chaque odeur familière est un douloureux rappel à leur situation catastrophique.

« C’est vous ? » La voix de Vivianne s’élève depuis le salon. Elle apparaît quelques secondes plus tard, visiblement excitée. Ses sourcils se froncent lorsque son regard tombe sur le berceau vide de toute présence. « Bah, Alma n’est pas avec vous ? »

Avalon ne reconnaît pas sa propre voix lorsqu’elle lui répond :

« On a eu un contretemps à l’hôpital, elle n’a pas pu sortir aujourd’hui. »

Elle s’efforce de sourire à Vivianne mais ce qui apparaît sur ses lèvres doit davantage s’apparenter à une grimace car sa sœur la dévisage. Jayce, qui est apparu derrière elle, fronce les sourcils en les voyant.

« Tout va bien ?
-Oui, oui. » Ses yeux hurlent non.

Roy s’approche de lui, lui tend la main comme pour initier une étreinte.

« Merci d’avoir gardé Viv. » lui dit-il en plaquant contre sa paume un papier plié sur lequel les doigts de Jayce se referment.
« Mais elle va devoir rester encore longtemps ?
-Où ça ? » répond distraitement Avalon, qui ne quitte pas Jayce des yeux. Dans le dos de Vivianne, il a déplié le parchemin. Les couleurs quittent brusquement son visage et il lève la tête pour les observer, sans dissimuler son air catastrophé.

« Bah, à l’hôpital ?
-Je… » Partager ce malheur le rend encore plus vivace, encore plus douloureux. « On sait pas encore. »

Jayce intervient, d’une voix qui lui paraît lointaine :

« Tiens, Vivianne, puisqu’Alma ne rentre pas aujourd’hui, qu’est-ce que tu dirais de passer la journée à la maison ? Chandra et Meera seront contentes de te voir. »

Avalon lui adresse un regard reconnaissant. Elle ne peut qu’hocher la tête lorsque sa sœur l’interroge du regard. Cette dernière doit sentir que quelque n’est pas normal car elle fronce les sourcils, un peu méfiante.

« Allez, insiste Jayce. Ce sera sympa. »

Finalement, Vivianne se laisse entraîner par Jayce et Avalon peut arrêter de prétendre – de très mal prétendre – que tout va bien. Son visage s’affaisse dès que Vivianne a quitté l’appartement et elle s’active immédiatement, prise par une urgence qui se majore lorsqu’elle consulte l’heure. Elle gagne leur chambre, se débarrasse de ses vêtements pour passer une tenue plus confortable et attache ses cheveux en une queue de cheval haute qu’elle noue en même temps qu’elle change de chaussures. Elle fouille dans un tiroir, en tire sa deuxième baguette magique qu’elle attache au niveau de son mollet avec une attache spéciale qui la plaque contre sa peau. Puis elle hésite une brève seconde mais ouvre sa penderie, monte sur un tabouret pour accéder aux dernières étagères et, derrière celle sur laquelle se trouvent ses pulls, accède à un petit coffre qui est creusé dans le mur. Elle compose le code à six chiffres et la porte s’ouvre. Avalon récupère l’arme qui est rangée à l’intérieur, vérifie qu’elle est chargée et la glisse dans sa ceinture, dissimulée par sa veste.

Elle l’a acheté il y a quelques années – elle a un permis pour ça – quand elle vivait encore à Manchester. Quand Vivianne est venue vivre ici, elle s’est dit qu’il fallait qu’elle s’en débarrasse – elle ne l’utilise presque jamais, sauf lorsqu’elle va au stand de tir avec Toni – mais elle a repoussé et repoussé encore. Ce n’est peut-être pas plus mal, songe-t-elle en s’assurant que l’arme est bien masquée, les sorciers sont puissants mais mortels et un pistolet, contrairement à une baguette magique, ne peut pas être brisé en deux.

Quelques minutes plus tard, Avalon et Roy se tiennent sur les falaises de Bristol. La mer est agitée et s’écrase contre les rochers, diffusant des embruns qui lui chatouillent le nez. Ils sont encore seuls et patientent nerveusement en jetant des coups d’œil fréquent à l’heure qui défile.

Puis Toni, Fergus, Jayce et Isobel apparaissent.
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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitimeJeu 23 Mar 2023 - 1:08
Le bref temps qu’Avalon et lui se laissent pour se préparer et attendre l’arrivée de leurs amis replonge Roy dans un tourbillon d’émotions douloureuses et de pensées noires. Il enfile un nouveau pull dans un état second, tandis que les images des dernières heures défilent devant lui. Le petit-déjeuner de fête qu’il a pris avec Avalon ce matin, pour célébrer leur sortie de l’hôpital, dans une ambiance joyeuse et qui lui semble dater d’une autre époque, alors que c’était quelques heures plus tôt à peine. La sensation de la peau douce des mains d’Alma sous ses lèvres, les traits paisibles de son visage après s’être rassasiée du sein de sa mère. Une autre époque aussi. Son présent n’est plus que terreur et colère, détresse et culpabilité. Terreur parce que les mots écrits de Norvel sont imprimés dans ses yeux, sa voix nasillarde bourdonne à ses oreilles, ses menaces le suivent à la trace. Colère contre son pire ennemi, contre l’hôpital, contre le monde entier et contre lui-même. Détresse à l’idée que sa fille est loin de lui et que peut-être il n’aura plus jamais l’occasion de la revoir.

Et la pire est culpabilité. Culpabilité d’être à l’origine d’un conflit qui a emporté tant de ses proches dans son sillage. Avalon a failli mourir, déjà, à cause de ses luttes de pouvoir. Isobel a mis ses dons magiques en danger pour lui, à l’époque où elle l’a aidé à se débarrasser de ses ennemis. Fergus, Toni, Jayce prennent tous les jours des risques pour permettre aux Veilleurs de prospérer. Et maintenant, Alma, le petit être le plus innocent de tous, l’enfant qu’il échoue à protéger alors qu’elle n’est sur la surface de cette Terre que depuis quelques semaines à peine.

Il n’y a pas de mots pour exprimer à quel point Roy se déteste d’être l’homme qu’il est, actuellement. Plusieurs fois déjà, par le passé, il a songé à changer, à tout laisser tomber, repartir à zéro, loin de la mafia. Mais il n’a jamais eu ce courage, il a toujours fini par céder à l’appel, à la tentation, à l’adrénaline qui le maintient dans ce milieu depuis si longtemps.

Comme il regrette.

Il regrette en sachant que cela ne l’amène nulle part de regretter. Aucun retour en arrière n’est possible. Alors il se déteste de s’être mis dans cette situation. Et l’ultime coup de poing après tout ça, la blessure supplémentaire qui serre son coeur est qu’il a l’impression qu’Avalon le déteste aussi, à cet instant. Il ne peut même pas le lui reprocher. Elle a toutes les raisons de lui en vouloir et elle l’a laissé voir plus tôt. Il a senti son regard froid sur lui, son ton accusateur, ses mots tranchants. Et tandis qu’il se remémore tous ces détails, une pensée douloureuse vient s’ajouter à toutes les autres.

Il songe que même si, par miracle, ils réussissent à se sortir tous vivants de là, il ne sait même pas si Avalon pourra lui pardonner un jour.

Comment ne pas avoir la sensation d’avoir déjà tout perdu ?

Roy doit puiser dans toute sa volonté pour ne pas laisser ses pensées partir dans tous les sens et son angoisse le submerger. Il n’a pas d’autre choix, le temps leur est compté. En voyant Avalon revenir vers lui, il replonge dans un état mécanique d’alerte avant une veille de mission et tend sa main vers elle pour les faire transplaner.

Même les falaises de Bristol, cet endroit si cher à son coeur, lui paraissent hostiles quand il atterrit. Les vagues se déchaînent férocement contre les rochers, le vent glacial fouette ses joues. Bientôt d’autres éclats de transplanage résonnent derrière lui. Toni est le premier à s’élancer dans leur direction, de grands pas affolés, suivi de près de leurs autres amis. C’est la première fois que Roy voit une telle terreur dans leurs yeux.

« Putain de merde, les gars, ça va ?? On a fait aussi vite qu’on a pu…
-On est clean et on n’a pas été suivis, je m’en suis assuré, déclare Fergus, le visage plus blafard que jamais.
-Mais qu’est-ce qui s’est passé ? interroge Isobel, le visage fermé.
-Norvel a fait enlever Alma, juste avant qu’on puisse quitter l’hôpital avec elle, déclare Avalon d’une voix étranglée qu’elle s’efforce de maîtriser. Elle poursuit, pour devancer les questions des autres : Il a dû payer quelqu’un, un infirmier, un médicomage, j’en sais rien…
-On a rien vu, complète Roy. Quand on est revenus dans la chambre, y avait juste le mot que vous avez lu et… Norvel nous a appelés après. Il veut forcer des négociations, il nous a envoyé le lieu où on est sensés le retrouver… Mais il détient Alma dans un lieu à part. » Sa voix tremblait au fil de son récit. « On ne sait pas où. 
-Et si on tente quoique ce soit contre lui, il fera tuer Alma. »

Cette sentence est accueilli d’un bref et lourd silence. Isobel semble vouloir brûler de ses yeux noirs le champ herbeux qui les entoure. Le regard de Jayce est éteint, assommé par le choc. Toni lâche une flopée de jurons dans sa langue natale, sur un ton furieux. Le teint livide, Fergus fronce les sourcils, comme lorsqu’il se retrouvait face à une situation incompréhensible.

« C’est pas possible qu’il ait pu mettre en oeuvre un truc pareil… On surveille ses gars depuis des mois, merde !
-Écoutez, c’est pas le moment de chercher le pourquoi du comment, là, on aura tout le temps de faire ça plus tard mais… Chaque minute compte, lance Roy de sa voix hachée par l’anxiété. On est sensé le retrouver dans… trente minutes. »

Sa voix s’éteint dans un souffle sur ce constat terrible. Trente minutes pour monter le plan d’une mission impossible.

« Moi je peux la retrouver » lance Isobel. Devant les regards surpris, elle ajoute. « Même s’il a utilisé des enchantements pour ne pas être localisé… ma magie arrive à les contourner. J’ai juste besoin d’une carte et de mon pendule. »

Roy pousse un soupir de soulagement si grand que ses épaules s’affaissent, comme si elles relâchent un poids devenu trop lourd.

« Mon Dieu, merci, j’espérais que tu aies un sort qui nous sauve la mise… Tu peux faire ça en combien de temps ?
-Il faut que je récupère mon pendule à la maison et ça dépend de la puissance de ses enchantements mais… c’est un homme. Leur magie tient rarement plus de deux minutes. 
-Parfait. » Avalon passe une main tremblante dans ses cheveux. « Donc tu peux la retrouver. Tu peux la retrouver et on va pouvoir la récupérer. 
-Qu’est-ce-que vous voulez faire ? demande Fergus qui semble sur le point de partir en guerre.
-On ne peut pas laisser Norvel croire qu’on a un plan, qu’on a trouvé un moyen de savoir où se trouve Alma… C’est trop dangereux. Roy et moi, on doit aller là-bas. On peut essayer de gagner du temps, de l’occuper. »

Roy hoche la tête au fur et à mesure que le plan se monte, maintenant qu’ils ont résolu le noeud le plus coriace.

« Et pendant ce temps, vous mobilisez les Veilleurs pour venir en renfort, ajoute t-il en posant son regard sur Jayce. Un maximum de personnes, tous les hommes que vous trouverez. Il faudra les tenir à distance jusqu’à ce qu’Alma soit récupérée, pour ne pas prendre de risques.
-Il faut qu’on fasse des équipes, alors » conclut son associé, pensif. « Une équipe qui part secourir Alma et une autre qui organise une descente, pendant que toi et Avalon vous gagnez du temps avec Norvel.
-Je peux m’occuper de mener les gars jusqu’au trou où se planque ce fils de chien ! lance Toni, prêt -et pressé-  à en découdre.
-Tu seras meilleur à aller sauver la petite, réplique Fergus en posant la main sur l’épaule de son ami, pour tempérer ses ardeurs. On ne sait pas quelles forces ils ont sur place. Et s’il faut se battre, il faudra le faire rapidement et efficacement. Nettoyer les lieux le plus discrètement possible pour ne pas alerter Norvel. C’est toi le plus doué d’entre nous au combat rapproché.
-Je vais avec Toni, déclare Isobel d’un ton qui ne souffre pas de réplique. Avec quelques sortilèges vaudous bien placés, les hommes de Norvel n’auront même pas le temps de réaliser que nous sommes là. »

A cette proposition, Roy tressaille légèrement et tourne un regard anxieux sur Isobel.

« T’es sûre ? »

Il ne doute pas des talents magiques de sa meilleure amie, il l’a déjà vue exécuter des sorts redoutables que les plus grands mages noirs du pays ne pouvaient même pas imaginer. Mais c’était toujours des sorts réalisés à distance. Se retrouver sur le terrain en pleine action, face à des mafieux prêts à en découdre, relève d’une autre paire de manche. Déjà qu’il ressent des scrupules à voir tous ses amis et Avalon se lancer dans cette mission suicide -mais au moins, ils ont tous déjà vécu de nombreux duels sur le terrain- il sent sa culpabilité grandir à l’idée qu’Isobel les accompagne aussi. Surtout qu’il sait que la magie vaudou a un prix. Il n’a pas oublié que le dernier gros sort de magie noire qu’elle a réalisé pour lui, quelques années plus tôt, a eu des conséquences néfastes chez elle.

« T’es pas obligée de faire ça, c’est déjà énorme si tu réussis à trouver la localisation d’Alma, on a des gars qui seront prêts à partir avec Toni pour s’occuper du reste… 
-C’est ma filleule, bien sûr que je suis obligée de faire ça. Toni sera là et il sait y faire… et je sais me défendre. En plus, il faut bien que quelqu’un leur fasse un petit retour de karma » conclue t-elle avec un sourire en coin.

Partagé entre une bouffée de reconnaissance et une vague d’inquiétude en voyant Isobel et tous leurs amis prêts à tout risquer pour eux, Roy reste silencieux. Sa femme exprime mieux que lui les sentiments qui bataillent furieusement en lui :
 
-Merci, Isy. » souffle Avalon. Elle lutte pour ne pas se laisser submerger par les émotions qui l’assaillent. Son regard trouve celui de Toni. « Faites attention, tous les deux. » Sa voix tremble un peu et, poussée par cette peur qui lui dévore les entrailles, elle se propulse en avant jusqu’à enlacer son meilleur ami. « Ramène-la moi. » murmure-t-elle pour lui d’une voix un peu étouffée.
-Compte sur moi, bella » promet-il en resserrant ses bras autour d’elle.

Les yeux de Toni brillent, comme ceux de Roy. Il sent Jayce fébrile quand il s’approche de lui pour le prendre dans ses bras. Même Fergus a perdu son flegme habituel et laisse voir toute son inquiétude en serrant Avalon contre lui. Ils ont tous en tête la possibilité que c’est peut-être la dernière fois qu’ils se voient tous ensemble mais personne n’en parle.

Pourtant, les mots affluent et se bousculent dans la gorge de Roy quand il finit par se trouver face à Avalon. Il veut lui dire qu’il s’en veut, qu’il est désolé, qu'il a peur, qu’il l’aime. Il garde le silence. Il sait que s’il commence à mettre des mots sur ce qu’ils sont en train de vivre, il va s’effondrer.

Et il n’a pas le droit de s’effondrer, pas tant qu’Alma n’est pas en sécurité. Alors il fait la seule chose qu’il peut faire, il s’arme de courage en prenant sa femme dans ses bras pour la dernière fois, avant d’aller mener sa dernière guerre.

FIN DE L'ACTE 1


Roy Calder

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La dernière guerre [Trame de mafia de l'enfer - Acte I] Icon_minitime