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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy]

Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeJeu 22 Oct 2020 - 12:25
9 avril 2011

Une journée de réflexion après le cataclysme qui lui était tombé dessus avait permis à Roy de mettre un peu d’ordre dans ses idées et ses émotions. Le matin même, il avait envoyé un message à Joséphine, pour atténuer ses propos de la veille qui lui avaient échappé dans la colère et lui dire qu’il avait besoin de réfléchir. Il avait fini par admettre, dans le silence de sa nuit, que son choix ne serait pas simple à déterminer. S’il avait pu choisir entre offrir la possibilité à ce futur bébé d’exister ou non, sa position aurait plus franchement penché pour le non. Mais le dilemme qui s’offrait à lui était très différent. Quoiqu’il fasse, cet enfant allait exister quelque part. Pour le moment, cette perspective ne générait chez lui que de l’anxiété et même, une forme de désespoir.

Que faire ? Voulait-il être père ? Pouvait-il être père, avec toutes les casseroles qu’il se traînait, avec sa vie dissolue ? Et s’il essayait et qu’il échouait ? Et s’il n’essayait pas et qu’il le regrettait ? Valait-il mieux un mauvais père présent qu’un père inexistant ? Pourrait-il assumer de ne jamais prendre aucune responsabilité ? Et si dans quelques années, cet enfant souhaitait le rencontrer ? Que ferait-il ? Qu’allait dire sa famille s’ils apprenaient ? Est-ce qu’ils le soutiendraient ou est-ce que ce serait à leurs yeux une nouvelle démonstration de son inconséquence ?

Pour le moment, Roy en était à énumérer les unes après les autres, toutes ses craintes, pour conclure que l’idée de devenir père dans ces conditions lui semblait toujours aussi effrayante et insurmontable. Fergus s’était-il senti aussi démuni, neuf ans plus tôt quand, en pleine procédure de divorce, Grace lui avait annoncé qu’elle était enceinte et qu’elle garderait le bébé ? Les souvenirs de cette période étaient trop lointains pour que Roy saisisse avec précision l’ampleur des dilemmes qui s’étaient posés pour son ami, surtout que ce dernier ne s’était jamais beaucoup ouvert à ce sujet.

Quoique Fergus ait pu ressentir vis à vis de l’arrivée de Laoise dans sa vie, Roy avait l’impression de le deviner plutôt que de s’appuyer sur des affirmations concrètes.

Il avait toujours respecté chez lui cette pudeur inséparable de sa personne, même lorsqu’elle se dressait comme un mur qui le rendait difficile à approcher. Mais pour une fois, Roy ressentait le besoin d’éprouver les limites de cette retenue pour toucher le Fergus vulnérable, celui qui pouvait l’aider à trouver des réponses face au choix impossible qu’il avait à faire. Il avait un moment réfléchi à la bonne manière de l’approcher, avant de finir par l’inviter à dîner, sans lui cacher qu’il voulait lui parler de quelque chose d’important : l’honnêteté lui semblait de mise en ces circonstances et si cela n’avait pas été ses mots, cet air soucieux et distrait qu’il arborait depuis la veille aurait de toute manière parlé pour lui.

Parce que les murs des restaurants avaient des oreilles, surtout pour les personnalités relativement connues qu’ils étaient, Roy avait proposé à Fergus de venir plutôt chez lui, autour d’un repas commandé chez un traiteur que leurs goûts exigeants affectionnaient tous les deux. Malgré l’excellente qualité de l’entrecôte de son assiette, Roy ne la mâcha que par petits morceaux, dénués de l’appétit que cette cuisine méritait. Parce qu’il était entraîné dans ce domaine, il alimenta la conversation sans effort pendant la première partie de leur repas, jusqu’au premier silence qui se présenta, nourri de ses pensées informulées. Son verre de vin à la main sur lequel il avait posé ses yeux, il déclara, sans faire de lien particulier avec ce dont ils parlaient juste avant :

« Tu te souviens de Joséphine Lavespère ? »

Le liquide sombre tournait lentement contre les parois transparentes, sous l’impulsion des mouvements de son poignet. Brièvement, il se détacha de cette vision hypnotique. Ses yeux noirs trouvèrent ceux de Fergus, avec un calme parfaitement étrange face à l’angoisse de son coeur.

« Elle est enceinte de moi. Je l’ai appris hier. »


Roy Calder

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Fergus Avner
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 1:27
Le soleil était paresseusement descendu sur Bristol pour laisser sur la tranche des toits des éclats de lumières vives nimbées de rose. Fergus goûtait cette fin de journée avec la sérénité que prodigue les journées remplies et la fin de certaines inquiétudes. Sa soirée de la veille avait été mouvementée : récupérer Vivianne, évoquer avec Avalon des sujets qui le touchaient profondément car il les associait malgré lui à sa propre expérience, tous ces événements survenus dans la nuit l’avaient laissé pensif et privé de sommeil. Mais il accusait la première conclusion de ce scénario avec une sorte de calme dégagé qui lui permettait de se rappeler que ce n’était pas tout à fait son histoire, qu’Avalon prenait soin de sa sœur et qu’elle savait désormais qu’elle pouvait compter sur lui.

À peine sorti d’une soirée en tête-à-tête, donc, Fergus se trouvait projeté à nouveau dans une circonstance similaire. Il était rare que deux de ses dîners se remplissent consécutivement de sa seule présence et de celle de ses amis. Malgré des retrouvailles intimes régulières, leurs colloques ne se suivaient jamais de la sorte et par ailleurs, Fergus avait reçu de la part de Roy une sorte d’insistance pressante qui n’avait pas laissé équivoque son désir de parler de quelque-chose.

Fergus n’était pas d’un naturel anxieux et par conséquent n’appréhendait pas particulièrement la mystérieuse imprécation contenue dans l’invitation de Roy. Mais son esprit pragmatique, qui s’accommodait relativement peu des énigmes à moins qu’il ne puisse les résoudre, s’interrogeait sur l’évènement qui avait pu motiver un tel besoin. Besoin probablement alimenté par l’air absent et concerné qu’il arborait depuis la vieille sans que Jayce n’en ai l’air surpris. Il y avait donc entre eux un sujet commun qui rongeait spécifiquement le sang de Roy – quoi que Jayce en cas de difficultés demeurait terriblement difficile à lire, - et Fergus espérait à un endroit que cela ne concernait pas les affaires.

Au vu du cadre dans lequel Roy l’avait reçu ainsi que l’absence de Tonino, il avait rapidement écarté cette supposition. Roy avait entretenu la conversation avec son naturel habituel, l’orientant avec tact vers des sujets qui leur plaisaient à tous les deux, devant une viande dont Fergus savourait chaque bouchée sans omettre de noter que son hôte, lui, grignotait à peine. Il lui semblait désormais évident que la discussion pour laquelle Roy requérait sa présence était d’ordre personnelle. Fergus, qui avait toujours apprécié chez lui cette capacité à ne pas insister sur son silence, attendait patiemment et sans parvenir à en extraire le sujet, que son ami aborde le cœur de la raison pour laquelle il l’avait fait venir.

Et lorsqu’enfin au-détours d’une phrase et sans transition, - il exposa l’évènement qui l’impactait depuis deux jours, Fergus réalisa que dans aucune situation il n’aurait pu deviner que le sujet se porterait sur une telle thématique.

Une thématique qui comme la veille, le touchait profondément.

Une thématique dont il comprit instinctivement l’enjeu et éclaira avec une évidence blême le comportement de Roy et sa pâleur soucieuse.

Une thématique qui le ramenait à une époque de sa vie qu’il évitait d’aborder parce qu’encore aujourd’hui, elle pouvait lui faire mal en plus de lui rappeler ses insécurités.

Il releva la tête vers Roy et s’attacha à son regard alors qu’il exposait calmement l’évènement. Un calme que Fergus sût aussitôt qu’il ne ressentait pas. Il blêmit légèrement et posant sa fourchette contre son assiette, resta silencieux un moment avant de laisser échapper un rire amer accordé d’un sourire qui n’avait rien de chaleureux.

- Et tu ne sais pas quoi faire. » Affirma-t-il, parce que la raison de sa présence était limpide. « Elle t’a appelé pour te dire qu’elle garderait l’enfant mais qu’elle s’était sentie obligée de t’informer de sa grossesse. » Devina-t-il. Il se demanda avec acidité si cette situation avait été reproduite à l’infinie, pour des milliers de pères confrontés brutalement à la vie d’un petit être dont ils n’avaient pas forcément envisagé l’apparition. « Je ne sais pas si je suis la bonne personne pour en parler, Roy. C’est un sujet que j’évite de manière générale, » lui avoua-t-il avec une honnêteté qu’il se sentit lui devoir. Il comprenait à quel point son ami appelait à l’aide mais craignait ses propres réactions.


   
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Roy Calder
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeDim 25 Oct 2020 - 13:49
La manière dont Fergus décrivit l’histoire fit un écho si juste à ce que Roy avait vécu la veille qu’il s’en sentit frappé. Par ce simple détail, il sut qu’il s’adressait exactement à la bonne personne et bénit intérieurement Jayce de lui avoir rappelé cette problématique qu’ils avaient en commun : Fergus avait éprouvé bien avant lui, à une époque où il était bien plus jeune, cette terreur face à l’annonce d’une grossesse d’une femme qui ne faisait plus partie de sa vie. Roy connaissait assez Grace Washington pour imaginer qu’à l’instar de Joséphine, elle avait souligné le fait qu’elle n’avait pas besoin de Fergus pour élever cet enfant à venir et en toute cohérence, elle ne l’avait pas beaucoup laissé approcher les premières années de la vie de Laoise. Fergus était alors dans une situation pire encore que celle que vivait Roy, qui au moins, n’était pas en conflit avec Joséphine : en pleine procédure de divorce avec son épouse, qui sautait sur tous les moyens de lui faire payer sa décision, et elle en avait trouvé un en ne le laissant pas prendre une part active dans la vie de Laoise pendant les premières années.

Roy avait surtout ce morceau-là de l’histoire, qui avait été le plus visible. Mais comment Fergus avait-il réellement vécu l’annonce ? Comment avait-il fini par accepter cette paternité qui lui tombait violemment dessus ? Il s’était beaucoup moins exprimé à ce sujet et si, jusque là, Roy avait respecté ce silence en supposant qu’il en parlerait s’il en avait besoin, cette fois-ci, il s’en montrait curieux pour lui-même. Assez égoïstement, il recherchait la confidence de son ami, en espérant y voir plus clair dans le problème qui se présentait à lui.

Mais ce n’était pas un sujet dont il parlait facilement, comme Fergus le souligna avec justesse. Roy resta un instant silencieux face à ce refus qui marquait une forme de limite entre eux. En temps normal, il respectait la pudeur de son ami, à laquelle il s’identifiait assez bien : il y avait quelques sujets personnels dont Roy parlait peu, parce qu’ils dévoilaient chez lui une vulnérabilité que sa fierté l’empêchait d’exprimer. A part Toni, qui ne gardait jamais longtemps ses émotions pour lui, qui finissait toujours par évacuer ses moments de détresse d’une manière ou d’une autre, les trois autres de leur quatuor fonctionnaient de manière assez similaire sur ce point, préférant intérioriser leur mal-être plutôt que d’apparaître touchés.

Roy se situait dans l’un de ces croisements où il sentait qu’il pourrait difficilement avancer tout seul. Ce désarroi s’exprima dans l’insistance qu’il se permit d’avoir en déclarant :

« Je crois au contraire que tu es exactement la bonne personne pour en parler… Je ne vois pas à qui d’autre je pourrais m’adresser. Jayce a entièrement désiré ses filles. Et Toni… ne sait pas ce que c’est » résuma t-il à demi-mot, pour ne pas avoir à détailler une histoire qu’ils connaissaient déjà tous les deux.

Il ancra son regard dans celui de Fergus, conscient que s’il voulait que ce dernier s’ouvre à lui, il allait devoir commencer à par s’ouvrir lui-même, mais cette entreprise n’était pas facile. Si la veille, il avait laissé voir toutes ses peurs face à Jayce, c’était d’abord parce qu’il était encore sous le choc, dans l’incapacité de contrôler ses émotions, et parce que de manière générale, les confidences lui venaient plus facilement avec Jayce dont il était plus proche. Cette fois, ses émotions étaient redescendues et les reconvoquer pour les étaler dans un moment où il voulait garder le contrôle et la tête froide pour décortiquer ses dilemmes constituait un certain effort pour lui. Il mesurait donc parfaitement ce qu’il demandait de faire à Fergus.

« Je me sens dépassé, avoua t-il. C’est totalement hors de contrôle. Je sais pas quoi faire avec ça, c’est… M’occuper d’un bébé, là tout de suite, c’est pas ce que j’avais prévu, tu vois. »


Roy Calder

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Fergus Avner
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeLun 26 Oct 2020 - 20:42
Ho, oui, Fergus connaissait par cœur tous les doutes qui défilaient sur le front de Roy, il les identifiait comme de vieilles amies omniprésentes et prompte à le visiter toutes les fois où il pensait à sa fille et se plaçait en perspective lui, dans son rôle de père. Il se souvenait de la brutalité, de la surprise, de la colère, du désespoir. Du sentiment d’injustice terrible, aussi, de réaliser à quel point cette femme à qui il avait tout donné et tout repris pouvait le punir d’une phrase et venger son mal en proportion. Roy souffrait, c’était évident. Comme lui il essuyait son impuissance avec le reste de sa fierté soumise aux décisions d’une femme qui prenait un pouvoir moral sur sa vie. Tourner les talons ? C’était si simple à envisager. Si simple de céder et de faire comme si l’être qui allait grandir avec des traits à lui dessinés dans l’ADN n’existait pas dans son univers réduit et égoïste.

- M’occuper d’un bébé, là tout de suite, c’est pas ce que j’avais prévu, tu vois. » Fergus étouffa un rire bref et silencieux, spontané et un peu nerveux. Il haussa les sourcils en inclinant la tête.
- Je vois, ouais. » Fergus soupira. Il avait compris le message implicite et reçu son appelle à l’aide. Il savait quel genre de stratégie Roy mettait en place pour le convaincre de partager son expérience. Pour le connaître depuis quelque temps et avoir eu l’occasion de l’observer à maintes reprises, il savait que la confidence de sa vulnérabilité était un pas de bonne foi dans sa direction qui lui épargnait de supplier pour son attention.

Fergus n’était pas cruel. Il était maladivement introverti peut-être, mais avait le bien-être de ses amis à cœur et Roy était une figure importante de sa vie, en bien ou en mal. Il ne pouvait se résoudre à le laisser patauger dans ses incertitudes s’il estimait qu’il pouvait lui apporter des réponses. Il acceptait de faire un effort, même s’il doutait de sa capacité à s’exprimer clairement sur un sujet qui le touchait autant. D’un geste il termina d’une traite ce qui restait au fond de son verre et le poussa vers Roy qui avait accès à la bouteille. Une fois resservi, il se racla la gorge, instantanément mal à l’aise face à ce qu’il tentait de mettre en œuvre. Il se passe deux doigts sur la lèvre, tira un peu le col de sa chemise, et réalisant enfin qu’il avait épuisé les quelques gestes qui pouvaient repousser le moment de sa parole, il tenta :
- Comment te dire, Roy… Quand on a renversé Griggs c’était un genre d’opportunité professionnelle. L'ouverture, elle est arrivée comme ça et on en a profité. Un gosse finalement ça à quelque chose de ça... La différence, hum… La différence c’est que tu ne peux plus penses qu’à toi. » Consciemment Fergus fuyait le regard de Roy, concentré sur la table, sur son verre dans lequel il faisait tourner doucement le vin translucide. « Tu sais moi… Heum… Il s’interrompit pour passer une main nerveuse sur sa nuque. Le plus dur, c’était Grace, reprit-il, et cette heu… Impression désespérante de… Manque de contrôle. Et puis, l’échec. En fait, l’échec c’est… C’est omniprésent, parce que le môme grandit et change et il faut s’adapter et chaque jour peut devenir un échec pour toujours… Enfin. » Il releva la tête. « Tu as le choix, t’as l’air décidé. Quand tu dis « j’avais pas prévu de m’occuper d’un gosse » t’as l’air d’avoir décidé que c’était pas ta priorité mais tu peux pas… En fait tu peux pas t’engager sans que ça le devienne, parce que même si ta nana est sur un autre continent, même si t’en divorce, la vérité c’est que ton gosse une fois que t’as accepté que c’était le tient il sort jamais de tes priorités. Et je crois qu’il faut pas jouer avec ça."Il s'interrompit, laissa quelques secondes de respiration avant de reprendre :  "Donc si t’es sur de toi quand tu penses que t’as rien dans ton temps pour un gamin, oublie le. » Fergus haussa les épaules. « Mais peut-être que tu dis ça par défaut. »


   
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Roy Calder
Roy CalderPropriétaire d'un haras
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeDim 8 Nov 2020 - 19:37
Roy peut presque voir Fergus réfléchir, de l’autre côté de la table, sans qu’il ne parvienne toutefois à en deviner avec certitude le contenu. Hésite t-il encore à lui parler ? Ou pèse-il les mots qu’il comptait lui dire ? Il a l’impression de voir dans son geste pour terminer son verre et en réclamer un nouveau la recherche d’un courage qui lui manque peut-être pour aborder un sujet difficile. Sans rien dire, Roy s’exécute en remplissant le verre de son ami, avant de faire de même avec le sien.

Il a besoin, lui aussi, de courage.

Les premiers mots de Fergus piquent son attention car s’il y a une conversation dans laquelle Roy ne s’attendait pas à voir le nom de Griggs surgir, c’est bien celle-ci. La comparaison qu’il fait le laisse d’abord perplexe. Une opportunité, dit t-il. Un enfant qui arrive par surprise dans sa vie, c’est comme une opportunité et il lui revient alors de choisir de la saisir ou non. Ce simple mot, qui fait appel à un vocabulaire que Roy maîtrise au quotidien, lui ouvre un autre angle de vue qu’il n’a pas adopté sur sa situation. Depuis hier, il a plutôt posé son problème en termes de responsabilités, qu’il est prêt ou non à endosser, ce qui génère principalement un sentiment de frustration, d’injustice et de culpabilité, chez lui. Il n’a pas fait l’exercice de réfléchir à ce que le fait d’assumer un rôle de père peut lui apporter d’appréciable dans sa vie.

Il a seulement le temps d’effleurer cette pensée que Fergus développe déjà autre chose, plus difficile à entendre, qui crée au fond de son estomac un malaise et un poids assez lourd. L’échec. Un mot que Roy n’aime pas, une faiblesse qu’il n’a jamais acceptée pour lui-même, mais plus inavouable encore, il en a peur, au fond. Echouer, ne pas être à la hauteur, décevoir, tout ce qu’il déteste. Accepter cet enfant dans sa vie, c’est accepter le risque d’échouer, un risque qui n’a jamais paru aussi grand à Roy tant il ne s’imagine pas père. Accepter cet enfant et l’aimer, c’est accepter l’éventualité de le décevoir. Il n’a pas vu les choses sous cet angle non plus.

Fergus l’affirme avec une expérience qui rend sa parole forcément fiable aux yeux de Roy. Il le regarde un instant, sans pouvoir s’empêcher de penser que son ami vient de lui révéler une faille chez lui. C’est rare, d’entendre Fergus dire quelque chose comme « c’est dur ». Encore plus rare de l’entendre reconnaître un sentiment de désespoir. Le manque de contrôle, l’échec, dit-il. C’est omniprésent. Cela le ronge, comprend Roy. Il y pense souvent. A chaque fois qu’il voit sa fille, probablement. Il n’a pas envie d’échouer. En a t-il peur lui aussi ?

"Enfin." Fergus ferme la parenthèse. Derrière ses mots hésitants, sa gestuelle nerveuse, Roy a l’impression d’avoir touché un lieu très sensible chez son vieil ami. En plus de dix ans d’amitié, des moments de faiblesse, de vulnérabilité, Roy en a déjà vus chez lui. Il sent que celui-ci est particulièrement profond et névralgique. Même s’il ne cerne pas encore tous les contours des émotions et des implications que Fergus place à l’endroit de sa fille, Roy pressent déjà qu’ils ont des choses en commun tous les deux. La suite de son discours le confirme, il se rend compte que les paroles de Fergus lui font l’effet d’un écho chez lui, comme face à des paroles qu’il aurait pu lui-même prononcer, parce qu’il est d’accord : et c’est bien tout son problème. S’il prenait l’arrivée de ce bébé par-dessus la jambe, Roy ne se serait pas senti dans un tel dilemme. Il aurait soit décidé de s’en défaire sur une impulsion, par refus de se prendre davantage la tête, soit accepté de s’impliquer à la légère, comme ça, pour voir, en étant prêt à partir à la moindre difficulté.

Ce n’est pas le cas. Il est bien conscient des conséquences, de ce avec quoi il va devoir vivre, aussi bien s’il décide d’être père que s’il refuse cette responsabilité.

« Je sais. Je compte pas jouer avec ça. C’est bien ce qui me prend la tête » avoue t-il, en attrapant d’une main nerveuse son verre de vin.

Il prend une gorgée, un peu trop longue, le regard fuyant dans ses pensées. Les mots de Fergus le font réfléchir, beaucoup. Il fait un deuxième aveu :

« Je suis sûr de rien, là. » Il n’a décidé de rien, car chaque choix l’emplit de doutes et des craintes, pour différentes raisons qu’il tente d’expliquer : « C’est pas comme si j’avais le contrôle sur la naissance de… de ce bébé. » Employer ce mot lui fait toujours un étrange effet. « Il va vivre quoi que je fasse. C’est dérangeant de me dire qu’il va grandir quelque part et que je ne le connaîtrai jamais… Mais j’en sais rien, soupire t-il, peut-être que c’est juste un sentiment que j’ai maintenant et que si je décidais de le faire, je pourrais m’y accommoder à la longue. Et de l’autre côté… » L’autre côté lui demande un peu plus d’introspection pénible, il reste quelques secondes silencieux. « Tu vois, y a Jayce, tu le regardes, tu sais qu’il est fait pour être père, qu’il va assurer dans ce rôle. » C’est le cas, ils le savent tous les deux, ils le voient, les yeux de Chandra et Meera brillent à proximité de leur père qui semble toujours savoir comment leur parler, comment les aimer. « Moi… Si je deviens père, j’ai pas envie d’échouer à l’être, tu vois. »

L’échec, toujours l’échec, la menace qui plane sur ses choix. Quel genre de père serait-il ? Pouvait t-il prétendre à une telle responsabilité ? ne cesse t-il de se demander. Cette question l’obnubile tellement qu’elle occulte des questions préalables, beaucoup plus fondamentales qu’il devrait commencer par se poser.

« Qu’est-ce qui t’a décidé à accepter Laoise quand tu as su qu’elle était là, toi ? »

Peut-être que cela n’a pas été une question pour lui, songe t-il en regardant Fergus. Peut-être qu’il lui a toujours semblé évident qu’il devait faire partie de la vie de cette enfant, même s’il ne l’avait pas prévue. A cet instant, Roy espère -un peu égoïstement- que ce n’est pas le cas, que là-dessus, Fergus peut lui apporter des lumières.


Roy Calder

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Fergus Avner
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeDim 15 Nov 2020 - 14:49
Fergus écoute Roy plongé dans un silence attentif, introspectif, désagréable. Il comprend son ami, il le comprend dans chacun de ses mots, dans probablement chacune de ses souffrances, avec l’amplification terrible d’avoir rencontré cette situation dans la séparation, le divorce d’une femme avec qui il avait voulu construire sa vie, créer une famille. C’était son premier échec vis-à-vis de Laoise, avant même qu’elle ne naisse. Fergus se sentait présomptueux désormais d’avoir cru y parvenir. Dans les débuts de sa relation avec Grace, il avait pris pour acquis cette réussite future. Il affrontait désormais le résultat d’un foyer éclaté par les tensions, les rancœurs, les sentiments de trahisons et de culpabilité de part et d’autre qui se traduisaient par des échanges glaciaux et coupant, des demandes intransigeantes. Laoise aurait dû avoir un foyer stable. C’est ce que Fergus avait voulu pour lui et pour elle, ce qu’il aurait voulu offrir à Grace, aussi. Une famille dont la présence de tous les membres aurait dû former autours de ce petit être fragile un cocon protecteur qui l’aurait aidé à grandir et à forcir courageusement. Elle n’avait rien eu de tout cela. Inconstance. Incohérence. Attente. Espérances déçues. Incertitudes. Fergus savait à quel point la garde partagée de sa fille l’avait atteinte. Combien tous ces voyages qu’elle effectuait depuis toute petite générait de l’instabilité. Combien la présence erratique de son père, la disponibilité complexe de sa mère créaient chez elle de manque et d’instabilité.

Roy avait raison, mais blessait l’égo de Fergus. Il n’avait jamais imaginé que Roy puisse avoir tiré les mêmes conclusions face à Jayce, il n’en avait jamais rien dis. Mais ils avaient tous les deux des pensées similaires, probablement, lorsqu’ils étaient témoin de la relation de Jayce et de ses deux filles. De sa famille. S’il avait renié l’originel, celle qu’il avait reconstruire bénéficiait d’une saveur qui pour Fergus, laissait parfois un goût amer. Ce n’était pas réellement de la jalousie : Fergus n’avait ce genre de ressentiment uniquement parce que la vision du couple de Jayce le ramenait à son propre échec. Il ignorait totalement comment son ami avait pu garder si longtemps un amour, initialement catastrophique, jugeait Fergus, aussi sain et doux. Sun et Jayce n’avaient jamais un mot plus haut que l’autre. Ils se parlaient toujours sur un ton respectueux et attentif qui ne traduisait aucun désaccord, aucune tension. Souvent Fergus s’était demandé s’il s’agissait d’une façade. Mais le bonheur de leurs deux filles, leur évident épanouissement individuel lui faisait penser que peut-être pas.

Mais il avait toujours scrupuleusement refusé de se comparer directement à lui. Jayce et lui étaient des êtres trop dissemblables dans leurs expériences, leur culture, leur caractère, le contexte dans lequel ils élevaient leurs filles, pour qu’aucun coup d’œil dans sa direction n’ai le moindre sens. Fergus acceptait de douter, mais pour lui-même. Pas en référence avec quelqu’un dont la situation n’avait rien de comparable.

- Laisse Jayce là où il est, dit Fergus machinalement. Puis il eut un nouveau sourire sans saveur. T’as pas envie d’échouer à l’être, répéta-t-il comme s’il réfléchissait à la question.
- Qu’est-ce qui t’a décidé à accepter Laoise quand tu as su qu’elle était là, toi ? Demanda Roy sans relever la trâce d’ironie qui perdurait dans le ton de Fergus. Ce dernier le scruta avant de répondre.
- Tu poses pas la bonne question. J’ai pas décidé d’accepter Laoise. Je devais l’accepter. Être ou pas dans sa vie ça changeait rien au fait qu’elle allait être là de toutes façons. Pourquoi j’ai décidé de rester pour elle après avoir accepté ça… » Fergus posa de doigts contre le pied de son verre qu’il fit bouger doucement, le regard fixé sur la robe vermeil du breuvage, perdu quelque part en lui."À cause de ce que t'as dit tout à l’heure, je crois. » Il leva la tête et rencontra le regard de Roy avec au fond des yeux une sorte de détermination incertaine. « Moi non plus, je voulais pas échouer. Je veux toujours pas échouer. Mon mariage est un carnage. Ma relation avec Grace c’est un… Un vaste gâchis. (il exécuta un geste vague et ses yeux retournèrent se voiler quelque part où Roy n’était pas ) Mais je voulais des enfants. Certainement pas de cette manière, mais elle allait naître, quoi qu’il arrive. Alors tu vois. C’était déjà foutu pour la stabilité familiale, c’était foutu pour le mariage parfait, ce gosse c’était le mien j’avais échoué avant même qu’il naisse alors je me suis dit… Au début je me suis dit la même chose." Il s'interrompit quelque seconde, peinant à faire sortir de sa gorge ces aveux qu'il ne partageait jamais. "Est-ce que je peux supporter un échec de plus, tu vois, reprit-il péniblement. Il aurait pu parler de la déception absolue que lui renvoyait sa famille, du sentiment de trahison, de la frustration de voir dans le regard de son père un je te l'avais bien dit terriblement humiliant. D'avoir échoué, aussi, à préserver Toni. Il ne le fit pas. Il savait que Roy savait. En fait, ne pas risquer ça, c’était partir, et partir dans ce cas-là ça devenait de la lâcheté. Et ça je pouvais pas. Fuir devant un gosse, Roy. Fuir devant ce que t’as engendré. Je pouvais pas".Il s'interrompit quelques secondes avant de reprendre. "Et puis j’avais ce… Comment te dire… Ton cœur, il finit par… » Fergus se passa une main sur la nuque, cherchant des mots qui se présentaient à lui mais que sa pudeur ne laissait pas exister. « C’était ma fille… Elle a des parties de moi. Je voulais la rencontrer, et puis… C’est moi qui ai contribué à la jeter dans la vie, et on sait tous les deux que ça pardonne pas, que c’est dur. Il fallait que je sois là pour l’aider.


   
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeSam 28 Nov 2020 - 17:20
A cette remarque directe que lance Fergus au sujet de Jayce, au sourire sans joie qu’il esquisse, Roy se demande un bref instant s’il ne l’a pas piqué. Il se rend compte que peut-être, la formulation qui consiste à dire « Regarde comme cet ami que nous avons en commun est parfait avec ses enfants » n’est pas la chose la plus délicate à dire à un ami qui est lui-même père. Pourtant, Roy ne remet aucunement en question les attitudes que Fergus adopte avec Laoise, qu’il a toujours trouvées particulièrement attentives, caractéristiques de cette discrète mais constante présence qu’il offre à ses proches. A sa manière, il lui paraît un bon père également. Il ne lui semble pas que Fergus ait échoué dans ce rôle qui lui est tombé dessus, et c’est aussi pour cela que Roy s’adresse à lui. Il veut comprendre le cheminement qu’il a suivi, les questions qu’il s’est posé, car il a l’impression que c’est une situation à laquelle il peut davantage s’identifier, qu’à celle de Jayce qui lui apparaît comme une sorte d’image d’Epinal : marié avec une femme qu’il a toujours aimée profondément, avec qui fonder une famille était comme le naturel prolongement de leur amour.

Là où Jayce était accompagné par son épouse, Fergus a été seul. Roy est seul également, car il n’a aucunement le projet de partager sa vie avec cette femme qu’il a mise enceinte. Pas plus que Fergus, il n’a anticipé cette situation qui lui est tombée dessus. Mais peut-être que Fergus, lui, l’a désirée un jour, même si elle n’est pas arrivée de la meilleure manière. Roy l’écoute exposer ses pensées, sensible à cette tournure assez intime que prend leur conversation. Ce genre de discussion avec Jayce est fréquente, mais avec Fergus, bien plus rare. Il mesure assez justement cette confiance qu’il lui accorde de ses aveux de faiblesse et l’accueille d’un silence attentif.

Enfin, son ami révèle ce point qui sans doute les sépare tous les deux, en déclarant qu’il voulait des enfants, à cette époque où Laoise est arrivée. Cette nuance est importante, Roy le sait. S’il était certain de ce qu’il désirait, il aurait, comme Fergus, accepté les circonstances malencontreuses dans lesquelles se réalisaient son souhait. Et pourtant, malgré cette différence fondamentale, Roy se reconnait à travers les mots de Fergus.

« Est-ce que je peux supporter un échec de plus, tu vois ».

Cette phrase résonne entre eux, suivie d’un silence qui l’imprime dans l’esprit de Roy. La réalisation le frappe alors qu’à cette époque, ce que traversait Fergus était bien similaire à ce qu’il vit actuellement de son côté, même si les formes sont très différentes. Ils se sont finalement tous les deux retrouvés face à la perspective effrayante de devenir père, après avoir essuyé une suite d’échecs douloureux dans leurs vies respectives. Poser le doigt sur ce point plonge à nouveau Roy dans un silence profondément réflexif. Son regard ne quitte pas celui de son ami mais ses pensées s’agitent.

« Fuir devant ce que t’as engendré. »

Une autre phrase qui secouait quelque chose chez Roy, qui appuyait précisément sur ce sentiment de malaise en lui, manifeste à chaque fois qu’il explore mentalement cette perspective où il ne reconnaît jamais ce bébé qui partage son sang. Il ne sait pas exactement d’où cet inconfort lui vient, si c’est une forme de pression sociale, si c’est son éducation plaçant en haute position les valeurs familiales qui transparaît. C’est simplement là, en lui, une gêne du fond de ses entrailles dont il ne sait pas encore dans quelle mesure il est capable de l’ignorer. Fergus, lui, la légitime purement et simplement et Roy envie cette capacité qu’il a à être catégorique dans ses choix. Il comprend que son sentiment de responsabilité a pris le dessus au moment de devoir faire un choix, qu’il s’y est tenu et que cet amour pour sa fille qu’il évoque très pudiquement à demi-mot a achevé d’ancrer cette responsabilité en lui. « Elle a des parties de moi » dit-il. Un certain vertige prend Roy à la pensée que ce petit être qui grandit dans le ventre de Joséphine a également des parties de lui et qu’il ne tient qu’à lui de vouloir en faire la connaissance.

Le silence retombe après ce discours qui a atteint Roy à de multiples endroits sensibles. Son regard se perd sur ce verre de vin entre ses mains, qu’il a bu beaucoup trop vite.

« Je me suis jamais dit que je voulais des enfants… Mais je me suis jamais dit que j’en voulais pas non plus » avoue t-il finalement. « Je crois que j’ai pas vraiment envie d’en avoir dans ces circonstances, là, tout de suite, avec tout ce qui nous tombe dessus -Fergus n’avait pas besoin de précisions sur les coups durs qu’essuyait le gang ces derniers temps- et avec une femme qui vit même pas dans ce pays, ça me paraît juste délirant. En même temps… J’aime pas l’idée de fuir non plus. Mais… » Chose rare chez lui qui a fait de son verbe une arme de négociation et de séduction, Roy perd ses mots et les emmêle face à cette situation qui réveille chez lui beaucoup de choses enfouies et qui le pousse à son tour à révéler péniblement des parts de sa vulnérabilité. « Je veux pas échouer mais je vois pas trop comment je peux réussir ce pari, j’ai l’impression de pas avoir ce truc de la paternité, tu vois ? » Il ne sait même pas vraiment ce qu’il désigne par là, sans doute une espèce d’idée mentale toute faite du père de famille responsable, sage et stable, inconsciemment très proche de celui qu’il a eu, lui, dans son enfance. « Ce que tu viens de dire, là… Bah je me demande surtout dans quelle genre de vie je vais jeter mon gamin s'il est avec moi. C’est une vie de fou, avec un rythme dingue, y a pas de stabilité, de sécurité. J’ai pas forcément envie d’exposer un bébé à tout ce que je fais. Déjà que j’ai pas beaucoup d’accroches avec ma propre famille à cause de ça, c’est pas pour élever un gosse en parallèle. »

Roy sait que ces questionnements sont omniprésents chez Jayce et ont été à l’origine de la plupart de ses conflits avec Sundari. Fergus connaît également la rengaine et probablement qu’il devait vivre avec tous les jours, vis à vis de Laoise, qu’il expose par le simple fait de s’appeler Fergus Avner à plus de risques que la plupart des enfants. Roy ignore, en revanche, comment son ami résout ce cas de conscience.


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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeLun 14 Déc 2020 - 0:23
Fergus n’avait jamais imaginé avoir le choix. Sa vie s’était construite au travers de sa famille. Ce terme avait adopté des définitions diverses, très précise et centrales, qui concentrait toute la vigueur de sa loyauté. Lorsqu’enfant il regardait autours de lui, c’était pour voir des pères et des mères éduquer leurs petits et pérenniser l’héritage d’un sang enrichi de générations. Comme les dix commandements, la croix qu’il portait au cou lui dictait la direction de certains de ses devoirs. Construire sa propre famille n’avait jamais été une finalité questionnable. Il s’agissait d’un achèvement indispensable à son accomplissement. Fergus n’avait jamais imaginé les choses autrement. Fergus n’avait jamais imaginé qu’il aurait pu refuser ce modèle, ne pas se marier, ne pas vouloir d’enfant. Il avait un devoir envers Dieu, un devoir envers sa mère et son père qui attendaient de lui qu’il leur donne d’autres enfants à aimer. Il ne concevait pas le bonheur, et ne se concevait pas en tant qu’homme sans un mariage, sans des êtres auxquels il aurait la mission de transmettre l’éducation qu’il avait reçu.

À vingt-deux ans, quand il avait rencontré Grace, toutes ces convictions s’étaient parfaitement alignées avec ses désirs. Il avait trouvé en elle une femme prête à lier son destin au sien, à jurer devant l’autel, pour le meilleur et pour le pire. Il ne l’évoquait pas, parce que s’il était difficile à Fergus d’évoquer ses sentiments il lui était parfaitement odieux de justifier sans contexte ce que ses croyances impliquaient de plus, mais l’échec dont il ne taisait pas le nom plantait des racines profondes dans cette rupture de contrat qu’il avait fait face à l’église et par conséquent, dans une promesse qui dépassait de loin l’union civile qu’il avait contracté à l’époque. Fergus se le reprochait. Dans son âme et secrètement, il avait fait pénitence. Mais il savait que sa famille, sa mère particulièrement, gardait comme une trace indélébile de salissure ce premier mariage rompu, cette première promesse brisée.

Fergus avait dû se remettre en question en tant qu’homme, en tant que croyant et surtout, dans ce qu’il avait cru être capable d’endosser dans la perception qu’il avait de lui en tant qu’homme pratiquant. Devant Dieu il s’était fait humble et sa confiance en lui avait subi le châtiment de cet échec. Il avait reçu ce mal à l’âme comme la juste punition de cette parole qu’il avait prononcé et rétractée comme si elle n’avait rien value.

Roy n’entretenait pas avec leur religion ce même rapport intime, Fergus le savait pour l’avoir suffisamment vue œuvrer en tant que croyant. Il ne le lui reprochait pas, tous jouaient de leur conscience pour parvenir à faire vivre côte à côte les exigences de leur métier et leur vie spirituelle. Mais cela l’empêchait aussi d’exprimer pleinement pourquoi son mariage éclaté et l’instabilité précaire de Laoise étaient pour lui une frustration qui ne guérissait pas.

Fergus n’avait pas seulement donné sa parole à Grace. Il n’avait pas seulement eu l’obligation de prendre ce que le ciel lui donnait comme la pérennité de son sang. Il en avait le devoir devant Dieu.

Il tentait de faire abstraction de ses convictions catholique pour se mettre à la place de Roy qui, il le sentait, ne prenait pas en considération ces éléments au sein de ses débats intérieurs. Mais pour Fergus qui manquait d’empathie, il était difficile de concevoir réellement la fuite comme une possibilité. Comment se regarder dans la glace en tant qu’homme, comment conserver pour soi sa fierté lorsqu’on avait lâchement abandonné le résultat de ses propres actes ? Il lui semblait étrange par conséquent que son ami puisse interroger le moment, estimer que ça n’était pas le bon, que la situation était délicate. Un très bref instant, Fergus fronça les sourcils :

- Je crois que j’ai pas vraiment envie d’en avoir dans ces circonstances, là, tout de suite, avec tout ce qui nous tombe dessus
- C’est le risque avec lequel tu joues depuis des années.

Fergus avait répliqué de son ton atone, partiellement sec, incisif et sans chaleur. Il avait pris une demi-seconde pour arrondir les angles sans prononcer les termes de conception hors mariage avec lesquels il n’en doutait pas, Roy n’était absolument pas familier.

Ça n’avait rien d’un jugement aux yeux de Fergus : lui-même avait entretenu et entretenait encore des tas de relations qu’il ne liait par aucun contrat et n’attendait pas de ses partenaires qu’elle fassent différemment. Seulement, Fergus acceptait le risque insidieux qui existait chaque fois qu’il pêchait par luxure d’engendrer un enfant qui en serait le fruit. Il lui semblait faire partie de sa responsabilité de prendre en compte ce risque potentiel et de l’assumer totalement s’il venait à exister. Que Roy ai pu, tout au long de sa vie, tenter le diable en donnant libre court à ses désirs et se surprendre à ne pas apprécier la situation dans laquelle il se trouvait maintenant que la conséquence de ses actes prenait corps concrètement semblait pour Fergus une sorte de contresens d’adolescent.

- Tu vas assassiner ce gosse ou jeter la mère dans un trou d’eau avec une dalle de ciment aux pieds ? Ajouta-t-il plus doucement. Y a pas de truc de la paternité, Roy. Tu prends tes responsabilité et tu décides de devenir père. C’est pas un gêne. C’est un état d’accomplissement. » Il le considéra un instant. Autour d’eux le calme s’épaississait dans la nuit tombante. « Un défi que tu relèves pas tu le perds forcément d’avance. Pour quel genre d’homme de ce type tu as du respect ? » Fit-il sans provocation. C’était une question réelle, une question qui appelait Roy à s’imaginer dans le futur s’assumer avec ses choix passés.

Tandis que Roy énumérait ses dernières préoccupations, Fergus s’était resservit un verre qu’il dégustait avec une régularité machinale, plus concentré sur les questions que soulevaient les cheminements implicites de son ami que sur la saveur onctueuse du vin. Plus Roy exprimait ses insécurités, plus Fergus se rendait compte que si sa première réaction spontanée face à Laoise avait été la peur, une fois cette conscience prise, plus rien ne l’avait retenu d’embrasser ce rôle qui lui semblait aller de soi. Il réfléchit quelques longues secondes une fois que Roy se fut tue.

- Ta famille s’appelle toujours Calder, fit-il remarquer avec une lenteur rhétorique. Tu peux bien tenter de te faire croire que t’éloigner d’eux les préserve on sait parfaitement tous les deux que si quoi que ce soit arrivait à n'importe lequel de tes frères et soeurs, tu réagirais en conséquence. » Fergus ne fit pas à Roy l’affront d’évoquer une situation très particulière avec laquelle il n’était toujours pas d’accord sur la finalité. « Ton môme tu le protèges. C’est tout. » Conclue-t-il. Il lui sembla suffisamment clair que la mauvaise foi de Roy vis-à-vis de sa famille qu’il faisait semblant de protéger, alors que tout les exposaient malgré tous les murs que Roy tentait de construire, était un exemple suffisant pour lui prouver qu’il était atteignable de toutes manières. Leurs ennemis aussi avaient des familles à charges. « Le sang, Roy, c’est la relève. On est fort à plusieurs, tu le sais très bien. » Ajouta-t-il finalement en regardant son verre à nouveau vide.


   
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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeJeu 4 Fév 2021 - 20:11
Fergus pouvait prendre ce ton incisif qui paraissait plein de jugement ou de raillerie quand on ne le connaissait pas. Roy ne s’en formalisait pas en temps normal, mais dans les moments comme celui-ci où les sujets débattus réveillaient ses vulnérabilités, il se retrouvait forcément plus sensible à ce type d’approche. En l’occurrence, Roy n’était pas tranquille avec sa propre conscience, entendre Fergus appuyer exactement là où elle se sentait mal à l’aise ne lui faisait pas du bien. C’était difficile de ne pas se sentir irresponsable face à un discours aussi péremptoire et Roy avait trop d’orgueil pour ne pas s’en sentir piqué.

Pourtant, il garda le silence, sans répondre aux questions de toute évidence rhétoriques qu’il lançait. Evidemment que non, il n’allait pas porter atteinte au corps et à l’intégrité de Joséphine, simplement pour s’épargner de prendre ses responsabilités sur l’enfant qu’ils avaient engendré. Evidemment qu’il se rendait bien compte que derrière ses envies de fuite se cachait une lâcheté qu’il assumait difficilement. Qu’il n’assumait pas, d’ailleurs, à l’heure actuelle, sinon il aurait déjà donné sa réponse à Joséphine, car rien ne lui semblait en faveur de l’accueil d’un enfant, dans cette histoire. D’ailleurs, s’il avait été la personne qui portait ce bébé, les chances pour qu’il décide de le garder auraient été moindres.

Mais il ne l’était pas. Il devait avancer avec. Dans la bouche de Fergus, la résolution de son problème était simple. « Tu prends tes responsabilités et tu décides de devenir père » et c’était tout. Roy n’avait pas exactement envisagé la paternité comme un gène, mais il n’y avait pas non plus pensé comme « un état d’accomplissement ». Fergus semblait affirmer qu’il suffisait de le décider pour être père, ce qui, dans l’esprit de Roy, semblait tout à fait nébuleux. De fait, il était père -ou en tout cas géniteur- d’un enfant qui allait naître, mais cet accomplissement que Fergus évoquait et que Roy imaginait comme la réussite d’un objectif fixé, ne pouvait faire l’économie d’un long processus de cheminement.

Cette pensée lui permit de préciser l’un de ses blocages. Il ne voulait pas être un père, il voulait réussir dans cette entreprise. Et s’il pouvait décider d’être, il ne pouvait pas décider de réussir. Il pouvait seulement essayer et c’était tout ce qu’il y avait d’effrayant pour lui. Essayer et échouer.

Ce fut quand il en prit conscience que Fergus titilla un autre point sensible chez lui, exposant les limites de ce qu’il faisait pour protéger ses proches. Avec un peu de bonne foi, Roy aurait pu admettre qu’il avait raison. Au fond, il le savait. Les faits le lui montraient, d’ailleurs : Irina avait déjà été la victime d’un règlement de compte, quelques années plus tôt, ce qu’il ne se pardonnait toujours pas. Exposer ses frères et soeurs à ce type de danger était déjà quelque chose qu’il ne gérait pas très bien, avec un mélange de lâcheté et d’inquiétude permanente. Accepter d’y confronter un bébé lui posait un cas de conscience bien plus grand.

Il ne fit pas part de toutes ses pensées en répondant simplement, avec plus de distance, cette fois :

« Je sais. »

"Mais j’ai pas très envie que mes futurs enfants prennent la relève de ce que je fais. Si je les protégeais vraiment, j’arrêterais ces conneries." Il se retint d’en parler, conscient que cela risquait de passer pour un jugement face à Fergus qui lui, n’avait pas fait ce choix pour Laoise. A la place, il hocha nonchalamment les épaules, en détournant le regard et en adoptant un ton plus cynique. 

« Bah, j’imagine que le fait que ce futur gosse doive grandir aux Etats-Unis, au beau milieu d’un coven de sorcières vaudou, ça devait lui éviter quelques problèmes… »

C’était le seul point positif qu’il y voyait, quand il y réfléchissait. La grande distance entre Joséphine et lui le questionnait et en même temps, cela rendait les choses plus simples, quelque part. Il ferait partie de la vie de ce bébé de loin, au moins les premières années. C’était à la fois frustrant et rassurant, comme perspective. Fronçant les sourcils face à ce mélange complexe d’émotions que cette pensée lui évoquait, il se rappela que Fergus aussi avait du gérer un éloignement similaire, à cause de son divorce à l’époque. Il reporta son regard sur lui, l’interpelant sur ce dont ils parlaient plus tôt :

« A t’entendre parler d’être père, ça paraît simple, n’empêche… Tu regrettes rien, pour Laoise ? »


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Une fille de printemps - Partie 3 [Fergus & Roy] Icon_minitimeVen 5 Fév 2021 - 21:04
Il en allait de ces conceptions que Roy et Fergus ne partageaient pas, comme beaucoup d’autres, et qui créaient entre eux des formes d’interprétations tronquées par le peu de savoir-faire que Fergus prêtait à l’art de la conversation. Il était prompt à oublier – à moins qu’il n’ait jamais imaginé que ce puisse être le cas – que ses intentions ne parvenaient pas toujours explicitement à ses interlocuteurs ; que sur la route pouvaient survenir des désagréments qui déformeraient ses intentions. Une expérience différente. Des croyances diverses. Une sensibilité plus aguerrie bref, le prisme d’une autre subjectivité. Si le ton de Fergus était si péremptoire c’est parce qu’il en allait de la raison très honnête qu’une partie de lui était toujours persuadée d’exprimer des faits. Les sentiments devenaient des faits, les émotions devenaient des faits, les actions, les mots, les gestes, adoptaient la rigidité d’une interprétation unique – la sienne – dont il ne doutait pas de l’objectivité. C’était un trait de caractère honnête. Parfois cela avait à voir avec la mauvaise foi ; Pas face à Roy. Dans cette conversation, Fergus faisait l’effort suprême de s’ouvrir, de lui transmettre des valeurs qu’ils ne partageaient pas nécessairement mais qui pour sa part l’avaient guidé sur le chemin étroit qu’avait été sa vie à la naissance de Laoise.

Ainsi ne se doutait-il pas de la façon dont Roy recevait ses remarques. Il était pour lui évident que l’accomplissement dont il faisait mention avec tant de virulence n’avait rien d’une cause acquise. Son cheminement était simple : pour devenir père, il fallait en embrasser le rôle. Mais cela ne garantissait pas l’accomplissement qui lui résultait de la réussite. Ne pas s’y engager, ne pas tout mettre en œuvre pour réussir, c’était ça l’inconcevable pour Fergus. L’interprétation de Roy lui échappait complétement : il lui semblait avoir évoqué la difficulté d’éviter la punition d’une série d’échecs répétés. Fergus y avait laissé des larmes.

Similairement, il ne perçu pas la distance nouvelle que Roy appliqua dans sa réponse et n’en compris aucune des implications. Son ami se figurait qu’il n’y avait aucun cloisonnement dans sa vie et en cela n’avait pas tort. Mais il n’incitait aucune de ses sœurs ou de ses nièces, encore moins sa fille, à intégrer ce milieu qu’ils avaient agrandit eux-mêmes et qui portait aujourd’hui leurs valeurs.

Et Fergus aurait tué bien entendu pour protéger sa progéniture. Il n’imaginait pas que Roy puisse penser que ce n’était pas pour lui un sujet d’inquiétude permanent.

Mais affirmer qu’il aurait refusé sa paternité par nécessité de protéger son enfant lui aurait semblé être au mieux une hypocrisie, au pire un lâche prétexte.

Quant à savoir s’il aurait avorté à la place de Grace ou de Joséphine, la question ne se présentait même pas à son esprit : il était né homme et par conséquent ne possédait pas ce pouvoir. Fergus n’était pas du genre à s’embarrasser avec des scénarios hypothétiques.

- Bah, j’imagine que le fait que ce futur gosse doive grandir aux Etats-Unis, au beau milieu d’un coven de sorcières vaudou, ça devait lui éviter quelques problèmes… » Nota Roy et Fergus souffla du nez pour toute réponse. Il n’avait aucun doute sur la capacité de femmes comme Isobel Lavespère à déchiqueter quiconque s’en prenait à leurs adeptes. Il n’oubliait pas la chute malencontreuse de Grigs. « A t’entendre, » reprit Roy, « parler d’être père, ça paraît simple, n’empêche… Tu regrettes rien, pour Laoise ? » Cette fois Fergus le gratifia de l’un de ses haussements de sourcils caractéristiques.
- Je ne pense pas du tout que ce soit simple. » Il était vaguement étonné parce qu’il lui semblait avoir déjà transmis cette information. « C’est beaucoup plus compliqué que de compter des billets ou tuer un type… C’est sûrement un des trucs les plus difficiles que j’ai eu à faire dans ma vie jusqu’à présent, énonça-t-il, « j’aime Laoise, Roy. Inconditionnellement et comme je n’aime personne. C’est elle qui m’apprend à être ce que je dois être. Elle donne un sens à tout. Il n’y a rien à regretter. »

Conclue-t-il sans réaliser que ces mots, qu’il n’avait aucune gêne à dire à Roy tant ils étaient évidents pour lui, il ne les avait jamais prononcés ainsi devant Laoise.

Fin du rp


   
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