Marche ou crève [Colette & sélections de l’équipe de Quidditch de Gryffondor]

Il faisait un peu froid ce matin, le parc de Poudlard était plongé dans un léger brouillard alors qu’Andrew se dirigeait vers le terrain de Quidditch. Il avait sa capuche sur la tête, son balai sous le bras, la malle des balles dans les mains et était suivi par une énorme caisse en lévitation. Les essais pour l’équipe de Quidditch de Gryffondor avaient lieu aujourd’hui et ils attendaient une trentaine de participants, selon la fiche d’inscription qui était affichée dans la salle commune. Ils avaient normalement six places à offrir : deux poste de batteur (un titulaire et un de réserve, à voir), un poste de gardien (plutôt de réserve, car Jarod allait sûrement rester titulaire, il avait fait une bonne saison l’année dernière), un attrapeur (plutôt de réserve également car Colère préfèrerait sûrement mourir que de ne pas jouer un match), et deux postes de poursuiveurs (et cette fois-ci, un titulaire et un de réserve, qui avait quoi restant à définir au fil des entraînements.)

Il pénétra dans le stade vide et prit une seconde pour savourer la sensation. Cela lui faisait toujours quelque chose d’être seul au milieu de ce grand espace. Il y avait un peu de vent, rien de bien dangereux mais assez pour pouvoir éprouver la résistance de certains candidats. Il abaissa la malle d’un coup de baguette magique : elle contenait tout son fatras pour organiser ces sélections. Il avait prévu plusieurs types d’exercices et des mini-matches, afin d’être certain de faire le meilleur choix. Il ne cherchait pas les meilleurs joueurs dans chaque catégorie : il cherchait les meilleurs joueurs pour établir ensemble les meilleurs résultats. Une partie relativement importante de l’équipe étant renouvelée, c’était un exercice délicat. 

Pour autant, sa préoccupation était un peu atténuée par son enthousiasme : il était très content de recommencer la saison, sa troisième (et avant-dernière) en tant que Capitaine, de faire les sélections ce matin, de rejouer avec son équipe. Et il était encore très heureux de la nouvelle qui était tombée hier : il allait intégrer le programme sport-études des EDL. Il allait se rendre au club dans les jours à venir pour la première réunion du programme, le premier entraînement. Évidemment, cela allait avoir des conséquences pour l’équipe mais il avait l’intention de leur en parler et de leur assurer son intention à mener les deux de front. Il n’avait pas d’examens décisifs en plus cette année, donc il pouvait lever un peu le pied sur ça (et cela aurait fait hurler sa mère de l’entendre raisonner ainsi. Déjà qu’elle n’était pas ravie de son intégration dans le programme des EDL...)

Après quelques étirements, il ouvrit la malle et attrapa son balai et sa baguette magique. Il commença à faire léviter des cônes pour les installer dans les airs et mettre en place un parcours de maniabilité. Il installa ensuite dans un coin du terrain, près des tribunes de Poufsouffle, des mannequins constitués de sac de sable et de citrouilles en guise de tête. Ils allaient servir à recevoir quelques cognards. Il était en train d’installer une balle de tennis en lévitation vers les tribunes de Serdaigle (cela allait servir pour la vitesse, le premier à l’attraper) quand une silhouette familière pénétra dans le stade. Il inclina son balai pour venir se poser près d’elle, la saluant d’un geste de la main et d’un sourire.

- Salut Lettie, ça va ?  

Sa coéquipière - et capitaine suppléante - avait l’air un peu renfrogné (mais c’était son air habituel. On ne l’appelait pas Colère pour rien.)

- Ça tombe bien que tu sois là tôt, attaqua-t-il, un peu impatient d’en parler. Je voulais discuter d’un truc avec toi, au sujet de l’équipe.

Colette avait quitté son dortoir tôt, ce matin. Elle n’avait jamais été une grande dormeuse et tirait globalement peu de satisfaction à traîner au lit pendant des heures (il fallait qu’elle soit sérieusement malade pour ça). Elle était descendue dans la salle commune en ignorant les grognements d’April, sa camarade de dortoir qu’elle avait réveillé en s’habillant, et y avait retrouvé, sans surprise, son meilleur ami Ajay. Ce dernier était plongé dans un livre épais que Colette avait refermé sans plus de cérémonie lorsqu’elle s’était assise en face de lui. Il avait soupiré en levant les yeux vers elle.

« J’ai faim. » avait-elle décrété. Ajay avait haussé un sourcil. « Tu descends avec moi ? »
« Et si je dis non ? »
« Je vais te casser les couilles jusqu’à ce que tu viennes avec moi. »

Ajay avait secoué la tête et avait fini par se redresser. Il était emmitouflé dans un large pull rouge et on sentait qu’il regrettait un peu de ne pas avoir sorti son écharpe de la même couleur. Ajay avait toujours froid – il trouvait la température « acceptable » lorsqu’elle atteignait vingt-cinq degrés. Colette, au contraire, n’était pas frileuse pour un sou : l’habitude de voler au petit-matin à travers le brouillard et les nuages, probablement. Les deux amis étaient descendus dans la Grande Salle, encore déserte à cette heure-là. Ils s’étaient installés à leur coin habituel, et n’avait pas tardé à être rejoint par Hernando qui portait les couleurs de Poufsouffle, et Donovan, qui dont la cravate verte était déjà nouée autour de son cou. Ils formaient tous les quatre une petite bande soudée depuis leur entrée à l’école, malgré leurs caractères très différents. Hernando et Donovan (Dodo et Do pour les intimes – seulement pour Colette en réalité parce qu’ils détestaient qu’elle les appelle comme ça) étaient déjà plongés dans une discussion lorsqu’ils s’installèrent en face d’eux.

« Vous parlez de quoi ? » les interrogea la jeune fille en se servant un verre de jus d’orange.
« Du remix de la sex-tape de Benson qui tourne sur Snapechat depuis hier. » l’informa Hernando. « Donovan dit que ce sont des gars de Serpentard qui ont lancé le truc. »
« Ouais, Hugh et compagnie, ils s’en vantaient hier soir. » expliqua le jeune homme. « Ils marchaient devant moi quand on rentrait du dîner. »
« Ah. » fit Lettie en fronçant les sourcils. Elle avisa l’assiette d’Ajay. « Tu vas manger ton muffin ? »
« C’est tout ce que ça t’inspire, notre discussion ? » ironisa Hernando. Colette haussa les épaules.
« Ça m’inspire qu’Hugh est beau cognard mais c’est pas un scoop, je vous le dis depuis des mois... »
« Parce qu’il t’a percuté en plein vol et a failli te faire tomber de ton balai… » Colette envoya un regard noir à Donovan, qui hésita entre rire et s’excuser. Elle poursuivit sans le quitter des yeux :
« Et ça m’inspire aussi que j’ai autre chose à faire de ma vie que de parler de la sex-tape de Benson. Et vous aussi. Donc, tu le manges, ce muffin ? »

Ajay la regardait avec un sourire en coin. « Prends-le. » lui dit-il en le désignant du menton. Elle s’en empara et baissait les yeux pour consulter sa montre lorsque la voix de Donovan s’éleva à nouveau :

« Tu nous tiens en trop haute estime Coco. »
« Je sais. » répondit cette dernière en haussant les épaules. « Mais bon, il me reste encore un an avant de pouvoir lâcher la divination et en attendant j’ai besoin que tu me files tes notes alors bon, on fait ce qu’on peut. Bon allez, je vais être en retard, essayez de pas penser avec vos couilles pendant que je suis pas là ! »

Elle se leva sans attendre, s’empara de son balai qu’elle avait posé contre le mur, et s’éloigna à grands pas en direction du parc. Les couloirs du château était encore vide – à cette heure-ci, la plupart des élèves dormaient encore. Il était à peine neuf heures, et les sélections pour l’équipe de Quidditch allaient commencer dans une demi-heure. En tant que capitaine suppléante – oui, c’était son titre et elle l’adorait – Lettie tenait à arriver en avance. Elle savait qu’elle retrouverait Andrew sur le terrain, affairé à tout préparer pour l’arrivée des nouvelles recrues, et elle songeait que ce serait sympa de sa part de lui donner un coup de main. On ne dirait pas comme ça, avec son regard renfrogné et sa fâcheuse habitude à crier sur les autres, mais Lettie était plutôt une fille sympa. Surtout avec Andrew.

En arrivant dans le stade, elle aperçut Andrew, juché sur son balai, qui descendait vers elle. Elle le salua à son tour d’un geste de la main.  

« Salut Andrew, ça va et toi ? »

La suite des paroles de son capitaine lui fit lever les sourcils.

« Au sujet de l’équipe ? » répéta-t-elle. « T’as conscience que si jamais tu me vires de l’équipe ce matin, tu risques pas de sortir de ce stade vivant ? » lui demanda-t-elle, très sérieusement.

C’était de l’humour.

Presque.

- Ça va, répondit-il avec un sourire, de bien bonne humeur.

Il déposa avec soin son balai sur la pelouse, faisant face (à peu près, elle était minuscule cette fille) à sa coéquipière, qui répondait avec le ton solaire et les amabilités qui la caractérisaient toujours. Comme tous les ans, la plupart des postes (sauf le sien) étaient remis en jeu au moment des sélections. C’était souvent une formalité car les anciens joueurs récupéraient leur place dans 95 % des cas. Ils savaient voler ensemble, ils connaissaient les entraînements et surtout, Andrew les connaissait et leur faisait confiance. Il n’y avait bien que le sien qui restait stable (il était capitaine après tout) et celui de Lettie, parce qu’il l’avait décidé. Il avait un peu hésité pendant l’été, pour des questions d’égalité avec les autres joueurs. Mais Lettie était une excellente attrapeuse et aussi, sa suppléante capitaine. C’était lui qui l’avait nommée en début d'année dernière, après une année à jouer ensemble. Ce n’était pas un poste officiel, capitaine suppléante, ça n’existait pas. Mais il aimait bien avoir quelqu’un avec qui échanger sur les entraînements, sur sa manière de diriger l’équipe. Colette n’hésitait jamais à dire quand il se plantait ou qu’une idée était nulle, elle l’aidait à mieux visualiser les erreurs de l’équipe après les matches. Il avait attrapé la grippe à l’hiver dernier et n’avait pas pu voler pendant deux semaines : elle avait pris la main et avait traumatisé l’équipe avec ses entraînements de forcenée. Ils formaient une bonne paire.

- C’est bien pour ça que j’ai déjà prévenu la PM, répondit-il en entrant dans son jeu. Ils t’attendent à l’entrée des vestiaires, fit-il en désignant du doigt un point derrière Lettie.

Il n’était pas assez bête pour prendre le risque de lui annoncer qu’elle était virée alors qu’ils étaient seuls dans un stade désert. Elle l’aurait tué et aurait fait disparaître son corps dans le lac avant que les sélections ne commencent.

- Non, plus sérieusement. Je ne sais pas si tu es déjà au courant ou pas mais... J’ai été sélectionné pour intégrer le programme sport-études des Épouvantards. Il avait eu un sourire en prononçant ces mots. Il était tellement content et il avait tellement hâte. Je n’ai pas l’intention de quitter l’équipe pour autant, prévint-il immédiatement. Mais je ne connais pas encore les dates des entraînements des EDL et il y a forcément des moments où je ne serai pas disponible pour les entraînements d'ici ou la préparation physique ou des trucs comme ça. Et du coup...

Il eut un geste de la main pour la désigner.

- Je voudrais que tu puisses prendre le relai en mon absence, que tu sois capitaine-tout-court dans ces moments-là.

« Je m’enfuirai par le lac. » répondit Lettie en désignant sa future direction d’un geste de la main. « Réfléchis bien avant de parler, Dubois. »

Au fond, Lettie n’était pas vraiment violente. Enfin. Si, elle l’était. Elle élevait souvent la voix, elle avait un regard très noir et elle s’en servait volontiers et, parfois, elle frappait ses coéquipiers lorsqu’elle considérait qu’il agissait comme des crétins. Mais elle n’avait jamais vraiment songé à mettre ses menaces de mort à exécution (bon, sauf une fois quand ce cognard de Jim avait renversé volontairement une bouteille d’encre sur son pull. Là, elle avait imaginé un scénario très détaillé pour mettre fin aux jours de ce mollusque sans cervelle). Mais sinon, ce n’était que des menaces en l’air – même si les élèves les plus jeunes n’avaient pas encore tout-à-fait saisi la nuance. Et puis Andrew ne devait pas être si terrifié que ça puisqu’il l’avait nommé suppléante – ou alors peut-être qu’il essayait d’acheter ses faveurs pour éviter de finir aplati en bas de la tour d’Astronomie, avait argué Hernando lorsqu’il avait appris cette nomination officieuse. Peut-être, mais Colette pensait franchement que c’était parce qu’Andrew reconnaissait à la fois ses talents d’attrapeuse et ses capacités à mener une équipe (même si cette dernière ne s’en sortait pas complètement indemne (en même temps, il fallait bien apprendre la persévérance d’une manière ou d’une autre)). Ils passaient beaucoup de temps à discuter de stratégies tous les deux, à essayer de comprendre quelles seraient les meilleures combinaisons pour décrocher la victoire. Lettie aimait bien ces moments-là. Souvent, elle en oubliait même de râler.

Sinon, elle était ce que son père appelait une « râleuse professionnelle ». Elle râlait surtout sur les autres, parfois sur elle-même (mais elle était plus indulgente envers elle-même) et cela se traduisait aussi dans son caractère un peu explosif, sa mine plutôt renfrognée. Ses parents auraient sûrement préféré avoir une fille comme sa camarade de dortoir, April, le genre à jouer avec ses cheveux en papillonnant des yeux. Colette avait quatre frères, tous plus âgés qu’elle. Elle était la petite dernière de la famille, la petite fille de ses parents. On l’avait appelé Colette parce que la grand-mère de sa mère s’appelait comme ça (c’était la pire idée, si on lui demandait son avis) et que tout le monde disait qu’elle était douce, prévenante, attentive, qu’elle avait toujours un mot gentil à dire à tout le monde… Bref, ses parents avaient voulu avoir Colette-douce et ils avaient eu Colette-Colère. En même temps, il avait fallu survivre à la répression menée savamment par ses grands-frères depuis sa naissance et encore aujourd’hui (si ses parents en avaient tenu compte, peut-être aurait-elle eu le prénom d’une guerrière viking).

« Non, c’est vrai ?? » réagit-elle aux mots d’Andrew, en levant la tête vers lui. Comme il poursuivait dans lui laisser le temps de répondre, elle garda son sérieux et écouta ce qu’il avait à dire, en hochant la tête.

Le programme Sport-Etudes des Epouvantards… Un rêve. Un rêve pour Andrew, et un rêve pour Lettie, auquel elle n’avait pas pu postuler parce que ses parents s’y étaient opposés. « Passe tes BUSE d’abord » avait conclu sa mère à sa longue tirade qui visait à les convaincre. Et Colette avait eu beau protester, tempêter, bouder, ne pas décrocher un mot pendant des jours, ses parents n’étaient pas revenus sur cette décision (stupide). En tout cas, elle entendait bien les prendre au mot et postuler pour l’année prochaine.

« Alors, attends, attends, plusieurs choses. » fit Lettie en levant la main comme pour empêcher Andrew d’aller plus loin déjà. « Déjà… Bravo ? » Un vrai sourire vint éclairer son visage. « C’est trop bien Andrew, tu dois être trop content ! Et c’est clairement mérité en plus. » Andrew était objectivement un excellent joueur. « Bon, y a intérêt à ce que ça te serve aussi à nous faire rafler la coupe cette année hein. » le prévint-elle en haussant les sourcils. « Et j’accepte évidemment d’être capitaine » il avait dit « quand je ne serais pas là » mais elle fit exprès de ne pas relever cette partie-là de son discours « si tu m’autorises au moins dix pourcent de perte sur l'équipe, sinon je ne pourrais jamais mettre en place mes entraînements. »

Andrew secoua la tête d’un air amusé lorsque Lettie déclara qu’elle s’enfuirait par le lac. Évidemment elle avait toujours réponse à tout. Heureusement, il n’avait pas véritablement l’intention de la défaire de son poste d’attrapeuse ou de capitaine suppléante cette année, bien au contraire. Avec son entrée chez les Epouvantard, il aurait d’autant plus besoin d’elle. Ce fut d’ailleurs ce qui’l avait l’intention de lui expliquer ce matin. Il hocha la tête avec un sourire pour confirmer la véracité de ses propos, véritablement enthousiasme à l’idée de cette opportunité qui s’ouvrait devant lui. Il savait d’ailleurs que Lettie aurait aimé y participer et, en soi, il avait été content de ne pas être en concurrence avec elle. Évidemment, ils jouaient sur des postes différents mais ils formaient une équipe. Il n’avait pas envie de nuire à cela en instaurant une complétion au sein même des Gryffondor.

- Merci, dit-il avec enthousiasme. Ouais, je suis refait je t’avoue... Je l’ai pas trop dit avant, mais si je peux être honnête avec toi, ç’aurait vraiment été une claque de ne pas être admis. Nina Thorpe a dit que ça ne remettait en rien nos compétences, tout ça, mais c’est quand même une équipe pro qui te dit « merci non merci » alors que tu t’entraînes pour ça, que tu vis pour ça même, depuis des années.

Il se sentait désolé pour ses camarades recalés. Pas au point de leur céder sa place, bien évidemment, mais il imaginait leur déception et la remise en question qu’ils devaient traverser. Quand Lettie lança que son admission chez les EDL avait intérêt à leur faire remporter la Coupe, il eut un rire.

- Hé, c’est pas moi l’attrapeuse qui met fin au match hein. Mais ouais, j’aimerais bien aussi. Mon père ne l’a gagnée qu’une fois tu sais, en septième année. Si je la gagne une nouvelle fois, je bats son record et franchement ? Je veux ça.

Narguer son père ? Non, pas son genre.

- Quand je ne suis pas là, répéta-t-il d’un ton entendu. Hé, il tenait quand même à son insigne. Et je te laisse sélectionner des tributs à sacrifier tout à l’heure dans ce cas, mais je tiens à mes titulaires.

Colette avait des méthodes plus brutales que les siennes - et pourtant, il considérait qu’il y allait déjà plutôt fort.

- Bon évidemment, reprit-il en mettant sa main au dessus de son balai pour que celui-ci y bondisse, j’ai l’intention de rater le moins de séances possibles mais je ne vais pas commencer à négocier avec les EDL avant même d’avoir mis un pied dans le stade. Donc tu devras attendre que je sois diplômé avant d’être seule capitaine à bord ! 

Le Quidditch, c’était toute la vie d’Andrew, Lettie le savait bien. C’était le sujet sur lequel il pouvait argumenter pendant des heures, celui sur lequel il était incollable, celui qui le passionnait véritablement. Il avait eu la chance de grandir dans une famille où une telle passion était communément acceptée, encouragée – du moins, elle ne l’imaginait pas autrement vu que son père avait fait une longue et brillante carrière chez Flaquemare. Chez elle, on ne lui tenait pas exactement le même discours. Ses parents ne lui avaient jamais interdit de jouer Quidditch, c’était même une petite fierté pour eux qu’elle occupe le poste d’attrapeuse dans l’équipe de sa maison mais… Mais on ne parlait pas du Quidditch comme d’une carrière véritablement sérieuse, qui pouvait se concevoir sur le long-terme. C’était un passe-temps, un hobby, mais ils lui intimaient surtout de se concentrer sur les « vraies matières ». Ce discours mettait Lettie hors d’elle, évidemment, et elle n’hésitait pas à le faire remarquer à l’intégralité de son entourage. Elle avait cassé les oreilles de ses frères et de ses parents pendant les vacances d’été, et comptait réitérer l’expérience à noël : elle sentait qu’elle parviendrait à les faire céder à l’usure.

Andrew avait eu la chance d’avoir pu postuler au programme sport-étude et son talent avait fait le reste – même si Lettie ne le dirait jamais de cette manière-là, il s’agissait d’un compliment bien trop direct pour qu’elle puisse le formuler ainsi. Elle se contenta d’hocher la tête lorsqu’il lui confia qu’il aurait mal vécu d’être refusé par la recruteuse de l’équipe. Sans blague ! N’importe qui aurait été carrément démoralisé, autant arrêter le Quidditch et aller faire pousser des fleurs au bord de la mer.

« Oh c’est vrai j’avais oublié que tous les enjeux reposent sur moi, comme toujours. » fit-elle en soufflant lorsqu’il mentionna sa position d’attrapeuse. « Moi j’ai pour ambition de la gagner chaque année jusqu’à mon départ de Poudlard, ton père n’aura qu’à bien se tenir. »

Surtout qu’ils avaient objectivement une excellente équipe – surtout depuis qu’elle aidait Andrew avec les sélections (comme elle criait beaucoup, elle faisait partir les plus faibles immédiatement).

« Oui, oui » lança-t-elle avec un petit geste de la main quand il répéta qu’elle ne bénéficierait de cette position que lorsqu’il ne serait pas là. Son commentaire lui tira un petit rire. « Allez, deal pour les suppléants, je vais sélectionner mes victimes avec soin. »

Elle consulta d’ailleurs sa montre, curieuse de savoir à partir de quand les premiers candidats arriveraient sur le terrain. Andrew avait dit 9h30, mais il y avait toujours des élèves qui arrivaient beaucoup plus tôt (les fayots, souvent, ou alors les premières années qui ne savaient pas encore tenir sur un balai).

« Mhh, » fit Lettie en positionnant son balai à la verticale. Le manche en bois vibra dans le creux de sa main. « ça dépend, si je commence à prendre un peu trop goût au statut, tu peux te réveiller au fond du lac un beau matin. Enfin, ne pas te réveiller, du coup. » Elle haussa les épaules avec fatalisme, mais sans se départir de son regard très sérieux. Elle changea simplement de sujet pour désigner les mannequins dans un coin du stade. « T’as besoin d’aide pour installer autre chose ou t’as terminé ? »

Andrew eut un sourire en coin et secoua légèrement la tête lorsque Colette fit mine de s’étonner que tous les espoirs reposent sur elle, en tant qu’attrapeuse. Elle leur faisait régulièrement le coup de la fausse modestie. En soi, toute la partie n’était pas sur ses épaules : on pouvait remporter un match sans attraper le Vif d’or. Mais il est vrai que l’apport des cent cinquante points faisait souvent basculer une partie et c’est bien pour cela que les attrapeurs étaient souvent la cible des cognards (il ne s’en privait pas lui-même.)

- Ah bah si on pouvait éviter de se faire battre par Poufsouffle deux années d’affilées, ça serait bien oui.

Il n’avait rien contre Poufsouffle. Il avait de très bons amis Poufsouffle. Il était à moitié Poufsouffle lui-même, du côté de sa mère. Mais malgré cela, il avait été un peu vexé de ne pas remporter la Coupe l’année dernière, alors qu’il avait réussi à la décrocher lors de sa quatrième année. De plus, les Poufsouffle multipliaient les titres ces dernières années : leurs victoires s’étaient enchaînées sous la conduite de Nora Weaver. Son départ leur avait coûté la compétition il y a deux ans (au profit de Gryffondor, donc) mais ils étaient revenus en force l’année dernière. Andrew n’avait pas vraiment l’intention de les laisser tenter un nouveau doublé.

Les sélections d’aujourd’hui étaient décisives puisqu’ils allaient remplacer une part importante de l’équipe, aussi Coco et lui n’avaient pas d’intérêt à se rater. Il était content qu’ils puissent faire cela tous les deux : c’était important d’avoir du recul sur les joueurs qui postulaient. Il fallait qu’ils soient bons, évidemment, mais surtout qu’ils puissent s’intégrer harmonieusement à l’équipe. Pour être tout à fait honnête, il était un peu inquiet de devoir remplacer Damon Drop en tant que batteur. Ils avaient formé un duo qui marchait plutôt bien ces dernières années, même s’ils pouvaient avoir des styles différents en jeu. Avoir quelqu’un de nouveau, c’était prendre le risque de former une paire qui ne fonctionnait pas bien : pour des batteurs, c’était problématique. Beaucoup de pression reposait donc sur leurs épaules aujourd’hui, surtout s’ils devaient trouver des élèves qui résistaient aux entraînements très vifs dispensés par Colère, ainsi qu’à ses mots doux.

- Je trouve que tu me menaces beaucoup de mort ce matin, Lettie. Je vais finir par le prendre personnellement, tu sais, fit Andrew avec un air faussement concerné.

Il enfourcha son balai et donna une légère impulsion du pied pour s’élever, réajustant ses gants.

- Méfie-toi parce que tu seras la première suspecte s’il m’arrive quelque chose pendant un match. On saura que tu as trafiqué mon balai pour me voler mon badge.

Un scénario digne des grands feuilletons de l’après-midi de la RITM, que sa grand-mère adorait écouter (ou plutôt, qui la berçaient pendant sa sieste.) Quand sa capitaine suppléante (qui causerait visiblement sa perte) l’interrogea sur les installations, il secoua la tête.

- Non, tout est bon. J’ai fait un parcours de maniabilité, un peu moins casse-gueule que l’année dernière parce qu’on veut éviter de reproduire l’accident Hopkins… (double fracture tibia-péroné ; léger traumatisme crânien et poignet gauche cassé.) Je me dis qu’on aura l’occasion de tester nos derniers candidats lors des mini-matches. Pour les mannequins à frapper, je ne suis pas super satisfait, j’arrive pas à les ensorceler correctement donc ils bougent de manière cheloue, ça sert à rien. On va les entraîner sur du fixe et puis lors des matches, je les verrai en mouvement.

Il termina de faire le tour du stade du regard. Au loin, il commençait à entendre quelques éclats de voix, signe que les premiers participants arrivaient.

- Tu veux qu’on se fasse quelques passes pour s’échauffer ? Voir si tu ne t’es pas empâtée pendant l’été ? ajouta-t-il avec un sourire malicieux, élevant un peu son balai pour s’éloigner d’elle après cette remarque.

Hé, courageux mais pas stupide.

« Je n’irai pas jusqu’à dire « beaucoup », Andrew, t’exagères. » rétorqua Colette lorsque son coéquipier lui fit remarquer qu’elle était particulièrement menaçante ce matin. « Tu sais, moi, mon rôle, en tant que capitaine suppléante, c’est aussi de m’assurer aussi que tu ne prends pas la grosse tête et te faire redescendre un peu sur terre. Et bon, déjà ce n’était pas une tâche aisée mais maintenant que tu as été recruté chez les EDL ? Je vais devoir doubler mes efforts. » affirma-t-elle, très sérieuse. « Ne me remercie pas, je le fais avant tout pour l’équipe. »

Et parce qu’elle aimait bien charrier Andrew, elle l’admettait. C’était comme ça que fonctionnait leur relation depuis qu’ils se connaissaient ; c’était un peu leur terrain de jeu aussi. Colette n’était jamais vraiment sérieuse – mais son regard était tellement noir qu’on pouvait légitimement se poser la question – parce qu’au fond, elle appréciait Andrew et elle regretterait évidemment de le voir partir à la fin de sa septième année (même si elle était presque certaine de récupérer son poste, ce qui était satisfaisant.) Alors, elle ne comptait pas vraiment accélérer son départ par une quelconque manigance. Mais elle aimait bien entretenir cette idée (cela faisait partie de son aura).

« Tu le sauras » répliqua alors Lettie en haussant les épaules, « mais comme tu ne seras plus là pour le dire… »

Elle s’envola à son tour, s’élevant à quelques centimètres du sol. Voler était ce qu’elle préférait et elle retrouva immédiatement les sensations avec plaisir. Elle balaya le terrain du regard en interrogeant Andrew, et écouta sa réponse, les mains posées sur ses hanches, comme pour évaluer la situation. C’est vrai que l’année dernière, ils avaient connu un léger accident (mais bon, personne n’était mort et la magie faisait des miracles), ce qui avait visiblement poussé Andrew à alléger un peu le parcours de maniabilité.

« Ça roule. » répondit Colette. Elle proposa cependant : « Tu veux pas les faire voler au-dessus du lac pour commencer ? Ça découragera peut-être les premières et deuxièmes années qui ne savent pas voler de se mettre dans le processus des sélections. » Personne n’avait vraiment envie de finir au fond du lac et de devoir gagner la rive à la nage dans la vase et les algues.

Quant à ceux qui tenteraient l’expérience malgré tout… Eh bien, une petite baignade n’avait jamais tué personne, si ? Au moins, l’eau amortirait la chute.

« Empâtée ? » reprit Colette, outrée par le sous-entendu d’Andrew. Ce dernier – pas fou – s’était déjà éloigné de plusieurs mètres. Elle lui lança un regard noir. « Vas-y, lance, on va voir qui s’est empâté. Avec ton grand corps là. »

Elle réceptionna la balle sans mal, et la renvoya à son coéquipier. Ils échangèrent des passes pendant quelques minutes, le temps que le terrain se remplisse des participants. Quelques élèves s’étaient également installés dans les gradins pour suivre les sélections. Andrew et Colette finirent par redescendre et se posèrent face au petit attroupement. Les élèves, visiblement occupés à discuter entre eux, ne remarquèrent pas tous leur arrivée. Beaucoup poursuivirent leur discussion.

« PARDON mais vous êtes pas au club potins et petits fours en fait ? » les interpella Colette en élevant la voix. « Si vous voulez piailler toute la matinée vous pouvez aller au club théâtre. »

Elle n’avait rien contre le club théâtre. Elle avait même des amis au club théâtre. Mais là, c’était sérieux.

Andrew fit une moue peu convaincue lorsque Colette affirma qu’elle ne le menaçait pas « beaucoup » de mort. Au mois cinq fois, ce qui était déjà un peu trop à son goût avant dix heures du matin. En réalité, il la charriait : il savait très bien qu’elle n’avait rien contre lui et n’avait pas l’intention de lui faire du mal. Ou en tout cas, il l’espérait. Il allait peut-être laisser une lettre dans son dortoir « En cas de disparition suspecte : Colette « Colère » Anderson. » Histoire de. Quand elle affirma que c’était son rôle de le faire redescendre sur terre, surtout maintenant qu’il avait été recruté chez les EDL, il eut un grand rire. Pas peu fier, il haussa les épaules.

- C’est vrai que tu parles à un joueur semi-professionnel maintenant. T’inquiète pas va, je te réserverai un autographe.

Évidemment qu’il était fier et content, c’était une vraie reconnaissance de la part des EDL. Il avait échangé longuement avec son père à ce sujet hier soir, après avoir quitté la salle des Quatre Maisons. Olivier n’était pas très expansif mais il avait senti au ton de sa voix qu’il était aussi très fier. Sa mère aussi, mais elle était un peu plus inquiète : elle avait peur qu’il délaisse ses études alors qu’elle souhaitait qu’il obtienne de bons résultats à ses ASPICS. Elle lui avait déjà dit qu’il était hors de question qu’il arrête à la fin de la sixième année, peu importe ce que proposaient les Épouvantards. Elle n’avait de cesse de lui répéter qu’il était certes un bon joueur mais qu’une carrière sportive était aléatoire, un pari incertain. « Tu n’es pas ton père, Andrew » était sûrement sa phrase favorite. Et c’était vrai : il n’était pas sûr d’avoir sa carrière. Mais il lui semblait que cette sélection était la preuve qu’il n’était pas complètement naïf, il avait un peu de potentiel. Alors il allait continuer de s’entraîner, plus dur encore, continuer de s’investir et espérer que ça continue de payer.

De toute façon, même s’il s’abstenait bien de le dire à sa mère, il n’avait aucune idée de ce qu’il pourrait faire de sa vie s’il ne pouvait pas réussir dans le Quidditch. Il n’était pas un élève complètement catastrophique mais on ne pouvait pas dire non plus qu’il était remarqué pour ses performances scolaires. Et surtout, il n’avait rien envie de rien d’autre. Il ne se voyait pas dans un travail de bureau ou bien un commerce ou il ne savait pas quoi. Il avait envie de voler tous les jours, de s’entraîner, de vivre cette adrénaline procurée par les matches. Le Quidditch était le seul avenir qu’il envisageait et qu’il voulait envisager. Sa sélection n’avait pas fait que confirmer cela. Cette année s’annonçait prometteuse, il avait hâte d’intégrer les EDL pour commencer à évoluer dans ce monde. Et avec un peu de chance (et beaucoup d’entraînements), il pourrait même cumuler cela avec une victoire de Gryffondor à la Coupe de Quidditch, songea-t-il en ouvrant la boite des balles d’un coup de baguette pour en libérer le souafle.

- Tu vois, qu’est-ce que je disais ? Encore une menace de mort, répondit-il à Lettie. Où est passé le respect qu’on doit à son capitaine, hein ? 

En tout cas, Colette comptait visiblement défouler ses pulsions meurtrières sur les prétendants aux postes qu’ils offraient. Elle suggéra de faire commencer tout le monde par un vol au dessus du lac, histoire de décourager les plus vulnérables. Il secoua la tête.

- Non, parce que tu imagines si un tombe et manque de se noyer ? Le professeur Forbes me tuerait. Quoi qu’on en pense, il avait bien écouté les consignes sur la sécurité et la responsabilité qui étaient délivrées aux capitaines lorsqu’ils recevaient leurs badges. Tu sais, on parle de Gryffondors hein, ça ne m’étonnerait pas que des gamins qui ne savent pas voler tentent quand même l’épreuve du lac pour prouver quelque chose.

Il laissait le soin à Colette d’assumer ses morts lorsqu’elle serait capitaine un jour, après son départ (ou son assassinat dans un mystérieux accident de balai.) Cette dernière théorie devint d’ailleurs plus concrète lorsqu’il osa prononcer le mot « empâtée » à son égard, ce qui la fit immédiatement réagir. Il eut un grand sourire amusé et lui lança le souafle avec force, qu’elle réceptionna sans difficulté. Ils échangèrent quelques passes pendant plusieurs minutes, Andrew se permettant de prendre un peu de vitesse, laissant le vent siffler à ses oreilles, retrouvant sans difficulté ses marques sur le terrain familier. Dans le même temps, un petit attroupement de candidats s’était formé, tandis que les gradins s’étaient remplis ici et là de spectateurs. Les petits bavardages furent bien vite coupés par Colette, avec sa délicatesse habituelle. Un silence un peu embarrassé s’installa face à eux et Andrew en profita pour prendre la parole d’une voix forte.

- Merci à tous d’être venus ce matin, ça fait plaisir de voir autant de candidats. Vous l’avez vu sur la fiche d’inscription, nous avons plusieurs postes ouverts : deux batteurs, un gardien, un attrapeur et deux poursuiveurs.

Il vit Jarod, le gardien actuel, se redresser un peu plus dans la foule, semblant défier quiconque voudrait s’en prendre à sa place. Andrew ne comptait pas forcément le remplacer, à moins qu’un petit génie des buts se présente, son camarade était donc à peu près assuré de conserver son poste de titulaire, tout comme Lettie ou bien Clara et George, qui étaient poursuiveurs l’année dernière. Il connaissait son équipe, il savait qu’ils jouaient bien ensemble et il n’avait pas l’intention de tout bouleverser : la plupart des postes seraient de réserve. Il entreprit donc de présenter les différentes zones d’exercices, entre lesquelles Lettie et lui allaient naviguer pour observer les candidats. Une fois une short-liste définie, ils allaient lancer des mini-matches pour les voir en condition plus réelles.

- Des questions ? Non ? Lettie, tu veux ajouter quelque chose... ? Bon bah écoutez c’est parti, on va commencer par un échauffement classique.

Une trentaine de candidats s’élevèrent dans les airs dans un léger brouhaha, sauf trois jeunes élèves qui ne parvinrent pas à décoller, leur balai restant obstinément sur le sol. Andrew les invita à faire quelques tours de stade, ce qui lui permit d’identifier très vite que cela n’allait pas le faire pour certains : ils étaient cramponnés, tendus, les épaules crispées et la trajectoire instable. Une jeune fille rousse manqua de s’emplafonner dans l’un des anneaux de but et Andrew porta son sifflet à ses lèvres pour lui faire signe de descendre. Pas la peine de continuer plus loin.

Une dizaine de minutes plus tard, tout le monde était réparti sur les ateliers, que Lettie et lui surveillaient avec attention, surtout celui avec les cognards (même si Andrew, pas fou, avait pour l’instant uniquement enchanté des cognards d’entraînement.) Un quatrième année dont il ignorait le nom avait une bonne frappe et une puissance tout à fait honorable pour quelqu’un de son âge.

- Wo, attention, fit-il néanmoins en plongeant vers lui lorsqu’un deuxième année manqua de s’auto-assommer avec sa batte.

Ce dernier avait les joues rouges et était visiblement épuisé.

- Est-ce que je peux arrêter ? demanda-t-il, un main cramponnée à son balai.
- Oui, bien sûr...

Le gamin eut l’air soulagé et descendit dans un piquet approximatif, manquant à moitié de s’écraser sur le sol. Un peu interloqué, tout en étant amusé, Andrew le regarda rejoindre ses copains en courant. Bizarre. Un signe de la main dans les gradins de Gryffondor lui fit lever la tête : Gowan était là, bien emmitouflé dans son manteau. La plupart des candidats batteurs se débrouillaient correctement aussi prit-il le risque de les abandonner quelques minutes pour se rapprocher de son meilleur ami, qui se leva pour s’approcher de la balustrade.

- T’as de sacrés cas cette année, fit-il en s’accoudant sur cette dernière.
- Pas plus que d’habitude, t’en as toujours qui ne viennent pas sérieusement. T’es levé tôt toi, t’es malade ?
- Ouais, j’arrivais pas à dormir. Il était effectivement plus cerné que d’habitude. D’un geste de la main, il désigna Colette, en vol stationnaire près des prétendants poursuiveurs qui se relayaient autour des buts, avec Jarod en gardien. Ce dernier plongea pour faire un splendide arrêt du bout de son gant. T’as filé un sifflet à Coco ? Tu joues dangereusement, tu ne sais pas le pouvoir que ça lui donne.

Cette dernière semblait effectivement s’en servir avec intensité, dans des sifflements stridents pour éliminer certains candidats (ou juste leur crier dessus.) Andrew eut un sourire en contemplant quelques secondes sa co-capitaine.

- Ouais, mais regarde comme elle le fait bien. Je crois que Jessica Bradley va pleurer.

Cette dernière avait manqué de percuter Colette en se précipitant pour récupérer le souafle que Clara venait de lâcher. Gowan eut un ricanement.

- Allez, à plus tard, fit Andrew en s’éloignant pour rejoindre de nouveau ses prétendants batteurs.

Son meilleur ami hocha la tête et recula pour se laisser tomber sur un banc. Quant à lui, il avait pris une première décision. Il sélectionna le quatrième année, une fille de septième dont il avait oublié le prénom et Scott Bradley, le frère jumeau de Jessica, en cinquième année, ainsi que Harry Adkins, aussi en cinquième, disqualifiant les autres candidats.

- Je vais faire deux paires, Harry et - excuse-moi, comment tu t’appelles déjà ? - Hope, d’accord, contre Scott et... Michael, noté.  Un cognard pour le moment, vous tentez quelques passes d’armes, je reviens. On ne vise pas la tête pour le moment, merci !

Laissant ses binômes se mettre en place, il fit filer son balai vers Colette, au moment où George marquait contre Jarod.

- Alors, comment ça se passe ? Jessica est encore entière ?

Cette dernière voletait un peu plus bas, étirant sa nuque endolorie.

Colette n’hésitait pas à se servir du sifflet qu’elle tenait précieusement entre ses deux doigts. En vol stationnaire près des buts, elle observait les prétendants au poste de poursuiveur se faire des passes – enfin, essayer de se faire des passes car, concrètement, le souafle manquait de tomber toutes les cinq secondes.

« JESSICA » l’interpella-t-elle (peut-être pour la troisième fois), « redresse-toi sinon ton balai va forcément piquer vers le sol ! » La jeune fille marmonna quelque chose que Lettie fit semblant de ne pas entendre et renvoya la balle à Clara, qui lui envoya un regard compatissant.

Oh ça va, songea Colette en reprenant sa position initiale, elle n’allait pas non plus se mettre à pleurer parce qu’elle corrigeait sa position. Il fallait s’endurcir un peu, par Merlin ! Comment comptait-elle résister à la pression des matchs si elle était incapable de prendre sur elle ?

Peut-être que si Lettie avait été un peu plus empathique, elle aurait pu admettre que son ton n’était pas très pédagogue et que la façon dont elle sifflait – de manière répétée – n’était sûrement pas le meilleur moyen de mettre les recrues à l’aise.

Soit.

Mais Colette n’était pas vraiment connue pour son empathie ou sa compassion – sorry not sorry, elle avait été répartie à Gryffondor bon sang, pas chez les Poufsouffle. Elle était plutôt du style « marche ou crève » que « veux-tu qu’on reparle du moment où j’ai froissé ton ego en parlant un peu trop brusquement ? » C’était à prendre ou à laisser.

Assurément, Colette n’avait pas les qualités humaines les plus développées, mais elle était très bonne attrapeuse et fine stratège. Son poste lui permettait d’avoir une vision assez globale du jeu, et elle l’étudiait bien. C’était d’ailleurs pour cela – selon elle – qu’Andrew l’avait nommé co-capitaine : elle était en capacité de l’aider à analyser le jeu de leurs adversaires et le leur. En revanche, pour l’instant, il valait mieux ne pas lui confier les discours d’encouragement pour remonter le moral des troupes (mais Andrew s’en chargeait très bien).

« JESSICA ! » s’exclama-t-elle – encore – lorsque sa camarade manqua de lui rentrer dedans pour réceptionner le souafle que Clara venait de lâcher – à cause de la collision, elle le manqua également. Colette fit un écart et plongea pour le récupérer.
« Quoi, encore ? » répondit cette dernière avec un air un peu contrarié.
« Le souafle doit rester dans tes mains ! » lança Lettie avec le ton de celle qui explique à un enfant de trois ans qu’il ne doit pas mettre de la terre dans sa bouche.
« La passe de Clara était foireuse. » maugréa-t-elle.
« Et alors ? Je te parle pas des passes de Clara là. » Lettie souffla, agacée. « Bon allez, recommencez l’exercice. »
« Encore ? » demanda ladite Clara, essoufflée.
« Eh ouais, encore, si vous aviez envie de glander ce matin, c’était pas vraiment l’endroit. » lâcha-t-elle un peu brusquement en s’éloignant.

Les deux filles échangèrent un regard (que Lettie ne préféra pas interpréter) et se remirent à jouer mollement. Lettie fit voler son balai jusqu’à un autre groupe (George et Jarod, qui jouaient contre Angelina et Joseph), et croisa les bras sur sa poitrine pour les observer, le visage fermé par la concentration. Elle ne se dérida que lorsqu’Andrew la rejoignit.

« A peu près. » répondit-elle en cherchant des yeux sa camarade. « Je pense qu’elle va arrêter après cet exercice. » prédit-elle en avisant ses traits tirés par la fatigue. « Et si je dis encore une fois son nom, elle pleure. » Ce qui n’était pas son but – elle n’était pas sadique au moins d’aimer faire pleurer les gens, mais elle trouvait cependant que c’était une réaction un peu disproportionnée. « Angelina joue bien par contre. » fit-elle remarquer. « Elle est agile. » Elle observa les batteurs, un peu plus loin, avant d’interroger Andrew : « Ca donne quoi du côté des batteurs ? Il y a de bons éléments ? »

En vol stationnaire près de Colette, Andrew observa quelques secondes Jessica qui enchaînait les passes avec Clara. Cette dernière, qu’il savait capable de très belles performances pendant un match, réservait à son amie (il les avait déjà vues traîner ensemble dans le parc) des coups plutôt faciles. Au niveau des lancers, Jessica ne s’en sortait pas trop mal, elle visait plutôt bien, parvenait à rester relativement stable sur son balai. Les réceptions étaient plus problématiques, elle semblait vite paniquer, faisait des mouvements précipités qui auraient pu la faire vite tomber de son balai. Les hurlements et sifflements réguliers de Lettie n’avaient pas dû aider à apaiser son état de nervosité. Si elle n’arrêtait pas après cet exercice, comme le prophétisait sa co(co)-capitaine, Andrew la ferait cesser : elle n’était pas prête pour l’équipe, pas cette année du moins. Il y avait des candidats plus prometteurs, comme Angelina effectivement.

- Elle n’a pas de mauvaises bases, relativisa Andrew en quittant Jessica du regard, se tournant vers Colette. Mais effectivement, pour le moment ça ne le fait pas. C’est moi qui lui dirai, pas la peine que tu la fasses pleurer, glissa-t-il avec un sourire en coin. Après elle passait encore pour la méchante. Il hocha la tête à la mention d’Angelina, qui échangeait un peu plus bas avec un autre groupe. Elle a un jeu fluide, ouais, elle n’hésite pas à plonger non plus.

Il l’avait vue faire un piqué tout à l’heure, presque au ras du sol, pour rattraper le souaffle. Quand Coco mentionna les batteurs, il se retourna vers le petit groupe qu’il avait abandonné, mettant sa  main en visière pour se protéger du soleil en face. Scott, le frère de Jessica, venait d’envoyer un petit boulet de canon contre Hope, qui fit une roulade du paresseux pour l’éviter.

- Ils sont pas mal du tout. Après j’attends de voir en match et j’attends aussi de jouer avec eux...  

Il allait devoir retrouver un binôme pour remplacer Damon et cela le tracassait un peu. Il jouait bien avec son ancien camarade, ils étaient dans une dynamique relativement similaire sur un balai. Damon avait un jeu assez audacieux, beaucoup de force, quelque chose d’assez instinctif qui marchait bien avec lui, qui était plus technique, plus dans la lecture de ce qui se passait pendant la partie. En voyant Jessica lâcher le souaffle que Clara venait presque de lui lancer dans les mains, Andrew porta rapidement son sifflet à ses lèvres pour interrompre l’échange. Il fit un signe de la main à sa camarade, qui se rapprocha d’eux avec un air un peu penaud.

- Jessica... commença Andrew. Il fut interrompu par cette dernière avant même d’avoir pu placer un mot de plus.
- C’est Anderson qui m’a déstabilisée avec son sifflet à la con-là !

Il secoua la tête. Bon, Coco était certes une enthousiaste du sifflet mais ce n’était pas une excuse (bien qu’il ne puisse pas blâmer Jessica pour sa mauvaise foi toute Gryffondoresque.)

- En dehors de ça, tu n’es pas assez stable sur tes appuis à la réception, Clara te donne des passes, littéralement, et tu manques de glisser quand même, tu ne gardes pas le souaffle du tout. Pendant un match, ça serait impossible, avec la vitesse, les cognards et les chocs des autres joueurs...
- Mais... Elle lança un regard sombre à Colette, comme si c’était elle qui était responsable de son éviction.
- Mais t’as des bases, donc continue de t’entraîner et on sait jamais l’année prochaine.

Cette fois-ci, ce fut Andrew qui eut le droit à son regard sombre avant que la joueuse ne daigne redescendre, inclinant son balai en direction du sol.

- Tu devrais garder un oeil ouvert pour les nuits à venir, je pense qu’elle va être tentée de t’étouffer dans ton sommeil.

Les deux filles étaient de la même année. Sifflant une nouvelle fois, plus fort, il fit signe à tous les prétendants d’approcher. Tout le monde s’était échauffé, ils avaient écrémé une première fois... Il était temps de passer à la partie révélatrice : un mini-match.

- Ok tout le monde, on va passer aux choses sérieuses, lança-t-il d’une voix forte en frappant dans ses mains. Jarod, buts sud, Ava, buts nords. Henley, tu vas jouer poursuiveur pour le moment, je te ferai passer sur un but à un moment. On va avoir les chasubles et les sans-maillots, y’en a dans les malles en bas, vous vous servez. Ça va donner, pour les chasubles, en poursuiveurs, George, Lisa et Angelina, Harry et... Michael, oui pardon, batteurs, Clara, Joseph, Henley sans maillots poursuiveurs, Scott et Hope à la frappe. Les autres, pour l’instant, vous vous mettez en retrait, on va tourner vous en faites pas. Les attrapeurs, je vais libérer le Vif. Des questions ? Non ? Et bah on y va.

Les prétendants plongèrent vers les malles ouvertes dans un joyeux brouhaha. Andrew retint Colette par le bras avant qu’elle ne fasse de même.

- Laisse une chance aux autres attrapeurs s’il te plaît, il faut qu’on te trouve un suppléant, d’accord ?

Il la prévenait parce qu’il savait qu’elle ne manquait jamais une occasion d’épater la galerie, elle aimait bien faire son petit effet. Une fois ceci réglé, il descendit lui-même pour s’approcher de la malle de balles, qui semblait déjà s’agiter comme si les cognards pressentaient leur libération. Il déverrouilla les loquets alors que les joueurs se mettaient en place au centre du stade. Enfilant ses gants, il ouvrit la cache du Vif pour le laisser s’envoler dans un battement d’ailes si rapide qu’il en fut presque imperceptible. Il cala le souaffle sous son bras avant de lâcher les cognards d’un coup de baguette. Ces derniers prirent immédiatement de l’altitude. Remontant sur son balai, il se positionna en bas du cercle de joueurs.

- Chasubles, buts sud, sans maillots, buts nord. On va jouer quinze minutes. Bonne chance !

Et il lança le souaffle en l'air.

En vol stationnaire, Colette observa Andrew se diriger vers Jessica et Clara pour mettre fin à l'essai de la première. Sans surprise, elle s'en offusqua, blâmant Lettie pour son échec. A l'entente de cette remarque, la jeune fille haussa les sourcils d'un air dubitatif. Ce n'était tout de même pas sa faute si Jessica ne savait pas garder une balle entre ses mains ! Elle n'avait fait que le lui signaler (à plusieurs reprises) ce fait. De toute façon, sa camarade n'avait jamais pu l'encadrer, et c'était réciproque. Globalement, Colette ne s'entendait pas très bien avec les filles qui partageaient son dortoir (enfin, elle n'avait rien contre Clara, elles se parlaient de temps en temps mais c'était la grande copine de Jessica.) Il y avaient eu beaucoup de disputes entre elles, depuis la première année. Jessica et Kathleen d'un côté, Colette de l'autre. April et Clara n'entraient que rarement dans ces conflits mais bon, elles ne s'étaient jamais risquées à défendre Lettie face aux moqueries de leurs copines. De toute façon, elle n'avait besoin de personne pour se défendre : elle le faisait très bien toute seule.

Colette était beaucoup plus proche des garçons de sa promotion. Elle était la seule fille de sa petite bande, composée de Ajay, Hernando et Donovan. Elle s'entendait bien avec les garçons de sixième année aussi - elle était copine avec Gowan (il riait beaucoup de ses éclats de colère). Et puis il y avait Andrew, aussi.

Mais cette proximité avec la gent masculine de Poudlard ne lui attirait pas les commentaires les plus charmants de Poudlard (un jour, Kathleen lui avait dit qu'elle ne pouvait de toute façon aspirer qu'à être leur amie, comme elle était trop moche pour que quiconque daigne sortir avec elle). Heureusement, Colette n'était pas particulièrement sensible à ce genre d'attaque, notamment car elle était relativement sûre d'elle (et qu'elle s'était fait un plaisir d'incendier Kathleen après (elle avait même pleuré.))

Autant dire que la petite crise de Jessica sur le terrain de Quidditch lui paraissait plus ridicule qu'autre chose, et que la remarque d'Andrew lui fit seulement hausser les épaules.

"Tu parles," avec un sourire en coin, "elle a trop peur de moi pour m'approcher." Et c'était tant mieux.

Ils échangèrent un regard complice avant que le capitaine siffle un rassemblement pour lancer un match d'entraînement. Colette eut un sourire d'impatience : cela lui avait manqué, de s'entraîner avec l'équipe de sa maison. Évidemment, l'été, elle jouait sur le terrain derrière la maison de ses parents et elle disputait des matchs amicaux, mais ce n'était pas pareil. Lettie aimait l'enjeu. Elle aimait la compétition. Elle aimait gagner - peut-être un peu trop, vu le commentaire que vint lui glisser Andrew.

"Mhhh" fit-elle. Au regard insistant d'Andrew, elle capitula. "Oui, d'accord. Mais s'ils parviennent à repérer le vif, je ne leur ferai pas de cadeau, il faut aussi qu'ils sachent ce que c'est, un duel d'attrapeurs."

Andrew parut satisfait de sa réponse puisqu'il descendit vers le terrain pour libérer les balles. Brièvement, Colette observa les joueurs qui étaient venus briguer le poste d'attrapeur (suppléant, parce qu'elle restait titulaire de son poste cette année encore). Elle élimina d'office un garçon de septième année - trop grand, trop large d'épaule, trop lourd (et puis, où était-il toutes ces années ?). Les trois autres candidatures étaient un peu plus intéressantes. Une fille de troisième année, Willow, qui avait fait de bons essais. Elle avait l'air dynamique mais peut-être un peu craintive encore, Lettie se demandait comment elle réagirait face aux Cognards. Il y avait aussi le garçon blond de quatrième année (elle avait oublié son prénom, elle l'appelait "le garçon blond" dans sa tête depuis le début), qui était un peu plus sûr de lui mais moins agile. Et enfin Isla, une fille de troisième année année aussi, très prometteuse selon elle.

Lorsque le vif fut libéré, Colette s'envola encore un peu plus haut pour avoir une vue globale du match et de ses petits apprentis attrapeurs. Être attrapeur demandait une certaine agilité - à la fois pour attraper le vif et pour éviter les Cognards - mais en même temps, il ne fallait pas avoir peur de prendre des risques, plonger, descendre en piquet... C'était un poste qui demandait de la polyvalence. Après, évidemment, il y avait plusieurs profils d'attrapeurs : ceux qui étaient plutôt dans la force, ceux qui jouaient plutôt en finesse... Lettie était plutôt dans la deuxième catégorie. Elle était agile, rapide, avec une très bonne technique. Et, en même temps, elle n'avait pas peur d'aller au contact, même quand c'était avec des joueurs qui possédaient une masse musculaire plus élevée que la sienne (franchement, vu sa taille, ce n'était pas très compliqué). Elle le faisait simplement intelligemment, en jouant justement sur son petit gabarit pour être intouchable.

Colette évita d'ailleurs assez facilement un Cognard envoyé un peu mollement par Harry et lui retourna un regard plein de défi : un peu de dynamisme par Merlin ! Comme Andrew le lui avait demandé, elle se contenta de voler au-dessus du terrain, sans se mettre véritablement à la recherche du vif. Cette position lui permettait de toute façon d'analyser assez bien le jeu des potentielles nouvelles recrues, ce qui n'était pas plus mal. Le jeu des poursuiveurs manquaient encore de fluidité mais Lettie ne s'était pas trompée : Angelina avait de solides bases - et une sacrée fougue, elle ne se laissait pas impressionner par Henley qui essayait pourtant de la déséquilibrer.

Le match se déroula sans véritable challenge - quelques bons éléments étaient ressortis, mais l'ensemble manquait encore de cohérence. Colette prit un temps avec les attrapeurs pour évaluer leurs capacités à changer de direction rapidement, à plonger et à accélérer en une poignée de secondes.

Les matchs suivants permirent de cibler les meilleures recrues et d'éliminer les joueurs qui présentaient encore trop de faiblesses. La matinée touchait à sa fin lorsqu'Andrew lança le dernier match. Angelina et Henley étaient toujours là, fatigués mais déterminés. Scott et Michael, qui visaient le poste de batteur, étaient toujours en lice aussi. Du côté des attrapeurs, c'était Willow qui s'était particulièrement démarquée.

Lettie avait passé un chasuble rouge et observait sa petite équipe, constituée d'anciens et de nouveaux joueurs. Elle se tourna vers Andrew - qui jouait avec l'autre équipe - et lui lança, les sourcils haussés :

"Bon, Andrew, j'attends de voir ce qui t'a valu d'être recruté chez les EDL" elle souriait quand elle le provoqua à nouveau : "je m'ennuie depuis ce matin, moi."

Si Andrew était resté en retrait de ce premier match ce ne fut pas le cas des postulants qui s’y jetèrent à corps perdu, bien déterminés à s’assurer une place dans l’équipe. Le souafle s’échangeait avec vivacité, les cognards sifflaient autour d’eux, n’hésitant pas à plonger brusquement sur les joueurs les plus inattentifs. Le Vif était pour l’instant introuvable mais certains attrapeurs se laissaient facilement entraîner par Colette, qui faisait régulièrement mine de plonger pour tester leur réactivité. Bien vite, il put identifier des dynamiques en jeu et des joueurs qui l’intéressaient. Clara et George avaient bien vite repris leurs réflexes de l’année dernière et proposaient de belles constructions de jeu, bien vite rejoints par Angelina qui semblait prendre ses marques avec aisance sur le terrain. Lisa n’était pas assez rapide et ne s’imposait pas assez à son goût mais il garda le silence pour l’instant, bien déterminé à laisser le match aller jusqu’au bout. Ava, dans les buts nords, se débrouillait de manière tout à fait honorable mais Jarod ne lâchait rien en face, n’hésitant pas à plonger pour bloquer les passes courbes - et redoutables - de Clara. Les batteurs se débrouillaient bien aussi, même si Michael commençait à montrer des signes de faiblesse.

Ce premier match se termina sur une victoire des chasubles, principalement menés par George. Sans remixer les équipes, Andrew s’empressa de relancer une deuxième partie, bien décidé à fatiguer les joueurs. Les matches de Quidditch pouvaient être très longs. Le temps-mort le plus long ne pouvait durer que deux heures (et il fallait pour cela que le match dure depuis plus de douze heures.) Il voulait voir qui pouvait économiser ses forces et qui pouvait tenir sur la longueur.

En fin de matinée, les joues de certains étaient aussi rouges que leurs robes mais la plupart des joueurs qu’il avait repéré tenaient le coup. Andrew avait fait sortir Henley, qui s’était pris trois buts d’affilée de Clara, ainsi que Hope, qui avait par deux fois envoyé un Cognard sur quelqu’un de son équipe (l’argument de « mais en jeu on aura des robes de la bonne couleur ! » n’avait pas été très efficace sur lui.) Quelques blessés étaient à déclarer, notamment Ariana Jackson qui s’était plantée au sol en effectuant un piquet pour rattraper le souafle (elle allait globalement bien mais était partie à l’infirmerie par sécurité.) Lily Wallis s’était pris un cognard de la part de Scott qui lui avait cassé le bras (rien de bien méchant) et Owen Finbourgh était tombé de son balai, on ne savait pas trop comment. Au final, Andrew commençait à avoir son équipe en tête, aussi se décida-t-il à se lancer en jeu, refaisant les groupes. Il prit avec lui Clara, Angelina et Lisa, ainsi que Willow en attrapeuse, Ava en gardienne et Scott à la frappe avec lui. Dans l’autre, il plaça Colette, George, Joseph et Cami, ainsi que Harry et Michael en batteurs, Jarod en gardien. Il voulait voir Angelina travailler avec Clara et surtout faire face à George. Il voulait mettre Jarod à l’épreuve, ainsi que Willow face à Colette. Quant à Scott, il tentait de savoir comment ils travaillaient ensemble.

En vol stationnaire avec sa nouvelle équipe de sans-maillot, il était en train de paramétrer sa montre pour définir les trente-cinq prochaines minutes de match lorsque Colette l’interpella. Il haussa les sourcils, sans s’empêcher de sourire, face à cette insolence.

- Excusez-moi, vous êtes... ?

Non mais. On nommait quelqu’un capitaine suppléante une fois et après elle se pensait tout permis ! Ajustant son protège-dos, Andrew reprit.

- Tu sais pourtant que j’ai pour politique de ne pas blesser les joueurs à l’entraînement... Mais si tu me cherches, aussi.

Ils se défièrent du regard quelques secondes avant que Jessica, qui avait accepté de manière très fair-play de leur lancer le souafle, leur fasse signe.

- Parés ?

Le siflet retentit et les poursuiveurs s’élancèrent pour récupérer le Souafle. George fut le plus vif et remonta immédiatement pour gagner de l’altitude, profitant du début du jeu pour foncer vers les buts. Ava se tenait prête mais il la feinta et la balle traversa l’anneau droit, déclenchant la cloche et les applaudissements des spectateurs qui s’étaient faits plus nombreux au fil de la matinée. Angelina récupéra le souafle, immédiatement suivie de Clara. Andrew vira pour les suivre, repoussant sans difficulté le cognard un peu mou que Harry venait de leur envoyer. En voyant du coin de l’oeil Lisa foncer vers ses deux poursuiveuses, il plongea pour frapper par en dessous le deuxième cognard. Ce dernier remonta brusquement pour couper la route de l’attaquante, qui manqua de basculer en l’évitant. Malheureusement, la tentative de but de Clara fut bloquée par un splendide arrêt du bout du gant de Jarod. Les passes s’enchainèrent comme cela, l’équipe de Colette prenant un léger avantage grâce aux capacités de leur gardien, qui connaissait en plus par coeur le jeu de son ancienne coéquipière Clara. Néanmoins, Angelina et elle se débrouillaient vraiment bien, Lisa étant un peu à la traîne.

Ava venait de faire un bel arrêt, aidée par Scott qui avait déstabilisé George en lui envoyant un Cognard sur le flanc. Andrew s’apprêtait à se rapprocher lorsqu’il vit Colette plonger du coin de l’oeil, immédiatement suivie par Willow. Il ne manqua pas non plus le Cognard qui planait à huit mètres sur sa droite, un peu au dessus... L’occasion était trop belle et il voulait voir ce que valait Willow en remplaçante. Poussant son balai au maximum de sa vitesse, il rattrapa la balle en quelques secondes et leva sa main gauche pour frapper, retenant un peu son coup (il jouait quand même contre son équipe.) Sa batte rencontra le cognard dans un bruit sourd et ce dernier fut projeté violemment vers Coco, qui maintenait son piquet vers le sol...

Dés:

  

Colette aimait la compétition, les défis. Elle aimait jouer avec de l’enjeu et, chez les Gryffondor, elle trouvait toujours quelqu’un contre qui se mesurer. Andrew était évidemment un adversaire de choix. C’était un très bon joueur de Quidditch – même si elle ne le lui disait pas trop, pour ne pas faire enfler son énorme tête – qui avait une excellente tactique et qui savait la faire travailler sur ses points faibles. C’était ce qui plaisait le plus à Colette ; jouer pour la facilité ne l’intéressait pas. Elle aimait finir les entraînements fourbue, courbaturée, avec la satisfaction d’être meilleure que l’heure précédente. Alors évidemment, quand l’occasion se présenta de se mesurer à Andrew, elle n’hésita pas et se fit même un plaisir de le provoquer un peu.

Le match fut lancé par Jessica – qui ne manqua pas de lui lancer un regard noir – et Colette se plongea instantanément dans le jeu. Elle s’éleva un peu plus haut dans les airs pour surplomber le terrain et observa quelques instants les dynamiques à l’œuvre. Angelina se débrouillait vraiment bien, songea-t-elle en avisant la jeune fille réceptionner une passe avec aisance. Elle n’avait pas peur d’aller au contact et jouait avec une certaine assurance – même si elle avait encore une belle marge de progression au niveau de sa technique de vol. Les anciens membres de l’équipe, rompus à l’exercice, retrouvaient leurs réflexes sans difficulté et Clara, par exemple, ne lésinait pas sur les tirs spectaculaires, arrêtés de justesse par Jarod. Du coin de l’œil, Lettie surveillait également Willow, qui s’était mise à la recherche du Vif. Elle avait évité un Cognard envoyé un peu mollement par Harry en virant brusquement sur la droite, sans paraître trop déstabilisée. Lettie la sentait à l’aise dans les airs, et était curieuse de voir comment elle réagirait sous la pression. Prise d’une soudaine inspiration, elle feinta à gauche et descendit en piquet vers le sol, feignant d’avoir repéré le Vif. Sans surprise, Willow plongea à sa suite, cherchant à la rattraper. Colette ne cilla pas, les yeux rivés vers le sol qui se rapprochait à toute vitesse…

Lorsqu’un coup dans son dos la projeta vers l’avant.

Grimaçant sous la douleur, la jeune fille contracta ses muscles. Elle ne dut qu’à ses réflexes de ne pas planter son balai dans le sol, et redressa brusquement sa trajectoire pour remonter vers le ciel. Le Cognard avait frappé son protège-dos, mais assez fort pour que son souffle en soit brièvement coupé.

Faisant volte-face pour faire face à un Andrew bien trop satisfait de lui, Lettie lui cria :

« Pas mal Dubois ! Mais je suis sûre que tu peux mieux faire ! »

En réalité, le coup avait été très bien porté et, si Andrew avait réellement mis toute sa force dedans, Lettie aurait probablement eu bien plus de difficultés à corriger sa trajectoire. La jeune fille repartit à la recherche du Vif, sans cesser de surveiller ses arrières – visiblement, elle ne pouvait pas compter sur les batteurs de son équipe pour lui éviter une mauvaise rencontre (généralement, c’était Andrew qui s’en chargeait et elle devait avouer qu’il faisait ça plutôt bien).

Alors que Jarod encaissait un très beau but de Clara, Lettie…

Spoiler:

Le Cognard frappa Colette entre les deux omoplates. Andrew la vit être projetée par l’avant, perdant quelques secondes le contrôle de sa trajectoire. Elle remonta brusquement pour se stabiliser, remerciant sûrement ses réflexes pour cela. Une fois qu’il s’était assuré qu’elle ne s’était pas plantée - quand même, il n’allait pas envoyer son attrapeuse au sol - il laissa un sourire percer sur ses lèvres alors qu’elle se retournait vers lui. Il haussa légèrement les épaules face à sa remarque, sans rebondir dessus. Il avait retenu son coup et elle devait très bien s’en douter.

Lisa le frôla à toute vitesse, le Souaffle sous le bras, en train de remonter vers les buts de Jarod. Ce dernier faisait des huit entre les cercles de but, extrêmement concentré. Lisa fit une passe un peu incertaine à Clara, qui la récupéra du bout des doigts. Elle leva le bras pour frapper vers la droite, ce qui eut pour effet de faire plonger Jarod. À la dernière seconde, elle fit pivoter son poignet et le Souafle traversa l’anneau gauche, déclenchant la cloche. Des vivats retentirent dans les tribunes pendant que la jeune poursuiveuse célébrait sa victoire d’un looping. La balle fut récupérée par Ezechiel, qui la coinça sous son bras alors qu’il remontait le terrain. Il évita un Cognard de Scott et Andrew s’apprêtait à doubler son action lorsqu’il vit très nettement Colette plonger du coin de l’oeil, à la poursuite d’un éclair doré.

Willow réagit avec un instant de retard et se lança à la poursuite de sa camarade, poussant son vieux Nimbus au maximum de ses capacités. Même d’ici, on voyait que le bois vibrait beaucoup. Andrew fit virer son propre balai en direction de Colette, même s’il n’était pas pour le moment à proximité d’un Cognard. Il y en avait un qui était en train de repartir de la tribune des Serdaigle, s’il pouvait l’intercepter et virer sur la droite... Il n’eut pas le temps d’approfondir son plan qu’un son sourd et familier retentit derrière lui. Scott - qui suivait très bien le jeu, bon point pour lui - venait de lui faire une passe. Andrew remonta légèrement pour prendre possession du Cognard et le frappa légèrement du creux de sa batte pour le stabiliser. Il vit Scott plonger vers lui et en profita pour lui repasser la balle d’un revers, ralentissant sa vitesse. Son collègue se place en parallèle de lui et lui renvoya le Cognard dans une excellente trajectoire. Ils étaient à une cinquantaine de mètres de Colette lorsque Andrew leva sa main gauche pour frapper. Willow était à cinq mètres derrière Coco, qui s’apprêtait à refermer les doigts sur le Vif...

Dé a écrit:

1 - 6 : Le Cognard d’Andrew rate Colette, qui attrape le Vif.
2 : Willow se déporte sur la trajectoire du Cognard et le prend sur le flanc, ouch. Elle perd le contrôle de son balai et vient frapper Coco, qui perd le Vif qu’elle s’apprêtait à saisir.
3 - 5 : Le Cognard d’Andrew frappe Colette avec violence, lui faisant rater le Vif et permettant à Willow de l’avoir.
4 : Harry, le batteur de l’équipe adverse, protège Colette du Cognard mais coupe la trajectoire du Vif, lui permettant de disparaître.