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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva]

Maeva Virtanen
Maeva VirtanenArchimage urbaniste
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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeLun 25 Jan 2021 - 19:01
14 mai 2011

Maeva était allongée sur son lit, les yeux posés sur l’écran de son téléphone. Elle relisait les conversations qu’elle avait mené avec plusieurs utilisateurs du forum officiel du centre de réhabilitation mémorielle de l’île de Skye. Des futurs patients, des médecins qui avaient accepté de répondre à ses questions pour l’aiguiller dans une réflexion personnelle, timide au début, puis de plus en plus affirmée. Maeva ne voulait pas se souvenir, elle ne voulait pas se rappeler, chaque jour, que ses parents étaient morts, que son père avait été violent, que sa mère n’avait cessé de l’abandonner au profit de conflits auxquels elle pouvait dédier sa vie.

Alors pourquoi ne pas oublier ?

Pourquoi ne pas se couper de toutes ces émotions douloureuses qu’elle ne voulait pas ressentir ? Pourquoi ne pas les oublier, plutôt que de s’épuiser à les étouffer tous les jours ? Pourquoi ne pas s’en libérer, s’en défaire totalement ? Au début réfractaire à utiliser un tel moyen, les arguments employés par ses interlocuteurs avaient eu raison de ses doutes et de ses craintes. Prise d’une impulsion, Maeva appuya sur l’écran de son Pear pour coller le téléphone à son oreille.

« Allo ? Oui bonjour, j’appelle pour prendre un rendez-vous. » Un silence s’écoula. « Une nouvelle patiente, pour un premier rendez-vous. » Nouveau silence. « Maeva Virtanen. V-I-R-T-A-N-E-N. » épela-t-elle distingua. « Plutôt en fin de journée, si c’est possible ? Oui, très bien. Vendredi dix-sept heures, c’est noté. Merci, à vous aussi, au revoir ! »

Le cœur battant, Maeva raccrocha. Son estomac s’était noué d’une appréhension qui remuait beaucoup de choses chez elle et la mettait dans un état d’alerte. Elle était encore immobile dans le silence de son dortoir, lorsqu’une voix s’éleva :

« Tu étais au téléphone avec qui ? »

Maeva se redressa sur son coude pour croiser le regard de Lisa. Elle eut une expression un peu nerveuse :

« Rien, un rendez-vous médical, c’est tout. T’es là depuis longtemps ? »

Lisa s’approcha d’elle pour se laisser tomber sur le lit de sa meilleure amie.

« Deux minutes. T’as besoin de prendre rendez-vous à l’extérieur ? Tu peux pas aller voir l’infirmière ? »
« Wow, c’est quoi toutes ces questions, tu prévois d’entrer à la police ? » releva Maeva avec un sourire ironique.
Lisa haussa les épaules : « Pas besoin d’être dans la police pour voir que t’as pas envie de me répondre, cela dit. »

Les deux jeunes femmes échangèrent un long regard, avant que Maeva ne cède. Le cœur battant, elle confia :

« J’ai pris rendez-vous à… A Skye. »
« A Skye ? »
« Ouais, tu sais, le centre de réhabilitation mémorielle. J’aimerais bien effacer… Certains trucs. »

Lisa resta étrangement silencieuse, les yeux vrillés dans ceux de Maeva. Cette dernière ne bougea pas, affrontant le regard de sa meilleure amie avec une tranquillité feinte. Lisa avait toujours été sa plus proche amie et, de façon plutôt inconsciente, son jugement comptait beaucoup elle.

« T’en as parlé à Virgil ? » demanda-t-elle finalement, sur un ton plutôt dégagé.
« Non… Non, j’en ai parlé à personne, je voulais attendre de voir comment se passait le premier rendez-vous, tout ça. » admit Maeva avec un sourire un peu embarrassé. « Tu peux le garder pour toi ? J’ai pas envie que tout le monde l’apprenne comme ça. »
« Je… » Lisa sembla lutter contre plusieurs sentiments. Elle finit par hocher la tête. « Mais t’es sûre de toi, Maeva ? C’est pas rien quand même… »
« Je sais bien. » fit Maeva, un peu plus sur la défensive. « Je prends pas cette décision sur un coup de tête, Lis’… »
« Non je ne dis pas ça mais le geste est lourd quand même… Tu parles d’effacer des souvenirs, là. »
« Et alors ? Qu’est-ce que ça peut faire que j’efface des trucs dont j’ai pas envie de me souvenir, de toute façon ? »

Lisa parut surprise par la véhémence de ses propos. Elle garda le silence quelques instants, avant de reprendre :

« Ecoute Maeva… Je dis rien depuis des mois, mais je vois bien que tu vas pas bien. Tout le monde le voit. Personne n’a rien dit, on a suivi la façon dont tu voulais gérer ça mais là, je pense que tu fais une erreur. »
« Oh, parce que tu peux me conseiller sur la façon dont je gère la mort de mes parents ? Mais je t’en prie. » nota ironiquement Maeva, en haussant les sourcils.
« Arrête Maeva, tu ne gères pas la mort de tes parents. T’as passé l’année à faire semblant que tout allait bien, mais… »
« Mais quoi ? Tu voulais que je fasse quoi de plus ? »
« Je… Je ne sais pas… Tu vas à peine à tes séances chez le psy, tu… »
« Putain mais laisse-moi, Lisa. » réagit Maeva en se redressant totalement, le regard noir. « Juste, laisse-moi. » Elle quitta le dortoir, la mine fermée, et dévala en trombe les escaliers qui menaient à la salle commune, dans laquelle elle ne resta pas plus que quelques minutes, pour s’engouffrer dans les couloirs du château.

Lisa n’avait pas tort ; peut-être que Maeva aurait-elle pu même admettre qu’elle avait totalement raison, si cet aveu n’avait pas été aussi douloureux à faire pour elle. Son amie venait de pointer quelque chose qui était criant de vérité chez elle : elle ne parvenait absolument à surmonter la mort de ses parents ; elle avait l’impression d’être constamment bloquée dans une phase de sidération, de douleur et de colère. Elle mourrait d’envie de la quitter, d’en sortir. Ce n’était même pas une envie ; c’était un besoin véritable, nécessaire, vital. Lisa ne comprenait pas ; personne ne pouvait comprendre. Elle-même ne comprenait pas véritablement.

La seule chose qui faisait sens, c’était cette douleur atroce, anesthésiante, étouffante, qui prenait de plus en plus de place dans son quotidien. C’était encore pire qu’au début, encore pire qu’en septembre, encore pire qu’en janvier. Il fallait que tout cesse. Elle n’en pouvait plus. Elle était à bout de force.

Maeva vit les heures de la journée s’écouler dans un état d’alerte vive, associée à une douleur poignante qui saisissait son cœur. Lisa posait sur elle des regards soucieux, songeurs. Elle resta à distance d’elle pendant toute la matinée.

Il était dix-sept heures lorsque le Pear de Maeva vibra contre sa cuisse. Un message de Noah la tira de sa contemplation d’un manuel de métamorphose qu’elle ne lisait pas vraiment. La surprise l’arracha à sa torpeur. « Je dois te parler, c’est urgent. On peut se retrouver ? » demandait-il. Le cœur de Maeva rata un battement, et elle mit quelques secondes à lui répondre. Quelque chose, qui lui restait de leur dernière conversation pendant les vacances de Pâques, la poussa à lui répondre. « D’accord. Tu veux qu’on se retrouve où ? » La réponse de Noah ne tarda pas à arriver. Maeva referma son livre et quitta la Grande Salle, qu’elle avait rejoint à la fin de son dernier cours.

Quelques minutes plus tard, Maeva se tenait devant une porte en bois, à côté d’une tapisserie qui représentait une scène de banquet immergé entre plusieurs sirènes. Elle poussa la porte en bois, pour découvrir Noah appuyé contre une table en bois. Son air soucieux lui fit froncer les sourcils. Elle s’avança de quelques pas, juste après avoir refermé la porte derrière elle.

« Tu voulais me parler ? » Elle demanda, le cœur un peu serré : « Quelque chose ne va pas ? C’est ta mère ? »


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Noah Forester
Noah ForesterEn année sabbatique
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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeSam 27 Fév 2021 - 16:24
Noah avait toujours été bon élève. Il excellait en métamorphose, en sortilèges, en arithmancie. Il s’en sortait très bien en étude des runes, également. Il était moins bon sur les autres matières, mais il s’était toujours débrouillé pour avoir des notes très correctes. Aussi, la dégringolade de ses résultats sur les deux derniers mois n’avaient pas manqué d’alerter ses professeurs et l’ensemble de son entourage de manière générale.

Quand Nils lui avait proposé de l’aider à réviser les potions pour les ASPICS, alors que normalement c’était l’inverse qui se produisait, Noah avait été mis en face du fait que ses amis connaissaient ses difficultés, même s’ils avaient eu la délicatesse de rien dire pendant plusieurs semaines. C’était un peu humiliant pour lui d’être dans cette position et surtout, de savoir que personne à Poudlard n’ignorait les raisons de cet air sombre qui quittait rarement son visage.

Puis les vacances de Pâques étaient passées et leur avaient succédé de nouvelles résolutions pour Noah. Il y avait trop de choses dans sa vie dont il devait s’occuper, il ne pouvait pas se laisser abattre à cause d’un chagrin d’amour. Il y avait sa mère, il y avait la résistance à l’école. Il y avait son avenir et l’obtention de ses ASPICS pour accéder à la formation de médicomagie. Sa dernière note en botanique, un P, une note qu’il n’avait jamais eue de toute sa scolarité, avait été l’électrochoc suffisant pour le pousser à se ressaisir sur ses révisions. Rattraper son retard était devenu sa nouvelle priorité.

Ce fut donc dans une atmosphère studieuse que Lisa retrouva Noah attablé à la bibliothèque et penché sur ses livres de botanique. Si elle n’avait pas arboré un air aussi grave en venant lui parler, Noah lui aurait probablement signifié qu’il n’était pas disponible. Inquiet pour celle qu’il considérait toujours comme une amie, malgré les remous provoqués par sa rupture avec Maeva, il l’avait laissée s’asseoir à sa table et exprimer ce qui la préoccupait tellement.

« C’est Maeva. »

La mention de ce nom provoquait toujours un pincement au coeur de Noah, une certaine sensibilité dont il peinait à se dégager totalement. Un mauvais pressentiment le saisit en contemplant Lisa. Il se doutait que si elle, parfaitement au courant de tout ce qui s’était passé entre eux, venait le voir pour lui parler de Maeva, alors l’heure était grave.

« Qu’est-ce qui se passe ?
-Elle… Elle est totalement perdue. Elle va pas bien du tout même si elle s’évertue à prétendre l’inverse et… » Lisa semblait à la fois peser chacun de ses mots et être agitée de mille pensées qu’elle souhaitait dire. Par son écoute silencieuse, Noah la laissa terminer son discours à son rythme. « Je suis désolée de venir t’en parler, je sais que… C’est compliqué entre vous.
-C’est pas compliqué, c’est juste fini, répondit-il d’un ton froidement rationnel.
-Je sais, je sais, mais… Je ne sais plus quoi faire, comment lui faire comprendre qu’elle a besoin d’aide. Elle a pris une décision et c’est… vraiment effrayant ?
-De quoi tu parles, Lisa ? »

L’hésitation tendit les traits de la jeune fille encore quelques secondes sous le regard de plus en plus circonspect de Noah.

« Elle a pris un rendez-vous pour aller à Skye. Elle veut se faire effacer ses souvenirs et je crois que… C’est en lien avec ses parents. »

Le sang de Noah semblait désormais gelé en lui face à cette annonce qui le figeait sur place. Skye. Un mot plein de mystères pour lui, il y a encore quelques mois. Un mot qui sonnait maintenant comme le pire des endroits dans son esprit éclairé par toutes les informations auxquelles il avait eu accès, via les journaux clandestins qu’il faisait passer dans l’école, avec l’aide d’Ahren et de Blair. Cet aveu de Lisa faisait également écho à d’autres, qui émanaient de Maeva elle-même, pendant cette journée où ils s’étaient vus en avril, et lui permettait de faire des liens. Maintenant, il pouvait aisément deviner ce que Maeva souhaitait effacer de sa mémoire, en lien avec ses parents. Horrifié, Noah se perdit dans ses mots :

« Attends, tu… Quoi ? C’est quand ce rendez-vous ?
-J’ai entendu vendredi » souffla Lisa, avec inquiétude. « J’ai à peine pu lui en parler, elle m’a repoussée assez brutalement quand j’ai essayé. Tu sais comment elle est, quand elle prend une décision et qu’elle n’est pas totalement sûre d’elle… Elle essaye de se protéger de l’avis des autres. Mais en l’occurrence, elle en aurait bien besoin, je sais pas si elle mesure vraiment ce que c’est, elle pourrait regretter plus tard d’avoir effacé ses souvenirs et c’est pas à Skye qu’ils vont lui parler de ça… Ça me sidère qu’elle fasse un truc pareil sans en parler à personne, j’ai l’impression qu’elle est juste… »

Elle parut chercher pendant quelques instants un mot que Noah finit par proposer dans un souffle :

« Désespérée ? »

Elle hocha légèrement la tête, troublée. Cette confirmation réveilla une vive émotion enfouie chez le préfet.

Quelques heures plus tard, il se tenait dans une salle de classe vide, à attendre la venue de Maeva.

Ce n’était probablement pas son rôle de se tenir ici, comme le dernier rempart entre elle et une folle décision qu’elle avait prise seule. Ce n’était plus sa place. Quoique Maeva décide de faire de sa vie, cela ne devait plus le regarder. Et pourtant, ce n’était pas la place de Maeva non plus de venir s’enquérir et s’inquiéter de comment les choses se passaient chez lui, avec sa mère. Malgré tout, elle était venue, elle l’avait appelé, quand elle avait obtenu des informations qu’elle avait estimé qu’il devait savoir. Cette fois-ci, c’était à Noah d’avoir des informations essentielles à lui donner.

Cette scène se superposa donc à celle qu’ils avaient vécu dans un parc de Londres, un mois plus tôt, et qui avait créé une étrange fissure dans leur relation. Une fissure à travers laquelle certaines émotions s’étaient infiltrées et avaient été dévoilées au regard de l’autre. Noah avait compris que Maeva se souciait encore de lui, d’une certaine manière. Il avait admis qu’il se souciait toujours également d’elle. Sur cette réciprocité, ils s’étaient quittés, sans échanger beaucoup plus les jours suivants. Quelques messages, pour se remercier, pudiquement. Des messages qui avaient brisé un affreux silence de plusieurs mois.

Noah eut la sensation de devoir à nouveau briser ce silence en la voyant entrer dans la pièce. Peut-être parce que cela faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vraiment regardée, il eut l’impression de la découvrir plus mince qu’avant. Son visage s’était un peu creusé, sa clavicule semblait plus saillante. Un peu comme au parc, leurs regards cessèrent de s’éviter et de feindre une indifférence qu’ils n’avaient pas. Noah savait que son visage semblait probablement soucieux et il ne chercha pas à le masquer. Le sujet qu’ils s’apprêtaient à aborder était trop grave.  

« Non, ce n’est pas à propos de ma mère. » Il se tourna complètement vers elle, en s’appuyant sur le rebord d’une table, les bras croisés. « Ni même de moi. »

Malgré tout ce qui les séparait aujourd’hui, Noah connaissait Maeva. Elle avait été sa meilleure amie et son amoureuse pendant des années. Il savait que tourner autour du pot avec elle ne servait à rien, à part l’impatienter ou la faire entrer dans une espèce de jeu où elle savait très bien faire semblant qu’elle ne voyait pas de quoi il s’agissait. Aller droit au but était souvent le meilleur moyen d’obtenir quelque chose de cette jeune fille têtue, qui se protégeait derrière des réactions insolentes.

« Lisa m’a dit que tu songeais à aller à Skye, annonça t-il, en la scrutant du regard. C’est vrai ? »


Noah Forester
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Maeva Virtanen
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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeDim 7 Mar 2021 - 17:45
Les sourcils de Maeva se froncèrent à la réponse énigmatique de Noah. Il avait, dans son message, évoqué une urgence qu’elle avait assimilé à la situation préoccupante de sa mère qu’ils avaient évoqué pendant les vacances lorsqu’ils s’étaient retrouvés à la demande de Maeva. Elle avait supposé, en lisant ses mots, qu’il souhaitait peut-être la questionner à nouveau sur ce qu’elle avait aperçu de la relation entre Diana et son fiancé.

Ce n’était pas le cas, disait Noah de but en blanc. Il ne souhaitait parler ni de sa mère, ni même de lui.

Maeva s’immobilisa au milieu de la pièce, posant sur son ex petit-ami un regard aussi méfiant que curieux. La construction de ses phrases rendait son propos limpide : il voulait parler d’elle. Cette perspective noua le ventre de la jeune femme, dont les pensées dérivèrent immédiatement vers ce qu’elle lui avait confié au milieu d’une allée déserte dans un parc presque lugubre qui avait accueilli leur première conversation depuis des mois. Elle avait parlé, à demi-mot, de la violence de son père, de la peur, de la colère, du soulagement, de la honte. Elle n’avait pas tout dit, mais Noah la connaissait assez bien pour la comprendre. Pour voir que derrière son « c’est fini, maintenant » se cachait réellement un « ça me hante ».  Mais ni Maeva, ni Noah n’avait cherché à approfondir ce qu’ils avaient exprimé, ou compris, des mots pudiques de l’autre. Ils n’étaient pas revenus sur cette conversation. Un certain silence s’était réinstauré entre eux. Peut-être moins glacial, mais tout aussi lourd, pesant, plein de non-dits et de regrets que Maeva ne parvenait pas à formuler. Qu’elle ne s’autorisait pas à formuler.

L’atmosphère était lourde de tous ces sentiments qu’ils taisaient toujours mais qui déchiraient le cœur de Maeva. Elle restait silencieuse, pourtant, dans l’attente d’une amorce de la part de Noah qui la confronterait enfin au sujet de cette rencontre. La raison de cette dernière ne tarda pas à être lancée.

Lisa. Skye.

Maeva ne réagit pas immédiatement, le visage frappé de stupeur. De tous les sujets qu’elle avait songé pouvoir introduire cette discussion, jamais sa prise de rendez-vous récente à Skye n’avait effleuré son esprit. Parce que personne ne savait, personne n’était censé savoir. C’était un secret qu’elle gardait – encore un – pour soigneusement éviter le jugement, les questions, les doutes. Lisa l’avait appris et, effarée devant cette décision qu’elle n’avait même pas cherché à comprendre, l’avait rapporté à Noah.

Le premier réflexe de Maeva fut de se sentir trahie. Surveillée comme une enfant incapable de faire ses propres choix. Une bouffée d’indignation gonfla son cœur alors que son regard se voilait d’un sentiment plus trouble et d’une hésitation presque subtile. Au fond, Lisa la connaissait bien. Elle savait que, si elle avait été dans l’impossibilité de lui parler calmement de sa décision, c’était parce qu’elle n’était pas certaine de ne pas la regretter plus tard. Mais Maeva en avait marre d’hésiter, de tergiverser, de craindre le futur sans jamais pouvoir l’atteindre véritablement. Elle stagnait, elle coulait, elle se noyait, même, et il fallait que cela cesse. Si elle oubliait, s’était-elle dit, alors elle ne pourrait pas regretter. Elle ne regretterait plus rien.

Acculée par Noah sur un sujet dont elle ne s’était ouverte à personne, Maeva se sentit prise au piège. Impossible de nier ce qu’il avançait avec une telle certitude.

« Oui c’est vrai. » répondit-elle avec aplomb mais en croisant les bras sur sa poitrine dans une véritable posture défensive. « Je comprends pas pourquoi elle t’en a parlé. » soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. « Je sais pas ce qu’elle s’imagine. C’est ma décision, c’est tout. » Elle rajouta, avec une certaine douleur dans la voix, et en détachant son regard de lui : « Qu’est-ce que ça peut bien te faire, de toute façon. »



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Noah Forester
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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeMar 30 Mar 2021 - 17:18
Noah put lire sur l’expression de Maeva qui se modulait que Lisa n’avait pas menti. Il put savoir, avant même qu’elle ne réponde avec aplomb, dans une attitude presque provocatrice, que tout était vrai, qu’il n’y avait pas de malentendu et qu’elle songeait vraiment à aller à Skye. Elle affichait un tel air de défi, mêlé de la désagréable surprise d’un secret révélé, qu’il n’y avait pas de doute possible. Aussitôt, Noah en ressentit de multiples pincements au coeur, non seulement face à la confirmation de cette nouvelle terrible, mais également face à l’attitude de Maeva qui le repoussait, encore une fois. A nouveau, elle érigeait un mur de défense entre elle et lui, pour l’empêcher d’accéder à ses fragilités. Il entendit, dans le son de sa voix sur sa dernière question lancée comme une provocation, qu’elle rappelait la réalité de leur situation : ils n’avaient, normalement, plus rien à faire dans la vie de l’autre.

Et pourtant, Noah ne parvenait pas du tout à se sentir indifférent. Leur rupture était actée, effective, il n’était pas en train de la remettre en question, mais il n’arrivait pas à y accoler un désintérêt total pour la personne que devenait Maeva, pour les souffrances qu’elle endurait, les épreuves qu’elle traversait, les choix qu’elle faisait. Une part de lui aurait aimé que ce soit le cas : tout aurait été beaucoup plus simple. Il aurait pu se séparer de cet affect très fort qu’il ressentait toujours à son égard et à l’endroit de leur relation, qu’il traînait encore comme un poids l’empêchant de tourner totalement la page. Mais ce n’était pas le cas, il n’en était pas du tout à ce stade et au fond, il doutait qu’un jour, il soit capable de se montrer parfaitement détaché de Maeva, surtout à des moments où elle se trouvait en danger.

C’était ce qu’elle était, actuellement : en grand danger. Elle ne semblait pas en prendre conscience.

Alors peu importait sa fierté, son ego blessé, contrarié par le fait d’en avoir, effectivement, encore quelque chose à faire d’elle. L’heure était trop grave, le moment trop important pour que Noah laisse s’exprimer ces sentiments peu constructifs et peu reluisants. Il opta plutôt pour une honnêteté totale, même si ses mots restèrent pudiques :

« Elle m’en a parlé parce qu’elle s’inquiète pour toi. Et… moi aussi. »

Elle était libre de le croire ou non, en ce qui le concernait, sa présence ici en était une preuve. Au fond de lui, après le moment qu’ils avaient partagé dans ce parc à Londres, un mois plus tôt, Noah espérait un peu qu’elle donnerait du crédit à ses mots et qu’elle se rappellerait qu’elle aussi, elle avait fait preuve de la même sollicitude à son égard. Mais au fond, ce n’était pas le plus important, se rappela t-il. Il n’était pas venu pour lui témoigner la sincérité de son inquiétude, plutôt pour l’empêcher de faire une terrible erreur, alors il re-focalisa son attention. Cette salle où ils se trouvaient faisait partie de celles où aucune caméra n’était installée, s’il se fiait au plan qu’il avait réussi à obtenir, alors normalement, ils étaient en sécurité. Pourtant, par réflexe, il ne put s’empêcher de jeter brièvement un regard autour de lui, comme pour vérifier qu’ils étaient toujours seuls.

« Ecoute, Maeva, je ne sais pas ce que tu sais exactement au sujet de Skye, mais… Ce n’est pas le centre de réhabilitation mémorielle qu’ils prétendent être. En tout cas, pas uniquement. » Il s’arrêta une seconde, pour peser ses mots, ne désirant pas passer pour un fou complotiste aux yeux de son ex et perdre tout crédit dans son discours. « Il y a eu plusieurs enquêtes indépendantes là-dessus qui ont tiré des sonnettes d’alarmes, je pourrai te donner de la documentation si tu veux. Mais sache quand même que toutes les techniques qu’ils mettent en place sur les patients -ou prisonniers, se retint-il de dire- sont encore au stade de recherche, c’est très expérimental. On a peu de visibilité sur les impacts à long terme, à l’heure actuelle, et le doute plane toujours sur les méthodes qui sont utilisées, sur les accidents que ça peut créer dans une mémoire notamment, alors… Avant de prendre ta décision, vraiment, prends le temps de tout regarder et pas lire seulement la documentation officielle » insista t-il, en ancrant son regard dans celui de Maeva, avec un sentiment d’urgence qu’il peinait à contenir. « Ça peut-être lourd de conséquences, une opération de ce type, et je… Je ne sais pas exactement ce que tu recherches là-dedans, avoua t-il en interrogeant Maeva du regard, même s’il avait ses hypothèses, mais… Il y a sûrement d’autres solutions » conclut t-il, sur un ton qui sonna comme une prière.


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Maeva Virtanen
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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeJeu 1 Avr 2021 - 23:31
Attaquer, c’était se défendre.

Attaquer, ou feindre, ou rire quand on voulait pleurer, ou lever les yeux au ciel quand on avait envie de les fermer, ou nier, encore et toujours. Maeva ne savait pas précisément comment elle avait intériorisé ce principe, mais c’était celui qui lui permettait de porter sa peine depuis plusieurs mois maintenant. Alors, face à Noah, et sans surprise, Maeva attaqua. Elle questionna immédiatement cette conversation qu’ils s’apprêtaient à avoir, interrogea leur lien avec une mine terriblement fermée, les bras croisés sur sa poitrine.

En repoussant l’autre, Maeva se protégeait. Elle ne savait pas de quoi exactement, mais elle sentait qu’il s’agissait de la seule manière pour elle de faire tenir ses barrières. Elle n’avait pas conscience que ces barrières qu’elle avait tant à cœur à ériger autour d’elle comme une muraille indestructible   étaient devenues précisément la raison de son mal-être et de sa souffrance. Elle ressentait simplement le besoin urgent, pressant, essentiel même, à les conserver. Les maintenir, ou s’effondrer totalement avec elles.

Pourtant, elles tremblaient déjà aux premiers mots de Noah, lorsqu’il manifesta pour elle un intérêt sincère qui se heurta à des souvenirs, à des peurs et à des angoisses qui nouèrent le ventre de Maeva. Elle eut un mouvement de recul presque instinctif, sans parvenir tout à fait à s’arracher au regard de son ex petit-ami, qui la dévisageait comme s’il la découvrait pour la première fois. Elle se sentit captive de ses yeux, et s’immobilisa face à eux. Son corps semblait incapable du moindre mouvement, sa voix refusait de formuler le moindre mot, son souffle peinait même à s’échapper de ses lèvres. D’ordinaire toujours en mouvement, ne supportant ni la passivité, ni l’immobilité, Maeva se figea.

Pourtant, Noah non plus ne disait rien. Ils se contentaient de s’observer – ou plutôt Noah observait Maeva, Maeva avait davantage l’impression de le regarder sans le voir – pris dans une atmosphère qui semblait s’alourdir à chaque seconde qui s’écoulait. Il y avait des mots, entre eux, que personne ne prononçait, des inquiétudes qui n’étaient visibles que dans leurs yeux, des demandes qui n’étaient jamais vraiment formulées. A la place, on trouvait simplement un silence lourd, témoin de toutes leurs incompréhensions et de toutes leurs déchirures. Un silence parfaitement paradoxal avec leur présence à tous les deux dans cette salle de classe fermée, quand tout aurait voulu qu’ils s’efforcent de ne plus croiser le chemin de l’autre.

Finalement, Noah reprit la parole, en évoquant Skye avec des propos qui laissèrent Maeva muette, pas tant de surprise que parce qu’elle ne savait pas comment y répondre. Ce qu’elle savait du Centre de Réhabilitation Mémorielle tenait en ce que Virgil et Nelly lui avaient raconté de leurs stages respectifs, et des messages qu’elle avait pu échanger sur le forum officiel de l’institution. La vérité était que Maeva n’avait même pas cherché à s’informer auprès des médecins des potentiels effets secondaires, et n’avait été cherchée que quelques informations très précises quant à la procédure d’oubli. Cela était très révélateur, à la fois de son impulsivité parfois dangereuse, et de ce désespoir profond, tenace, immense dont elle souhaitait tellement sortir. Rien ne pouvait être pire que ce qu’elle vivait déjà.

Alors le discours de Noah sur les dangers que pouvaient représenter Skye n’eut absolument pas l’effet escompté. Maeva resta de marbre, secouant vaguement la tête comme pour se désintéresser de ces précisions qui auraient pourtant dû être essentielles à sa réflexion. Tant pis, songeait-elle dans des pensées brumeuses, complètement détachées de la réalité. Et tant pis aussi si personne n’était en mesure de la comprendre, de la soutenir, de l’accompagner. Tant pis si elle affrontait l’incompréhension, le rejet, le…

« Ça peut être lourd de conséquences, une opération de ce type, et je… Je ne sais pas exactement ce que tu recherches là-dedans mais… Il y a sûrement d’autres solutions »

Brusquement, Maeva se sentit piquée, révoltée, comme un dernier réflexe de survie qui lui prenait la gorge, le ventre et les tripes pour la maintenir hors de l’eau. Son regard, qui avait été vide de toute émotion, flamboya à nouveau d’une colère à peine contenue qui la fit trembler de rage.

« Lourd de conséquences ? » répéta-t-elle presque froidement. « Lourd de conséquences ? Par rapport à quoi, exactement, hein ? Qu’est-ce que je pourrais oublier demain qui n’est pas déjà lourd de conséquences aujourd’hui ? Au pire, qu’est-ce que ça peut bien changer ? » interrogea Maeva dans un éclat de voix. « Qu’est-ce que je peux en avoir à foutre que ça ait des conséquences cette putain de procédure ? Mais vas-y, dis-moi, comme tu es si bien renseigné, qu’est-ce que je peux avoir, comme conséquences ? Des pertes de mémoire ? Des vertiges ? Des maux de tête ? » Maeva éclata d’un rire sans joie. « Mais bordel, Noah, ils pourraient me rendre complètement folle que j’en aurais rien à foutre, en fait. Je veux que juste que ça s’arrête. »

Attaquer, c’était se défendre, et la voix de Maeva montait dans les aigus, signe qu’elle ne maîtrisait absolument pas son discours.

« C’est ça que je veux, tu comprends ? Je veux que ça s’arrête, putain. Je veux juste oublier, je veux plus me souvenir, je veux plus y penser, jamais... Y a pas d’autres solutions, MES PARENTS SONT MORTS ! » Et, si son cri aurait pu résonner dans la salle vide, il s’étrangla bien vite dans sa gorge. « Morts, tu m’entends ? Et moi, je suis là, et dois me rappeler tous les jours qu’ils sont morts, qu’ils m’ont laissé dans ce putain de monde de merde que ma mère voulait désespérément changer… » Le sourire ironique qui étira ses lèvres se mit à trembler. « Alors non, y a pas d’autres solutions. Je veux juste oublier, je veux juste pas me souvenir que… »

Attaquer, c’était se défendre, jusqu’au moment où l’on s’attaquait simplement soi-même. Perpétuellement. Sans cesse.

« Qu’ils… » Sa voix tremblait franchement, maintenant. « Qu’ils étaient là et qu’ils… » Son cœur accéléra dans sa poitrine. « Ne sont plus là maintenant et que… » Son souffle se fit plus court ; elle pâlissait à vue d’œil.



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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeSam 10 Avr 2021 - 15:31
Noah n’avait aucune idée de tout ce que son discours alarmiste allait réveiller chez Maeva. Il n’avait pas prévu non plus que sa dernière phrase aurait un tel effet sur elle, au point de la faire changer brutalement d’expression et sortir de son mutisme. Ce fut à son tour à lui de s’immobiliser face à elle, choqué par sa prise de parole véhémente, mais surtout par la colère foudroyante qu’il lisait dans son regard. Elle était furieuse, mais pas vraiment contre lui, comprit-il assez vite en l’écoutant parler.

« Maeva, tu… »

Ses mots s’étouffèrent dans sa gorge, autant parce qu’il ne savait pas quoi dire que parce que Maeva ne lui en donnait pas vraiment l’occasion, en enchaînant, emportée dans sa rage. Cette suite de questions qu’elle lui jetait à la tête n’était pas tellement adressée à lui, il aurait de toute façon été bien en peine d’y répondre. Il n’en savait rien. « Qu’est-ce que ça peut bien changer ? », « qu’est-ce que je peux bien en avoir à foutre ? » l’interpelait t-elle, avec une attitude que Noah percevait comme teintée de désespoir. Cela finit par le frapper. C’était le mot : elle était désespérée. Désespérée par sa situation, par le deuil, par les émotions qu’elle avait à gérer, au point de préférer devenir folle, selon ses propres mots, plutôt que de continuer à s’y noyer.

Cette réalisation ne fit que s’accumuler à tous les chocs que provoquait Maeva chez lui, en finissant par révéler une vulnérabilité dont Noah n’avait pas soupçonné la profondeur. Elle avait besoin d’aide. Elle avait affreusement besoin d’aide. Ce fut la seule pensée cohérente dans l’esprit de Noah qui contemplait Maeva, figé par la détresse qu’elle manifestait. Elle voulait que ça s’arrête, répétait t-elle plusieurs fois. La funeste pensée traversa l’esprit du jeune homme qu’avec une telle énergie du désespoir, elle aurait pu mettre en oeuvre des moyens bien plus dramatiques et définitifs pour que « ça s’arrête » et qu'elle n'ait plus à penser à la tragique disparition de ses parents… Cette hypothèse tira un frisson d’horreur à Noah et le propulsa en avant, mettant fin à toute réflexion dans sa tête. Il s’élança vers elle comme pour l’empêcher de se briser en morceaux. Elle eut d’abord un mouvement instinctif de recul, au moment où il posa une main sur son bras, sans vraiment se dégager. Pendant un bref instant, il la regarda sans rien dire. En posant une deuxième main sur elle, il comprit qu’elle acceptait son contact et l’attira pleinement contre lui, en ravalant la boule d’émotion au creux de sa gorge.

Que pouvait-il faire d’autre, dans une situation pareille ? Elle avait perdu ses deux parents. Elle se sentait seule au monde, abandonnée, au point de vouloir tout effacer de sa mémoire à leur sujet. Il n’y avait aucun mot qui paraissait adéquat, en tout cas Noah, ne les trouvait pas pour le moment. Il n'était pas très bon avec les mots, il avait peur de dire des maladresses qui feraient plus de mal que de bien, à Maeva. Mais il sentait le désespoir, la solitude, le chagrin chez elle, alors il essaya de lui apporter au moins le réconfort d’une présence humaine, en ayant conscience que cela ne suffirait pas. Lui parler de dangers de Skye et du gouvernement n’avait plus vraiment de sens. Il était évident que ce n’était plus le vrai problème dans la situation.

La main posée sur sa nuque, il se contenta donc de poser l’exacte même question qu’il lui avait posée un mois plus tôt, dans un parc où elle avait laissé voir sa douleur, un peu moins intense que celle qu’elle exprimait maintenant :

« Est-ce que je peux faire quelque chose ? »


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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeSam 10 Avr 2021 - 22:03
Quand Noah s’approche d’elle, Maeva a un mouvement presque instinctif de recul. Elle ne se dégage pas non plus tout-à-fait, mais elle le regarde comme si elle prend conscience à l’instant de sa présence. Son coup d’éclat a laissé ses marques sur son visage ; elle est pâle, ses lèvres et son menton tremblent. Les mots ont fusé si vite qu’elle n’a même pas eu le temps de les peser ; si elle avait pu le faire en amont, probablement les aurait-elle empêchés de sortir, eux aussi. Mais le commentaire de Noah a réveillé quelque chose, chez elle, qu’elle croyait définitivement endormi. Une fureur qui n’est pas tant dirigée contre ses parents – celle-là, elle la connait, elle l’alimente même depuis plusieurs mois – mais contre une situation qui la fait se sentir terriblement impuissante. Or cette colère ne tarde pas à se muer en désespoir ; au fond, entre les deux, il n’y a toujours eu qu’un pas qu’elle n’a jamais osé franchir.

La colère, c’est un sentiment que Maeva connait bien. Elle l’a souvent expérimenté, au cours de sa vie, alors il est devenu presque familier, rassurant. C’est facile, d’en vouloir à sa mère pour son absence, pour son départ, pour tous ces mois qu’elle a passé en cavale avant de mourir. C’est facile, de la détester parce que finalement, ça vient parer au manque immense qu’elle a laissé dans sa vie. En étant en colère, Maeva maintient un lien avec sa mère qui, de fait, n’existe plus depuis longtemps. C’est une façon de refuser sa mort et de s’épuiser dans un deuil qu’elle refuse de faire. On ne peut pas vouloir véritablement aux morts ; ou plutôt, on peut leur en vouloir en vain. Cela fait des mois que Maeva se fatigue dans une colère noire qui charge tous ses regards. Elle n’en veut pas seulement à Chloé, elle en veut aussi à son père qui n’a jamais su être celui qu’elle voulait qu’il soit, au point qu’elle soit soulagée de sa disparition. Et puis elle en veut à Noah, qui l’a quitté quand tout le monde l’abandonnait déjà. Elle s’en veut à elle-même ; elle en veut au monde entier. Souvent – de plus en plus – ça la dévore, comme un monstre qui grandirait au creux de sa poitrine. Plus elle le garde enfermé, et plus il devient féroce, ingénieux, rusé. C’est comme une part d’ombre en elle qui se fait de plus en plus menaçante, et empêche ce mouvement en avant si espéré. Maeva est prise au piège.

Elle a passé des mois à se propulser vers le futur, en essayant de repousser son passé à un endroit qu’elle ne pourrait plus voir, plus sentir. Rien n’a fonctionné ; pire, Maeva a l’impression d’être bloquée dans un état où la temporalité n’a pas de sens. Quand elle crie à Noah « Mes parents sont morts », cela lui fait le même effet que lorsqu’elle a effectivement appris leurs décès. C’est comme si ces mois n’avaient pas existé ; le choc est le même, tout aussi intense, tout aussi douloureux. A une différence près ; cette fois-ci, Maeva a l’impression de le ressentir dans chaque cellule qui compose son corps. C’est brusque, incompréhensible, comme un voile qui se lève soudainement sur une souffrance camouflée, refoulée, oubliée, mais toujours présente. L’étreinte de Noah se referme sur elle, au moment où Maeva bascule dans un gouffre.

Pourtant, elle demeure immobile, figée contre Noah, le souffle retenu par des émotions qui fusent et qui explosent. Il n’y a plus rien qui les dissimule ou qui les atténue. Son père est mort. Son père est mort, et les derniers souvenirs qu’elle possède de lui sont si douloureux qu’elle ne peut même pas les convoquer pour s’apaiser. Pourtant, James Smith n’a pas toujours été cet homme terrible, changé par l’alcool et la retraite qu’il n’a pas supporté. La complicité qu’ils ont eue, quand Maeva était petite, la rend souvent nostalgique de cette époque où tout semblait facile quand elle était perchée sur les épaules de son père. Ils ont arrêté de se comprendre au moment de son adolescence, qui a coïncidé avec la fin de la carrière de son père. Leurs incompréhensions n’ont pas été noyées dans les verres d’alcool de James Smith, mais se sont creusées au gré des disputes, des mots durs, et puis des coups. Son père est mort, et rien ne pourra jamais venir réparer leur relation. Rien ne pourra jamais plus apaiser leurs rapports.

Sa mère est morte, elle aussi. Chloé Hellsoft l’invincible, l’indestructible, celle que rien ne pouvait ébranler, est morte. Maeva a grandi auprès de sa mère. C’est elle, qui l’a presque entièrement élevé. Elle, qui a essuyé ses larmes, embrassé ses genoux écorchés et recousu ses vêtements troués. Elle, qui a supporté ses colères, ses jalousies. Elle, qui a cherché à la préserver coûte que coûte du malheur et de la souffrance. C’est pour ça qu’elle a fui, qu’elle a quitté Poudlard, son conjoint et ses filles. Ironique de penser que c’est sa disparition qui a exposé Maeva à une douleur telle qu’elle l’empêche de reprendre son souffle.

Ses parents sont morts. Tous les deux. A quelques mois d’intervalle. Ils sont morts, et ils ne reviendront pas. Jamais. Elle peut bien les détester, elle peut bien les insulter, elle peut bien hurler comme ce qu’elle faisait, avant, pour les faire réagir, ils ne reviendront plus. Ne demeurent dans sa mémoire que les souvenirs qu’elle conserve d’eux, les paroles qu’ils lui ont un jour adressé pour la réconforter ou la féliciter, le souvenir diffus d’une étreinte avec de dormir, la sensation d’un baiser qu’on dépose sur une joue et celle d’une caresse dans les cheveux. Ne lui restent que ces instants qu’elle ne pourra jamais revivre.

Et qu’elle vient de songer à supprimer, définitivement, de sa mémoire.

Le constat la frappe avec une force qui la fait se recroqueviller sur elle-même. Elle a déjà commencé à oublier, à renier ses parents et leur héritage. Elle a changé de nom ; Maeva Hellsoft n’existe plus. Effacer ses souvenirs, ce n’est finalement que la suite logique de ce qu’elle a déjà entrepris. Oublier, devenir quelqu’un d’autre pour abandonner un combat qu’elle se sent incapable de mener.

« Mais il n’y a rien… » La voix de Maeva est étouffée, « à faire. » Finalement, elle éclate en sanglots. De gros sanglots qui font trembler ses épaules, rouler des larmes sur ses joues. Contre Noah, elle hoquète, ses doigts s’accrochent dans son dos. « Ils sont morts. » répète-t-elle d’une voix blanche. « Ils sont morts, je… Je ne veux pas… Je ne peux pas… »

Ses jambes refusent de la porter plus longtemps. Désespérée, Maeva se laisse glisser hors de l’étreinte de Noah, jusqu’au sol qui accueille son chagrin. Son visage vient se réfugier dans le creux de ses mains. Ses sanglots sont irrépressibles et déchirent douloureusement sa gorge. Lorsqu’elle relève les yeux vers Noah ils sont rougis et gonflés.

« Je ne veux pas qu’ils soient morts, je… » Elle secoue la tête, le regard aveuglé de larmes. « Je ne veux pas être toute seule, ils m’ont laissé toute seule… Je sais même pas s’ils en avaient quelque chose à foutre. » cracha-t-elle avec un relent de colère. « Mon père… Mon père passait noyait sa vie dans son putain de whisky. Et nous avec. Il me détestait. » Au fond, elle sait que ce n’est pas vrai ; c’est la peur, la souffrance même, qui parle. « Et ma mère… Ma mère elle n’a pas hésité une seule seconde à tous nous sacrifier aussi. Elle est partie sans un mot. Elle a jamais cherché à me contacter, elle m’a rien laissé, pas une putain de lettre. Et elle s’est suicidée ! Elle s’est suicidée alors que c’était notre seule chance de la revoir vivante ! » Ses mains tremblent, elle les coince entre ses genoux remontés contre sa poitrine.

Maintenant qu’elle a commencé à parler, elle a l’impression que quelque chose, en elle, s’est ouvert et refuse de se refermer. Les mots qui s’arrachent d’elle lui font mal ; ou alors, ils la soulagent, elle ne sait plus.

« J’ai espéré qu’elle revienne tous les jours. Tous les jours. Je voulais juste… Je voulais juste qu’elle soit là. Mais elle est morte ! Et mon père est mort ! Et ils m’ont abandonné et ils font toujours ça et… » Elle croise le regard de Noah. « Et toi, toi, tu m’as quitté alors que je te faisais confiance. T’es parti, comme tout le monde part toujours et maintenant tu dois me détester et tu sais quoi ? T’as bien raison, parce que moi aussi, je me déteste. » Son discours perdait en cohérence ; ses pleurs, en revanche, na tarissaient pas. « Je ne veux pas les oublier, je ne veux pas… Je veux juste qu’ils reviennent… Je veux juste qu’ils reviennent. » murmure Maeva dans une litanie qui l’apaise.


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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeSam 24 Avr 2021 - 19:35
En sept années de proximité avec elle, Noah a déjà vu Maeva pleurer. Avant même qu’ils ne se mettent en couple, l’été de leur quinze ans, ils étaient suffisamment proches en tant qu’amis pour qu’il puisse accéder à ses instants de fragilité. Il l’a déjà vue pleurer de tristesse, d’anxiété, mais plus souvent encore chez elle, de colère. Malgré cette carapace qu’elle s’est forgée avec le temps et dont elle se munit pour donner l’impression que rien ne l’atteint, Maeva est une jeune fille explosive, émotive. Elle s’indigne, elle tempête, elle proteste, elle crie, elle blesse et parfois elle se blesse et elle pleure.

Et pourtant, jamais Noah ne l’a déjà vue pleurer de cette manière. Le désespoir qu’il a décelé dans ses paroles précédentes lui semble plus évident encore, plus immense, comme si tout à coup, Maeva le laissait sortir en-dehors d’elle. Elle ne pleure pas, elle s’effondre véritablement. Elle n’éclate pas en sanglots, elle éclate en morceaux dans les bras impuissants de Noah. Ce chagrin infini, dont elle dit elle-même qu’il n’y a rien à faire, paralyse le jeune homme. Il a envie de pleurer lui aussi, parce qu’il ne sait pas quoi faire face à une telle détresse, si lourde que Maeva en semble littéralement plus pouvoir la porter et se laisse glisser au sol.

Alors, il la regarde, impuissant, immobile, sous l’effet d’un choc émotionnel qui ne fait que s’accentuer en écoutant Maeva se perdre dans des paroles confuses. Elle lui révèle une peur dont Noah n’avait jamais soupçonné toute la force chez elle, une peur évidente de l’abandon qui lui fait répéter plusieurs fois qu’elle ne veut pas être seule. Mais elle est seule, parce que les deux personnes qui auraient dû être à ses côtés, de manière inconditionnelle, sont parties. Ses parents ne sont plus là.

Lui aussi, il est parti, lui reproche t-elle d’une voix tremblante. Noah reste silencieux, peinant à encaisser la violence de ce reproche. C’est peut-être ce qui finit par le faire craquer. Elle appuie exactement là où il y a une boule douloureuse de regrets et de douleur chez lui, juste à l’endroit de ce sentiment de culpabilité qui l’a poussé quelques jours après leur rupture précipitée à revenir la voir, pour essayer d’arranger les choses. Il ne voulait pas, au fond. Il n’avait jamais voulu, déjà à cette époque, il regrettait. Voir des ses propres yeux les conséquences d’une séparation qu’il n’avait même pas vraiment voulue le jette à son tour sous une vague de mal-être profond.

Il se sent confusément honteux, coupable, blessé. Les mots de Maeva lui font très mal, une voix à l’intérieur de lui souffle qu’il ne les mérite pas, qu’il n’a jamais voulu l’abandonner et qu’elle aussi, elle a trahi sa confiance. Une autre voix au contraire dit qu’il l’a bien cherché. Il ne sait plus et de toute manière, cela ne semble même plus très important. Quelqu’un qu’il a aimé très fort, et qu’il aime toujours d’une certaine manière, est en train de se déchirer de chagrin.

A son tour, il se laisse tomber à genoux face à elle, les yeux remplis de larmes et la voix tremblante des émotions de détresse chez Maeva qu’il absorbe comme une éponge.

« Je suis désolé » affirme t-il, en faisant un geste pour l’attirer de nouveau dans ses bras. « Je suis désolé… »

Il est désolé pour tout, pour la mort brutale de ses parents, pour tout ce sur quoi il n’a aucune emprise et qui semble plonger Maeva dans un terrible malheur. Il est désolé aussi pour ce qu’il a initié et qui a été le point de départ d’une distance irrémédiable entre eux. De grosse larmes coulent sur ses joues à lui aussi, sans qu’il ne puisse les retenir. Ce ne sont pas seulement des pleurs de compassion pour Maeva. Il a, lui aussi, une boule de nervosité et de douleur qu’il a laissée grossir pendant des mois et qui trouve ici une opportunité de se libérer un peu.

« Tu n’es pas toute seule » assure t-il en la serrant un peu plus fort. « Tu as des amis, tu as ta soeur, tu as Peter… »

Tu m’as moi, pense t-il sans oser le dire. Ce n’est plus vraiment sa place et pourtant, c’est lui qui est là, au milieu de cette salle de classe vide, à éponger le chagrin de Maeva et essayer tant bien que mal d’en porter le poids avec elle.

« Je suis… Je suis là aussi. Si tu le veux » ajoute t-il, pour faire meilleure mesure, la voix hésitante. « Et je ne te déteste pas. Personne ne te déteste. » Il se demande bien comment Maeva a pu se convaincre d’une idée pareille mais il suppose que cette conclusion n’est que le résultat de ces multiples abandons qu’elle constate et lui font penser que peut-être, elle ne vaut pas la peine de faire rester ses proches autour d'elle. Cette pensée donne l’énergie à Noah de protester, plus fermement : « Je ne connais pas assez tes parents pour parler à leur place ou expliquer les choix qu’ils ont fait mais… Toi, je te connais. Et il n’y a rien de détestable chez toi. Ce qui est arrivé, c’est insupportable, vraiment, c'est horrible mais… Ce n’est pas ta faute. »


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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeJeu 29 Avr 2021 - 18:16
Maeva ne sait pas vraiment si ses pleurs l’apaisent, si ses mots la calment. Elle a l’impression qu’ils s’arrachent d’elle, presque malgré elle et, en même temps, elle se sent parfaitement incapable de les retenir. Ses joues sont mouillées par ses larmes, ses épaules secouées par les sanglots, et elle parle enfin. Elle parle sans réfléchir, sans même peser le poids de ses mots. Ils sont lourds pourtant ; ils sont impitoyables, aussi. Dans sa colère, Maeva n’oublie personne, et blesse même celui vers qui elle a dirigé ce premier appel à l’aide. A son tour, Noah tombe à genoux pour lui faire face, les yeux humides. Il l’attire contre lui mais, cette fois-ci, Maeva se précipite dans ses bras, sans aucune retenue ni pudeur. Elle pose sa tête contre son épaule, accroche ses mains dans son dos, et demeure silencieuse, secouée par des pleurs qui ne sont qu’à peine calmés par les paroles réconfortantes de son ex petit-ami.

Elle a mal. Elle a l’impression d’expérimenter la plus vive et la plus atroce douleur de sa vie. Tout son corps est soumis à une pression telle qu’elle comprime ses poumons et lui donne l’impression de suffoquer. Cette douleur, c’est celle qu’elle a réprimée pendant des mois, cachée derrière des sourires factices, minimisée avec une facilité déconcertante. Dans l’ombre, loin de sa conscience, elle n’a pourtant jamais cessé de prendre de l’ampleur ; aujourd’hui, elle explose, implose, et échappe à son contrôle méticuleux. Maeva ne voit d’ailleurs aucune issue. Rien ne paraît suffisant pour se relever, pas même la mention de Peter ou de Lou. Ce n’est pas la même chose, a-t-elle envie de rétorquer ; ce ne sera jamais la même chose. Elle n’est pas la fille biologique de Peter, quand bien même elle porte aujourd’hui son nom. Elle sait qu’il lui porte un amour tendre, mais il ne s’agira jamais du lien filial qui le lie à Lou et qui la liait, jadis à son père et à sa mère. Maeva est orpheline ; le mot est atroce.

Le mot est atroce et pourtant il est chargé de vérité : elle est orpheline. C’est peut-être la première fois qu’elle y songe franchement, sans se draper dans l’humour. Elle est orpheline, et cela n’a rien d’une blague ; elle passera désormais chaque jour de sa vie avec cette vérité. Ses parents ne seront plus là pour fêter noël et pour la voir grandir, pour célébrer avec elle ses réussites aux ASPICS et son entrée dans la vie active. Il n’y aura plus jamais de disputes, lui souffle un relent de colère ; plus jamais de cris ou de déceptions. C’est vrai ; il n’y aura plus rien, tout simplement.

Au milieu de ces sombres pensées, les mots de Noah sont la seule chose à laquelle elle se raccroche. Dans le brouillard de son chagrin, ses paroles lui apportent un maigre réconfort. « Je suis là » dit-il et elle respire, un peu. « Personne ne te déteste » affirme-t-il et elle hoquète, à nouveau. Il le lui répète encore, avec une force qu’elle perçoit mais qu’elle peine à croire. Sa belle assurance a de toute façon éclaté en morceaux : faire semblant, à présent, n’a plus aucun sens.

« Ce n’est pas de ma faute s’ils sont morts… » reconnaît Maeva en se détachant de l’étreinte de Noah pour venir retrouver son regard. Ses yeux aussi sont rouges, et des larmes coulent sur ses joues. En les avisant, Maeva se sent prise d’une vague de culpabilité qui fait redoubler ses larmes. Elle lutte contre ses sanglots pour poursuivre : « Mais ils sont partis, tous les deux. » Chacun à leur manière, en tout cas. Chloé avait fui, James s’était noyé dans l’alcool. « Ils sont partis, alors que j’étais là. » Et aux yeux de Maeva, c’est bien la preuve qu’elle n’est pas suffisante, pas « assez » pour être aimée et surtout pas « assez » pour faire rester quelqu’un auprès d’elle.

Noah aussi est parti, lui souffle une voix dans sa tête qui est toujours pleine de colère. Il est parti après plus de deux années passées à être son petit-ami et après sept ans d’amitié. Lui aussi, il a tout envoyé valser pour une dispute futile, une incompréhension idiote, une parole malheureuse. C’est bien parce qu’elle ne vaut pas beaucoup plus.

Mais Noah est revenu, rétorque une autre voix, plus sage. Il est revenu, à plusieurs reprises, et c’est elle qui l’a repoussé, comme pour se protéger d’un futur départ. Seule, on est sûre de ne pas être abandonnée. Mais il est revenu, persiste cette même voix. Et plus important encore : il est là.

« Mes parents ne m’aimaient pas assez pour rester… Ou pour revenir. » lâche-t-elle entre deux sanglots, qu’elle étouffe en se mordant la lèvre. Et c’est ça qui est insupportable. Pas les souvenirs qu’elle conserve d’eux, mais ce point précis qui lui fait penser qu’elle n’a jamais été assez importante pour eux. « Je ne peux pas… Je ne sais pas comment on vit avec ça, je ne sais pas comment on peut… Comment je peux vivre avec ça. » Ses mains viennent trouver celles de Noah, dans lesquelles elles se glissent familièrement. « S’il-te-plait, reste. » demande-t-elle en trouvant le courage d’affronter son regard. « J’ai besoin de… » Elle secoue la tête. A vrai dire, elle ne sait pas exactement de quoi elle a besoin. Elle est tentée de dire « que tout s’arrête » parce que la douleur est si forte que tout serait alors plus facile. Elle lutte contre cette idée en serrant les mains de Noah. « J’ai besoin de toi… S’il-te-plait, j’ai besoin de toi. » murmure-t-elle en baissant finalement les yeux.



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It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitimeSam 1 Jan 2022 - 21:44
Citation :
Afin de clôturer cette trame de l'an 2000, nous avons rédigé un dernier post à 4 mains avec Maeva It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] 2222602150 Bonne lecture !

Il est difficile de trouver quoi répondre à Maeva, pas seulement parce qu’elle semble abattue de chagrin et de désespoir, mais aussi parce que ses paroles ne sont qu’un énoncé des faits. Un énoncé cruel mais véridique. « Ils sont partis alors que j’étais là ». C’est tout simplement vrai. Même si la conclusion qu’elle en tire est moins rationnelle et plus discutable, les faits suffisent à blesser. La mort de sa mère, notamment, est la conséquence d’une suite de choix qu’elle a fait, en s’engageant pleinement en résistance jusqu’à prendre la décision de fuir, alors qu’elle avait deux filles dont une en bas âge. C’est une forme d’abandon de poste, qui laissait forcément des séquelles sur Maeva.

Alors Noah comprend pourquoi elle en arrive à penser que ses parents ne l’aimaient pas assez. A sa place, il aurait sûrement fini par se persuader de la même chose. Mais l’entendre dans la bouche de Maeva est insupportable. Il la serre un peu plus contre lui comme pour essayer de conjurer ces paroles terribles, qu’aucun enfant ne devrait jamais avoir à prononcer à propos de ses parents.

Mais ce n’est même pas le plus difficile à entendre. Il sent son coeur se fissurer dans sa poitrine alors que Maeva lui avoue son impuissance totale face à son propre sort et confirme les craintes qu’il a eues. Elle ne sait pas comment vivre avec ce chagrin. Finalement, se faire effacer la mémoire est peut-être la solution la plus douce qu’elle ait trouvée pour s’en sortir. Face à un tel désespoir, sans doute que d’autres personnes auraient tout simplement mis fin à leurs jours.

Cette pensée est si vertigineuse, si affreuse que les yeux de Noah s’embuent et il ressent un puissant sentiment d’urgence à agir, pour que plus jamais Maeva ne prononce une phrase aussi terrible que celle qu’elle a prononcée quelques minutes plus tôt. « Je veux juste que ça s’arrête ».

Alors quand elle implore son aide en glissant ses mains dans les siennes, et malgré le poids immense du chagrin qu’elle lui confie, Noah est incapable de s’y soustraire. Il répète, avec un peu plus de conviction cette fois :

« Je suis là. »

Il est tremblant, il pleure lui aussi, il se sent un peu démuni, il n’a aucune idée de quoi faire, au fond, mais même comme ça, il est sans doute plus stable et solide que Maeva ne l’est à cet instant, alors peut-être qu’il peut lui apporter un peu de soutien.

« On va trouver des solutions » promet-il, tout en restant honnête : « Je ne sais pas encore quoi mais… On va trouver. »

Il baisse brièvement les yeux sur l’étreinte à la fois terriblement familière et cruellement lointaine de leurs mains. Face au sentiment de soulagement qui se fraye un timide chemin dans son coeur parmi toutes ses émotions éparpillées, Noah songe que sans doute, lui aussi, il a besoin d’elle. A n’importe quel autre moment, il se serait détesté d’avoir ce sentiment tant il a lutté pour se détacher sentimentalement de Maeva et de leur histoire. Mais à cet instant, ils sont tellement à nu tous les deux, qu’il finit par révéler ses fragilités à son tour, pudiquement :

« Moi aussi… J’ai besoin de toi. »

« Je suis désolée… » hoquète Maeva en agrippant les mains de Noah et ces mots d’excuse sortent spontanément à la fois parce qu’ils sont honnêtes et parce qu’elle est terrifiée à l’idée de le blesser à nouveau et de le voir partir, encore. « Je suis désolée pour tout… Pour tout ça. » Qu’ils se séparent, qu’un tel silence s’installe entre eux, qu’ils deviennent des étrangers l’un pour l’autre. « Je suis là, moi aussi. »

Maeva se mord la lèvre, puis son front vient se poser contre l’épaule de Noah. Pendant quelques secondes, elle ne bouge pas. Noah ne réagit pas immédiatement non plus, saisi par son geste d’une tendresse inattendue, inespérée. Il aurait peut-être dû se reculer, refuser cette proximité, se rappeler à quel point elle l’a blessé et par conséquent cesser de lui laisser ce genre d’ouvertures. Mais ce que sa tête juge logique et cohérent ne concorde pas du tout avec les signaux de son corps. Il ressent un soulagement indescriptible, une libération à l’endroit de sa poitrine comme si, après avoir été comprimée pendant des mois, de l’air peut à nouveau y pénétrer. Il se trouve alors incapable de faire quoique ce soit pour repousser Maeva. Son geste vers lui et ses excuses sincères sont une offre de paix qui fait tomber ses dernières barrières de pudeur et d’orgueil. Il se répand en excuses à son tour, en posant sa main sur la nuque de Maeva pour la maintenir contre lui :

« Pardonne-moi. Je… Je voulais te le dire il y a des mois… J’ai jamais voulu que… qu’on s’éloigne comme ça. »

« Moi non plus… » souffle Maeva, les yeux fermés. Un silence passe, pendant lequel elle essaie de rassembler des pensées éparpillées. « Mais quand tu m’as quittée… C’était comme si tu partais, toi aussi. Et ma mère est morte et… » Elle eut un sanglot, un haut-le-coeur presque, qu’elle réprima contre lui. « Et c’était plus simple d’être toute seule. » Parce qu’ainsi, plus personne ne pouvait partir.

La culpabilité remonte chez Noah à ces paroles qui confirment ce qu’il a pressenti en janvier, quand il a essayé d’approcher Maeva, juste après le décès brusque de sa mère, pour la soutenir et s’excuser de ses agissements qu’il regrettait. Il avait senti qu’elle ne voulait pas de sa présence près d’elle, pas après l’avoir rejetée aussi fort, et que ce n’était pas le moment d’essayer de revenir vers elle. A l’époque, il avait pris cela comme une situation temporaire. Il n’avait pas perdu espoir en l’idée que peut-être, Maeva finirait par revenir vers lui, quand leurs émotions seraient retombées. Il avait définitivement perdu cet espoir pendant cette horrible soirée où une vidéo d’elle avec Virgil avait circulé dans toute l’école.

Le violent sentiment de trahison et de chagrin qui l’ont transpercé à ce moment-là reste une blessure irrésolue chez lui. Mais il choisit de ne pas y penser à cet instant et de se concentrer sur la situation actuelle. Il lui semble que sa relation avec Maeva ne sera plus jamais la même, il s’y est résolu depuis longtemps. Mais un espoir tout nouveau fait surface désormais, celui que peut-être il y a toujours une possibilité qu’une relation entre eux renaisse et existe toujours, même différente. Pendant quelques secondes, serré contre Maeva, il examine cette perspective avec le sentiment qu’elle le soulage de beaucoup de souffrance.

« Personne n’a envie d’être seul » souffle t-il en posant sa main dans son dos. « Tu disais que tu ne savais pas comment vivre avec tout ça mais… Ce dont je suis sûr, c’est que tu ne peux pas surmonter ça toute seule. » Il se recule légèrement, pour pouvoir la regarder, un peu plus calme que tout à l’heure, les idées un peu plus claires également. « Je suis là et Lisa aussi est là pour toi. Et… n’importe qui que tu souhaites avoir près de toi » dit-il en étouffant la pensée que peut-être cela incluait aussi Virgil. « Il faut juste que tu te reposes sur nous. »

Il se rappelle le sujet qui les amène là à l’origine et il ajoute, en ancrant son regard dans celui de Maeva, sur un ton de prière :

« S’il te plaît, ne confie pas ton sort et ton bien-être à des inconnus à Skye… Laisse-nous d’abord une chance de t’aider. »

« Je… » commence Maeva, sans trop savoir quoi dire. Elle a l’impression d’avoir beaucoup parlé. D’avoir dit des choses qu’elle ne soupçonnait même pas ressentir tant elle les a enfoui au plus profond d’elle-même pendant si longtemps. Noah avance que personne n’a envie d’être seule mais Maeva n’est pas entièrement d’accord : être seule a été son meilleur rempart cette année. C’est ironique, parce qu’elle ne l’a pas été vraiment, pourtant. Il y avait Virgil, et Lisa, et Kasya, et Damon, et Phil. Mais au fond, même entourée, c’était le sentiment de solitude qui prenait le dessus sur le reste. Personne ne savait rien, personne ne voyait rien et c’était exactement ce qu’elle recherchait parce que cela lui permettait justement de ne rien savoir et de ne rien voir d’elle-même.

Mais maintenant elle sait, elle voit. C’est terrible, et douloureux, et insupportable. Une part d’elle meurt d’envie que tout s’arrête, que le calme revienne pour cesser de se sentir aussi minuscule face à cet immense chagrin qu’elle ressent. Une autre part, plus forte peut-être depuis que Noah la tient dans ses bras, lui hurle simplement ne pas rester seule. Brusquement, la solitude a quelque chose d’intolérable, d’effrayant. Qui sait ce qui pourrait advenir si, laissée seule face à son désespoir désormais tangible, Maeva décide de le faire taire définitivement ?

C’est une peur qui lui noue également le ventre. Maeva a peur d’elle-même, de ce qu’elle est capable de faire, de décider, pour noyer sa peine. Skye est une solution intermédiaire et pourtant déjà tellement radicale : effacer les souvenirs liés à ses parents, c’est décider de les effacer de la surface de la terre. Bien sûr, elle n’est pas la seule à se souvenir d’eux mais ce n’est pas pareil : Lou et Felicity sont trop petites encore, quant à Peter et Eden, ils finiront aussi par se reconstruire autrement. Ni les Smith ni les Hellsoft ne sont des familles très étendues. Maeva est la mémoire vivante de ses deux parents.

Une mémoire qu’elle a cruellement envie d’effacer. Qu’elle avait cruellement envie d’effacer ?

Le poids lié à ce statut qu’elle porte paraît immense. Est-il plus ou moins grand que la culpabilité qu’elle perçoit déjà à l’idée de les supprimer de ses souvenirs, dans un geste désespéré de se débarrasser d’eux ? Maeva n’est plus certaine de sa réponse.

« D’accord. » finit-elle par souffler en s’accrochant au dos de Noah, comme pour s’accrocher à ce qu’il lui reste dans cette vie-là. « D’accord… » Elle finit par avouer ce que Noah sait sûrement déjà : « Personne ne sait. J’en ai jamais parlé. Pas à Peter, ni à Eden ou à Lisa, je… Je sais pas comment faire. J’ai besoin d’aide. » murmure-t-elle dans un aveu de faiblesse.

De nouveau, la poitrine de Noah se décompresse de soulagement en entendant Maeva acquiescer. Il respire un peu mieux maintenant qu’elle est là, prête à se laisser aider. Il mesure très bien le poids de cet aveu qu’elle lui fait, car il la connait assez bien pour savoir qu’elle ne confie pas ses vulnérabilités facilement : c’est tout le contraire, elle préfère les enfouir. Il recueille donc cette confidence avec précaution et rassure Maeva du mieux qu’il peut :

« Je vais t’aider, assure t-il. On va t’aider. Ça va aller. »

Tout en la berçant légèrement contre lui, il répète ces mots, comme une promesse, en espérant les ancrer dans l’esprit de Maeva jusqu’à ce qu’elle y croie. Lui-même y croit de plus en plus en les disant. Alors qu’il répète ces paroles, il voit dans cette perspective de se rendre utile et présent un espoir pour lui-même, celui d’aller mieux lui aussi.

FIN DU RP


Noah Forester
«I didn't notice what I lost, until all the lights were off »
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Profil Académie Waverly
It's always darkest before the dawn [Noah et Maeva] Icon_minitime