Love the way you lie [Rachel & Gowan]

20 décembre 2011

En sortant de l’hôpital, Rachel ajusta son écharpe autour de son cou pour se protéger du froid. Il avait neigé cette nuit et le sol était recouvert d’une fine couche de neige, déjà fondue à plusieurs endroits. En découvrant ce paysage blanc ce matin, Rachel avait grimacé ; elle détestait l’hiver. Elle n’aimait ni le froid, ni l’humidité, ni le vent qui s’immisçait sous ses vêtements. Sa mère lui disait souvent qu’elle supporterait mieux les températures basses si elle daignait se couvrir un peu plus mais Rachel, qui refusait de ressembler à un oignon en superposant les couches de vêtements, faisait la sourde oreille à ce conseil pourtant plein de bon sens.

C’était donc avec style qu’elle avait affronté le froid ce matin, en transplanant jusqu’à chez Gowan. Ils avaient convenu de se rendre ensemble à Sainte-Mangouste, où Andrew était toujours hospitalisé. Alors que Rachel s’y rendait assez confiante – rassurée par sa précédente visite – elle avait trouvé son ami bien moins en forme que la dernière fois qu’elle l’avait vu. Il paraissait fatigué, préoccupé, maussade et elle avait dû mobiliser toutes ses compétences sociales pour mener la conversation. Rachel et Gowan avaient fini par s’éclipser, lorsqu’une infirmière était venue changer la perfusion d’Andrew.

Gowan, qui ne s’était pas montré particulièrement loquace pendant cette visite non plus, marchait à côté d’elle, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. Il était pâle et avait l’air plongé dans des pensées agitées. Il avait été réticent à venir aujourd’hui et Rachel avait dû insister un peu pour qu’il accepte. Elle avait été tellement soulagée de parler avec Andrew, de rire avec lui, de pouvoir constater par elle-même qu’il était vivant, qu’elle s’était dit que cela lui ferait le même effet et que, peut-être, la culpabilité qu’il nourrissait depuis son accident s’effacerait ainsi. Visiblement, l’inverse s’était produit ; Rachel avait rarement vu Gowan aussi affecté et silencieux.

Elle finit par s’arrêter et posa une main sur son avant-bras pour l’inviter à suivre son exemple.

« Ça va ? » s’enquit-elle en posant un regard soucieux sur lui.

Gowan était tiraillé par la nausée alors que Rachel et lui se dirigeaient vers les portes de Sainte-Mangouste. Il se sentait brusquement agressé par cet endroit. Les odeurs de désinfectant, les bruits, les portes qui s’ouvraient... Il avait envie de sortir d’ici au plus vite. Cela n’avait pas été une bonne idée de venir, il en avait toujours eu l’instinct. Il en avait pourtant envie. Il n’avait pas revu Andrew depuis la veille du match et il mourait envie de lui parler, de lui expliquer, d’arranger les choses. Il voulait voir qu’il allait bien, il voulait sortir de son esprit les images horribles de l’accident, la chute, les médicomages sur le terrain... Mais dans le même temps, il était terrifié. Terrifié de faire face à son meilleur ami, aux conséquences de la dispute qu’ils avaient eue. Terrifié de faire face à sa propre culpabilité. Alors il était resté à distance, jusque là. Poudlard lui donnait une bonne excuse. Quand Andrew avait envoyé un message dans leur groupe de conversation, quelques jours après son réveil (sous forme d'un meme du père de Rachel qui émergeait d’une sieste), il avait réagi avec des smileys enthousiastes mais cela s’était arrêté là. Il n’avait pas osé initier le contact, peut-être dans l’espoir un peu vain que son meilleur ami le ferait.

Quand ils avaient tous repris le train pour revenir chez eux pendant les vacances de Noël, ils avaient convenu d’une date de visite où ils pourraient tous aller le voir. L’idée de se glisser dans le groupe le rassurait un peu. Pour autant, cela le travaillait. Il pensait beaucoup à Andrew, il voulait savoir comment il allait, comment il se sentait. Il avait envie de parler avec lui. Il aurait pu aller à Sainte-Mangouste, comme l’avaient fait Rachel, Kat ou bien Baen. Mais une fois qu’il serait seuls tous les deux, que se passerait-il ? Que devrait-il dire ? Que pouvait-il dire pour justifier cette trahison ? Tout cela l’empêchait de dormir, il passait de longues heures la nuit à parcourir son Pear. Il avait lu tous les articles de presse sur l’accident, il avait demandé des nouvelles à Jacob, le cousin d’Andrew qu’il suivait sur instamag. Et lorsque Rachel était allée le voir, il en avait profité pour lui demander comment il allait, comment il était. C’était elle qui avait fini par le convaincre de venir avec elle pour une nouvelle visite. Elle lui avait raconté qu’il était bien, qu’ils avaient plaisanté, qu’il était en forme.

Il ne savait pas si leur ami était dans un bon jour lorsque Rachel l’avait vu la première fois ou s’il était aujourd’hui dans une mauvaise passe mais une chose était claire : Andrew n’était pas bien. Il semblait fatigué, pâle, les traits tirés. Il avait encore des perfusions de potions. Il était agité et ne semblait pas vraiment dans son état normal. Gowan n’avait pas pu s’empêcher de lier cet état à sa présence. Il avait croisé les yeux sombres de son meilleur ami, son regard accusateur. Rachel et lui avaient écourté la visite.

Il avait envie de vomir. La culpabilité lui enserrait l’estomac. Il sentit à peine le froid sur son visage lorsqu’ils sortirent enfin à l’air libre, faisant quelques pas dans la rue moldue. Plongé dans ses pensées, il repassait en boucle dans son esprit les dernières scènes. La main de Rachel se posa sur son bras, le poussant à relever la tête vers elle. Elle le regardait d’un air préoccupé.

- Non, répondit-il. Non, ça ne va pas. J’vais...

Il avisa quelques marches, qui menaient à une porte d’immeuble.

- J’vais m’assoir deux secondes. 

Gowan n'était pas bien, c'était évident. Rachel pouvait le comprendre ; ils avaient en effet trouvé Andrew dans un mauvais jour, bien moins en forme que lors de sa précédente visite. Il ne s'était pas montré très bavard, avait répondu laconiquement à ses questions et paraissait toujours douloureux. Rachel avait eu un pincement au cœur en le quittant. Gowan était sûrement inquiet, songea-t-elle en glissant un regard vers son ami, surtout qu'il se sentait personnellement responsable de l'accident d'Andrew et qu'il n'avait pas l'air de la croire lorsqu'elle lui assurait qu'il n'y était pour rien. Le voir allongé sur son lit d'hôpital, les traits tirés et le visage pâle, n'avait pas dû aider...

Lorsqu'il lui confia, dans un souffle vacillant, qu'il voulait s'asseoir un instant, Rachel sentit son cœur se serrer. Elle l'accompagna jusqu'aux marches de l'immeuble le plus proche et se laissa tomber à côté de lui. Elle rabattit son long manteau sur ses jambes - elle portait une robe, ce qui n'était pas la tenue la plus pratique pour s'asseoir par terre - et passa une main dans le dos de son ami. Il paraissait absorbé par ses pensées, si bien qu'elle finit par poser sa tête sur son épaule, dans une étreinte qu'elle voulait réconfortante.

« Il était dans un mauvais jour, c'est tout, lui assura-t-elle. Mais il va s'en sortir. Regarde, les médicomages disent qu'il pourra peut-être sortir avant Noël ! C'est positif. »

D'ailleurs, sa chambre était éloignée du bureau des infirmières ce qui - Rachel le savait - était un bon signe. Les patients les plus instables était toujours placés juste à côté du poste de soins, pour leur assurer une présence immédiate en cas de besoin.

« Moi aussi, ça me fait bizarre de le voir comme ça... Mais ça va aller, il se remet bien. Il est solide, Andrew. Bientôt, ce sera derrière lui, tout ça. » affirma-t-elle, sans savoir, évidemment, à quel point elle se trompait.

Gowan s’efforça de souffler profondément, ses yeux fixés sur la couche de neige fondue et boueuse qui recouvrait les trottoirs de Londres. Rachel se glissa à ses côtés, sa main dans son dos. Lorsqu’elle posa sa tête sur son épaule, il soupira et vint appuyer son crâne contre le sien. Elle tenta de le réconforter mais il sentit que ses mots n’avaient pas de prise sur lui.

- Il était dans un mauvais jour parce que j’étais là... répondit-il, la culpabilité lui serrant toujours l’estomac.

Effectivement, Andrew allait peut-être sortir avant Noël et c’était tout ce que Gowan lui souhaitait. Personne ne pouvait être bien à Sainte-Mangouste. Mais il savait également que cela n’arrangerait pas les choses entre eux, que son ami ne serait brusquement pas de meilleure composition dans un environnement différent. Les choses étaient trop graves.

Dans la chambre d’hôpital, Gowan avait demandé à Andrew s’il se rappelait de ce qui s’était passé. Il mentirait en disant qu’il n’y avait pas d’arrière-pensée en posant cette question... et son meilleur ami le connaissait par coeur. Il avait tourné ses yeux vers lui, son regard cerné, sa mâchoire serrée. « Non » avait-il répondu. « Je ne me rappelle pas de la matinée. Mais je me souviens parfaitement de la veille. » Gowan avait senti son coeur chuter dans sa poitrine. Il était horrible, songea-t-il. Il en venait à espérer que le traumatisme ait suffisamment abimé la boite crânienne de son meilleur ami dans l’espoir de se sentir d’une conversation difficile. À cet instant, il aurait voulu disparaître.

Rachel continuait de le rassurer sans réaliser qu’il était pris dans la tempête qui avait éclaté dans son esprit. Il ferma les yeux pour se concentrer sur sa voix, sa main venant chercher la sienne.

- Oui, souffla-t-il. Les Serpentard ne vont pas savoir ce qui les frappe quand il va reprendre, tenta-t-il de plaisanter.

Sa voix sonnait étrangement. Mais il ne pouvait pas lui dire. Il ne pouvait pas expliquer tout cela, c’était trop grave. Il conservait sa culpabilité, l’enfermait au creux de lui-même, la laissait lui bouffer les entrailles. Il le méritait.

Fermant de nouveau les yeux, il vint déposer un baiser sur les cheveux de Rachel, inspirant son parfum sucré.

- Tu vas avoir froid par terre, finit-il par murmurer.

« Mais non, il doit simplement en avoir marre d'être bloqué à Sainte-Mangouste... » affirma Rachel d'une voix douce.

Elle sentait bien que Gowan était rongé par la culpabilité, même si elle ne comprenait pas l'origine de cette dernière. Il lui avait dit qu'Andrew et lui s'étaient disputés la veille du match mais sans s'étendre sur les raisons de ce conflit et Rachel n'avait pas cherché à les connaître, trop préoccupée par l'état de santé de son ami. Elle s'était contentée de lui répéter que l'accident d'Andrew était dû au Cognard qui l'avait frappé en plein arrêt de jeu, au mauvais temps qui l'avait empêché d'anticiper ce coup, mais que leur dispute n'avait rien à voir là-dedans. Elle y croyait sincèrement, d'autant plus qu'Andrew ne se laissait pas déstabiliser facilement avant un match de Quidditch.

« Exactement, rebondit-elle lorsque Gowan mentionna les Serpentard, ils vont encore finir derniers de la Coupe. »

Elle entremêla ses doigts aux siens. La pointe d'humour de Gowan sonnait un peu faux mais il avait l'air vraiment bouleversé par leur visite et elle préféra ne rien dire pour que leur conversation puisse prendre une tournure plus légère. Lorsqu'il embrassa ses cheveux, elle eut un discret sourire.

« J'ai les cuisses gelées. » souffla-t-elle dans un rire bas. Elle redressa la tête pour croiser le regard de Gowan. La tristesse qu'il avait au fond des yeux lui pinça le cœur et lui donna la terrible envie de voir ses lèvres s'étirer en un sourire qu'elle aimait tant. « Est-ce que ça te dit qu'on passe la journée ensemble ? Il y a un marché de Noël pas très loin, on pourrait prendre un chocolat chaud ou regarder un film chez moi ? Ma mère n'est pas là et au moins, grimaça-t-elle, on sera au chaud. » Et tranquilles.

Rachel entremêla ses doigts aux siens et Gowan essaya de se concentrer sur cette sensation plutôt que sur le mal-être qui le tiraillait. Lorsqu’elle révéla qu’elle avait un peu froid, il ne put s’empêcher de sourire un peu. Elle était en petits collants en décembre, il l’avait vu quand ils s’étaient retrouvés un peu plus tôt. À croire que le style ne tenait pas chaud...

- En même temps, tu as vu comment tu es habi.. Attends, je sonne comme le professeur Witherington, fit-il avec un effroi feint.

L’une de leurs enseignantes de sortilèges, qui était très à cheval sur le port strict de l’uniforme. Il s’était déjà pris une retenue parce qu’il portait sa cravate comme « un membre des Bizarr’Sisters dans leurs années les plus rock. » Sa proposition de passer la journée tous les deux lui fit baisser les yeux sur elle. Le marché de Noël avec Rachel, regarder un film en l’absence de sa mère... Ils seraient tranquilles chez elle, c’était ce que Gowan comprenait. C’était bien évidemment tentant. Bien plus tentant que de rentrer chez lui pour continuer à se morfondre. Ses parents étaient en vacances en plus et sa mère passait ses journées à râler sur ses frères et lui. Ils ne se levaient pas assez tôt, ils laissaient leur vaisselle traîner dans l’évier... mais quand ils essayaient de l’aider, ils ne rangeaient pas le lave-vaisselle correctement à son goût et ils mélangeaient les couleurs dans la machine. Il préférait rester dehors.

- On peut faire les deux, suggéra-t-il. On prend à manger au marché puis on va chez toi... si ça te va.

Il se redressa et l’attrapa par la main, pour réchauffer ses doigts glacés. Ils commencèrent à marcher, la culpabilité lui tordant toujours l’estomac. Andrew était coincé à l’hôpital, lui... Pour distraire ses pensées, il lança :

- Tu as commencé les devoirs ? J’ai rien fait... On nous a donné tellement de trucs, c’est abusé. C’est les vacances, on a autre chose à foutre franchement. Ça se voit que les profs n’ont pas de vie.

« Gowan, s’offusqua Rachel, tu parles comme ma mère. »

Elle ne cessait de lui répéter de plus se couvrir, de rajouter une petite laine, de mieux couvrir son cou… Déjà qu’il fallait qu’elle masque toutes ses tenues par un manteau et une écharpe ! Elle n’allait pas non plus s’empêcher de mettre les vêtements qui lui plaisaient sous prétexte qu’il faisait un peu froid. Même s’il faisait objectivement un peu froid et que sa petite robe n’était pas très adaptée pour la saison – l’hiver n’était décidemment pas une saison compatible avec le style.

Aussi, elle fut satisfaite de voir Gowan accepter sa proposition. Ils seraient bien mieux installés chez elle plutôt qu’ici. Et puis, ils seraient tranquilles ; sa mère ne rentrerait pas avant au moins vingt-et-une heures – elle travaillait aujourd’hui – et sa petite-sœur passait la journée chez une copine.

« C’est parfait. » approuva-t-elle en se relevant à son tour.  

Elle laissa sa main dans la sienne, ses doigts pressés contre sa paume pour y trouver un peu de chaleur. Sa question lui fit hausser légèrement les épaules.

« Oui, j’ai commencé à regarder les dissertations de Sortilèges et de Métamorphose mais Witherington demande des trucs impossibles à faire sans avoir accès à la bibliothèque de Poudlard… Elle nous demande de consulter quatre bouquins différents mais elle sait très bien qu’on rentre presque tous pendant les vacances de Noël ! Mais c’est sûr qu’elle le fait exprès, ça lui fait trop plaisir de nous imaginer galérer comme ça. » soupira Rachel en haussant les yeux au ciel. Elle n’aimait pas beaucoup son enseignante depuis que cette dernière lui retirait systématiquement des points parce qu’elle modifiait son uniforme et lui disait qu’elle cherchait à se faire remarquer en agissant ainsi.

Ils débouchèrent quelques minutes plus tard sur une petite place moldue, sur laquelle un marché de Noël se tenait. Les familles flânaient autour des stands qui présentaient des créations artisanales, des vêtements, ou des mets desquels s’élevait une délicieuse odeur.

« Qu’est-ce que tu veux prendre ? l’interrogea Rachel en balayant les lieux du regard. Oh, fit-elle avec une lueur gourmande au fond des yeux, il y a des churros… »

Gowan écarquilla volontairement grand les yeux quand Rachel l’accusa de parler comme sa mère. Il simula un air outré en posant sa main contre son coeur.

- Si je parlais comme ta mère, jeune fille, je te dirais que cette robe est un peu courte...

Il lui adressa un sourire.

- Mais comme je parle comme Gowan, je te dis que c’est très sexy.

Il se forçait un peu à badiner, à faire comme si tout était normal. Peut-être que cela aiderait son esprit à se distraire, peut-être que cela éloignerait de lui les horribles pensées qui le tourmentaient. Il sentait toujours son estomac noué, il avait toujours cette vague envie de vomir mais le sourire de Rachel et sa présence lui faisaient du bien. Tout semblait toujours plus facile quand elle là. Il aimait la personne qu’il était avec elle. Il aimait la manière dont elle le regardait. Cela lui donnait l’impression, l’espace d’un instant, qu’il n’avait pas fait tout ce qu’il avait fait.

Ils marchèrent main dans la main pour se diriger vers le marché de Noël et il ne put s’empêcher de songer qu’elle était bien une sérieuse Serdaigle à avoir commencé ses devoirs. Lui n’avait même pas sorti ses manuels de sa valise...

- Franchement je regrette d’avoir conservé sortilèges après les BUSES mais t’en as besoin dans presque toutes les carrières...

Il ne savait pas encore ce qu’il voulait faire alors il n’avait pas pu renoncer à des matières trop importantes. Il avait juste perdu Métamorphoses - comme Andrew - parce qu’il s’était planté aux écrits. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de réviser mais c’était terriblement difficile comme domaine. Le petit marché était sur une place, il n’y avait pas beaucoup de stands mais l’ensemble était joli. Une bonne odeur était dans les airs et ils se tournèrent tous les deux vers le stand de nourriture.

- Des churros, du coup, suggéra-t-il avec amusement. Ils se mirent dans la file et il décida immédiatement de prendre ceux au Nutella. Si tu leur lances un sort pour les garder chauds, on peut les ramener chez toi... Il n’était pas encore majeur et ne pouvait ni faire de la magie en dehors de l’école ni transplaner. Tu es sûre que ta mère n’est pas là ? Ça serait gênant de tomber sur elle... On serait moins tranquilles.

Rachel fit mine d’être offusquée par le commentaire de Gowan, avant d’éclater de rire.

« Je préfère ça. » lança-t-elle en lissant le bas de sa robe.

Ils se cherchaient toujours un peu, tous les deux. Enfin… Ils s’étaient plutôt trouvés à plusieurs reprises. Au début, ils avaient l’habitude de s’éclipser discrètement pendant les soirées, quand l’alcool leur montait un peu à la tête. Ils faussaient compagnie à leurs amis et s’embrassaient à en perdre le souffle dans un coin un peu isolé. Puis, un peu avant la fin leur cinquième année, ils avaient multiplié ces moments. Ils se retrouvaient parfois dans un couloir, parfois dans les gradins vides du terrain de Quidditch, parfois dans le dortoir des garçons quand il était inoccupé… Rachel aimait le temps qu’elle passait seule avec Gowan. Cette pensée la fit sourire alors qu’ils se dirigeaient vers le marché de Noël ; Imogen lui aurait sûrement dit qu’elle aimait beaucoup Gowan tout court. Et elle aurait eu parfaitement raison.

« Je sais… grimaça Rachel lorsque le sujet dériva vers la montagne de devoirs qu’ils devaient rendre pour la rentrée. Et puis, Witherington est horrible, franchement. Si tu veux, je pourrais te filer un coup de main pour la dissert’. » lui proposa-t-elle (sans préciser qu’elle avait elle-même demandé à Adam de l’aider. L’amitié était un vaste ruissellement des connaissances, après tout.)

Lorsqu’ils arrivèrent sur la petite place, la bonne odeur de nourriture chassa leurs préoccupations scolaires. Rachel et Gowan se glissèrent dans la file du stand et elle se mit sur la pointe des pieds pour pouvoir déchiffrer le panneau qui listait les différents mets.

« Oui, on pourra faire ça en s’éloignant un peu. » proposa-t-elle. Le marché de Noël avait beau être petit et pas trop fréquenté à cette heure de la journée, elle préférait ne pas prendre le risque de jeter un sort devant des moldus. « Oui, oui, je suis sûre, elle est à Sainte-Mangouste, précisa-t-elle. Elle finit à vingt-et-une heures donc on sera seuls un long moment… Heureusement, ajouta-t-elle avec un rire. Sinon, elle aurait insisté pour qu’on regarde le film avec elle et ça aurait été très gênant. »

Ils finirent par accéder au comptoir pour passer commande et récupérèrent un énorme cornet de churros et deux pots de Nutella dans lesquels les plonger ainsi que des chocolats chauds que Rachel s’empressa de conserver au chaud avec un sort lorsqu’ils s’éloignèrent de la foule.

« On devrait pouvoir transplaner ici… commenta-t-elle en s’enfonçant dans une ruelle plus étroite. C’est bon pour toi ? » lui demanda Rachel en lui tendant sa main libre.

- Je veux bien, merci, accepta Gowan en hochant la tête lorsque Rachel lui proposa de l’aider pour la dissertation. Je ne sais pas quand je vais m’y mettre en revanche... Faut que je trouve des cadeaux de Noël mais j’ai zéro idée.

Aucune idée et aucune envie. Contrairement à ses camarades issus de famille sorcière qui pouvaient faire leurs course de Noël dans les boutiques de Pré-au-lard, il était né-moldu et ne se voyait donc pas offrir à ses parents un grimoire ou un nécessaire à l’entretien des balais. Il offrait toujours quelques chocolats et bonbons sorciers mais cela ne pouvait pas faire tout son cadeau. Heureusement qu’ils ne s’offraient pas en plus des cadeaux entre amis parce qu’il ne serait pas sorti de l’auberge. Tout en avançant d’un pas dans la file, il hocha la tête lorsque Rachel confirma que sa mère travaillait à sainte-Mangouste jusqu’à vingt-et-une heures. Il fit mine de s’étonner lorsqu’elle déclara que le contraire aurait été embarrassant.

- Je ne vois pas pourquoi ? C’est parce que tu comptes faire autre chose que de regarder le film... ? Quel esprit dépravé.

Il espérait en réalité pouvoir l’embrasser, comme lorsqu'ils s’échappaient parfois de leurs amis pour trouver un peu d’intimité. Dans ces moments, il oubliait un peu tous les problèmes qui pouvaient l’agiter et il avait envie de retrouver cette sérénité, même quelques secondes. Il lui adressa un sourire alors qu’ils passaient commande de leurs churros, sortant un peu de monnaie moldue de la poche de son jean (il avait demandé dix livres à sa mère ce matin.) Une fois qu’ils se furent un peu éloignés de la foule pour pouvoir trouver un endroit pour transplaner, il lui tendit la main.

- C’est vraiment l’avantage des femmes mûres ça, le permis de transplanage. Ça te va bien le grand âge ! 

« Mais pas du tout, qu'est-ce que tu vas imaginer ! répondit Rachel avec un petit sourire lorsque Gowan l'accusa de vouloir faire autre chose que de regarder un film. Ma mère est une personne très gênante en elle-même, elle n'a pas besoin d'une situation particulière pour déployer ses talents. »

Même si, en l'occurrence, Rachel savait très bien ce qu'elle pourrait dire sur Gowan. « Il est très mignon ton ami, ma chérie. » « Je peux me joindre à vous dans le salon où vous avez envie d'être un peu seuls ? » Et quand Rachel, excédée, aurait roulé des yeux et pesté un « Mais mamaaaaan », elle aurait ri et aurait levé les mains : « Bon, bon, j'ai compris le message, je vous laisse, vous êtes très mignons. »

Cela aurait été terriblement embrassant. Rachel était donc ravie que sa mère soit occupée jusqu'au soir et que la maison soit vide de toute présence (ce qui, en revanche, n'aurait pas du tout plu à sa mère, mais ce qu'elle ignorait ne pouvait pas lui faire de mal.)

Le commentaire de Gowan lui tira un rire et Rachel secoua la tête.

« Ça fait un peu de moi ta sugar mommy, non ? » lui lança-t-elle avec un sourire malicieux.

Elle lui saisit la main, ferma les yeux pour se concentrer et visualisa sa destination. Ils disparurent dans un craquement et se retrouvèrent face à la maison de la mère de Rachel, coincée entre deux bâtisses similaires. La jeune femme s'appuya sur la barrière qui entourait le petit jardin de devant, le temps que les effets du transplanage se dissipent. Ce n'était pas tant la sensation de malaise que la fatigue liée au transplanage d'escorte. Elle finit par fouiller dans son sac pour trouver les clés de la porte d'entrée et invita Gowan à la suivre.

La maison de sa mère ressemblait à toutes celles du quartier pavillonnaire. Même jardin, même façade où les fenêtres étaient placées au même endroit, même agencement à l'intérieur. Dans l'entrée, il y avait l'escalier qui menait à l'étage, et un dégagement qui desservait deux espaces : la cuisine, sur la droite et le salon (dont un espace était dédié à la salle à manger) sur la gauche. Rachel aimait bien comment sa mère avait décoré la maison. Il y avait plein d'objets étonnants, un peu kitsch, très colorés, qui donnaient une atmosphère assez chaleureuse.

Elle déposa ses clés dans un petit pot, retira ses chaussures et suspendit son manteau à un crochet.

« Et voilàààà, annonça-t-elle. Quand je serai très célèbre et très riche, tu pourras vendre à la presse les détails de ma maison d'enfance. »

Malgré ses plaisanteries, Gowan n’avait pas très envie de rencontrer la mère de Rachel aujourd’hui. Il était content qu’ils ne soient que tous les deux, sa présence lui faisait du bien après cette visite compliquée à Andrew. Le regard accusateur de son meilleur ami était gravé dans son esprit, il en sentant encore la brûlure sur ses joues. Il repoussa ses pensées de toutes ses forces et adressa un sourire à Rachel lorsqu’elle attrapa sa main en déclarant qu’elle était sa sugar mommy. Ses sourcils se haussèrent pour faire un sous-entendu tendancieux.

- Hum... Je t’enverrai la facture pour les churros alors, si c’est comme ça.

La sensation désagréable du transplanage le saisit au nombril alors qu’ils disparaissaient pour réapparaître dans une petite rue tranquille, face à ce qui devait être la maison de Rachel. Il y avait un petit jardinet devant, des fleurs bien entretenues. Les maisons autour se ressemblaient toutes et cela lui faisait un peu penser à son propre quartier. Il baissa les yeux sur son amie, qui s’était appuyée quelques secondes contre la barrière, sûrement à cause du voyage.

- Ça va ? demanda-t-il en posant sa main dans son dos.

Mais elle retrouva bien vite ses esprits pour trouver ses clés dans son sac alors qu’ils remontaient la petite allée. À l’intérieur, un parquet de bois clair illuminait les pièces. Sur la droite, Gowan aperçut la cuisine alors qu’il retirait son écharpe en dénouant les tours qui enserraient son cou. Imitant Rachell, il fit glisser sa doudoune de ses épaules pour la mettre sur un crochet. S’aidant de son pied gauche, il retira une première basket puis une deuxième et les repoussa contre un pan de mur. Le salon dégageait une impression de chaleur avec ses coussins et son tapis coloré et tous les objets qui décoraient les bibliothèques et les petites niches. Il sourit à sa remarque.

- Je n’y manquerai pas, je dirai bien que ton sens artistique était déjà évident !

Il lui tendit le paquet de churros, qu’il gardait depuis qu’ils avaient quitté le marché de Noël.

- Tiens, prends-en pendant que c’est chaud.

Ça se refroidissait toujours vite ces trucs. Il en saisit un aussi entre ses doigts avant de mordre dedans avec appétit, sentant le beignet fondre dans sa bouche. Il baissa les yeux sur Rachel et ne put s’empêcher de remarquer qu’un peu de sucre glace s’était déposé sur son visage, parsemant le contour de ses lèvres et s’égarant quelque peu sur sa joue.

- Tu as un peu de sucre...

Il eut un vague mouvement de la main pour désigner son propre visage, comme pour mieux le lui indiquer, avant qu’une idée ne traverse son esprit, lui tirant un sourire.

- Juste là, souffla-t-il en se penchant vers elle, déposant un léger baiser sur sa peau sucrée. Et là aussi... murmura-t-il, juste avant de s’emparer de ses lèvres.

« Parce que tu en doutais avant de venir ici ? » releva Rachel lorsque Gowan mentionna son sens artistique.

A Poudlard, elle passait une bonne partie de son temps libre dans la salle des arts, où elle avait aménagé un espace pour ses créations. Elle adorait imaginer des modèles de vêtements, les dessiner, les coudre… Sa dernière création – et la plus ambitieuse à ce jour – était la robe qu’elle avait offert à Kathrina pour son anniversaire. Elle avait commencé à réfléchir à sa conception pendant l’été et avait acheté le tissu juste avant la rentrée à Poudlard. Elle avait dû s’y reprendre à plusieurs fois pour parvenir au résultat qu’elle avait en tête – le tulle n’était pas une matière facile à broder – mais elle avait fini juste à temps pour le dix-sept novembre. Elle avait été très fière du résultat et, en contemplant Kat – absolument radieuse – dans sa robe, toute la petite bande était arrivée à la même conclusion (enfin, c’était plutôt sa conclusion qui était sûrement partagée) :

Elle avait un sens artistique absolument incontestable.

Entraînant Gowan dans le salon, Rachel se laissa tomber sur le canapé coloré, recouvert par plusieurs coussins à motifs. Elle saisit le beignet qu’il lui tendait et croqua dedans avec un soupir de contentement. Il faisait bien meilleur maintenant qu’ils étaient à l’intérieur, songea-t-elle en tournant un regard vers son ami qui la dévisageait avec un petit sourire.

« Quoi ? Où ç… »

La question mourut sur ses lèvres, alors que celles de Gowan se posaient avec douceur sur sa joue. Elle eut un petit rire juste avant qu’il ne l’embrasse à nouveau et elle répondit à son baiser en glissant sa main libre derrière sa nuque. Rachel ferma les yeux, se laissant emporter par ces sensations toujours très intenses que Gowan parvenaient à convoquer chez elle. Ses doigts se perdirent brièvement dans ses cheveux et elle rapprocha son buste du sien, comme pour chercher un contact plus franc entre leurs lèvres déjà scellées.

Lorsqu’elle se détacha de lui, ses yeux brillaient d’un éclat tendre.

« Je croyais que tu voulais regarder un film ? » souffla-t-elle avec un tout petit sourire, sans s’écarter pour autant.

Gowan savait très bien qu’elle était douée, elle savait coudre et broder, elle dessinait des vêtements et elle faisait du théâtre. Il savait qu’elle voulait se lancer dans la mode après les ASPICS et il ne doutait pas qu’elle puisse réussir. Après tout, elle était déterminée comme une Gryffondor, malgré sa répartition à Serdaigle.

Et lui était bien décidé à rendre hommage à sa maison, en faisant preuve d’un peu d’audace. Il s’était penché vers Rachel, déposant un baiser sur sa joue sous le prétexte d’enlever le sucre glace sur sa peau. En l’entendant rire, il poussa un peu sa chance en se penchant pour l’embrasser réellement, souriant légèrement contre ses lèvres alors qu’elle glissait une main dans sa nuque. C’était loin d’être la première fois qu’ils s’embrassaient mais il ne s’en lassait jamais. Il s’appuya un peu plus contre elle, juste avant qu’ils ne se séparent. Rachel lui souriait avec douceur et cette vision lui fit comme un coup au coeur.

- Mais je veux absolument regarder un film, répondit-il. Je te laisse choisir...  

Il mentait. Il n’avait absolument pas envie de regarder de film.

Rachel ne quittait pas Gowan des yeux. Elle observait tous les petits détails de son visage, son minuscule grain de beauté sous son sourcil, l’angle de sa mâchoire, la toute petite cicatrice en haut de son front, la fossette qui apparaissait sur sa joue lorsqu’il souriait. Son commentaire lui tira un rire et elle secoua doucement la tête.

« C’est mal de mentir, souffla-t-elle. Surtout pour un Gryffondor. »

Elle se pencha à nouveau vers lui pour l’embrasser, plus audacieusement que la première fois. Ils se retrouvèrent très proches l’un de l’autre et Rachel laissa glissa ses mains jusque dans son dos avec un petit soupir. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’embrassaient ainsi mais, à chaque fois, elle sentait une délicieuse chaleur s’emparer d’elle. Elle sentait bien que ses joues s’échauffaient, que son cœur battait un peu plus vite. Ce n’était pas une sensation entièrement nouvelle pour elle ; ils avaient déjà partagé quelques moments intimes à Poudlard, au détour d’un couloir, d’une salle de classe ou dans le dortoir de Gowan lorsque ce dernier était vide de toute présence. Mais le vieux château écossais n’était pas l’endroit le plus adapté – ni le plus calme – pour laisser à leurs envies la place de se déployer tranquillement.

A l’inverse d’une maison vide de toute présence.

Rachel était visiblement troublée lorsqu’elle s’écarta une nouvelle fois de Gowan. Elle fit glisser sa main dans la sienne comme pour se donner le courage de dire ces quelques mots qui butaient contre ses lèvres :

« Tu veux qu’on monte dans ma chambre ? »

C’était ce que Gowan aurait répondu en temps normal, de ce ton plein de gouaille qu’il employait souvent. C’est ce qu’il aurait dû répondre. Mais cette fois-ci, il ne parvint pas à s’y résoudre. Pas après tout ce qui était arrivé. Pas après tout ce qu’il avait fait. Pas lorsque l’image blessée de son meilleur ami s’imposait à son esprit, malgré toute sa volonté pour la repousser. Il se contenta de rapprocher légèrement son visage de celui de Rachel, effleurant le bout de son nez du sien.

- Je sais, murmura-t-il.

Elle se pencha vers lui pour l’embrasser avec intensité et il fit glisser ses bras autour de sa taille pour la rapprocher de lui, ses doigts venant froisser le tissu fin de sa blouse. Il vint presser son corps contre le sien, sentant l’emballement familier s’emparer de lui. Ils s’étaient déjà embrassés, après des soirées et des verres vidés, après des soirées à traîner dans les couloirs de l’école, lors d’après-midi tranquilles dans son dortoir. C’étaient toujours des baisers empressés, plein d’un désir contenu. Il n’avait jamais voulu la brusquer, outrepasser leurs limites tacites. Lorsqu’ils se séparèrent, il lui adressa un sourire et entrelaça ses doigts aux siens en retour de son geste tendre.

La proposition qu’elle lui fit le prit par surprise et il resta silencieux quelques secondes, ses yeux bruns cherchant une confirmation dans les yeux de Rachel. Il sentait son coeur battre fort dans sa poitrine.

- Oui, finit-il par répondre. Si tu veux.

Il lui adressa un nouveau sourire et se leva du canapé à sa suite, leurs mains entrelacées, soudain un peu nerveux.

- C’est donc pour ça que tu voulais que ta mère soit absente... quel calcul... tenta-t-il de plaisanter pour détendre l’atmosphère.

Rachel se sentait un peu nerveuse. Son cœur battait vite et elle dut lutter pour soutenir le regard de Gowan face à elle. Il semblait surpris, comme s’il ne s’attendait pas à une telle proposition et, en percevant la question au fond de son regard, elle hocha lentement la tête. Oui, c’était ce qu’elle voulait.

Rachel amorça un mouvement pour se lever mais conserva la main de Gowan enlacée à la sienne. Elle accueillit sa remarque avec un petit sourire alors qu’ils se dirigeaient vers l’escalier qui desservait l’étage.

« Qui te dit que je ne te propose pas de monter dans ma chambre pour admirer mes dernières créations ? Ne t’emballe pas comme ça… »

Rachel franchit les dernières marches et prit immédiatement sur la droite. Elle poussa la porte de sa chambre et s’effaça pour céder le passage à Gowan.

C’était une pièce assez lumineuse, dans laquelle trônait un lit, une grande bibliothèque, un petit fauteuil (qui disparaissait sous les vêtements), une penderie qui débordait et un immense bureau. C’était sûrement l’endroit de sa chambre où elle passait le plus de temps, quand elle y était. Il y avait plusieurs échantillons de tissus éparpillés dessus, des croquis, du fil, des ciseaux, sa machine à coudre… A la droite du bureau se tenait un mannequin de couture, sur lequel Rachel travaillait une jupe évasée et boutonnée sur le devant, dans les tons verts.

Après avoir refermé la porte derrière elle, Rachel se dirigea vers Gowan. Elle glissa sa main dans la sienne, un peu intimidée par le moment qui s’esquissait entre eux. Parce qu’il observait les alentours avec curiosité, elle choisit de le taquiner pour détendre un peu l’atmosphère :

« Je sais, je sais, tu es incroyablement séduit par mon talent… »

Rachel entrelaça ses doigts aux siens pour l’entraîner vers l’escalier et sa réponse à sa petite plaisanterie lui tira un sourire. Il haussa légèrement les épaules :

- Mais qui te dit que je m’emballe ? Je suis juste très content de visiter la maison en l’absence de ta mère, toujours pénible les visites guidées avec les parents autour...

En réalité, il s’emballait comme l’adolescent de seize ans qu’il était. Ils avaient déjà eu plusieurs moments tous les deux, dans les recoins isolés de Poudlard, dans les petits passages dissimulés derrière les tableaux et les tapisseries, dans les salles abandonnées de l’école, dans son dortoir lorsqu’ils avaient une heure de libre... Mais cette fois-ci Gowan avait l’impression que c’était différent. Il l’avait senti dans leur baiser, il l’avait sentit dans le regard qu’ils avaient échangé, il le sentait dans son coeur qui battait fort dans sa poitrine alors qu’ils parvenaient en haut des marches.

La chambre de Rachel était une pièce lumineuse, avec beaucoup de vêtements, dépassant de la penderie ou bien posés sur une chaise, ou encore en cours de réalisation sur le mannequin dans un coin de la pièce. Un couvre-lit moelleux blanc était posé sur un lit simple contre le mur. Le bureau débordait de choses et il eut un léger sourire en reconnaissant bien là l’esprit créatif et bouillonnant de la jeune femme. Il sentit d’ailleurs ses doigts se glisser de nouveau entre les siens et sourit, se tournant vers elle. Il passa ses bras autour de ses épaules pour la rapprocher légèrement de lui.

- En réalité, je me disais que tu ne pouvais plus jamais rien dire sur nos fringues en bordel dans le dortoir, répliqua-t-il en désignant d’un vague geste de la tête le fauteuil.

Rachel s’introduisait régulièrement et illégalement dans la salle commune des Gryffondor, au point que cela ne surprenait plus jamais personne. Elle avait déjà passé des soirées et des nuits entières dans la chambre de Louise et d’Imogen et, puisque ces dernières venaient parfois les visiter chez les garçons, était montée avec elles. Et avait fait quelques petites remarques moqueuses sur le bazar, sous prétexte que le lit inoccupé dans leur dortoir était souvent recouvert d’immenses tas de trucs (entre eux, ils appelaient ça le Lit sur Demande, tellement on pouvait y trouver tout et n’importe quoi.) Histoire de rattraper sa petite plaisanterie, il se pencha doucement vers elle, effleurant ses lèvres des siennes avant d’y déposer un baiser.

- Je peux y rajouter ma veste... ?

« Quoi ? s’offusqua Rachel en se laissant toutefois attirer contre Gowan. Mais ce n’est pas du tout la même chose. »

Certes, le fauteuil qui trônait près de la fenêtre disparaissait sous les vêtements. Et son armoire débordait. Et le bois de son bureau était masqué par les différents échantillons de tissus. Mais cela n’avait rien à voir avec le dortoir des garçons, ce que Rachel ne se priva pas de faire remarquer à Gowan :

« Tous les vêtements que tu vois, ce sont des vêtements propres. Alors que je sais très bien que vous avez un tas de vieilles chaussettes sales que personne ne veut toucher. Même les elfes ne s’y risquent pas. » le taquina-t-elle.

Ce qui était compréhensible ; avec le temps, l’ensemble avait dû devenir radioactif. Alors que Rachel connaissait parfaitement l’utilité du panier à linge ; elle avait « seulement » tendance à abandonner sur une chaise ou sur son lit les tenues qu’elle essayait mais choisissait finalement de ne pas porter. Cela faisait toujours beaucoup râler sa mère, qui ne comprenait pas vraiment sa passion pour la mode (en même temps, cela faisait des années qu’elle portait d’horribles chaussures en plastique à l’hôpital, cela avait forcément mis à mal son sens du style.)

Rachel souriait toujours lorsque Gowan se pencha vers elle pour l’embrasser. Sa remarque lui tira un rire amusé mais le moment qui s’esquissa lui fit passer l’envie de répliquer. Elle se contenta d’hocher la tête et l’aida à se débarrasser de sa veste.

Son cœur battait fort dans sa poitrine lorsqu’ils se retrouvèrent à nouveau l’un en face de l’autre. Les bras passés autour du cou de Gowan, Rachel savait pertinemment quelle teneur ce moment pouvait prendre. Elle mentirait même si elle disait qu’elle n’y avait pas pensé quelques jours plus tôt, lorsqu’ils avaient décidé de passer la journée ensemble. Elle y avait pensé avec envie, avec impatience, même.

Mais elle ne pouvait s’empêcher d’être un peu intimidée, maintenant qu’ils étaient seuls dans sa chambre.

Contrairement à Gowan, Rachel n’avait jamais expérimenté plus que les quelques baisers passionnés et caresses audacieuses qu’ils s’étaient échangés dans les recoins de Poudlard. A chaque fois, elle avait ressenti cette vive brûlure de désir au creux de son estomac, comme une envie de poursuivre encore et encore ce moment qu’ils avaient initié. Elle s’était toujours sentie bien avec lui. Ils se connaissaient depuis des années et elle lui faisait confiance. Assez pour lui confier, les yeux accrochés aux siens :

« Tu sais que je n’ai jamais… couché avec qui que ce soit. » Elle le lui avait déjà dit une fois, un jour où elle l’avait rejoint dans son dortoir. Elle dut prendre son courage à deux mains pour poursuivre : « Mais j’ai envie de faire ça avec toi, si… Enfin, si tu le veux aussi. »

Gowan sentit les mains de Rachel glisser sur ses épaules pour l’aider à retirer son épaisse veste d’hiver. Cette dernière vint s’ajouter à la pile de vêtements sur le fauteuil, dans un coin de la pièce. Elle passa ses bras autour de son cou et ses doigts vinrent s’accrocher à sa taille fine, rapprochant son corps du sien. Ainsi enlacés, c’était presque comme s’ils dansaient. Leurs yeux étaient accrochés, il sentait son souffle léger sur sa peau. Son corps battait fort et il se demanda si elle pouvait le sentir. Il avait envie de l’embrasser, sur les lèvres, dans le cou, il avait envie de la serrer fort contre lui mais il ne voulait pas prendre le risque de briser ce moment entre eux.

Lorsqu’elle lui souffla qu’elle n’avait jamais couché avec qui que ce soit, il hocha la tête. Elle le lui avait déjà confié, lors d’un après-midi qu’ils avaient passé tous les deux dans son dortoir, lorsqu’un cours de sortilèges avait été déplacé. Ils avaient abandonné tous les autre qui révisaient à la bibliothèque et s’embrassaient sur son lit. Il avait alors glissé ses mains sous sa chemise, effleurant sa peau.

- Je sais, murmura-t-il en retour.

Il avait baissé sa voix, l’intimité du moment semblant se refermer sur leurs corps enlacés. Il s’apprêtait à ajouter qu’ils n’étaient obligés à rien, qu’ils pouvaient très bien regarder ce film évoqué un peu plus tôt, lorsque Rachel poursuivit après un silence. Ce qu’elle déclara sembla renverser quelque chose en lui et il sentit des frissons parcourir son corps. Un sourire s’installa sur ses lèvres alors que son coeur accélérait encore un peu plus.

- J’ai en ai envie aussi, si c’est ce que tu veux... Je ne veux pas que tu te sentes obligée ou quoi que ce soit...

Il en avait très envie, il en avait envie depuis longtemps. Pour autant, il ne souhaitait pas qu’elle se sente contrainte, il ne voulait pas si elle ne le désirait pas vraiment. Sa main remonta le long de son cou, son pouce venant effleurer sa mâchoire.

- On peut aussi regarder un film si tu veux ou bien... ranger tes vêtements, suggéra-t-il dans un rire et dans un souffle. Tu es sûre ?

Souvent, Gowan était rieur, moqueur, taquin. Il avait toujours le mot pour rire et une réplique au bord des lèvres. Rachel adorait sa répartie ; c’était sans doute l’une des (nombreuses) raisons pour lesquelles elle nourrissait pour lui ce sentiment qui réchauffait son cœur et étirait des sourires sur ses lèvres. Et parce qu’elle le connaissait ainsi, elle apprécia d’autant plus la douceur dont il fit preuve à son égard lorsqu’elle lui confia, sur un ton bas, les envies qu’elle nourrissait.

Leurs yeux ne se lâchaient pas et le monde s’effaça autour d’eux. Rachel ne voyait plus que Gowan. Elle percevait son souffle sur sa peau, ses mains sur ses hanches. Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression de l’entendre cogner contre sa poitrine. Elle se sentait bien avec lui. Forcément un peu intimidée par ce qui se dessinait entre eux, mais bien. Elle avait vraiment envie de franchir cette étape avec lui. Et elle sentait que ce n’était pas rien. Elle ne voulait pas en faire tout un plat mais, tout de même, ce n’était pas rien. C’était sa première fois et elle n’avait pas envie de la faire avec quelqu’un d’autre que Gowan.

Son dernier commentaire lui tira un rire.

« Ne me tente pas trop, je vais finir par t’employer pour que tu ranges ma chambre… » répliqua-t-elle avec un sourire. Elle se rapprocha un peu de lui. « Oui, je suis sûre. » murmura-t-elle comme un secret alors que leurs bustes se rejoignaient.

Ils s’embrassèrent enfin, d’abord lentement puis jusqu’à en perdre le souffle alors que leurs mains s’égaraient l’un sur l’autre. Rachel retrouva la sensation de la peau nue de Gowan sous ses paumes et, bien vite, leurs vêtements contribuèrent à agrandir la pile de ceux qu’elle avait abandonné sur son fauteuil, quelques heures plus tôt.

***

Souvent, Rachel se plaignait de l’étroitesse de son lit. Elle tannait sa mère depuis des années pour le changer mais cette dernière refusait, arguant qu’il s’agissait d’un achat inutile puisqu’elle ne dormait ici que quelques semaines dans l’année. Mais aujourd’hui, il ne lui vint pas à l’esprit d’espérer un couchage plus grand ; elle savoura au contraire l’étreinte très rapprochée que cela induisait. La tête posée contre le torse de Gowan, ses jambes emmêlées aux siennes, Rachel vint chercher dans les bras de son ami la chaleur qui se dégageait de son corps. Ils restèrent quelques minutes ainsi, retrouvant doucement leurs esprits après cette découverte.

Pourtant bavarde, Rachel se retrouvait dépourvue de mots. Elle avait pourtant beaucoup de pensées qui tournaient dans son esprit, beaucoup d’images de ce moment, et une myriade de sensations que sa peau semblait avoir gardé en mémoire. Elle ne se sentait pas particulièrement différente ou changée, comme on pouvait le lire dans beaucoup d’articles dédiés au sujet. En revanche, elle se sentait toujours bien. Cela avait été un moment assez doux et Gowan s’était montré très attentif à elle. Elle avait aimé la manière dont il la regardait, les sourires qu’il lui adressait, la manière dont il avait posé ses mains sur elle.

Elle l’avait aimé tout court.

Ce fut ce sentiment qu’elle savourait silencieusement en faisant courir ses doigts sur le torse de Gowan. Elle finit par relever les yeux vers lui, cherchant son regard.

« C’était… » Un sourire remplaça la suite de sa phrase. Elle embrassa son épaule avant d’achever sa phrase : « C’était vraiment bien. »