Birthday girl [la bande à Dubois]

17 novembre 2011

Dix-sept ans. La majorité. Enfin ! Rachel l’attendait désespérément depuis des années. La faute à ses parents, qui se plaisaient à lui servir cette phrase connue des adolescents « tu ferais ce que tu veux quand tu seras majeure. » Majeure, Rachel l’était désormais et elle était déterminée à profiter de ses nouvelles libertés. Au programme : partir à Milan cet été pour le défilé croisière Giovanni Moretti, qui réunissait chaque année les grands noms du monde de la mode. Elle rêvait depuis des années d’évoluer dans ce milieu et espérait se faire remarquer là-bas en portant une robe de sa création. Elle avait déjà assisté à plusieurs défilés de fashion week de Londres mais, maintenant qu’elle était majeure, elle espérait pouvoir prétendre à des invitations plus sérieuses. Rachel n’avait aucun piston dans ce milieu – ses parents travaillaient tous les deux dans le domaine de la santé – mais elle savait que parfois, le culot pouvait lui ouvrir des portes. C’était en tout cas l’élément sur lequel elle misait – ça, et son talent, bien évidemment.

Ses parents n’étaient pas exactement ravis de cette passion qu’elle avait pour la mode. Tous les deux auraient préféré la voir rejoindre un domaine plus sérieux, semblable à celui qu’ils avaient choisi. Son père travaillait comme ambulancier depuis des années, tandis que sa mère exerçait comme infirmière à l’hôpital. C’était là-bas qu’ils s’étaient rencontrés – son père disait toujours qu’avec les horaires qu’ils avaient, ils n’auraient jamais pu se croiser en dehors de Sainte-Mangouste. Ils s’étaient mariés assez jeunes tous les deux et Rachel était née trois ans plus tard. Sa mère s’était arrêtée de travailler pour s’occuper d’elle et son père avait doublé ses heures pour compenser financièrement son arrivée. Deux années plus tard naissait Eris, sa petite-sœur. Si les deux sœurs n’avaient pas les rapports les plus cordiaux dans l’enfance, le divorce de leurs parents avait grandement contribué à les rapprocher. Rachel avait douze ans l’été où sa mère lui avait annoncé que son père et elle se séparaient. Le divorce ne s’était pas fait en douceur – doux euphémisme – et les modalités de la garde des filles avait sollicité un jugement au tribunal.

Globalement, depuis qu’ils avaient divorcé, ses parents n’étaient d’accord sur rien. Rachel les soupçonnait même de faire exprès pour ne trouver aucun terrain d’entente. Sauf un seul : sa carrière dans le domaine de la mode. Elle ne pouvait pas dire que ses parents désapprouvaient totalement mais ils ne cachaient pas non plus qu’ils auraient aimé la voir s’intéresser à d’autres sujets (comme la médicomagie, par exemple). Sa mère vantait toujours ses excellents résultats en cours, comme pour l’inciter à envisager une carrière très prestigieuse (selon ses critères). Il était vrai que Rachel avait des facilités dans plusieurs matières, mais peu l’intéressaient réellement. Elle était passionnée par l’astronomie et l’étude des runes, où elle excellait. Elle aimait bien l’histoire de la magie aussi. Mais étudier les enchantements et les potions plus longtemps que nécessaire… Sans façon. De toute manière, elle avait toujours eu un esprit beaucoup plus artistique. Elle peignait depuis des années, faisait du théâtre et écrivait même des pièces. La mode était sa véritable passion : elle pouvait passer des heures à chiner les friperies, personnaliser ses affaires, voire créer ses tenues à partir de tissus qu’elle achetait en boutique. Elle n’avait peut-être pas été répartie chez les Gryffondor, mais elle était tout aussi obstinée qu’eux lorsqu’il s’agissait de persévérer dans quelque chose qui lui tenait à cœur.

Alors cette majorité lui ouvrait de nouvelles portes, de nouvelles opportunités pour atteindre son rêve et elle avait hâte d’en profiter.

Mais en attendant, elle comptait bien profiter de cette soirée d’anniversaire que lui réservait ses amis. Officiellement, rien n’avait été prévu – on lui avait fait souffler des bougies dans la Grande Salle, à l’heure du déjeuner – mais elle avait vu Gowan se diriger vers les vestiaires de Quidditch, portant un sac à l’épaule qui faisait un drôle de bruit de bouteilles s’entrechoquant. Lorsqu’elle l’avait questionné à ce sujet il avait dit « non mais rien, t’inquiète », ce qui avait suffi à Rachel pour additionner deux plus deux.

Aussi, installée dans la salle des quatre maisons, Rachel prétendait d’être absorbée par une partie d’échecs qu’elle disputait avec Adam lorsque ce dernier s’étira en consultant sa montre.

« Cette partie est interminable, Rach. »
« C’est parce que tu mets une plombe à choisir tes mouvements. » argua la jeune fille en haussant les sourcils.
« Je réfléchis. » rétorqua Adam. « Ton jeu est simplement incohérent, il m’a donné mal à la tête. »
« Ohhh, pauvre chou » se moqua-t-elle en secouant la tête.
« Oui, oui, plains-moi s’il-te-plaît. Et accompagne-moi dehors pour faire passer mon début de migraine, pendant que t’y es. »
« T’accompagner dehors ? »
« Oui. Tu sais, faire cette chose étonnante que les humains font : marcher sans but juste pour le plaisir de respirer de l’air plus frais qu’à l’intérieur. »
« Mais on est en novembre, Adam. L’air n’est pas plus frais à l’extérieur, il est gelé. »
« C’est toi la pauvre petite chose maintenant ? » demanda le jeune homme en se mettant debout. Il lui tendit la main : « Allez viens, ça fait du bien l’air frais, ça revigore. Et ça fait du bien aux personnes âgées comme toi. » Il évita de justesse le coup de coude que Rachel lui destinait.

Cependant, cette dernière ne se fit pas prier trop longtemps pour se mettre en marche. Elle pressentait déjà qu’Adam risquait de faire dévier leur balade vers les vestiaires – ce qu’elle comptait bien lui faire remarquer pour le plaisir de le mettre en difficulté (il mentait si mal). Cela ne rata pas : après quelques minutes de marche dans le parc de Poudlard, son ami se dirigea vers le stade.

« Bah, tu vas par où ? »
« Hein ? Bah, je t’ai dit, je marche sans but. Je vais là où mes pieds me mènent. »
« Ah bon ? »
« Ça s’appelle la marche automatique, tu ne connais pas ? »
« Non. Et je suis surprise que ta marche automatique te conduise vers le stade de Quidditch, ce serait bien la première fois. »
« C’est bien tout le mystère de la démarche, Rach, il faut suivre un peu. »

La jeune femme eut un rire franc et se contenta de suivre son ami, qui bavardait désormais sur le mouvement surréaliste – Adam était passionné par l’art. Lorsqu’ils passèrent devant les vestiaires de Quidditch, il fit mine de continuer puis s’arrêta en fronçant les sourcils.

« Tu as entendu toi aussi ? » lui demanda-t-il en se tournant vers elle. Quel acteur ! Il n’y avait aucun bruit autour d’eux.
« Entendu quoi ? »
« Dans le vestiaire là… Attends, c’est bizarre. »
Il fit demi-tour pour poser sa main sur la poignée de la porte et la tourner entre ses doigts.
Et…

Gowan s’était arrêté en plein milieu des vestiaires du stade de Quidditch, un pack de bières à la main. Autour de lui, ses amis étaient en train de végéter, pour certains sur les bancs, pour d’autres par terre. Adarsh faisait défiler son fil Instamag pendant que Baen, appuyé contre un mur, laissait échapper un long long bâillement, sans couvrir sa bouche. Mandy et Violette murmuraient à voix basse, laissant régulièrement échapper des petits rires et des coups d’oeil en direction d’Henry et Claire, qui étaient à l’entrée des douches en train de gonfler des ballons avec leurs baguettes magiques. Dans les douches, justement, on entendait Louise - sa co-organisatrice (on ne pouvait compter que sur les Gryffondor de toute manière) en train de guider Imogen et David dans leur plan de décoration. Paul et Kathrina étaient à la base chargés de mettre en place le « buffet » (des chips, des chips, des chips et un peu de charcuterie empruntée en cuisine par David) mais ils semblaient plus discuter qu’autre chose. Benjamin était allongé sur un banc, les yeux fixés au plafond, plongé dans ses pensées et Gillian et Andrew étaient plantés devant le schéma représentant le terrain, à tous les coups en train de parler alchimie quantique (pas du tout, Quidditch, car ils n’avaient qu’un seul sujet de conversation.)

Son interpellation fit tourner la tête des invités, Adarsh abaissant son Pear.

- Oh ça va, tout est prêt de toute manière !
- Pas grâce à vous, fit remarquer Claire, qui s’était aussi occupé de transformer l’espace pour le rendre un peu plus accueillant.
- Après c’est une soirée dans des vestiaires de Quidditch, tempéra Baen. Ce n’est pas non plus la soirée du siècle...  En plus, on est crevés.
- Ouais, le cours de botanique était horrible, renchérit Andrew.

Gowan déposa bruyamment son pack de bières sur l’un des bancs que Claire avait transformé en table.

- Ah non ! Vous n’allez pas me faire ce coup ! On était tous d’accord qu’on faisait la soirée ce soir car c’est aujourd’hui son anniversaire !

Les dix-sept ans, ce n’était pas rien ! Rachel n’allait quand même pas attendre samedi pour fêter son grand cap. C’était en tout cas les arguments que Louise et lui avaient déployé auprès de leurs amis pour les convaincre de faire ça un mardi. Adam l’avait maintenue dans la Salle Commune après le dîner mais ils n’allaient sûrement pas tarder.

- En plus, ajouta-t-il en se retournant vers son meilleur ami, comment un cours de botanique peut être horrible ? T’es tombé dans la bouse de dragon ou quoi ?
- Une plante carnivore a failli bouffer Cindy Hamilton, intervint Adarsh.
- Ah bah elle aurait eu des réserves pour des années là, ricana Baen en faisant mine de gonfler les joues.
- Hé ! protesta Andrew.
- C’est sûr que toi avec ton corps de lâche... ajouta Mandy à voix basse.

Tous les regards se tournèrent vers elle et la jeune fille rougit. Elle n’était pas coutumière de ce genre de petites piques mais ils avaient visiblement une mauvaise influence sur elle. Baen, dramatique comme à son habitude, fit mine de porter les mains à son coeur, prétendument bouleversé.

- Quoiiiii. Tu veux dire mon corps d’athlète ?
- J’aime bien Cindy, se défendit Mandy en haussant les épaules. Elle est gentille.
- Attendez, attendez. Chut, chuuut, fit Benjamin en se redressant. Je crois qu’ils arrivent.
- Oh non, s’exclama Louise en passant une tête dans la pièce. On a pas fini dans les douches !
- Mais il est trop tôt ! fit Henry en jetant un coup d’oeil à sa montre
- C’est peut-être Forbes qui vient vérifier que le hangar à balais est fermé... suggéra Andrew en baissant la voix.

Ces quelques mots déclenchèrent un vent de panique dans la pièce. Adarsh bondit sur ses pieds, Henry écarquilla grand les yeux et Gillian plaqua ses mains sur sa bouche, comme si elle allait éclater de rire.

- Les lumières, éteignez les lumières !
- Je ne sais pas où est l’interrupteur ! murmura furieusement Violette.
- À droite de la porte !
- L’autre droite, putain Violette !

La piège fut brusquement plongée dans le noir, déclenchant des pouffements de rire alors que tout le monde tentait de se faire le plus petit possible.

- C’était mon pied Henry !
- Chuuuut !
- On a fermé la porte ?
- Elles sont où les clés ?
- Dans ma poche...

Les pas se rapprochèrent et la voix d’Adam retentit à l’extérieur. Une vague de soulagement parcourut le petit groupe et Imogen laissa échapper le rire nerveux qu’elle retenait depuis quelques secondes. La porte des vestiaires s’ouvrit, laissant apparaître les rais de lumière de la lune.

- SURPRIIIIISE !
- Joyeux anniversaire Rachou ! lança Louise en bondissant dans la pièce.
- Joyeux anniversaire Rach’ !
- Joyeux anniversaire !
- On peut allumer les lumières ?
- Je trouve pas !
- Toujours à droite !
- Toujours l’autre droite, Violette !
- C’est maintenant qu’on chante ?
- Mais non c’est pas maintenant, c’est quand on sort le gâteau !
- Mais chuuuut !
- Bah elle se doute bien qu’il y a un gâteau, c’est un anniversaire !
- Joyeux anniversaire ma belle, fit Mandy en se levant pour traverser la pièce et serrer Rachel contre elle.

Elle lança un concert d’étreintes alors que la vedette de la journée était attirée dans les vestiaires. Louise lui planta un baiser sur la joue, Gowan lui donna une étreinte, Baen attrapa son visage entre ses mains pour déclarer d’un air très solennel « Tu es très en beauté pour une vieille femme », Benjamin la serra longuement contre lui, Imogen l’abreuva de compliments en lui frottant le dos et Adarsh lui réserva son meilleur high five.

- Avoue, lança David en écartant les bras autour de lui, désignant les quelques ballons gonflés, le banc-table-buffet et les bancs-poufs-métamorphosés et les casiers un peu défoncés. Tu ne t’attendais pas à autant de glamour pour ton anniversaire.
- On a vraiment été inspirés par toi pour le choix du lieu, ajouta Baen avec chaleur en tapotant le carrelage blanc daté.

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

La porte des vestiaires s’ouvrit dans un grincement. Pendant une seconde, il ne se passa rien, puis Rachel fit un pas vers l’intérieur et, brusquement, des éclats de voix retentirent de toute part.

Excellente actrice – elle avait joué dans la dernière pièce de théâtre de Poudlard – elle se composa une mine surprise et osa même un petit sursaut totalement factice. Main plaquée sur la bouche, yeux écarquillés, sourcils haussés, puis rire incrédule ; on aurait pu lui décerner un Oscar. La joie qui s’imprima sur son visage et lui tira un rire n’était, en revanche, absolument pas simulée. Si Rachel s’attendait bien à une telle surprise – ses amis avaient la discrétion de pachydermes dans un magasin de porcelaines – elle était en revanche ravie de voir que ses proches avaient fait l’effort de se réunir tous, en pleine semaine, pour célébrer avec elle ses dix-sept ans. Lorsque la lumière fut rallumée, Rachel put contempler tous les visages joyeux de ses camarades, juste avant que ses derniers ne se dirigent vers elle pour l’étreindre. Elle serra longuement Mandy, Louise et Gowan contre elle, ravie de retrouver ses amis, rit du commentaire de Baen (mais lui décrocha un coup de coude dans les côtes), s’attarda quelques secondes dans les bras de Benjamin avant de taper vivement dans la main d’Adarsh.

« Mhhh, » fit-elle à la suite de Gowan, « un carrelage blanc qui date de la création de l’époque, des douches qui ont accueilli plus de la moitié des élèves de Poudlard et le banc qui a vu les larmes d’Andrew après la défaite de Gryffondor à son dernier match… Vous ne pouviez pas faire mieux. »
« Chhhhhhht ! » intervint Claire en tournant un regard vers Andrew, « ne commence pas à parler Quiddich ou Andrew va devoir s’isoler encore quelques heures, et j’ai plutôt envie qu’on passe une bonne soirée. »
« Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas parler Quidditch… » commenta Gillian avec une innocence feinte.
« Je suis d’accord avec Claire, » Adam s’avança et posa une main sur l’épaule de son amie. « Essayez, vous les sportifs, de prouver au reste du monde que vous êtes capables de parler d’autre chose pendant plus de quatre d’affilées. »

Il se fit évidemment hué par les sportifs en question, ce qui tira un nouvel éclat de rire à Rachel. Elle était heureuse de pouvoir retrouver ses amis dans une ambiance aussi festive, après un début d’année compliqué pour leur petite bande. Elle observa la décoration des lieux – on sentait que Gowan y avait mis du sien – jusqu’à être interpellée par Louise :

« Alors… Surprise ? » Rachel lui renvoya un regard énigmatique. « Nooon, t’avais cramé ? Mais comment ? On garde ça secret depuis des semaines ! C’est Adam avoue ? Je savais que c’était une mauvaise idée de te laisser toute seule avec lui, mais on… »
« C’est pas Adam, » la coupa Rachel en riant, « c’est Gowan. » Louise eut l’air interloquée et Rachel poursuivit : « Je l’ai vu traverser le parc en direction des vestiaires avec un sac rempli de bouteilles à l’épaule quand je sortais de cours… »
« Mais il t’a dit quoi ? »
Rachel glissa un regard vers son ami, occupé un peu plus loin à distribuer des Gobières. « Quelque chose de subtil, de discret comme « Non mais rien, t’inquiète », l’imita-t-elle.
« GO-WAN. » s’exclama Louise en se tournant vers lui, les poings sur les hanches. « N’envisages JAMAIS une carrière qui nécessite de la discrétion et de la subtilité ! Rachel avait tout cramé ! »
« Noooon, pas tout ! » nuança cette dernière. « Je n’avais pas du tout idée de l’effort mis dans la décoration. » Elle tapa dans un ballon qui flottait dans les airs. « Je veux dire, regardez ses ballons. Je sens que vous avez donné de votre souffle pour eux, c'est admirable. »

Les lumières s’étaient rallumées dans un joyeux bazar, révélant le visage ravi de Rachel. Elle était soit très surprise soit très bonne actrice. Les deux possibilités étaient probables. Il s’approcha de son amie pour la serrer brièvement contre lui, entre deux embrassades des autres. La petite pique de David sur le glamour des lieux lui fit secouer la tête, alors qu’il commençait à décapsuler des gobières à faire passer. Il fallait dire qu’ils n’avaient pas beaucoup de choix pour s’amuser ici ! Une salle de classe ? C’était prendre le risque de se faire avoir par les préfets qui faisaient leurs rondes - ou pire ! Un enseignant. La salle de bains des préfets, ce n’était pas non plus très discret et c’était surtout très humide. Ils étaient tous dans des maisons différentes alors leurs Salles Communes, c’était à oublier. Quant à la salle des Quatre Maisons, ils ne pouvaient pas la privatiser (quoique, ce n’était pas le plus difficile) et surtout, ils ne pouvaient pas y rester après le couvre-feu et boire (car l’alcool, ce n’était pas lol selon le professeur Forbes.) Les vestiaires de Quidditch avaient l’avantage d’être loin du château et Andrew en avait les clefs. C’était leur meilleure option, quoi qu’en dise David ! Heureusement, Rachel le prit avec humour, comme d’habitude. La petite pique qu’elle glissa à Andrew au passage déclencha une réaction outrée de ce dernier.

- Alors pour ta gouverne, je n’ai pas pleuré ! s’exclama-t-il. ... dans les vestiaires.

La violente défaite de leur maison était un sujet sensible - surtout quand il y avait Gillian et son petit sourire moqueur - alors Claire s’empressa d’intervenir, en rajoutant une couche. Gowan vit très bien son meilleur ami lever les yeux au ciel, un sourire en coin aux lèvres. Il ne manqua néanmoins pas le geste qu’il fit pour attraper une gobière : ça, c’était pour faire passer la pilule, il le connaissait par coeur. Louise, qui avait toujours le réflexe chevaleresque quand on embêtait ses amis (surtout quand on embêtait Andrew d’ailleurs, si on demandait son avis à Gowan... mais elle s’énervait toujours quand on disait ça) bondit dans la conversation.

- Ne fais pas trop la fière Gillian, tança-t-elle, Poufsouffle est bien parti mais rien n’est joué !
- Exactement, bien dit Loulou, valida Andrew en pointant le goulot de sa bouteille vers Lou.

Adam, en sage Serdaigle, tenta d’intervenir : quand on commençait à parler Quidditch, avec Andrew et Gillian dans la pièce, cela pouvait prendre des heures. Si Lettie était là, c’était pire. À l’époque où James et Clayton étaient encore souvent avec eux, le ton pouvait monter (James était très investi dans son soutien à Serpentard.) Continuant de déboucher des bierraubeurres et des gobières, il commença à les tendre autour de lui, réservant un verre de soda à Mandy qui n’aimait pas boire. La mention de son prénom lui fit lever la tête, pour faire face à une Louise outrée, les poings sur les hanches. Il leva les mains en signe de défense, prenant à partie les gens autour de lui.

- QUOI ! Je n’ai rien dit ! Puis franchement, tu peux parler, toi et David vous n’étiez pas subtils en sortilèges à pshitpshiter tout du long ! Il fit claquer ses doigts entre eux, pour simuler le bavardage.
- Alors je t’arrête tout de suite, fit David en levant une main. On ne parlait pas du tout de ça.
- De quoi alors ?
- Haha.

David eut un haussement de sourcils suggestif, visiblement déterminé à garder le mystère.

- Mouais. En tout cas, je n’ai rien dit, Rachel est tout simplement la plus perspicace des Serdaigle, fit-il avec son air le plus charmeur.
- Doucement quand même, intervint Benjamin.
- Sois pas jaloux mon Benjou, fit Baen, toi aussi t’es une tête. D’ailleurs, tu pourras me passer ton devoir de sortilèges ?
- Tout le monde a à boire ? demanda Violette, qui s’était rapprochée de Gowan au « bar. »

Les boissons passèrent de main en main et, quand tout le monde fut servit, Andrew fut le premier à soulever sa gobière à moitié pleine.

- Et bien, à Rachel, à ton anniversaire. Dix-sept ans, la plus sage et vénérable d’entre nous...
- Toujours aussi fraiche, ajouta Baen en hochant la tête.
- Toujours aussi fraiche. Toujours aussi drôle. Notre nouvelle boomer préférée. Qui pourra désormais acheter tout notre alcool en toute légalité, donc merci d’avance.

Il y eut quelques rires.

- A la tienne, joyeux anniversaire, on t’aime, fit-il en avançant sa boisson contre la sienne pour trinquer.

Les exclamations retentirent dans toute la pièce, à base de « joyeux anniversaire », « on t’aime », « on ne croise pas ! » et « dans les yeux ! » Lorsque les célébrations furent terminées, Claire s’approcha du buffet pour tendre à Rachel un bol de chips, qui commença à circuler entre eux. Gowan s’assit sur un banc, à côté d’Adarsh. Andrew, qui s’était glissé à côté de Rachel, lui passa brièvement une main dans le dos.

- Alors, t’as été gâtée par tes parents ?
- Parce que nous on ne t’offre rien, prévint Adarsh, on avait zéro thunes.
- C’est pas vrai, corrigea Louise.
- Roh mais laisse-moi l’emmerder un peu. T’es reloue un peu.

Louise lui tira la langue. Adarsh lui fit une grimace. Elle rit. Benjamin, à côté de qui s’était assis Violette, reprit la parole avec un sourire doux.

- Tu as eu des cadeaux d’adulte responsable ?
- Un balai-vapeur ? suggéra Mandy.
- C’est quoi ça ?
- C’est rien Andrew, c’est moldu, ça ne sert pas pour le Quidditch, t’inquiète, fit Gowan en lui tapotant le genou.
- Andrew Dubois-Cavill, le batteur et son balai-vapeur.
- C’est une bande-dessinée ça. Best-seller assuré.
- Ne les écoute pas, fit Benjamin en secouant la tête. Il n’avait pas quitté Rachel des yeux.

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

Rachel leva sa gobière, un large sourire sur le visage, alors que ses amis entrechoquaient joyeusement leurs verres avec le sien. Certaines personnes trouvaient cela inconfortable d’être le centre de l’attention, d’avoir tous les regards portés sur soi ; Rachel, elle, adorait ça. Elle avait toujours eu un goût pour le spectacle et la mise en scène et cela se voyait dans la manière dont elle pouvait se comporter socialement. Elle se sentait rassérénée quand elle passait du temps auprès de ses amis, comme si les interactions avec les autres lui permettaient de recharger ses batteries. La solitude, en revanche, l’épuisait et la démoralisait rapidement.

« Je vous aime aussi ! » répondit-elle joyeusement en tapant sa gobière contre celle de Louise qui avait retrouvé le sourire après sa fausse altercation avec Gowan. Un sourire qui s’était cependant un peu figé en voyant la main d’Andrew se glisser brièvement dans le dos de Rachel alors qu’il lui posait une question sur les cadeaux qu’elle avait reçu de la part de ses parents. Rachel haussa les sourcils d’un air narquois, en masquant cependant le reste de son visage derrière sa gobière. Louise préféra l’ignorer.

Louise avait un crush sur Andrew depuis environ dix ans (selon Rachel, qui avait fait une estimation du nombre de fois où Louise lui avait parlé du capitaine de l’équipe de Gryffondor). Evidemment, elle n’avait rien dit du temps où Andrew et Abigail étaient ensemble – même si elle n’avait jamais beaucoup aimé Aby. Et, maintenant qu’ils étaient séparés, elle trouvait toutes les excuses possibles et inimaginables pour éviter de tenter le moindre rapprochement avec lui (il était très occupé cette année avec sa sélection chez les EDL, elle ne voulait pas mettre à mal leur amitié si ce n’était pas réciproque, il vivait un début d’année difficile…) Malgré cela, elle ne pouvait pas s’empêcher d’interpréter tous les signes qu’elle pensait percevoir d’Andrew. Or, le souci avec Andrew – c’était l’analyse de Rachel après des heures de déduction – c’était qu’il ne comprenait pas très bien cette notion de « signes ». Il en envoyait à tout va, sans qu’ils ne soient suffisamment francs pour les comprendre sans erreur.

« Je suis plutôt fer à repasser. » prétendit Rachel, pince-sans-rire. Elle adressa un petit sourire à Benjamin, installé en face d’elle. « Mes parents me payent mon voyage à Milan pour le défilé croisière de la maison Moretti cet été. » confia-t-elle avec un sourire radieux.

C’était un cadeau vraiment particulier, surtout vu le contexte. Ses parents – divorcés et peu enclins à faire des efforts l’un envers l’autre – s’étaient organisés pour lui faire un beau cadeau commun, alors qu’ils n’étaient pas du tout convaincus par son projet de se lancer dans le monde de la mode. Et puis, ils ne gagnaient pas beaucoup avec leurs salaires respectifs, alors Rachel savait qu’ils avaient dû économiser un peu pour se le permettre, ce qui rendait le geste encore plus beau à ses yeux.

« Et attention. C’est un cadeau commun ! » Louise écarquilla les yeux. « Oui, oui, vous avez bien entendu. »
« Wow, donc tes parents t’aiment quand même suffisamment pour passer des heures à se disputer sur un horaire de Portoloin. » commenta Adarsh.
« Exactement, mon cher Adarsh. » acquiesça Rachel avec un regard sérieux. « Ca vaut tout l’or du monde… Enfin, après mon voyage à Milan, bien entendu. »
« Milan alors… Trop la chance. » Les yeux de Louise se mirent à briller. « Tu vas rencontrer tellement de monde, peut-être même être invitée dans des dîners supers fancy... »
« Au moins » ricana Adarsh, « dans des châteaux carrément. »
« Bientôt elle sera la styliste de la reine d’Angleterre. » renchérit Gowan.
« Eh bah, peut-être bien ! » répliqua Louise. « C’est bien grâce à elle que vous avez appris à vous habiller correctement et que vous arrivez à pécho maintenant. »
« Woooowwww, aucun crédit accordé à mon humour incroyable ? A mon charme à couper le souffler ? A mes traits d’esprit inattendus ? » protesta Adarsh en secouant la tête.

Louise préféra ne pas répondre et lui tira puérilement la langue.

« De toute façon, ton voyage à Milan ne vaudra pas notre traditionnelle semaine de vacances dans la maison de Benjou. » assura Adam.

Les parents de Benjamin possédaient une maison sur la côte anglaise et ils avaient accepté de la prêter à leur fils pour quelques jours l’été dernier (ils n’étaient pas seuls, évidemment, les parents de Benjamin étaient restés dans la dépendance : après tous, avaient-ils argué, ils étaient encore mineurs.) Adam appelait désormais cela une tradition car ils avaient décidé de renouveler l’expérience l’été suivant.

« Bien sûr que non. » répondit Rachel en observant Benjamin, sans se départir de son sourire.

Gowan vit Andrew froncer les sourcils à la mention du fer à repasser, n’ayant sûrement pas compris la petite blague moldue. À force de ne rien écouter pendant les cours d’étude des moldus... (il n’écoutait pas grand-chose non plus, mais hé, lui était né de moldus.) Mais les parents de Rachel avaient été bien plus généreux que cela : ils lui offraient un voyage à Milan pour voir un défilé. Au vu du sourire radieux de leur amie, ils avaient fait mouche. Les réactions ne se firent pas attendre dans le vestiaire : plusieurs sifflements admiratifs, un « Hé bah ! » de Mandy, une exclamation ravie de la part de Louise. Lorsque Rachel ajouta que c’était un cadeau commun - de la part de ses parents divorcés qui semblaient se mépriser cordialement - tout le monde fut encore plus impressionné. Adarsh suggéra que ses parents l’aimaient profondément tandis que Baen eut une approche plus pragmatique de la chose. Levant sa gobière, un sourire mutin sur les lèvres, il lança :

- Ou bien ils ont trèèèès envie de se débarrasser de toi cet été.

Mandy lui envoya un regard courroucé, qu’il ignora superbement. Il aimait bien trop taquiner Rachel, qui le lui rendait bien. Les plaisanteries s’enchainèrent d’ailleurs, même si Louise bondit bien vite au secours de sa meilleure amie.

- C’est bien grâce à elle que vous avez appris à vous habiller correctement et que vous arrivez à pécho maintenant.
- Woooowwww, aucun crédit accordé à mon humour incroyable ? A mon charme à couper le souffler ? A mes traits d’esprit inattendus ?
- Inattendus les traits d’esprit, ça c’est sûr... souffla Henry, appuyé contre l'encadrure de la porte qui menait aux douches.

Il y eut des éclats de rire tandis que Adarsh, de façon fort mature, lançait une cacahuète sur Henry. Cette dernière la frappa pile entre les deux yeux, sur le pont de ses lunettes.

- Ooh, dix points pour Poufsouffle ! lança Gillian, qui s’était assise à côté de Kat.
- Ça vous change, pour une fois...
- Pardon, j’ai cru entendre parler le mec qui s’est pris un 490 à 120 y’a deux semaines ? Non ? Ou bien c’était le capitaine que j’ai écrasé en finale de la Coupe l’année dernière ?
- Nous ne sommes pas faits écraser l’année dernière, réagit vivement Andrew, vous avez gagné de 40 points, doucement ! Si Forbes avait sifflé le croc-en-manche dégueulasse de Morton...
- Mais quelle mauvaise foi, Dubois, quelle mauvaise foi ! Ça ne serait pas arrivé si Anderson savait tenir son balai !
- Pardon ? Tu as vu ton Haywood, récemment ? La meuf se dirige tellement mal que ça m’étonne qu’elle arrive à trouver toute seule le chemin du stade !
- Chuuuuuuuuuuuuuut, chut, chut.

Kathrina venait de secouer la main entre eux pour les faire taire. Cela pouvait durer pendant des heures, tout le monde les connaissait. Surtout que Andrew était un peu susceptible depuis le dernier match de Gryffondor... Gillian en profitait toujours un peu. Kat se leva de son côté du banc pour venir se glisser entre eux deux, les poussant un peu.

- C’est l’anniversaire de Rachel, rappela-t-elle, faisant le sage choix de ne pas prendre parti.

Les deux joueurs capitulèrent sagement, même si personne n’en doutait : ils n’en n’avaient pas fini avec ce débat.

- On va vous séparer hein, menaça Claire. Chacun dans son coin de vestiaire !

Gillian sourit et Andrew eut un rire, alors que Adam enchaînait sur un sujet bien plus agréable : les quelques jours de vacances qui les attendait dans la maison des parents de Benjamin. L’année dernière, ils avaient tous passé un excellent moment, alternant plage, petit apéros et jeux de société (où ils mettaient comme par hasard Gil et Andrew dans la même équipe, pour la paix des ménages.) Benjamin rendit son sourire à Rachel, la fixant quelques secondes.

- J’ai encore plus hâte cette année, lança-t-il. En plus, je dois vous l’annoncer : mes parents ne seront pas là. Ils voudraient aller voir ma marraine à Liverpool.
- Attends, ça veut dire qu’on aurait la baraque pour nous tout seul ? lança Baen, soudain très enthousiaste.
- Il y aura sûrement Marjorie - sa soeur aînée - mais sinon oui.
- J’espère que je pourrais venir... souffla Violette à côté de lui.
- T’as dit quoi Violette ?
- J’espère que je pourrais venir, reprit-elle un peu plus fort. Mes parents voudraient qu’on parte dans le sud de la France à cette période...

Elle avait l’air contrarié et posa sa main sur celle de Benjamin. Quelques secondes après, ce dernier la retirait pour attraper des chips.

- Tu rentres quand d’Italie du coup Rachel ?

Lorsque la discussion eut fit le tour de la question, Gowan frappa dans ses mains, faisant sursaute Mandy qui s’était rapprochée de lui.

- Alors, miss Clarke. En tant que reine de la soirée, vous avez plusieurs possibilités. Soit, ouvrir vos multiples présents et repartir couverte d’or et de bijoux.
- Tout à fait notre budget cadeau, confirma Andrew.
- Tais-toi, t’as plein de thunes toi, fit Baen en lui mettant un petit coup dans le mollet.
- Soit savourer un délicieux gâteau pour sublimer les chips gastronomiques servies ce soir.
- Piqué en direct des cuisines de Poudlard, tant pis pour le bout de la table de Serpentard qui n’aura rien à bouffer demain, fit David en levant comiquement les mains en l’air
- Soit profiter de ta toute nouvelle majorité pour jouer légalement à un petit jeu d’alcool.
- Ou, je traduis, Gowan a faim ce soir.
- Et pas de gâteau !
- Merci Henry, nous n’avions pas le sous-entendu.
- Ne les écoute pas, ce sont des adolescents immatures, pas comme toi Rachel maintenant, plaisanta Claire.
- SOIT, et c’est ta dernière option. Jouer à un jeu de notre enfance pour célébrer ta soudaine vieillesse.
- C’est-à-dire cache-cache.
- Mais ne spoile pas Louise, rooooh.
- Alors, Rach ? C’est ta fête ce soir, nous sommes à ton service.
- Pour tout ce que tu veux, wink wink.
- Putain Baen, sérieux ?
- Non mais je rigole, roh.
- C’est ça oui.
- Bah alors Benjamin, on est jaloux ?
- Mais non, fermez-là.
- Mais chut, vous êtes désagréables ce soir, c’est parce que c’est mardi ?
- On peut écouter Rachel, sinon... ?

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

Quand ils se rassemblaient – la bande au complet – c’était toujours très bruyant. Ils parlaient fort, ils se coupaient la parole, ils s’offusquaient, se taquinaient, éclataient de rire. Rachel avait toujours aimé ces grandes assemblées sonores, sans avoir véritablement conscience de l’espace conséquent qu’ils occupaient dans l’école. Ils se retrouvaient souvent ensemble pour déjeuner, s’asseyaient sur les meilleurs canapés de la salle des quatre maisons en hiver et sur les berges du lac en été. Ils rayonnaient, de cette aura particulièrement qui était conférée aux adolescents populaires, souvent admirés par les autres. A dix-sept ans, lorsque l’on a trouvé ses pairs – ses amis, ses compagnons de route – le temps semble plus doux et les épreuves de la vie sont adoucies.

Ils fonctionnaient toujours un peu de la même façon : chacun avait sa place. Andrew était le garçon gentil (beau et musclé, pouvait-on ajouter en toute objectivité), obnubilé par le Quidditch, qui ne captait pas grand-chose aux interactions sociales autour de lui (enfin, surtout lorsqu’elles le concernaient). Gowan était plus brut, le genre à rire des autres en se cachant derrière une plaisanterie taquine. Gillian était celle qui avait des avis tranchés et catégoriques sur les choses qui l’entouraient. Louise était davantage médiatrice. Kat était d’une perspicacité rare. Baen se rêvait charmeur. Quant à Rachel, elle se plaisait à s’imaginer dans le rôle de l’amie fidèle, bien qu’un peu piquante (c’était pour leur bien à tous, surtout celui des garçons).

Leur petite bande évoluait ainsi depuis plusieurs années désormais – même si elle n’avait pas toujours fonctionné avec les mêmes membres. Il y avait souvent le même noyau et quelques membres qui gravitaient autour en étant plus ou moins intégrés. La rupture entre Andrew et Abigaël l’année dernière avait précipité le départ de cette dernière et de quelques-unes de ses copines. C’était tant mieux, avait déjà songé Rachel qui n’avait jamais eu d’atomes crochus avec sa camarade de dortoir. Parfois, Violette lui reprochait son manque d’empathie (elle n’avait pas complètement tort mais, franchement, tous pensaient la même chose ici).

« Je rentre début août, juste à temps pour partir avec vous ! » répondit Rachel lorsque Benjamin la questionna sur son retour en Angleterre. « Je n’aurais jamais sacrifié un seul jour de vacances chez Benji, même pour les yeux de beaux italiens… » ajouta-t-elle en buvant une gorgée de sa gobière.
« Menteeeeeuse, » rit Louise, « je suis sûre que si jamais un bel italien te propose de partir faire le tour de l’Italie, tu nous sacrifierais sans vergogne. »
« Moi ? Jamais ! » Rachel eut l’air indignée, avant d’ajouter avec un air malicieux : « il faudrait au moins qu’il soit très beau. »

Louise leva les yeux au ciel, un peu amusée.

« Si tu oses nous envoyer un message pour nous dire que tu nous plantes, je te préviens Rach’, je viens te chercher à Milan et je te ramène par la peau du cul en Angleterre. » intervint Baen.
« Avec quelle thune même ? »
« Celle de Dubois, il est riche on a dit. »
« Ah oui c’est vrai. Ouais, voilà Rachel, méfie-toi, on va tous venir à Milan finalement ! »

Des éclats de rire ponctuèrent cette conversation, qui dériva rapidement sur un sujet bien plus actuel : les activités de cette petite soirée. Rachel écouta d’une oreille attentive toutes les propositions qu’on lui faisait, ne pouvait s’empêcher de sourire aux allusions de Baen – et encore un peu plus à l’effet qu’elles avaient sur Benjamin.

« Mhhh, j’adore ce pouvoir. » commenta-t-elle en pesant le pour et le contre. « J’adore l’idée de jouer à cache-cache » Louise eut un sourire ravi, « MAIS je pense que ce sera encore plus drôle si Gowan ne sait plus comment marcher droit. »
« N’importe quoi, je marche toujours très… »
« Tttt, on se souvient tous de la dernière soirée, » l’interrompit-elle. « Je vote donc pour un petit jeu d’alcool, histoire de vous rappeler que je suis la seule, légalement, à pouvoir consommer de l’alcool ici. »
« Théoriquement » intervint Adam, « comme nous sommes à Poudlard, la consommation d’alcool est illégale pour tous les étudiants, même majeurs. »
« Adam ! Tu pouvais pas me laisser savourer ma petite victoire tranquille ? »
« Ce n’est pas une vraie victoire si c’est faux. » lui opposa-t-il en haussant les épaules.
« Serdaigle va. » Rachel secoua la tête. « Alors, on joue à quoi ? »

Avec le bruit qu’ils faisaient, c’était un miracle que les enseignants ou Hagrid n’aient pas débarqué en furie pour faire cesser leur petite fête clandestine. Le sortilège d’insonorisation aurait pu être une bonne idée... qu’aucun d’entre eux n’avait eu l’intelligence de mettre en oeuvre. La remarque de Rachel sur les beaux italiens ne manqua d’ailleurs pas de déchaîner les passions, en faisant fantasmer certains ou en outrant d’autres.

- Comme dans le film, là, soupira Mandy d’un air rêveur.
- Quel film ? s’enquit David, visiblement intéressé par la mention d’éphèbes transalpins.
- Mais si tu sais, le film, là !
- Celui qui se passe en Grèce ? demanda Claire, en se penchant vers eux.
- Mais non, celui qui se passe en Italie !
- C’est adapté d’un livre, je crois, souffla Violette, sa voix aussitôt couverte par Baen.
- Si tu oses nous envoyer un message pour nous dire que tu nous plantes, je te préviens Rach’, je viens te chercher à Milan et je te ramène par la peau du cul en Angleterre.

Gowan, trop loin de son meilleur ami pour pouvoir lui réserver sa blague, se pencha vers Imogen et Louise pour leur murmurer :

- Parce que sans elle, il sait qu’il ne pourra pas pecho de tout l’été.

La vanne était récurrente : l’été dernier, pendant justement les vacances dans la maison de Benjamin, ils avaient rencontré une bande de filles moldues sur la plage, avec qui le courant passait plutôt bien. Baen avait eu un petit béguin sur une petite brune nommée Elizabeth, qu’il avait abordée avec la délicatesse qui le caractérisait : l’affaire était donc mal engagée. Mais il avait réussi tant bien que mal à récupérer son numéro de téléphone (et il avait béni l’option de son forfait Vargas qui lui permettait de communiquer avec des lignes moldues) et avait bien sagement suivi les conseils de Rachel pour lui mener une petite cour virtuelle. Elle avait été son Cyrano, pour citer Claire qui avait plus de culture qu’eux. Il avait finalement réussi à conclure lors d’une sortie commune à la fête foraine de la ville d’à côté, après un tour d’auto-tamponneuses (et comme le disait très bien Henry, vu la violence des chocs qui avaient eu lieu dans le manège, il était fort possible que Elizabeth ait une commotion cérébrale, ce qui aurait expliqué qu’elle saute comme ça au cou de Baen.)

Louise, qui n’était pas du genre à être mauvaise langue, lui mit un petit coup dans le bras, détrompé par son sourire amusé. Imogen, elle, ricana sans scrupules. Satisfait, Gowan reprit donc une gorgée de gobière alors que la conversation s’orientait sur les activités de la soirée.

- Un cache-cache avec un Gowan complètement bourré ? C’est validé, on part sur ça, valida Andrew avec un sourire. Heureusement que tu es là pour nous dispenser ton ancienne sagesse, Rach’.
- Par contre, s’il est malade, il ne remonte pas au dortoir, c’est mort, prévint David en faisant non du doigt.
- Mon livre de métamorphose n’y survivra pas deux fois... confirma Henry en secouant la tête d’un air dépité. Claire lui tapota l’épaule. La mésaventure de ce bouquin l’avait traumatisé.
- On l’abandonnera dans la Salle Commune, proposa Imogen.
- Mais hé ! protesta Gowan, choqué et déçu.
- Vous avez zéro race chez les Gryffondor, c’est chaud, rit Adarsh.
- On a surtout déjà donné, rappela David.
- Hé, je ne bois pas tant que ça.

Louise fit la grimace, Andrew sembla soupeser les choses avant de secouer la tête, David eut son air « Oui mais bien sûr », Imogen ricana, Henry fronça les sourcils tel le bon préfet qu’il était. La fête qu’ils avaient fait - ici-même - pour célébrer la fin des BUSES l’année dernière sembla planer dans l’esprit de chacun quelques secondes. Les images qui en restaient étaient rarement glorieuses.

- BREF, fit Baen. Un jeu d’alcool c’est parfait et il se trouve que j’ai le bon matos en plus !
- T’as amené des bouteilles en plus ? s’enquit Adarsh, curieux.
- Nope, mon jeune ami, mais j’ai encore mieux ! Claire, si tu veux bien me passer le sac qui est derrière toi...

La besace de toile passa de main en main jusqu’à ce Baen en extirpe une sorte de boule de cristal violette.

- Mon dernier achat de chez Weasley&Weasley, la dernière fois à Pré-au-Lard ! fit-il, victorieux.
- C’est quoi ?
- Excellente question de Miss Forest-Whitaker ! Ça, mes chers, va pimenter notre partie de... Je n’ai jamais !
- Original.
- Ssssh, toi. Figurez-vous que oui, ça sera original ! Parce que dans une partie classique de « Je n’ai jamais », en soi, tout le monde est libre de mentir. Boire, ne pas boire, c’est à voir avec votre conscience. Alors que là... La boule nous avertira si quelqu’un ment. Elle ne peut pas savoir qui mais elle fera savoir qu’il y a un traitre dans nos rangs.

Il haussa les sourcils d’un air suggestif en parcourant toute la petite bande du regard.

- Alors mentez à vos risques et périls car nous pourrons peut-être trouver le petit cachottier... ou la petite cachottière d’ailleurs.
- Et comment ça marche ? demanda Adam.
- Oui, c’est quoi l’enchantement, il repose sur quoi ? appuya Claire.

Les deux n’avaient vraiment pas été répartis à Serdaigle pour rien... songea Gowan. En plus, ils souhaitaient tous les deux intégrer le Collège Merwyn d’Edinburgh après Poudlard, pour continuer des études en sortilèges, charmes et enchantements. Autant dire qu’ils ne plaisantaient pas avec ce domaine, même quand on en venait aux farces et attrapes.

- Mais je ne sais pas moi, je n’ai pas demandé ! C’est juste rigolo, on s’en fout.
- Ça ne doit pas être très fiable, prophétisa Claire.
- Au pire on s’en fout, répéta Adarsh.
- Allez, tout le monde en cercle, hop. Bougez vos culs, allez.

Cahin-caha, chacun se déplaça pour venir former un cercle sur le carrelage blanc et froid. Voyant Violette un peu réluctante à s’assoir par terre, Benjamin retira son pull bleu marine pour le déposer à ses côtés. Sa petite-amie le remercia d’un sourire avant de s’assoir sur le lainage, sous les yeux un peu attendris de Claire. Louise, elle, se tourna vers Rachel.

- Tout le monde a un verre rempli ? demanda Andrew qui venait de remplir celui de Kat quasiment à ras-bord.
- Qui commence ?
- Allez j’y vais, fit David, prenant quelques secondes pour réfléchir. Je n’ai jamais... menti à mes parents sur l’endroit où j’étais.

Il y eut des exclamations dans l’assemblée et la grande majorité sembla prendre une gorgée. Violette avait gardé bien sagement son verre sur le sol.

- Genre t’as jamais menti à tes parents, David !
- Pas sur là où j’étais, franchement mes parents sont graves tranquilles avec ça, tant que je les préviens.
- Mouaaaais, fit Louise en secouant la tête. David lui souffla un baiser. À moi ! Je n’ai jamais... jamais été bourrée au point d’envoyer des messages que j’ai regretté après, genre à mon ex.
- Ouch, fit David, qui se sentait visiblement personnellement visé. Un échange silencieux et malicieux sembla se dérouler entre Lou et lui avant qu’il ne prenne une gorgée de son verre, sans se départir de son sourire.
- Bah alors Andrew ! ricana Baen, en voyant leur ami reposer son verre sur le sol.

Ce dernier secoua la tête en souriant.

- Je ne veux pas en parler.
- Moi si, on y reviendra t’inquiète.
- À toi Rachel, relança bien vite Louise.

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

Comme cette petite soirée avait été organisée en l’honneur de Rachel, ses désirs étaient immédiatement exécutés – avec l’adhésion à la majorité, évidemment, ce n’était pas non plus une dictature ici. Ainsi, la petite bande s’organisa pour lancer un « je n’ai jamais » - jeu très classique mais qui faisait toujours son effet. Sans doute que, depuis des années, des élèves se retrouvaient en cercle sur le sol des vestiaires de Quidditch pour s’adonner à la même activité. Le principe du « je n’ai jamais » était très simple (ainsi, même les participants les plus enivrés pouvaient continuer jouer sans trop de difficultés) mais avait de quoi causer éclats de rire, expressions outragées voire même petits scandales. Un cocktail parfait pour satisfaire des adolescents, en somme.

D’autant plus que Baen leur proposait de pimenter un peu cette partie – pour une fois, sans faire un sous-entendu ouvertement sexuel, ce qui était assez rare pour était notifié – avec un petit gadget qu’il avait acheté chez W&W. Rachel dévisagea l’objet avec curiosité tandis que Claire et Adam essayaient de sonder le sortilège à l’origine de cette idée. Probablement une variante du Rappeltout, songea la jeune femme – quelqu’un mentait mais impossible de savoir qui, de la même manière que le Rappeltout sonnait sans qu’on puisse savoir ce que son possesseur avait oublié.

Mais la conversation ne s’attarda pas longtemps sur l’aspect technique de ce gadget (de toute façon, les Gryffondor n’étaient jamais très intéressés pas cet aspect : ils étaient gentils, hein, mais pas les plus malins du lot non plus.) Le jeu commença rapidement, mené par David qui commença sobrement. Rachel suivit la majorité de ses amis et porta son verre à ses lèvres : elle avait déjà menti à ses parents à plusieurs reprises. Son mensonge préféré était de dire que « mais papa est d’accord ! » pour faire céder sa mère. Après, elle pouvait dire – sans mentir, cette fois-ci – à son père l’inverse, pour s’assurer l’accord de ses deux parents. D’accord, elle jouait sur leur culpabilité de parents divorcés pour obtenir ce qu’elle voulait, mais ce n’était pas sa faute s’ils ne prenaient jamais le temps de se parler et préféraient se servir d’elle comme un hibou. Elle exploitait juste la faille (sans vergogne, il était vrai.)

En revanche, elle garda sagement son verre posé au sol lorsque Louise lança la seconde manche. Elle veillait toujours à rester loin – très loin – de son téléphone lorsqu’elle avait bu. Question de principes. Et, si elle avait la moindre envie d’écrire à l’un de ses ex, elle en parlerait d’abord à Louise et à Imogen, qui s’évertueraient à la dissuader (ce que font toujours les bonnes copines, si vous voulez son avis). En revanche, elle nota qu’Andrew prenait une gorgée de son verre – Baen se chargea d’ailleurs de le rapporter à l’intégralité de la bande. Rachel n’était pas surprise – elle vivait dans le même dortoir qu’Abigael Scavo, alors elle avait en exclusivité les réactions de cette dernière au moindre fait ou geste de celui qui avait été son petit-copain. Il allait sans dire que Rachel n’était pas particulièrement ravie d’être dans cette position.

Lorsque ce fut son tour, Rachel prit quelques secondes pour réfléchir avant de lancer :

« Je n’ai jamais… passé vingt-quatre heures sans me doucher. » Elle considéra quelques garçons du regard. « Allez, c’est cadeau pour vous les petits crado, on s’hydrate ! »

Gowan s’exécuta en grommelant quelque chose qui ressemblait à « ce n’est pas sale c’est juste avoir une conscience écologique », remarque à laquelle Rachel ne prêta pas attention.

« Je n’ai jamais espionné quelqu’un sur les réseaux sociaux. » déclara tranquillement Adam lorsque ce fut son tour.
« Ohhhh, Rachel, tu bois ! » s’exclama Louise. « Tu es terrifiante quand tu décides de trouver quelqu’un sur instamag. »
« Détective Clarke, pour vous servir. » salua cette dernière. Bonne joueuse, elle prit une gorgée de sa boisson. « Evitez de trop en parler autour de vous, j’ai peur que le ministère veuille me recruter si on découvre mes talents. »
« Un jour elle a retrouvé un mec que j’avais croisé dans une fête foraine. Et je lui avais seulement dit qu’il avait dix-sept ans et qu’il était brun ! » intervint Imogen en riant.
Rachel haussa les épaules : « Il suffisait juste de regarder les localisations… Et de les recouper avec tes informations. »
« Putain vous êtes flippantes vous les meufs. » lança Adarsh en secouant la tête.
« Shhhh, on est talentueuses » nuança Rachel. « Je sais, c’est difficile à concevoir pour vous. »

« Bon allez on continue ! » Mandy tapa dans ses mains pour relancer le jeu. « Je n’ai jamais menti à mon crush pour lui plaire. »

Quelques-uns, parmi eux, portèrent leur verre à leurs lèvres. Mais le gadget de Baen se mit à sonner bruyamment, signifiant un ou plusieurs menteurs. Ce dernier sauta sur ses pieds :

« Ha ha ! Voilà qui devient intéressant. Alors, qui est un menteur parmi-nous – dans tous les sens du terme ? »
« En réalité, si on parle de mentir dans le jeu et de mentir à quelqu’un, alors il ne s’agit que d’un seul sens. » releva Adam.
Baen soupira : « Tu casses toujours mes effets de langage, Adam. »
« Si seulement tu savais bien t’exprimer. » Baen lui renvoya un doigt d’honneur.
« Peut-être que c’est… Andrew ? » Adarsh se tourna vers son ami, l’air suspicieux.
« Ah oui, sûrement, » ironisa Rachel. « Andrew a sûrement besoin de mentir pour séduire ses copines. Il invente sûrement des trucs qui plaît aux filles comme, je ne sais pas, être un futur sportif professionnel déjà recruté par une équipe de la ligue, avoir un père célèbre, enfin, vous voyez le genre. »
« Alors que, vous voyez, Rachel c’est plus le genre à mentir. » intervint Gowan.
« Ah bon, c’est ton diagnostic, monsieur le psychomage ? »
« Ouais, tu leur fais croire que t’es genre, une fille adorable et pas reloue. Après ils découvrent la vérité et là… » Gowan haussa les épaules en riant.
« Hop hop hop, pas si vite Gowan. T’as pas bu non plus alors que je me souviens très bien que tu as menti pour pécho la meuf blonde que t’as rencontré l’été dernier. Tu lui avais dit quoi déjà ? Que t’étais sauveteur en mer ? » demanda Imogen, dans un élan de solidarité féminine.

Les rires se multipliaient au fil des gorgées, chacun gardant un oeil un peu curieux sur l’appareil de Baen en attendant son potentiel déclenchement. Pour l’instant, chaque membre du petit groupe semblait jouer honnêtement. La question de Rachel le fit grommeler alors qu’il buvait une gorgée de son verre. Honnêtement, en hiver, quand on vivait dans un château écossais du neuvième siècle, on ne transpirait pas beaucoup ! David, lui, fit la grimace à la question. Vu le temps qu’il passait dans la salle de bains matin et soir, effectivement, il ne sautait pas de douche, lui (il occupait tellement l’espace qu’ils avaient dû mettre un planning en place le matin, avec des levers en décalé. Andrew était hors-jeu : son réveil sonnait à cinq heures cinquante pour son entraînement donc il était toujours le premier dehors. Henry suivait vers six heures trente, David six heures quarante-cinq et lui, vers sept heures trente, manquant donc d’être en retard tous les matins en cours.)

S’il ne s’abstint pas de boire à la question concernant l’espionnage, il put constater que ses amies n’étaient pas en reste. Même Mandy, la si sage Mandy, avait pris un peu du liquide ambré dans son verre.

- Rachel Clarke, espionne internationale, ricana Baen. Spécialisée en beaux mecs et ex petites-copines.

L’affirmation de Mandy (« Je n’ai jamais menti pour plaire à mon crush ») fut celle qui mit le feu aux poudres. Baen bondit sur ses pieds comme un ressort à l’instant même où la boule de cristal se teintait d’une fumée rouge. Gowan leva comiquement les yeux au ciel lorsque Adam reprit Baen sur sa grammaire, appuyé par un hochement de tête de Henry.

- Hé mais toi tu tuerais ta mère pour une erreur de conjugaison, hein, le tança-t-il.
- Ça dépend, tu l’écris comment « tuerais » dans ta phrase, là... ? répliqua Adam, pince-sans-rire.
- Attendez, attendez, chut, fit Mandy alors que Adarsh lançait la première accusation de mensonge, à Andrew.

Toute l’attention se tourna vers eux alors que son meilleur ami haussait les sourcils, un petit sourire sur les lèvres. Il n’avait effectivement pas touché à son verre sur cette manche.

- Ah ouais, et pourquoi moi ?

Il semblait défier Adarsh du regard alors que Rachel volait à sa rescousse, en bonne petite Gryffondor d’adoption. Sa description d’Andrew fit lever au ciel les yeux d’Adarsh alors que le premier secouait la tête.

- Alors que, vous voyez, Rachel c’est plus le genre à mentir.
- Ah bon, c’est ton diagnostic, monsieur le psychomage ?
-  Ouais, tu leur fais croire que t’es genre, une fille adorable et pas reloue. Après ils découvrent la vérité et là…

Du coin de l’oeil, il vit son meilleur ami se pencher légèrement vers Kathrina, pour lui souffler quelque chose à l'oreille. Cette dernière sembla retenir un rire, qu’elle dissimula dans une gorgée de bière. Gowan les aurait bien apostrophés sur cette interaction mais sa petite plaisanterie à l’égard de Rachel était en train de se retourner contre lui, solidarité féminine oblige. Devant l’accusation d’Imogen, il prit son air le plus scandalisé.

- Alors, alors, déjà elle s’appelait Georgina donc respecte-là pour commencer. Et ensuite, madame, j’ai mon brevet de premiers secours - les premières huées se firent entendre alors que Baen lançait un « bouuuuh » rieur, ce qui poussa Gowan à monter la voix - et oui je l’ai mon brevet donc je peux, tais-toi Baen, je peux tout à fait pratiquer les premiers secours dans un environnement aquatique, JE N’AI PAS MENTI.
- Mais quel abuuuus, ça ne compte pas ça, tu bois, le tanna Benjamin.
- Ouais, surtout que t’étais à deux doigts de lui dire que t’étais maitre nageur, rajouta Imogen. Posant soudainement son pouce et son index sous son menton, elle prit une voix plus grave. « Ouais, non c’est sûr que c’est pas un métier facile, y’a plein de responsabilités mais tu vois, depuis que j’ai sauvé ce bébé et cette portée de chiots d’une maison en flammes, je vois la vie différem... AH ! »

Il venait de la tirer avec force par la capuche de son sweat et la pauvre glissa en arrière sur le carrelage. Elle manqua de renverser sa bière mais leva le bras pour stabiliser la boisson, au détriment de son propre équilibre. La voir ainsi, les quatre fers en l’air mais le bras bien tendu au dessus de sa tête, les fit éclater de rire.

- Putain le sens des priorités, hein.
- Un réflexe comme ça, c’est une place à Flaquemare, Imo, ta carrière est toute tracée.
- C’est mon héritage génétique irlandais qui a parlé, répliqua Imogen alors qu’elle se redressait, gentiment aidée par Adam. Je n’ai pas pu sacrifier la bière.

Baen posa une main sur son torse.

- Camarade.
- En attendant, on ne sait toujours pas qui ment, reprit Claire, qui ne perdait pas le nord. T’as bu Gowan ?

Il fit non de la tête et prit une gorgée, mais le petit engin sonnait toujours.

- Allez les enfants, dénoncez-vous ! Qui est un odieux petit menteur ici ?
- On peut faire le tour du cercle, sinon, chaque personne qui n’a pas bu prend une gorgée jusqu’à ce que la boule s’arrête. On ne pourra pas identifier tous les menteurs pour on pourra identifier le dernier, suggéra Andrew en haussant les épaules.

Tous les regards se tournèrent vers lui, y compris celui un peu surpris de Henry.

- C’est... oui.

Il avait les pupilles un peu écarquillées derrière ses lunettes, comme s’il venait de faire une mini-attaque en réalisant que Andrew avait eu une bonne idée avant lui. Baen frappa dans ses mains.

- J’aime cette manière de penser Dubois, la délation publique, y’a que ça de vrai. Mandy, chérie, tu commences.
- Mais j’ai posé la question !
- Tututututut, shot, allez.

Après elle, ils passèrent encore Violette et Claire, ainsi que Adam. Quand ce fut le tour de Louise, elle prit timidement une gorgée de son verre. Les vestiaires devinrent immédiatement silencieux alors que la boule de cristal retrouvait son violet initial. L’instant d’après, un nouveau vacarme avait éclaté, sous les rires, les huées et les vannes à l’égard de la jeune Gryffondor.

- Bah alors Louise, on assume pas ?

Cette dernière était aussi rouge que le blason de sa maison.

- Qu’est-ce que tu as dit, allez, ça restera entre nous, sur quoi t’as menti ?
- Plutôt à qui tu as menti, interrogea Claire avec malice.

Il fallut l’intervention conjointe de David, Rachel et Imogen pour que le petit groupe daigne passer à autre chose. Alors que Henry lançait une question lambda « Je n’ai jamais utilisé d’anti-sèches lors d’un devoir », Gowan se pencha vers Louise, juste assez fort pour que Rachel l’entende aussi.

- C’était pas la fois où tu as raconté à tu-sais-qui que si, tu maîtrisais par-fai-te-ment les sept cent fautes possibles au Quidditch ?

Devenant encore plus rouge - si c’était possible - elle lui colla un coup dans le torse.

- Quoi ? Mais non, n’importe quoi, arrête, la ferme, chut.

Ricanant, il prit une gorgée de vodka - bien sûr que si il avait déjà utilisé des anti-sèches, il était un élève normal. La prochaine manche était pour Adarsh, qui prit le temps de tous les regarder un à un.

- Je n’ai... jamais couché avec quelqu’un de présent dans cette pièce.
- Ouuuuh, ça commence à attaquer sévère, ricana Baen en prenant une gorgée sans hésiter.

Il fut le premier : tout le monde savait que Kat et lui l’avaient déjà fait, et pas qu’une fois. Elle fut d’ailleurs la suivante à boire, haussant les épaules avec un sourire. Les autres étaient un peu plus hésitant... et la machine ne tarda pas à se mettre en marche, sous les ricanements de Baen. Imogen céda à la pression, suivie de Adam - une rapide idylle en fin d’année dernière.

- Ce n’est un secret pour personne, marmonna-t-elle, même si elle avait les joues un peu rouges.

Pour autant, la boule de cristal continuait de s’énerver, roulant sur elle-même.

- Bah alors ? Qui fait des petites cachotteries dans le dos de ses amis, comme ça ?

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

« C’était pas la fois où tu as raconté à tu-sais-qui que si, tu maîtrisais par-fai-te-ment les sept cent fautes possibles au Quidditch ? » Gowan s’était penché vers Louise, qui était devenue encore plus rouge que lorsque son mensonge avait été découvert.
« Gowan ! » siffla Rachel avec un regard véhément. Devant le ricanement de son ami, elle se décala suffisamment pour envoyer une petite claque à l’arrière de sa tête, alors que Louise tentait de reprendre contenance.
« Bah, il a fait quoi ? » interrogea Claire qui avait suivi la scène des yeux.
« Comme d’habitude, » répondit Rachel d’un ton dégagé, « il dit des conneries pour se rendre intéressant. »

Claire – satisfaite par cette explication parfaitement plausible – ne chercha pas plus loin, et reporta son attention sur le jeu. Sans surprise, la question d’Henry ne provoqua pas de vague et le verre de Rachel resta tranquillement au sol – elle n’avait jamais triché à un examen (sauf en astronomie, une fois, mais ce n’était pas vraiment une antisèche puisqu’elle avait échangé ses réponses avec Imogen). Elle étudiait, contrairement à ses copains chez Gryffondor qui se contentaient de… Hé bien, d’être braves et courageux, d’attendre le danger ou une prochaine guerre pour voler au secours de la veuve et de l’orphelin, tout ça. En attendant le moment où ils auraient l’occasion de briller au cours d’un exploit très périlleux (et très public, pour satisfaire leur besoin d’attention), ils faisaient des saltos depuis le rocher qui surplombaient le lac noir. Ils n’avaient pas beaucoup de temps pour réviser, entre toutes ces activités parascolaires.

Contrairement à Henry, Ardash attaqua sur un sujet beaucoup plus délicat, s’attirant les rires des uns et les œillades fâchées des autres. Rachel ne put retenir un rire en voyant Imogen et Adam se lancer un regard embarrassé, avant de vider leurs verres d’un même geste. Evidemment, tout le monde était au courant dans la petite bande – difficile de cacher quoique ce soit plus d’un mois quand on vivait tous dans un château perdu en plein milieu de l’Ecosse – mais les deux préféraient ne jamais l’évoquer, comme si le silence autour de leur rapide idylle suffirait à l’effacer.

En même temps, songea Rachel avec un regard pour Adam, elle n’aurait jamais parié sur un match entre lui et Imogen. C’était un peu le trope de la pom-pom girl populaire et du nerd un peu charmant.

Cependant, la boule de cristal ne s’arrêta pas après l’aveu d’Adam et Imogen et continua à rouler furieusement sur elle-même en sifflant. Rachel fronça les sourcils en dévisageant ses amis du regard :

« Bah ? Qui nous ment éhontément ? » Grande comédienne, elle posa une main sur son cœur. « Quelqu’un n’est pas honnête parmi vous ? Alors qu’on est tous proches comme ça ? » Elle superposa deux doigts au niveau de son visage.
« Rach’, tu parles trop, c’est louche, bois. » lui intima Claire avec malice.
« Quoi ? Mais n’importe quoi, j’ai jamais couché avec quelqu’un ici ! »
« A son plus grand malheur… » souffla Imogen, qui connaissait le crush qu’elle entretenait pour Benjamin depuis l’année dernière.
« N’importe quoi » râla la jeune fille. Elle but une longue gorgée de son verre. « Regardez ! Pas moi. »
« Ok ok. Alors je parie sur… » Claire balaya la petite bande du regard. « Hum… »
« Mandy ? » questionna Baen. La jeune fille se mit à rougir. « C’est toujours les plus silencieux qui sont les plus suspects ! »
« Mais pas du tout ! » se défendit-elle en rougissant. « T’es con Baen. »
« Le dicton c’est « c’est celui qui parle le plus qui en fait le moins » Baen. » intervint Henry, immédiatement appuyé par son grand copain Adam :
« Très parlant dans ton cas. »
« Rohhhh » intervint Rachel en coupant court à la protestation de Baen « ça clashe, ça clashe, mais ça trouve pas qui ment. »

Adarsh avait mis les pieds dans le plat avec sa question, comme à son habitude. Il avait un petit sourire satisfait alors qu’il contemplait l’agitation qui s’installait dans le petit groupe. Des fois, Gowan se demandait ce qu’il faisait à Poufsouffle. Il n’était pas spécialement travailleur sur le plan scolaire - mais comme Baen - et appréciait un petit peu trop le chaos par rapport à ses petits camarades de la maison des justes et des loyaux. Il devait vraiment être très très loyal pour compenser. La boule de cristal sonnait toujours avec insistance ce qui déclenchait des ricanements chez ceux qui n’étaient pas concernés. Lui, par exemple, se sentait très tranquille. Alors certes, Imogen et lui étaient sortis ensemble quelques semaines en quatrième année mais ils étaient jeunes. Et certes, il avait déjà embrassé Claire, mais c’était en soirée, ça ne comptait pas. Et Rachel. Mais toujours en soirée donc ça ne comptait toujours pas. Même si c’était arrivé plusieurs fois. Cette dernière se lança d’ailleurs dans une prestation digne d’un BAFTA pour débusquer le menteur dans leurs rangs, ce qui appela les soupçons de Claire.

- On sait pourtant tous que Rachel est innocente comme un agneau, ricana-t-il.

Baen, qui s’amusait bien trop, d’empressa de jeter l’attention sur Mandy qui devint toute rouge : c’était facile, elle était toujours toute timide sur ce genre de question. Personne ne lui connaissait de petit-ami (ou de petite-amie d’ailleurs) pour le moment, alors c’était facile de l’embêter un peu. Henry vint immédiatement à sa rescousse - quelle grandeur d’âme - ce qui déclencha automatiquement une réaction courroucée de Baen.

- Pardon, mais j’en fait, j’en fait le plus, même ! Je ne mens pas ! Demandez donc à Kathrina !
- Non ? répondit Henry, en haussant un sourcil.
- Même si c’est très amusant de clasher Baen, mon honnêteté de Poufsouffle m’oblige à l’innocenter, ajouta la concernée en levant une main comme pour prêter serment, ce qui déclencha des rires.
- Rohhhh, ça clashe, ça clashe, mais ça trouve pas qui ment.
- Et bien c’est reparti pour un tour de table, hein, suggéra Andrew. Claire ?
- Je ne mens pas, vous faites fausse piste, répliqua-t-elle en haussant les épaules, prenant une gorgée de son verre.
- Henry ?
- T’es sérieux ?
- Aaah, on ne sait pas ce que tu fais de tes soirées à la « bibliothèque », bois donc.
- Je révise, Andrew, c’est d’ailleurs un concept passionnant, je te montrerai un jour.

Andrew eut un sourire amusé mais se contenta de designer le verre d’Henry d’un geste de la main. Ce dernier soupira, secoua la tête et prit une gorgée. La boule de cristal ne cessa pas son vacarme et il arbora un air victorieux.

- Violette ?
- C’est pas moi, murmura-t-elle en jetant un coup d’oeil à Benjamin.
- Bah tu peux boire quand même alors, non ? lança Gowan.
- C’est pas moi, ça sert à rien...
- C’est du soda dans ton verre, hein, tu peux y aller.
- Mais ça sert à rien...
- Hé, tout le monde y passe, fais pas ta cass...
- Hé, ça va, coupa Benjamin. Lâchez-là un peu. Bois pas Vi’, si tu veux pas.

Gowan leva ostensiblement les yeux au ciel pour bien montrer que Benjamin en faisait un peu trop à défendre sa Violette comme si on l’avait agressée. Ça va, elle était juste chiante à jamais vouloir se mettre dans l’ambiance avec les autres. De toute façon, elle était une pièce rapportée : avant qu’elle ne se mette avec Benjamin, elle ne traînait jamais avec eux (à part quand le professeur Corrigan lui collait en partenaire en DCFM, ce qui arrivait un peu trop souvent à son goût.)

- Bah toi Benjy, tu bois pas alors ? provoqua Adarsh. Ou t’as un truc à cacher ?

Les sourcils de Benjamin se froncèrent, Adarsh et lui s’affrontant du regard quelques secondes. Le Serdaigle finit par céder : il avala une brève gorgée d’alcool, qu’il assortit d’un doigt d’honneur à son ami.

- C’est bien, c’est classe, cingla ce dernier, qui semblait pourtant satisfait. Qui n’a pas bu ? Loulou ?

Le tour de table - enfin, de sol - avait beau se poursuivre, la machine s’énervait toujours. Tout le monde y passa, ou presque. Gowan prit une gorgée à la suite de Louise et David, après avoir averti que ce n’était pas lui. Il ne restait que trois candidats encore, Gillian, Andrew et Adarsh (en admettant que ce dernier ait menti en lançant sa question.)

- Gil ? lança Gowan.

Cette dernière ouvrit la bouche pour répondre lorsqu’elle fut interrompue par Andrew, qui se pencha pour attraper son verre.

- Pas la peine, c’est moi qui ai menti.

Il leva son gobelet vers eux comme pour leur porter un toast, avant de prendre une gorgée d’alcool. La boule de cristal cessa immédiatement son agitation, faisant place pendant quelques secondes à un silence surpris. Ah ça, même lui ne l’avait pas vu venir... Andrew ? Avec quelqu’un présent dans cette pièce ? Gowan ne lui connaissait pas de relation depuis Aby et cette histoire avec Sasha Benson à la soirée de fin d’année... Il dévisagea son meilleur ami avec des yeux ronds, ce dernier se contentant de hausser les épaules.

- Attends, pardon, quoi ?
- Quoi, qui, où, surtout, abonda Baen, tout aussi surpris, un grand sourire sur les lèvres.
- Non, c’est tout ce que vous aurez comme information, répondit Andrew d’un ton sans appel.
- Non, non, non, tu ne t’en sortiras pas comme ça ! s’exclama Adarsh en pointant un doigt accusateur sur lui.
- Attendez, attendez, qui a bu ? demanda David en regardant autour de lui avec une curiosité un peu avide.
- Mais tout le monde a bu ! s’exclama Claire en riant. Il nous a fait tous boire !
- HAAAAAN ! explosa Baen en bondissant sur ses pieds. IL L’A FAIT EXPRÈS L’ENFOIRÉ.

Andrew eut un rire et haussa de nouveau les épaules.

- Hé oui.
- Mais ! Mais ! protesta Gowan. Mais cette technique de Serpentard !
- Mais quelle enflure, c’est de la triche ! protesta vigoureusement Adarsh.
- C’est pas de la triche ! se défendit Andrew, sans se départir de son sourire, j’ai avoué. C’est moi qui ai menti. La question, reprit-il, c’était « qui l’a fait ? » pas « avec qui. »
- TU JOUES SUR LES MOTS !

Gowan n’en revenait pas : il allait devoir avoir une bonne discussion avec son meilleur ami, dis donc.

- Question suivante ?
- Nan, nan, on ne passe pas à autre chose comme ça. Que la coupable se dénonce ! J’attends !
- T’attends rien du tout, reprit Andrew en riant, lâchez l’affaire.
- Tout le monde a bu, rappela David, ça peut donc être n’importe qui.
- Tout le monde sauf Gillian.
- N’importe qui sauf Gillian donc.
- Elle a bu Violette ?
- Non mais c’est pas Violette quoi.
- Bah ça pourrait.
- Non mais elle sort avec Benjamin...
- Cachez vos copines, hein, ricana Adam.
- N’importe quoi...
- Rachel, c’est toi ? demanda Baen en se tournant brusquement vers elle. Avoue. Abigail avait raison depuis le début ?

Sans laisser le temps à Rachel de répondre, Andrew se redressa légèrement, tendant une main entre elle et Baen.

- Hé, j’ai dit stop. On change de sujet, vous ne saurez rien de plus, c’est tout.
- Mais je...
- Et d’ailleurs, ajouta-t-il, vous devriez vous demandez pourquoi ma vie sexuelle vous intéresse autant, hein. Je crois que ce n’est pas normal.
- Mais le ragot, Andrew ! protesta David. Le thé, le drama.
- Mais y’a pas de drama, David.
- Peut-être que Abigail est juste cachée depuis le début de la soirée dans les douches, intervint Henry.

Andrew lui adressa un regard mi-reconnaissant mi-amusé.

- On va dire ça. Allez, je n’ai jamais... je n’ai jamais lancé de rumeur sur quelqu’un.
 

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

La boule de cristal roulait toujours aussi furieusement sur elle-même, les obligeant tous à hausser un peu la voix pour se faire entendre. Andrew relança un tour de table – de sol, plutôt – incitant chaque personne à prendre une gorgée de son verre pour calmer la machine infernale. Certains se prêtèrent volontiers au jeu, d’autres furent plus récalcitrants comme Benjamin et Violette. Après quelques minutes, la boule finit par s’arrêter entièrement… Sur une confession d’Andrew.

« Mais non ? » réagit vivement Rachel en se penchant en arrière pour voir son ami. Il paraissait très fier de lui. Visiblement, cette annonce fut une surprise pour l’ensemble de la petite bande, et tous ne tardèrent pas à demander plus d’explications à leur ami. Tous, sauf Louise, qui semblait avoir avalé le contenu de son verre de travers.

« Mais le mec il balance une bombe en plein milieu d’une soirée et après il s’attend à ce qu’on passe à autre chose ! » s’exclama Imogen en riant. « Balaaaance, Andrew, je vais pas dormir. »
« Andrew, c’est mon anniversaire. » intervint alors Rachel. « Mes dix-sept ans. Ma majorité ! Tu peux me faire le cadeau de ton secret, c’est la moindre des choses. »

Mais le jeune homme fut intraitable. David soupira théâtralement, comme Rachel, alors qu’il s’évertuait à relancer le jeu.

« Pourquoi à chaque fois que quelque chose d’intéressant se passe dans ce groupe, il faut forcément en faire un secret. » geignit David en bonne commère qu’il était.
Rachel haussa les épaules avec désespoir. « J’en sais rien. On nous prive, David, voilà la vérité. On nous prive de joie. »
« La joie d’examiner la vie sexuelle d’Andrew ? » releva Adam en haussant un sourcil. « Vous êtes vraiment chelous. »
« Hé ho, » rétorqua Rachel, « j’ai été l’amante officielle d’Andrew pendant des mois, j’aimerais juste savoir qui a pris ma place tant convoitée. »
« Geeenre, on sait tous que c’était une rumeur. »
« Peut-être… » La jeune femme envoya un regard mystérieux à Gowan. « Ou pas ? »

Les deux amis partirent d’un grand éclat de rire. Abigael avait toujours été persuadée que quelque chose dépassant le cadre de l’amitié se passait entre Rachel et Andrew. C’était faux, évidemment – il lui semblait qu’Andrew n’aurait jamais été du genre à tromper sa petite-amie – mais elle n’en n’avait jamais démordu. Elle les trouvait trop proches, trop amis. Ils passaient trop de temps ensemble, il riait toujours à ses blagues (parce qu’elle était une fille hilarante, avait rétorqué Rachel), et puis, même, il se montrait tactile avec elle. Dans l’école, des rumeurs avaient commencé à courir – rumeurs infondées comme tous le savaient ici. C’était plus souvent avec Gowan que Rachel finissait ses soirées un peu trop alcoolisées – en presque tout bien tout honneur.

« Allez, je n’ai jamais... je n’ai jamais lancé de rumeur sur quelqu’un. » reprit Andrew, bien décidé à changer de sujet.
« Alors là, c’est faux, Andrew. » intervint Imogen en haussant les sourcils. « Et Taylor ? »
« Taylor qui ? »
« Le capitaine des Serpentard, là, vous savez. »
« C’est pas Reynolds ? » demanda Rachel en haussant les sourcils. « Ou Williams ? »
« Mais non ! Putain vous suivez rien, vous fatiguez. C’est Taylor Moore, vous savez, le gars avec les sourcils un peu broussailleux, là. » Devant les hochements de tête peu convaincus de ses amies, elle reprit. « BREF, à un moment il s’est planté sur le planning de réservation du stade de Quidditch et il s’est embrouillé avec Andrew. Je ne sais pas comment ça a fait le tour de l’école… » elle jeta un coup d’œil au capitaine des Gryffondor, « mais en tout cas, tout le monde s’est foutu de sa gueule pour ne pas savoir lire un tableau, ou quelque chose comme ça. »
« Haaan, mais dis-donc, Andrew Dubois-Cavill ! » Rachel se pencha vers elle, un sourire aux lèvres. « Est-ce que tu as bully Taylor Moore ? Est-ce que tu as fait du drama ce jour-là ? »
« Du drama de Quidditch, évidemment. » intervint toutefois Adam, peu surpris.
« Mais du drama quand même. » nota David. « Moi, j’appelle ça une rumeur et je dis qu’Andrew devrait finir son verre pour oser avoir menti en posant sa question. »
« Au moins. » renchérit Rachel pour embêter son ami.

Dans la cohue et les rires, Gowan croisa le regard d’Andrew. D’un haussement de sourcil, il lui demanda silencieusement des explications mais son meilleur ami se contenta de lui faire un sourire même pas désolé. Il allait donc devoir lui tirer les vers du nez ! C’était vrai que ces derniers temps, il rentrait parfois tard mais Gowan ne s’était pas posé de question : entre les entraînements chez les EDL, ceux de Gryffondor, ceux qu’Andrew faisait seul et puis, il fallait le dire, les cours, son ami était bien occupé... enfin, pas assez : il avait visiblement le temps d’avoir une petite liaison secrète avec une des filles présentes. Le regard de Gowan se posa sur chacune d’entre elles, notamment les plus silencieuses. Mandy ? Non, sûrement pas, pas avec une camarade de dortoir de Sasha, quand même. Claire ? Henry ne s’en remettrait jamais. Kathrina ? Ils étaient amis maintenant. Imogen ? Elle avait pourtant l’air surpris... à moins qu’elle soit très bonne actrice. Il ne fut pas le seul à avoir cette idée :

- Dites donc, vous n’en feriez pas un peu des caisses vous deux ? demanda Gillian.
- Ouais, appuya Adarsh. C’est louche, un peu.

Andrew leva ostensiblement les yeux au ciel.

- Ouais mais elles sont deux, souligna Claire avec malice.
- Andrew n’a jamais dit qu’elles n’étaient pas deux.
- Juste... non. Fermez-là, répéta-t-il en riant.
- Hé, on a jamais dit en même temps, hein ! répliqua Baen avec un sourire en coin. Tu as l’esprit mal placé, hein. Hein qu’il a l’esprit mal placé Adarsh ?
- Carrément mal placé, répondit son complice de toujours.

Baen plaça son bras autour des épaules d’Andrew, dans une étreinte aussi affectueuse que menaçante.

- Alleeeez. Raconte-tout à tonton Baen. Ton secret sera en sécurité avec nous.
- Ouais, avec toi, puis Adarsh, puis Paul, Jeremy, le club de Bavboules de Poufsouffle...
- L’équipe de Quidditch.
- Le moine gras.
- Les elfes aux cuisines.
- Ma cousine Orla.
- Du coup les quatrième année Serpentard.
- Du coup ta soeur.
- Du coup ta belle-mère.
- Du coup ton père.
- Du coup ta mère.
- En sécurité, je te dis ! conclut Baen.

Andrew dégagea son épaule, se décalant un peu vers Kathrina, pour mieux échapper aux tentatives de ses amis, bien décidés à ne pas lâcher l’affaire. Gowan vit avec amusement Rachel tenter la culpabilisation émotionnelle, en rappelant qu’elle avait longtemps été accusée d’être « l’amante » par Abigail. Il secoua la tête. C’était quand même un peu plus complexe que cela, à la décharge d’Aby... Elle ne vivait pas très bien la proximité amicale de Rachel et d’Andrew, qui étaient très amis. Ils chahutaient beaucoup ensemble, riaient, discutaient beaucoup au déjeuner lorsque Andy venait s’assoir à la table des Serdaigle (à la base pour déjeuner avec sa petite-amie...) Elle avait plusieurs fois exprimé son malaise à ce sujet, sans vraiment de succès. Andrew disait qu’il ne faisait rien de mal et qu’il l’aimait elle, Rachel avait assez peu de patience face à Aby. Et effectivement, il n’y avait absolument rien entre eux et Gowan était assez bien placé pour le savoir, comme le prouva le regard que lui adressa son amie. Les quelques soirées un peu arrosées où ils avaient fini par s’embrasser furieusement dans un coin en étaient une preuve suffisante... Quelques souvenirs défilèrent dans son esprit et il éclata de rire en même temps que Rachel.

Son meilleur ami tenta de relancer le jeu avec une nouvelle question mais le petit groupe n’était pas prêt à le laisser s’en tirer à si bon compte. Ils n’auraient peut-être pas le fin mot sur cette histoire de coucherie secrète - il pouvait se montrer intraitable lorsqu’il le décidait - mais ils comptaient bien le lui faire payer. Imogen s’empressa de contester son « Je n’ai jamais », ce qui fit naître un air absolument scandalisé sur la figure d’Andrew.

- Quoi, Taylor ?

Gowan éclata de rire alors que leur camarade se lançait dans une explication. C’était vrai qu’il y avait eu ça ! Une sombre histoire de réservation du terrain. Andrew était remonté furieux à la Salle Commune, secondé comme toujours par Colette, qui en avait rajouté une belle couche.

- Il est en cinquième année, précisa Mandy, qui était assez connue pour trouver mignon le capitaine des Serpentard.

Si Coco avait été là, elle aurait sûrement été ravie que le nom de ce dernier soit inconnu par la petite bande, au profit de celui de ses joueurs... bien le signe qu’il n’avait pas pour l’instant marqué les esprits !

- Non, protesta vivement Andrew lorsque Rachel se pencha vers lui pour lui demander s’il avait malmené ce pauvre petit Moore. Outré, il bondit sur ses jambes pour se dresser face au groupe. Non, non, tu déformes complètement l’histoire Imogen !
- Ah oui ? demanda malicieusement cette dernière, s’appuyant en arrière sur les mains pour pouvoir relever le regard sur lui. Pourtant, il me semble t’avoir entendu prononcer le mot, et je cite, « illettré » ?
- Ouuh, ça balance.

Andrew leva une main, comme pour réclamer le silence. Un sourire aux lèvres, tout le monde le regarda, en attente de sa défense (qu’ils réfuteraient de toute manière, par principe.)

- Alors. Il s’est effectivement avéré que Moore avait été incapable de lire un simple « mercredi prochain. » Et, non content de ne pas savoir lire, il a ensuite refusé de rendre le terrain que j’avais réservé ! Donc, ce n’est pas une rumeur : il ne sait effectivement pas lire un tableau ! Ce sont des faits !
- Des faits, mon cher Andrew, que tu t’es empressé de rapporter à toute la Salle Commune de Gryffondor, je me trompe ?

Imogen avait ses yeux plantés dans ceux de son ami, qui soutenait son regard sans ciller.

- J’ai eu une conversation, dans la Salle Commune, avec une partie de mon équipe et des amis fidèles, répondit-il avec un sourire en coin.
- Sans chercher à te dissimuler, donc ? Sans chercher à protéger la réputation de ton homologue ? Jeune homologue, rappelons-le, jeune capitaine, bébé capitaine même ! Qui cherche encore ses marques. Face à un capitaine respecté et apprécié, qui est dans sa troisième année d’exercice.

Elle avait son sourire et son ton le plus innocent. Le sourire d’Andrew, lui, s’était fait un peu plus coupable au fur et à mesure de la démonstration. Elle allait le coincer et il le savait.

- J’ai simplement évoqué des faits.
- Tout en sachant que tu plantais une épine dans le pied de ton adversaire, donc ?
- Il se l’est plantée toute seule.
- Rien à voir avec, à tout hasard, une situation qui t’arrangeait quand même pour saper un peu sa crédibilité ? 
- Rien à voir, je ne joue pas comme ça.
- Tu ne joues peut-être pas comme ça, certes, mais... Ne viens-tu pas à l’instant de nous prouver que tu sais manier l’information de manière très stratégique lorsque cela sert tes intérêts ? interrogea-t-elle, papillonnant légèrement des cils.

Andrew garda le silence quelques secondes, incapable de savoir quoi répondre. Le sourire d’Imogen s’agrandit.

- C’est bien ce qu’il me semblait, souffla-t-elle.
- TU BOIS ANDREW ! s’exclama brusquement Baen, brisant le silence contemplatif qui s’était installé face à la petite passe d’armes des deux Gryffondor.
- Cul-sec, cul-sec, scanda Adarsh en frappant dans ses mains à répétition.
- C’est un verre rempli de vodka ! protesta Andrew, alors que Claire, David et Mandy rejoignaient Adarsh dans ses acclamations.
- Je ne veux rien entendre ! répliqua Baen, tu as lancé une rumeur, tu bois !
- Ce n’est pas une rumeur ! Une rumeur c’est un truc faux ! Henry, donne-nous la définition précise de rumeur.
- Non, je ne prends pas parti.
- Cul-sec, cul-sec, cul-sec !
- Kat, donne-lui son verre s’il te plaît ! demanda Gowan. Allez, tu bois !

Andrew poussa un ostensible soupir avant d’attraper son gobelet des doigts de Kat.

- Vous êtes chiants, hein.
- Cul-sec, répéta Adarsh.
- Non pas cul-sec quand même, intervint Louise, c’est de la vodka, il va nous taper un coma éthylique.

Andrew prit de longues gorgées de son verre - se rassit à un moment, quand même - et termina sa boisson avec une grimace, alors que Adarsh le resservait déjà.

- Putain, tu vas être frais demain matin, hein, commenta Adam avec compassion.
- Ça va être beau en potions.
- En fait le cache-cache, ça ne sera pas Gowan qui sera bourré, ça sera Andrew, on va pouvoir le perdre dans le stade.
- Ah ! Si tu crois que tu pourras me perdre dans le stade, tu te mets la baguette dans l’oeil, ma Loulou. Je te retrouverais les yeux fermés.

Louise sembla rougir alors qu’elle prenait une gorgée de bière.

- Ça tourne un peu quand même, fit Andrew après une seconde, posant les mains en arrière pour s’équilibrer.
- Reste avec nous mon grand, on a pas fini, fit Baen en lui tapotant le genou. Qui pose la prochaine ?

Rachel Clarke, 17 ans, sixième année, Serdaigle.

La défense d’Andrew était bien faible face à l’implacable Imogen qui cherchait visiblement à le coincer. Rachel esquissa un sourire devant sa rhétorique – très efficace – qui ne tarda pas à prendre son ami de court. Il reste silencieux un instant, admettant malgré lui sa défaite. Immédiatement, autour de lui, on cria à la triche et on réclama réparation. Les protestations d’Andrew ne furent pas entendues – ou alors seulement par Louise, qui essaya d’intercéder en sa faveur. En vain, malheureusement, car la pression des pairs fut trop forte, même pour le renommé capitaine de Quidditch. Il termina sa boisson difficilement – vu le contenu, Rachel le plaignait.

« Putain, tu vas être frais demain matin, hein, commenta Adam avec compassion
-Ça va être beau en potions.
-Au moins, il aura un chaudron devant lui s’il veut vomir, souligna Rachel en levant un index avec lequel elle se tapota la tempe.
-En fait le cache-cache, ça ne sera pas Gowan qui sera bourré, ça sera Andrew, on va pouvoir le perdre dans le stade.
-Ah ! Si tu crois que tu pourras me perdre dans le stade, tu te mets la baguette dans l’oeil, ma Loulou. Je te retrouverais les yeux fermés. »

Rachel n’eut pas besoin de se tourner vers Louise pour savoir que les joues de cette dernière s’étaient colorées de rouge. Imogen et elle échangèrent un regard éloquent. C’était le souci avec Andrew Dubois : il était toujours à la limite du flirt et de l’amitié. Pas forcément dans l’un, ni entièrement dans l’autre, mais suffisamment à la limite pour envoyer des signaux contradictoires. Rachel, Louise et Imogen avaient passé des heures à essayer de décrypter son comportement, avant qu’Imogen ne conclut qu’Andrew était sûrement un « un peu teuteu lorsqu’il s’agissait des filles. » D’un côté, il semblait apprécier la compagnie de Louise, il lui faisait des compliments parfois, ils passaient du temps ensemble et, en même temps, il n’était pas assez franc dans ses gestes ou dans ses paroles pour pouvoir réellement acter qu’il s’intéressait romantiquement à la jeune fille.

Et, de son côté, Louise n’envoyait pas des signes très évidents non plus. Elle se trouvait toujours des excuses pour éviter de le faire. Rachel savait qu’elle craignait de perdre l’amitié d’Andrew – qui lui était précieuse – si jamais ses sentiments n’étaient pas partagés pour le jeune homme. Une situation compliquée, donc, qui tenaient souvent les trois amies éveillées tard dans la nuit.

« C’est à qui ? Rachel retrouva l’ordre de passage. Violette ?
-Euh… Cette dernière sembla un peu désemparée. J’ai pas trop d’idées, je peux passer mon tour.
-Non mais dis juste un truc que t’as jamais fait, Violette. C’est facile ! » insista Baen.

Gowan et Rachel eurent un – long – échange silencieux. Mouvement de sourcils, yeux qui roulent, grimace. La jeune fille cacha son rire dans son verre.

« Je n’ai jamais… Hum… été en Espagne ? » lança-t-elle, sans grande conviction.

Rachel prit une gorgée de son verre – elle y avait été avec sa mère deux ans plus tôt, pour des vacances. Ce tour ne fit aucune vague et la machine resta bien sagement posée au milieu. Le jeu se poursuivit, ponctué par les rires et les cris de la petite bande. Les bouteilles passaient de main en main et l’alcool – épongé uniquement par quelques poignées de chips – commençait à colorer les visages et échauffer les esprits.

« Je n’ai jamais eu… »

Mais Claire n’eut pas le temps de finir sa phrase. Louise, qui s’était levée pour aller chercher une bouteille de rhum bon marché, la coupa :

« Meeeeerde, je crois que c’est le concierge !!
-Hein, quoi ? réagit vivement Baen en sautant sur ses pieds un peu maladroitement. T’es sûre ?
-C’est pas lui qui arrive vers nous, là-bas ? La lumière ? »

Baen se pencha à la fenêtre. Il examina les alentours, plissant les yeux pour essayer de distinguer des formes dans la nuit.

« Putain, c’est Silvester ! Hé ho ! s’exclama-t-il en se retournant vers la petite bande, qui n’avait pas perdu une miette de leur échange. Silvester débarque ! Faut qu’on bouge de là ! »

Rachel se remit debout. Sa tête lui tournait un peu et, comme elle tanguait, elle se rattrapa à la manche de Benjamin qui se tenait à ses côtés. Elle s’excusa d’un sourire, alors qu’Imogen ramassait les bouteilles en vitesse et s’efforçait de les dissimuler dans des casiers.

« Vite ! leur intima Baen, qui avait fourré des paquets de chips dans les mains de Claire. Lorsque leurs méfaits furent plus ou moins dissimulés (plutôt « moins » que « plus »), il réclama silence. Maintenant tout le monde la ferme, on éteint la lumière.
-Chacun pour soi et Merlin pour tous ? proposa Rachel à voix basse alors que le silence tombait sur la petite assemblée.
-Clairement. Si on se divise, on a moins de chance, individuellement, de se faire prendre, estima Adam.
-Nickel. Vous êtes prêts ? Rachel avait posé sa main sur la poignée de la porte. 1, 2… »

Beaucoup de rire, beaucoup d’alcool et beaucoup de protestations outrées lorsque certaines personnes étaient accusées de mentir au Je n’ai jamais... La soirée battait son plein. Le petit gadget de Baen avait beaucoup de succès, tout comme la bouteille de rhum arrangé que David s’était fait envoyer par son frère en prévision de cette anniversaire. La bouteille avait été métamorphosée en flacon de sirop pour la gorge pour pouvoir être délivrée à la table du petit-déjeuner sans attirer l’attention des professeurs. Gowan avait eu la main un peu lourde sur les derniers verres et avait tendance à rigoler un peu plus fort que d’habitude. Il était en train de se pencher en arrière pour ramener au milieu du cercle un paquet de chips au vinaigre lorsque Louise s’exclama avec inquiétude qu’elle voyait arriver le concierge.

- Quoi ? Mais il est tard, qu’est-ce qu’il fout là ?

Ils avaient certes les lumières allumées mais le vestiaire de Quidditch ne se voyait pas du château, normalement. Baen se précipita à la fenêtre pour vérifier, guetté anxieusement par toutes les personnes présentes. L’état de la pièce était calamiteux : bouteilles d’alcool vides et entamées, paquets de chips, de bonbons, toutes leurs affaires étalées par terre, les bancs métamorphosés... Sans même parler des douches ! Henry et Claire avaient absolument tenu à faire une « exposition photo » en l’honneur de Rachel : plein de clichés avaient été épinglés sur le carrelage, retraçant les dernières années de leur amitié. Il y avait donc absolument tous leurs visages sur les murs : les professeurs n’auraient même pas besoin de s’embêter à les identifier.

Malheureusement pour eux, c’était bien Silvester qui avançait vers le lieu du crime : Baen le confirma, en les invitant à se remuer. Immédiatement, tout le monde se releva, de façon plus ou moins précaire. Gowan dut prendre quelques secondes pour s’équilibrer et il vit bien que Andrew, d’habitude plus vif que ça, dut s’aider d’un banc pour se redresser. Imogen s’était précipitée pour commencer à ranger tandis que Violette courait dans les douches pour lancer des « Evanesco » à tout va. Inspiré par l’idée, David commença à faire de même sur les bouteilles qui traînaient. Adarsh le saisit par la manche.

- Hé, mais ça coûte cher, arrête !
- On n'a pas le temps, Adarsh, répliqua Henry assez sèchement : en tant que préfet, il ne pouvait pas se faire prendre dans une telle situation.

Tant bien que mal, ils dissimulèrent les traces de leurs méfaits dans les casiers restants, certains vides et d’autres... Une batte de Quidditch bascula brusquement, venant frapper un carreau au sol dans un vacarme retentissant. Tout le monde se tourna d’un air réprobateur vers Benjamin, qui leva les mains en l’air pour montrer qu’il ne l’avait pas fait exprès.

- Éteignez la lumière ! répéta Claire à la suite de Baen. Il va arriver !

Gowan se rapprocha de la porte avec les autres, alors que Imogen lui saisissait nerveusement le bras. Ils allaient tous débarquer dans le parc en même temps... Le chemin était assez long jusqu’au château et surtout, Silvester était sur leur route. Adam avait raison : ils étaient trop nombreux pour qu’il puisse tous les poursuivre en même temps. En se séparant, les plus chanceux pourraient atteindre leur dortoir. Les autres... Étaient bons pour une belle retenue et des points en moins. La tension monta d’un cran au décompte de Rachel.

Elle ouvrit brusquement la porte qui donnait sur l’extérieur et ils se précipitèrent tous dans le froid de la nuit. Imogen lâcha sa manche mais continua de le suivre de près alors que Gowan se précipitait sur la droite. Il espérait atteindre la cabane d’Hagrid pour en faire le tour, et remonter discrètement par la tour de l’horloge. Du coup de l’oeil, il vit que David et Henry les avaient suivis également : ils formaient un petit escadron de Gryffondor... Même s’ils avaient visiblement laissé Louise et Andrew sur le carreau. Baen et Adarsh, eux, semblaient avoir le plan ambitieux de remonter par le chemin principal en se planquant derrière les rochers, dans l’espoir sûrement que le concierge passe devant sans les voir. Quant aux autres, impossible de savoir quelle route ils avaient choisi...


- Oh bah, attendez !

L’exclamation d’Andrew tomba cinq secondes trop tard : toute la petite bande s’était déjà élancée vers le parc - et donc le danger - et dans la nuit. L’esprit un peu trop ralenti par l’alcool, il n’avait pas pensé à les arrêter avant. Déjà qu’il tenait debout, malgré le troisième verre de rhum arrangé, après celui de gobière, qui avait suivi le presque cul-sec de vodka... Il ne fallait pas trop lui en demander. Louise, qui ne s’était pas précipitée avec les autres en voyant qu’il ne suivait pas, saisit sa manche.

- Il faut vraiment qu’on bouge, Andrew ! murmura-t-elle d’un ton pressant.
- Mais pas vers le parc, pas vers Silvester...
- Il va forcément venir vérifier ici, on ne peut pas juste se cacher.
- Oui mais... Il eut un vague geste des mains vers l’arrière des vestiaires. J’ai la clé du terrain... Suffit qu’on se planque dans les gradins, il ne va pas tous les vérifier, y’en a trop.

Louise sembla adhérer immédiatement à l'idée. Elle referma rapidement la porte d’entrée des vestiaires et y mit un coup de clé.

- En plus, reprit Andrew, franchement, là je cours pas.

Et pourtant, il aimait courir. Louise retira le trousseau du barillet et le lui tendit, alors qu’ils se dirigeaient vers la grande porte arrière, qui donnait accès aux grands couloirs internes qui faisaient tout le tour du stade. Cela leur permettait de rejoindre l’une des airs d’envol, le terrain, ou bien une partie des gradins. La pièce était plongée dans le noir, mais il la traversa d’un pas sûr.

- De toute façon, je pourrais y aller les yeux fer...

Un grand choc retentit dans le silence, alors que son tibia venait brusquement faire la rencontre d’un banc. Louise plaqua ses mains sur son visage et Andrew ne sut pas si elle retenait un grand éclat rire ou une exclamation de compassion.

- Ça va ? s’empressa-t-elle de murmurer alors qu’il prenait sur lui pour ne pas laisser échapper une liste de jurons.
- Ce banc n’est pas là d’habitude, persiffla-t-il à travers ses dents serrées.

Il prit quelques secondes pour se remettre - ça faisait mal cette connerie dis donc - avant de se diriger plus prudemment vers la porte, qu’il déverrouilla en à peine trois essais (pas sa faute : le trou de la serrure faisait exprès de se déplacer quand il approchait la clé.) Ils furent saisis par le vent alors qu’ils sortaient dans la coursive. Louise tendit la main pour qu’il lui donne les clés, afin qu’elle puisse refermer rapidement derrière eux.

- On n’a qu’à aller se mettre dans les tribunes des Serdaigle, suggéra-t-il. Même si Silvester vient jusqu’ici, jamais il n’ira si loin, j’pense.

Il fit quelques pas, l’herbe crissant légèrement sur ses pieds.

- En plus, réalisa-t-il en s’arrêtant brusquement au bout de quelques secondes. On peut monter tout en haut et surveiller le parc, pour voir si la voie est libre. Ou voir les autres galérer. Enfin, j’ai pas envie qu’ils galèrent, hein... J’ai oublié de leur dire pour les gradins...

Louise, 16 ans, sixième année, Gryffondor.

Louise avait un peu bu, ce soir. Ce n’était pas totalement de sa faute, elle n’avait fait que se plier aux règles du jeu – et peut-être avait-elle également fini un peu trop vite son verre lorsqu’Andrew avait révélé entretenir une relation avec l’une des filles présentes dans les vestiaires. Une fille qui, de toute évidence, n’était pas elle. La vodka avait grandement aidé à lui faire passer la pilule, il fallait le reconnaître. Le liquide lui avait brulé la gorge et, avec, cette petite boule qui s’y était formée. Elle aurait menti en affirmant ne pas avoir été un peu déçue mais elle avait fait de son mieux pour le masquer à la petite assemblée qui, de toute façon, était trop concentrée sur le ragot croustillant qu’on leur servait sur un plateau d’argent. Contrairement à Imogen qui avait soupiré ostensiblement en observant Andrew, Louise n’était pas fâchée. Elle était simplement déçue, parce qu’une part d’elle n’avait pas pu s’empêcher de penser que, peut-être, ses sentiments étaient réciproques.

La jeune fille avait donc vite fait taire ses pensées sous quelques gorgées d’alcool. L’ambiance de la soirée aidant, elle avait retrouvé son sourire lumineux et s’était lancée dans une partie endiablée de beer pong avec Adarsh, qui avait osé dire qu’elle visait comme un pied lorsqu’elle avait bu. Après avoir raté quatre fois le gobelet elle avait dû reconnaître, en son for intérieur, qu’il n’avait peut-être pas tort.

Puis, une lumière dans le parc l’avait alerté et, brusquement, tout le monde s’était affairé dans les vestiaires. Il fallait rassembler les affaires, cacher les preuves de leur présence, ranger les bouteilles d’alcool à moitié pleines, les paquets de chips entamés… Et fuir. Toute la petite troupe était sur le pied de guerre. Tout le monde… Sauf Andrew Dubois, qui marchait difficilement droit.

Louise avait hésité un instant avant de suivre Imogen puis avait fini par se retourner vers son ami passablement ivre. Mais pas au point d’être incapable de réfléchir ; le plan qu’il lui proposa fut tout de suite approuvé par la jeune fille, qui le suivit le plus silencieusement possible. Quelques secondes plus tard ils marchaient sur l’herbe du stade, sous un vent froid qui lui fit resserrer les pans de sa veste autour d’elle.

« On peut monter tout en haut et surveiller le parc, pour voir si la voie est libre. Ou voir les autres galérer. Enfin, j’ai pas envie qu’ils galèrent, hein... J’ai oublié de leur dire pour les gradins...
-T’auras qu’à accuser Imo et Taylor Moore, argua Louise avec un sourire en coin, t’aurais eu les idées un peu plus claires si elle était pas brusquement devenue son avocate. »

Les deux Gryffondor avançaient sous les gradins, histoire de s’offrir une sécurité supplémentaire. Ils atteignirent la tribune des Serdaigle et se figèrent brièvement alors qu’une exclamation (mal) étouffée s’élevait du parc.

« On dirait Baen » commenta Louise en fronçant les sourcils. « Tu te sens capable de monter ? » lui demanda-t-elle en désignant du menton les escaliers qui permettaient d’accéder aux gradins.

****


Fuir. Il fallait fuir. Rachel s’était mise dans une mission digne d’un film d’espionnage et essayait d’évoluer le plus silencieusement possible dans le parc plongé dans l’obscurité. Théoriquement du moins, car son taux d’alcoolémie élevé rendait sa discrétion toute relative. Elle était suivie par Claire et Gillian qui oscillaient entre des expressions catastrophées et des éclats de rire qu’elles étouffaient dans leurs mains. Alors qu’elles s’accroupissaient derrière un rocher, Rachel chuchota :

« Merde, elle est où Louise ?
-Je sais pas, répondit Claire, je l’ai pas vu sortir.
-Et Benjy ?
-Parti avec Adam et Violette. Elle flippait grave, ricana Gillian. Bon, on fait quoi ?
-On avance tout droit, décida Rachel. Avec un peu de chance, Baen se fera chopper avant nous… »

Les trois filles avancèrent le buste baissé vers le sol, ne se figeant que lorsqu’elles entendirent une exclamation étouffée. « Un soldat bientôt à terre » murmura Claire en pressant le pas. Quelques minutes plus tard, elles retrouvaient Gowan, Imogen, David et Henry, dissimulés derrière un buisson.

« Vous avez entendu Baen, vous aussi ?
-Ouais… J’espère que Silvester s’en contentera et nous foutra la paix.
-J’ai un doute… Rachel leva la tête pour observer les alentours. Bon, on doit faire le tour vers l’horloge, lâcha-t-elle d’une voix décidée.
-L’horloge ? reprit David en fronçant les sourcils. Mais c’est beaucoup trop long ! Silvester aura le temps de nous chopper quatre fois avant qu’on arrive dans le château. Il vaut mieux passer par le pont.
-Le pont ? Rachel secoua la tête. N’importe quoi, c’est exactement là où il s’attend qu’on aille.
-Je suis d’accord avec David… intervint Imogen. Le pont, c’est plus sûr… Si Silvester a choppé Baen et Adarsh, il va être un peu occupé avec eux. Ca nous laisse le temps de passer le pont et de courir jusqu’au château.
-Mais si on tombe sur Silvester, on pourra jamais se cacher sur le pont ! On sera tous foutus. Au moins, on peut le voir arriver si on passe par l’horloge… »

Quand Louise rappela à son esprit la défense endiablée qu’Imogen avait fait de son homologue Serpentard, Andrew acquiesça vivement. Tout à fait ! Exactement ! Parfaitement ! Il hocha la tête avant de lever une main, comme s’il s’apprêtait à faire une longue démonstration, nourrie et argumentée.

- C’est vrai.

En guise de sage et pertinente conclusion, il ajouta même :

- En plus, il ne sait vraiment pas lire.

L’air froid de novembre s’engouffrait dans les cursives du stade, faisant battre les tentures colorées qui recouvraient les gradins. Il avait envie de voler mais il n’avait pas son balai avec lui. Il ne le conservait pas à proximité, dans le hangar à proximité du stade comme certains le faisaient. Il n’avait pas trop confiance, il y avait eu des rumeurs de trucage de balai il y a quelques années. Vraies ou pas, Andrew n’avait pas envie qu’on lui abîme son Galaxie 2010, le dernier modèle de chez Nimbus. Dommage, en tout cas. Il se serait bien envolé jusqu’à la tour de Gryffondor, le meilleur moyen de ne pas croiser le concierge. Ça c’était du plan !

Une exclamation retentit quelque part en dehors du stade, les faisant s’arrêter. Andrew fronça les sourcils, alors que Louise identifiait Baen. Il s’était déjà fait prendre ? C’était dommage pour lui et pour Adarsh, qui était à tous les coups avec lui.

- Bien sûr ! répondit-il quand son amie lui demanda s’il se sentait capable de monter les marches qui menaient aux gradins des Serdaigle. On peut même faire la course, si tu veux, proposa-t-il, parce que dans son esprit embrumé d’alcool, l’idée lui semblait brillante. Le premier en haut a gagné, il a gagné euh… je sais pas encore quoi mais c’est le meilleur.


Dissimulés derrière des larges buissons, les quatre Gryffondor guettaient l’obscurité. Au loin, la silhouette massive du château se dessinait. Plusieurs fenêtres étaient illuminées, notamment celles des couloirs les plus fréquentés. Une des tours était particulièrement lumineuse, sur plusieurs étages, et Gowan se demanda brièvement s’il s’agissait de celle de Serdaigle. Celle de Gryffondor n’avait pas cette vue-là, elle était tournée vers le lac.

- Je ne vois rien, marmonna Imogen.
- Il fait noir en même temps, répondit Henry.
- Merci captain obvious.
- Chuuut, les enfants, chuchota David. Vous ne voulez pas rejoindre Baen, paix à son âme.

Ils avaient entendu quelques minutes auparavant le glapissement de leur ami. Soit il avait été repéré par le concierge, soit il avait été mordu par quelque chose. Dans le parc de Poudlard, en pleine nuit, les deux étaient possibles. Des bruits de pas derrière eux les firent se retourner : Rachel, Gillian et Claire les avaient rejoints, le plus discrètement possible. Ils s’écartèrent légèrement pour se partager le buisson, dans l’espoir de ne pas voir Silvester surgir au détour du chemin. Ils allaient devoir être malins pour ne pas se faire repérer. Lorsque Rachel proposa de faire le tour par l’horloge, Gowan hocha la tête. C’était évident.

Sauf que les avis n’étaient pas unanimes : David et Imogen voulaient passer par le pont, ce qui était complètement stupide. Le pont était une longue ligne droite, si un professeur arrivait en face, ils étaient fichus. Par l’horloge, ils avaient plus de possibilités de cachettes et des passages secrets, même si c’était effectivement un peu plus long.

- Rachel a raison, protesta Gowan, on a zéro cachette sur le pont et en plus, les préfets y font souvent une ronde. La tour de l’horloge, on aura le temps de voir venir et se planquer. En plus, on peut atteindre les étages plus facilement !
- En allongeant le chemin, tu multiplies les possibilités de croiser un enseignant et de se faire prendre, contra Henry. Le plan de David et d’Imo est meilleur.
- Mais pas du tout !
- Et bah on se sépare alors, suggéra David. Ceux qui veulent le pont prennent le pont et les autres prennent l’horloge et les heures de colle.
- N’importe quoi, c’est votre idée qui est foireuse. Moi je prends l’horloge et vous allez pleurer quand vous allez tomber sur un prof.
- Rachel, pressa Imogen, viens avec nous.

Contrairement à Andrew, Lisa savait que son idée n’était pas brillante : une course effrénée dans les escaliers qui menaient en haut des gradins n’était pas exactement synonyme de discrétion. Or, le concierge devait être à l’affut du moindre bruit pour se diriger dans la pénombre extérieure. Cependant, elle-même était trop désinhibée pour lui faire remarquer ; elle pesa vaguement les « pour » (c’était une idée amusante et, au regard de l’équilibre actuel d’Andrew, elle avait ses chances de gagner) et les « contre » (il y avait vraiment beaucoup de marches), avant de décider de suivre son ami.

« Tu sais quoi ? » lança-t-elle en posant une main sur son épaule avec un regard de défi. « On va carrément faire ça. »

Parce qu’elle n’était pas fourbe comme une Serpentard, elle ne partit pas brusquement pour le distancer sur les premiers mètres. Ils se mirent tous les deux en position, un pied sur une marche et l’autre derrière.

« T’es prêt ? On part à 3. 1… 2… 3… »

Les deux amis s’élancèrent avec vivacité. Ils parcoururent les premiers mètres au coude à coude, avant qu’Andrew ne distance Louise – bien plus habituée aux grasses matinées qu’aux séances de cardio de bon matin. Mais, alors qu’elle voyait la victoire lui échapper, Andrew tituba. Son déséquilibre le fit ralentir et permit à Louise de le dépasser avec un rire – ou un étranglement ? – satisfait. Elle s’efforça de garder un rythme soutenu alors que le rouge lui montait aux joues et que sa tête lui tournait légèrement. Lorsqu’elle arriva en haut la première, elle ne put pas se réjouir immédiatement – elle était totalement privée d’air ce qui rendait, de fait, sa vie bien difficile. Elle se pencha vers l’avant, le cœur battant à toute allure dans sa poitrine. Note pour plus tard : courir en état d’ivresse était une très mauvaise idée.

Heureusement, l’euphorie de la victoire l’aida à reprendre pied. Elle se redressa finalement, les mains sur les hanches.

« Est-ce que » commença-t-elle avec une voix entrecoupée par sa respiration (bordel, c’était douloureux, l’effort physique) « je viens de rétamer Andrew Dubois en sport ? » Elle adressa un sourire à son ami. « Oh lala, laisse-moi graver ce jour dans ma mémoire, s’il-te-plait. » Elle ferma les yeux, mais dut s’équilibrer en prenant appui contre la rambarde. L’effort qu’elle avait dû fournir lui faisait un peu tourner la tête. « Wow, c’est quand même franchement pas agréable à faire. » fit-elle remarquer. « Dire que certaines personnes se lèvent exprès pour ça. »


Ses amis n’étaient décidemment pas de fins stratèges, décida Rachel en fronçant ses sourcils fins. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’ils étaient profondément stupides (elle avait une certaine mesure, elle, pas comme ces dramaqueen de Gryffondor) mais, si une guerre éclatait, elle ne les choisirait pas pour coordonner les lignes de défense (ou pour une quelconque tâche réellement importante.) Passer par le pont ! Quelle idée absurde, franchement, quand on savait à quel point il était surveillé par les professeurs et les préfets. C’était l’endroit où les couples se retrouvaient la plupart du temps pour se bécoter en relative impunité, dans un décor un peu lugubre que les nombreux placards à balais de l’école. C’était évident qu’ils allaient se faire chopper s’ils passaient par là !

« Non, » refusa Rachel à voix basse lorsqu’Imogen la pressa de venir avec eux « il faut passer par l’horloge je vous dis ! » Puisque ses amis étaient hermétiques aux arguments censés, elle utilisa sa position d’autorité : « Je suis la plus âgée, vous devriez m’écouter. »

-Hein ? réagit David en tournant la tête vers elle, franchement moqueur.
-Je suis la plus sage, insista Rachel en haussant les épaules.
-La plus sénile, surtout. Bon, faîtes ce que vous voulez, tous les deux mais nous, on prend le pont. » chuchota David, en s’attirant les hochements de tête convaincus de la plupart des membres du groupe.

Ils partirent tous en direction du pont, à moitié pliés en deux. Ne restèrent que Rachel et Gowan qui les observèrent s’éloigner dans un silence uniquement troublé par les cris des hiboux.

« Ils vont tellement se faire chopper. » murmura Rachel en secouant la tête, résignée. « Bon, c’est toi et moi maintenant. » Elle lui tendit la main pour qu’il la saisisse. « On y va ? »

La course semblait être à Andrew une très bonne idée. Surtout que ce n’était pas la première fois qu’il montait et redescendait ces marches, c’était l’un de ses exercices favoris pour faire travailler le cardio intensément à son équipe. Deux ou trois remontées, c’était parfait pour se mettre en jambes selon lui (et ses équipiers le détestaient sûrement durant ces moments-là mais c’était pour leur bien). Il vit Louise accepter le challenge avec plaisir, une lueur de défi dans les yeux. Ils se mirent tous les deux en position, un pied sur une marche. Il releva les yeux sur les gradins au dessus d’eux. Le vent de novembre s’engouffrait dans les tentures bleues de Serdaigle, les faisant battre dans le silence de la nuit. Son amie lança le décompte et ils s’élancèrent tous les deux.

Il ne tarda pas à la distancer, escaladant les marches avec vivacité, l’air glacial refroidissant sa peau. Il avait pris une belle avance lorsqu’il sentit l’un de ses pieds rester en arrière. Malheureusement pour lui, ses réflexes ne furent pas suffisants pour le sauver de son niveau d’ébriété. Incapable de rétablir son équilibre, il se vautra lamentablement entre deux marches, se rattrapant tant bien que mal avec ses mains, les jambes emmêlées. Louise en profita pour le dépasser quelques secondes plus tard, en ricanant. Se redressant un peu péniblement, il sentit immédiatement son genou le lancer un peu là où il s’était cogné. C’était le choc, diagnostiqua-t-il avec ses grandes capacités de médicomagie, et ça n’allait pas l’empêcher de gagner. Il se remit à courir, levant cette fois-ci les jambes un peu plus haut afin d’éviter un nouvel accident.

Louise était à quelques marches du haut de la tribune et ne tarda pas à l’atteindre, victorieuse. Il la rattrapa quelques secondes après, pour la trouver complètement rouge et essoufflée, penchée en avant pour tenter de reprendre son air. Elle se redressa, les manches sur les hanches, un sourire sur les lèvres.

- Tu ne m’as pas rétamé en sport, protesta-t-il, plein de mauvaise foi. C’est moi qui me suis rétamé tout seul !

S’il n’était pas tombé, il aurait gagné, il en était persuadé. Mais son amie ne semblait pas l’entendre de cette oreille, puisqu’elle s’empressa de dire qu’elle allait graver ce jour dans sa mémoire.

- En plus, tu es au bord de la crise cardiaque ! (il prenait toujours bien les défaites.)

Sa respiration à lui était un peu plus courte, ses joues rougies par le froid, mais il tenait encore debout (si on lui enlevait l’alcool qu’il avait dans le sang, évidemment.) Loulou, elle, n’avait vraiment pas l’air bien.

- Ça va ? lança-t-il en lui plaçant une main sur l’épaule. Assis-toi, fit-il en désignant le banc le plus haut. Parce que ça ne sera pas très discret de te porter jusqu’au château si tu nous fais un malaise.

Il se laissa tomber à côté d’elle, son regard étant attiré par un bel accroc dans sa manche. Il releva le bras pour contempler la maille rouge abîmée.

- J’ai déchiré mon pull, constata-t-il. Tu penses que Rachel pourra me le réparer ? Leur amie savait parfaitement coudre. Parce que si je demande encore des fringues d’uniforme à ma mère, elle va me tuer...

En croisant le regard de Louise, une pensée naquit dans son esprit et il eut un sourire amusé.

- Ou tu vas me dire de me démerder tout seul comme un grand parce que je n’ai pas à exploiter mes copines comme ça ?

En tout cas, Imogen le lui aurait dit.


 

- Ils sont tellement morts, confirma Gowan en voyant leurs amis s’éloigner.  Il ne va pas falloir qu’ils viennent pleurer quand ils seront collés à récurer des chaudrons.

Il tourna la tête vers Rachel, un peu surpris de voir qu’elle lui tendait la main. Un sourire naquit sur ses lèvres et il haussa les sourcils d’un air entendu avant de la saisir.

- Avoue, lança-t-il. Ça t’arrange un peu qu’ils soient partis de leur côté.

En tout cas, lui, oui.

- Allez, on y va.

Complètement courbés, ils sortirent du buisson où ils étaient dissimulés pour remonter discrètement le long du chemin, se servant de la végétation et des rochers pour remonter. Une lumière aveuglante passa soudain à quelques mètres d’eux et Gowan tira sur le bras de Rachel pour l’entraîner derrière un vieux chêne. Le concierge se tenait sur l’herbe un peu plus loin et inspectait du regard les fourrés.

- Merde...

Monsieur Silvester ne sembla pas les voir puisqu’il se retourna vers le stade de Quidditch, qui était au bout du chemin, en contrebas.

- S’il vient vers nous, on court, murmura Gowan. S’il part vers le stade... On les laisse se débrouiller ou bien on est de bons amis ? Sans attendre la réponse, il ajouta : personnellement, je suis un très mauvais ami.

Lancé de dé: