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Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari]

Jayasimha Vijayan
Jayasimha VijayanGrand sage mafieux des montagnes
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Profil Académie Waverly
Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Icon_minitimeSam 27 Mar 2021 - 21:01

12 Juin 2011

Jayce revenait d’une réunion des Alcooliques Anonymes lorsque Chandra lui était tombée dessus. Il avait à peine mis un pied dans le jardin, à peine refermé derrière lui le portail qui clôturait l’entrée du petit havre de leur maison, lorsqu’elle avait surgi de derrière un buisson pour se camper devant lui, les bras le long du corps, dans une pose étonnante de rigidité immobile. Elle l’avait fixé intensément sans bouger, un air profondément contrarié sur le visage, le teint pâle, le regard orageux, les lèvres serrées. Jayce connaissait cette attitude : Chandra avec dans le caractère quelque chose d’assez vindicatif, et puisqu’elle ne s’exprimait que rarement par la parole, s’imposer dans l’espace était devenu une façon très éloquente pour elle de transmettre son irritabilité.

Le premier réflexe de Jayce fût de penser qu’il avait fait quelque chose qui déplaisait à sa fille. La tête encore à moitié dans les récits partagés du groupe de parole qu’il fréquentait toujours avec régularité, Jayce l'avait considéré en attendant qu’elle lui présente son reproche. Il avait attendu de longues secondes. Mais Chandra n’avait pas bougé, hormis pour se balancer d’un pied sur l’autre, comme si elle avait tenté de refouler une nervosité impatiente. Elle s’était tortillée un peu, avait jeté des regards autours d’elle identiques à ceux d’un animal qui craint d’être surprit, mais n’avait toujours rien dis. « Je serais dans le salon quand tu seras prête à me dire ce que tu veux me dire, » avait- dit Jayce calmement, fatigué d’attendre. Il lui avait jeté un coup d’œil inquiet en la dépassant, mais elle s’était contentée de s’écarter nerveusement. Elle l’avait arrêté en tirant sur sa veste alors qu’il avait à peine fait deux pas en direction de la maison et s’était mise à signer frénétiquement. « Woah, attends, attends. » Jayce s’était baissé à sa hauteur. « Signe moins vite… » La petite fille avait inspiré brutalement en réalisant qu’elle avait coupé sa respiration en démarrant ses gestes frénétiques. Elle avait pris quelques respirations profondes, comme son père le lui avait appris, et recommencé à signer fermement.

Jayce avait froncé les sourcils. « Qui ça ? » Avait-il demandé, incertain. Chandra avait décrit un homme brun, grand, blanc, qui portait des chemises vives, avec un très grand sourire auquel manquait une dent sur le côté. « Quand donc ? » Avait repris Jayce. Chandra avait ouvert la bouche pour répondre : « Tout à l’heure. » Sa voix qui articulait mal les consonnes avait laissé transparaître une inquiétude profonde. Jayce avait doucement passé un doigt sur la joue de sa fille et lui avait souri avec une tranquillité qu’il ne ressentait pas du tout. «T’inquiètes pas, je le connais. Ça ne veut rien dire.» Avait-il ajouté en se relevant. Mais il savait que c’était trop tard, que l’imagination prompte de Chandra avait déjà échafaudé un scénario plein d’inquiétudes qu’il ne pourrait rassurer tant qu’il n’aurait pas lui-même compris la vérité.

Sa fille ne l'avait pas retenu lorsqu’il avait repris sa route vers la maison. Elle avait compris instinctivement que personne ne répondrait à ses questions pour le moment et qu’il lui faudrait se contenter de l’assurance de son père, une assurance qu’elle sentait confusément brodée d’illusion.

Elle avait raison. Jayce avait évité toute confrontation en faisant le tour de la maison d’un pas lent, plongé dans l’assombrissement soudain de ses pensées. Il ne pouvait empêcher son cœur de s’alourdir d’une inquiétude instinctive. Il s’était sentit fébrile et avait conclu assez vite qu’il fallait qu’il tire l’affaire au clair.

C’est comme ça qu’il s’était retrouvé dans le salon, derrière le canapé qui donnait sur l’immense baie vitrée du jardin. Immobile comme sa fille un peu plus tôt, le cœur battant, il observait la délicate silhouette de Sundari se découper sur le contre-jour. Elle lui faisait dos et probablement occupée à lire, n’avait pas remarqué sa présence. Pourtant quelque chose chez elle semblait nerveux, si bien qu’il finit par l’entendre soupirer. L’inquiétude de Jayce s’intensifia malgré lui. Il se racla la gorge. « Sun, je suis rentré » appela-t-il comme s’il venait d’arriver en marchant vers elle. Il posa doucement ses mains sur les épaules de sa femme, remonta contre sa nuque, pour sentir sous ses doigts le mélange de sa peau chaude et de la racine douce de ses cheveux. Des aspects d’elle qu’il connaissait par cœur et chérissait depuis qu’il les avait aperçus pour la première fois, dans une rue de Londres, tout à fait par hasard. « Ça va, la vie ? » Commença-t-il sans pouvoir s’empêcher de faire comme si. Ils avaient communiqué au cours de la journée, pourtant. Un tas de questions se mirent automatiquement à défiler dans sa tête. « Hum... Les trapèzes et la nuque sont tendus. » Débuta-t-il avec une sorte d’hésitation, en massant doucement sa femme. Il la sentit bouger sous ses mains, pas totalement abandonnée comme elle aurait dû l’être. Sun avait un tempérament explosif, qu’un rien pouvait rendre nerveuse. Mais en général, elle l’était pour de bonnes raisons.

Jayce espérait qu’elle allait aborder le sujet d’elle-même. Qu’elle allait dissiper ses craintes. Que quelques secondes suffiraient pour que la confession de Chandra disparaisse.  


Jayce Bowers
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Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Icon_minitimeJeu 8 Avr 2021 - 17:45
Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Sun10
Sundari Bowers, 32 ans, épouse de Jayce

De gestes précis et forgés par l’habitude, Sundari découpait en petits morceaux ses patates douces, sans que le son vif de la lame contre la planche de bois ne puisse interrompre le fil décousu de ses pensées. Elle regardait ses légumes sans les voir, exécutait des gestes sans y réfléchir, car tout son monde intérieur était tourné vers un profond trouble qu’elle ne parvenait pas à dissiper. Même la voix fluette de sa fille cadette ne parvint pas à la tirer de ses rêveries :

« Maman, on peut fai’le jeu des yego ensemble ? » Sans réponse de sa mère concentrée dans autre chose, la petite insista plus fortement en agitant la boîte de lego qu’elle transportait : « Mamaaaan !
-Hum ? Oui ?
-On peut zouer ?
-Je ne peux pas, ma puce, je prépare le dîner. Tu peux demander à ta soeur de jouer avec toi.
-Zé demandé mais é’veut pas… E’boude dans sa ssamb’e.
-Pourquoi elle boude ?
-Bah ze sais pas, moi ! » S’exclama Meera en haussant haut ses petits sourcils et ses épaules d’un même geste démonstratif. « E’vouyait pas que ze reste. » Contrariée, elle s’approcha de sa mère, bien décidée à trouver de la compagnie et de l’occupation. Elle se hissa dans l’espoir de voir le contenu de la marmite. « Ze peux fai’la cuisine avec toi ? Moi aussi ze veux couper les podeterres !
-Ce sont les adultes qui utilisent des couteaux, tu le sais » rappela t-elle, en cédant toutefois face à la mine suppliante de Meera. « Mais tu peux verser les pommes de terre dans la marmite, si tu veux. »

Avec un cri de victoire, la petite courut pour aller récupérer le marchepied en plastique qui lui était dédié et qu’elle utilisait pour être à la bonne hauteur et se laver les mains en autonomie. Sundari la laissa récupérer entre ses petites mains la planche pleine de légumes qu’elle versa dans la marmite où cuisait à feu doux un dahl de lentilles. Ce moment avec sa fille lui permit pendant un bref instant de sourire et d’oublier les secrets qui la tracassaient. Un moment qui fut de courte durée, car bientôt, Meera se désintéressa de la cuisine pour se ruer dans le jardin avec cette énergie propre aux enfants et y faire des tours sur son vélo à quatre roues. Entre le jardin où elle jetait machinalement un oeil pour surveiller sa fille et son dîner dans la cuisine qu’elle devait surveiller également, Sun s’installa sur le canapé du salon, en attrapant un livre où elle espérait s’absorber pour détourner ses pensées.

Et pourtant, la tension le long de ses épaules ne l’avaient pas quittée quand quelques dizaines de minutes plus tard, son époux se manifesta derrière elle, sans qu’elle ne l’ait entendue. Prise d’un sursaut, elle dut paraître plus tendue encore lorsqu’il passa ses mains sur sa nuque dans un geste tendre. Un soupir lui échappa, sans trop qu’on ne sache s’il s’agissait de bien-être ou de toutes ces émotions inconfortables qu’elle contenait.

« J’ai eu une dure journée » résuma t-elle, en guise d’explication à ses muscles noués, et surtout son estomac noué. « Mais ça va… Et toi, ça a été ta journée ? »

Elle releva les yeux vers Jayce et ce simple échange de regards la frappa d’une certitude. Elle devait lui parler. C’était ridicule de faire semblant que tout allait bien et de retarder ses aveux, ce n’était pas elle, cela ne lui ressemblait pas, elle avait l’habitude d’être honnête, trop franche même parfois. Même si elle essayait de feindre, Jayce ne mettrait probablement que trente secondes à griller ses tentatives. Après dix ans de mariage, il n’y avait rien à cacher, en tout cas, ce n’était pas ainsi qu’elle souhaitait définir son couple. Elle avait déjà l’impression que le regard de son mari la transperçait et lisait en elle avec cette acuité particulière que Jayce possédait. Elle devait lui parler de ce qui s’était passé tout à l’heure, mais aussi de ce qu’elle avait découvert le matin-même. Cette journée avait été bien trop riches en émotions pour que cela ne se voie pas sur son visage, des émotions qui n’étaient malheureusement pas toutes positives et qui apportaient leur lot de questionnements et de culpabilité. Elle mordit brièvement sa lèvre inférieure.

« Chéri, je voulais te parler de quelque chose. » Comme pour avoir son soutien, elle posa sa main sur le poignet de Jayce. Prise d’une hésitation, elle ajouta une nuance : « Enfin… Peut-être que c’est mieux qu’on en parle après le dîner, quand les filles seront couchées. »

Ce n’était pas le genre d’annonce à faire entre la douche des enfants et autres rituels du soir.
Jayasimha Vijayan
Jayasimha VijayanGrand sage mafieux des montagnes
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Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Icon_minitimeJeu 15 Avr 2021 - 15:52
Comment était ta journée.

C’était toujours une question relativement délicate. Même après les années de vie commune écoulées, qui leur avaient confirmé de nombreuses fois qu’ils étaient près, l’un et l’autre, à dépasser les épreuves dont le destin jalonnait leur route, il restait entre Jayce et Sundari des points de tension qu'ils contournaient de concert, pour ne pas s’engouffrer dans des conflits sans fin mais dont l’irrésolution demeurait un inconfort parfois douloureux.

Sundari n’avait jamais admiré les occupations de Jayce. Lorsqu’il lui avait annoncé avoir repris ses activités aux côtés de Roy, il lui avait promis que la situation n’était rien d’autre qu’une malheureuse circonstances de quelques semaines. Le temps de venir en aide à son frère, à qui il devait tant. Sundari avait compris, et malgré ses réticences, son caractère prompt et ses inquiétudes outrées, avait patienté. Des semaines qui s’étaient transformées en mois. Puis des mois en années. Dix ans plus tard, ses occasions de côtoyer un Jayce légal s’étaient réduites à quelques jours ridicules, et celles de composer avec un chef de gang une sorte d’habitude dont l’évocation pouvait parfois la rendre irritable.

Jayce l’avait toujours su. Sundari n’était pas, comme toutes ces femmes qui gravitaient autour de Toni, de Roy, de Fergus, destinée à être ce qu’on appelait dans le milieu une femme de mafieux. Elle n’avait aucune propension à la vénalité et sa propre réussite ne la poussait pas vers la recherche d’un partenaire disposé à l’entretenir. Elle n’aimait ni la violence, ni ce que supposait l’idée vague qu’elle se faisait du trafic de drogue et dont elle ne voulait rien savoir – Jayce par ailleurs lui en disait le moins possible pour ne pas l'en rendre complice. – Sa patience était mise à l’épreuve, chaque jour, par le double mystère de la vie sorcière de son mari, et ces activités qu’il ne quittait pas. Jayce en avait conscience. C’est pourquoi lorsqu’il devait répondre à cette question, « comment était ta journée, » alors qu’il avait passé deux heures à assister au déchargement d’une cargaison de Volubilis et deux autres à récolter des enveloppes en sous-main qu’il avait redistribué à une partie des agents de la PM, autant dire qu’il préférait rester évasif et se passionner plutôt pour les activités de sa femme.

C’était un consensus entre eux.

Seulement ce soir il y avait l’histoire de Chandra en plus, et l’inquiétude taiseuse de Jayce qui abordait rarement les discussions de ce type. Il savait que Sundari évitait quelque chose, espérait que ça n’allait pas durer longtemps. Plutôt que de répondre à sa question, il se pencha pour l’embrasser, et observa qu’elle l’avait sans doute posé par réflexe, parce qu’elle enchaîna presque aussi vite :

- Chéri, je voulais te parler de quelque chose… » Donc Jayce immobilisa ses mains qui avaient glissé sur les épaules de Sun, et retint son souffle, moyennement prêt à découvrir ce qui avait rendu la journée de sa femme si difficile. « Enfin, peut-être que c’est mieux qu’on en parle après le dîner, quand les filles seront couchées. » L’air qu’il avait bloqué dans ses poumons expira d’un coup et brutalement. Il se racla la gorge, conscient de l’élévation notable de sa tension, ferma les yeux un bref instant et répondit avec un calme relatif :
- Aucun problème. » Évidemment, c’était faux. Jayce n’étant pas quelqu’un de patient et ne supportant pas les mystères, il ravala bon nombre de ses questions, les mélangea à sa frustration et s’enquit avec le plus de sincérité possible de la teneur du repas en s’occupant compulsivement à mettre le couvert.

Tout cela avec des gestes paresseux qui ne trahirent presque pas les remous incessants d’inquiétudes qui se créaient dans son esprit.

Trois-quarts d’heure plus tard, la famille était à table. Meera avait fini de tapisser l’extérieur de son assiette de morceaux de pomme de terre avec une application presque délicate, et Chandra jetais à sa mère des regards aussi sombres que si on l’avait forcé à dîner de patates crues. Jayce palliait à sa nervosité en disséminant des anecdotes un peu fantasques, auxquelles il rajoutait une part d’invention pour tenter de dérider Chandra qui détournait ostensiblement la tête lorsque sa mère parlait, pour ne pas avoir à lire sur ses lèvres. Elle touillait machinalement son dessert dans faire mine d’en avoir envie.
- Et là, disait Jayce avec une bonne humeur un peu forcée, on découvre qu’il avait dans le torse une pierre runique enchantée qui le forçait à agir contre son gré depuis le début. Dingue, non ? » Comme son auditoire n’était pas de la meilleure qualité, il s’autorisa un soupir : "Publique difficile ce soir," jeta un coup d’œil à Meera qui terminait de déguster sa crème au chocolat avec toutes les parties de son corps, et se leva en s’essuyant les mains. « Meera, tu sais bien que ta mère voudrait que tu manges avec ta bouche... Bon. C’est peut-être l’heure d’aller dormir. » Son ton était redevenu sérieux et il avait regardé Sundari en parlant. « Chandra ? » Jayce agita une main dans le périmètre de vision de sa fille pour attirer son attention. Elle fronça les sourcils. « On va dormir ? » Il n’obtint qu’un regard appuyé et noir, alors il répéta sa question en signant. Chandra haussa les épaules, se leva de table et tira Meera de sa chaise pour l’inciter à en faire de même.


Jayce Bowers
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Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Icon_minitimeJeu 22 Avr 2021 - 22:09
Et surtout n'oubliez pas de bien respirer ! [Sundari] Sun10
Sundari Bowers, 32 ans, épouse de Jayce

Après dix ans passés à élever des enfants, on finissait par savoir connaître par coeur leurs attitudes et leurs significations. Et pourtant, Sundari manquait parfois d’observation à ce niveau, elle n’avait pas cette acuité particulière que son mari possédait pour déceler les non-dits et les pensées cachées. Non pas qu’elle manquait d’empathie, mais elle ne se montrait pas toujours sensible aux signaux faibles dans les interactions sociales. Elle qui avait tendance à faire preuve d’une franchise sans barrière n’avait pas vraiment la patience de détricoter les atermoiements des autres.

Autant dire que tirer les vers du nez à ses filles quand elles avaient décidé de ne pas exprimer des choses pourtant évidentes avait tendance à la contrarier profondément.

Avec Meera, cela allait encore. A trois ans, elle avait bien du mal à feindre ou à contenir ses émotions et Sundari pariait à son sujet que cela n’allait pas changer en grandissant : du haut de ses quatre-vingt-dix centimètres tout pile, cette petite avait un caractère trois fois plus gros qu’elle. Avec Chandra, en revanche, c’était une autre histoire. Il y avait sans doute une part d’économie d’énergie dans cette tendance qu’elle avait à rester une observatrice silencieuse, car la communication avec autrui lui était moins aisée du fait de sa surdité, et pour cela, Sun ne pouvait rien lui reprocher. Mais parfois, elle se murait volontairement dans des silences butés et boudeurs, avec des regards noirs qui en disaient aussi long que si elle avait signé des insultes, un genre d’attitude qui rendait sa mère folle.

Il ne fallut donc pas plus de cinq minutes à table pour qu’elle finisse par l’interpeler directement, sur un ton d’abord calme :

« Pourquoi tu fais cette tête ? Quelque chose ne va pas ? »

Même si Meera avait tendance à monopoliser la parole pour raconter longuement ses journées et Jayce pour faire des plaisanteries, Chandra réagissait souvent en signant et cette agitation de ses mains faisait partie du paysage habituel de leurs dîners en famille. Ce soir, elle semblait décidée à ne communiquer d’aucune manière. Quand Sun la surprit à détourner volontairement les yeux à plusieurs reprises où elle parlait -ce qui était, dans son cas, synonyme de se boucher les oreilles- elle comprit que cette colère silencieuse était dirigée contre elle. Vexée, elle réagit avec toute la nervosité qu’elle avait accumulée pendant sa journée :

« Chandra, si tu as quelque chose à dire, dis-le. »

Imperturbable, elle répondit par de l’ignorance. Comme toujours, la jeune fille fut un socle inébranlable sous le volcan en menace d’éruption qu’était sa mère. Et comme d’habitude, Jayce sauva la situation d’un récit venu de nulle part, sensé alléger l’atmosphère. La tension ne disparut pas mais ce détournement de conversation força Sundari à prendre sur elle et recentrer ses pensées. Elle se sentait déjà épuisée nerveusement et se connaissait assez pour savoir que si elle insistait, Chandra risquait de payer des pots cassés qui n’avaient rien à voir avec elle.

Elle choisit donc de ne pas livrer cette bataille ce soir et de la laisser pour plus tard si sa fille aînée persistait dans cette attitude. Le regard que Jayce échangea avec elle en suggérant aux filles d’aller dormir fut sa bouée de sauvetage qu’elle n’hésita pas à saisir :

« Je peux te laisser les coucher ? Je vais… ranger tout ça. »

Affronter la vaisselle lui semblait davantage à la mesure de son énergie disponible et Sundari ne tarda pas à s’y absorber. Quand elle retrouva sa chambre, quelques dizaines de minutes plus tard, ses mains étaient encore froides du temps qu’elles avaient passé sous l’eau et son dos la lançait. Il lui semblait même que sa tête lui tournait un peu, mais elle ne savait dire si c’était la fatigue, les émotions, les hormones ou elle ne savait quelle autre malédiction. Elle se laissa tomber de tout son long sur le matelas, toute habillée, repoussant mentalement le moment d’aller dans la salle de bains. Elle n’avait pas envie. Elle avait seulement envie de voir son mari et lui parler, même si la conversation qui se profilait l’inquiétait. En attendant qu’il passe le pas de la porte, elle enfouit son visage sur les oreillers qui mêlaient leurs odeurs et ferma les yeux, jusqu’à sentir une présence près d’elle.

Elle croisa le regard de Jayce en se demandant si son début d’annonce de tout à l’heure l’avait rendu anxieux. Si c’était le cas, il le cachait bien et Sun savait qu’il en était capable. Elle posa doucement sa main sur sa joue, comme un geste d’excuse.

« On n’a même pas eu le temps de se poser, toi et moi. »

C’était un constat qu’ils faisaient très souvent, depuis qu’ils étaient parents, globalement, et surtout depuis que Meera était née. Avec deux filles en bas âge et leurs vies très remplies, ils avaient du mal à trouver du temps pour eux deux seulement. Dans ces moments, Sun ne manquait jamais de laisser sa nature tactile s’exprimer et venir se blottir contre son époux. Cette fois-ci, elle resta pourtant à une distance raisonnable, en laissant simplement glisser sa main le long de son poignet, et en murmurant avec une certaine retenue :

« Il s’est passé quelque chose qui n’était pas prévu. »

Et l’imprévu, elle n’aimait pas cela. Sundari préférait avoir les idées claires sur les chemins qu’elle suivait et anticiper les difficultés qu’elle rencontrait. Ce qu’elle avait vécu le matin-même l’avait remplie de sentiments contradictoires, positifs et négatifs, et parmi ceux-ci, une certaine forme de panique. L’anxiété s’était saisie de toutes ses pensées et quelques heures plus tard, elle imprégnait toujours ses membres tendus et sa voix hésitante :

« Tu sais, comme j’ai voyagé le mois dernier, rappela t-elle en faisant référence à son excursion professionnelle en Corée du Sud, je ne me suis pas rendue compte du changement tout de suite. Comme c’est des voyages longs et loin, avec beaucoup de pression, parfois ça me chamboule totalement alors… Bref » abrégea t-elle en se mordant la lèvre. « Vraiment, je ne sais pas comment ça a pu arriver mais… »

Elle songea aux précédentes fois où elle avait du faire cette annonce et ne put s’empêcher de constater avec une certaine tristesse que cela n’avait été que des moments de joie. Elle aurait préféré accueillir une nouvelle fois cette perspective avec seulement du bonheur mais Sundari était surtout inquiète.

« Je suis enceinte. »

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