Le Deal du moment : -28%
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G ...
Voir le deal
389 €

Control [Leonard et Eiluned]

Eiluned Wellington
Eiluned WellingtonMédicomage
Messages : 168
Profil Académie Waverly
Control [Leonard et Eiluned] Icon_minitimeDim 23 Mai 2021 - 0:49
29 août 2011 – Sicile

Le soleil de la fin de l’après-midi chauffait le sable dans lequel Eiluned glissait distraitement ses doigts. Installée sur le dos, légèrement redressée sur ses coudes, la jeune femme observait la mer s’agiter paresseusement. Deux enfants jouaient au bord de l’eau et cherchaient vainement à repousser les vagues pour qu’elles ne détruisent pas le grand château qu’ils avaient bâti. C’était peine perdue ; malgré la haute muraille que les deux petits architectes avaient érigée, la nature reprenait déjà ses droits et venait d’emporter la première tour. Eiluned esquissa un léger sourire, et posa sa main sur son ventre arrondi.

Ces vacances étaient les dernières qu’ils passaient tous les deux. L’été prochain, à la même période, une toute petite fille âgée d’à peine huit mois découvrirait peut-être l’océan et le sable chaud pour la première fois. Cette pensée était un peu vertigineuse ; Eiluned avait l’impression que les mois de sa grossesse défilaient à toute vitesse. On était bientôt début septembre ; la date présumée de son accouchement se rapprochait à grand pas. L’heure n’était pourtant pas aux préparatifs ; Eiluned et Leonard s’étaient envolés pour dix jours en Sicile, dans un magnifique hôtel qu’ils avaient choisi pour passer leur lune de miel. Choisir leur destination n’avait pas été une mince affaire. Rapidement, ils avaient abandonné l’idée de partir sur un autre continent ; Eiluned ne trouvait pas cela très prudent comme elle était déjà enceinte de presque six mois et une large part de leurs économies étaient de toute façon destinées à la rénovation de la grande maison qu’ils avaient acheté avant leur mariage. Ils s’étaient finalement décidés sur la Sicile, une belle destination qui remplissait tous leurs critères : du soleil, de jolis paysages, des belles choses à découvrir et une excellente gastronomie (qui était l’un des critères principaux de Leonard). Ils avaient posé leurs valises dans un bel hôtel au style ancien, et passaient la plupart de leurs journées à flâner dans les rues piétonnes, à déguster des mets italiens et à se baigner dans les eaux turquoise de la mer méditerranée.

Ils s’étaient d’ailleurs étendus sur leurs serviettes une dizaine de minutes auparavant. Eiluned avait remonté ses cheveux en un haut chignon sur le dessus de son crâne et une légère caresse sur sa jambe lui apprit que sa peau était déjà sèche, rendue même chaude par le soleil qui brillait encore à cette heure-là. Un peu machinalement, la jeune femme se mit à tracer des formes sur ses cuisses avec le sable qui les recouvrait. Des yeux, elle suivait le parcours de ses doigts qui bougeaient lentement dans un mouvement presque hypnotique.

Presque par réflexe, Eiluned remarqua ses cuisses plus rebondies que d’ordinaire. Cela se voyait surtout juste au-dessus du genou, constata-t-elle avec un regard presque scientifique. Machinalement, son doigt traça le parcours d’une vergeture qui s’était formée récemment à l’intérieur de sa cuisse. Ce n’était pas la seule, mais elle était particulièrement foncée, d’un violet qui tirait presque sur le noir. Doucement, Eiluned sentit un malaise diffus et terriblement familier se répandre en elle. Son sourire s’effaça et ses sourcils blonds se froncèrent.

Depuis plusieurs mois, elle assistait à d’importants changements corporels. Son ventre s’arrondissait, évidemment, mais elle n’avait pas de mal à l’accepter. Son ventre rond était la manifestation la plus évidente de sa fille qui grandissait en elle ; pour cette raison, cette partie de son corps semblait être préservée de son regard pourtant si sévère. En revanche, elle ne pouvait pas s’empêcher de notifier les kilos qui se logeaient dans d’autres endroits : ses cuisses, ses bras, et même sa poitrine qui avait gagné en volume. Souvent, ces constatations la faisaient se sentir étrangère à son propre corps. Il était difficile, pour une femme comme Eiluned habituée à garder un contrôle qui frôlait parfois l’inconscience et le danger, d’accepter de n’être plus que spectatrice de quelque chose qu’elle avait mis autant de temps à soumettre à sa volonté.

C’était probablement l’exercice le plus difficile de sa grossesse. A travers celui-ci, Eiluned revivait de vieux mécanismes qu’elle s’efforçait de repousser avec une lucidité gagnée au fil des années et des thérapies qu’elle avait suivies. Hors de question de s’affamer et de mettre en danger son bébé, Eiluned veillait à ses prises alimentaires, quand bien même il lui arrivait de se nourrir sans grand enthousiasme. Le cercle était d’autant plus vicieux que la jeune femme ressentait une large culpabilité à ne pas parvenir à accepter ses nouvelles formes qui étaient, pourtant, le signe de l’arrivée de son bébé.

Un peu rageusement, l’esprit occupé par des pensées douloureuses pour elle, Eiluned se pencha sur le côté pour saisir une large chemise blanche qu’elle passa et qu’elle noua au niveau de ses hanches avec une ceinture en tissu. Elle tira un peu sur le vêtement pour masquer ses cuisses, et garda ses doigts crispés sur la matière légère. De ses réflexions, elle ne dit pas un mot, à la fois honteuse et triste de ce que tout cela soulevait chez elle.

« C’est bien ce que tu lis ? » demanda-t-elle finalement d’un ton qu’elle voulait dégagé à un Leonard qui avait relevé les yeux vers elle.



Eiluned Wellington


Time stands still, beauty in all she is

KoalaVolant
Leonard Wellington
Leonard WellingtonLieutenant de la milice
Messages : 170
Profil Académie Waverly
Control [Leonard et Eiluned] Icon_minitimeDim 23 Mai 2021 - 17:31
Le temps passait à une vitesse folle. C’était le constat sur lequel Leonard s’arrêtait de plus en plus régulièrement. Il avait du mal à se dire que cela faisait déjà huit mois qu’il avait appris l’existence de sa maladie, ce qui le rapprochait toujours un peu plus d’une funeste fin à laquelle il ne voulait pas penser. Heureusement qu’en parallèle, il avait quelques bonnes raisons d’être heureux de voir le temps défiler, car ce dont il se rapprochait aussi était la naissance de sa fille, qui grandissait à vue d’oeil à travers le ventre d’Eiluned. Il savourait chacune de ses journées passées en compagnie de son épouse, à peaufiner leurs plans d’accueil pour leur bébé et évoquer leur impatience. C’était le genre de merveilleux cadeau que lui faisait Eiluned : transformer son rapport au temps, jusqu’à lui permettre de le voir sous un autre angle que celui d’une pure anxiété.

Sur cette plage sicilienne, toutefois, le temps ne semblait pas du tout s’écouler comme en Angleterre. Les journées s’étiraient en longueur sous un soleil constant, qui imprégnait leurs corps et les rendait paresseux. Ici, même Leonard se sentait ralentir et acceptait de rester tranquille pendant plus de cinq minutes. D’ailleurs, cela faisait peut-être bien vingt minutes qu’il ne bougeait plus sur sa serviette, étendu au soleil avec son livre, après avoir bien appliqué sa crème solaire selon les instructions avisées de sa femme médicomage. Il commençait à sentir sa peau piquer et songeait à aller se rafraîchir dans l’eau, en prenant le temps de ramasser son courage pour se lever. Il allait d’ailleurs proposer à Eiluned de le rejoindre, quand il la sentit gigoter à ses côtés. D’un mouvement du buste, il se redressa assez pour pouvoir la regarder, en mettant sa main en visière sur son front. Rapidement, il devina que quelque chose n’allait pas, dans les petites rides de contrariété au coin des lèvres de sa compagne, qui bataillait avec une chemise pour l’enfiler. Il ne faisait pourtant pas froid, songea Leonard avec étonnement.

« Ça commence à m’endormir un peu, j’avoue » répondit t-il au sujet du roman qu’il lisait. « L’intrigue n’avance pas assez vite ! Et j’ai très chaud alors je songeais à retourner me baigner. Tu veux venir avec moi ? »


Leonard Wellington

I don't wanna lose control
There's nothing I can do anymore

KoalaVolant
Eiluned Wellington
Eiluned WellingtonMédicomage
Messages : 168
Profil Académie Waverly
Control [Leonard et Eiluned] Icon_minitimeLun 7 Juin 2021 - 16:01
Eiluned avait toujours été une femme assez secrète, qui s’entêtait souvent dans le silence parce qu’elle était incapable de verbaliser ses pensées. Elle avait appris à dissimuler ses contrariétés, à cacher sa souffrance et à feindre un sourire lorsqu’elle assurait qu’elle allait bien. Cela lui avait permis plus d’une fois de ne se montrer trop déstabilisée par des remarques qui, pourtant, la touchaient profondément. Combien de fois avait-elle écopé de sermons véhéments à Ste-Mangouste, sans que son visage ne trahisse son envie de fondre en larmes ? Déjà lorsqu’elle petite-fille, elle était capable d’écouter les remontrances de sa mère, le visage fermé en une expression neutre. Eiluned n’aimait pas pleurer devant les autres ; elle avait toujours préféré gérer ses émotions dans l’intimité de sa chambre, là où personne ne pourrait ni la voir, ni l’interroger.

En grandissant, elle avait appris à s’ouvrir un peu plus aux autres – la psychothérapie qui avait été mise en place l’année de ses seize ans y était évidemment pour quelque chose. Malgré tout, son premier réflexe était d’enfermer ses sentiments au creux de son cœur, comme pour les préserver à la fois du jugement des autres et de son propre jugement, déjà suffisamment sévère lorsqu’il n’était pas prononcé à voix haute.

Les pensées qui venaient l’agiter quant à sa grossesse faisaient partie de cet immense complexe qui était devenu pathologique et mêlait à la fois ce besoin de contrôle et une vision totalement déformée de son corps qu’elle cultivait depuis son enfance. Eiluned savait que sa maladie avait un nom, comme elle savait aussi qu’elle ne pourrait jamais en être totalement guérie ; quand bien même elle allait mieux, un rien pouvait la faire rebasculer. Sa psychomage l’avait prévenu au moment où elle était tombée enceinte : elle s’apprêtait à assister à d’importants changements sur lesquels elle n’aurait aucune maîtrise. Eiluned s’était crue prête à y faire face, pensant naïvement que son désir de maternité lui permettrait d’accepter plus facilement tout ce à quoi elle allait être confrontée dans les mois à venir. Cela n’avait pas été le cas, et le sentiment d’échouer à cette première épreuve en tant que mère était parfois insupportable. Elle aurait voulu remporter cette victoire pour se conforter dans ses capacités à réaliser cette grande étape de leur vie commune, à Leonard et elle.

« Les intrigues n’avancent jamais assez vite pour toi, chéri. » rappela-t-elle en masquant ses pensées derrière un sourire de façade. Elle considéra la proposition de son fiancé une seconde, avant de secouer la tête en signe de négation. « Non, non, j’ai pas trop envie… » répondit la jeune femme en gardant sa chemise nouée autour d’elle. Machinalement, elle tira à nouveau le tissu sur ses cuisses. Comme il faisait chaud, elle ne tarda pas à ressentir un certain inconfort à le porter ; il collait à sa peau. « Mais vas-y si tu veux, je peux rester ici. »



Eiluned Wellington


Time stands still, beauty in all she is

KoalaVolant
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
Control [Leonard et Eiluned] Icon_minitime