Désenchantée & En Chantier [Pv Doreen & Angus]

Fin de matinée du 27 Aout 2011 ~ Londres, Smiling's Willow Canal, Demeure des Denton-Rice.

Une chaleur de plomb s'était abattue sur le Londres Magique, contrastant violemment avec la fraicheur habituelle qui se dégageait habituellement des canaux du quartier de Camden. Atmosphère caniculaire et irrespirable, alors que la demeure entière des Denton-Rice s'ébrouait dans tous les sens signe d'un départ en direction de la verte patrie irlandaise. Assise sur le rebord de la baignoire, Doreen s'était réfugiée dans la fraicheur de sa salle de bain, où elle s'accordait l'infime privilège d'une pause dans son quotidien chronométré de mère de famille. Rares secondes volées au temps, dans lesquelles son esprit pouvait vagabonder loin des sentiers du prévisible et de cette vie d'automate, qui la rassurait autant qu'elle la terrifiait. Dans une poignée de seconde, elle allait franchir le seuil de sa salle de bain, et redevenir l'intendante modèle, la mère de famille qui se devait d'avoir toujours réponse à tout. Celle sur qui reposait le devoir de tout planifier, de tout organiser, pour le bien de sa famille. Victime jusqu'alors consentante de sa routine, Doreen avait de plus en mal à dompter sa vie si tristement ordinaire. Qui était-elle vraiment? Ou plutôt où était passée l'ancienne Doreen, celle dont aucune nouvelle journée ne ressemblait à la précédente? Loin, partie, volatilisée dans les méandres de la routine...

Sa routine, sa putain de routine! Celle qui rangeait les chaussettes de ses enfants par code couleur, celle qui cuisinait les meilleurs petits plats équilibrés à base de Tofu magique, celle qui nouait et dénouait le mieux les nœuds de cravate de son cher et tendre époux, celle qui était tellement exténuée par ses doubles journées de travail de Milicienne de la BSM/Mère de famille modèle qu'elle en oubliait ses propres passions. De l'extérieur sa vie devait paraitre atrocement monotone, tristement prévisible... Et c'est pourquoi Doreen préférait se noyer dans les tâches du quotidien, que de prendre du recul et affronter une remise en question dangereuse pour son équilibre et celui de sa famille. Peu importe son spleen, Doreen était convaincue, qu'il fallait toujours sauver les apparences ; Ne jamais rien laisser transparaitre de ses doutes, aussi tumultueux soient-ils. Que ce soit dans son travail, où elle était au placard dans sa morgue au parois lisses et sans aspérités - Dans sa vie de couple où elle simulait un bonheur partagé et indéfectible avec Karl - Ou auprès de ses enfants qui voyait en elle la maman invulnérable ; Doreen ne se plaignait jamais et se murait derrière les apparences d'une vie parfaite.

La seule personne qui transperçait ses faux-semblants, et pouvait lire en elle comme dans un livre, n'était autre que son frère, Angus. Un jumeau qui ne cessait de la surprendre dans ses choix de vie imprévisibles et dont elle critiquait souvent l'absence de calcul à plus ou moins long terme. Pourtant contrairement à elle, Angus semblait avoir trouver le remède à la monotonie, et se fixait ses propres challenges. Le dernier en date - après s'être entiché d'une jeunette, au lourd et traumatisant passif dans l'affaire Sorden - était celui de se lancer dans le chantier d'une maison à coté de sa caravane. Preuve qu'il n'écoutait plus forcement les conseils avisés ni répondait à l'aide de celle qui voulait peut-être trop jouer les sœurs modèles ; Angus avait balayé l'offre généreuse de Doreen qui était de résider dans sa maison secondaire d'architecte trop souvent inhabitée sur les hauteurs de Portmagee.

Si leur complicité était immuable, quelque chose avait changé depuis qu'il fréquentait la troublante et peu rassurante Emma Blackbonnes. Doreen se sentait inutile, comme exclue des projets de vie de son jumeau. Au moment où elle avait le plus besoin de lui, il se donnait corps et âme dans un chantier de maison, dont le but premier était sans doute d'emménager avec l'élue de son cœur. Quel grand con au grand cœur! Pensait-il vraiment qu'une sorcière du style d'Emma Blackbonnes allait choisir de vivre dans un trou aussi paumé? il fallait être né à Caherciveen, pour accepter d'y vivre. Emma allait logiquement le planter dès le premier pas enfoncé sur le sol tourbeux de sa lande inhospitalière. De plus le chantier de nouvelle maison serait boucler avant l'arrivée de l'hiver? Rien n'était moins sur avec un Angus en chef de travaux. Doreen secoua la tête, alors qu'elle ne faisait que douter des projets voués à l'échec de son frère, avant de quitter presque à regret le rebord salutaire de sa baignoire pour rejoindre le miroir.

Pourquoi était-elle si maussade aujourd'hui? Si aigrie alors qu'elle allait partager un barbecue en famille? Lorsqu'elle s'en prenait à son frère, ou se lançait corps et âme dans les taches ménagères, s'était souvent pour ne pas cogiter à un problème plus grave qui la concernait. Alors qu'elle essuyait la buée du miroir pour fixer son reflet triste ; Doreen comprit immédiatement qu'elle devait s'activer, relancer les mécaniques de la routine pour ne pas avoir à songer au changement cruel qui était sur le point de bousculer ses repères et son paysage familial. Le visage doux de sa fille ainée, Chelsea, traversa brutalement son esprit alors qu'elle se cramponnait déjà au rebord de la vasque qui servait d'évier. Au début de l'Eté, Chelsea avait reçut sa lettre d'invitation à Poudlard et donc l'obligation de quitter la maison. Il y a des routines dont on ne voudrait jamais se délester. Bien plus qu'un manque, l'absence de sa fille dont elle était si complice, lui broyait littéralement le cœur... Fort heureusement, sa douce et méprisable routine vint heurter la porte pour la soutirer de sa tristesse.

"Excuse-moi ma chérie? Tu es là? Est-ce que tu sais où tu as rangé ma cravate bleu marine? Tu sais celle qui va avec mon dernier costume? "

Plus le temps de se lamenter, l'objectif du jour était de ne rien d'oublier et d'arrivée à l'heure pour la réunion de famille en terre irlandaise. Doreen tamponna un peu d'eau fraiche sur son visage clair, avant de reprendre ses habitudes.

"Ta cravate est sur ton lit, à coté de ton costume que j'ai repassé hier soir. Je t'aiderai à faire ton nœud de cravate! "

"Oh parfait, mon amour. "

Tournant le dos au miroir, elle ouvrit la porte de la salle de bain, pour redevenir la mère de famille sur laquelle tout le monde comptait et sur qui les problèmes glissaient sans laisser de trace de visible.

"Lester, combien de fois vais-je devoir te le répéter? Je ne veux pas que tu prennes ce polo blanc pour aller chez tonton Gus! Tu sais bien que c'est trop salissant, et que je ne veux pas avoir à laver une nouvelle fois les empreintes dégueulasses d'Accio... "

"Oui, maman, d'accoooord."

"Chelsea, si tu peux charger les cadeaux de Tonton Gus dans la barque, tu serais un ange. "

"Mais tu sais que je suis déjà un ange. C'est déjà fait! "

"Merci ma belle... " Evitant de plonger ses yeux dans le regard de sa fille modèle, Doreen lui administra une caresse aussi furtive que tendre du revers de la main... Avant de passer immédiatement à autre chose.

"Je vais prendre les Tupperwares de velouté de brocolis, à la sauce soja et le dessert. C'est bon pour vous les enfants? " Doren fit semblant d'ignorer le "beurk" qui jaillit de la chambre de Lester, pour lancer une nouvelle consigne.

"Karl, tu penseras à remonter une bouteille de vin des Elfes de la cave? "

Interrogation en guise d'injonction ; Captain Doreen était dans la place.

"Ah oui, où diable ai-je la tête!. J'allais l'oubliée cette fameuse bouteille. " pesta Karl, le col de chemise encore défait.

"Je sais que tu allais oublié... " lui répondit Doreen tout en ajustant sa baguette en bois de chêne rouge sur le nœud de cravate de son tendre et distrait époux. "Voila qui est mieux. " dit-elle en déposant un baiser tendre et rapide à son mari ; Puis d'une petite tape aux fesses, elle lui intima gentiment l'ordre de se grouiller.

"Allez ouste! Je ne veux être en retard chez mon frère... Et louper le plaisir indicible de lui faire remarquer qu'il est lui-même en retard. "

Karl sourit malicieusement.

"En retard sur son chantier-maison ou dans la cuisson de la viande? " Doreen s'amusa de cette remarque, alors qu'elle connaissait déjà la réponse. Angus n'avait toujours pas répondu à une lettre de Karl où il lui soumettait une offre d'assurance habitation magique des plus avantageuse. Ah Angus et la paperasse... "Sans doute les deux. Mais je t'interdis de te moquer de mon frère. Je suis la seule qui a le droit d'être mesquine et cruelle avec la lui. Compris? "

"A vos ordres, madame! " répondit Karl, en exécutant un faux salut militaire.

L'heure du départ avait sonné, et comme à son habitude Doreen ne serait pas en retard...


Fraichement arrivée en terre irlandaise, la famille Denton-Rice remontait la petite piste tourbeuse qui conduisait à la caravane d'Angus. Il ne fallut qu'un bref coup d'œil à Doreen pour se rendre compte que le chantier de maison était encore loin de s'achever. L'hiver vient et le projet allait probablement s'endormir sous le manteau neigeux. Si prévisible. Une silhouette massive s'échinait auprès d'un nuage de fumée, signe que la cuisson de la viande était déjà lancée. Il ne fallut guère d'une demi-seconde pour que Lester et Chelsea se précipitent vers leur tonton préféré.

"Tonton Gus! " Tonton Gus! On est là! " Les deux enfants allèrent littéralement percuter le maitre-flaireur dans une accolade chaleureuse, manquant lui faire tomber un plateau de brochettes des mains. Bien qu'heureuse devant cette effusion de joie, et de retrouver enfin son frère ; Doreen cacha sa joie derrière les apparences de mère parfaite.

"Laissez-lui un peu d'air les enfants. Et éloignez-vous de la fumée, vous allez vous tacher... " Aussi pudique que soucieuse de conserver secret son mal-être,  elle adressa un petit geste de la main à son frangin, avant de le saluer : " Salut Gus! Cela fait plaisir de te voir... Je vais devoir mettre le dessert au frais. J'imagine que le frigo est toujours dans la caravane? " Petit tacle déguisé pour le chantier en construction, et l'absence d'une vrai cuisine.  Comme pour s'excuser de cette petite pique, elle s'adressa à ses enfants. "Les enfants? Et si vous remettiez les cadeaux à Tonton Gus? "

Cadeaux méticuleusement sélectionnés par Doreen herself,  et dans le but d'orienter la future déco de la maisonnée en travaux.

Chelsea fut le première à tendre un paquet soigneusement emballé : "C'est pour éclairer et rendre harmonieux ton futur salon, Tonton. C'est maman et moi qui l'avons choisie. J'espère que tu vas aimer... " Une petite lampe en forme de lotus, dans le plus pur style Fengshui jaillit du paquet.

Un brin impatient d'avoir était devancé par sa sœur, Lester se glissa devant elle pour tendre son cadeau.

"Et moi, c'est pour donner à boire à Accio et aux animaux! " Lester tendit alors une petite fontaine décorative sous le nez d'Angus. Signe qu'il avait du mal à trouvé sa place dans cet univers particulier, Karl resta un instant en retrait, saluant du bout des lèvres le chef du barbecue. Il osa alors une petite blague en tendant sa bouteille de vin des Elfes.

"Et moi, c'est pour donner à boire aux humains. Salut Gus! "

Doreen jetait un regard sur la cuisson des brochettes, avant de soumettre son aide.

"Il faut t'aider à quelque chose? Préparer la salade? Surveiller la cuisson du barbecue? Mettre la table? Dis-moi, on est là pour t'aider. "

Bien plus que de s'occuper d'un nouveau retard, Doreen avait besoin de s'occuper l'esprit et de se sentir utile. Ses questions cachaient une double émotion : Celle de retrouver enfin son frère, et son trouble de passer son dernier week-end en compagnie de sa fille Chelsea...

Pouvait-on parler d'un don? Ou d'une incapacité chronique à effectuer des tâches ponctuelles, nécessitant un minimum d'organisation? Quoiqu'il en soit, Angus était devenu un spécialiste dans la façon de gérer et relativiser le moindre de ses retards. D'une simple formule désinvolte, il savait désamorcer tous les moyens de pression savamment orchestrés par sa sœur, quand il s'agissait de l'inciter à se remuer gentiment les fesses. Entre devoir manger à 14 h à l'espagnole, ou être comparée à sa mère ; Le choix de Doreen fut rapide, alors qu'elle esquivait du menton le regard taquin de son jumeau, pour le laisser gérer seul sa gestion calamiteuse du timing. Comme d'habitude, rien ne serait prêt en temps voulu, et l'apéro se prolongerait jusqu'à ce que Chelsea & Lester n'aient absolument plus faim. Heureusement qu'il n'était pas père de famille, avec un planning et des délais à respecter. Un vent d'insouciance balayait la vie d'Angus, qui semblait s'accommoder pleinement de cette absence totale de contrainte... Était-ce un bienfait ou une malédiction? Le secret de la liberté, ou une incapacité chronique à gérer un foyer? Lui qui voulait des enfants, se rendait-il compte, que tôt ou tard, il devrait forcement changer? Non. Le sens des responsabilités lui était aussi étranger que de dompter les horaires et la cuisson de maudites saucisses.    

"Ok, comme tu veux, je te laisse gérer. Ton toit, ta loi, comme dis l'adage... " dit-elle en se laissant choir dans le siège de jardin, et que son regard aiguisé était alerté par une tâche de graisse ou de vin sur le parasol Kiness. "Merlin! Tu as encore ce vieux machin? "

Mais Angus ignora ou n'entendit pas sa critique, alors que Chelsea accaparait toute son attention. Un pincement au cœur saisit Doreen, alors que la conversation s'orientait vers Poudlard et les obligations futures de sa fille. Tristement, elle contemplait ce doux tableau de Tonton Gus en train de discuter et responsabiliser sa nièce... Quand tout à coup, le maitre fléreur tendit un colis piégé en direction de sa fille te future apprentie sorcière. Doreen se raidit et décolla de son siège, alors qu'elle craignait déjà d'en découvrir le contenu. Un présent supposé être vivant, puisqu'il risquait de s'étouffer... Mais entre la bestiole toujours inconnus et la mère de famille ; C'était bien Doreen qui s'étranglait le plus à la vue du mystérieux cadeau.

"Gus? Qu'est-ce que c'est? Tu... " Un cri strident et enjoué de Chelsea l'interrompit, alors qu'un mignon petit chaton roux "plein de poils", jaillissait de la boite. Malédiction et éternuement pointaient à l'horizon! Comment pouvait-il lui offrir un chaton, en sachant que son frère était hautement allergique au poil de chat? La chose était entendue, et il savait que Lester ne pouvait être en contact avec ce genre de petits félidés, aussi mignon soit-il. Doreen se leva et d'une main elle protégea son fils pour l'empêcher de se précipiter auprès du petit animal.  Pour Doreen, il ne s'agissait rien de moins qu'un coup bas fraternel, d'une énième preuve d'irresponsabilité de Gus. Bien décidée à le tacler sèchement, son regard jongla entre le chaton, sa fille, son fils et Karl qui secouait la tête négligemment pour souligner sa désapprobation silencieuse. Doreen était énervée, alors qu'elle vivait cela comme une odieuse trahison.

"Gus, franchement là, tu exagères! Tu sais bien que Lester est hautement allergique au poil de chat, et tout ce que tu trouves de mieux à faire est d'offrir un chaton à sa sœur? C'est pas sérieux, on dirait parfois que tu le fais exprès... " Gus était dans le déni de l'allergie, comme si un animal ne pouvait en aucun cas être un foyer de contamination. Bien entendu, Chelsea était aux anges, alors qu'elle pressait la petite créature soyeuse contre sa joue, et remerciait son oncle préféré. Ce dernier ne facilitait pas la gestion et l'autorité parentale, alors que ce n'était pas lui qui allait subir les conséquences de ce cadeau empoisonné. Lui, il avait toujours le beau rôle, et Doreen allait être la méchante mégère, la cruelle marâtre qui enlevait un chaton des mains frémissantes de sa fille. Son regard maudit Angus, alors que celui-ci trouvait déjà une solution miracle au problème d'allergie de Lester.

"C'est bien Gus! Je vois que tu es devenu Médicomage. Félicitation! Merci grandement pour ton aide! Tu me diras quelle solution miracle tu as trouvé pour empêcher ce chaton de perdre ses poils? Ce n'est pas toi qui va devoir gérer les galère, la toux, et les plaques de démangeaison de Lester. " Tandis que Chelsea se précipitait sur elle pour la supplier de pouvoir garder le maudit chaton, le regard de Doreen se tourna vers son époux. Karl, en bon père, appuya ses craintes.

"Oui, le Docteur Jacob a bien souligné que Lester ne devait en aucun cas être exposé aux poils de chat. Je suis désolé ma chérie... " Il se tourna vers Gus, comme pour l'encourager de reprendre son présent. " C'est gentil Angus, cela part d'une bonne intention, mais je crois qu'il est préférable de ne pas exposer Lester. " Karl jouait souvent les médiateurs dans les querelles fraternelles, alors que ce barbecue ne démarrait pas sous les meilleurs auspices. De son coté, Lester trépignait de dépit alors que sa mère le contraignait d'un geste protecteur à reculer d'un pas. Le petit garçon souffrait le martyr, comme un ourson devant une galette de miel, alors que le petit chaton poussait des petites miaulements attendrissant dans les bras de sa sœur. Doreen feignait ne pas attendre les suppliques de sa fille, alors qu'elle en voulait terriblement à son frère de lui imposer ce mauvais rôle.

"Non Chelsea. Il n'y a pas de discussion ou de choix possible! Il en va de la santé de ton frère. Alors rends ce chaton à tonton, et va te laver immédiatement les mains et le visage. "

"Mais maman... " supplia-t-elle.

"Il n'y a pas de mais, Chelsea. C'est ton frère ou ce chaton. Alors maintenant tu vas me faire le plaisir d'obéir! C'est bien clair? " trancha avec autorité Doreen.

Chelsea n'était pas du genre à désobéir, à sa mère. En guise d'Adieu, la jeune fille posa un dernier regard triste sur le petit animal, avant de se tourner vers son oncle. Une larme dévala sur la joue blanche de la future écolière magique, alors qu'elle tendit avec regret la charmante peluche vivante en direction d'Angus.

"Merci Tonton Gus. Il est vraiment trop mignon. Mais maman a sans doute raison... Je ne peux pas le garder. " Le cœur de Doreen se serra de tristesse, alors que sa fille finit par s'enfuir en sanglotant en direction de l'évier de la caravane. Être mère imposait des responsabilités, des crève-cœurs comme celui de protéger la santé de ses enfants en dépit des frustrations. Doreen esquissa un sourire aiguisé de reproche en direction de son frère, qui pouvait se traduire par un cruel "tu es content de toi?" ; Mais plutôt que de divulguer son ressenti intérieur et sa colère à l'égard de ce frère irresponsable, Doreen désamorça la situation avec des banalités. Quoi de mieux que la météo pour colmater la venue des sanglots?

"C'est incroyable comme il fait encore doux pour une fin d'aout, vous ne trouvez pas? D'ordinaire le crachin s'invite toujours à la fête. "

Pour rien au monde, elle ne voulait gâcher cette journée, et ce dernier week-end passé en compagnie de sa fille.  

L'atmosphère familiale du bucolique barbecue semblait virer à l'orage, alors qu'il devenait prévisible que le sujet de la douceur climatique ne serait pas au cœur des débats. Trop habitué aux querelles familiales, le regard inquiet de Karl jonglait entre les deux jumeaux, sans savoir comment faire pour faciliter la désescalade du conflit latent. Bras croisés, et armée de son plus beau sourire de façade ; Doreen contemplait avec une certaine exaspération son frère jouer une nouvelle fois sa partition de parfait tonton au grand cœur. Certes, Gus n'avait pas cherché à sabrer directement son autorité auprès de Chelsea ; Mais dans la manière de le lui dire, il se cachait une forme de duplicité malvenue, un clin d'œil complice et invisible, qui laissait sous-entendre à Doreen qu'il trouverait un moyen détourné d'outrepasser son diktat anti-chaton.

De plus, la mère de famille n'arrivait point à ôter de son esprit, une moquerie mal placée d'Angus qui tournait en dérision sa volonté d'appréhender et de protéger Lester du risque allergique. Qui était-il pour juger et parler de sujets qui de toute manière n'impacteraient jamais son quotidien de Tonton désinvolte? Quels étaient ses soucis à lui? Quelles réussites lui octroyaient le droit de juger et de mépriser sa manière de concevoir l'éducation de ses enfants. Les projets de vie d'Angus se limitaient pour l'heure, au fait de bâtir une maison sans pour autant s'imposer de délai trop stressant, de flirter avec une jeune sorcière à peine sortie de son adolescence tourmentée, et d'amuser ses collègues avec de nouvelles blagues grasses à la machine à café le lundi matin. Bref, il était plus que mal placé pour lui faire la leçon en matière d'éducation.  

En bonne et caractérielle irlandaise, Doreen allait remettre le Pub au centre du village. Immédiatement, elle stoppa Lester en plein élan, alors que celui-ci suivait un conseil irresponsable de son oncle pour rebaptiser le maudit chaton, comme si une interaction avec l'animal était envisageable. Qu'est-ce qui était compliqué à comprendre dans le fait que Lester ne devait pas s'approcher de cet animal à poil? Et en quoi était-ce une bonne action digne d'un tonton modèle, que de contraindre son pauvre Lester de choisir le nom d'un animal dont il était privé? Protéger Lester était la priorité, mater son frère était la seconde.

"Non attends Lester, ne rejoins pas ta sœur... " Lester quelque peu décontenancé par ce contrordre, se balança d'un pied à l'autre, avant d'entendre la suite de la consigne maternelle "Et si tu allais plutôt voir l'enclos des Abraxans, en attendant que le repas soit pour de bon servi? Comme ça tu pourras choisir ta future monture, quand tu seras en âge de pouvoir voler. N'est-ce pas une bien meilleure idée? "

Victoire facile contre le tonton préféré, surtout que Doreen savait à quel point, Lester était fasciné par cette noble créature, et s'imaginait souvent en preux chevalier magique. Il ne fallut guère de temps à Lester pour sauter de joie, et se diriger en toute hâte vers la barrière de l'enclos, qui était à portée de vue de la mère vigilante. Sourire impérieux aux lèvres, elle préféra toutefois jouer la carte de la surprise quand son frère fut le premier à l'attaquer et crever l'abcès qui ruinait cette journée de retrouvailles.  

"Quand je fais quoi?" osa-t-elle demander avec sa mauvaise foi légendaire. Des deux jumeaux, elle semblait avoir hérité du talent pour la l'hypocrisie et la sournoiserie, là où son honnête frère fonçait tête baissée comme un chaton devant une soucoupe de lait. L'ironie de la situation étant que son frère lui prétextait qu'il allait s'occuper de tout, comme si cela était de nature à la rassurer... Il s'occupait de tout également par sa demeure en chantier, et encore aujourd'hui il résidait dans sa caravane. Clairement les responsabilités se n'était pas sa tasse de thé. Laissant son coté peste parler, Doreen ne pouvait résister à l'envie de rétablir certaines vérités.

"Oui, je vois ça, Gus. Tu t'occupes de tout. Comme de dire à Lester d'aller rejoindre sa sœur pour aller rebaptiser un chaton qui peut lui flanquer des boutons, et qu'il ne pourra de toute manière jamais caresser. Attitude vraiment noble et responsable de ta part... " Le malaise s'installait, tandis que Karl se transformait en témoin gêné et impuissant d'une énième dispute entre les deux jumeaux. Si Doreen demeurait parfaitement calme, et n'élevait pas la voix ; Ses pommettes rosissaient légèrement signe de son émoi et de sa colère intérieure.

"Gus, que tu n'arrives pas à me comprendre, c'est une chose... Mais que tu n'arrives pas à comprendre que Lester souffre d'allergie, et ne doit pas être en contact avec un chat, c'est beaucoup plus inquiétant. "

Chaton aux yeux doux sur les genoux, le tonton modèle tentait de se justifier sur le choix de ce cadeau empoisonné. Pour sa sœur, cela ne faisait pas l'ombre d'un doute, qu'il se comportait encore une fois avec une insouciance presque immature pour son âge. Karl eut beau lever une main dans la direction de son épouse, Doreen attaquait déjà son jumeau sur sa définition du job de tonton.

"Ah d'accord, ton rôle c'est juste de faire des cadeaux, et c'est à moi d'en subir les conséquences. Sympa le job de tonton. C'est certain que d'offrir un chaton à sa nièce, en sachant que son petit frère est hautement allergique aux poils de chat, cela sort de l'ordinaire! Bravo Gus, incroyable sens des responsabilités... "

Intérieurement, Doreen en voulait terriblement à son frère, et à ce maudit chaton qui malgré son regard attendrissant avait ruiné sa journée. Il venait de gâcher un moment sacré. Un moment partagé en famille, et qui s'annonçait comme le dernier avant le départ de Chelsea pour Poudlard. Doreen avait la gorge serrée chaque fois qu'elle pensait à ce qu'elle allait perdre. Avec le départ de Chelsea, s'envolait une incroyable complicité mère-fille qu'elle ne retrouverait peut-être plus jamais. Chelsea allait grandir, devenir une adulte, et sans doute changer. Rien ne serait plus comme avant. Très vite le lien unique et fusionnel qui les unissait allait s'estomper, au profit d'autre chose dont elle ignorais encore tout des contours. Elle vivait l'absence de Chelsea comme une petite mort, et un premier pas vers la solitude de la vieillesse. Un lien, un manque, que même Karl ou Lester ne pourrait combler l'absence. Voila pourquoi, même s'il ne s'agissait que d'une maladresse, partant à coup sûr d'une bonne intention ; Doreen était en colère contre son frère, au point d'en devenir mesquine et mauvaise. Était-elle dans l'obligation de se venger sur lui? Son jumeau devait-il obligatoirement partager sa douleur? Doreen savait pertinemment qu'en s'attaquant à Angus, elle s'infligeait autant de mal à elle même qu'à lui. Un attitude destructrice, qui était sa manière à elle de faire le deuil du départ de Chelsea pour l'école des sorciers.

Telle une étincelle sur la mèche d'une dynamite, un reproche d'Angus vint embraser de colère le regard de Doreen. Cette fois-ci, elle ne s'embarrassa pas des faux-semblants pour balancer ses quatre vérités et sa colère à la face de son frangin.

"Tout gâcher? Gus, j'espère que tu plaisantes! Qui est en train de tout gâcher là, si ce n'est pas toi!? Tu es incapable de te mettre une seconde à ma place. Franchement, qui es tu pour me faire des leçons de morale? Me juger? Ou me dire comment élever mes enfants? Que ce soit les parents ou toi, c'est toujours moi qui endosse le rôle de la méchante, alors que tout ce que tu fais est magnifique!  Mais sérieusement, Angus, regardes-toi un peu ; C'est quoi ta vie? Personne ne dépend de toi, tu n'as aucune responsabilité, tu vis dans l'insouciance totale sans te préoccuper du lendemain. Dis-moi quels sont tes projets, tes ambitions? Tu vis encore dans cette vieille caravane, à coté d'une maison toujours inhabitable ; Toute ta vie semble être un chantier qui n'avance pas. "

L'impétueuse sorcière irlandaise regrettait déjà ses paroles cruelles et le terrible constat qu'elle faisait sur la vie de son jumeau. Le trouble et la colère s'entremêlaient dans son regard vif et clair. Pourquoi cherchait-elle à le blesser? Pourquoi éprouvait-elle le besoin de blesser les personnes qu'elle aimait le plus au monde? Ces cinglants et cruels reproches étaient à la hauteur de son mal-être. Bien que plus petite que son frère, Doreen n'hésitait pas à lever fièrement son menton, pour défier du regard son frère. Au diable la joie des retrouvailles ; Elle avait besoin de se sentir vivante, de se rebeller, et surtout d'être l'actrice de sa propre vie.

Alors les esprits des jumeaux Rice étaient en fusion, et qu'un silence impressionnant venait de s'abattre sur le barbecue ; Une odeur de saucisses carbonisées vint envahir l'espace. Dans l'espoir de désamorcer la terrible dispute fraternelle, Karl y trouva l'opportunité tant attendue d'intervenir et de détourner l'attention.

"Excusez-moi. Mais les saucisses ne sont-elles pas en train de bruler? "