Summer heat, boy and girl meet [Priya]

- MAIS CAAAASSE-TOI, geignit Grady d’une voix plaintive.

Il venait d’entrer dans la partie cuisine de leur pièce de vie, en tapant des talons, invectivant son meilleur ami. Ce dernier se tenait devant le réfrigérateur ouvert, les bras sur les hanches. Ce n’était pas faute de lui avoir annoncé, depuis maintenant onze jours et neuf heures, que Grady aurait besoin de l’appartement pour lui tout seul, ce mardi. Sauf que James semblait prendre un malin plaisir à traîner ses chaussettes dans toutes les pièces, ce faux-frère. Il savait pourtant que ce soir c’était le soir. La grande soirée. Celle qu’il attendait et anticipait depuis l’été. Priya venait passer la nuit à la maison ce soir. Et pas forcément pour jouer aux jeux vidéos. Enfin. Pas que pour jouer aux jeux vidéos. Il ne disait jamais non à une petite partie de Mario Kart. MAIS ce n’était pas le point de la soirée. Et James le savait très bien. C’était d’ailleurs pour ça qu’il se marrait.

- T'as même acheté des sushis ! remarqua James sans relever sa plainte. T'achètes jamais des sushis pour moi ! T'as une meuf depuis deux minutes et déjà on voit les priorités.

Outré, Grady suspendit sa fouille dans tous les tiroirs de la cuisine à la recherche de sa baguette magique (tout était possible, il l’avait trouvée dans le meuble à chaussures une fois.) Levant la main, il fit non de l’index.

- Alors. Alors déjà c’est pas depuis deux minutes, c’est depuis juillet. Donc crois-moi qu’ils sont mérités les sushis. Et puis, et puis, t’en as une toi aussi, vous avez qu’à aller vous acheter des sushis de vieux couple. Ailleurs.

Il dégaina sa baguette magique du casier à cuillères et s’empressa d’attraper une des petites bougies qu’il avait acheté hier en faisant quelques courses au supermarché. Le choix n’était pas énorme mais il avait essayé de trouver les parfums les plus romantiques possibles. Il y avait donc « Fraîcheur des pins marins » et « Cozy cocooning cannelle. » Cette dernière entre les mains, il lança un léger Incendio pour l’allumer, se tournant vers James.

- Loin. Pas ici.

Mais son meilleur ami était très peu réceptif à ses demandes pourtant très subtiles. Refermant le frigo, il s’appuya nonchalamment contre ce dernier.

- Ou alors on pourrait manger tous les trois ! Faire connaissance. Lui partager quelques souvenirs, quelques anecdotes... Ce serait sympa. Et puis, c'est important qu'on sympathise avec nos copines respectives, comme on vit ensemble, non ? Il sembla réfléchir quelques secondes, un air pensif sur le visage. Bon, avec Kessy, les choses étaient un peu simplifiées. Bizarres mais simplifiées.

Reposant sa baguette magique et Cozy Cocooning Cannelle (les trois C du sexy en somme) sur la table de la cuisine, Grady prit une grande inspiration.

- James. James. Tu sais que tu es mon meilleur ami. Mon frère. Mon poto. Mon bro. Mon meilleur partenaire de Mario Kart. Mon âme frère. 

Il ouvrit grand les bras, comme pour mieux englober leur pièce de vie.

- Mais ce soir, c’est LA soirée, d’accord ? J’ai même acheté des petites bougies. J’ai tout fait comme ils disent dans Cosmow… euh Playwizard. J’ai tout fait pour que ce soit bien. PAS POUR AVOIR TA GROSSE TÊTE AU MILIEU DU SALON.

Et James avait une très belle tête, qu’on ne s’y méprenne pas. Mais il n’avait pas envie que ce soit la tête que Priya voit ce soir. Enfin, Grady n’avait pas envie de montrer à Priya des têtes en particulier. Ce n’était vraiment pas une soirée autour du thème de la tête. Pas que ce soit une soirée à thèmes. Enfin, un peu si. Mais du coup pas de thème-tête. Quoique, c’était un peu un thème tête-à-tête. Ou presque. Un tête-à-queue.*

Il désigna la bougie CCC d’un geste de la main.

- Je fais les choses romantiques, tu vois. Avec des standards. Pas comme CERTAINS qui se pecho dans le bureau de Rusard. Ou les toilettes des professeurs. Ou le canapé des préfets. 
- Wooooowwww. Déjà, qui te dit que je n'ai pas dispersé des pétales de fleurs sur le canapé des préfets ? Et mis des petites bougies ? ET une musique d'ambiance ? Je suis un homme très romantique, moi monsieur.

Grady hocha la tête d’un air peu convaincu alors qu’il passait au salon, pour tapoter avec soin les coussins sur le canapé (oui, maintenant ils avaient des coussins. Marlene et Emma avaient changé les couleurs de leurs salon et paraît-il que cela n’allait plus dans la décoration. Donc maintenant ils avaient des coussins vert menthe et sauge.) Il se retourna vers son meilleur ami quand ce dernier reprit la parole.

- Et tu vois, j'ai toujours été là pour toi, ton wingman un peu, n'est-ce pas ? Bah écoute, moi, je suis certain que ta meuf te kiffera encore plus si elle sait que ta mère t'appelle toujours Gradoudou et achète encore tes gâteaux dino préférés.
- Déjà, Priya adore les gâteaux dino et en plus, elle connaît toutes les espèces ALORS HEIN, répliqua Grady, toujours prompt à défendre l’honneur et la vertu intellectuelle de sa douce.

Prenant son air le plus menaçant (celui d’un niffleur en situation de danger, donc), il haussa les sourcils.

- Et puis, et puis, moi aussi j’ai du dossier sur toi ! 

Faisant un pas vers James, il baissa sa voix.

- Marlene serait sûrement ra-vie de savoir ce que tu fais le soir, quand elle n’est pas là…

Un nouveau pas.

- Seul dans ton lit…

La voix de Grady n’était plus qu’un murmure.

- Les murs sont fins, tu sais, James… 

Il laissa planer le silence quelques secondes, avant d’asséner le couperet.

- Je sais que tu as regardé la suite de The Vampire Diaries sans elle.

La diffusion sorcière de la série moldue, sur VargasTV, avait un grand succès. Les yeux de son meilleur ami s’écarquillèrent devant cette trahison.

- Tu n'oserais pas.
- Ne me force pas à le faire, mon frère...

Ils s’affrontèrent quelques secondes du regard avant que le plus fort (à peu près) ne l’emporte. James s’éloigna, profondément blessé.

- Voilà. VOILA. Des années d'amitié non, que dis-je, de fraternité, pour que tout soit jeté aux oubliettes à cause d'une fille. Ayez un meilleur ami, un âme frère, et il vous trahira pour pécho sa meuf. Puisque c'est COMME ÇA je m'en vais. James ouvrit théâtralement la porte de l'entrée. Il fit un pas, avant de se retourner vers Grady, un sourire en coin sur les lèvres. Appelle-moi pour me raconter. Enfin, pas en détails. Enfin, pour me dire comment ça s'est passé, je veux dire, si ça s'est bien passé. Pas que ça puisse mal se passer hein ! Ça va être très bien je suis sûr. BREF appelle-moi ! Ou plutôt envoie-moi un message, c'est moins bizarre.
- PARDON, j’en connais pourtant un qui a pecho une Serpentard et ça parle derrière quoi. 

Il se rapprocha également de la porte, posant une main sur le battant.

- Mais je te dirai si ça s’est bien passé. Si je t’envoi un emoji maki, c’est bien. Si c’est un emoji… crevette, c’est pas bien... À moins que la crevette évoque plus de positif ? 

Il prit quelques secondes pour y réfléchir.

- Non, le maki m’évoque plus de joie. Donc maki bien. Crevette, pas bien. Concombre découpé, catastrophe. 
- Parfait. Et si jamais c'était bof, mets un emoji pain. Le pain, c'est relativement neutre.
- Oui oui baguette, bêla Grady en français.

Ce fut sur ces bons mots que la porte se referma. Un coup d’oeil à sa montre lui confirma que Priya devait arriver dans moins de dix minutes. Il occupa ce temps précieux à bien mettre des coups de mains de Ninja sur les coussins (c’était comme ça qu’on pouvait parfaire leur rendu, Marlene et lui en avaient discuté) et à se regarder dans le miroir. Il avait sorti son plus beau t-shirt Star Wars, avec des stormtroopers dessus. À la base, il voulait porter celui avec un Dark Vador mais il n’était pas très convaincu par tout le trope du « Je suis ton père » dans ce contexte très précis. D’ailleurs, au tout début, il voulait porter une chemise mais c’était sa mère qui lui repassait encore. Il n’avait pas non plus était convaincu par le fait de faire intervenir sa maman, de près ou de loin, dans cette histoire.

La sonnette le fit sursauter et il fit un tour sur lui-même de panique avant d’aller ouvrir, sans même regarder au judas. Il accueillit donc un potentiel tueur en série avec un grand air ravi sur le visage.

- Hey.

Il prit quelques secondes pour détailler le visage de Priya, ses longs cils noirs, ses lèvres rosées qui s’étiraient en un sourire timide et court-circuita l’espace d’un instant.

- Hey, répéta-t-il bêtement.

La porte. La porte, Grady. Il l’ouvrît dans un grand grincement.

- Vas-y entre. Ça va ? Tu peux mettre ton manteau-là. Enfin si tu veux. Surtout si tu veux. Ne te sens pas obligée de quoi que ce soit. On fera ce que tu veux ce soir. Si tu veux. Surtout si tu veux. Enfin.

Subtil.

*:

Les vendredi soirs de Priya n’avaient pas tellement changé. Elle les passait toujours à manger des pizzas en jouant aux jeux-vidéos, enfoncée dans un canapé avec un plaid sur les genoux. Sauf que désormais, elle partageait cela avec son petit-ami. Oui, elle avait un petit-ami, aussi surprenant que cela puisse paraitre. Un vrai petit-ami, qui plus est, en chair et en os (elle lui en avait même cassé un, pour vérifier). Un petit-ami avec qui elle pouvait parler pendant des heures sans bafouiller ou se sentir stupide, qu’elle pouvait embrasser quand elle en avait envie (et qu’il acceptait de se baisser un peu), et avec qui elle pouvait passer des journées entières sans ressentir le besoin de s’isoler –comme c’était généralement le cas après des interactions sociales prolongées.

Elle avait parfois encore du mal à réaliser que tout cela faisait réellement partie de son quotidien. C’était une histoire comme on en trouvait que dans les mauvaises comédies romantiques, pleine de gaffes, d’éclats de rire, et de moments de tendresse. Elle n’avait jamais aspiré à ce genre de relations parce qu’elle s’en pensait incapable. Ce n’était pas pour elle. Elle avait du mal à bavarder avec d’autres êtres humains sans se mettre à transpirer ou à débiter des bêtises, alors les histoires d’amour, elle n’avait même pas oser en rêver. Et pourtant, elle était en couple, depuis plus de trois mois maintenant, avec un garçon adorable et presque parfaitement normal. Juste assez bizarre lui-même pour accepter ses anomalies à elle.

Ce vendredi soir serait pourtant un peu différent des autres. C’était le soir. Ils en avaient beaucoup parlé, d’abord avec hésitation lorsqu’elle avait dû avouer son manque total d’expérience en la matière, puis avec impatience quand elle s’était finalement sentie prête à sauter le pas. Elle avait envie de le faire, de vivre cette expérience, et de partager ça avec Grady. Elle en avait envie, réellement, mais une partie d’elle était aussi un peu inquiète. Pour ne pas dire complètement terrifiée. Elle avait peur de ne pas savoir quoi faire, ou comment agir. Elle avait peur d’avoir mal, de ne pas y arriver, d’être ridicule. Elle avait beau essayer de se raisonner en se disant que tout le monde passait par là et que la plupart des gens de son âge avaient déjà beaucoup plus d'expérience –puisque visiblement les enfants de seize ans tournaient des sextapes– son ventre restait noué d’appréhension.

Elle se détendit un peu face au sourire chaleureux de Grady lorsqu'il lui ouvrit la porte de son appartement. Elle était contente de le voir, et savait qu'avec lui tout se passerait bien.

"Hey", répondit-elle en lui rendant son sourire.

Elle attendit qu'il ouvre la porte pour faire quelques pas dans l'appartement, et se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres. Elle se débarrassa de son manteau, et s'apprêtait à le déposer sur le dossier de chaise désigné par Grady quand ce dernier, qui s'était visiblement trouvé un peu trop directif, se reprit en ajoutant qu'elle pouvait mettre son manteau où elle le souhaitait, si elle le voulait. Parce que le consentement c'est important.

"Ici c'est très bien", commenta-t-elle, un peu amusé par la nervosité de son petit-ami, qui lui faisait un peu oublier la sienne.

Maintenant que le sujet avait été amené -si subtilement- sur la table, elle aurait aimé pouvoir lui faire comprendre qu'elle avait toujours envie de faire ce qu'ils avaient dit qu'ils feraient, et si elle avait été une séductrice hors paire elle aurait certainement trouvé une formule un peu provocante pour le faire, mais elle restait plantée là, les bras ballants. Elle n'était plus si détendue, d'un coup.

"Je suis contente de te voir, se reprit-elle en s'approchant de Grady pour lui voler un nouveau baiser. J'avais hâte d'être à ce soir", ajouta-t-elle, un peu plus bas.

Le sourire de Priya détendit un peu Grady et il le lui rendit, alors qu’elle déposait son manteau là où elle souhaitait le déposer (c’était important.) Il mit un tour de clé à la porte (pas parce qu’il était un tueur en série mais justement pour les protéger d’éventuels tueurs en série, il regardait les émissions sur le crime le soir et il n’avait pas vraiment envie d’être la prochaine victime du fameux chaporouge de Loutry-Ste-Chaspoule. C’était la sombre histoire d’un sorcier qui venait égorger d’autres sorciers dans leurs maisons au dix-neuvième siècle, en espérant faire passer ses crimes pour ceux d’un chaporouge aventureux. Les Aurors avaient fini par l’attraper après une course-poursuite magistrale en balai au dessus de la Manche. Donc le mec était mort, mais savait-on jamais car, dans les films d’horreur, c’était toujours au moment où on voyait un couple d’adolescents s’isoler pour pratiquer la sexualité que le tueur en série disparu réapparaissait. Comme disait son papa, on n’était jamais trop prudent. Tout ça pour dire que Grady avait verrouillé la porte.)

Priya s’approcha de lui pour lui donner un nouveau baiser et il plia légèrement les genoux (il était devenu super flexible des genoux, une qualité utile dans la vie) parce qu’elle était adorablement petite. Il glissa ses bras autour de sa taille lorsqu’elle déclara être contente de le voir, la contemplant quelques secondes avec un sourire. Il finit par effleurer le bout de son nez avec le sien, avant de venir déposer un baiser dans son cou tout chaud, au parfum sucré.

- Moi aussi, déclara-t-il avec enthousiasme, sans se départir de son sourire. Elle ajouta qu’elle avait attendu cette soirée avec impatience et il eut l’impression d’avoir un petit coup de chaud. Pfiou, c’était la bougie Cozy Cocooning Cannelle qui faisait cet effet ? Efficace, pour trois livres, ce truc. Le rouge aux joues comme un Gryffondor devant une interro surprise de métamorphose, il répondit de nouveau : moi aussi.

À la fois pour dissimuler sa gêne alors qu’il était censé être un homme viril, assuré et parfaitement à l’aise dans ce genre de situations qu’il avait évidemment pratiqué au moins 3000 fois et aussi parce qu’il en avait envie, il se pencha de nouveau vers Priya pour lui donner un long baiser, laissant ses doigts se glisser dans ses longs cheveux noirs. Il était fasciné par ces derniers, qui tombaient dans le dos de Priya, brillants, tout doux. Il avait déjà passé de longs moments à les regarder alors qu’elle était en train de l’écraser à Mario Kart (il était déjà tombé plus de trente fois de la course Arc-en-ciel parce qu’elle les portait détachés ce soir-là.) Lorsqu’ils se séparèrent, il lui adressa un nouveau sourire avant de caresser sa joue du bout des doigts sans la lâcher des yeux, quelques secondes. Lorsque sa main retomba, il fit quelques pas en arrière d’un air très mystérieux (ou du moins, c’est ce qu’il pensait.)

- En plus, j’ai tout prévu pour ce soir. On a des bougies distinguées à la cannelle cocooning cozy. Enfin c’est ce qui est marqué dessus. On a des sushis. Et. J’ai tout prévu niveau équipement...

Il se rapprocha du meuble télé pour en tirer un panier, rangé dans l’une des cases. Triomphant, il en sortit une petite boite rectangulaire.

- Et non, tu ne rêves pas. C’est bien le dernier Mario Party. On est vraiment sur une soirée thématique « nouveautés ».

(Et cette blague là passait bien mieux que celle sur le thème tête-à-queue, il fallait le dire.)

- On peut peut-être... s’installer sur le canapé ?

Bonne première étape.

Elle ne saurait dire si les baisers et les caresse de Grady attisaient ou apaisaient sa nervosité. Une chose était certaine, cela la confortait dans sa décision d’aller plus loin. Elle était curieuse de découvrir cette nouvelle forme d’intimité, et elle avait envie de vivre ça avec Grady. Un frisson parcourut son dos quand il glissa une main dans ses cheveux. Priya adorait qu’on lui touche les cheveux. Il suffisait de lui gratter le sommet du crâne pendant quelques minutes et elle s’endormait comme un bébé. Cette fois-ci pourtant, les caresses de Grady dans ses cheveux ne lui donnaient pas du tout envie de dormir.

Elle fut presque frustrée de sentir le jeune homme s’écarter un peu d’elle pour faire quelque pas en arrière, avec une drôle d’expression sur le visage. Elle lui rendit son sourire quand il mentionna les bougies et les sushis -il faisait les choses bien !- mais se figea quand il évoqua des « équipements ». Que voulait-il dire par là ? Il n’allait quand même pas lui sortir tout un tas de sex-toy colorés au gabarit démesuré ? Elle gardait des souvenirs très visuels de son dernier -et unique- passage dans un sex shop et elle n’avait pas vraiment envie de ce type d’expériences ce soir.

Et si Grady était en réalité un maniaque sexuel qui l’avait attirée ici pour abuser d’elle ? Il avait fermé la porte à clés, et tout l’immeuble était protégé contre le transplanage pour éviter les intrusions non désirées, elle n’aurait aucune chance de s’enfuir. Elle commençait à craindre un autre genre d’intrusion non-désirée quand son innocent petit-ami dégaina…le dernier Mario Party. Elle ressentit aussitôt un profond soulagement et se trouva ridicule d’avoir pu envisager une seule seconde que Grady soit un criminel sexuel. Il fallait vraiment qu’elle arrête de regarder des émissions de true crime en pleine nuit. Elle se retint de rire face à sa propre bêtise et accueillit la remarque du jeune homme avec un sourire un peu nerveux.

Une soirée riche en nouveautés… C’était le programme. Il ne restait plus grand-chose de sa détermination, qui avait fondu comme neige au soleil face aux scénarios tordus élaborés par son cerveau. Elle allait être nulle, c’était évident. Elle n’allait pas savoir quoi faire et elle serait ridicule. Grady raconterait à ses copains qu’elle était le pire coup de sa vie. Elle se sermonna intérieurement et essaya de faire taire cette petite voix angoissée qui tournait en boucle dans son cerveau. Elle était prête, elle le savait, elle devait simplement se faire un peu confiance !

Grady proposa qu’ils s’installent sur le canapé et Priya hocha la tête avec conviction. Cela lui semblait être une bonne première étape. Elle le suivit sur le sofa et son premier réflexe fut de remonter ses jambes contre elle, ce qu’elle faisait toujours quand elle s’asseyait. Sa mère passait son temps à lui demander de s’asseoir « comme une lady » et à lui promettre qu’elle finirait par avoir mal au dos à force de se tenir n’importe comment. Elle réalisa toutefois que, non seulement cette posture n’était pas très sexy, mais qu’elle rendait tout rapprochement physique un peu complexe. Elle se redressa un peu et replia ses jambes derrière elle, plutôt que de s’en servir comme bouclier. Timidement, elle se pencha en avant pour embrasser son petit-ami. Il était plus facile pour elle de l’embrasser quand ils étaient tous les deux assis, ce qui réduisait un peu l’écart de taille entre eux.

"La soirée s’annonce très bien…commença-t-elle avant d’être interrompue en pleine phrase par un vif éternuement. Pardon ! s’excusa-t-elle. Les poils de chat… »

Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait chez Grady. Elle avait régulièrement des petites crises d’éternuements, qui finissaient par se calmer tant qu’elle n’approchait pas du chat, ou en ouvrant la fenêtre -ce qui semblait difficile en plein mois de novembre. Elle espérait que celle-ci ne ferait pas exception, parce qu’elle avait peut-être un peu minimisé l’importance de son allergie la dernière fois que Grady l’avait interrogée sur le sujet.

Grady se laissa tomber sur le canapé aux cotés de Priya avec la grâce du calamar géant dans le lac de Poudlard (c’est-à-dire beaucoup de grâce. Il suffisait de le voir étendre ses tentacules dans les airs avant de replonger. Des fois, il faisait même des sortes de petit saut et retombait dans l’eau sans même déclencher de tsunami, ce qui était impressionnant quand on voyait la taille de la bête. Il avait passé de longues heures à l’observer de loin, pendant ses cours d’Histoire de la Magie, et pouvait donc se déclarer expert ès calamar. En plus, il était quand même spécialisé dans les créatures magiques. Certes, les licornes. Mais il était certain que les licornes et le calamar géant du lac de Poudlard avaient plus de points communs qu’on pouvait le penser au premier abord.)

Priya s’était assise à ses côtés et ils échangèrent un sourire un peu embarrassé. Il ne savait pas vraiment par où commencer. Enfin si, il savait très bien. Il en avait une petite idée, en tout cas. Un vague schéma. Mais il ne souhaitait pas la brusquer, il voulait que tout soit un bon moment pour elle. La première fois, c’était un peu bizarre. Pas désagréable mais un peu bizarre. La sienne l’avait été en tout cas. Cela n’avait rien à voir avec son ex-petite amie, qui avait été très gentille (sur le moment, pas comme quand elle lui avait dit que sa tante avait mérité de mourir carbonisée dans un faux-incendie, sans savoir que c’était un faux-incendie.) Il n’avait pas la prétention de pouvoir retirer le bizarre de cette première expérience mais il espérait tout de même qu’elle passe un moment agréable. Alors quand il vit sa petite-amie se pencher vers lui pour l’embrasser, il se laissa faire avec plaisir, attrapant sa main si fine entre les siennes. Quand elle annonça que la soirée s’annonçait très bien, il ne put s’empêcher d’ajouter :

- Et encore, on n’a pas testé Mario Party ! (il était content de pratiquer la sexualité mais il ne disait jamais non à un bon jeu vidéo non plus. Des plaisirs ludiques différents.)

Priya éternua - très bien, pas de Mario tout de suite, elle n’en voulait visiblement qu’à son November body... - et s’empressa de s’excuser, désignant les poils de chat. Effectivement, sa merveilleuse (et il le disait sans ironie, elle était merveilleuse, drôle, intelligente, belle, elle connaissait les noms de plein de dinosaures et elle avait réussi à lui mettre son PearOne en mode sombre) était allergique aux poils de Gradouble, son chat. Grady essayait d’être vigilant, il mettait toujours des vêtements à peine sortis de la machine quand il allait la voir et il mettait Gradouble dans la chambre de Grady quand Priya venait (après avoir fait du ménage.) Mais telle une petite peluche douce, grosse et envahissante, le chat mettait des poils absolument partout. Il avait un véritable royaume pilaire dans tout l’appartement, au cas où un autre chat s’aventurerait sur ses terres. Gradouble avait ses coins : le lit de Grady, l’armoire de Grady, l’oreiller de Marlene (sûrement une vendetta personnelle) et à l’intérieur du placard de l’entrée (pour faire des siestes sans être dérangé.) Il tendit la main vers la table basse pour attraper la boite de mouchoirs qui s’y trouvait (et qui servait bien évidemment en cas de larmes inopinées devant les programmes tristes de fin de soirée, bien évidemment.)

- Tiens, dit-il en les tendant à Priya. Tu es sûre que ça va ? Gradouble n’est pas là, enfin si, mais il est dans la chambre de James. Il ne devrait pas nous embêter, il n’a pas pu avoir ses vingt-deux heures de sommeil aujourd’hui, comme j’ai fait le ménage. J’ai essayé de l’envoyer en pension chez Marlene mais elle n’a pas voulu ! fit-il min de s’offusquer. Tout ça parce que une fois, il a pissé sur son oreiller. Une seule fois ! Alors que elle, elle a mangé mes céréales plusieurs fois et elle est toujours la bienvenue ici. Ces Serpentard, je te jure.