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[Secret Santa 2020] L'étoile de Noël

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[Secret Santa 2020] L'étoile de Noël Icon_minitimeMar 22 Déc 2020 - 20:39
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24 décembre,


En cette soirée du réveillon de Noël,  la salle de spectacle était plongée dans l’obscurité à l’exception d’un rai de lumière blanche éclairant un danseur soliste sur la scène de l’opéra national magique de Londres. Il s’agissait du dernier acte du Loch des Sirènes, le célèbre ballet dansant sorcier. L’orchestre jouait le morceau emblématique débutant par un air de hautbois et connu de tous les sorciers du monde magique pour illustrer la puissante scène finale : La mort par noyade du personnage principal, Balthasar.

Il se tenait là, au centre, à la fois gracieux dans ses gestes et puissants dans ses impulsions. Légèreté et force d’un corps sculpté par des années de danse. L’assistance était suspendue à chacun de ses entrechats, attendant et redoutant dans le même temps la fin inéluctable de ce personnage iconique. Les regards humides du public ne laissaient pas de place au doute. Il vivait ses derniers instants avant de sombrer dans les profondeurs du loch pour rejoindre la sirène chère à son cœur.  
Une femme renifla dans son mouchoir au premier rang, complètement emportée par la prestation théâtrale du danseur.  Elle pouvait ressentir sa peine et son désespoir. Toute sa douleur. Elle porta une  main devant sa bouche alors que le corps du soliste se cabrait en tout sens et virevoltait de plus en plus haut. Une ultime danse macabre magnifiée par une musique d’une intensité rare qui ne tarda pas à arriver à son paroxysme, juste avant que Balthasar ne s’écroule au sol, terrassé.
L’obscurité tomba sur la scène et fut suivie d’un silence électrique de quelques secondes finalement brisé par un tonnerre d’applaudissements. Une véritable ovation.

Les chandeliers de la salle se mirent à étinceler  pour éclairer les dizaines de danseurs qui avaient rejoint la scène pour la révérence finale. Du parterre aux balcons, tout le public était debout, visiblement enchanté par cette prestation fantastique. Malgré la distance, on devinait l’émotion de Selena et Balthasar, les deux personnages principaux de cette tragédie. Elle, fine et gracile, lui, élancé et athlétique, un visage encore un peu juvénile malgré des traits anguleux. Il semblait chercher quelqu’un du regard parmi la foule mais un mouvement sur le côté de la scène attira son attention.

Ludmila Danowski la directrice de l’opéra magique de Londres  venait de faire son entrée, contraignant l’assistance au silence.

« Bonsoir mesdames et messieurs, dit-elle  sous sonorus, Après cette magnifique prestation de la compagnie de l’Opéra, j’ai l’honneur de promouvoir au grade de danseur étoile l’interprète de Balthasar, monsieur Ciaràn Rice. »

Trois flashs éblouissants successifs suivis d’une puissante clameur.

Cette vision avait accompagné la vie de Ciaràn sans qu’il ne puisse la relier à un événement en particulier. Il était jeune la première fois qu’il l’avait perçue. Il jouait dehors et subitement tout s’était obscurci autour de lui. Les lumières aveuglantes avaient transpercé ses yeux et les cris, ses tympans.  Pourtant, à cette époque, il était bel et bien seul dans la lande irlandaise et brumeuse occupé à s’amuser dans son ruisseau. Terrorisé à  l’idée d’être frappé par un mal inconnu, il était remonté  en courant jusqu’à la maison pour trouver son père.

Angus l’avait rassuré – non il n’était pas possédé comme dans l’exorciste et non une queue de démon n’allait pas lui pousser depuis le coccyx (mais quelle idée !). Son père l’avait assis sur ses genoux, caressé doucement ses cheveux puis il avait décidé de lui parler d’une chose importante : le don de double-vue de sa mère biologique. Le petit Ciaràn pensait déjà tout connaitre de son histoire personnelle insolite  qui se résumait à cette phrase qu’il servait à tous les curieux «  Une dame a aidé mon papa pour qu’il puisse avoir un enfant et neuf mois plus tard, je suis né !  » Mais voila qu’il apprenait que sa génitrice était une voyante et qu’il avait probablement hérité de son don. Il l’avait imaginée exploratrice, magizoologiste ou encore éleveuse de dragon et la découvrait en réalité,  oracle.

Les flashs et les cris étaient revenus à intervalles plus ou moins réguliers durant son enfance, sa scolarité à Poudlard et même après. Comme toutes ses visions – qui s’avéraient souvent très abstraites et sibyllines-, Ciaràn avait traitée celle-ci avec beaucoup de méfiance.  Pourtant, ce soir, il prenait seulement conscience du fait que ce surgissement ne lui renvoyait, au final, que sa propre réussite. Une consécration même.

Les trois flashs des photographes capturèrent son expression surprise à l’entente de son nom. Il était promu  danseur étoile. Les cris et les applaudissements redoublèrent dans l’assistance et il entendit un sifflement aigu sur le côté, au niveau des balcons supérieurs.  Ciaràn leva la tête et  reconnut instantanément  la tignasse blanche et la grosse barbe hirsute de son père.  Son père, à l’opéra, en train d’applaudir comme un malade, la bedaine posée sur la balustrade et son corps penché au dessus du public venu admirer son rejeton. Oh Merlin. Il était entouré de toute la famille.  Ciaràn se sentit submergé par une vive émotion parfaitement perceptible malgré son visage  fardé. Il fit quelques pas pour s’incliner  sur le devant de la scène, embrassa ses doigts et salua les siens de loin avant de poser sa main sur son cœur.

Cette reconnaissance de ses pairs consacrait des années de travail intensif, bien sûr, mais elle rendait aussi hommage au soutien infaillible de son paternel.  Angus l’avait amené à des centaines de  cours de danse. Ciaràn revoyait le reflet de la silhouette massive de son père dans les miroirs des salles de répétition : Bras croisés sur le torse, les doigts coincés sous les aisselles,  casquette vissée sur la tête, il détonnait clairement  au milieu de toutes les mamans élégantes et joliment vêtues.  Il était habillé pour sa part d’un simple jogging, pas toujours très propre.
Angus l’avait également accompagné dans des boutiques chics  pour acheter des justaucorps, des collants, des chaussons et même ses premiers sous-vêtements de danse. Ciaràn se remémorait parfaitement l’expression franchement horrifiée de son paternel lorsque la vendeuse leurs avait présentée les strings gaines des danseurs de ballets.

« Tu veux porter ça toi ? »

Ciaràn avait faiblement hoché la tête et  ils étaient repartis de la boutique avec un lot de trois.
Il n’aurait jamais réussi sans lui et sans son soutien indéfectible.

Ciaràn attrapa le magnifique bouquet que Ludmila lui tendait et il resta encore plusieurs minutes sur scène sous la clameur du public avant de rejoindre les coulisses sous les félicitations nourries  de ses camarades de la compagnie.  Fébrile, il ne s’arrêta dans les loges que pour déposer ses fleurs et regagna directement le salon des invités, une grande salle de réception à la décoration rococo. Il fut félicité par les pontes de l’opéra, le ministre de la culture magique – himself- et il était en grande conversation avec le directeur d’un ballet russe lorsqu’il entendit qu’on l’appelait dans son dos.

« Ciaràaan ! »

Eryn, sa petite sœur courrait droit sur lui et se jeta dans ses bras, faisant fi des convenances. Elle était surement celle qui ressemblait le plus à Angus sur ce point là. Zéro respect pour l’étiquette et pour M. Le Ministre qu’elle snoba prodigieusement, Tu as été merveilleux ! »

Elle n’était pas seule, toute la famille venait de passer le cordon de sécurité pour rejoindre la partie privée de l’opéra : Son père, bien sûr, qui avait encore dû prendre quelques kilos depuis la dernière fois que Ciaràn l’avait vu. Liam son cadet, qui était en réalité son demi-frère mais, comme avec Eryn,  il ne faisait pas de différence. Son parrain et sa marraine, Melchior et Doreen, sa belle-mère, Emma.   Il y avait aussi Eiluned et la plus merveilleuse de tous, Victoire, la fille de cette dernière.

Ciaràn enserra justement  la jeune femme dans ses bras pour l’embrasser. Vic’ et lui, c’était une longue, une très longue histoire ! Ils étaient nés tous les deux en 2012, à quelques semaines d’écart. Leurs pères étaient collègues de travail à la Milice, à l’époque. Il n’était pas rare qu’Angus ou Léonard récupèrent les deux enfants en même temps à la garderie du Ministère quand l’autre était en mission. Il existait des dizaines de photos où on voyait Victoire et Ciaràn, bébés, côte à côte, en train de rire, de jouer ensemble ou de se chamailler. Ciaràn ne comptait plus le nombre de gouter qu’il avait pris chez les Wellington.  S’il n’avait que de vagues souvenirs de Leonard, le père de Victoire décédé très jeune, Eiluned avait durablement marqué sa vie. Elle avait été sa toute première professeure de danse. Celle qui avait découvert son potentiel et qui avait insisté auprès d’Angus pour qu’il continue le classique. Ciaràn avait noué une relation particulière avec cette femme douce et aimante qui contrebalançait quelque peu le lien compliqué qu’il entretenait avec sa belle-mère.  Il s’arrêta d’ailleurs devant Emma qui le félicita poliment, avec sa retenue habituelle. Elle n’avait jamais été méchante avec lui mais pas vraiment aimante non plus. Toujours sur la réserve. Ciaràn avait recherché l’amour maternel dans les autres personnes de son entourage : Son père -qui faisait, à sa manière, une formidable maman-, Eiluned et sa tante Doreen.

« On ne siffle pas à l’opéra Gus ! Où est-ce que tu t’es cru ? s’exclama d’ailleurs cette dernière visiblement excédée par la beauferie de son frère qui ne s’arrangeait pas avec le temps, à un match de quidditch ? à un concert de Jimmy Holliday ? »
« Mon fils vient d’être promu danseur étoile, Do’. Laisse moi savourer veux-tu ! »
« Ciaràn, dis lui que ça ne se fait pas ! » tempêta sa tante.
« S’il n’avait pas sifflé, je n’aurais pas vu où vous étiez installés tatie, souffla le jeune homme avant d’embrasser tendrement sa marraine sur la joue.
Il reporta alors son attention sur Melchior et Liam. Même costumes élégants, même postures de dandys. Si Mel était son parrain, c’était incontestablement Liam qui marchait sur les traces de l’ancien politicien reconverti en héros de la résistance, devenu récemment entrepreneur. Liam travaillait d’ailleurs comme conseiller dans la nouvelle entreprise de Melchior, spécialisée dans les produits cosmétiques.  Les deux hommes le félicitèrent chaleureusement avant de céder la place à un Angus débraillé.  Col de chemise déboutonné, manches retroussées sur elles-mêmes, pans sortis du pantalon… Sa mise soignée n’avait pas résistée aux deux heures trente d’un spectacle particulièrement riche en émotions.

« Ça, c’est mon fiston ! s’exclama le vieil homme grisonnant en écartant les bras.  On pouvait lire son immense fierté dans son regard. Il pressa Ciaràn contre lui et son fils lui rendit son étreinte avec la même intensité de longues secondes, Danseur étoile, Angus avait du mal à se faire à l’idée. Ton rêve Ciaràn! Il tapota le dos de son ainé et s’écarta légèrement de lui sans le relâcher complètement,  Tu as été excellent! Excellent ! Tu m’as fait chialer putain. Pourquoi  tu ne m’as pas dit que ton personnage mourrait à la fin ? »
«Tout le monde sait que Balthasar meurt dans le Loch des Sirènes, Angus. » intervint Doreen en roulant des yeux.
« Oui ben, pas moi. »  Il renifla entre son pouce et son index visiblement encore ému.
« Oooh mon petit papou ! » souffla Ciaràn en câlinant le vieil homme, ravi d’être cajolé par son ainé. Ils furent vite rejoint par Eryn qui les engloba tous les deux dans une embrassade puis par Liam, un tantinet contraint et  obligé par les encouragements « discrets » de son père et de sa sœur :
« Li-am ! Li-am ! Li-am ! Ouééé

Vu de l’extérieur, l’instant pouvait sembler parfait pour Ciaràn. Sa famille – de sang et de cœur- était regroupée autour de lui en ce jour de fête. Il avait conscience d’être extrêmement  chanceux mais il ne pouvait pas s’empêcher de penser à celle qui n’était pas là. Celle qui n’avait jamais été là d’ailleurs: Sa mère biologique, Joséphine.

Oui, il connaissait son prénom.  Comment ? Et bien, avec ses premiers cachets de danseur, il avait embauché un détective privé pour la retrouver. Il savait que son père ne lui aurait  jamais révélé l’identité de cette femme. Elle  avait fait le choix de rester anonyme et elle  lui avait simplement laissé une belle lettre que Ciaràn avait reçue à l’occasion de ses treize ans. Dès la lecture de ce courrier, il avait eu envie d’en savoir davantage sur elle et il avait attendu sa majorité  pour lancer ses investigations avec l’aide de Victoire.

Contre toute attente, le privé avait retrouvé la trace de sa mère assez facilement grâce au dossier de  suivi de sa grossesse. En quelques jours à peine il avait remonté la vie de cette française prénommée Joséphine, née en 1977, fille d’un riche banquier issu de la haute société sorcière. Comme Ciaràn, elle n’avait jamais connue sa mère. Elle avait suivi sa scolarité à Beauxbatons. Les bulletins rendaient compte d’un niveau passable mais d’une personnalité attachante et épanouie, bien qu’un peu bavarde. Sans surprise, elle excellait en divination. Ciaràn avait essayé d’imaginer l’adolescente qu’elle avait pu être puis la femme qu’elle était devenue à sa sortie de l’école, au moment où son père avait été emprisonné pour escroquerie. Son monde avait dû s’écrouler à ce moment là, avait-il songé avec une certaine forme d’empathie. Elle avait quitté la France pour l’Allemagne, Berlin plus précisément où elle avait travaillé comme danseuse. Une danseuse, comme lui, avait relevé Ciaràn avec un immense sourire, bien décidé à la contacter.  Le détective avait dodeliné de la tête,  lui suggérant d’attendre la fin de l’histoire… Un peu mal à l’aise, l’homme avait poursuivit évoquant brièvement le milieu berlinois crapuleux dans lequel elle évoluait avant d’en arriver à sa période anglo-saxonne :

« Votre mère biologique a ensuite migré en Angleterre. Elle  a travaillé aux Folies Sorcières comme danseuse …mais également dans ce que l’on appelait, à l’époque, l’Aile Ouest. »
« L’Aile Ouest ? »
« Oui. Il s’agissait d’une partie secrète du cabaret réservée aux transactions mafieuses avec une zone spécifiquement  dédiée à la prostitution. »
Silence.
« Elle…elle travaillait dans cette zone là ? »
« Oui monsieur, vraisemblablement de 2008  jusqu’au printemps 2011. »

Printemps 2011. Le moment de sa conception donc.

Le monde de Ciaràn s’était écroulé. Il pensait être prêt à tout entendre sur cette femme mais il s’était fourvoyé. C’était une prostituée. Il avait cru toute sa vie qu’elle avait accepté de donner neuf mois de son existence pour que son père puisse avoir un enfant mais un autre scénario se dessinait dorénavant dans son esprit. Peut-être qu’on lui avait menti, au fond, et qu’il n’était en vérité que le fruit d’une passe entre Angus et cette femme.

Une passe qui avait mal tournée...

Ciaràn n’avait pas voulu en savoir davantage. Trop bouleversé par cette annonce, il n’avait même pas daigné regarder les photographies glanées par le détective. Il avait tout juste entraperçu un cliché d’une meneuse de revue à la chevelure rousse flamboyante avant de glisser tous les documents  dans une enveloppe en kraft. Il avait quitté le cabinet, étrangement honteux et en arrivant chez lui, il avait tout brûlé. Tout.   Il ne voulait plus rien connaitre de son passé. Il avait fait une grossière erreur en cherchant à lever le mystère sur sa conception. L’image qu’il s’était fait de sa mère ne correspondait en rien à la réalité.

Le soir venu, il avait évoqué cet épisode avec Victoire avant d’enfermer ce souvenir à double-tour, comme pour l’oublier. Mais force était de constater qu’il n’y était pas parvenu. Joséphine peuplait encore et toujours ses pensées. Même ce soir.

« Ciaràn, ça va ? »


Victoire venait de passer une main dans son dos, visiblement inquiète de le voir si pensif. Il s’était un peu écarté de la famille avec cet air absent qu’elle lui connaissait et qu’il arborait parfois lorsqu’il était préoccupé.

« Je ne peux pas m’empêcher de penser à elle, Vic’. Même ce soir, alors que vous êtes tous là pour moi. »
Avoua-t-il d’un air malheureux. « J’y pense tout le temps en fait. »

Certes, sa mère avait été une prostituée. Il avait fallu beaucoup de temps à Ciaràn  pour intégrer et accepter cette idée. Il n’était peut-être  qu’un accident dans sa vie de femme, une erreur de parcours, mais elle avait menée cette grossesse à son terme. Et rien que pour cela, il lui devait beaucoup.

Il lui devait même tout.

Victoire pinça les lèvres. Elle jeta un coup d’œil en direction d’Angus pour s’assurer qu’il était occupé. L’ancien milicien reconverti dans l’élevage de fléreur était en grande conversation (ou plutôt dispute) avec sa sœur si bien qu’elle ouvrit discrètement son sac à main  pour en sortir son portefeuille.

« Je l’ai gardé pendant des années, dit-elle en dépliant un petit morceau de papier brulé aux encoignures, je crois qu’il est temps de te le donner. »
Elle lui tendit le parchemin qu’elle avait récupéré six ans plus tôt dans le foyer éteint de son appartement et sur lequel il était écrit :

« Vous pouvez la trouver à l’adresse suivante :

Madame Chevalier Joséphine
37, Avenue Nora Weaver,
Libertygrad. »


« Je ne sais pas si elle habite encore là mais …peut-être que… » Victoire haussa faiblement les épaules, C’est Noël, Ciaràn. »

C’est Noël, Ciaràn.
Ces simples mots voulaient dire tant de choses. Il ne devait pas réfléchir et simplement écouter ce que lui dictait son cœur. S’il y avait bien une soirée durant laquelle  il pouvait agir de manière totalement déraisonnable, c’était celle-ci.
Sans attendre, il se pencha pour embrasser Victoire et rejoignit sa famille en quelques enjambées.
« Ne m’attendez pas pour aller au restaurant, j’ai deux  trois choses à régler avant. Prenez l’apéritif, je vous rejoins d’ici une heure tout au plus. Et c’est moi qui invite.»
« Champagne pour tout le monde. » intervint Liam en jetant un regard de connivence à Melchior.
« Pas question. Pour nous ce sera une bonne vieille Kinness, hein ma fille ? ! » lâcha Angus en coude-coudant Eryn qu’il avait converti à la bière irlandaise.
« Prends ce qui te fait plaisir Papou, souffla Ciaràn, j’en ai pas pour longtemps. » Il embrassa la barbe hirsute de son paternel et s’éclipsa en direction des loges sans pouvoir couper à quelques sollicitations – une brève interview du Gringotts Culture et quelques selfies.


Trente minutes plus tard, il arpentait les rues de la ville mouvante de Libertygrad, plongée sous une épaisse couche de neige. Vêtu d’une longue cape vert foncé, débarrassé de son maquillage de scène,  ses cheveux roux coiffés vers l’arrière, Ciaràn avançait sous le tunnel illuminé de loupiottes de l’Avenue Baker, le cœur battant. C’était une folie. Une pure folie. Il devait faire demi-tour et pourtant, il progressait, encore et toujours en direction de l’Avenue Weaver, porté par vingt-cinq ans  de questionnement sur ses origines. Il passa devant la statue de la célèbre résistante située au coin de la rue et s’arrêta devant le numéro 37, une petite maison à l’allure proprette.  

Le rez-de-chaussée était illuminé. A travers les rideaux tirés, il pouvait deviner un sapin miniature posé sur le rebord de la fenêtre, éclairée de bougies.

Ciaràn prit une profonde inspiration et grimpa les quelques marches desservant le porche. Il se tenait là, devant cette porte close, hésitant encore à l’idée de bouleverser complètement son existence. Et si Joséphine n’avait pas envie de le voir ? Pire, si elle lui en voulait d’avoir fait les démarches pour la retrouver ? Ce n’était pas une bonne idée.  Il aurait dû être avec sa famille à cet instant précis. Ciaràn risqua un regard en direction de l’avenue recouverte de neige. Il s’apprêtait à repartir d’où il était venu lorsque la porte s’ouvrit à la volée sur une petite femme élégante, dans la soixantaine, juchée sur une paire de talons hauts.

C’était comme si elle savait. Elle savait qu’il allait venir, un soir de Noël. Elle le détailla de ses yeux noisettes, parfaitement semblables à ceux de Ciaràn.

« Bonsoir,  lâcha-t-il en chassant les flocons de neige de sa chevelure rousse, Vous êtes madame Chevalier ? Joséphine Chevalier ?  Il attendit qu’elle confirme son identité d’un hochement de tête avant de poursuivre, Je suis Ciaràn, le fils d’Angus Rice et…votre fils aussi. Je crois. »

Il avait du mal à se dire que ce moment était vraiment en train d’arriver.

« Je ne vais pas vous déranger très longtemps, souffla-t-il alors en jouant nerveusement avec ses gants de peur qu’elle lui ferme la porte au nez,  je suis juste venu pour vous remercier. » Il prit un moment pour lui afin de calmer les battements de son cœur et reprit :

«Merci. Merci  de m’avoir porté pendant neuf mois et de m’avoir donné la vie. »

Il se mit à rire un peu nerveusement luttant pour contenir les larmes qui perlaient au coin de ses yeux et l’émotion qui lui nouait la gorge.

«  Je suis un garçon très heureux et très chanceux, vous savez. J’ai une famille super, un métier que j’aime passionnément, une petite-amie formidable mais… »

Pudique, Ciaràn hésita à révéler le fond de sa pensée. Pourtant, maintenant qu’il était là, il pouvait saisir cette chance d’en savoir davantage sur la construction de son histoire personnelle.

«  Pour être tout à fait honnête,  je ressens une sorte de vide, un manque. Il laissa passer un silence. C’est vous le manque, crut-il bon de préciser. J’aimerais beaucoup que nous puissions nous parler un peu plus longuement  un jour, peut-être, suggéra-t-il avant de chercher à rassurer cette vieille dame sur ses intentions, Je ne veux pas d’argent, ni que vous me reconnaissiez juridiquement. Je ne recherche pas une mère – j’en ais déjà plein-, plaisanta-t-il en songeant à toutes ces figures maternelles qui avait jalonné sa vie,  je veux simplement savoir qui vous êtes et apprendre à vous connaitre, un peu. Il se racla la gorge et chercha son regard. J’ai fait des recherches mais je préférerais entendre votre version. Un faible sourire éclaira son visage. Mais si vous préférez que nous en restions là, je comprendrais. »

 Elle n’avait peut-être pas envie de voir débarquer  dans sa vie un fils de  vingt cinq ans. Et si elle avait besoin d’un peu de temps pour se faire à l’idée, Ciaràn comptait lui en laisser.

«  Toutefois, permettez-moi tout de même de vous offrir ceci. » D’un mouvement de baguette, il fit apparaitre le bouquet donné par Ludmilla Danowski à la fin de la représentation. Il était  serti d’un ruban  indiquant  Nouvelle étoile de l’Opéra de Londres.  

« C’est en partie grâce à vous. »  dit-il en désignant l’inscription d’un mouvement du menton. Il lui tendit les fleurs  pour qu’elle s’en saisisse, apaisé à l’idée d’avoir enfin pu lui témoigner sa reconnaissance et fait un premier pas vers elle. Quoiqu’elle décide à partir de maintenant, Ciaràn serait en paix avec lui-même.

«  Je vais vous laisser. »


Il descendit les quelques marches du porche et s’enfonça légèrement dans la neige fraiche. Il se retourna pour observer cette petite femme une dernière fois et graver dans sa mémoire sa silhouette, son visage, au cas où.  

Quelques flocons épars tombaient du ciel lorsqu’il lui délivra son dernier message.

« Je vous souhaite un joyeux Noël, Joséphine. »



*


Ciaràn Rice
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