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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeJeu 13 Oct 2022 - 19:47
30 janvier 2012

Avalon n’avait pas pu se résoudre à rester enfermée entre les quatre murs de leur appartement. Elle s’était sentie prise d’un sentiment d’urgence qui fourmillait dans chacun de ses membres et qui l’avait poussé à attraper son manteau pour descendre dans la rue. Le froid lui avait mordu les joues et elle s’était mise à marcher, sans songer à sa destination. Les rues de Bristol étaient animées en ce samedi après-midi, obligeant Avalon à naviguer entre les passants, qui l’esquivaient sans la voir.

Il lui semblait que son cœur battait toujours aussi rapidement et qu’un nœud s’était formé au creux de son estomac. Elle se sentait nerveuse et comme prise dans un étau qui maintenait sur elle une pression insupportable. Si les mots de Roy s’étaient gravés dans sa mémoire, c’était surtout son regard désemparé qui hantait son esprit. Un regard qui l’avait renvoyé à son propre désarroi, à ses propres questionnements laissés sans réponse depuis plusieurs semaines désormais. Elle avait essayé, comme Célice lui avait conseillé, de s’accorder davantage de temps. Elle avait cherché à se débarrasser de cette affreuse culpabilité qui étreignait son cœur. Cela avait fonctionné, pendant un temps, mais elle n’avait réussi qu’à mettre un couvercle sur ses doutes pour les laisser à l’écart de ses pensées.

C’était une chose, de s’accorder plus de temps pour accepter une grossesse soudaine. C’en était une autre, de parvenir à se détacher de peurs solidement ancrées chez elle. Et si le temps ne suffisait pas à la connecter à son enfant ? Et si elle s’apprêtait à accueillir un bébé qu’elle ne désirait pas réellement ? Comment pouvait-elle construire sa maternité, sa parentalité, si cette dernière était exempte de désir ? Avalon n’avait jamais pensé questionner un jour son envie de devenir mère, tant elle lui semblait présente chez elle depuis des années. Toni le lui avait rappelé, quelques semaines auparavant : à vingt-ans, elle s’imaginait déjà dix ans plus tard avec des enfants.

Alors pourquoi ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à se projeter, à se réjouir, à s’enthousiasmer d’une telle nouvelle ? Pourquoi ne réussissait-elle à se débarrasser de cette impression d’étrangeté qui lui collait à la peau ? Fugacement, elle songea qu’elle n’était peut-être pas faite pour devenir mère. Qu’elle n’était peut-être pas capable d’aimer sa fille comme elle l’aurait dû. Cette pensée lui donna la nausée. Mais serait-ce si étonnant ? souffla la petite voix de ses angoisses, perfide. Les chiens ne faisaient pas des chats, après tout. Et puis, ce lien dont elle parlait, n’était-ce pas le même que celui dont elle avait cruellement manqué ?

Pouvait-on aimer si on avait manqué d’amour ?

Avalon s’arrêta sur cette pensée, dans une ruelle moins fréquentée que les grandes rues commerciales. Prise d’un vertige, elle s’appuya contre un lampadaire et posa sa main sur son cœur qui cognait fort contre sa poitrine. Quant au nœud dans son estomac, elle eut l’impression qu’il se resserrait encore davantage, tant et si bien qu’elle se figea un instant dans la rue, le temps de laisser passer la douleur.

Pouvait-on aimer si on avait manqué d’amour ?

Cette question, qui semblait cristalliser toutes ses craintes, l’obséda. Elle flotta dans son esprit, s’inscrivit dans ses pensées, s’imprégna dans chacune de ses cellules. L’angoisse qu’elle généra lui fit oublier la raison et les arguments logiques qui auraient pu répondre aisément à cette interrogation. Ne restèrent que les éléments qui abondaient dans le sens de la terrible réponse qu’Avalon commençait à se figurer. Une réponse qui finit par faire émerger une autre question, plus terrible encore :

Et si elle s’était trompée ?

Brusquement, la solitude lui sembla insupportable. Le ventre tordu par la douleur, Avalon transplana. Elle ouvrit les yeux sur l’immense demeure moderne de Fergus. Le visage blême, elle se présenta au portail qui s’ouvrit devant elle puis remonta l’allée jusqu’à la porte principale. Cette dernière était déjà ouverte sur son ami.

« Tu es en avance, constata-t-il simplement lorsqu’elle arriva à sa hauteur. Tout va bien ?
-Ça va, répondit Avalon d’un ton qui, pourtant, disait tout le contraire. Vivianne et Laoise sont là ?
-Oui, dans la chambre de Laoise. Tu veux boire quelque chose ? »

Avalon refusa la proposition de Fergus d’un signe de tête mais s’avança dans l’entrée alors qu’il refermait la porte derrière elle. Elle abandonna son manteau et son sac, ignorant le regard soucieux qu’il posait sur elle.

« En fait, je veux bien un verre d’eau. » finit-elle par demander pour briser le long silence qui s’était installé entre eux.

Fergus hocha la tête et se dirigea vers sa cuisine alors qu’elle rejoignait le grand salon où régnait un calme absolu ; seul un feu crépitait dans la cheminée. Le manque d’agitation ne laissa pas à Avalon le loisir d’éloigner ses pensées sombres, qui continuaient de la hanter. Et si elle s’était trompée ? reprit alors la même petite voix, vicieuse. Peut-être aurait-elle dû avorter ? Car désormais, c’était trop tard et peut-être même trop tard pour espérer changer les choses. Sa fille allait naître dans trois mois et elle allait peut-être reproduire avec elle ce qu’elle avait vécu avec sa propre mère : désintérêt et indifférence. C’était bien les sentiments qu’elle avait ressentis, après sa toute première échographie, non ?

Désintérêt.

Indifférence.

« Il s’est passé quelque chose avec Ro… Avalon ? l’appela Fergus, qui faisait voleter un verre devant lui. Avalon ? »

Mais Avalon s’était pliée en deux, la main posée sur le ventre. Elle grimaçait et son souffle était court. La douleur l’empêcha de répondre.

« Ave ? Qu’est-ce que tu as ? Ce sont des contractions ? »

La question de Fergus la força à relever la tête vers lui. Elle lâcha, d’un ton haletant :

« Hein ? Mais non, pas du tout, c’est beaucoup trop tôt ! »

Mais une nouvelle vague de douleur la saisit à ce moment et un cri étouffé lui échappa. Les yeux clos, elle se pencha encore plus avant, mouvement qui fut accompagné par la main que Fergus avait posé sur son épaule. Ce dernier jura à plusieurs reprises en l’escortant jusqu’à un canapé sur lequel il l’aida à s’asseoir.

« Il faut que tu ailles à l’hôpital, je vais… commença Fergus en fouillant dans sa poche à la recherche de son Pear.
-Le docteur Perez, indiqua Avalon d’une voix un peu lointaine, j’ai son numéro dans mon téléphone…
-Hors de question, je t’amène voir un vrai guérisseur. » la coupa Fergus d’une voix qui ne souffrait d’aucune contradiction.

Avalon lui lança un regard noir mais la douleur qui la saisissait brutalement contribua à la faire taire.

Ses deux bras entouraient toujours son ventre douloureux lorsque deux ambulanciers s’agenouillèrent à côté d’elle. Elle répondit à leurs questions d’une voix blanche, tendit son bras vers eux pour qu’ils puissent y glisser un brassard qui ressemblait à un tensiomètre et se leva avec leur aide pour s’installer dans un brancard qui flottait à un mètre du sol.

« Le… Le bébé ? interrogea Avalon en captant le regard d’un ambulancier, qui s’affairait autour d’elle. Elle va bien ? Elle insista, d’une voix rendue aigue par l’inquiétude : Qu’est-ce qui se passe ? Elle va bien ? »

-Son cœur bat un peu vite, répondit le plus jeune des deux. On va vous emmener à Sainte-Mangouste pour que les médicomages puissent vous ausculter, d’accord ? »

Avalon hocha la tête, les yeux écarquillés. Elle croisa le regard de Fergus alors que le brancard commençait à flotter en direction de la sortie.

« Ferg’… Roy, il faut que tu…
-Je l’appelle. » lui promit-il.

Tout s’était passé en une poignée de minutes, à peine. Lorsque les portes de l’ambulance magique se refermèrent sur Avalon, cette dernière tressaillit. Ses mains se mirent à trembler et sa gorge se gonfla sous le poids des larmes qui humidifièrent ses yeux.


Avalon Calder

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KoalaVolant
Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 6 Déc 2022 - 20:23
Roy ne se souvenait pas avoir déjà éprouvé un tel sentiment d’angoisse qui saisissait chaque parcelle de nerf de son corps. Même quand il s’était littéralement retrouvé face à la mort, les choses étaient allées trop vite pour qu’il puisse sentir aussi précisément et longuement la panique prendre le contrôle de tout son être. Il fallait remercier Irina d’avoir été avec lui quand il avait reçu l’appel de Fergus. Elle lui avait imposé un transplanage d’escorte avant qu’il ne s’envole, et heureusement. Dans un tel état de stress, il se serait certainement désartibulé un bras ou une jambe à l’arrivée.

Grâce au sang-froid de sa soeur, il arriva sain et sauf devant le parvis de Sainte-Mangouste. Il s’échappa aussitôt de son emprise, en grimpant quatre à quatre les marches de l’escalier qui menait vers la porte d’entrée, sans prêter attention à Irina qui essayait de le rattraper.

« Roy, attends ! »

Il se précipita devant la vitrine tout à fait banale d’une boutique de vêtement conçue pour ne pas attirer l’attention des moldus et mit à mal toutes ces précautions en agressant le mannequin ensorcelé sensé garder l’accès d’une voix abrupte :

« Ouvrez-moi l’accès ! » Le mannequin eut un léger mouvement de recul. « Je veux rentrer à Sainte-Mangouste, PUTAIN DE BORDEL DE M…
-Roy, calme-toi, bon sang ! » s’exclama Irina, excédée, en arrivant à ses côtés. Elle s’adressa plus poliment au mannequin : « Nous venons voir Avalon Davies. »

La poupée s’anima légèrement et finit par dire, après un léger temps d’attente :

« Nous n’avons pas de patiente à ce nom.
-Comment ça, vous avez pas de patiente à ce nom, je vais t’éclater ta tête en mousse, tu te fous de ma gu…
-Doucement ! Elle est sûrement encore en chemin, dans l’ambulance, on a été plus rapides qu’eux. Laisse-moi retrouver mon badge, deux secondes… Ah voilà ! Irina Calder, je dois me rendre aux urgences gynécomagiques. »

Face au badge de couleur verte, marqué du sigle de la baguette magique et l’os croisés, le mannequin hocha la tête. Roy et Irina purent traverser la vitrine comme s’il s’agissait d’un simple rideau d’eau. Le hall était relativement calme en cette fin de soirée, aussi la manière dont Roy y déboula à grands pas furieux troubla le paysage et lui attira de nombreux regards interloqués. Il se dirigea directement au standard, au poste qu’occupait précisément sa mère. Il y avait certes quelques avantages à avoir de la famille à Sainte-Mangouste mais Elena Calder ne sembla pas considérer que griller la queue devant d’autres visiteurs en faisait partie. Elle fronça les sourcils en voyant son fils débarquer comme une furie et pousser d’un coup d’épaule l’homme avec qui elle était en train de parler.

« Roy, mais qu’est-ce-que…
-Avalon est ici ? Tu l’as vue passer ? Tu sais où elle est ?
-Mais enfin, de quoi tu me parles ?
-Ça ne va pas la tête, j’étais là avant vous, monsieur ! » éructa l’homme que Roy avait poussé dans la file.

Le regard de meurtrier que lui renvoya le mafieux en guise de réponse l’interrompit dans sa plainte mais heureusement, cette courte intimidation ne dura pas plus longtemps. La tête de Roy bascula en avant avec le coup qu’Irina lui infligea derrière le crâne.

« Mais c’est pas possible, ça ! Respire deux secondes, on dirait un cerbère enragé ! Elle est pas encore là, je te dis, maman le saurait sinon.
-Bon sang mais qu’est-ce qui se passe ? »

Elena s’était levée de son siège, dans une posture à la fois autoritaire et inquiète. Irina cessa de fusiller son frère du regard et se tourna vers elle, pour répondre à sa question :

« Avalon devrait arriver d’une minute à l’autre, elle a été prise en charge par une ambulance. On ne sait pas ce qui s’est passé, ajouta t-elle, devançant la question de sa mère. Certainement des contractions…
-Est-ce qu’on peut aller dans ces putains d’urgences où elle est sensée débarquer ou on va rester plantés là ?! »

La voix colérique de Roy résonna dans tout le hall, attirant l’attention des vigiles qui circulaient dans le hall. Elena leva une main vers eux pour assurer qu’elle avait la situation sous contrôle. Elle posa un regard désapprobateur sur son fils en pointant son doigt sur lui.

« Roy Gaspard Calder, pour commencer, tu vas te calmer. Tu ne vas pas faire un scandale ici, sous ma garde. » Puis se tourna vers Irina. « Tu peux l’accompagner, querida ? Je vous rejoins dès que je peux. »

Hochant la tête, Irina tira sur la manche de Roy pour l’attirer à sa suite. Ils s’élancèrent vers une autre aile située à rez-de-chaussée. Avant d’arriver au bout du couloir, la médicomage arrêta son frère en saisissant son bras.

« Avant qu’on n’arrive aux urgences, je te préviens, ils ne te laisseront pas la voir tout de suite. » Elle l’interrompit avant qu’il ne proteste : « C’est pour son bien à elle et au bébé. Quand Avalon arrivera, la priorité c’est qu’elle soit auscultée et qu’elle reçoive les éventuels soins dont elle a besoin. Pas de te rassurer toi. Tu as compris ? Tu vas rester là où on te dit de rester et tu vas laisser ces gens faire leur travail. »

Roy dut se faire violence pour entendre ce que sa soeur lui disait d’un air grave, les ongles vissés dans son bras.

« Ok, ça va, j’ai compris ! On peut y aller ? »

La suite se déroula comme Irina venait de le prédire. Ils entendirent les sirènes d’une ambulance, un brancard débarqua dans le hall où ils se trouvaient. Roy fut empêché de s’en approcher trop près par les ambulanciers qui dégageaient la voie devant leur patiente. Même entourée de médicomages, Roy reconnut la chevelure d’Avalon couchée sur le lit qu’on déplaçait. Ce qu’il ne reconnut pas du tout, en revanche, fut l’expression qu’elle affichait, le regard de pure panique qu’elle échangea avec lui, rempli de larmes qui dévalaient ses joues. Cette vision suffit à briser tout son être et il se retrouva à interpeller les ambulanciers :

« Qu’est-ce qu’elle a ? Est-ce qu’elle va bien ?! C’est ma femme, je suis le père du bébé ! Qu’est-ce qui se passe ?
-Monsieur, je suis désolé mais vous ne pouvez pas venir, restez ici. »

Le brancard s’envolait déjà dans une autre pièce, sous les yeux effarés de Roy, retenu par Irina et un des ambulanciers. Il se rappela du discours de sa soeur et s’efforça de ne pas avancer davantage mais il s’exclama :

« Dites-moi au moins ce qu’elle a !
-Nous ne savons pas encore. Elle a eu des douleurs importantes dans le ventre, c’est peut-être le signe qu’elle commence le travail. Nous ne saurons pas tant que les médicomages n’auront pas fini de l’ausculter. »

Le travail. Cette annonce tomba comme un poids mort dans l’estomac de Roy. Son regard terrifié chercha celui d’Irina. C’était beaucoup trop tôt, non ? Compatissante, Irina prit son visage entre ses mains et répéta des paroles de réconfort, comme pour l’aider à reprendre ses esprits.

« Ça va aller, Roy. Ça va aller… »

Elle l’attira dans ses bras, Roy sentit sa main frotter son dos, il se laissa étreindre sans résistance.

« Elle… Elle peut pas accoucher, c’est beaucoup trop tôt, balbutia t-il. On est au sixième mois là, c’est… C’est pas possible, non ? »

Il recula pour l’interroger du regard. L’inquiétude clairement visible sur le visage d’Irina serra davantage son estomac. Si même elle, gynécomage chevronnée, commençait à se sentir inquiète, la situation devait forcément être alarmante.

« C’est peut-être une fausse alerte, assura t-elle en pressant son épaule. Elle peut avoir des contractions sans forcément accoucher derrière. On n’en sait rien, ça ne sert à rien de sauter trop vite aux conclusions. »

Dire que Roy mourrait de stress était désormais un euphémisme. Quelles étaient les chances de survie d’un foetus à six mois au juste ? Il n’osa pas demander à sa soeur. A la place, il se mit à faire quelques pas, comme pour essayer de libérer un peu la tension qui l’habitait tout entier. Il prit son visage entre ses mains et derrière ses paupières closes, une image d’horreur se rappela à lui. Sa gorge se noua d’un mélange de détresse et d’effarement.

« Elle avait l’air… terrifiée. »

Et maintenant il l'était aussi. Il ne l’avait jamais vue dans cet état. Leur échange de regard n’avait duré qu’une seconde mais c’était suffisant pour ancrer durablement dans la mémoire de Roy une image qu’il n’aurait jamais voulu voir d’Avalon. Elle qui était habituellement si forte, si solide, lui avait paru tout simplement s’effondrer sous ses yeux. Et il n’était même pas à ses côtés pour pouvoir la soutenir.

L’étau terrible de la culpabilité l’enserra brusquement d’une manière violente et impitoyable.

« C’est ma faute » lança t-il.

N’était-ce pas évident ? Il avait une dispute brutale avec Avalon, sur un sujet très sensible pour elle, il la laissait sur une conclusion lourde, une angoissante absence de réponses et juste après que faisait-il ? Il s’en allait pour prendre l’air. Il avait envie de se frapper la tête contre un mur, maintenant. Il retira ses mains de son visage, ses poings se serrèrent.

« Putain mais pourquoi je l’ai laissée toute seule alors qu’on venait de se disputer ?! Je suis vraiment con ! »

Il aurait dû rester pour la rassurer, la prendre dans ses bras, lui assurer que tout irait bien, lui dire qu’il l’aimait, qu’ils allaient surmonter ça ensemble. Pourquoi n’était-il pas cet homme compréhensif, présent, patient dont elle avait besoin en ce moment ?

« Arrête, ça sert à rien ce que tu fais, souffla Irina. Tu ne sais pas ce qui s’est passé. 
-Bien sûr que si, je sais ce qui s’est passé ! J’ai dû dire un truc qui l’a paniquée ou qui l’a mise mal… Et je l’ai laissée en plan, en plus ! C’est ma faute, je te dis. »

Roy ne parvint pas à dire d’autres mots pour s’insulter davantage. Sa gorge se bloqua, chargée de mille émotions qu’il ne parvenait pas à exprimer.

Il n’avait jamais eu autant envie de chialer qu’à cet instant.

La pudeur le poussa à s’éloigner de sa soeur. Il prétexta un besoin de faire un tour mais il n’alla pas plus loin que le hall où ils se trouvaient. A plusieurs reprises, il jeta des regards vers le couloir où les médicomages s’étaient éloignés avec Avalon, comme si l’insistance de son regard pouvait en convoquer un comme par magie.

Il dut attendre un temps qui lui parut infini avant que l’un d’entre eux ne vienne enfin le trouver.

« Vous êtes M. Calder ? »

Finalement, il se trouvait encore quelques sorciers dans cet hôpital pour ne pas connaître son nom ni son visage même s’il avait plusieurs fois fait l'objet d'articles des journaux à scandales, sur le couple entre la cheffe de la Milice et un homme à la sulfureuse réputation. Ou peut-être que ce médicomage voulait juste se montrer poli.

« C’est moi, confirma t-il avec empressement. C’est bon, je peux aller voir Avalon ?
-Vous pouvez me suivre. Nous lui avons fait passer plusieurs examens. Un gynécomage va passer la voir. »

Sans demander son reste, Roy s’élança vers le chemin que lui montrait le jeune homme. Irina pressa son bras dans un geste de soutien quand il passa près d’elle. Son coeur semblait prêt à exploser dans sa poitrine, quand enfin il put tourner la poignée de la chambre où se trouvait Avalon.


Roy Calder

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Avalon Calder
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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMer 7 Déc 2022 - 20:59
L’ambulance dérapa dans un virage, faisant crisser les pneus du véhicule. L’ambulancier présent dans l’habitacle ne broncha pas, visiblement habitué aux trajets mouvementés. Il avait les yeux rivés sur un petit écran, où plusieurs chiffres venaient de s’afficher. Ses sourcils se froncèrent une fraction de seconde, avant qu’il ne se recompose une expression indéchiffrable. Son collègue, qui conduisait, l’observa depuis le rétroviseur intérieur.

« Tout se passe bien derrière ? » demanda le conducteur en dépassant un bus.
« Tension à 16/9, associée à des douleurs abdominales. » indiqua l’ambulancier.

Une seconde de silence passa.

« On vient de passer Fulham, on y sera dans cinq minutes. »
« Cinq minutes, répéta son collègue. Courage, madame. »

Avalon hocha la tête, sans parvenir à articuler un mot. Son visage était pâle, ses traits tirés par l’inquiétude. Elle serrait les dents, dans une vaine tentative de gérer la douleur qui lui sciait l'abdomen. Mais bien plus que la douleur physique, c'était la peur qui la paralysait entièrement. Les pires scénarios s'esquissaient dans son esprit, comme des films terrifiants desquels elle ne pouvait détacher son regard. Par réflexe, elle avait posé une main sur son ventre douloureux, comme une prière silencieuse qu'elle n'osa formuler à voix haute. Elle sentait que quelque chose n'allait pas, que cet état n'était pas normal. Que les battements trop rapides de son cœur n'étaient pas uniquement liés à l'angoisse, que la douleur qu'elle sentait poindre dans ses tempes n'étaient pas anecdotiques, que la grimace de l'ambulancier, lorsqu'il avait lu les chiffres de sa tension artérielle n'avait rien à voir avec la conduite brusque de son collègue. Que le rythme cardiaque du bébé, qui avait brusquement chuté, n'avait rien d'habituel non plus. Avalon aurait été bien incapable d'interpréter ces signes car ses compétences médicales se cantonnaient à quelques techniques d'urgences qu'on lui avait inculquées lors de sa formation d'Auror. Mais elle percevait très bien la menace qui planait au-dessus d'eux et que chacun se gardait bien d'évoquer : celle d'un accouchement prématuré.

Cette idée lui fit fermer les yeux, alors qu'elle sentait une vague de panique déferler sur elle, décuplée par sa solitude dans l'habitacle froid de l'ambulance. Ses mains se mirent à trembler et des larmes roulèrent sur ses joues depuis ses paupières closes. L'ambulancier, qui remarqua sa détresse, posa une main réconfortante sur son bras.

« Ça va aller, madame. » commença-t-il d'une voix douce. « On dirait pas mais c'est solide, ces petites choses. »

Avalon esquissa un vague sourire qui ressemblait davantage à une grimace, au moment où l'ambulance freina brusquement devant l'entrée des urgences. Il s'écoula à peine une seconde avant que la porte arrière soit ouverte, et qu'un médicomage les accueille. L'ambulancier sauta hors du véhicule pour permettre à l'équipe de tirer le brancard.

« Avalon Davies, 29 ans, enceinte depuis vingt-six SA, 96 bpm et TA à 16/9, douleurs abdominales importantes. Le foetus présente des signes de... »

Le reste de la phrase se noya dans le bruit environnant alors qu'elle pénétrait dans l'enceinte de l'hôpital. Murs blancs et violets, plafond blanc, sol beige et foule de visages inconnus qui se penchaient vers elle. Le brancard traversa le hall, fonçant vers le couloir qui menait aux salles de consultation. Avalon n’eut que le temps de tourner la tête pour croiser le regard désespéré de Roy, avant que les portes battantes ne se referment, la soustrayant à ses yeux.


18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] 5833257axvcj8s
Elain Humphreys, 41 ans, gynécomage.

La journée d’Elain avait commencé par une césarienne en urgence sur une grossesse gémellaire, plusieurs semaines avant le terme présumé. Les bébés – un garçon et une fille – n’étaient pas en grande forme. Leurs poumons n’étaient pas encore matures et ils ne pouvaient pas encore respirer seuls. La césarienne de la mère n’avait pas été évidente non plus – elle avait perdu beaucoup de sang et il avait fallu lui passer deux potions de régénération sanguine pour rétablir son homéostasie. Elain n’était pas superstitieuse mais commencer sa garde sur un cas aussi épineux ne pouvait rien laisser présager de bon pour la suite.

Et en effet, les urgences gynécomagiques avaient été débordées. Elle n’était pas la seule gynécomage en poste – Merlin merci – mais elle avait l’impression d’avoir été appelée toutes les cinq minutes par les internes et les sage-femmes. Elle sortait tout juste d’un accouchement compliqué avec une hémorragie de la délivrance, lorsque Lana, l'infirmière coordinatrice des urgences, l'interpella à nouveau :

« Elain ? On t'a appelé pour la patiente qui vient d'arriver en ambulance ? »
« Non ? » répondit cette dernière en s'approchant du bureau de l'infirmière. « Elle est où ? »
« Box 7, il y a ton interne avec elle. »

Elain s'éloigna après avoir remercié l'infirmière. Depuis un peu plus d'une semaine, le service avait accueilli les nouveaux internes, qui étaient encore en train de prendre leurs marques. Elain travaillait aujourd'hui avec le docteur Cooper, qu'elle retrouva dans le couloir des salles de consultation, les yeux baissés vers plusieurs feuilles qu'elle semblait lire attentivement.

« Qu'est-ce qu'on a, Cooper ? » l'interrogea-t-elle en arrivant à sa hauteur.

« Avalon Davies, 29 ans, 26 SA, hypertension artérielle gravidique à 16/9, rythme cardiaque élevé, bradycardie fœtale à 100bpm depuis une dizaine de minutes. »
« Des douleurs à l'abdomen ? » devina Elain en parcourant les documents que lui avait tendu son interne et qui regroupaient les quelques résultats des examens préliminaires.
« Persistantes. » confirma le docteur Cooper. « J'ai déjà demandé une analyse des urines, et j'ai installé la patiente sur le côté gauche. »
« Très bien. On a son dossier médical ? »
« Non, elle était suivie dans le monde moldu jusque-là. »
« Bon, tu me refais tous les examens de base alors, groupe sanguin, rhésus, rubéole, hépatite, toxo, écho morphologique... » L'interne hocha la tête. « Et tu m'appelles quand t'as les résultats du labo pour les urines. » Nouveau hochement de tête. « Et tu me fais un recueil de données, aussi. Tu sais les principaux éléments que tu dois demander ? »


Le docteur acquiesça une dernière fois, avant de rentrer à nouveau dans la chambre.

18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Avalon10
Avalon Davies, 29 ans.

Avalon s'était entièrement remise aux mains des gynécomages, infirmières et sage-femmes qui avaient entamé un savant ballet autour d'elle. Elle s'était pliée à toutes les exigences : les prises de sang, les échographies, les touchers vaginaux et les analyses des urines. Elle s'était couchée sur le côté, comme on le lui avait demandé, les mâchoires serrées pour garder une certaine contenance que son visage pâle et son regard hagards trahissaient de toute façon. Elle avait essayé d'interpeller les soignantes mais ces dernières étaient restées évasives, lui assurant qu'elles avaient besoin de terminer tous les examens avant de poser un diagnostic. .

« Et vous n'avez jamais expérimenté d'hypertension avant aujourd'hui ? » lui demanda une interne blonde, en étiquettant et rassemblant les tubes de sang qu'elle était venue lui prélever.
« Non... Non, je ne crois pas. »
« Sous la forme de migraines peut-être ? Le regard d'Avalon s'éclaira autant qu'il se voila d'inquiétude.
« Oui, des migraines depuis le début de ma grossesse. »
« Et encore récemment ? »
« Non... Enfin moins. Moins violentes. »

L'interne griffonna quelque chose sur un dossier.

« Des douleurs aux reins, dans le dos ? »
« Non... Non. » affirma-t-elle avec un instant d'hésitation. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda-t-elle, la voix un peu enrouée. « C'est grave ? »
« La gynécomage va passer vous voir dès qu'elle aura tous les éléments. » lui dit l'interne, en écho à toutes les réponses qu'elle avait reçu depuis son arrivée.
« Mais est-ce que le bébé... Est-ce qu'elle va mieux ? Son cœur ? »
« Son rythme cardiaque remonte. » affirma le docteur Cooper en regardant le monitoring. « Ça lui fait du bien que vous soyez allongée comme ça, d'accord ? Pour le moment c'est tout ce que vous pouvez faire. »


18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] 5833257axvcj8s
Elain Humphreys, 41 ans, gynécomage.

Le bureau médical était toujours en désordre. Les dossiers étaient empilés sur les postes de travail, des tasses de café étaient à l'abandon un peu partout, et plusieurs gilets que personne n'avait réclamé étaient accrochés à un porte-manteau. Installée face au bureau, Elain rédigeait un compte-rendu pour les transmissions. Elle mettait un point à sa conclusion, lorsque le docteur Cooper fit irruption dans la pièce, une feuille entre les mains.

« Les résultats du labo pour Avalon Davies... » fit-elle en faisant voleter le papier jusqu'à elle d’un coup de baguette magique. « Et l’échographie qu’on a réalisée. »

Elain l’observa quelques secondes, avant de passer sur le résultat des analyses. Elle parcourut les chiffres en silence, se contentant de marmonner à quelques reprises, les sourcils froncés.

« Bon, » souffla-t-elle « c’est un peu mieux que ce à quoi je m’attendais, finalement. »
« Oui, les analyses sont pas trop mauvaises. » approuva le docteur Cooper.
« On va pas trop s’avancer quand même hein, on va la garder un peu. » Elain rassembla les documents entre ses mains.
« Vous allez parler à la patiente ? » La gynécomage hocha la tête. « Je peux aller chercher le père du bébé ? Il est dans le hall, il demande à la voir. »
« Oui, très bien. J’arrive dans une minute. »

Il se trouva que la minute dont elle eut besoin pour descendre un verre d’eau fut suffisante pour que le docteur Cooper ne prévienne le compagnon de leur patiente. Il était déjà dans le couloir lorsqu’elle y pénétra à son tour, et elle l’interpella :

« Monsieur Calder ? » Comme l’homme se tourna vers elle, elle se présenta : « Elain Humphreys, je suis la gynécomage en charge du dossier de votre compagne. Venez avec moi, on va discuter. »

Elle poussa la porte de la salle de consultation, trouvant la patiente allongée sur son flanc gauche, le ventre ceinturé par un bandeau duquel émanait une lueur rosée. Elle releva la tête, laissant voir son visage crispé par l’angoisse, ses joues encore humides et son regard perdu. Elle croisa le regard de son compagnon et esquissa un minuscule geste vers lui, comme pour l’appeler à elle.

« Tu es là. » lâcha dans un murmure éraillé qui trahissait son soulagement.

Elain prit le temps de refermer la porte derrière elle, laissant au couple quelques secondes d’intimité pour se retrouver. Du regard, elle observa les différents moniteurs qui indiquaient plusieurs chiffres difficilement compréhensibles à des yeux novices, mais qu’elle put analyser en une poignée de secondes.

« Madame Davies, je suis le docteur Humphreys. Vous avez dû voir mon interne tout à l’heure, le docteur Cooper ? » La patiente hocha la tête. « Donc, on a fait tous les examens dont on avait besoin et on a reçu les résultats du laboratoire. »
« Est-ce que c’est grave ? » demanda avec empressement Avalon Davies, en plantant son regard brun dans le sien.

Par précaution, Elain ne répondit pas à la question et tira un tabouret pour s’asseoir. Ce silence fut néanmoins perçu comme une réponse, et la patiente insista :

« C’est le bébé, c’est ça ? Son cœur ? »
« Le bébé va bien. » la rassura Elain. « Pour l’instant, elle va bien. Son rythme cardiaque est remonté, regardez. » Elle fit tourner l’écran du moniteur vers le couple. « Vous présentez ce qu’on appelle une prééclampsie. »
« Une quoi ? »
« Une prééclampsie. C’est quand la mère fait de l’hypertension gravidique… » En voyant l’effet du mot « gravidique » sur le couple, Elain s’empressa d’ajouter : « Gravidique, c’est le mot un peu barbare qu’on utilise pour dire que c’est lié à la grossesse. En temps normal, votre tension doit tourner autour de 12 ou 13. Aujourd’hui, elle est montée à 16. »
« Mais c’est dû à quoi ? »
« A un dysfonctionnement du placenta, qui ne joue pas très bien son rôle et n’est pas assez vascularisé. Le souci, c’est que l’hypertension a tendance à perturber le travail des reins. C’est ce qui se passe, avec vous. Les résultats de vos analyses urinaires montrent que vous avez des protéines dans les urines, ce qui est le signe que vos reins fonctionnent moins bien. »
« Je… Je suis pas sûre de bien comprendre. » balbutia la future mère. « C’est grave pour moi ? Pour le bébé ? »
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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeJeu 8 Déc 2022 - 20:41
Après un bref échange de regard avec sa soeur qui lui souhaitait silencieusement bon courage, Roy suivit sans un mot le jeune femme qui le guidait dans les couloirs du service des urgences gynécomagiques. Son coeur battait plus vite encore que ses pas pressés sur le chemin qui lui parut interminable. Il sursauta quand il entendit derrière lui l’appel de son nom. Une autre femme, plus âgée, plus assurée, se présenta à lui et il attrapa par automatisme plus qu’autre chose la main qu’elle lui tendait. Confus, il ne retint pas tout à fait son nom car son esprit ne s’arrêta que sur la dernière phrase qu’elle prononça.

« Venez avec moi, on va discuter. »

Un équivalent médical d’un « il faut qu’on parle » très grave, finalement. La pression chez Roy augmenta d’un cran.

« Qu’est-ce qui se passe ? Je sais même pas ce qui est arrivé, personne n’a pu m’expliquer quoique ce soit, dans ce… » Il retint de justesse le foutu hôpital qui lui brûlait la langue. « Comment va Avalon ? Et le bébé ? 
-Leur état s’est stabilisé pour le moment. » Malgré le ton rassurant que s’efforçait d’employer la médicomage, Roy ne put s’empêcher de remarquer la précaution qu’elle prenait. Pour le moment. « Je vais tout vous expliquer en présence de Madame Davies, si vous voulez bien. On y arrive. »

Roy entra à sa suite dans la salle de consultation et son regard attrapa aussitôt la silhouette familière d’Avalon, couchée sur un lit au centre de la pièce, dans une posture qui ne semblait pas naturelle. L’expression sur son visage était tout aussi déroutante et inquiétante : l’anxiété tirait ses traits habituellement souriants et assurés, ses yeux rouges et humides trahissaient une fébrilité qu’il ne connaissait pas chez elle. En l’occurrence, Roy n’en menait pas plus large et voir Avalon dans cet état ne l’aida pas à retrouver la maîtrise de ses émotions. Il s’élança vers elle, en partie soulagé de la voir en un seul morceau et parfaitement consciente, mais toujours préoccupé. Son premier geste fut de retrouver tous les contacts qui lui avaient cruellement manqué pendant ce trop long moment où il n’avait pas pu la voir. Il la toucha comme pour mieux s’assurer qu’elle était bien là, passa ses bras autour d’elle, l’embrassa dans ses cheveux à plusieurs reprises, en se lançant dans un discours confus :

« Bordel, tu m’as fait flipper… Comment tu te sens ? Ça va ? » Sans vraiment lui laisser le temps de répondre, il enchaînait baissant ses yeux agités vers le bandeau autour de sa taille : « C’est quoi ce truc qu’ils t’ont mis autour du ventre ? »

Le docteur Humphreys qui venait se présenter coupa court à ce bref échange entre les deux amoureux. Pour une fois, Roy garda un silence attentif, pendant qu’elle leur livrait enfin un début d’explication. Ses émotions furent transparentes sur son visage. Il soupira d’abord de soulagement quand elle confirma que le bébé se portait bien, fronça les sourcils d’incompréhension face à tout ce jargon médical obscur, puis son visage se décomposa lentement mais sûrement au fur et à mesure que le discours de la gynécomage se faisait de plus en plus alarmant. A la question très pertinente d’Avalon, elle délivra une réponse qui mit un coup au coeur de Roy.

« Eh bien, comme le placenta n’est pas très bien vascularisé, le bébé ne reçoit plus forcément tout ce dont il a besoin : les nutriments, l’oxygène… Et c’est embêtant. Pas forcément dramatique, mais embêtant.
-Comment ça embêtant ? réagit-il aussitôt, d’un ton brusque. C’est plus qu’embêtant, si le bébé ne reçoit pas ce dont elle a besoin, non ? 
-Disons que comme nous avons identifié le problème, nous allons pouvoir le traiter en apportant au bébé ce qui lui faut, via des potions. » Le sentiment de soulagement chez Roy ne dura qu’une seconde à peine car la suite des paroles de la médicomage fit remonter l’angoisse aussitôt : « En revanche, la prééclampsie peut aussi avoir des effets sur la mère. Comme le placenta dysfonctionne, des débris placentaires et des cellules fœtales sont libérés dans le sang maternel… Ce qui n’est pas censé être le cas. C’est ça qui cause l’hypertension artérielle, par exemple. » Elain déposa le dossier de sa patiente sur la paillasse blanche, et observa le couple avec gravité. « La prééclampsie est une pathologie sérieuse mais nous pouvons essayer de la prendre en charge, de la maîtriser.
-Essayer ? répéta Roy, les sourcils froncés avec défiance, d’un air qui montrait clairement ce qu’il pensait de ce pauvre choix de mot. Vous pouvez quand même faire mieux qu'essayer, non ? Ou vous voulez dire que vous ne savez pas traiter ce… type de situation ?
-Non, nous pouvons le faire. Mais le risque zéro n’existe pas. Il y a des complications qui sont possibles et qui mettent en jeu à la fois la vie de la mère et de l’enfant. »

La peau de Roy n’avait jamais été aussi blanche qu’à cet instant. Il en perdit toute sa capacité de répondre et s’arrêta instantanément de penser, comme si son cerveau refusait tout bonnement de traiter cette dernière information. Le regard rivé sur la médicomage, il attendit qu’elle dise quelque chose, n’importe quoi pour effacer ou moduler ce qu’elle venait d’annoncer.

« Des complications ? » souffla Avalon, qui semblait prise d’un vertige.
« L’éclampsie est celle qui nous inquiète le plus. C’est quand la pression intracrânienne devient tellement forte qu’elle cause des convulsions chez la mère, avec un potentiel risque de coma. Mais le dysfonctionnement placentaire peut aussi mener à un décollement du placenta ce qui peut supprimer totalement ou partiellement les échanges entre la mère et le fœtus… »

A cet instant, Roy se leva du rebord de matelas où il s’était assis, pris d’un léger tournis et d’une franche envie de vomir. Incapable de regarder en face qui que ce soit à cet instant, il se mit à marcher dans la pièce, une main nerveuse sur sa nuque, un regard hagard rivé au sol.  

Est-ce que cette femme était sérieusement en train de déclarer, sur son ton bien trop calme, qu’il y avait une probabilité pour qu’il perde à la fois la femme de sa vie et le bébé qu’ils avaient fait ensemble ?

« Oh, mon Dieu… » souffla Avalon derrière lui.
« Ecoutez, madame Davies, je vais être franche avec vous. Pour le moment, vos résultats montrent effectivement une prééclampsie. Vous avez une tension artérielle sévère mais la fonction de vos reins n’est pas totalement altérée, ce qui est bon signe. J’étais inquiète en apprenant que vous aviez des douleurs à l’abdomen mais vous n’avez pas d’hématome. Nous pouvons surveiller votre grossesse, nous assurer que votre vie ou celle de votre bébé n’est pas danger. Mais… Mais je ne vais pas vous mentir, vos migraines répétitives sont inquiétantes. »
« Attendez, attendez, je ne comprends pas. » l’interrompit Avalon. « Qu’est-ce qu’on fait, exactement ? »
« Pour le moment, on vous garde ici pour s’assurer vous ne présentiez pas une forme sévère de prééclampsie. Si ce n’est pas le cas, on pourra rediscuter ensemble des façons de poursuivre cette grossesse. »
« Et… Et si c’est le cas ? »
« Si c’est le cas, il est possible que le fait de poursuivre cette grossesse mette votre vie en danger. Dans ce cas, il est probable que nous vous recommandions un accouchement prématuré dès à présent. »

Roy s’arrêta de marcher, en plein milieu de la pièce, frappé par le choc. Les mots de la gynécomage se mélangeaient dans sa tête, formant une masse noire et informe dont ne ressortaient que les pires éléments. Ils se répétaient dans son esprit et s’affichaient devant ses yeux, comme des concepts à la fois très tangibles et étrangement insaisissables.

Dysfonctionnement du placenta.

Pathologie sérieuse.

Complications.

Pression intracrânienne.

Tension artérielle sévère.  

Migraines répétitives inquiétantes

Forme sévère.

Accouchement prématuré.

Vie en danger.

A cet instant, il semblait à Roy que son corps à lui dysfonctionnait, que ces informations pressaient son crâne dans un étau d’angoisse, que sa tension s’envolait sous l’effet de l’anxiété et que son coeur allait s’arrêter d’une seconde à l’autre.

Vie en danger.

Brusquement, il inspira un grand coup, comme pour essayer de repousser le plus loin possible cette vague de pure panique qui menaçait de s’emparer de lui puis il força son esprit d’ordinaire si vif à trouver quelque chose de rationnel et de rassurant auquel se raccrocher. Il repoussa tout, toutes ces émotions qui l’empêchaient de garder la tête hors de l'eau, son sentiment grandissant d’injustice -pourquoi ça tombait sur eux ?- sa peur quasi paralysante -est-ce qu’il allait vraiment tout perdre ?- son envie démangeante de pleurer. Il tassa bien toute cette masse lourde au fond de lui-même avant de se tourner vers la gynécomage, le dos raide, la voix froide.

« C’est quoi les stats ? Vous avez bien ça, non ? Des stats sur les risques de… Tout ça, là. C’est quoi la probabilité… du pire ? » demanda t-il, sans pouvoir se résoudre à l’expliciter.

Il avait désespérément besoin de s’accrocher à une lueur d’espoir quelque part, aussi infime soit-elle. [/color]


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeJeu 8 Déc 2022 - 22:20
« Dans ce cas, il est probable que nous vous recommandions un accouchement prématuré dès à présent. »

Avalon se figea une brève seconde elle aussi, frappée par cette phrase qu’elle entendait pour la première fois et qui planait pourtant au-dessus d’elle depuis son arrivée aux urgences. Accouchement prématuré. Ces deux mots peinèrent à trouver du sens dans son esprit, tant elle les repoussa avec force. Non. Non, ce n’était pas possible. Pas après tout ce qu’elle avait vécu, pas après des semaines et des semaines à essayer de s’habituer à la présence de son bébé. Si l’exercice lui avait paru difficile, elle s’aperçut qu’il était insupportable d’imaginer son corps vide de cette présence aussi étonnante que désormais familière. C’était beaucoup trop tôt, beaucoup trop précipité… Avalon, avec ses maigres connaissances, pouvait aisément deviner que les chances pour qu’un bébé en si grande prématurité survive sans séquelles étaient infimes, voire même nulles.

Elle ferma les yeux, comme pour se soustraire à la réalité médicale impitoyable qu’on lui délivrait. Une main hésitante trouva son ventre et se positionna dessus comme un bouclier, comme un rempart aux scénarios que le docteur Humphreys avait esquissés. Avalon n’avait pas retenu tous les détails, tous les termes, mais elle avait perçu la gravité de la situation. Elle avait compris que sa vie pouvait être menacée par cette condition, tout comme celle de cette toute petite fille qui grandissait en elle. Elle avait compris que la suite de sa grossesse serait précaire – voire impossible à poursuivre.

L’air sembla lui manquer.

Des sentiments ambivalents qui l’habitaient encore quelques heures plus tôt ne demeura plus qu’un farouche instinct de protection. L’étrangeté se fit plus petite, le malaise se tassa dans un coin, remplacé par la nécessité presque vitale de s’assurer du bien-être et de la sécurité du bébé. C’était tout ce qu’elle avait toujours fait, depuis le début de cette grossesse. S’assurer que le bébé allait bien, qu’il se développait bien, qu’il ne manquait de rien. Elle n’avait pas réussi à faire le tri dans ses émotions, à démêler ses peurs de ses attentes, mais elle s’était rendue à chaque rendez-vous médical, elle avait fait toutes les analyses nécessaires, elle avait mangé des brocolis et arrêté le café.  Elle n’avait peut-être pas été parfaite, elle n’avait peut-être pas su aimer assez vite, assez fort, mais elle avait veillé à laisser à ce bébé la possibilité de grandir correctement. Apprendre que son développement était menacé – que sa vie était menacée – lui retournait l’estomac comme si, brusquement, on lui arrachait quelque chose qu’elle n’avait pas eu conscience de vouloir tant garder auprès d’elle.

« C’est quoi les stats ? Vous avez bien ça, non ? Des stats sur les risques de… Tout ça, là. C’est quoi la probabilité… du pire ? »

La question de Roy lui fit prendre conscience qu’elle n’avait pas décroché un mot, malgré le regard soucieux que la gynécomage posait sur elle. Si le docteur Humphreys fut surprise par le ton véhément de son compagnon, elle n’en montra rien et se contenta de lui lancer un coup d’œil interrogatif, comme pour s’assurer qu’il s’agissait d’une information qu’elle souhaitait posséder.

« Dites-nous, acquiesça-t-elle.
-La prééclampsie menace sévèrement la vie de la mère et de l’enfant dans 10% des cas. C’est aussi l’une des principales causes de grande prématurité des bébés.
-Une chance sur dix, répéta Avalon avec lenteur.
-C’est ça. Ce n’est pas un mauvais pronostic, ajouta le docteur Humphreys qui cherchait visiblement à se montrer rassurante. On va vous surveiller de près. »

Avalon hocha la tête avec raideur. Elle sentait l’aigreur de l’impuissance creuser son estomac. Allongée ainsi, dans une chambre blanche où diverses machines sonnaient à intervalles réguliers, elle se sentait plus vulnérable qu’elle ne l’avait jamais été. La panique la guettait dans l’ombre, tout comme l’angoisse qui menaçait de s’abattre sur elle pour la faucher. Ce fut ce qui la poussa à demander, presque impulsivement :

« Qu’est-ce que je dois faire ? C’est quoi la suite ?
-Pour commencer, je vais demander à mes collègues infirmières de vous monter dans le service de gynécomagie, de vous installer dans une chambre. On va vous garder un peu, le temps de s’assurer que votre tension se stabilise. On va aussi vous donner des potions prénatales, à prendre pour assurer le bon développement du fœtus, ainsi que des corticoïdes pour accélérer le développement de ses poumons en cas de naissance prématurée…
-Donc on part du principe qu’elle va naître de façon prématurée ?
-On prépare le pire en espérant le meilleur, corrigea le docteur. Plusieurs femmes mènent la grossesse à terme, même avec une prééclampsie. Mais on préfère parer à toutes les éventualités, d’accord ?
-Ok… Ok, lâcha Avalon avec un soupir nerveux.
-Je repasserai vous voir quand vous serez en chambre. Et n’hésitez pas à adresser vos questions aux infirmières si vous en avez. »

Le docteur Humphreys les quitta sur ces mots, après s’être assurée qu’ils n’avaient besoin de rien. Elle reprit la chemise en carton qui contenait le dossier médical, s’éloigna et referma la porte derrière elle. Sa présence laissa un silence lourd dans la pièce, un silence presque palpable tant il était envahi par l’angoisse. Avalon se redressa du mieux qu’elle put pour croiser le regard de Roy. Ses prunelles brunes croisèrent les yeux agités et hagards de son compagnon.

Elle tendit une main vers lui, geste désespéré et salvateur.



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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 9 Déc 2022 - 13:57
La réponse du médecin ne donna à Roy qu’un maigre appui, trop peu solide pour qu’il puisse réellement se sentir soulagé. Une chance sur dix. Pourtant, dans une partie de poker où il aurait eu neuf chances sur dix de gagner, il n’aurait pas hésité une seconde à aller jusqu’au bout. Mais ce qui était valable dans le jeu n’avait pas du tout le même impact dans la réalité. Une chance sur dix de perdre son bébé ou Avalon -ou pire encore les deux à la fois- lui semblait insupportablement trop élevé. Sa déception et son anxiété devaient se lire sur son visage crispé car la gynécomage se hâta de se montrer rassurante, avec des paroles qui eurent malheureusement un effet inverse sur Roy. Son cerveau pétri d’inquiétude traduisit ce « pas un mauvais pronostic » par « pas un bon pronostic non plus » et acheva d’entériner la sourde angoisse qui lui serrait le coeur.

Il s’enferma dans un silence distant pendant que la médicomage leur expliquait la suite, ne rebondit pas quand elle les encouragea à adresser leurs questions aux infirmières. Des questions, il en avait des tas, mais aucune auxquelles ces foutus médecins allaient pouvoir répondre, car ce qu’il voulait surtout demander à cet instant c’était pourquoi. Pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ? Roy n’était pas quelqu’un de nature superstitieuse. Mais une part de lui ne pouvait s’empêcher de penser à cet instant qu’entre le déni de grossesse puis ce diagnostic affolant, quelqu’un là-haut n’avait pas très envie de leur permettre d’avoir un enfant. C’était comme si tout se mettait en travers de leur chemin pour les empêcher d’y parvenir.

Cette pensée ancra dans son coeur un autre sentiment, plus désagréable encore que l’inquiétude. S’il s’était senti coupable en apprenant qu’Avalon était entrée aux urgences, peu de temps après leur dispute, ce ne fut rien de comparable face au torrent de culpabilité qui s’abattait désormais sur lui. C’était lui qui avait poussé leur décision quand s’était présentée à eux la possibilité d’avorter ou de garder le bébé qu’ils avaient conçu sans le vouloir. C’était lui qui avait déclaré le premier qu’il voulait le garder, qui avait encouragé Avalon, qui lui avait assuré qu’ils pouvaient faire ça ensemble. Alors que sa compagne avait fini par accepter de se lancer dans ce projet, elle n’avait pas réussi à s’y connecter réellement et pendant plus d’un mois, une part de Roy n’avait cessé de se demander si, au fond d’elle, elle ne regrettait pas ce choix.

Et maintenant, c’était à son tour à lui de sentir les regrets le submerger. S’ils avaient pris une autre décision, ils n’en seraient pas là, à devoir penser à la possibilité que leur premier enfant naisse prématurément et n’y survive pas. Et pire encore, à envisager l’idée que peut-être Avalon n’y survivrait pas non plus.

Le main qu’elle tendit vers lui une fois qu’ils furent seuls apparut à Roy comme le seul appui sur lequel il pouvait se reposer. Il franchit en quelques pas la distance qui les séparait, enveloppa sa main dans les siennes et s’agenouilla près du lit pour pouvoir être à sa hauteur. La peur qu’il lut dans son regard fit écho à la sienne et la raviva. Il porta la main d’Avalon à son front, dans une posture de prière.

« Pardonne-moi pour tout à l’heure. » Même si la dispute qu’ils avaient eu quelques heures plus tôt lui paraissait anecdotique après ce qu’ils venaient d’apprendre, il s’en voulait toujours à ce sujet et encore plus maintenant. « J’aurais pas dû te dire tout ça. Et j’aurais dû être là, avec toi. Je te laisserai plus jamais toute seule. »

Il savait bien que sa présence n’aurait pas pu empêcher les événements de se produire mais l’idée de ne rien pouvoir faire lui semblait insupportable. Les yeux fermés dans une tentative de retenir des larmes nerveuses qui menaçaient de couler, il serrait fort la main d’Avalon dans la sienne. Ses émotions trouvèrent alors un autre chemin pour s’exprimer, plus naturel chez lui, à travers un élan de colère :

« Putain, je comprends pas comment ça a pu se produire, lança t-il, son regard sombre fixé sur les draps. D’abord aucun de ces putains de médecins n’a su détecter ta grossesse alors que t’allais faire des examens pour tes migraines. Et maintenant ça ! C’est des foutus incapables, c’est pas possible… Ils vont essayer, elle a dit… Ils ont intérêt à faire plus qu’essayer, sérieux ! Une chance sur dix… » Il passa ses mains dans ses cheveux, dans un geste nerveux. « En plus elle nous dit ça comme si elle nous lisait un putain de manuel de médicomagie ! Ça me fout la rage. »

Mais ses invectives furieuses ne pouvaient tromper personne. Ce n’était pas la rage qui l’agitait. Sa voix commençait à trembler, ses yeux à briller. Et dans son esprit, trois mots en boucle. Vie en danger.

« Ils peuvent pas dire des trucs comme ça, putain. »


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Parfois, Roy pouvait être un excellent joueur de poker. Il souriait, il haussait les sourcils, il fanfaronnait, mais son regard ne trahissait jamais la main qu’il avait. Parfois, Roy était un redoutable menteur, capable de modeler la vérité en une phrase joliment construite et de donner à voir exactement ce que son interlocuteur attendait.

Et parfois, on lisait en lui comme dans un livre ouvert.

Peur, culpabilité, angoisse et colère se livraient un farouche combat dans son regard agité alors qu’il s’agenouillait auprès d’elle. Avalon sentit son cœur se serrer davantage en le voyant si fébrile et si dépassé, lui n’avait été que stabilité depuis la découverte tardive de sa grossesse.

« C’est rien, souffla Avalon lorsqu’il s’excusa des mots qu’il avait eu pour elle quelques heures plus tôt. A vrai dire, leur dispute lui paraissait désormais être un très lointain souvenir. C’est rien, répéta-t-elle en serrant sa main dans la sienne alors qu’il semblait tanguer sous le poids de la culpabilité. T’es juste sorti prendre l’air, Roy, c’est rien. »

Mais cette litanie rassurante n’eut pas l’effet escompté sur son compagnon, qui explosa brusquement. Avalon ne cilla pas, bien trop familière au refuge qu’elle pouvait parfois elle-même trouver la colère, qui tenait à distance les sentiments plus douloureux et plus intimes. Elle ne répondit pas à ses interrogations véhémentes, car aucune réponse n’aurait pu lui apporter la paix dont il avait pourtant besoin. Avalon non plus ne comprenait pas pourquoi le ciel semblait s’acharner sur eux. Elle ne comprenait pas pourquoi cette première grossesse, déjà compliquée et douloureuse, se retrouvait brusquement menacée par une pathologie obscure qu’elle découvrait seulement aujourd’hui.

Une part d’elle ne pouvait pas s’empêcher d’en vouloir à son corps qui la trahissait encore. Qui avait accueilli un bébé à son insu, qui avait masqué tous les signes pendant des mois puis qui, brusquement, rendait l’environnement hostile et menaçant pour cet être qui s’y développait. Cela lui laissait un goût amer en bouche et une impression de ne rien réussi à faire correctement. Une voix pernicieuse lui soufflait que sa fille n’était pas née et que, déjà, elle était incapable de prendre soin d’elle. Elle n’avait pas réfléchi à un prénom, elle n’avait pas décoré sa chambre, elle n’avait pas choisi son parrain et sa marraine et peut-être n’aurait-elle jamais l’occasion de le faire.

Vertige. Gorge qui se resserre. Cœur qui s’accélère.

Les invectives furieuses de son partenaire couvraient les sonneries désagréables des machines autour d’eux mais Avalon se retrouva incapable d’interrompre son monologue. Ce ne fut que lorsque sa voix se mit à trembler et que ses yeux s’humidifièrent qu’elle se sentit tirée de sa paralysie anxieuse. Un détail la frappa brusquement, comme un élément qui n’était pas parvenu véritablement à sa conscience mais qui prit tout son sens dans la détresse qu’affichait Roy.

Il avait désespérément peur de les perdre. De les perdre toutes les deux. Leur fille. Et elle.

Parce qu’il y avait une chance sur dix que sa vie soit en danger.

Elle se figea brièvement à cette pensée, l’appréhendant réellement pour la première fois. Lorsque le docteur Humphreys avait dit « risque », Avalon avait entendu « risque pour le bébé ». Lorsqu’elle avait dit « une chance sur dix », Avalon avait compris « une chance sur dix que le bébé soit en danger. » Mais on parlait aussi d’elle. On parlait aussi d’elle, de ses reins qui fonctionnaient moins bien, de sa tension qui s’envolait et de ses migraines qui pouvaient l’envoyer dans le coma. L’angoisse qui la tiraillait depuis des heures et qui se concentrait sur la santé du bébé lui avait fait complètement occulter les réalités de ce double discours. Mais pas Roy. Roy, lui avait tout entendu. Il avait entendu le danger pour le bébé et le danger pour elle.

« Roy… » l’appela Avalon en cherchant son regard. Elle fit glisser sa main jusqu’à sa joue, pour l’obliger à lui faire face. « Roy, regarde-moi. »

Le désespoir qui tordait les traits de son visage fit tomber un poids dans son estomac et elle resta silencieuse quelques secondes, comme pour le digérer. Etrangement, son propre pronostic l’inquiétait moins. Ce n’était pas tant un déni que l’habitude de moins redouter les épreuves auxquelles elle devait faire face. Ce n’était pas comme si la notion de danger lui était vraiment étrangère.

« Je ne vais pas mourir. Tu m’entends ? Je ne vais pas mourir. Une chance sur dix, c’est neuf chances que tout se passe bien. C’est une bonne probabilité. » Affirmer cela avec autant d’aplomb la réconforta également, comme s’il s’agissait d’une manière de conjurer le mauvais sort. Elle lui caressa doucement les cheveux, comme pour apaiser sa peur. « Ne t’inquiète pas pour moi. Regarde, j’ai déjà défié des statistiques beaucoup moins bonnes que ça. » Un vague sourire éclaira son visage cependant bien vite ravalé par une ombre qui traversa son regard. Un silence suivit sa dernière phrase alors son regard s’agitait à nouveau. « J’ai peur pour le bébé. » lâcha-t-elle finalement, la voix un peu étranglée, le ton beaucoup moins affirmatif et assuré. « J’ai pas encore… Enfin, on lui a même pas choisi de nom, elle peut pas… C’est trop tôt. »



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Au fur et à mesure de son discours, Roy sentait sa colère le quitter doucement pour laisser davantage de place à la détresse qui l’étouffait. Pourtant, la médicomage s’était montrée calme, ce n’était pas comme si Avalon se trouvait déjà dans un pronostic vital engagé. Mais il ne parvenait pas à se raccrocher à sa rationalité. La soirée avait été trop lourde en émotions, ses nerfs avaient déjà partiellement lâché plus tôt, quand il s’était disputé avec sa partenaire et qu’il avait laissé voir un désarroi long de plusieurs semaines face à leur incompréhension mutuelle. Puis il avait ressenti une grande panique en apprenant qu’elle avait fait un malaise et se rendait aux urgences. La découverte de son diagnostic ne faisait qu’empirer les choses et le laissait dans l’incertitude et la frayeur. Se rajoutait à cette longue liste d’émotions difficiles un amer et insupportable goût d’échec. Roy se sentait échouer, il avait l'impression de n'avoir pas su accompagner Avalon correctement depuis qu’ils avaient appris pour sa grossesse et il se trouvait désormais désemparé face au fait qu’elle prenait les plus grands risques à la poursuivre.

Ce fut la convergence brutale et intense de toutes ces émotions qui finit par avoir raison de lui. A l’instant où le mot « mourir » franchit les lèvres d’Avalon, il laissa couler les larmes qu’il retenait par un stupide réflexe viril. Mais le naturel ne se laissait pas chasser si facilement car il porta aussitôt la main à ses yeux, pour les essuyer. Comme pour se reprendre, il s’efforça de rire nerveusement à cette plaisanterie qu’elle fit en faisant probablement référence à cette fois où ils s’étaient trouvés très proches de la mort, avec de très faibles chances de s’en sortir. En secouant la tête, son visage entre ses mains, il lança :

« Putain, je te jure, ça n’a pas de sens mais je crois que c’était moins flippant quand on était en train d’agoniser dans cette cave. »

Et il ne chercha pas à expliciter à Avalon son raisonnement qu’elle devait suivre car ils fonctionnaient de la même manière tous les deux. Entre mourir sur un champ de bataille dans le feu de l’action et voir la maladie étendre progressivement son ombre sur un proche jusqu’à l’emporter, Roy pariait qu’ils choisiraient la même chose.

Entendre la voix d’Avalon prendre un ton plus vacillant le poussa à relever ses yeux encore humides sur elle. A la vue de l’angoisse qu’elle laissait transparaître, Roy s’efforça de se ressaisir et d’endosser ce rôle de soutien qu’il tenait tant à jouer pour elle. L’image du regard terrifié qu’elle avait tourné vers lui, tout à l’heure, quand elle était emmenée dans un brancard par les urgentistes, lui revint en tête, comme un coup de fouet. Elle venait d’apprendre que son corps ne fonctionnait pas bien, que cela mettait potentiellement sa vie et celle de leur bébé en danger et c’était lui qui se faisait consoler ? Il décida que cela suffisait bien ainsi et se leva pour rejoindre le rebord du matelas où s’allongeait Avalon.

« Ça va aller » promit t-il en l’entourant de ses bras pour la serrer contre lui. « Tu viens de le dire, y a quand même de bonnes chances pour que tout se passe bien. Ça vaut pour toi et pour elle » souffla t-il en laissant glisser sa main sur son ventre. « De toute manière, y a pas le choix, je vais tellement les coller au cul, ces médicomages, je te jure qu’ils vont vous soigner comme si leur vie en dépendait. »

Et il ne plaisantait qu’à moitié en affirmant cela, disait son regard. Un silence tomba pendant quelques instants, où Roy se contenta de tenir Avalon contre lui, une main dans ses cheveux qu’il caressait dans un geste d’apaisement. Ses pensées ne tardèrent pas à revenir sur les paroles qu’elle venait de prononcer et qui lui apparurent sous un autre jour. Quelques heures plus tôt, quand il lui reprochait de ne pas trouver l’envie de chercher des prénoms pour leur fille, Avalon avait balayé cette réflexion avec violence en soulignant qu’elle avait d’autres priorités. Et maintenant, ce simple détail semblait revêtir une importance particulière pour elle, pour que ça soit l’élément qu’elle souligne alors qu’ils évoquaient à demi-mots les risques que couraient leur enfant.

Roy se rappela à cet instant une vérité qu’il avait lui-même plusieurs fois éprouvée au cours de sa vie parsemée de dangers : il n’y avait rien de plus efficace que de manquer de perdre une personne pour se rappeler et prendre la mesure de tout l’amour qu’on ressentait pour elle. Il baissa les yeux vers la main protectrice qu’Avalon n’avait cessé de laisser posée sur son ventre, depuis qu’il était entré dans cette chambre. D’un geste, il la recouvrit de sa main à lui et glissa dans un souffle :

« Je suis sûr qu’elle a notre ténacité. Avec les gènes qu’elle a pris de toi et moi, c’est forcément une vraie battante. »


Roy Calder

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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 9 Déc 2022 - 21:02
Avalon et Roy n’étaient pas des personnes qui se laissaient facilement aller aux larmes. Depuis qu’ils se connaissaient – et cela faisait tout de même onze ans – Roy n’avait été qu’une seule fois témoin du chagrin manifeste d’Avalon. Après une violente dispute avec son père qui avait remué en elle de lourds sentiments, elle avait longuement sangloté dans ses bras tant par tristesse que par colère. Elle avait pleuré le rejet de ses parents, la violence de sa famille, l’angoisse de l’avenir. Elle avait pleuré, puis elle avait essuyé rageusement ses larmes sur ses joues, comme pour faire disparaître son chagrin. Avalon ne pleurait pas souvent. Roy non plus.

Alors, lorsque des larmes s’échappèrent des yeux de Roy, Avalon eut l’impression que son cœur se serrait douloureusement dans sa poitrine. Sa détresse la poussa à lui apporter le réconfort qu’il demandait ; elle caressa sa joue, sa nuque, ses cheveux et lui fit une promesse qu’elle n’était même pas certaine de pouvoir tenir. Elle le fit évidemment sans réfléchir, sans peser ses mots, pressée par le moment où elle sentait son monde vaciller sous la détresse de son compagnon. Tout irait bien, affirmait-elle. Tout irait bien.

La gorge un peu nouée par l’émotion, elle osa une plaisanterie qui tira un rire nerveux à Roy. Sa réponse ne l’étonna pas et elle acquiesça d’un petit hochement de tête :

« Parce qu’on ne l’avait pas vu venir. »

Ils s’étaient rendus dans ce restaurant en se pensant invincibles, en riant de la défaite de leur ennemi et en célébrant déjà leur victoire. Ils avaient cru mener la danse jusqu’au dernier moment, lorsqu’ils s’étaient effondrés tous les deux sur le sol. Ils avaient cru mourir, oui, mais ils n’avaient pas pu l’anticiper avant.

Dans cet hôpital, au milieu de ces machines et de ces mots savants, ils ne pouvaient qu’anticiper l’inéluctable. Le docteur Humphreys l’avait dit elle-même : ils se préparaient au pire. Ils espéraient le meilleur, mais ils se préparaient au pire. C’était comme de vivre avec une bombe entre les mains, sans savoir si et quand elle explosera, ni les dégâts qu’elle pourrait bien faire autour d’elle.

C’était l’incertitude qui était insupportable à digérer.

C’était ce qui ravageait l’estomac d’Avalon d’une angoisse latente et ce qu’elle confia à Roy d’une voix étranglée. Elle avait peur pour leur fille, peur que cette maladie la condamne à arriver bien trop tôt dans ce monde, peur de ne pas pouvoir la protéger assez bien et assez longtemps dans son corps. Peur d’échouer à la garder en sécurité dans un endroit où, théoriquement, rien ne devait l’atteindre ou la blesser.

L’étreinte de Roy et ses mots rassurants n’apaisèrent qu’à moitié son anxiété. Elle s’accrocha toutefois à lui, trouvant dans ses bras un réconfort familier qui ne lui avait que trop manqué. Les dernières semaines avaient été éprouvantes pour eux et pour le couple qu’ils formaient. Ils s’étaient éloignés jusqu’à ne plus se comprendre et refuser de s’entendre. Cette étreinte avec le goût d’une paix retrouvée au milieu de la tempête.

« Evite d’agresser les gens qui ont ma vie et celle de notre fille entre leurs mains, si tu veux bien. » répondit-elle en se forçant à sourire.

Le moment de calme qui suivit ses paroles fit résonner aux oreilles d’Avalon deux mots qui semblaient se détacher de sa phrase. « Notre fille ». Il semblait à Avalon qu’il ne s’agissait pas d’une formulation qu’elle avait souvent utilisé ces dernières semaines, et sûrement pas avec tout l’imaginaire qu’elle venait de mettre derrière. Ce constat lui creva le cœur de culpabilité.

Elle avait passé des semaines à éviter de penser à ce bébé. Elle avait pensé à la grossesse, aux détails pratiques, à l’accouchement, mais elle s’était toujours refusée de penser au bébé. De la nommer. De lui donner une chambre, une existence propre. C’était comme si elle n’était pas vraiment réelle.

Elle avait refusé de lui donner une existence et elle allait peut-être disparaître.

Cette fois, ce fut au tour d’Avalon de lutter contre les larmes. La main que Roy glissa jusqu’à la sienne qui n’avait pas quitté son ventre majora sa peine et sa honte.

Qu’est-ce qu’elle avait été égoïste.

Elle ne parvint même pas à balbutier une réponse au commentaire de son partenaire. Sous ses yeux, son visage se décomposa.

« Je m’en veux tellement… » lui confia-t-elle finalement en baissant les yeux pour se soustraire à son regard. « J’ai jamais voulu ça… Je te jure, j’ai jamais voulu ça. Je me suis déjà dit que… Que ça aurait été plus facile si rien de tout ça n’était arrivé… Si je n’étais pas tombée enceinte mais j’ai jamais voulu ça. » De grosses larmes roulèrent sur ses joues et elle libéra sa main de celle de Roy pour les essuyer. « J’étais juste paumée, je savais pas comment faire pour… Pour m’habituer à tout ça. Mais j’ai jamais eu envie qu’elle disparaisse, j’ai jamais eu envie qu’on la perde, qu’elle… » Sa voix s’étrangla. Elle releva son regard vers lui, le cœur alourdi par le poids de la culpabilité. « Je te promets, je… Je veux qu’on ait notre bébé, je veux qu’elle aille bien. On peut pas... On peut pas la perdre. »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeVen 9 Déc 2022 - 23:52
Roy pensait réconforter Avalon avec ses mots, lui donner de l’espoir et du courage face aux incertitudes qui les habitaient tous les deux. Mais il eut la surprise douloureuse de constater que tout l’inverse se produisait. Sous ses yeux, le visage d’Avalon blêmit, ses traits s’affaissèrent sous le poids d’un chagrin qui semblait brusquement trop lourd à porter. Alerté, Roy se redressa sur le dossier du lit en se reculant légèrement, comme pour mieux voir sa compagne qui essayait en vain de se cacher de son regard. Elle exprima une culpabilité qui lui serra le coeur, dans une attitude honteuse qui lui tordit les tripes. Son premier réflexe fut de protester :

« Mais… Je sais que t’as jamais voulu ça, qu’est-ce que tu… »

Elle l’interrompit, pour se justifier et s’excuser davantage, d’une voix éraillée par les larmes. Tout comme lui, elle pleurait bien trop peu pour que Roy prenne à la légère la situation. Il l’attira très vite contre lui, le coeur écrasé par la peine de la voir dans cet état. Il avait l’impression qu’elle cherchait une forme de pardon, comme si elle avait fait quelque chose de mal, alors qu’elle n’avait fait que subir des épreuves difficiles, les unes après les autres, en faisant tout ce qu’elle pouvait pour garder la tête hors de l’eau. Comme pour mieux étouffer cette avalanche de culpabilité qu’elle libérait, Roy la serra avec force dans ses bras.

« On va pas la perdre » assura t-il, bien qu’il n’en ait pas la moindre certitude. « Et je sais que t’as jamais eu envie qu’on la perde. Moi aussi, je… » Il ferma les yeux pour empêcher ses larmes de remonter à nouveau, s’interrompit une seconde pour retrouver la maîtrise de sa voix. « Moi aussi, je me suis dit à des moments que ça aurait été plus simple qu’on se retrouve pas dans cette situation. Même si on a choisi de garder le bébé, je… Je me suis demandé si c’était le bon choix. Tu vois, t’es pas toute seule. Et si tu penses que t’es horrible de penser ça, bah je suis un gros connard aussi alors » affirma t-il d’un ton qui n’admettait pas de contradiction.

A cet instant, Roy ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir, car il savait d’où venait cette culpabilité chez Avalon, il savait qu’il y avait joué un rôle en lui renvoyant l’idée qu’elle ne s’impliquait pas assez. Et il ne pouvait nier qu’il s’était posé cette question, face au silence qui s’était installé entre eux, il s’était demandé si elle ne regrettait pas leur choix et si c’était ce qu’elle n’osait pas lui dire. A nouveau, il lui présenta ses excuses :

« Désolé, je t’ai mis la pression sur tout ça alors que tu essayais juste de… trouver tes marques entre ton corps et le bébé. » Il gardait en tête les sages paroles d’Irina, quelques heures plus tôt. « T’as rien fait de mal et ce qui arrive maintenant, c’est pas ta faute, ok ? »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeDim 11 Déc 2022 - 8:57
Avalon ne pouvait pas prétendre qu'elle n'avait jamais espéré que cette grossesse n'ait jamais existé. Elle s'était dit, à plusieurs reprises, qu'il aurait mieux valu que rien de tout cela n'arrive. Elle s'était même demandée si elle avait fait le bon choix en acceptant de poursuivre cette grossesse, au lieu de choisir de l'interrompre. Elle avait regretté sa « vie d'avant », celle où il n'y avait pas de rendez-vous médicaux, de vitamines prénatales, de douleurs au dos, de ventre enflé, de seins douloureux. Elle avait rêvé de ce qu'aurait pu être sa vie - leur vie - si elle n'était jamais tombée enceinte. Elle avait pensé au mariage qu'ils seraient sans doute en train de préparer. Et, en constatant à quel point Roy et elle s'étaient éloignés, elle s'était dit qu'elle vivait un cauchemar.

Un cauchemar.

Y repenser lui donnait envie de pleurer de rage et de désespoir, sous le poids d'une culpabilité tenace qui lui tordait le ventre. Elle n'avait pas formulé le souhait de perdre le bébé. Elle n'avait pas espéré que sa grossesse s'achève prématurément. Mais elle avait désiré qu'elle n'existe plus. Et ce désir - qui se trouvait sur le point d'être réalisé - lui donnait désormais envie de vomir. C'était comme si ce qu'elle avait secrètement espéré se retrouvait brusquement mis en lumière et rendu possible, lui faisant douloureusement prendre conscience de ses conséquences.

Avalon se sentit envahie par la honte, ce qui la poussa à se défendre contre ces pensées entêtantes qui lui soufflaient qu'elle l'avait bien cherché et qu'elle obtenait exactement ce qu'elle avait toujours espéré.

C'était bien fait pour elle.

Des larmes trop longtemps contenues roulèrent sur ses joues au milieu de son discours haché et décousu. Elles parurent affoler Roy, qui s'empressa de l'attirer contre lui et de la serrer dans ses bras. Il essaya de faire taire sa culpabilité avec des mots auxquels elle s'accrocha avec force, le menton encore tremblant.

« C'est pas pareil, » protesta-t-elle d'une voix éraillée. « Tu voulais garder le bébé depuis le début c'est moi qui... Qui ait pas réussi à... » Elle s'interrompit, l'émotion la privant de sa capacité à former des phrases. « C'est normal que tu te sois demandé si on avait fait le bon choix quand tu voyais que j'étais pas capable de faire... Tout ça. » reprit-elle plus calmement, en essuyant ses joues humides.

Si leur dernière dispute lui paraissait lointaine, elle avait tout de même laissé ses marques. Roy n'avait pourtant fait que verbaliser ce qu'Avalon savait déjà. Elle connaissait trop bien son compagnon pour ne pas percevoir son inquiétude, son agacement, sa désapprobation. Elle avait projeté son discours sur lui bien avant qu'il ne le formule.

Mais y être réellement confrontée avait été terriblement douloureux.

Aussi, lorsque Roy s'excusa de cette pression qu'il avait fait peser sur ses épaules, elle sentit le nœud de son estomac s'alléger légèrement, sans toutefois disparaître. Elle se mordit la lèvre, luttant contre la difficulté d'aborder un sujet si sensible pour elle. Elle hésita à s'enfermer dans leur étreinte réconfortante et dans le silence assourdissant de ses pensées. Ce fut le baiser que Roy déposa dans ses cheveux qui la poussa à parler :

« Tout ce que t'as dit... Je le savais déjà. Je le pensais déjà. » avoua-t-elle dans un souffle. Elle ferma les yeux contre lui, bataillant pour former des phrases. « J'ai l'impression de rien réussir, de pas être capable de faire ça bien... J'en ai envie mais je sais pas comment faire. » Elle laissa passer un silence. « Personne comprend vraiment, parce que... » Elle s'agita, lutta contre la honte, posa une main sur son ventre.
« C'est comme si plus elle grandissait, plus que je me sentais seule. »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 13 Déc 2022 - 21:09
Perturbé par le chagrin brusque et écrasant que lui témoignait Avalon, Roy la serrait contre lui avec force, comme pour tenter d’absorber toutes ses émotions au coeur de cette étreinte. Chez elle aussi, les nerfs lâchaient violemment après cette longue période pleine d’angoisse, de culpabilité et de nouvelles inattendues, qui avait démarré au moment de l’annonce de son déni de grossesse et qui culminait ce soir. Elle se lança dans un discours d’auto-flagellation décousu qui fit très vite réagir Roy :

« Ouais mais on est pas dans la même situation toi et moi ! rappela t-il. Tu le disais tout à l’heure et t’avais totalement raison. »

Et pour que Roy en soit à reconnaître ses torts, la situation était grave. Mais rien ne semblait pouvoir consoler Avalon. Si ses larmes se tarirent un peu, ses mots eux, prirent une tournure encore plus douloureuse. Et plus difficile à entendre pour Roy. Il mit quelques secondes à encaisser le coup des confidences qu’elle lui faisait d’une voix faible et honteuse. Car dans les aveux de son échec, Roy entendit le sien. Si Avalon s’était sentie seule, alors même qu’ils étaient deux dans cette histoire, la conclusion était simple : il n’avait pas réussi à être présent pour elle. Pas comme elle en aurait eu besoin, en tout cas. Un noeud se créa dans sa gorge à cette pensée, qu’il eut le plus grand mal à défaire. Pendant une poignée de secondes, il resta parfaitement silencieux, les bras serrés autour d’Avalon, à chercher ce qu’il pouvait lui dire. Finalement, ce qui sortit de sa bouche fut à la fois nécessaire et décevant :

« Désolé. »

Roy ne poursuivit pas tout de suite, les mots bloqués au fond de sa gorge, dans une masse d’émotions contradictoires qu’il ne savait pas comment démêler à cet instant. Il aurait pu décéder de culpabilité à cet instant mais il s’empêcha de sombrer de ce côté-là. Il ne pouvait pas faillir encore alors qu’elle était en train d’appeler à l’aide. N’était-il donc pas plus fort que ça ? S’il n’avait pas été à la hauteur une première fois, ce n’était pas encore trop tard pour rattraper le coup. Fort de cette résolution intérieure, il souffla, les lèvres posées contre les cheveux d’Avalon, :

« T’aurais jamais dû te sentir seule comme ça, j’ai merdé. » Plus difficile à présenter encore que des excuses vint un aveu qu’il n’avait pas vraiment reconnu plus tôt face à Irina, mais qu’il admit cette fois-ci, dans l’urgence de cette situation qui les forçait à tout mettre à plat : « T’as raison, je comprenais pas. Ce que tu traverses, c’est… je peux pas vraiment me rendre compte. Mais je… Je vais faire mieux, ok ? Je te jure que je vais faire mieux. »

Il ne savait pas encore exactement comment et de toute manière, le moment n’était pas le mieux choisi pour en discuter et trouver des solutions concrètes. Pour l’instant, ils avaient surtout besoin de réconfort et de se sentir présents l’un pour l’autre, après cette période de distance et d’incompréhension entre eux. Roy renchérit donc sur un ton plus affirmé :

« Et toi, tu fais déjà tout ce qu’il faut, je t’assure. C’est pas moi qui le dis, c’est une médicomage. » Il s’expliqua face au regard circonspect d’Avalon : « J’étais avec Irina tout à l’heure, on a un peu parlé de tout ça et… Pour elle, tu t’en sors très bien. Je veux dire… T’as des réactions totalement normales pour quelqu’un qui fait un déni de grossesse de cinq mois. Et ça aurait même pu être pire, y a des femmes qui refusent d’aller chez le médicomage et tout, donc… Bref, tu gères. Je sais pas comment te le dire autrement. » Il essaya une plaisanterie, dans une tentative d’atténuer le chagrin qu’il lisait encore dans les yeux bruns d’Avalon : « Tu te souviens quand je te disais que t’étais trop perfectionniste ? »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeLun 2 Jan 2023 - 23:50
La vérité qu’Avalon murmura lui laissa un goût amer en bouche et sembla résonner dans la salle de consultation silencieuse. Cet aveu lui avait coûté, cela se voyait dans son regard agité mais, paradoxalement, elle se sentait soulagée d’avoir enfin formulé ce qui pesait sur son cœur depuis plusieurs semaines maintenant.

De tous les sentiments négatifs générés par la découverte tardive de sa grossesse, la solitude était peut-être le plus cruel, le plus vicieux. La colère passe, la peur se raisonne, l’inquiétude s’estompe. Mais pas la solitude. Et plus les jours passaient, plus son ventre s’arrondissait, plus sa grossesse devenait visible, et plus Avalon se sentait loin de tout. Des autres. D’elle-même. De celle qu’elle avait été et de celle qu’elle allait devenir. Elle se composait un visage de façade pour répondre aux compliments et aux questions joyeuses qu’on posait certainement à toutes les futures mères. Oui, ils connaissaient le sexe, ils attendaient une fille. Non, ils n’avaient pas encore choisi de prénom, mais ils choisiraient certainement un prénom espagnol, pour faire honneur à leurs origines mexicaines. Oui, c’était une excellente nouvelle. Oui, ils étaient ravis.

Oui, ils étaient très heureux.

Au milieu de ces discours figés, Avalon se sentait à la fois engourdie et révoltée. Elle avait parfois envie de crier, de répondre que non, ce n’était pas une excellente nouvelle, qu’ils n’étaient pas terriblement heureux et, qu’au contraire, ils luttaient tous les jours pour retrouver un semblant de normalité dans leur vie complètement bouleversée. Mais la culpabilité étouffait sa voix et elle se taisait.

Elle se taisait et elle s’isolait.

Elle n’avait rien dit à Roy. Elle avait essayé, à plusieurs reprises, mais ils ne se comprenaient pas. Comme ils se connaissaient bien, ils ne pouvaient même pas prétendre que les choses allaient bien. Pendant un temps, ils avaient tacitement convenu de les ignorer ; geste désespéré de ceux qui ne savent pas verbaliser leurs difficultés. Sans surprise, cette résolution s’était vite effondrée et, lorsqu’ils s’étaient disputés quelques heures plus tôt, c’était la colère qui avait remplacé les silences. Si cet épisode lui paraissait loin désormais, Avalon ne pouvait pas non plus ignorer ses effets et une part d’elle redoutait que leur couple n’en soit que plus fragile. C’était peut-être ça aussi qui l’avait poussé à parler ; la peur dévorante de voir leur lien s’étioler alors qu’elle avait désespérément besoin de retrouver la dynamique habituelle de leur relation.

Le mot d’excuse de Roy, à la suite de son aveu étouffé, calma légèrement les battements de son cœur. Elle le sentit à la fois pensif et agité et, si elle ne pouvait pas voir son regard depuis sa position, elle devina sans mal qu’il se tenait responsable de son mal-être. Il le lui avoua lui-même, reconnaissant par le même geste un reproche qu’elle lui avait fait quelques heures plus tôt, lorsqu’elle lui avait dit qu’il ne pouvait pas comprendre ce qu’elle traversait. Avalon hocha doucement la tête en caressant le bras qui l’entourait. Cet aveu la réconforta légèrement, comme s’il lui offrait la possibilité de sortir des discours figés et des silences embarrassants.

Elle esquissa un léger sourire lorsqu’il mentionna Irina, en essayant visiblement de la rassurer sur ses capacités à mener correctement cette grossesse. Savoir que Roy – Roy – avait étouffé sa fierté pour évoquer ses difficultés avec sa petite-sœur lui fit songer à la conversation qu’elle avait elle-même eu avec Célice, quelques jours plus tôt. La conclusion de son compagnon ne fit que renforcer cette impression et elle se laissa aller à un petit rire en essuyant les dernières traces de larmes sur ses joues.

« Je sais… » soupira-t-elle en se redressant légèrement pour lui faire face. « Célice m’a dit la même chose. Moins gentiment. » ajouta-t-elle avec une grimace. « Je veux juste faire les choses bien. Pour le bébé, pour nous… Mais c’est même pas juste moi, qui cherche à être parfaite c’est… » Elle chercha ses mots un instant, luttant pour comprendre quelque chose qui émergeait à peine dans son esprit. « C’est le monde qui s’attend à ce que je le sois. Quand on me parle de la grossesse, des prénoms, de la naissance… Tout le monde s’attend à ce que je sois comblée, tu vois ? C’est normal, c’est ce qui se passe normalement mais… C’est comme si je pouvais rien dire d’autre. Et je sais que j’ai envie d’avoir des enfants avec toi, je sais que ça peut nous rendre très heureux, mais… putain, qu’est-ce que c’est dur. » lâcha-t-elle avec un soupir. « Je suis claquée, je dors mal, j’ai mal aux jambes, parfois j’ai faim et j’ai la gerbe en même temps, le bébé fait du trampoline sur mon utérus tous les soirs… Alors qu’il y a un mois et demi, je n’étais pas enceinte. Enfin, c’était comme si je n’étais pas enceinte. » Elle secoua légèrement la tête. « Je peux pas faire semblant d’être juste heureuse parce que… Bah, c’est pas le cas. Ça l’était déjà pas avant mais alors, maintenant, je flippe plus qu’autre chose. » reconnut-elle avec une grimace désolée. « Alors moi aussi, j’ai envie de faire mieux, évidemment... Qu'on fasse mieux ensemble. Mais je peux plus faire semblant avec toi… Et franchement, je suis pas certaine d’avoir vraiment réussi. »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 3 Jan 2023 - 17:05
Roy sentit, en voyant Avalon chercher ses mots pour expliquer ce qu’elle avait sur le coeur, qu’ils étaient en train de poursuivre la conversation qu’ils avaient eu quelques heures plus tôt et qui s’était conclue par une dispute. Il comprit qu’Avalon était en train de lui donner ce qu’il avait attendu, demandé, même, pendant cette interminable période d’incompréhension et de malentendus qui s’était installée entre eux depuis qu’ils avaient appris la grossesse. Et ses aveux furent aussi évidents que surprenants.

Evidents car au fond, Roy aurait pu deviner tout seul que derrière l’attitude d’Avalon, son refus de communiquer et sa distance notable, elle cachait tout simplement ce qu’ils étaient incapables d’avouer tous les deux : que c’était dur.

Surprenant car il réalisa qu’il n’avait jamais entendu un tel aveu de faiblesse dans la bouche d’Avalon. Comme lui, elle ne disait jamais quand le poids qu’elle portait sur ses épaules était trop lourd. C’était alors indéniablement un choc quand elle se décidait à reconnaître son impuissance.

A cet instant, Roy réalisa le malentendu qu’il avait laissé s’installer. Car à force de tout faire pour paraître fort et solide face aux épreuves, il en oubliait que parfois, même Avalon ne pouvait deviner tout ce qui se passait chez lui. Le sens de ce qu’elle avait dit plus tôt prit alors une tournure légèrement différente dans son esprit.

« C’est pour ça que tu sentais seule ? » réagit-il en reculant le buste pour qu’ils puissent se regarder.

Et les derniers mots qu’elle prononça ébranla quelque chose chez lui. Je peux plus faire semblant. Pourquoi s’était-il mis à faire semblant, lui aussi ? Ce qui était un réflexe profondément ancré chez lui parut soudainement absurde. Il secoua la tête en émettant un rire nerveux.

« Putain… Je pensais que tu regrettais d’avoir accepté de garder le bébé et que c’était ça que t’osais pas me dire. »

Alors que tout ce qu’elle n’osait pas lui dire, c’était ce qu’il n’avait pas osé dire non plus. Comment donc pouvait-il lui adresser un quelconque reproche ? L’ironie de la situation le fit rire à nouveau, davantage pour libérer la tension qui l’habitait que par réelle hilarité.

« Je crois qu’on a oublié qu’on était pareils, toi et moi… » Roy fut lui-même surpris du soulagement qu’il ressentit à baisser enfin sa garde et à admettre à son tour : « Pour moi aussi, c’est dur. »

Ces mots sonnèrent étrangement dans sa bouche qui n’avait pas du tout l’habitude de les dire. Roy s’efforça de passer outre le léger sentiment d’inconfort qui le saisissait et s’accrocher plutôt à la réconfortante perspective de pouvoir enfin retrouver sa complicité et sa proximité avec sa compagne.

« Je voulais pas que ça nous arrive comme ça. C’est la deuxième putain de fois que je fais un bébé sans le prévoir et… » fit-il d’une voix hésitante. « J’ai beau être déjà passé par là, j’ai toujours l’impression de faire n’importe quoi. De pas pouvoir me préparer et faire les choses comme il faut. C'est insupportable. Alors je… Je me suis mis à fond dans le rôle du mec content d’attendre son bébé en me disant que… Tu sais. Fais semblant jusqu’à ce que ça devienne réel, quoi. » Il haussa les épaules, comme un aveu de son impuissance. « Me préoccuper de la chambre, des prénoms et toutes ces conneries… C’était le seul truc que je pouvais faire pour avoir l’impression de faire les choses bien, moi. »

Il avait mieux fait semblant qu’Avalon parce qu’il avait le luxe de pouvoir se détacher de la situation, parfois. Il n’était pas celui qui avait un rappel permanent de cette grossesse inattendue, par la présence constante d’un être qui partageait l’espace de son propre corps. Et heureusement que leurs rôles n’étaient pas inversés : pour quelqu’un d’aussi territorial que Roy, cela aurait pu se révéler intolérable. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux, en laissant un sarcasme lui échapper :

« Écoute, au moins, maintenant, vu le pronostic du médicomage, personne pourra nous reprocher de pas sauter de joie d'ici ton accouchement. »

A cet instant, tout ce que lui inspirait les prochains mois n’était qu’une profonde inquiétude et Roy se sentait prêt à casser la figure de quiconque venant lui expliquer ce qu’il était sensé ressentir. Il n’y avait rien de plus efficace qu’un danger imminent pour remettre en ordre les priorités. En ce qui concernait Roy, elles devenaient claires désormais et il les partagea avec Avalon, en posant un regard soucieux sur elle et une main tendre sur son ventre :

« Tu sais quoi ? Viens on se préoccupe juste d’aller au bout de cette grossesse en vous gardant saines et sauves toutes les deux… Et on verra le reste plus tard ? »


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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 3 Jan 2023 - 18:40
« Putain… Je pensais que tu regrettais d’avoir accepté de garder le bébé et que c’était ça que t’osais pas me dire. »
« Quoi ? » réagit Avalon en observant Roy. « Non, non pas du tout… C’est juste que j’ai l’impression d’être complètement paumée, à côté de toi. » reconnut-elle avec une grimace. « Tu parles de lui acheter des pyjamas et de peindre sa chambre, alors que moi je trouve encore ça bizarre quand elle bouge, tu vois. »

Cet aveu lui tira un petit rire nerveux, qui se mêla à celui de son partenaire et soulagea un peu la tension qui habitait encore ses épaules. Les émotions qui s’étaient succédées ces dernières heures – la colère, le doute, l’inquiétude, l’effroi, la peur – semblaient refluer doucement, la laissant certes plus vulnérable mais aussi plus à même d’abaisser ses défenses pour admettre sa faiblesse. Avalon n’était pas familière avec cet exercice ; elle avait grandi dans un milieu où la force n’était pas seulement valorisée mais mise sur un piédestal, et où la reconnaissance d’une difficulté s’apparentait davantage à une pleurnicherie. C’était bien simple : chez les Davies, on ne se plaignait pas. Se plaindre, c’était bon pour les riches qui avaient le temps et l’argent pour ça.

Avalon avait intériorisé cet enseignement des années auparavant – et ce n’était pas son milieu professionnel, essentiellement masculin, qui aurait pu lui permettre de le requestionner. Elle n’avait rien dit de ses difficultés, cachant derrière un sourire de façade une détresse qu’elle se sentait illégitime de ressentir. Elle était enceinte. Elle avait toujours eu envie d’avoir des enfants. Elle avait les moyens financiers et matériels de l’accueillir et de subvenir à ses besoins. Elle avait un compagnon présent, soutenant, qu’elle désirait épouser. C’était bien plus que beaucoup de femmes de son entourage, qui accueillaient des enfants dans des conditions bien plus précaires.

Et pourtant, elle se sentait complètement submergée.

« Pour moi aussi, c’est dur. »
« Vraiment ? » réagit Avalon, sans pouvoir masquer sa surprise.

Son discours la laissa silencieuse et elle se contenta d’hocher la tête à quelques reprises, comme pour lui signifier qu’elle comprenait. Maintenant qu’il lui confiait ce qu’il avait réellement sur le cœur, cela semblait évident. Avalon connaissait Roy, elle savait qu’il était parfaitement capable d’afficher un visage épanoui, le ventre serré par l’angoisse. Elle aurait pu deviner que, derrière son intérêt pour la décoration de la chambre du bébé, se cachait réellement une volonté de garder le contrôle sur une situation qui leur échappait complètement… Elle aurait pu, mais elle avait été complètement aveuglée par ses propres sentiments, trop difficiles à démêler pour qu’elle puisse décoder ceux de son partenaire.

« Je pensais… Je sais pas ce que je pensais. » avoua Avalon en soupirant. « Je te connais en plus, j’aurais pu me douter de tout ça mais… Je crois que j’étais persuadée que tu attendais juste que je saute de joie. Que je me réveille un matin avec l’esprit joyeux de la femme enceinte comblée, tu vois ? » Le sarcasme de son partenaire lui tira un rire un peu jaune. « C’est clair. Et je vais pouvoir arrêter de voir les quinqua’ du ministère qui me disent tous les jours que c’est vraiment une excellente nouvelle et que je dois être follement heureuse. » Elle leva un regard très sérieux vers Roy. « Je te jure, c’est un miracle si je suis pas encore inculpée pour meurtre. »

Un léger silence retomba entre eux, pendant lequel Avalon put prendre conscience de l’importance des leurs paroles. Elle se sentait étrangement réconfortée de savoir qu’elle n’était pas seule à se sentir dépassée par la situation, comme si cela lui permettait enfin de sortir de l’évitement qui n’avait que trop rythmé leurs récents rapports.

« Ça me va. » lui répondit-elle avec un sourire, en baissant les yeux sur la main qu’il avait posé sur son ventre. Elle observant un instant cette image, comme pour essayer de l’appréhender, avant de recouvrir sa main de la sienne. « Tu sais ce que Célice m’a dit ? » lança-t-elle après un moment de silence. « Que c’était pas parce qu’on était sorciers qu’il fallait croire aux contes de fée. Et je crois que c’est un peu ce qu’on a fait. Ou ce qu’on aurait voulu, en tout cas. » se corrigea Avalon. « On aurait voulu prévoir cette grossesse, que tout soit merveilleux, qu’on se sente tout de suite à l’aise, tout ça… Mais la vérité, c’est que ce qu’on vit, ça craint. Ca craint que tu aies dû dire à tes parents que tu avais encore fait un enfant sans le prévoir, ça craint qu’on n’ait pas vu passer la moitié de la grossesse, ça craint que je me sois retrouvée à l’hôpital aujourd’hui… » Avalon haussa les épaules et, comme pour relâcher encore la pression, se mit à rire un peu. Elle secoua la tête. « C’est définitivement pas un conte de fée. Sauf, » ajouta-t-elle avec un regard plus tendre, « que ça aurait été insupportable de me retrouver dans une situation comme ça sans toi. »


Avalon Calder

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Roy Calder
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18h27, le ciel bleu rend presque l'hôpital joli [Roy & Avalon] Icon_minitimeMar 3 Jan 2023 - 20:32
Dans la surprise que manifesta Avalon, Roy vit l’importance de ce moment et de cette discussion. Chose n’était pas coutume, ils s’étaient mal compris, tous les deux. Ils avaient projeté l’un sur l’autre des craintes et des doutes qui leur appartenaient. Lui, il s’était persuadé qu’elle regrettait leur décision de poursuivre la grossesse. Et elle, elle avait cru qu’il nourrissait à son sujet des attentes déplacées. Il les démentit aussitôt, pour être certain de ne laisser aucun malentendu perdurer derrière eux :

« C’était pas ce que je voulais, je m’attendais pas à ce que tu sautes de joie. Je voulais juste… Je sais pas, je crois que j’avais tellement peur que tu regrettes d’avoir gardé le bébé que j’avais besoin de savoir que tu avais envie de ça. Ça voulait pas forcément dire te monter hyper joyeuse mais… Juste en parler ensemble ça m’aurait suffi, tu vois ? Comme on évitait le sujet, c’était comme si ça existait que quand on allait voir le médecin, quoi. En fait, j’arrivais pas à savoir ce qui se passait dans ta tête et la vérité, ça me paniquait, j’ai pas l’habitude. T’es transparente, normalement » dit-il avec un sourire en coin.

La plaisanterie qu’elle fit au sujet de ses collègues lui tira le premier rire sincère de sa journée, un rire léger mais qui suffit à lui faire du bien.

« Putain, je suis sûr que c’était Josie de la compta, elle est insupportable celle-là. »

En tout cas, il se l’imaginait comme une femme à la voix criarde et avec un cerveau de moineau, à travers les récits qu’Avalon lui faisait de ses journées au Ministère. Le silence retomba en apportant avec lui un peu d’apaisement qui leur permit de se retrouver autour d’une étreinte aussi simple que symbolique : les mains nouées sur le ventre d’Avalon qui abritait leur enfant, Roy eut la sensation qu’ils se retrouvaient enfin tous les trois, ensemble, pour la première fois et il en ressentit un intense soulagement.

Tiré de ses pensées par Avalon qui reprenait la parole, il eut un bref sourire en reconnaissant la verve de Célice dans son discours. La métaphore était un peu vexante mais elle était malheureusement juste. Pourtant, Roy n’était pas le genre d’homme à rechercher les contes de fées. Mais il devait admettre que, lorsque cela touchait à un sujet aussi sensible que sa paternité, il avait l’intense désir de s’approcher le plus possible de l’image parfaite qu’il s’en faisait. Pour le moment, c’était un cuisant échec. Il avait du mal à être ce père parfait avec Teresa, pour des raisons qui échappaient à son contrôle : difficile de l’être quand il ne la voyait que deux fois par mois et qu’à chaque fois, il avait l’impression de découvrir un nouveau bébé - elle grandissait si vite, c’était affolant. Difficile de l’être également dans la situation où il se trouvait avec Avalon, à devoir se lancer dans un train lancé à pleine vitesse où ils avaient à peine le temps d’appréhender les drames qui leur tombaient dessus.

Il soupira donc face à l’énumération très juste que faisait sa partenaire. La liste des raisons qu’ils avaient de se sentir accablés était longue. Pourtant, Roy n’avait pas perdu tout espoir et il le ressentit aux derniers mots d’Avalon. Ses paroles réveillèrent chez lui cette petite étincelle qui l’empêchait encore de sombrer dans un désespoir peu constructif. Il tourna vers Avalon un léger sourire, il ne dit rien, se contentant de glisser sa main le long de sa nuque et la contempler pendant quelques secondes. Il fit pression sur sa nuque pour l’inviter à se pencher et embrassa son front ramené à la portée de ses lèvres.

« Je t’aime. »

Ils ne se le disaient pas souvent. C’était comme un accord tacite entre eux, depuis le début de leur relation. S’ils passaient leur temps à se complimenter, s’embrasser, se toucher, se câliner -au point de paraître pénibles aux yeux de leurs amis, parfois- pour se démontrer leurs sentiments, ils réservaient leurs déclarations d’amour à des moments rares et bien choisis. Si bien que ces mots gardaient toujours une saveur particulière à chaque fois qu’ils les prononçaient et se teintaient du moment qui les avait provoqués. À cet instant, les mots de Roy explicitaient son amour autant qu’ils confirmaient leur réconciliation après leur conflit et signifiaient la promesse d’une présence indéfectible et du soutien constant qu’il comptait offrir à Avalon dans cette épreuve.

Sur ces paroles qui n’avaient guère besoin d’une suite, il attira sa compagne dans ses bras dans un silence pensif et imparfait, loin d’un conte de fée, mais malgré tout empreint d’un certain espoir.

FIN DU RP


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