Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

Courage to change [OS]

Avalon Calder
Avalon CalderChef de la milice
Messages : 692
Profil Académie Waverly
Courage to change [OS] Icon_minitimeMar 2 Nov 2021 - 9:36
14, 15 et 16 septembre 2011

La salle d’audience était petite ; deux tables en bois séparées par quelques mètres qui faisaient face à une estrade modeste. Un juge d’une quarantaine d’années y siégeait et avait l’air impassible, les yeux plongés dans un dossier épais qu’il avait ouvert en s’installant sur sa chaise. Derrière les tables trônaient quelques bancs mais la plupart étaient vides. L’ambiance était lourde, un peu collante, et silence qui s’étirait depuis plusieurs minutes n’arrangeait rien. Avalon se tenait droite, les yeux rivés sur l’horloge en face d’elle qui indiquait neuf heures cinq. Elle occupait, avec son avocate, la table de gauche. Derrière elle, installés sur un banc, se tenaient Roy et Galaad. A droite, seul l’avocat de ses parents était présent pour l’instant, et consultait régulièrement sa montre. La porte de la salle finit par s’ouvrir bruyamment sur Dwight et Edith Davies, escortés par un homme habillé sobrement, qui les guida jusqu’à leurs places. Parce que les Davies étaient moldus, le procès intenté par Avalon n’était pas tenu au ministère mais dans une salle d’audience londonienne, plus neutre. Pour le cas de Vivianne, c’était la jurisprudence magique qui s’appliquerait ; pour ceux de Morgane et de Garlan, celle moldue. Le secret magique étant largement menacé par cette affaire, le ministère avait jugé bon de ne pas la mettre entre les mains de la justice moldue, et avait fait appel à un juge cracmole, qui travaillait avec un pied dans les deux mondes.

« Mesdames et messieurs bonjour, nous allons commencer la séance. » annonça le juge.

***

« Miss Davies, nous sommes ici aujourd’hui parce que vous demandez le retrait de l’autorité parentale sur vos frères et sœurs mineurs, c’est cela ?
-Oui.
-Et vous demandez également la garde de votre plus jeune sœur, Vivianne, qui a récemment révélé être également une sorcière ?
-Oui.
-Quant à Morgane et Garlan, c’est votre grand-mère, madame Alma Munoz, qui a demandé à devenir leur tutrice.
-Oui.
-Très bien, miss Davies. Les éléments de l’enquête préliminaire auprès de vos parents ont montré que vos frères et sœurs vivaient dans un lieu qui mettait leur sécurité en danger. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
-Mes parents vivent dans le même appartement depuis des années, dans la banlieue sud de Londres. L’endroit est insalubre, il y a des problèmes d’humidité et de moisissure, et l’électricité est coupée tous les deux jours mais… Le vrai problème, c’est la drogue.
-Parce que vos parents font partie d’un trafic, c’est ça ?
-Oui, ils coupent de la drogue pour la revendre.
-Depuis longtemps ?
-Avant notre naissance. »

Avalon sentait son cœur battre si fort dans sa poitrine qu’elle avait l’impression de l’entendre résonner dans la salle. Elle avait veillé à poser ses mains devant elle pour les empêcher de bouger. Son regard ne quittait pas celui de son avocate, avec qui elle avait travaillé pendant des semaines pour préparer ce procès. Elle ne tourna même pas la tête en entendant son père renifler avec mépris.

***

« Monsieur Davies, est-ce que vous pouvez décliner votre identité, s’il-vous-plait ?
-Galaad Davies.
-Vous êtes le frère jumeau de miss Avalon Davies, c’est bien cela ?
-Oui.
-Est-ce que vous approuvez la démarche de votre sœur ?
-Oui. C’est pas un lieu pour faire grandir des enfants, là-bas.
-Vous avez grandi là-bas, vous, pourtant.
-Ouais mais… Galaad haussa les épaules. On pouvait pas faire autrement, nous. Avalon, elle propose aux petits de leur donner une chance que nous, on a jamais eu.
-Et vous auriez aimé l’avoir, cette chance ?
-Evidemment. Plus on reste dans ce milieu, et plus c’est impossible d’en sortir. Avalon, elle veut juste le meilleur pour eux. »

***

Avalon observa l’avocat de ses parents rassembler ses documents et se lever vers elle. Il avait une démarche un peu chaloupée, comme s’il se balançait à chaque pas. Sa voix, au contraire, était aussi tranchante qu’une lame.
« Miss Davies, vous ne cessez de nous expliquer en quoi vos parents sont incapables de répondre aux besoins de votre sœur, mais pas en quoi vous serez capable de faire mieux.
-Monsieur le juge, intervient l’avocate d’Avalon, mon confrère ne pose aucune question à ma cliente.
-Je reformule : miss Davies, qu’est-ce qui vous fait penser que vous êtes capable de vous occuper de votre sœur ?
-J’ai un emploi stable parmi les hautes fonctions du ministère, donc je peux subvenir à ses besoins sans difficulté financière, j’ai aussi un endroit où l’accueillir…
-Donc vous liez vos capacités au fait d’être matériellement apte à recevoir une enfant chez vous ?
-Non, pas du tout, je n’avais juste pas terminé de répondre à votre question, répondit Avalon un peu sèchement, en fronçant les sourcils. Vivianne passait déjà beaucoup de temps chez moi, avant, on a l’habitude de vivre ensemble.
-Des weekends, des vacances… Ce n’est pas la vie quotidienne. Vous avez un emploi hautement prenant, vous pensez vraiment pouvoir libérer assez de temps pour vous occuper d’une enfant de dix ans ?
-Je ferais en sorte de pouvoir.
-C’est loin d’être une garantie, madame Davies. Vous…
-Vous voulez savoir ce qui fait la différence entre moi et mes parents, maître Rodriguez ? le coupa Avalon. J’aime Vivianne, et ce sont ses intérêts que j’ai à cœur, pas uniquement les miens.
-Est-ce que vous cherchez à punir vos parents, miss Davies ? l’interrompit brusquement l’avocat, causant une certaine stupeur chez la jeune femme.
-Pardon ?
-Les punir, pour vous avoir traité comme ils l’ont fait quand vous étiez petite ?
-Ce n’est pas du tout le propos. »

***

« Madame Edith Davies, est-ce que vous aimez vos enfants ?
-Ben oui, se défendit immédiatement la mère d’Avalon, c’est mes enfants.
-Ce n’était pas ce que votre fille semblait sous-entendre hier, pourtant.
-Avalon elle sait pas… Elle sait pas ce que c’est, d’être mère. D’être vraiment mère, j’veux dire, pas juste de s’occuper des p’tits quand elle a le temps. Là ouais, elle a l’beau rôle parce qu’elle a d’l’argent et d’l’influence, mais elle sait pas ce que c’est, sinon.
-Et vous, vous le savez ?
-Ben ouais. Vous savez, moi, des enfants, j’en ai neuf hein. Neuf ! Et j’les aime tous, c’est sûr. Alors ouais, j’ai dû prendre des décisions pas faciles mais vous savez, à ma place vous auriez fait la même chose. Avalon, elle vit plus dans l’même monde que nous, mais avec mon mari, tout c’qu’on a toujours voulu c’était qu’les enfants puissent manger le soir et dormir à l’abri. »

***

« Monsieur Davies, c’est vrai que vous avez frappé votre fille, Vivianne, quand elle a fait de la magie ?
-Ouais, grommela l’homme, ouais, c’est vrai.
-Et que vous lui avez interdit de pratiquer de la magie, en pensant ainsi pouvoir la garder loin de Poudlard ?
-Ouais.
-Et ce même soir, vous avez frappé votre fille aînée, ma cliente, alors qu’elle cherchait à prendre la défense de sa petite sœur ?
-Ouais mais c’pas ce qu’il s’est passé ! Elle m’cherchait, elle disait qu’elle allait…
-Je n’ai pas d’autres questions, monsieur le juge. »

« Monsieur Davies, qu’est-ce que vous connaissez de la magie ?
-Que c’est un monde de fous, répondit-il en marmonnant.
-Vous avez déjà été en contact avec des sorciers ? Vous avez déjà accompagné votre fille faire ses achats scolaires, par exemple ?
-Non… Non on savait pas comment faire et puis, c’était pas fait pour nous, son truc.
-Donc on peut dire que cette aversion que vous avez pour la magie tient davantage en une peur qu’en une véritable haine, n’est-ce pas ? Dwight resta silencieux. Lorsque vous avez vu Vivianne faire de la magie, qu’est-ce que vous avez pensé ?
-J’ai cru qu’la maison allait exploser, admit le père de famille. Et puis, ça m’a foutu les boules qu’on soit encore embarqué là-dedans alors qu’on avait rien d’mandé, nous. »

***

« Miss Davies, vous avez-vous-même un passé d’addict, je me trompe ?
-Monsieur le juge, je ne vois pas quoi en quoi cette question a un lien avec le procès intenté par ma cliente.
-Je cherche à tester la crédibilité de miss Davies comme tutrice de sa sœur.
-Poursuivez, autorisa le juge.
-C’est vrai, acquiesça Avalon, raide.
-Donc il ne serait pas incohérent de dire que vous n’êtes pas la personne la plus stable pour accueillir Vivianne.
-Je suis sobre depuis plus de dix ans ! protesta vivement Avalon. Elle tourna un regard vers le juge. Je suis prête à passer des examens toxicologiques pour le prouver.
-Votre honneur, ma cliente le comportement de ma cliente est irréprochable depuis qu’elle a décidé de se séparer de sa famille ! Mon confrère cherche juste à la déstabiliser. »

***

Devant la salle d'audience, il y avait une petite place. Quelques arbres, un ou deux carrés de pelouse, et trois bancs. Galaad et Avalon occupaient l'un d'entre eux. Galaad faisait rouler une cigarette entre ses doigts, bien trop conscient du trouble qui habitait sa jumelle. Il préférait, comme d'habitude, attendre qu'elle explose plutôt que de la confronter frontalement.

« Tu m'en files une ?  
-Une quoi ?
-Une clope.
-Tu fumes plus, Av'. lui rappela son jumeau en glissant sa cigarette entre ses lèvres pour l'allumer. C'est à cause de ce qu'a dit l'avocat des parents ?
-Quel gros con, jura Avalon en fronçant les sourcils.
-Ouais. Mais t'as bien réagi, tu t'es pas laissée faire.
-Je sais pas...
-Franchement, Av', t'as rien pris depuis dix ans, ils vont pas te punir pour un truc qui s'est passé quand t'étais gamine.
-On verra. Avalon s'éclaircit la gorge pour chasser la boule d'angoisse qui y était logée. Merci pour ce que t'as dit dans ton témoignage, d'ailleurs.
-J'ai dit la vérité, c'est tout, répondit son jumeau en haussant les épaules. Bon je pense que j'suis rayé du testament des parents mais pour ce qu'y avait à prendre... Les deux partagèrent un rire un peu complice, qui sembla les détendre légèrement. Tu sais si Célice sera là demain ?
-Elle a dit qu'elle viendrait, oui. Mais bon tu sais, c'est Célice...

***

Pourtant, Célice était venue. La mine fatiguée, les yeux paupières tombantes, mais avec cette aura assurée, un peu insolente qui se dégageait naturellement d'elle. Elle avait pris place face à l'avocate d'Avalon avec un naturel étonnant, comme si elle ne vivait pas un moment charnière dans l'existence de sa famille. Ses réponses étaient claires, concises, signe qu'elle avait déjà réfléchi à ce qu'elle comptait dire.

« Vous avez un fils, miss Davies, c'est juste ?
-Oui, un garçon, Elio.
-Vous avez vécu chez vos parents avec lui, pendant quelques temps, c'est bien cela ?
-C'est ça. Pendant les deux premières années après sa naissance.
-Et pourquoi cette décision ?
-Vous connaissez le prix d'un loyer à Londres ? répliqua Célice, qui s'attira le rire de l'avocate.
-Donc c'était par nécessité ? Célice hocha la tête. Et pourquoi vous avez choisi de partir, finalement ?
-J’voulais avoir mon endroit, être indépendante.
-C’est tout ?

Célice hésita un long moment. Son regard passa de celui de l’avocate qui lui faisait face, à celui d’Avalon, assise un peu plus loin, et termina sa course vers ses parents, qui l’observaient, la mine fermée. Les lèvres de la jeune mère se pincèrent, signe manifeste qu’elle n’était pas à l’aise. Ses mains furent saisies d’un tic nerveux, qu’elle calma en les rassemblant devant elle.

-J’avais envie qu’Elio grandisse dans un autre endroit, finit-elle par admettre.
-Un endroit comment ?
-Plus sûr. Un endroit plus sûr pour lui. »

Brièvement, le regard des deux aînées Davies se croisèrent. Silencieusement, Avalon la remercia.

***

« Monsieur Davies, commença l’avocat d’Edith et de Dwight, qui faisait face à Néro, qu’est-ce que vous pensez de la démarche de votre sœur ?
-C’est n’importe quoi, cracha Néro en fronçant les sourcils.
-Est-ce que vous pouvez développer un peu ?
-Avalon elle est jamais là, elle sait pas tout c’qu’on fait pour les p’tits, nous tous. Elle pense qu’on les abandonne, mais c’est faux, on est une famille nous, on f’rait jamais ça. Elle s’croit mieux qu’tout le monde, mais elle vient du même endroit hein. Elle vaut pas mieux que c’qu’elle pense de nous.
-Vous dîtes ça parce que… ?
-Parce qu’elle a fait les mêmes choses que nous, les mêmes erreurs, et que maintenant elle veut nous punir de ça. Elle a pas à décider avec qui les petits doivent habiter, elle est pas leur mère. Elle peut pas les enlever à nos parents comme ça. Ok, ils déconnent parfois, mais ils font de leur mieux. »

« Monsieur Davies, vous avez une fille, n’est-ce pas ? Néro sembla brusquement déstabilisé. Son regard furieux trouva celui d’Avalon, qui l’observait sans ciller.
-Ouais.
-Comment s’appelle-t-elle ?
-Aimee, maugréa-t-il, visiblement peu enclin à parler d’elle.
-Aimee vit avec vous ?
-Non, elle est avec sa mère.
-Et vous la voyez souvent ? Néro resta silencieux. Monsieur Davies, vous voyez souvent votre fille ?
-Parfois.
-Ca fait suite à une décision de justice, ou vous en avez décidé ainsi avec la mère d’Aimee ?
-C’est comme ça, c’est tout.
-C’est sa mère qui préfère que vous ne fassiez pas partie de la vie d’Aimee, ou c’est vous qui pensez que c’est pour le mieux, pour votre fille ? Le regard de Néro fut traversé par une lueur noire et il serra les poings.
-Monsieur le juge, ma consœur harcèle mon témoin, et ses questions n’ont rien à voir avec la situation de la famille Davies !
-Je cherche juste à souligner à quel point il est contradictoire que monsieur Davies soit autant persuadé qu’il est normal et naturel que ses parents conservent la garde de ses frères et sœurs mineurs, alors que lui-même préfère tenir sa fille éloignée de sa vie. »

***

On était mercredi soir ; demain, en fin de journée, le juge rendrait enfin son verdict. La nervosité d’Avalon n’avait cessé de croître au fur et à mesure que les jours passaient et que les témoignages se succédaient. Ce matin, Yvain avait livré un témoignage furieux, à tel point que le juge avait dû le ramener à l’ordre à deux reprises. Il avait interprété Avalon directement, en revenant à sa place : « T’es fière de toi là, hein ? » Elle n’avait pas répondu.

Installée autour de la table de la salle à manger de Roy, Avalon observait son assiette en silence. Son compagnon, à sa droite, ne disait pas un mot non plus, visiblement plongé dans ses pensées.
« Et si je perds ? interrogea brusquement Avalon, en relevant les yeux vers lui.
-Tu vas gagner. Il y a aucune chance que tu gagnes pas, leur défense était en carton, réagit immédiatement Roy, en l’observant avec un air un peu renfrogné.
-Il la laissera jamais à mes parents, c’est sûr. Mais il peut très bien la placer, Roy, il est pas obligé de me donner sa garde.
-Il a aucune raison de le faire, tu as largement prouvé que tu étais apte à la garder. Et le souhait de Vivianne, ça compte aussi. C’est toi qu’elle a choisie.
-Ouais… Ouais, fit Avalon, sans grande conviction parce qu’elle était rongée par l’appréhension. Du bout de sa fourchette, elle jouait avec la nourriture qui trônait dans son assiette, sans y toucher. Pour le coup, leur défense contre moi était pas trop mauvaise.
Roy lâcha ses couverts dans son assiette, provoquant un bruit métallique.
-Non, elle était à chier, Av’. Tu dis ça parce que tu doutes de toi-même.
A son tour, Avalon repoussa un peu brusquement son assiette devant elle.
-C’est ta grande connaissance du droit familial qui parle ?
-Je te connais toi, fit-il en posant sa main sur la sienne, dans un signe d’apaisement. Et je sais qu’ils ont appuyé sur des trucs qui font mal chez toi. Mais le juge, lui, ce qu’il a vu, c’est des parents totalement défaillants qui n’ont rien à faire dans l’entourage d’une enfant, et en face, une femme qui peut au contraire lui apporter tout ce dont elle a besoin. Moi je le regardais pendant que tu parlais. Tu étais convaincante. Entre toi ou une famille d’accueil étrangère qui peut potentiellement la perturber encore plus, il serait fou de ne pas te choisir toi.
-T’as raison… Avalon hocha doucement la tête. Je… Je stresse à cause du jugement mais… T’as raison. Elle mordilla légèrement sa lèvre inférieure. Mais juste… Juste au cas où, si jamais, je sais pas, le juge est complètement con et décide de laisser Vivianne à mes parents, tu m’aiderais à la kidnapper et la faire changer de pays ? Le regard qu’elle posa sur lui était bien trop sérieux pour qu’il s’agisse d’une simple plaisanterie.
-Bien sûr, pour qui tu me prends. Roy esquissa alors un sourire un peu inquiétant. Je t’aiderais aussi à cacher le cadavre du juge qu’on fera remplacer par un autre.
Cette dernière remarque tira un sourire à Avalon.
-Ouais. L’avocat de mes parents, surtout, quel enfoiré lui aussi. Je te jure qu’il va longer les murs du ministère. Elle secoua la tête, avant d’entrelacer ses doigts à ceux de Roy. Merci, lui souffla-t-elle avec un regard reconnaissant. Je sais pas comment je ferais sans toi.
Son compagnon amena sa main jusqu’à ses lèvres pour l’embrasser.
-Tu as géré. Et si ça suffit pas demain, on fera appel et on se battra jusqu’à ce qu’on gagne. Tu es trop mauvaise perdante pour perdre, de toute façon. Cette fois-ci, Avalon eut un rire plus franc, et considéra un moment Roy du regard.
-Tu sais quoi ? Pour une fois, je vais te donner raison sur ça. »

***

La salle d’audience était plongée dans une atmosphère lourde, anxieuse. Avalon patientait à côté de son avocate, plongée dans un silence qu’elle ne quittait pas. Derrière elle, Galaad parlait à voix basse avec Célice et Roy. Installés dans le fond de la pièce, à droite de la porte, Yvain et Néro ne disaient rien, mais leurs regards noirs hurlaient tout ce que leurs lèvres ne laissaient pas passer. Morgane était assise toute seule, les bras croisés sur sa poitrine, les sourcils froncés. Garlan, qui avait voulu, au départ, s’asseoir juste derrière ses parents, se tenait finalement à côté de sa grand-mère. Il était visiblement agité et se dégagea un peu vivement de la main qu’Alma avait posé sur son bras. Yseut n’était pas là ; elle avait refusé de témoigner et personne n’avait de ses nouvelles depuis dix jours. Vivianne n’était pas présente non plus ; elle avait été entendue par le juge dans un entretien privé – tout comme Morgane et Garlan – mais Avalon avait jugé bon de ne pas lui imposer un tel moment.

Lorsque le juge pénétra finalement dans la salle, Avalon, Dwight, Edith, ainsi que leurs avocats respectifs se levèrent d’un même mouvement. Le regard de la jeune femme ne cillait pas, son cœur ne battait plus la chamade. Un étrange calme l’envahissait, similaire à celui qu’elle connaissait lorsqu'elle partait en intervention. Ce n’était pas si différent ; au fond, il ne s’agissait que du dernier affrontement, du sort final qui déciderait de l’issue de la rencontre. Alors, elle l’attendait sans un mot.

« Miss Davies, vous avez fait le choix d’intenter à vos parents un procès pour demander le retrait de l’autorité parentale auprès de vos frères et sœurs encore mineurs. J’ai entendu vos arguments, j’ai lu les rapports de l’enquête menée par la PM. Je ne suis pas non plus insensible aux problématiques que vous avez soulevées, monsieur et madame Davies. Je conçois qu’il y ait un cruel manque d’accompagnement pour les parents dans votre situation. Mais mon devoir ici en tant que juge est d’intervenir dans l’intérêt de vos enfants. Or, les manquements à leur sécurité, à leur intégrité morale et physique m’obligent à prendre des décisions lourdes. Vos comportements sont à la fois une menace au secret magique et une mise en danger volontaire de vos enfants mineurs, censés être sous votre responsabilité. Je me vois donc dans l’obligation de vous retirer l’autorité parentale. Vous pouvez bien évidemment faire appel de la décision à tout moment, et le jugement sera revu en cas de changements dans vos situations. En attendant, les gardes de Morgane Davies, Garlan Davies, et Vivianne Davies sont confiées à miss Avalon Davies et madame Alma Munoz. »

Le bruit d’un banc qui racle le sol retentit dans la salle. Avalon n’eut le temps que de tourner la tête pour voir Morgane sortir en trombe de la pièce. Elle croisa le regard soulagé de Roy, celui satisfait de Galaad et celui résigné de Célice. Une part d’elle l’incita à se tourner vers ses parents, ce qu’elle fit avec une certaine appréhension. Son père gardait les yeux résolument tournés vers le juge, qui n’avait pas encore fini de prendre la parole.

« Quant aux activités illicites dont vous avez été accusés de mener au sein de votre domicile, elles ne relèvent pas de ma juridiction. L’affaire, en revanche, sera transmise à notre contact au sein de la Met. »

Sa déclaration fut suivie d’un silence glacial. Tous, au fond, savaient ce que cela signifiait. Avalon les avait livrés à la police. Enfin.

***

Avalon avait mis quelques minutes à trouver Morgane, en sortant de l’audience. Elle l’avait finalement aperçu, attablée à la terrasse d’un café, une énorme gaufre surmontée de chantilly posée devant elle. Elle piochait dedans rageusement, en contenant visiblement des larmes qui menaçaient de couler sur ses joues. Sans un mot, Avalon s’installa devant elle. Les deux sœurs s’observèrent pendant un long moment, avant que l’aînée prenne la parole.

« T’as le droit de m’en vouloir, Mo’.
-J’avais pas attendu ta permission pour ça. » répliqua-t-elle, sèchement.  

Avalon considéra sa sœur du regard, sans répondre.

« J’m’en fous, j’irai pas, finit par lâcher Morgane avec un regard buté, noir.
-Chez abuela ?
-Ouais. J’irai pas, vous pouvez pas me forcer à y aller.
-Mo’, c’est la décision du juge, il…
-J’en ai rien à branler de ton juge à la con.
-Ouais, mais moi, j’en ai pas rien à branler de toi. Donc tu vas aller chez abuela, parce que c’est ce qu’il y a de mieux pour toi.
-Me dis pas ce qu’il y a de mieux pour moi, Avalon, t’en sais rien du tout !
-Si, Morgane, justement, je sais exactement ce que je dis. Les sourcils d’Avalon s’étaient froncés et elle avait perdu son expression douce.
-Tu me connais pas.
-Je te connais par cœur, rétorqua Avalon, t’es exactement comme moi ! Morgane haussa les sourcils, profondément sceptique. Vivianne c’est peut-être mon portrait craché mais toi et moi, Morgane, on est pareilles. Alors crois-moi, je sais très bien ce qui t’attend si tu restes ici.
-Je peux m’en sortir.
-Mais à quel prix, Morgane ? Franchement, à quel prix ?
-C’est ma vie, ici, à Londres.
-Tu en auras une autre, chez abuela. Une vie où il y aura pas des putains de dealer dans ton salon, ou tu penseras pas au fait que ce règlement de compte, dans la rue, ça aurait pu être le tien parce que papa et maman ont pas payer leurs fournisseurs la semaine dernière. Une vie où t’auras peut-être une autre perspective d’avenir que de finir complètement camée comme Néro !
-Et si j’ai pas envie de ça, hein ? Et si je suis capable de faire rien d’autre ?
-N’importe quoi, Mo’, t’es encore plus ambitieuse que Célice.
-Comme toi. » souligna Morgane. Avalon esquissa un sourire en haussant les épaules.

Un silence retomba sur les deux sœurs. Morgane gardait les yeux baissés vers son assiette.

« C’est loin, Leeds, finit-elle par lâcher en se mordant la lèvre. Je vous verrais plus jamais.
-C’est pas si loin, en train, fit remarquer Avalon. Et puis, moi, je peux être là-bas en deux minutes, tu sais.
-Tu viendras jamais. Tu venais jamais chez papa et maman.
-C’est pas vrai, Mo’…
-Si. Tu faisais que passer, mais on te voyait jamais, t’étais jamais vraiment , avec nous. »

Avalon hocha la tête avec lenteur.

« C’était dur, pour moi, de revenir.
-Ouais.
-Et quand je t’appelais, tu me disais jamais que tu avais besoin que je sois plus souvent là. Morgane haussa les épaules. T’aurais voulu ?
-Peut-être.
-Pourquoi tu m’as rien dit ? »

Morgane ne répondit rien. Evidemment ; fierté Davies.

« Ce sera bien, pour toi, à Leeds. Morgane reprit son air buté. Je te jure, Mo’.
-Ouais, c’est ça, et tu vas me dire qu’un jour, je te remercierais pour ce que t’as fait ?
-Ouais, répondit Avalon avec franchise, c’est exactement ce que j’espère.
-Bah c’est bien d’espérer. »

Un nouveau silence passa.

« Allez, viens, il faut que tu fasses tes affaires pour partir. Morgane repoussa brusquement son assiette sur la table et Avalon se leva. Elle contourna la table pour glisser un bras autour des épaules de sa petite-sœur. Je viendrais, cette fois. Promis. Au moins une fois toutes les deux semaines, le jeudi après tes cours, ok ? »

Morgane se dégagea de son étreinte. « Ouais. Ok. » répondit-elle quand même.


***


Vivianne était dans le jardin, lui avait soufflé Sun lorsqu’elle était arrivée sur le pas de la porte d’entrée de la grande maison des Bowers. Elle était en effet assise, adossée contre un arbre, un épais livre posé sur les genoux. Elle tournait une page distraitement lorsqu’Avalon arriva derrière elle.

« Tu lis quoi ? »

Vivianne sursauta et leva vivement les yeux vers elle. Avalon lui adressa un sourire, avant de s’installer en tailleur à côté d’elle. La benjamine des Davies lui montra la couverture de sa lecture du jour : les contes de Beedle le Barde.

« Tu as trouvé ça où ? s’enquit Avalon, curieuse.
-Dans la bibliothèque de l’école.
-Ça te plaît ?
-C’est… Un peu bizarre, avoua Vivianne en grimaçant.
-Ça vaut pas Blanche-Neige et les sept nains, hein ?
-Surtout quand toi et Gal vous faîtes toutes les voix » reconnut la petite fille en secouant la tête.  

Un silence passa entre les deux sœurs, silence pendant lequel Avalon contempla sa petite-sœur, les traits si familiers de son visage, ce petit pli d’inquiétude vers sa bouche, le grain de beauté sur sa mâchoire, exactement au même endroit que le sien, les longs cheveux qui encadraient son visage, ses yeux bruns, sa silhouette encore si enfantine. Vivianne avait dix ans et pourtant quelque chose, dans ce qu’elle dégageait, lui donnait quelques années supplémentaires. Ce constat serra le cœur d’Avalon, au moment où elle posait sa main sur celle de sa sœur.

« Viv’… Tu sais, c’était aujourd’hui, la dernière audience avec papa et maman. Vivianne ne répondit rien, les yeux résolument baissés vers son livre. Evidemment qu’elle savait. Le juge à qui on a parlé, tu sais, celui que tu es allée voir la dernière fois ? La petite hocha la tête. Il a décidé que ce serait mieux si tu restais avec moi, maintenant.
-C’est vrai ? demanda Vivianne en relevant la tête, le ton un peu incertain.
-Oui, c’est vrai. Alors on va faire comme on avait dit, toutes les deux, tu vas venir habiter avec moi.
-Tout le temps ?
-Oui, tout le temps.
-Alors je… Je verrais plus papa et maman ?
-Tu seras pas obligée, éluda Avalon.
-Et Garly et Mo’ ?
-Ils vont aller chez abuela tous les deux. Vivianne se mit à tordre ses mains ensemble. On ira les voir toutes les deux, promis. »

Vivianne paraissait bouleversée ; son expression oscillait entre le soulagement et l’effondrement, si bien qu’Avalon ne résista pas longtemps à l’attirer contre elle, dans une étreinte qu’elles conservèrent un long moment.

« Tu vas voir ma puce, ça va aller, lui assura la jeune femme. Tu vas pouvoir avoir une chambre rien qu’à toi, continuer à aller à l’école tranquillement, voir tes copains… Je sais que ça fait un peu peur mais je suis là, moi, tu sais ? Elle déposa un baiser sur son front. Je suis là, et je vais nulle part. Tout va bien se passer. » promit-elle en caressant ses cheveux.

Et pour une fois, cela n’avait pas un arrière-goût de mensonge.

[RP TERMINE]



Avalon Calder

It's your love that's weighted in gold

KoalaVolant