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As it was [Avalon/Toni]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeVen 5 Aoû 2022 - 0:36
28 décembre 2011

Il y a toujours beaucoup de choses dans le sac d’Avalon, ce qui l’oblige toujours à le fouiller plusieurs secondes avant de trouver ses clés ou son téléphone. Elle aime ce bazar un peu informe qui lui garantit forcément de trouver ce dont elle a besoin : des mouchoirs, un stylo, les clés de l’appartement de sa sœur, une crème pour les mains, un ticket de métro, un paquet de biscuits.

Attablée devant un comptoir sur lequel est posé un verre de bière encore plein, Avalon observe le contenu de son sac, le visage chiffonné dans une expression indescriptible. Ses yeux se posent sur les feuilles qui contiennent les notes de sa dernière réunion avec les grandes têtes du département de la justice magique. Il y a quelques éléments entourés, une phrase soulignée rapidement. Son écriture est brouillonne, à peine lisible par endroit et témoigne sans aucun doute de la pression rencontrée lors d’une telle rencontre. De toute façon, depuis la mort de Leopold Marchebank, les journées s’étirent en longueur, se suivent et se ressemblent : le ministère est en ébullition depuis cette sombre journée ; les menaces qui pèsent sur le monde magique n’ont jamais été si fortes et si présentes. A chaque journée sa nouvelle crise, son nouveau drame. Et évidemment, c’est sans compter le fait qu’Avalon doit redoubler d’efforts dans son travail, sa position étant hautement menacée par le changement de gouvernement. Ses semaines lui paraissent alors interminables et les tensions professionnelles commencent à prendre ancrage dans son corps : au creux de son dos, dans sa nuque douloureuse.

A côté de ces feuilles un peu froissées, il y a un dossier cartonné sur laquelle une étiquette portant son nom est collée. Avalon l’effleure du doigt, suffisamment pour dévoiler un cliché un peu flou, dont les deux seules couleurs sont le noir et le blanc. La pochette est grande, assez pour dépasser un peu de son sac en cuir. Elle l’a fourré ici en la récupérant quelques heures plus tôt et ne l’a pas ouverte depuis.

En soupirant, Avalon saisit son téléphone qui se déverrouille lorsqu’il reconnaît son visage. Ses doigts se crispent un peu autour de l’appareil alors qu’elle fait défiler les nouveaux messages. Il y en a un de Thomas Jefferson, qui lui demande si le briefing de dix-neuf heures est annulé ou si elle compte revenir au ministère. Elle regarde l’heure : il est dix-huit heures. Elle lui répond brièvement que son rendez-vous s’est éternisé et qu’elle ne pourra pas revenir avant demain matin. Elle en profite pour prévenir ses agents et leur envoyer les détails du briefing par hibou. Pendant quelques minutes, Avalon redevient le commandante Davies et détaille méthodiquement les objectifs de la mission. Ce travail familier l’apaise.

Puis, un message de Célice la sort de cette bulle et il faut revenir à la réalité, à celle où elle est Avalon Davies. Sa sœur lui donne pourtant juste des nouvelles d’Yseut, leur cadette mais cette information suffit à lui serrer le cœur, puis le ventre, et à ramener brusquement ses considérations sur un sujet qu’elle s’efforce d’ignorer et qui, pourtant, se refuse désormais à redevenir invisible. Elle parcourt machinalement ses derniers messages – ceux de Roy auxquels elle a répondu avant le déjeuner, celui de Fergus auquel elle a oublié de répondre, et celui de l’interface Vargas qui lui informe qu’un nouveau message vocal est disponible dans sa messagerie. Putain de message.

Tout a commencé à cause de ça, un message de moins de trente secondes de la part de la standardiste de la clinique Saint-Barthélemy. Avalon ne l’a écouté que deux fois, et pourtant elle a l’impression de la connaître par cœur : « Madame Davies, » dit la standardiste d’une voix un peu nasillarde, « ici la clinique Saint-Barthélemy. Je vous appelle car le docteur Turner souhaite prendre un rendez-vous avec vous. Il peut éventuellement vous voir aujourd’hui entre deux patientes, alors rappelez-nous quand vous avez ce message. » Putain de message.

Evidemment, Avalon a rappelé, dans un état qui mêlait curiosité et inquiétude. Au téléphone, la standardiste n’a pas pu répondre à ses questions, si bien qu’elle s’est résolue à se déplacer jusqu’à la clinique. A seize heures, elle est installée dans la salle d’attente, les yeux sur un vieil article qui évoque le mariage de Kate et William. Lorsque le docteur Turner s’est avancé pour l’appeler, elle a senti que quelque chose n’allait pas. Il semblait embarrassé.

Bien sûr qu’il était embarrassé.

Putain de clinique.

Depuis qu’elle en est sortie, Avalon oscille entre la colère et l’abattement. Deux sentiments qui s’affrontent sans relâche derrière ses traits tirés et sa mine déconfite. Une douleur lui vrille l’estomac, si fort qu’elle doit lutter pour ne pas se pencher vers l’avant. Elle reste droite sur son tabouret, le regard vide.

Elle est absente, en fait. Absente, presque engourdie d’un point de vue extérieur. En elle, en revanche, tout paraît s’effondrer. C’est terrible, comme sensation, c’est comme de voir des fondations partir en fumée.

Et le pire, le pire, c’est cette petite voix qui chuchote que tout pourrait s’arrêter, si elle le décidait. Cette petite voix qui lui souffle qu’elle n’a qu’à tendre la main vers ce flacon acheté impulsivement quelques semaines plus tôt après des jours de douleur, qu’elle n’a ni pu se résoudre à jeter ni à ouvrir. Il est dans son sac : flacon blanc, étiquette noir et sigle rouge pour appeler à la vigilance. Il est à portée de main. Une pilule et voilà, la honte passera, la culpabilité aussi. Peut-être. Non. Non ?

C’est impossible de décrire cette sensation qui court dans ses veines, cet appel qui naît dans le creux de sa poitrine, cette tension bien trop forte qui lui fait croire qu’il y a un fil qui la relie à ce flacon. C’est impossible à décrire ; il faut avoir vécu l’addiction pour le comprendre. C’est comme une idée entêtante, une voix sonore qui crie, qui martèle, qui appelle. D’ordinaire, Avalon ne l’entend pas ; plus depuis des années, du moins. Ces derniers mois, avec ses migraines a répétition, elle s’est faite plus forte, plus sauvage. Aujourd’hui, elle est vicieuse, perfide.

Manipulatrice.

La main d’Avalon se referme à nouveau sur son Pear. Elle fait défiler ses contacts, les doigts tremblants. Elle passe les « F », les « R » et ne s’arrête que lorsqu’elle voit le nom de Toni. La sonnerie retentit une fois, trois fois, cinq fois. Miraculeusement, Toni répond.

« Toni ? C’est moi. » Il y a un silence. « Tu peux venir ? J’ai besoin que tu m’empêches de faire une grosse connerie. » Elle ajoute, après un temps d’hésitation. « Viens tout seul. »




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Antonino Tessio
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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeJeu 11 Aoû 2022 - 12:14
Ce n’était pas la première fois que Toni recevait des appels désespérés d’Avalon. Durant leurs longues années d’amitié, elle l’avait plusieurs fois appelé en catastrophe, généralement pour la sortir d’un mauvais pas. A une époque, Avalon était célèbre dans leur groupe d’amis pour être cette fille qui se retrouvait toujours sans le vouloir dans les coins les plus improbables du pays, avec des mecs louches. Elle pouvait sérieusement tenir un record des pires rencards, dans des sous-terrains inconnus, avec des ensorceleurs de serpents où il ne savait quoi. Toutefois, depuis qu’elle s’était définitivement installée avec Roy -quel ennui- elle ne se retrouvait plus dans ce genre de situation et Toni ne savait dire si cela lui manquait ou non. Il n’était cependant pas mécontent qu’elle l’appelle de temps à autres pour se plaindre de son mec car Toni ne manquait jamais une occasion non plus de râler au sujet de Roy.

Quoiqu’il en soit, quand il décrocha son Pear, il sut très vite au son de la voix de son amie qu’elle ne l’appelait pour aucun de ces cas de figure. Malgré la musique très forte autour de lui, Toni perçut dans la voix d’Avalon un sentiment d’urgence et de panique qui n’avaient rien de drôle et le fit se redresser sur son canapé.

« J’ai besoin que tu m’empêches de faire une grosse connerie.
-Attends quoi ? De quoi tu parles ? » Son mouvement venait de déséquilibrer la jeune femme qui se déhanchait, à califourchon sur lui, sous les néons du K-Club. Elle lui lança un regard mécontent, faisant protester l’italien : « Ouais bah ça va, deux secondes ! Nan pas toi, Av’, attends. J'vais devoir te laisser, poupée, on reprend ça plus tard ?» Vu l'expression vexée de sa partenaire, il pouvait toujours courir. Elle grommela une insulte à son encontre, tandis qu'il s'éloignait. Tant pis.« Ouais Av' ? 
-Viens tout seul. »

Voilà qui était étrange. Ce n’était pas une demande qu’Avalon avait l’habitude de lui faire. Interpelé, mais également plutôt inquiet, il remit sa chemise en place et se dirigea vers la sortie du club.

« J’me casse, Marco ! lança t-il à l’adresse d’un Veilleur qui circulait entre les tables. T’es en charge ! »

En charge de quoi, aurait-on pu demander, étant donné que quelques minutes plus tôt, Toni était très occupé à ne pas faire son travail. Mais Marco se contenta d’hocher la tête en saluant son supérieur de la main. Une fois dehors, Toni tournoya sur lui-même, en direction de l’adresse qu’Avalon lui avait indiquée à l’écrit. Il atterrit près d’un bar londonien où son amie avait l’habitude d’aller. Le barman le reconnut et lui désigna d’un signe de la main le coin du comptoir où Avalon s’était installée. Il n’y avait pas besoin d’être proche d’elle pour voir sur sa figure que quelque chose n’allait pas du tout. Avalon tirait une tête des pires jours, installée devant une bière pleine, qu’elle n’avait visiblement même pas le coeur de boire. Il s’annonça de sa voix forte, en posant sa main sur l’épaule de son amie :

« Hey ! C’est quoi cette tronche que tu tires, meuf ? » Puis pour le barman : « Une blonde, s’teu plait. » Avant de reporter son attention sur Avalon : « J’suis venu aussi vite que j’ai pu, t’avais une voix vraiment bizarre. J'étais avec une meuf, je te dis pas la tête qu'elle a tiré quand j'me suis cassé direct. Prête à me couper les couilles. » Mais son ton blagueur ne semblait pas prendre sur Avalon. « Ça va pas ? De quelle connerie tu parlais ? Tu t’es engueulée avec Roy ou quoi ? »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeJeu 11 Aoû 2022 - 14:58
Lorsque Toni arrive – tout en bruit et en grands gestes – Avalon ne se déride pas. Elle l’a attendu dans un silence buté, les yeux fixés sur sa bière pleine qu’elle a commandée sans réfléchir. La mousse blanche est intacte et le liquide blond semble pétiller grossièrement dessous. Elle n’a rien bu, malgré sa gorge sèche et un peu serrée.  

Quand Toni pénètre dans le bar, l’atmosphère change imperceptiblement. Son aura solaire capte les regards et les attentions – il adore ça – et sa carrure imposante majore d’autant plus cet effet. Toni n’est pas discret – dans un dictionnaire, il pourrait même être noté dans les antonymes de la discrétion. Il abat sa main sur son épaule avec force, s’adresse au barman, puis à elle. Il oscille entre humour et sérieux, paraît décontenancé par la mine qu’affiche Avalon. Elle n’arrive même pas à sourire devant son histoire avortée.

Lorsqu’il mentionne Roy, elle tapote nerveusement le bois du comptoir du bout des doigts. Si seulement. Si seulement il n’était que question d’une dispute ! Les choses seraient alors vite rentrées dans l’ordre : généralement, lorsqu’Avalon et Roy se disputaient, ils se réconciliaient l’heure suivante comme si rien ne s’était passé. Aujourd’hui, il était impossible d’effacer ce qu’il s’était passé.

La jeune femme tourne un regard un peu hagard vers son meilleur ami. Elle a toujours aimé sa présence bruyante et imposante, immuable depuis des années. Evidemment qu’elle a préféré appeler Toni plutôt que Fergus ou Roy. Avalon a toujours eu peur de décevoir Fergus, dont le jugement tranchant blesse autant qu’il sauve. Quant à Roy, il lui aurait fallu expliquer, comprendre avec lui, dénouer tout ce magma bouillonnant qu’elle préfère garder au loin. Avalon a d’abord besoin de se sauver elle-même. Pour cela, Toni est le choix le plus évident.

Elle préfère ne pas commencer par tout lui expliquer – plus le temps passe, et plus elle a peur de changer d’avis. Si elle se lance dans le long récit qui l’a conduit dans ce bar, une série de clichés dans son sac à main, alors elle craint d’oublier de lui tendre le flacon de pilules qui semble l’appeler. Elle ne se dit pas qu’elle va en prendre, qu’il est certain que, dans le cas où elle serait restée seule, elle l’aurait ouvert, en aurait versé deux dans le creux de sa main pour les porter à bouche. Non, ce n’est pas ça. Mais elle sait qu’il y a des moments – comme celui-ci – où elle préfère ne pas être celle qui prend la décision finale. Si elle tend ce flacon à Toni, alors elle s’arrache la possibilité de faire quoique ce soit de répréhensible. C’est une question de prudence.

Avalon fouille dans son sac, en sort le flacon blanc à l’étiquette sobre et le pose entre eux. Elle le pousse vers lui.

« Tiens. » Elle baisse les yeux vers le capuchon. « Il y a encore la sécurité, je l’ai pas ouvert. » précise-t-elle en voyant le regard de son meilleur ami faire le même trajet que le sien. « Mais je peux pas avoir ça sur moi. » Il faut au moins mobiliser toute sa volonté pour ignorer cet appel facile ; autant s’en débarrasser alors qu’elle en est encore capable. « Prends ma bière aussi. » ajoute Avalon en faisant glisser son verre en direction de Toni.


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 11:24
Il était rare de voir une expression aussi grave sur le visage d’Avalon. Sa fierté et son optimisme l’empêchaient de trop dévoiler ses craintes et ses doutes intérieurs. Comme beaucoup d’entre eux, elle avait tendance à prétendre que tout allait bien, même si quelque chose la tracassait. Cette fois, toutes ses barrières semblaient brisées, l’effarement se lisait dans ses yeux, l’inquiétude dans ses gestes. Un mauvais pressentiment saisit aussitôt Toni quand Avalon tourna un regard hagard vers lui :

« Qu’est-ce qui se passe, Av’ ? Tu fais flipper là… »

A défaut de parvenir à parler, Avalon finit par esquisser un geste vers son sac. Toni n’avait même pas besoin de lire l’étiquette pour reconnaitre le flacon. Il en avait vu des dizaines se passer de main en main, dans sa vie de trafiquant. De l’oxy. De l’oxycodine qui, pris excessivement, défonçait le cerveau, brisait des liens, détruisait une vie. Quand Avalon s’était ouverte à lui, quelques semaines plus tôt, au sujet de ses migraines affreuses et incontrôlables, une véritable angoisse s’était emparée de lui pour deux raisons. D’abord, il ne supportait pas la maladie, il ne supportait pas l’idée que lui-même ou un de ses proches puisse tomber gravement malade, au point de ne plus être la même personne ou de voir sa vie s’écourter. La faiblesse du corps était un angle mort que Toni avait toujours ignoré, en repoussant sans cesse ses propres limites, comme pour éprouver et se rassurer sur une forme de jeunesse éternelle, d’invincibilité qui le rassurait. Ensuite, il avait compris immédiatement pourquoi Avalon refusait de prendre les cachets prescrits par le médecin et il s’était projeté dans des souvenirs difficiles qu’ils partageaient tous les deux, quand une dizaines d’années plus tôt, Fergus lui avait présenté cette jeune fille seule, perdue, en désintox, qui avait fini par devenir sa meilleure amie. A l’époque, Toni traversait une phase sombre également, après l’assassinat de son frère, et comme Avalon, il avait trouvé un appui indéfectible en la personne de Fergus, un roc dont il ne pouvait se passer. De bien des manières, Fergus les avait sauvés tous les deux de leurs propres démons intérieurs, ce qui les avait fait nouer des liens aussi solides qu’une famille de sang.

Alors à cet instant, Toni comprit très vite le message que lui adressait Avalon à travers son discours évasif. A nouveau, elle criait à l’aide, et cette fois, c’était à lui qu’elle s’adressait pour être la main qui fracasserait d’un geste impitoyable ce démon intérieur, jamais vaincu mais simplement assoupi en elle. Il prit toute la portée du geste qu’elle faisait vers lui en lui remettant son flacon d’oxy. Mais Toni n’était pas Fergus. Il ne parvint pas à masquer l’inquiétude et l’angoisse qui le saisirent face à son amie tombée à deux pas d’un précipice sans fin.

« Merde, Av’ ! C’est tes douleurs ? »

Elle lui tendit même sa bière, comme si toute substance addictive, de quelque nature qu’elle soit, devenait un danger pour elle. Logique. Alcool, médicament ou drogue, peu importait. Une addition empêchée pouvait mener vers n’importe quelle autre. Toni rapprocha le verre du sien, glissa le flacon dans la poche intérieure de son blouson, avec de l’effarement au fond des yeux.

« C’est devenu si insupportable ? »

Pourtant elle était là, debout face à lui, en plein milieu d’un bar, de toute évidence pas en proie à une migraine insoutenable. Roy disait que quand elle avait des douleurs, elle pouvait rester des heures allongée dans son lit. Si ce n’était pas la douleur, c’était peut-être une mauvaise nouvelle qui lui avait immédiatement donné envie de se défoncer à l’oxy ? Aussitôt le regard de Toni s’éclaira.

« C’est les médecins c’est ça ? Ils ont trouvé ce que t’avais ? Putain me dis pas que c’est une saloperie de cancer ou un autre truc du genre ! »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 13:10
Lorsque Toni saisit le flacon pour le glisser dans la poche de son blouson, Avalon se sent aussi soulagée que frustrée. Pour la frustration, c’est l’addiction qui parle ; ce monstre prisonnier qui ne demande qu’à être libéré et qui cherche inlassablement à la faire ployer sous son poids. Le soulagement, en revanche, provient d’elle. Elle sait que Toni ne lui tendra jamais ce qu’il vient de lui prendre, même si elle le supplie de le faire. Et puis, il sait désormais. Et, détenant ce savoir, il ne la laissera jamais faiblir ou céder. Toni est assez fort pour deux.

Débarrassée d’un poids, Avalon expire longuement. Ce n’est pas dans ses habitudes de se reposer entièrement sur ses proches ; elle fait plutôt partie de ceux sur qui on se repose. Pendant des années, il en a été ainsi : ses frères, ses sœurs, ses parents, tous ont toujours attendu quelque chose d’elle. Ils ne sont pas entièrement fautifs : Avalon s’est enfermée dans ce cercle en se pensant indispensable à l’équilibre de sa famille. Faire des courses, s’assurer de la santé d’Yseut, s’occuper de Vivianne, surveiller Garlan, aider Célice, payer la garde-à-vue de Néro… Compenser son absence en se rendant indispensable et en autorisant les autres à se reposer entièrement sur elle. Car qui serait-elle, pour eux, sans ce rôle qu’elle se donne et qu’ils lui attribuent ?

Mais cette fois, la pression est trop forte, même pour les épaules solides d’Avalon. Il lui faut au moins Toni – son frère depuis si longtemps – pour supporter ça. Mais Toni n’a pas le flegme de Fergus – qui se serait contenté d’une question perspicace pour la confronter à l’acte qu’elle vient de s’empêcher de faire. Il bouillonne d’interrogations, le regard sombre et ombrageux. Avalon le sait : il déteste tout ce qui approche la maladie. Quand elle lui a parlé de ses migraines, il est devenu blanc. Alors ce soir, les pensées de son ami sont toutes tendues vers cette maladie inconnue qui plane au-dessus d’elle depuis quelques mois déjà.

« Oui, c’est ça. » souffle Avalon. Devant le regard effaré de Toni, elle se corrige immédiatement : « Non, non, c’est pas un cancer, mais ils ont trouvé ce que j’avais. »

A partir de là, les choses deviennent plus délicates. Avalon ne l’a encore dit à personne, elle n’a pas encore prononcé les mots à voix haute. Elle a passé quelques heures à la clinique, pourtant, entourée par des médecins et des infirmiers qui se sont relayés auprès d’elle pour lui faire passer des examens et lui expliquer chaque étape. Elle les a écouté – enfin, elle a retenu les informations principales – mais elle est restée si silencieuse qu’à plusieurs reprises, on lui a demandé si elle allait bien, si elle avait besoin de s’allonger un peu et si on pouvait appeler quelqu’un pour elle.

Avalon ne peut pas dire qu’elle s’attendait à tout – mais elle ne s’attendait sûrement pas à ça. Sa première réaction a d’ailleurs été de songer qu’il s’agissait d’un mauvais scénario, digne d’une télénovelas mexicaine. Dans l’épisode suivant – le vendredi, le dernier de la semaine qui requérait un immense cliffhanger avant la pause du weekend – elle aurait probablement appris que Roy avait un jumeau maléfique et qu’elle était en réalité enceinte de lui, car il aurait usé de ses charmes pour la duper et la séduire à l’insu de son frère.

Mais non.

Elle est simplement enceinte de Roy.

Depuis cinq mois et neuf jours.

Cinq mois pendant lesquels rien – absolument rien – ne l’a alerté sur cet état. Ni la rondeur de son ventre, ni ses règles qui ont continué à être régulière, ni des nausées, ni rien du tout. Le docteur Turner a parlé de déni de grossesse – « c’est plus courant qu’on ne le pense, surtout en cas de période de stress intense. »

Avalon ne sait pas exactement comment dire à Toni que non, ce qui s’accroche à elle n’est pas une tumeur maligne mais un fœtus. Elle s’agite sur son tabouret ; sur ses genoux, son sac lourd de ce secret semble peser une tonne.

« En fait les médecins m’ont dit que j’étais enceinte. Depuis cinq mois et demi bientôt. » Dans sa bouche, le mot paraît faux : elle a presque l’impression de dire quelque chose qui ne lui appartient pas.

Retrouvant le regard de Toni, Avalon ne peut masquer l’effarement sur son visage.

« Je sais pas comment c’est possible. Cinq mois et demi ! Et j’ai absolument rien vu ! » Elle pivote pour montrer à Toni l’aspect de son ventre, résolument plat. « Regarde ! Il n’y a aucun signe. J’ai eu mes règles il y a quoi ? Dix jours ? J’étais sûre que les médecins se plantaient, sérieux, j’ai cru qu’ils avaient échangé les résultats entre deux patientes ou quelque chose comme ça. » D’un geste, elle sort le dossier de la clinique à son nom. Dedans, il y a une série de clichés pris pendant une échographie. Dessus, on distingue la forme d’un fœtus. Avalon a même entendu des battements de cœur, avant que le médecin ne coupe le son de la machine avec un sourire désolé. « Mais ça, c’est l’échographie qu’ils m’ont fait pour confirmer la grossesse. » Avalon ressent bien trop de choses en ce moment pour se fixer sur une seule émotion. Son ton oscille entre l’effarement, la colère et le désespoir. Elle est un peu incrédule, aussi.

En revanche, comme d’habitude lorsqu’elle est effrayée, elle bouillonne.

« Le médecin a dit que si j’avais fait un déni de grossesse, c’est parce que j’étais tombée enceinte à une période où je subissais trop de stress. Non mais tu y crois toi ? Maintenant c’est de ma faute s’ils ont juste été incapables de faire les bons examens alors que je vais les voir depuis des semaines ? » En réalité, Avalon est tombée enceinte juste avant le procès pour la garde de Vivianne. Un évènement qui est venu questionner tous ses liens familiaux, ses propres rapports à la maternité. Et puis il y a eu le jugement, l’arrivée de Vivianne chez elle, puis l’ouverture du procès contre ses parents. « Et là, on me dit que je suis enceinte de cinq mois et neuf jours et qu’il me reste quoi, une semaine environ pour décider de ce que j’ai envie de faire ? Mais j’en ai aucune idée ! C’était pas du tout ce qui était censé arriver ! »

Après la colère vient l’effondrement : les épaules d’Avalon s’affaissent un peu et elle laisse choir sa tête entre ses mains. « Quand j’ai appris ça, j’étais tellement… Tellement choquée. J’avais de l’oxy sur moi depuis des semaines, je sais même plus pourquoi j’ai fait la connerie d’en acheter et là… » Elle n’arrive même pas à dire qu’elle avait tellement envie d’en prendre, tellement en a honte. On dirait sa mère.




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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 16:05
« Oui, c’est ça.
-Quoi ?? »

Le coeur de Toni eut le temps de faire dix bonds dans sa poitrine avant qu’Avalon ne corrige :

« Non, non, c’est pas un cancer, mais ils ont trouvé ce que j’avais.
-Putain, tu m’as fait peur ! »

Elle était folle à lui faire des frayeurs pareilles. Vu la tête qu’elle tirait, il aurait été tout à fait possible qu’on lui diagnostique une saloperie de cancer et vraiment, Toni n’était pas prêt pour un événement pareil. Depuis qu’il savait qu’Avalon avait de violentes migraines inexpliquées, il avait préféré s’enfermer dans un déni qui prétendait que ce n’était sûrement rien de grave, même si ses amis prenaient la chose très au sérieux. Fergus avait toujours un fond d’inquiétude dans le regard qu’il portait à Avalon, c’était discret mais un oeil attentif pouvait remarquer qu’il était un peu plus prévenant que d’habitude. Jayce s’enquérait régulièrement auprès de Roy, pour savoir si la situation s’améliorait. Quant à Roy, il avait eu une période un peu dure, le visage souvent sombre, marqué par le souci qu’il se faisait tous les jours pour elle. Au milieu de tout ça, Toni préférait ne pas en parler. Il avait déployé tous ses efforts à agir avec Avalon exactement comme avant parce qu’il refusait que les choses changent, que sa meilleure amie ne soit plus la même.

Et heureusement, elle s’était mise à aller mieux ces derniers mois. Ses épisodes de douleur s’étaient espacés, elle s’était remise à sourire, à faire la fête avec eux. Roy avait retrouvé plus d’insouciance, il s’était laissé entraîner par les joies de son quotidien et notamment celles que lui apportait la naissance de sa fille, Teresa, qui avait déjà bientôt trois mois. Toni avait commencé à se dire que ce mal inconnu s’était retiré, que tout était derrière eux.

Mais la boîte de pilules enfermée dans sa veste venait briser cet espoir. Il attendait la mauvaise nouvelle, il attendait qu’Avalon lui explique enfin ce qui lui arrivait et la poignée de secondes qu’elle prit pour trouver ses mots lui parurent être une éternité. Tous ses sens étaient en alerte, le sang lui montait à la tête, ses muscles se tendaient, comme s’il était en plein duel avec une bande rivale. L’ennemi que Toni avait en ligne de mire et sur lequel il se préparait à bondir, c’était le nom de l'affreuse maladie dont elle souffrait.

Il était prêt, prêt à combattre, à se révolter. Mais quand l’ennemi révéla enfin son visage, Toni sentit cette énergie qui tendait tout son corps se disperser comme un pet de ballon de baudruche lâché en l’air. La tête qu’il faisait à cet instant, les yeux ronds comme deux vifs d’or, la bouche assez ouverte pour gober un Souaffle, aurait pu être comique dans d’autres circonstances. Fait rare, il fut si abasourdi qu’il ne trouva rien à dire. Les mots semblaient tout simplement ne plus pouvoir s’aligner dans son cerveau.

Et Avalon ne lui laissa pas vraiment le temps de gober l’information. Elle se mit à parler très vite, d’une voix effarée, avec de grands gestes que Toni suivit sans rien dire. Oui, oui, il voyait bien, son ventre était aussi plat que d’habitude. Normalement aucun bébé ne pouvait grandir là-dedans. Et puis elle avait eu ses règles. Toni ne s’y connaissait pas beaucoup en règles mais il en savait assez pour savoir que pas de règles équivalait à une alerte bébé. Donc logiquement, règles voulait dire pas de bébé en vue, non ? Tout cela n’avait aucun sens. Et d’ailleurs, ce fut la seule chose qu’il put balbutier :

« Mais… Mais… Mais comment t’aurais pu être enceinte sans t’en rendre compte ? Normalement y a… » Il fit un geste évident de forme arrondie devant son ventre. « Enfin… Ça se voit, nan ? »

Toni n’était pas sûr du timing, il était bien incapable de dire si un ventre de femme enceinte sortait au bout d’un mois ou plus mais quand même cinq mois c’était plus de la moitié de la grossesse, non ? N'était-elle pas sensée être ronde comme un gros boursouf ?

Les photos que lui tendit Avalon lui fournirent les preuves dont il avait besoin pour pouvoir croire à un fait aussi extraordinaire. C’était la toute première fois que Toni tenait une échographie entre les mains -Dieu merci c’était la première fois- et il en ressentit une espèce de malaise du plus profond de lui, comme s’il se tenait face à l’objet personnifié de ses angoisses. Quand Roy leur avait annoncé qu’il avait mis une amante enceinte sans le vouloir, Toni avait embrassé la croix qu’il portait toujours autour du cou en priant tous les saints de faire en sorte que cela ne lui arrive jamais. En tenant l’échographie d’Avalon entre les mains, il eut la sensation d’avoir un bref aperçu du vertige que Roy avait du ressentir, quelques mois plus tôt.

Et Roy allait avoir le même choc très bientôt, pour la deuxième fois.

Toni aurait presque pu en rire, si cela avait concerné quelqu’un d’autre qu’Avalon. Là ce n’était pas du tout drôle. Franchement, le machin avait un crâne bien dessiné, un petit nez, une forme de menton et même deux petits bouts de lèvres ! C’était plus un machin, ce truc, c’était un bébé. Un vrai bébé. D’environ vingt-deux centimètres de long si on en croyait les inscriptions notées sur le papier, certes, mais avec un profil très humain.

Pendant quelques secondes, Toni s’abîma dans cette observation, tandis qu’Avalon à ses côtés pestait avec colère. Déni de grossesse, dit-elle. Il ne savait même pas que c’était un vrai truc, ça. Il n’avait pas besoin de définition pour comprendre ce que cela voulait dire, le terme était assez clair. A la place d’Avalon, Toni aurait certainement fait un très gros déni aussi, puisque ce n’était juste pas possible qu’il porte un jour un bébé. Enfin, s’il avait été une femme, quoi.

Mais ce n’était pas lui qui se trouvait dans cette situation infernale, même s’il avait tendance à vivre assez intensément les événements qui touchaient ses amis pour se sentir en faire partie. Alors il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une grosse panique, actuellement.

« Putain de bordel de… » La suite fut proférée en italien, dans un langage trop vulgaire pour être retranscrit. « Comment ça a pu arriver ? »

Il savait, en vérité, il n’était pas ignorant à ce point. La bite de Roy avait décidé de réitérer l’exploit de fabriquer accidentellement un autre bébé. Est-ce que ça pouvait arriver souvent ? Toni eut une brève pensée pour toutes les amantes qu’il avait connues cette année. A moins qu’il devait s’inquiéter des années précédentes également ? Voilà pourquoi il ne donnait jamais à personne l’adresse de son appartement, aucun risque de voir un mioche débarquer en l’appelant papa.

Les dernières paroles d’Avalon le tirèrent de ses élucubrations intérieures et lui rappelèrent que tout ceci n’était pas à propos de lui. La peine visible sur le visage d’Avalon le poussa à poser les clichés sur la table, les délaissant un instant. Sincèrement désolé pour elle, il lui exprima son soutien en l’attirant fermement dans ses grands bras musclés.

« Oh bella… C’est pas ta faute. » Toni planta un baiser dans les cheveux de son amie. Tout prenait sens maintenant qu’il avait l’entièreté du tableau sous les yeux. Il prit conscience que dans tout cet amas de panique, elle venait de lui révéler une bonne chose et il le souligna. « La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que t’as pas une maladie qui craint. »

A choisir, il préférait quand même largement la savoir enceinte plutôt qu’en phase terminale d’un cancer. La mauvaise nouvelle en revanche, celle qu’elle n’arrivait pas à dire et dont ils avaient tous les deux conscience, c’était qu’elle s’était sentie si désespérée d’apprendre cette grossesse qu’elle avait failli retomber dans ses addictions pour se sentir mieux. Toni avait l’impression de sentir brûler dans sa poche cette foutue boîte de pilules. Il embrassa à nouveau Avalon sur le crâne, en la serrant encore plus fort contre lui.

« T’as fait ce qu’il fallait. T’as rien pris, t’as pas cédé, tu m’as appelé. T’as géré, ok ? Tout va bien. »

Sa grande main frotta vigoureusement le dos d’Avalon avec cette tendresse brute qui le caractérisait. Tout n’allait pas bien, évidemment. Avalon venait d’apprendre une nouvelle qui bouleversait sa vie, ses plans, son futur. Quoiqu’elle décide, rien ne serait plus pareil. Et elle était de toute évidence profondément choquée, démunie. Autant Toni pouvait très bien gérer ce qui avait trait à son addiction, autant tout ce qui touchait cette grossesse involontaire, il ne savait pas par quel bout le prendre. Alors il commença par poser une question dont il devinait déjà la réponse :

« T’as rien dit à Roy, encore ? »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 17:36
« Comment ça a pu arriver ? »

Cette question, Avalon se l’est posée au moins mille fois depuis qu’elle a appris la nouvelle. Pourtant, la réponse est assez évidente, elle doit bien le reconnaître. Mais ce n’est pas tant un « comment » général qu’elle se pose, plutôt un « comment est-ce que ça a pu m’arriver à moi ? A nous ? ». Roy a fait face, avec Joséphine, à une épreuve similaire quelques mois auparavant. Quant à Avalon, la maternité non-désirée représente l’une de ses plus grandes craintes. Elle s’est toujours promis de prévoir le moment où elle attendrait son premier enfant. C’est important pour la jeune femme, elle qui est arrivée dans un foyer où elle n’était pas désirée et qui en ressent toujours le poids sur ses épaules. Avalon a vu ses frères et ses sœurs naître d’une façon plus ou moins similaire – par hasard, s’est-elle toujours dit avec une dureté implacable envers sa mère. Parce qu’elle ne faisait pas attention, parce qu’elle avait oublié de renouveler l’ordonnance de sa pilule, parce qu’elle était irresponsable, depuis toujours, et que son irresponsabilité finissait forcément par se cristalliser en un autre être humain.

Avalon est le fruit d’une vie irresponsable. Une vie qu’elle a lutté pour ne pas reproduire : elle est partie de chez elle, a fait des études, a travaillé comme une forcenée pour avoir une situation stable dans la société dans laquelle elle évolue. Elle s’est distinguée de ses parents, peut clamer à qui veut bien l’entendre qu’elle n’a rien à voir avec eux.

Et un jour, elle apprend qu’elle est enceinte depuis cinq mois, et la seule envie qu’elle ressent est celle de se défoncer pour ne pas avoir à affronter la réalité. Pas de se réjouir de cette nouvelle, pas même en informer son compagnon.

Ce constat l’ébranle dans tout son être et il faut au moins l’étreinte musclée de Toni pour lui éviter de s’effondrer. Elle se laisse entraîner contre lui, pose sa joue contre son torse alors qu’il essaie de la réconforter. Peut-être qu’elle n’a pas cédé, peut-être qu’elle l’a appelé – il n’empêche qu’elle mourrait envie de le faire. Si Toni n’était pas venu, s’il n’avait pas répondu à son appel, peut-être même qu’elle l’aurait fait. Elle déteste cette idée qui, pourtant, tourne en boucle dans son esprit. Elle ferme les yeux pour la faire disparaître mais c’est peine perdue : elle danse devant ses paupières closes, retentit dans son cerveau, forme un écho. Elle ressemble à tout ce qu’elle déteste.

Contre Toni, Avalon pousse un long soupir qui ressemble un peu à un sanglot étouffé. Lorsqu’il se détache d’elle pour la questionner, son regard tombe sur l’échographie qu’elle lui a tendu quelques minutes auparavant. Elle n’a presque pas regardé les clichés, qu’elle observe seulement maintenant à la dérobée. Pourtant, elle a aperçu l’image sur l’écran de l’obstétricien : on y distingue clairement une silhouette très humaine. Tête, corps, jambes et pieds, bras et mains, petit nez et forme des lèvres.

Avalon ne parvient pas à croire que ce cliché représente ce qui grandit en elle. Elle n’arrive pas à s’approprier l’évènement, à réellement associer le fait que cette situation lui arrive à elle, Avalon Davies. Dans un phénomène qui s’approche de la déréalisation, une part d’Avalon a l’impression d’assister à cette scène depuis un écran de télévision.

Pourtant c’est bien elle qui répond à Toni en rangeant le dossier dans son sac à main :

« Non, non, j’ai rien dit à Roy encore. » Elle sait pourtant que cette conversation ne saurait tarder. « Je l’ai appris en début d’après-midi et j’avais besoin d’être un peu seule. Et après, j’avais besoin de… » De ne pas me droguer. De ne pas céder à l’appel insidieux de l’addiction qui pense pouvoir tout sauver, tout régler. Mais aussi de ne pas me confronter tout de suite à la réalité, celle dans laquelle il faudrait expliquer, faire des choix, prendre des décisions. « Toi. » achève-t-elle avant de triturer le bord du comptoir avec anxiété.

Un moment de silence passe avant qu’elle ne reprenne la parole. Les mots se bousculent les uns derrière les autres avec une vitesse que leur fait prendre l’urgence qu’elle ressent :

« Putain, comment tu dis à ton mec qu’il a encore fait un enfant sans l’avoir prévu, franchement ? Et puis, trois mois après la naissance du premier, en plus, non mais parce qu’histoire de transformer ma vie en mauvaise blague, autant le faire à fond, quoi. » Elle soupire, le cœur prit en étau par l’anxiété. « C’était pas du tout ce qu’on avait prévu, vraiment pas. Je veux dire, on avait vaguement parlé d’avoir des enfants ensemble mais… Un jour. Un jour comme dans « un futur plutôt lointain », pas comme dans « un jour dans quatre mois », tu vois. »

Leur couple était encore jeune, au fond, et puis Roy venait tout juste d’être père. Ils s’installaient encore dans leur vie tous les deux, avec Vivianne qui vivait désormais avec eux et Teresa que Roy allait voir le plus souvent possible… Ce n’était pas le moment – ils ne l’avaient pas choisi, ils n’avaient jamais prévu d’accueillir un enfant maintenant. Une pensée traverse son esprit, qu’elle confie à Toni avec un sourire désabusé :

« Tu sais, j’avais prévu de le demander en mariage le weekend prochain en plus, juste après le nouvel an. » Elle a tout prévu et Toni est dans la confidence depuis quelques semaines – il a accepté de garder le secret en négociant le droit de se moquer de Roy pour toujours. « On va être dans un autre genre de grande annonce, finalement. » Elle secoue la tête, dépitée. « Bordel, j’ai aucune idée de ce que je veux faire, je veux juste que cette journée soit une putain de téléréalité piégée. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 19:24
Avalon ne se calma pas vraiment dans ses bras. Toni la sentait encore fébrile et agitée, comme si des pensées se bousculaient en masse dans sa tête. Il ne pouvait que la comprendre : elle vivait un événement inattendu et compliqué. Il ne savait pas trop si Avalon désirait des enfants un jour et encore moins si c’était un sujet qu’elle avait abordé avec Roy. Il y avait des chances pour que cette situation crée un conflit dans leur couple, pour peu qu’ils ne veuillent pas affronter cette situation de la même manière, tous les deux. Toni avait beau les charrier et râler sur le fait qu’ils étaient beaucoup trop collés, à se rouler des pelles à tous les coins de salle, il n’avait pas du tout envie que ses deux amis se séparent. Ils se rendaient mutuellement heureux, c’était évident et il leur souhaitait que cela continue. Surtout qu’une rupture entre eux risquait de créer une sérieuse scission au sein de leur groupe d’amis, ce serait catastrophique. Il faudrait qu’il prenne parti, ce qu’il n’avait aucune envie de faire, quelle angoisse !

Mais il divaguait un peu trop, pour le moment, il n’était question de rien de tout cela. La priorité restait Avalon, qui n’en menait pas large. Elle reconnut avoir besoin de lui et Toni pressa son épaule pour lui réassurer sa présence. Il la connaissait assez pour sentir qu’elle s’en voulait beaucoup. Quand cela concernait son addiction, Avalon s’était toujours montrée dure avec elle-même, ne s’autorisant pas le moindre écart. Or elle n’avait jamais été aussi proche de craquer que maintenant. Cela faisait des années que Toni n’avait pas eu à écarter de substance d’elle, pour qu’elle ne soit pas tentée. Avalon faisait partie de ces rares personnes qui avaient très bien réussi leur désintox. Elle était un vrai cas d’école, un exemple de volonté et de courage. Après toutes ces années, toute la force qu’elle avait gagné à repousser chaque jour un peu plus la tentation jusqu’à la voir disparaître dans son quotidien, voilà qu’elle finissait par se trouver sur le bord de la rupture. Après tout ça, Toni ne pouvait pas croire qu’une annonce de grossesse avait suffi à la faire craquer. Il y avait forcément autre chose. Avalon l’avait elle-même dit, si elle n’avait pas vu cette grossesse, c’était à cause d’un excès de stress, selon les médecins. Le même stress qu’on avait pointé comme responsable de ses migraines.

Un stress qui ne semblait pas vouloir s’en aller, puisque maintenant, elle s’inquiétait de ce qu’elle allait pouvoir dire à Roy.

« Putain, comment tu dis à ton mec qu’il a encore fait un enfant sans l’avoir prévu, franchement ? Et puis, trois mois après la naissance du premier, en plus, non mais parce qu’histoire de transformer ma vie en mauvaise blague, autant le faire à fond, quoi.
-C’est pas ta faute, Av’. »

Ce n’était la faute de personne, ces choses-là pouvaient arriver à n’importe qui, même sous contraception.

« C’était pas du tout ce qu’on avait prévu, vraiment pas. Je veux dire, on avait vaguement parlé d’avoir des enfants ensemble mais… Un jour. Un jour comme dans « un futur plutôt lointain », pas comme dans « un jour dans quatre mois », tu vois. »

Dans ces paroles, Toni entrevit un début de bonne nouvelle. Au moins, Avalon et Roy étaient sur la même longueur d’onde sur leur désir d’enfants. Cela laissait un bon espoir qu’ils surmontent cette grossesse imprévue sans se déchirer.

Mais Avalon ne le voyait pas ainsi et laissait son désespoir transparaître de plus en plus. Elle évoqua tous ses plans de demande en mariage qui tombaient à l’eau. Ces mots ramenèrent Toni à une scène qui s’était déroulée quelques semaines plus tôt. Il était attablé avec Avalon aux Folies Sorcières, près du comptoir. Rien ne différait de leurs soirées habituelles, ils papotaient tous les deux en buvant un verre. Roy était passé plus loin, sans les voir, en pleine conversation avec un de leurs clients, à lui faire un numéro de charme tout aussi habituel pour conclure un marché. Il souriait, parlait avec animation, offrait un verre de whisky à l’homme en question. Brusquement, Avalon avait déclaré, les yeux fixés sur Roy, profitant d’un moment de silence dans leur conversation : « Je crois que je vais épouser Roy. » Pas du tout dans l’excès, Toni avait évidemment recraché le contenu son verre bruyamment. « Comment ça ? Il t’a demandée ? » Avalon avait secoué la tête. « Non. C’est moi qui vais le demander ». Toni avait d’abord cru à une blague mais voir que son amie était tout à fait sérieuse l’avait poussé à éclater de rire. « Je suis sérieuse, Toni. J’y pense depuis quelques temps. Je te le dis parce que j’ai besoin de ton aide. » Et il avait répliqué, très amusé de l’image qu’il se faisait d’une scène pareille. « De l’aide pour quoi ? Pour lui choisir une bague ? » Ils en avaient ri tous les deux parce qu’il fallait reconnaître que l’idée était culottée. Même s’il était surpris de la vitesse à laquelle les choses allaient entre les deux tourtereaux, Toni ne pouvait pas refuser d’aider Avalon. Il ne pouvait que souscrire à un projet qui consistait à placer Roy dans le rôle traditionnel d’une femme, face à Avalon qui poserait le genou à terre pour lui demander sa main. L’image était bien trop précieuse pour refuser qu’elle existe un jour et lui donne un prétexte pour se moquer de Roy à vie.

Pour Avalon, évidemment, ce n’était pas une blague, elle avait très sérieusement construit son projet d’épouser l’homme qu’elle aimait. Toni avait eu tout le mal du monde à cacher ça à leurs amis, surtout à Fergus, mais il avait tenu bon. Il savait que son amie avait prévu un week-end romantique après le nouvel an et forcément Roy ne pouvait pas du tout se douter de ce qui l’attendait, ce qui emplissait Toni d’une joyeuse impatience.

Mais tous ces jolis plans semblaient compromis avec la nouvelle qu’Avalon venait de recevoir. En voyant la mine dépitée qu’elle affichait, Toni eut un pincement au coeur pour elle. Il posa sa main sur son épaule puis chercha à la réconforter :

« Hé, ne pense pas trop à ça. Un problème à la fois, ok ? Et puis tu sais pas comment Roy va réagir. Normal que ça te fasse flipper de lui dire, mais dis-toi qu’il est déjà passé par là. Alors quoique tu lui dises, il pourra pas tomber de plus haut que quand Joséphine lui a annoncé par Pear qu’elle était en cloques. Et au final, ça s’est plutôt bien passé avec elle. Toi au moins, t’es sa meuf, vous êtes ensemble depuis un moment, vous vivez ensemble, vous avez plein de projets. Vous allez surmonter ça, ensemble. » Il tapota l’épaule de son amie. « D’façon s’il fait le con, j’le démonte. » ajouta t-il pour faire bonne mesure.

Mais il était plutôt confiant dans le fait que Roy saurait bien réagir. Il n’y avait aucune raison pour qu’il s’effondre à cette nouvelle. Non seulement il avait déjà surmonté l’épreuve d’une grossesse imprévue, dans des conditions bien moins favorables, mais en plus, il aimait être père, c’était évident. Il était gaga de sa fille, qu’il allait voir un week-end sur deux et qui avait sa photo dans tous les fonds d’écran de son Pear.

« Plus vite tu lui diras et plus facile ça sera pour toi, affirma Toni en cherchant le regard d’Avalon. Tu pourras t’appuyer sur lui pour gérer ça. »

Malgré ses paroles rassurantes, le regard d’Avalon semblait toujours aussi sombre. Un bref silence s’installa, tandis que Toni cherchait ses mots. Il voyait bien qu’Avalon atteignait un point culminant d’anxiété, nourri par toutes les épreuves qu’elle avait vécu et elles étaient nombreuses ces derniers mois. Il pouvait dire ce qu’il voulait, elle n’allait pas se sortir la tête de l’eau si facilement. Surtout pas après avoir failli prendre ces putains de cachets. C’était pour ça qu’elle l’avait appelé, à la base, Toni ne l’oubliait pas. C’était pour ça qu’elle avait eu besoin de lui. Alors il ramena le sujet sur ce point, le plus délicatement qu’il put, en posant sa main sur la sienne pour qu’elle le regarde :

« T’es passé par plein de merdes ces derniers temps… Et là, c’est le coup de trop. A ta place, j’aurais probablement eu envie de me défoncer moi aussi. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 20:53
Cette idée de mariage lui était venue quelques semaines auparavant, au moment des préparatifs des fêtes de Noël. Elle était rentrée chez eux, à Bristol, et avait trouvé Roy et Vivianne penchés sur le découpage très méthodique de plusieurs sablés en forme de sapins. Elle avait observé ce tableau pendant quelques secondes, le cœur doucement chauffé par cette vision sereine. Et elle avait songé que sa vie, elle la désirait auprès de cet homme. Et pourquoi pas ne pas le lui dire ? s’était-elle demandée un jour. Pourquoi attendre que Roy ne se décide à la demander en mariage, alors qu’elle était tout-à-fait capable de le faire elle-même ? Après tout, elle était – tout comme n’importe quel homme – dotée d’une bouche pour poser la question fatidique. L’idée lui avait plu et elle l’avait confié à Toni quelques temps plus tard, pour qu’il l’épaule dans les préparatifs.

Evidemment, son meilleur ami avait été plus que ravi par la nouvelle. Il n’avait d’ailleurs qu’une hâte : qu’Avalon et Roy soient fiancés pour avoir enfin l’opportunité de se moquer allègrement de lui. Avalon avait tout prévu et avait réservé, après le nouvel an, une escapade romantique. Quitter à demander quelqu’un en mariage, autant sortir le grand jeu, s’était-elle dit. Malheureusement, ce moment arrivait à grands pas, et rien ne ressemblait à ce qu’elle avait imaginé.

Les paroles réconfortantes de son ami lui tirèrent d’abord un maigre sourire, puis un léger rire. Sa peur primaire d’informer son partenaire de la situation n’était pas réellement fondée, elle en avait conscience. Elle savait que Roy – bien que probablement choqué – saurait se montrer soutenant dans cette épreuve qu’ils traverseraient ensemble. Non, Avalon était davantage inquiète concernant la suite des évènements et les décisions qu’il faudrait prendre. Tant que personne ne savait, elle pouvait garder la situation sous un relatif contrôle. C’était sa manière à elle d’appuyer sur le bouton « pause ».

« Je sais, je sais. » souffla-t-elle toutefois. « Je vais lui dire, c’est juste que… J’ai dû mal à croire que ce soit réel. »

Et lorsque Roy serait au courant, la situation ne pourra que devenir réelle, s’ancrer dans leur quotidien, nourrir leurs discussions. Quoiqu’ils décident, il y aurait forcément un « avant » et un « après ». Actuellement, Avalon avait l’impression de marcher sur un fil entre ces deux précipices, avançant d’un pas mal assuré vers un « après » encore flou.

Un « après » qu’elle n’aurait pu ne même pas atteindre, comme le souligna subtilement Toni en recentrant leur conversation sur la raison pour laquelle elle l’avait appelé. Son commentaire la fit tressaillir légèrement alors que son regard fuyait vers un point au loin.

« Ouais. » répondit-elle avec raideur. « Ça a été un peu compliqué. »

En réalité, son addiction ne s’était pas réveillée à sa sortie de la clinique : cela faisait plusieurs mois qu’elle se sentait plus faible, plus vulnérable face à elle. Depuis le jour où elle avait quitté le domicile parental avec Vivianne, elle sentait bien que quelque chose la tiraillait, que l’appel se faisait de plus en plus fort. Pendant le procès, cela avait été le pire : les témoignages accusateurs – celui de Néro, surtout – lui avaient donné envie de tout oublier. Et puis elle avait obtenu la garde et, avec elle, avait pu profiter d’un bref répit. Puis il y avait eu le procès de ses parents et le début de ses migraines.

La douleur l’avait rendu folle. Elle lui vrillait les temps, l’empêchait de travailler – parfois même juste de se tenir debout ou de parler. Lorsque le médecin lui avait prescrit de l’oxy, Avalon avait cru défaillir : ce qu’une part d’elle désirait ardemment depuis des semaines se tenait là, entre ses doigts. Evidemment, elle avait refusé de prendre le traitement – au début, elle n’était même pas passée le récupérer la pharmacie. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de songer qu’elle n’était plus qu’à quelques actions de pouvoir retrouver la douce sensation d’euphorie que lui avait toujours procuré l’oxy. Un jour, lors d’une migraine particulièrement violente, elle était allée récupérer ses médicaments à la pharmacie. Cela avait été si facile : elle avait tendu l’ordonnance, une pièce d’identité, et voilà. La pharmacienne lui avait tendu le flacon avec un petit sourire, avant de lui souhaiter une bonne journée. La facilité avec laquelle Avalon s’était procurée l’objet de ses désirs l’avait brusquement effaré et elle avait fourré la boîte au fond de son sac.

Elle n’avait rien pris. Dieu qu’elle l’avait souhaité – mais elle n’avait rien pris. Plutôt mourir que de retomber là-dedans, se disait-elle parfois, en se remémorant les douleurs d’un sevrage brut et violent, ainsi que les hallucinations qui allaient avec la prise de stupéfiants. Plutôt mourir que de ressembler à ses parents et oublier son existence dans la drogue. Plutôt souffrir le martyre qu’imposer à Vivianne de vivre à nouveau ce calvaire. Avalon n’avait jamais oublié les images qui avaient marqué sa mémoire lorsqu’elle était petite : les visages tirés, les rides profondes, les discours décousus et effrayants. Plus jamais ça, s’était-elle dit à plusieurs reprises.

Elle voulait tout sauf finir comme ses parents.

Belle ironie du sort.

Sa raideur s’effaça lorsqu’elle finit par retrouver le regard inquiet de Toni.

« Depuis quelques mois, c’est difficile. » avoua-t-elle. « Depuis toute l’histoire pour la garde de Vivianne, le procès… Parfois, je te jure, je mourrais d’envie de prendre quelque chose. Tu sais, je me disais, juste une fois, pour oublier un peu et relâcher la pression. Et puis après, avec mes migraines, j’avais littéralement l’accord d’un médecin pour me droguer, alors je… Je sais pas, j’ai acheté ça en pensant que je pourrais gérer, peut-être. Prendre juste de quoi soulager les douleurs. » Quelle idée fumeuse. « Mais quand j’ai eu le flacon, ça m’a fait flipper et j’ai rien pris. » Sauf qu’elle l’avait gardé sur elle, évidemment, soulignant une faiblesse qu’elle avait du mal à avouer franchement. « Mais là… »

Un poids lourd tomba dans son estomac alors qu’elle formulait une pensée qui ne la quittait pas :

« Je sais pas. Apprendre que j’étais enceinte, dans ces conditions, je crois que ça m’a donné l’impression d’avoir touché le fond. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMar 16 Aoû 2022 - 22:58
« Un peu compliqué » était l’un de ses euphémismes derrière lesquels Avalon s’abritait pour ne pas admettre ses difficultés. Là-dessus, ils étaient tous pareils, éduqués par la rue à tendre fièrement l’autre joue pour recevoir d’autres coups sans sourciller. Mais Toni savait ce qu’il se passait dans la vie d’Avalon et parfois, il se demandait comment elle parvenait à tenir le rythme effréné de sa vie malgré tout ça.

Mais il n’eut pas à insister pour qu’elle finisse par s’ouvrir plus sincèrement, son armure se craquela, signe qu’elle avait déjà beaucoup trop pris sur elle. De toute manière, après avoir avoué qu’elle avait bien failli se droguer, il n’y avait plus rien à sauver pour son orgueil. Elle réclamait enfin l’aide dont elle avait besoin depuis un moment.

Toni perçut au travers du discours de son amie les conséquences de la violence qu’elle avait subi, parfois littérale, sous forme de coups de marteau incessants dans sa tête. Elle avait beau être la femme la plus courageuse qu’il connaisse, même elle finissait par craquer au bout d’un moment. Ils craquaient tous, autant qu’ils étaient. Toni avait déjà craqué, plusieurs fois, malgré la montagne de muscles qui le constituaient. Il ne savait dire qui était le plus endurant de leur bande mais une chose était sûre, ils finissaient tous par atteindre leurs limites. Ils avaient tous souffert et fini par faire des choses regrettables. Jayce avait échappé à la maltraitance de ses parents moldus intolérants en coupant définitivement les ponts avec eux alors qu’il avait à peine douze ans et il en était devenu alcoolique. Fergus avait essuyé toute sa vie les pires torgnoles de la part de son propre père, aussi bien verbales que physiques, pour l’endurcir et lui apprendre le métier de mafieux qui l’attendait et il avait réussi à atteindre son objectif d’en faire un homme si solide qu’il était capable d’imaginer les pires tortures pour faire parler n’importe qui. Roy avait passé la première moitié de son existence à tenter d’être le fils parfait que son père attendait, avant d’envoyer tout foutre en l’air et se jeter à corps perdu dans une autre quête toute aussi interminable de gloire et de fortune dans un monde mafieux cruel qui avait plusieurs fois attenté à sa vie. Toni n’avait jamais connu le sien, de père, mais alors qu’il en avait trouvé une figure de substitution chez son frère aîné, ce dernier lui avait été enlevé par son autre frère incontrôlable, fou de violence. Ils avaient tous des problèmes avec leurs pères, leurs frères alors ils avaient fini par se retrouver ensemble, brisés, à tenter de reconstituer une famille à eux, un peu improbable mais surtout un peu plus fonctionnelle et aimante. Tous, à un moment, à plusieurs même, ils avaient cédé sous le poids de la pression sur leurs épaules et s’il n’y avait pas eu les autres pour les soutenir et les rattraper dans leur chute, sans doute qu’ils se seraient laissés sombrer dans la pire des déchéances.

Avalon s’était insérée dans cette dynamique, comme une enfant brisée elle aussi, en évoluant en partie à leurs côtés, même si elle avait choisi la voie plus respectable du Ministère. Elle était littéralement revenue des enfers, pas seulement parce qu’elle les avaient eux, pour la soutenir. Elle avait réussi à bâtir la vie qu’elle avait aujourd’hui, de femme respectée, puissante et aimée de beaucoup de personnes, parce qu’elle avait une force en elle dont elle ne soupçonnait même pas les contours. Toni la voyait, lui. Il l’admirait pour tellement de choses. Il l’admirait de réussir à maintenir des liens avec sa famille, de se montrer présente et serviable pour ses frères et soeurs qui lui en mettaient pourtant plein la figure. Lui, il avait littéralement dû mettre des milliers de kilomètres entre lui et sa famille en Italie, pour parvenir à se reconstruire. Il l’admirait de ne pas avoir pris une seule goutte de substance hallucinogène pendant plus de dix ans, alors qu’elle avait eu des dizaines d’occasions de le faire pendant sa vie à mille à l’heure. Lui, il se laissait aller à tous ses vices sans y penser, sans admettre qu’il avait une forme d’addiction lui aussi, à la fête, à l’adrénaline, au sexe. Il l’admirait de réussir à avoir une telle confiance en son avenir et en son amoureux qu’elle arrivait à se projeter dans un mariage avec lui, tandis que de son côté, la moindre forme d’engagement autre que celui qu’il avait envers sa famille de coeur le faisait fuir à dix kilomètres.

A cet instant, il était évident qu’Avalon oubliait tous ses accomplissements, pour ne se concentrer que sur les quelques manquements qui parsemaient son parcours. Il ne tenait qu’à lui de les lui rappeler.

D’une main affectueuse, Toni releva le menton de son amie aussi bien pour qu’elle le regarde que pour qu’elle redresse cette tête qui avait perdu de son port fier.

« T’as pas touché le fond, Av’. Je t’ai vu toucher le fond, moi. T’es à mille lieues de ça. »

Le bruit autour d’eux empêchait la solennité de ce moment. Toni eut le sentiment qu’un bar bruyant n’était pas le meilleur endroit pour aider sa meilleure amie à se calmer et à vider son esprit alors il lui proposa, en posant des pièces sur le comptoir à côté de leurs bières à moitié pleines.

« Bon, viens avec moi, on va prendre l’air deux secondes, ça va te faire du bien. »

Quelques minutes plus tard, quand ils trouvèrent un endroit à l’abri des regards, Toni attrapa la main d’Avalon avec une idée très claire de l’endroit où il venait l’amener. Il pouvait énumérer une liste objective de tous les éléments qui pouvaient rappeler à Avalon tout le chemin qu’elle avait parcouru, mais à ses yeux, rien ne serait plus efficace qu’une démonstration visuelle.

Ils atterrirent près d’un portail haut, au centre d’une grille en mauvais état qui encadrait un parc mal éclairé. Un lieu qu’ils avaient si souvent squatté qu’Avalon l’avait sûrement déjà reconnu. Toni l’entraîna vers un renfoncement de la grille que la ville n’avait jamais pris la peine de faire réparer. Ils eurent un peu plus de mal à s’y glisser que lorsqu’ils étaient de jeunes adultes d’à peine vingt ans, mais ils parvinrent à s’y introduire. Toni eut l’impression que les formes floues qui erraient dans le parc étaient les mêmes SDF qu’ils avaient croisé des années plus tôt. Silencieusement, il entraîna son amie à travers les chemins entre les arbres, jusqu’au parc de jeux pour enfant, désert à cette heure.

A une époque, ils s’amusaient à se chahuter dans ces jeux trop petits pour eux, comme deux grands adolescents qui rattrapaient une enfance perdue. Ils terminaient sur les balançoires, avec un paquet de bières aux pieds, à refaire le monde. Toni l’entraîna vers les balançoires, toujours les mêmes, un peu plus défraîchies peut-être. Il lui sembla qu’elles faisaient un grincement monstre quand il s’assit dessus, en peinant à y placer toute la largeur de son popotin.

« Je crois que j’ai pris dix kilos depuis la dernière fois que j’suis venu ici, hein. Un kilo par an. »

Pendant quelques minutes, il laissa cette plaisanterie, le silence de la nuit fraîche et leurs souvenirs partagés qui remontaient adoucir un peu l’atmosphère. Un premier aveu franchit ses lèvres.

« En vrai, je suis revenu plus tôt que ça. Ça doit faire six mois depuis la dernière fois. » Face à la surprise d’Avalon, il admit : « J’aime bien revenir parfois. Les Folies, la Voie des Miracles, les Veilleurs, le Ministère, tout ça… c’est dingue parfois. J’adore ça hein ! Va pas croire que c’est pas fait pour moi tout ça mais… Tu vois c’que je veux dire.  On a des bons souvenirs ici et c’était simple à l’époque. »

Simple parce qu’il y avait moins de données à prendre en compte dans sa vie. Simple parce qu’il n’avait pas l’impression de devoir se décupler dans une seule journée. Simple parce que le moindre de ses gestes et de ses décisions n’avait pas forcément des répercussions à dix chiffres en Gallions.

« Mais qu’est-ce qu’on était éclatés au sol, putain. Avec nos familles de merde. Toi et Fergus, vous êtes les deux seules raisons pour lesquelles j’aime bien me rappeler cette époque. »

Et parmi tous ses souvenirs, l’un d’entre eux refit surface à cet instant et il choisit de le partager à Avalon :

« Tu te souviens, un jour, précisément ici, on s’était demandé où est ce qu’on se voyait à trente ans ? » Du bout de sa chaussure, il envoya un caillou valser dans l’obscurité. Un rire le secoua. « Moi j’avais dit que j’voulais avoir un harem, un nom que tout le monde connaîtrait et de la thune jusqu’au cul, à plus savoir quoi en foutre. Et toi… » Il se souvenait précisément des paroles d’Avalon parce que la scène avait été aussi comique que solennelle. A vingt ans, trente ans cela paraissait très loin alors ils s’étaient autorisés à rêver, à se glisser dans la peau de toutes nouvelles personnes qu’ils n’étaient pas du tout. « Toi tu m’avais dit que tu voulais avoir un boulot. Un boulot cool, le genre de boulot qu’on respecte et que si ça pouvait t’apporter plein d’argent, ça serait encore mieux. Puis t’avais ajouté que tu te voyais bien avec un mec sympa dans ta vie et des enfants. » Il tourna la tête vers Avalon, en espérant que ce souvenir lointain lui apportait un peu de baume au coeur. « C’est pas un truc de ouf qu’on ait réussi à réaliser ça ? »

Un grand sourire s’étalait sur sa figure. Evidemment tout n’avait pas été rose sur leur trajet entre leurs vingt et trente ans. Ils s’étaient cassé la figure à de multiples reprises. Ils avaient sacrifié beaucoup de choses en route, accomplir des actions dont ils n’étaient pas forcément fiers. Mais le résultat étaient là. Ils étaient devenus les personnes dont ils rêvaient à vingt ans. Ils n’en étaient pas devenus parfaits pour autant. Ils continuaient d’avoir des frustrations, des regrets et des espoirs. D’autres rêves. Mais ils étaient toujours debout et plus forts qu’avant et pour Toni, c’était tout ce qui comptait. Son regard se porta devant lui, sur la silhouette des arbres qui se découpait dans le ciel, tandis qu’il se balançait légèrement.

« T’as réussi ta vie, Av’. T’es devenue une femme respectée, aimée, forte, riche, avec le boulot de tes rêves, le mec de tes rêves. T’as obtenu justice pour ta soeur, tu lui as évité une adolescence de galères comme la tienne. Tu t’es sortie de la merde dans laquelle t’étais à vingt ans et c’était pas gagné. Ça, c’était le fond. Le gouffre même. Tu t’en es tirée et t’es jamais retombée dedans. Tout à l’heure, avec cette foutue boîte de pilules, t’as glissé près du bord, c’est tout. Parce que tu portes beaucoup trop sur tes épaules en ce moment, même les médecins te le disent, alors forcément t’es un peu moins stable sur tes appuis. Mais t’as pas besoin de porter autant tout le temps, tu sais. Parfois, t’as le droit d’être celle qu’on porte plutôt que celle qui porte aussi. » Il leva son biceps, qu’il contracta, en le touchant du bout du doigt. « Faut bien que ça serve toutes ces heures de muscu. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMer 17 Aoû 2022 - 1:22
La main de Toni sous son menton força Avalon à lever les yeux vers lui. Elle croisa le regard brun de son meilleur ami et répondit à sa remarque par une moue peu convaincue. Toni ne pouvait pas comprendre – il n’avait pas lutté contre une addiction comme l’avait fait à Avalon. C’était le combat d’une vie qu’elle menait depuis dix ans. Un combat sur lequel elle avait le dessus et cette supériorité avait été le point de départ de sa nouvelle vie. Elle avait construit l’intégralité de son identité d’adulte sur le fait d’avoir réussi à vaincre son addiction. Si ce fondement vacillait, alors tout vacillait avec. Or, il était terrifiant d’assister à un tel ébranlement, au sein même de ses convictions les plus profondes.

Malgré tout, Avalon se leva à la suite de Toni pour le suivre à l’extérieur. Si elle s’attendait à ce qu’ils marchent quelques minutes le long de la Tamise qui passait non loin de là, son meilleur ami semblait avoir d’autres plans en tête. Elle posa un regard curieux sur lui alors qu’il lui tendait sa main, mais se laissa entraîner dans un transplanage d’escorte, grimaçant en sentant le pincement familier la saisir au niveau du nombril. Lorsqu’Avalon ouvrit les yeux, il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre où Toni les avait emmenés. Elle aurait pu reconnaître ce vieux portail entre mille autres. Au-dessus de ce dernier, un panneau défraichi indiquait le nom d’un jardin public. L’inscription – sûrement blanche plusieurs années plus tôt – était désormais tellement écaillée que certaines lettres étaient manquantes.

Ils avaient passé tellement de temps ici que c’était comme si le corps d’Avalon avait gardé en mémoire certains réflexes et habitudes : sans y penser, elle prit soin de bien lever les pieds pour éviter qu’ils ne soient entravés par le grillage mal coupé. Elle évita de marcher sur une plaque d’égout grinçante en se décalant légèrement. Elle avait l’impression que rien n’avait changé ici. Mêmes bancs en bois abimés par la pluie, même jeux pour enfants cabossés, mêmes poubelles remplies à ras-bord. Ce jardin public n’avait pas le charme des lieux que Toni et Avalon fréquentaient désormais : les restaurants chics, les boîtes de nuit tendances, les bars hypés où chaque boisson valait l’équivalence d’un petit SMIC. Mais c’était un lieu chargé de vieux souvenirs.

Se laissant tomber sur une balançoire à côté de son meilleur ami, Avalon ricana à sa remarque.

« C’est toutes les prot’ que tu prends à la salle pour faire gonfler tes muscles, ça. »

Mais son trait d’humour se perdit dans le silence environnant, alors que Toni lui révélait qu’il revenait ici de temps en temps, nostalgique d’un temps simple qui ne leur appartenait plus. Avalon médita sur ses paroles quelques instants, laissant son regard vagabonder loin devant elle. Il était rare qu’elle songe au passé, à ce que sa vie avait été. Elle était tellement habituée à être concentrée sur l’avenir ; comme si elle était prise dans un perpétuel mouvement vers l’avant qui l’empêchait de contempler d’où elle venait. Pourtant, Toni avait raison ; du temps où ils se rendaient ici, leur vie était plutôt simple. Ils étaient encore des inconnus dans le monde sorcier ; il n’y avait ni carrière au ministère, ni ascension dans le monde de la mafia. Ils n’étaient que deux jeunes un peu perdus, cassés par la vie, qui se reconstruisaient doucement ensemble.

« Oui, je me souviens… » souffla Avalon avec un sourire, alors que Toni lui livrait un souvenir vieux d’une dizaine d’années.

A l’époque, s’imaginer à trente ans revenait à se projeter dans un futur tellement lointain qu’ils ne pouvaient même pas en apercevoir les contours. Il fallait les voir, tous les deux, à espérer devenir riches, puissants et respectés, alors qu’ils étaient à découvert le dix de chaque mois et qu’ils n’avaient presque aucune perspective d’avenir. Ils s’étaient mis à rêver, là, sur ces balançoires, d’une vie sans galère, où ils n’auraient jamais à se préoccuper de l’argent, où ils auraient une place dans cette société qui ne voulait pas d’eux.

Et, contre toute attente, leurs prophéties s’étaient réalisées.

Avalon, qui n’avait pas repensé à ce moment depuis dix ans, prit quelques secondes pour réaliser l’immensité du chemin qu’ils avaient parcouru. Ils avaient tellement grandi, tellement évolués, qu’Avalon peinait à reconnaître ces grands adolescents qu’ils avaient été. Lorsqu’elle avait rencontré Toni, elle n’était personne. Elle n’avait aucun statut dans le monde sorcier et avait arrêté ses études après l’obtention de ses ASPIC à Poudlard. Elle était sevrée depuis peu, luttait constamment pour ne pas replonger dans une addiction bien trop douce et ne savait pas comment elle vivrait le lendemain. Et puis, elle avait réussi à devenir Aspirante chez les Aurors. Elle avait été formée au BDA, avait gravi les échelons doucement. Puis il y avait eu la milice et sa position de lieutenante. Et enfin le commandement de l’agence des renseignements. Elle avait gagné un statut, une place au sein de la société, elle qui avait toujours grandi dans le souci d’occuper un espace, un rôle, quelque chose, pour ne pas être une enfant parmi tant d’autres.

Pour Toni, c’était pareil. Il était arrivé d’Italie détruit par un drame familial, avait passé des années avec une colère monstrueuse bouillonnante en lui. Il était parti de rien et il était devenu quelqu’un. Quelqu’un de craint, de respecté. Un homme richissime, qui ne passait jamais une nuit seul.

La conclusion que Toni lui asséna, avec une force qui aurait pu convaincre n’importe qui, lui tira un sourire plus franc cette fois-ci. Elle tourna les yeux vers son meilleur ami alors qu’il lui désignait son biceps de la pointe de son index.

« Faut bien que ça serve toutes ces heures de muscu. »
« Je pensais que c’était pour pécho. » commenta Avalon, pince-sans-rire, se réfugiant derrière une touche d’humour le temps de digérer les émotions qui étaient nées pendant ce long discours.

Toni n’avait pas complètement tort, songea-t-elle en se balançant légèrement. Avalon, qui avait toujours été très – trop, sûrement – exigeante envers elle, avait tendance à se flageller davantage pour ses fautes que de se féliciter pour ses réussites. Elle sortait victorieuse d’une épreuve et entamait immédiatement la suivante sans prendre le temps de savourer quoique ce soit. Il fallait avancer, toujours plus loin et toujours plus vite, pour mettre le plus de distance avec la personne qu’elle était lorsqu’elle avait dix-huit ans et tout ce qu’elle avait vécu lors de cette période.

Et comme Avalon était fière, elle faisait tout cela toute seule. Elle ne s’appuyait pas sur les autres pour avancer et ne demandait pas d’aide non plus. Elle avait été élevée ainsi, avec cette glorification de la force individuelle.

Mais Toni avait raison : c’était épuisant.

« Je sais que c’était beaucoup, ces derniers mois. » commença-t-elle après un long mois de silence. « Au fond, ça m’étonne pas trop que ça ait contribué à déclencher mes migraines et, enfin, tout ça. » Avalon baissa les yeux vers son ventre, qui lui paraissait avoir gonflé depuis qu’ils étaient sortis du bar. Le tissu de son pantalon paraissait plus tendu. « Mais qu’est-ce que je pouvais y faire ? C’est pas comme si je pouvais tout envoyer balader. » Elle planta son regard en face d’elle, les mains nouées aux tiges métalliques qui tenaient la balançoire. « Tu sais ce qui était bien, quand on avait dix-neuf ans et qu’on venait ici pour boire des bières jusqu’au matin ? On n’avait pas de responsabilité. Aucune. Maintenant, il y a trop de monde qui compte sur nous. C’est pas comme si je pouvais ignorer mes frères et sœurs. Et pourtant, qu’est-ce qu’ils sont casses couilles. » soupira-t-elle. « Mais c’est moi l’aînée, c’est ma responsabilité de prendre soin d’eux aussi. Et puis c’est pareil pour mon taf. Maintenant que je suis arrivée là, je peux pas abandonner. »

Du bout du pied, elle se mit à jouer avec un caillou sur le sol.

« C’est vrai qu’on a accompli beaucoup de choses, toi et moi, depuis dix ans. Et je sais que je ne suis pas la même personne qu’avant mais… Ce soir, c’était comme si je m’étais aperçue que tout pouvait encore basculer, tu vois ? Comme si tu pouvais être au sommet de ta vie et alors que tu pensais que voilà, tu ne pouvais que monter plus haut, tu te rends brusquement compte que tu peux encore te casser salement la gueule en bas. » Et la vision de la chute fut plus rude qu’elle n’aurait pu l’imaginer. « Je sais que j’ai rien pris et que, théoriquement, j’ai agi au mieux. Mais il n’empêche que j’ai glissé, comme t’as dit. Et tu sais comme ça peut être dangereux pour quelqu’un comme moi de glisser. On glisse un peu et, en une seconde, on finit dans le ravin. » Elle sentit le regard que Toni posa sur elle, alors elle insista : « C’est la vérité, Toni. J’ai construit toute ma vie sur le fait que j’étais sobre. Si ça bouge, j’ai plus rien. »

Elle secoua la tête, comme pour chasser la lourdeur de cette conversation dans l’atmosphère. Sa gorge était un peu nouée pour l’émotion, si bien qu’elle la racla légèrement avant de reprendre la parole :

« Je suis heureuse de la vie que j’ai aujourd’hui. Je pensais pas avoir tout ça un jour. Franchement, quand je parlais d’un boulot qui rapportait bien, je tablais sur du deux mille balles par mois, quelque chose du genre. » confia-t-elle avec un sourire. « Mais avoir ce taf, la thune qui va avec, vous tous, Roy, Vivianne… C’était inespéré, il y a quelques années. J’y croyais pas du tout. » Elle haussa les épaules : « Mais du coup je crois que, un peu vicieusement, j’ai encore plus peur de tout ce que je peux perdre, si tout se casse la gueule. » Elle ajouta en tendant la main pour saisir la sienne : « Même si je sais que tu seras déjà en bas pour me rattraper. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMer 17 Aoû 2022 - 13:19
Toni parvint à obtenir un sourire plutôt sincère d’Avalon et il considéra cela comme une victoire. Tout ce qu’il souhaitait, c’était la réconforter et lui faire sortir la tête du gouffre de dévalorisation dans lequel elle s’était enfoncée. Cependant, le regard de la jeune femme était toujours préoccupé et le long silence qui suivit son discours suggéra qu’elle ruminait toujours ses pensées sombres. Elle finit par prendre la parole, pour commencer par reconnaitre qu’elle avait beaucoup pris sur elle ces derniers temps. C’était déjà un bon point, car faire admettre à Avalon Davies qu’elle en faisait trop n’était jamais gagné. Elle se sentait toujours extrêmement responsable de son entourage, comme si la moindre défaillance de sa part devait forcément engendrer une catastrophe. Toni n’avait jamais trop compris ce perfectionnisme exacerbé qui faisait partie d’elle, un trait commun qu’elle avait avec Roy et avec Fergus, d’ailleurs. Le lot des aînés de la fratrie peut-être, ils se sentaient obligés d’être parfaits et de combler les défaillances des parents. Lui, il avait eu la position du troisième enfant, ce qui lui permettait d’avoir une autre perspective.

« Ouais mais la moitié de tes frères et soeurs sont des adultes maintenant, souligna t-il pour nuancer son point. Ils peuvent se prendre en charge. Et tu peux te reposer sur eux de temps en temps aussi. Tu sais pas, p’têt que ça vous permettrait de vous rapprocher justement. S’ils te cassent tellement les couilles, c’est en partie parce qu’ils te voient un peu comme leur daronne, nan ? Regarde-nous, avec Fergus, toi et les autres. Si on se voit comme des frères c’est parce qu’on se soutient les uns les autres. Y en a pas un qui prend tout le temps la charge de tout le monde. »

C’était ainsi qu’il voyait les choses en tout cas. Avec Fergus tout avait toujours été très égalitaire et c’était entre autres pour ça que leur lien était si fort. Avec Roy et Jayce, c’était déjà un peu plus compliqué parce que sur le plan professionnel, ils étaient au-dessus de lui, ce qui les menaient au conflit parfois. Mais au moins, sur le plan amical, il y en avait pas un qui jouait au grand frère ou au papa.

« Ce soir, c’était comme si je m’étais aperçue que tout pouvait encore basculer, tu vois ? Comme si tu pouvais être au sommet de ta vie et alors que tu pensais que voilà, tu ne pouvais que monter plus haut, tu te rends brusquement compte que tu peux encore te casser salement la gueule en bas. »

A ces paroles, Toni hocha légèrement la tête en silence. Sur ce point, il ne pouvait que compatir avec Avalon. C’était leur lot du quotidien à tous, eux qui étaient montés aussi haut, qui avaient coché toutes les cases de leurs aspirations, avec une vitesse fulgurante, une ivresse dangereuse. La chute faisait bien plus peur et bien plus mal quand on se trouvait au sommet, c’était la logique contrepartie. Ils avaient bien plus à perdre que le commun des mortels.

« Et tu sais comme ça peut être dangereux pour quelqu’un comme moi de glisser. On glisse un peu et, en une seconde, on finit dans le ravin. » Toni tourna aussitôt la tête, prêt à lui dire qu’il ne la laisserait jamais tomber aussi bas, mais Avalon ne lui en laissa pas l’occasion. « C’est la vérité, Toni. J’ai construit toute ma vie sur le fait que j’étais sobre. Si ça bouge, j’ai plus rien. »

Ça, c’était un sentiment qu’il ne pouvait pas totalement comprendre mais seulement imaginer, parce qu’il n’avait jamais eu à passer par un parcours de désintoxication. Là-dessus, Jayce était l’homme de leur bande qui pouvait le mieux comprendre Avalon. Alors Toni garda momentanément le silence, préférant laisser son amie finir ce qu’elle avait dire. Son aveu de faiblesse résonna avec force chez l’italien, le poussant à poser sa main sur le bras d’Avalon.

« C’est normal, ça, assura t-il. On ressent tous ça. Enfin… Moi je ressens ça aussi, en tout cas. » Et il n’avait aucun doute sur le fait que c’était le cas de Roy, de Fergus, de Jayce également. Toni n’aurait jamais admis cela face à quelqu’un d’autre qu’eux. Il avait bâti une image d’homme indestructible, sur le plan physique tant que mental et il cultivait tous les jours cette image. Dans un milieu aussi impitoyable que celui dans lequel il évoluait, c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour augmenter ses chances de ne jamais chuter, justement. « C’est facile de ne pas avoir peur de se casser la figure quand on n’a pas grand-chose. Toi et moi on avait que dalle à vingt ans. Maintenant on a construit des empires, littéralement. Et toi… Toi t’as p’têt un truc encore plus précieux avec Roy, Vivianne et… ça. »

D’un mouvement de sa tête, Toni désigna le ventre d’Avalon qui abritait le bébé en développement, si difficile à nommer comme tel. La gravité de l’instant le poussa à faire un geste vers la poche intérieure de sa veste, pour en tirer son paquet de cigarettes mais il s’arrêta en chemin. Ce n’était peut-être pas la meilleure idée de fumer en compagnie d’une femme enceinte. Il prit son mal en patience, s’efforçant de se recentrer sur leur conversation. Après un instant de silence, il annonça :

« Faut que tu fasses un tri dans tes priorités, Av’. T’as pas le choix. Moi j’vais pas te laisser flinguer à petit feu parce que tu t’occupes du monde entier sauf de toi. J’ai cru que t’avais un cancer, putain. »

Il ne l’avait jamais dit. Il n'avait jamais mis ces mots-là sur ses peurs. Il avait tellement mis d’énergie à faire comme si les violentes migraines d’Avalon ne changeaient rien que faire cet aveu éveilla une douleur au fond de son estomac et une ombre dans son regard.

« T’as pas le droit de crever, c’est tout ce que je sais, affirma t-il avec force. Le taf, la thune, tout ça, au fond, on s’en branle. Tu peux lever le pied deux secondes, ça va pas se casser le figure. Et même si ça arrive, ça se reconstruit. Pas ta vie. Et tes frères et soeurs… Tu pourras jamais prendre soin d’eux si tu tiens pas debout toi-même. Et ils peuvent bien attendre. Moi j’peux aller payer les cautions de Néro s’il faut ou même aller torcher le cul de ton neveu quand ta soeur peut pas s’en occuper, j’m’en fous. » De sa main, il attrapa le poignet d’Avalon et ancra son regard dans le sien, pour mieux marteler ses mots dans son esprit. « C’est toi, la personne plus importante de ta vie. Te rappeler ça, c’est le meilleur moyen de ne plus glisser. »


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As it was [Avalon/Toni] Icon_minitimeMer 17 Aoû 2022 - 19:33
« S’ils te cassent tellement les couilles, c’est en partie parce qu’ils te voient un peu comme leur daronne, nan ? »

Si Avalon garda le silence, cette phrase résonna longtemps dans son esprit. Toni venait de toucher, avec justesse, un point aveugle chez elle. Si les rapports entre Avalon et ses frères et sœurs étaient aussi faussés, ce n’était pas uniquement parce qu’elle était partie très tôt du domicile parental, parce qu’elle était une sorcière ou parce que son niveau de vie était très différent du leur. Outre les incompréhensions, les jalousies mutuelles et les fossés creusés par leurs années d’écart, c’était la posture d’Avalon au sein de sa fratrie qui créait des scissions entre eux. Ce statut d’aîné, qu’elle avait autant investi, l’empêchait d’avoir des rapports apaisés avec eux.

Les yeux fixés vers le bosquet d’arbres qui se détachait de l’obscurité, Avalon prit une minute pour méditer sur ces sages paroles. Elle n’avait jamais vu les choses sous cet angle, dût-elle reconnaître. Pourtant, Toni avait raison : les rapports filiaux qu’elle entretenait avec lui ou Fergus ne ressemblaient en rien avec ceux qu’elle avait avec ses frères et ses sœurs de sang. Elle était capable de partager des choses avec Toni, de s’ouvrir à lui comme elle venait de le faire ce soir. Elle savait comment demander de l’aide à Fergus lorsqu’elle en avait besoin. Elle pouvait se reposer sur eux ; elle leur avait déjà dit qu’elle leur confierait sa vie les yeux fermés – et, à vrai dire, elle l’avait déjà fait à quelques reprises.

Quand était la dernière fois qu’elle avait partagé un moment aussi sincère avec Célice ? Qu’elle avait fait confiance à Yvain ? Qu’elle avait demandé de l’aide à Galaad ? Avalon se mordit la lèvre inférieure, perdue dans ses pensées : elle n’en n’avait aucune idée. Cela faisait des années qu’ils fonctionnaient ainsi, tous les neuf. Mais, si Avalon avait toujours été celle qu’on pouvait appeler à l’aide, ce n’était pas un simple hasard : elle s’était toujours positionnée comme cette main secourable qui répondait aux appels même les plus tardifs. Au fond, elle aimait ce rôle de la grande sœur qui sauve, de celle qui rassure, qui trouve les solutions. Sauf que Toni avait raison : ce n’était pas tenable.

Fugacement, Avalon songea à ses proches qui, eux aussi, occupaient ce rôle d’aîné. Elle pensa immédiatement à Fergus. Fergus aurait compris, lui. Il savait le poids des responsabilités, la nécessité de faire grandir les plus jeunes, de les protéger et de parer aux défaillances familiales. Fergus savait, oui, mais il savait aussi que ce rôle pourrissait des liens. Qu’on ne pouvait pas être le père et le frère. Fergus était le père ; il n’y avait qu’à voir comment Moreen le regardait et cherchait son approbation. Avalon avait été la mère, longtemps, de ses plus jeunes frères et sœurs. Elle avait donné les biberons, changé les couches, fait des couettes, mis des pansements sur des genoux écorchés. Elle avait été la mère et, depuis, avait oublié de redevenir la sœur.

Ce constat généra chez elle une sensation de malaise diffuse alors qu’elle se balançait doucement, faisant grincer la structure métallique. Elle savait que Toni avait raison et, en même temps, cette vérité était un peu difficile à admettre. Elle garda le silence, préférant y songer seule, et orienta la conversation sur un autre sujet. Esquisser les contours de cette chute qu’elle avait frôlé quelques heures plus tôt la fit frissonner. Etrangement, cette discussion lui en rappela une autre, qu’elle avait eu avec Roy quelques semaines après que Norvel ait attenté à leurs vies. Ils avaient évoqué la peur de mourir grandissante qu’ils ressentaient. La crainte qu’Avalon ressentait aujourd’hui était différente, à la fois plus maîtrisable et plus vicieuse. Avoir peur de Norvel, peur de ses ennemis, lui conférait le pouvoir d’agir sur eux : de les traquer, de les retrouver, de les mettre hors d’état de nuire. Cette chute qu’elle avait aperçue n’avait pour origine que ses propres erreurs ; personne ne la pousserait en bas : elle y tomberait toute seule.

C’était ce qu’elle avait failli faire aujourd’hui, après tous ces mois à ignorer les alertes, les signaux, à repousser toujours plus loin les limites de son corps et de sa santé.

« J’ai cru que t’avais un cancer, putain. »

La voix véhémente de Toni la fit tressaillir mais elle ne fit que tourner un regard un peu hagard vers lui, confia quelque chose qu’elle n’avait jamais dit à personne :

« Moi aussi j’ai cru que j’avais un cancer. J’ai jamais autant flippé de ma vie. »

Cet aveu lui serra l’estomac, tandis que le regard Toni s’assombrissait. Il reprit son discours avec force, saisissant son poignet comme pour l’inciter à l’écouter et à graver ses paroles dans son esprit.

« C’est toi, la personne plus importante de ta vie. Te rappeler ça, c’est le meilleur moyen de ne plus glisser. »

Un silence suivit ces sages paroles. Un temps pendant lequel Avalon ne quitta pas Toni des yeux. Elle finit par hocher la tête, comme pour lui donner raison. Elle savait pourtant que la théorie serait plus facile à admettre que la pratique. Qu’elle devrait faire des efforts pour lever le pied, elle qui avait bataillé corps et âme pour chaque échelon gravi au ministère.

« T’as raison, t’as raison. » souffla Avalon. « Il faut déjà que je m’occupe de… tout ça. » fit-elle en baissant les yeux vers son ventre désormais tendu. « Que j’en parle à Roy, qu’on prenne une décision et qu’on… avise pour la suite. » Déjà, les contours de ce à quoi « la suite » pourrait ressembler s’esquissèrent dans son esprit, créant une boule d’anxiété chez elle qu’elle s’efforça de repousser à plus tard. « Merci d’être venu ce soir. » Elle serra la main de Toni dans la sienne. « Ça m’a fait du bien que tu sois là. »

Quittant leur étreinte, Avalon balaya le jardin public du regard, se sentant étrangement réconfortée par ce lieu si familier.

« C’est bien, de retourner ici. C’est… Simple. » avoua-t-elle avec un sourire. Elle lança un coup d’œil à Toni, toujours installé sur la balançoire. « C’est vrai qu’on était éclatés toi et moi, quand on était jeunes mais qu’est-ce que tu me faisais rire. T’avais toujours les pires plans foireux et tu te foutais toujours dans les emmerdes mais putain, on se marrait bien quand même. » Elle laissa passer un petit silence nostalgique. « Je crois que j’étais heureuse avec vous deux. J’étais bousillée, mais heureuse. » Elle était aussi à l’orée de sa nouvelle vie, une vie qu’elle avait passé les années suivantes à construire. « Et maintenant ? Tu te vois où, dans dix ans ? » l’interrogea-t-elle alors.


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