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Shake it off [Eiluned]

Métamorphomage
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeDim 20 Sep 2020 - 20:31
Shake it off [Eiluned] Moreen11
Moreen Avner, 19 ans, en pleine crise existencielle

6 Avril 2011

Moreen pénètre dans salle avec l’anxiété qui l’accompagne chaque samedi, lorsqu’elle se présente à son cours de danse.

Personne chez les Avner n’a bien compris à sa décision. Passe encore la danse moderne. Passerait même la salsa, le jazz, le tango. Passerait n’importe quelle danse même si Donagh a fait remarquer à juste titre que la délicatesse de Moreen ne sied pas à bon nombre de poésies induites par celle-ci en général. Soit. Passe encore.

Mais du classique ??

Même Fergus, qui avait pourtant l’habitude de rester discret sur ses positions, avait haussé les sourcils dans un sursaut de surprise lorsqu’un après-midi, alors qu’il était de passage et assit avec ses sœurs et sa mère dans la cuisine, Damnhait lui avait annoncé avec son tact coutumier « Au fait Moreen t’a dit elle veut faire du ballet ! Du ballet, ma fille, on aura tout vu. » Moreen n’avait pu faire semblant de ne pas voir sa réaction. Largement stoïque, le visage de Fergus devenait terriblement expressif lorsqu’il s’animait et ce n’était de toutes façons pas dans sa nature de ne pas se confronter à une réaction insultante.
- Pourquoi ça te choque comme ça ? Avait-elle attaqué en croisant les bras dans une attitude de défi outré. Fergus avait levé les mains en signe de paix.
- Ça ne me choque pas du tout.
- C’est bon Fergus. Tes sourcils ont littéralement inversé leur courbe et vu leur direction naturelle tu sais très bien que ça fait un sacré changement. C’est quoi le problème entre moi et la danse classique ?
- La danse classique et moi.
- Réponds à ma question ! Moreen avait vu que Fergus se retenait de sourire et avait trouvé ça horripilant. Dans un coin de la cuisine, Elva avait cessé de remuer un tas de légumes disproportionné qu’elle s'évertuait à faire revenir pour le repas du soir.
- C’est simplement un peu surprenant, avait-elle tenté d’une voix douce, on s’attendait tous à ce que tu choisisses plutôt du hip hop ou… Enfin, quelque chose de plus…
- De plus ?
- Hé bien, tu sais ?
- Non. Moreen était exaspérée par ce mot qu’on ne disait pas mais qui planait perpétuellement lorsqu'elle abordait le sujet, et surtout exaspérée par l’attitude modératrice d’Elva qui n'avait fait qu’ajouter à son fiel. Plus masculin, avait-elle proposé avec un haussement d’épaule fataliste. C’est ce que vous vouliez dire ? A moins que vous ne cherchiez le mot brutal ? Agressif ?
- Un peu moins élégant. Avait convenu Fergus, et cette fois le rire dans sa voix avait été d’une clarté limpide.
- Super, avait répliqué Moreen en fixant son frère. Pour commencer, je suis désespérée par vos perceptions si binaires, c’est d’un vieux jeu, ça ne vous rend pas service. Ensuite, je suis parfaitement capable d’être féminine et gracieuse, si c’est comme ça que vous voulez considérer les choses. Vous ferez moins les malins quand vous serez conviés à mon spectacle de fin d’année et obligés d’y assister par devoir d’accepter que vous aviez tort. D’un geste rageur qui n’avait rien ni de gracieux ni de délicat, elle s’était emparé de son sac de sport et leur avait tourné le dos pour quitter la cuisine. Elle avait entendu Fergus demander :
- Je passe à quelle heure ?
- Dix-huit heures, avait-elle crié depuis la porte et de mauvaise grâce, qu’elle avait claqué en quittant la maison.

Dans la cuisine, tout le monde s'était dévisagé en silence et avait haussé les épaules.

C’est vrai qu’à présent, maintenant qu’elle est là, qu’elle enfile son leggin, son débardeur moulant, ses chaussons de danse, Moreen se sent un peu ridicule. Elle a la désagréable impression que son corps s’adapte mal aux vêtements élastiques, que tout le monde regarde d’un air moqueur ses formes de jeune fille et les juges disgracieuses. En position, elle attend les mains jointes dans le dos que la musique démarre, mal à l’aise. Et lorsqu’il faut se mettre à danser, comme tous les samedis, c’est une torture.

Pourtant elle fait de son mieux.

À la lettre elle respecte les mouvements. À la lettre elle tente de s’imprégner de l’élégance naturelle des dizaines d’autres jeunes filles qui évoluent autours d’elle. Moreen se sent lourde. Le miroir lui renvoie un reflet pataud et maladroit, très laid, juge-t-elle en levant la jambe. Si Toni la voyait… Si n’importe qui la voyait actuellement, elle mourrait de honte sur place. Elle revoit le sourire retenu de Fergus et son cœur s’alourdit en même temps que ses pas sont de moins en moins convaincus. Elle n’y arrivera peut-être jamais, se dit-elle. Elle se trouve stupide d’être là à essayer de prouver quelque chose – quoi, au juste ? –

Quand le cours prend fin, Moreen a envie de pleurer.
Eiluned Wellington
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeSam 26 Sep 2020 - 9:38
La danse avait toujours été, pour Eiluned, une terrible évidence. Son amour pour cette discipline remonte si loin qu’elle avait dû mal à se souvenir des premiers chaussons qu’elle avait enfilé, ou du premier chignon qu’elle était si fière de porter. Eiluned avait appris à danser en même temps qu’elle avait appris à vivre et, depuis sa plus tendre enfance, cet art faisait partie intégrante de sa vie. Plus jeune, elle était douée, excellente même, à un niveau qui lui avait ouvert les portes d’un conservatoire londonien. Elle pouvait passer des heures à répéter le même mouvement, le même enchaînement, avec un sérieux qui empêchait quiconque de détourner ses yeux de son but. Et malgré les pieds meurtris, malgré les membres douloureux, malgré les chevilles sensibles, Eiluned s’accrochait à son rêve avec une ferveur passionnée. Plus tard, elle fera de la danse son métier.

Une simple et unique chute avait détruit cet idéal de vie auquel elle aspirait depuis des années. Le genou blessé, Eiluned avait été de faire une croix sur ses aspirations. Ce jour-là, à l’hôpital, le médecin avait été formel : son genou ne supporterait pas une pratique professionnelle. Dire que la pilule avait été dure à avaler aurait été un euphémisme et Eiluned, sujette aux variations d’humeur, avait sombré dans une période assez sombre, qui avait été à l’origine de son trouble alimentaire, contre lequel elle se battait encore aujourd’hui.

Avec le temps, Eiluned avait réussi à faire la paix avec ce rêve avorté. Elle avait trouvé une autre voie – qui était sans grande surprise très exigeante également – et avait fait de la danse un loisir qu’elle pratiquait assidûment, toujours avec la même passion. Elle se rendait ainsi à l’école de danse Margot Fonteyn plusieurs fois par semaine où elle achevait de se perfectionner sous le regard de professeurs qui avaient tous été des danseurs professionnels. Et, si les disciplines proposées étaient nombreuses, Eiluned, elle, ne pratiquait que le classique, depuis plus de vingt ans. Quand ses amies, attirées par des danses plus modernes, avaient quitté leurs pointes, Eiluned s’était entêtée avec cette discipline exigeante, qui correspondait parfaitement avec ce besoin qu’elle avait d’avoir le contrôle sur sa vie. Depuis quelques années, elle prenait également des cours de danse contemporaine, mais sa préférence restait à son premier amour.

A l’école Margot Fonteyn, à l’âge de dix-sept ans, Eiluned avait rencontré Léna, une jeune femme à la longue chevelure sombre avec qui elle avait immédiatement sympathisé. A vingt-et-un ans, Léna avait décidé d’ouvrir une association de danse à Londres – le studio Fasollasidanse – un projet ambitieux qu’elle avait monté seule de A à Z. Elle avait recruté des professeurs, trouvé des locaux, et, s’il avait été difficile pour elle de se faire connaître les premières années, le studio fonctionnait désormais bien. Eiluned, qui était toujours proche de Léna – cette dernière serait d’ailleurs l’une de ses demoiselles d’honneur à son mariage – se rendait avec plaisir dans les locaux associatifs pour aider son amie. Quelques jours plus tôt, Léna l’avait appelé en catastrophe ; Bonnie, qui enseignait la danse classique aux quatorze ans et plus, avait dû quitter l’Angleterre précipitamment pour rendre visite à sa mère malade qui résidait aux Etats-Unis et serait absente pendant au moins deux semaines, si ce n’était plus. Elle avait réussi à s’organiser avec son équipe pour se répartir au mieux les cours normalement pris en charge par Bonnie, mais impossible de trouver une quelconque solution pour celui du samedi à dix-sept heures ; tous étaient déjà pris sur cet horaire-là. Eiluned avait accepté de dépanner son amie, non sans une certaine appréhension ; elle était plus coutumière d’encadrer les jeunes enfants, plutôt que les adolescents.

Ce samedi était son premier cours. Eiluned était entrée dans la salle de danse, vêtue d’un justaucorps noir et d’un short de la même couleur. Elle s’était présentée et, comme elle n’avait aucune idée du niveau des jeunes filles – et du jeune homme – présents, elle avait commencé son cours par un échauffement simple, puis par des mouvements techniques qu’elle avait ensuite mis en pratique dans une petite chorégraphie. Son appréhension avait disparu avec la musique et Eiluned avait observé ses élèves du jour, ses sourcils froncés par la concentration. Le niveau était globalement homogène ; la plupart des élèves avaient visiblement commencé la danse en septembre, et avaient eu le temps d’assimiler quelques gestes techniques depuis. Certains se démarquaient un peu plus, comme s’ils gardaient de vieux souvenirs d’une discipline qu’ils avaient déjà peut-être pratiqué étant enfants. Le regard d’Eiluned se posa sur une jeune femme dont les mouvements hésitants trahissaient, quant à eux, un certain malaise. Les traits de son visage semblaient tirés par un mélange d’appréhension et de désespoir, comme si ce cours de danse était le dernier endroit où elle aurait souhaité se trouver. Eiluned l’observa quelques secondes, puis fut interpellée par une jeune fille à sa gauche.

Le cours touchait à sa fin et, après un regard vers l’horloge, Eiluned entama une série d’étirements qu’elle termina au sol. Finalement, la musique prit fin.

« C’est terminé pour aujourd’hui, merci à tous ! » annonça-t-elle en essayant de paraître assurée devant cette petite assemblée.

Par tradition, tous les élèves se mirent à applaudir, accompagnés par Eiluned. Puis ils commencèrent à ramasser leurs affaires abandonnées sur plusieurs bancs.

« Madame ! Vous nous ferez cours la semaine prochaine aussi ? »

« Oui, normalement. » répondit la jeune femme à une adolescente de dix-sept ans aux longs cheveux roux.

« Ok bah à la semaine prochaine alors ! »

Eiluned lui renvoya un sourire.

La salle commença à se vider peu à peu. Quelques élèves s’attardaient pour discuter, mais se dirigeaient doucement mais sûrement vers les vestiaires pour se changer. Le regard d’Eiluned accrocha la silhouette de la jeune femme qu’elle avait observé un peu plus tôt dans le cours ; elle semblait au bord des larmes. Une légère hésitation s’empara d’elle, mais elle finit par se diriger vers elle. Eiluned n’avait jamais été particulièrement à l’aise dans son rapport aux autres ; elle n’était pas celle qui prenait volontairement la tête d’un groupe mais préférait au contraire se mettre en retrait. Ce statut de professeur qu’on lui avait donné pendant une heure avait été difficile à adopter pour elle, mais elle s’en était acquittée par amitié pour Léna et par passion.

« Moreen, c’est ça ? » débuta Eiluned. Elle avait demandé à tous les élèves de se présenter au début du cours, et elle était dotée d’une excellente mémoire. « Qu’est-ce que tu as pensé du cours ? » demanda-t-elle avec une hésitation dans la voix, qu’elle justifia immédiatement : « C’est la première fois que je n’encadre pas des enfants, alors je suis curieuse d’avoir un retour. » Un léger silence passa. « C’est ta première année ? »





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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeDim 11 Oct 2020 - 13:12
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Moreen Avner, 19 ans, en pleine crise existencielle Avatar by malfoymeds


Moreen se sentait laide, Moreen se sentait gauche, Moreen se sentait maladroite, lourde, apathique. En se changeant il lui semblait voir dans le miroir le reflet d’une fille sans attrait qui venait passer sa soirée à se rendre ridicule, tristement ridicule, avec la plus grande volonté. Elle avait honte de sa performance, honte de son corps, honte d’elle-même. Elle ne comprenait pas où disparaissait la confiance si puissante qui l’étreignait lorsqu’elle dansait le hip-hop, la sensualité évidente dont elle s’emparait au sein du modern, elle ne comprenait pas pourquoi le classique lui résistait autant, faisait d’elle une poupée désarticulée, stupide et gauche incapable d’aligner deux pas, sans souplesse et sans rigueur dont les lignes s’anéantissaient aussitôt qu’elle tentait vainement de mettre en rapport l’arc majestueux de ses bras et l’encadrement de son port de tête.

Une vache tâchant de se faire passer pour un cygne.

C’est sans doute ce que Donagh lui aurait dit, et il avait raison. Ses tentatives étaient risibles. Elle ne voyait d’ailleurs pas bien qui elle essayait de convaincre ou d’impressionner. Elle avait tenu tête à sa famille par principe et parce que chaque journée passée loin du cours de danse classique lui faisait oublier à quel point elle s’y illustrait dans l’échec. Elle avait toujours le temps de retrouver la volonté de vaincre, de faire mieux, de réussir. Et à la fin de chaque séance, toujours la même chose. Pendant une période, elle avait pensé à blâmer le professeur -qui pourtant n’avait rien de blâmable- et elle s’était abstenue par rigueur et honnêteté. Aujourd’hui le professeur avait changé mais ses résultats, eux, étaient toujours strictement, scrupuleusement les mêmes.

Rien à garder. Tout à jeter.

Moreen enfilait ses chaussettes et ses baskets, l’œil morne. Elle avait bien vu se poser sur elle le regard de la jeune remplaçante. Elle avait eu le temps d’apercevoir ce que disait cet œil scrutateur, combien il notait ses défauts et jugeait la piètre qualité de son élégance – de son absence d’élégance. – Elle aurait voulu assurer à cette femme qu’elle savait, elle aussi, qu’elle avait une conscience terriblement aigüe de son corps et du ridicule de ce qu’elle créait avec ses pas de grenouilles et ses palpitations de poulet. Simplement lui assurer qu’elle ne voulait pas en faire son métier et qu’elle avait conscience de la catastrophe ambulante dont elle avait l’air parmi toutes ces jeunes colombes gracieuses. Sa dignité avait été mise à mal par ce regard autant que par les coups d’œil dérangés de ses voisins directs. Elle ravalait sa fierté en baissant la tête et en prenant le temps de faire ses lacets avec un intérêt qui lui permettrait peut-être de sortir la dernière et d’éviter les conversations d’après-cours ou la fausse pitié de ceux qui tentaient de lui remonter le moral, ce qui était pire, parce qu’elle n’avait rien demandé. Elle entendit au loin l’échange d’une des élèves et se crispa aux notes enjouées de sa voix. Comme si quelqu’un pouvait avoir passé un bon moment. Comme si quelqu’un pouvait avoir hâte de recommencer ce massacre. Son cœur se serrait dans sa poitrine, si fort qu’elle se sentit vaguement suffoquer. Moreen se détesta à cet instant, elle et ses émotions excessives, parce qu’elle avait conscience aussi de se sentir totalement abattue peut-être à un endroit où quelqu’un aurait réagi avec un peu plus de sang-froid.

Enfin vêtue, elle se mis debout en passant une main absente sur les pin’s qui ornaient le col de sa veste en jean – logos de ses équipes préférées de quidditch, une rune qu’elle s’attribuait, un signe astrologique – et fourra les mains dans ses poches en réajustant la bandoulière de son sac. Elle tournait le dos à la salle lorsque la jeune professeure l’interpela. Moreen ferma les yeux un bref instant, se sentant incapable d’avoir une conversation, et se retourna de mauvaise grâce, les lèvres scellées et le visage fermé. Pourquoi lui demandait-elle son avis à elle, spécifiquement ? Pourquoi pas à la petite poule rousse infernale qui était venue lui lécher les bottes cinq minutes plus tôt ? Incapable de considérer objectivement ce rapprochement induit par Eiluned, Moreen l’interpréta automatiquement comme une tentative indirecte d’aborder un sujet tel que : vraiment, le classique, ça n’est pas pour toi. La dernière question de la jeune femme la piqua d’autant plus vivement qu’elle l’aguilla sur cette supposition, par conséquent, d’une traite, Moreen se braqua.

- Non, ça fait dix ans, rétorqua-t-elle d’un ton acide, avec un mauvais sourire. A votre avis ? Est-ce que j’aurais l’air aussi débile si j’avais commencé plus tôt ? » Peut-être que oui. « J’ai rien n’à dire sur votre cour, à part que c’était horrible. Mais c’est pas tellement vous, c’est juste tout le temps comme ça. Maintenant si ça vous dérange pas j’ai rendez-vous. » Elle réajusta son sac, au bord des larmes, et fit demi tour pour marcher vivement jusqu’à la porte. Pourquoi était-elle odieuse ? Eiluned ne lui avait rien fait, son cours était adapté à son niveau, elle s’était montrée pédagogue, décomposait bien les pas. Aussi vite que le besoins qu’elle avait eu d’être agressive pour se défendre, Moreen fut envahi d’un mal-être que lui renvoyait l’affligeante méchanceté qu’elle venait d’avoir à l’encontre de quelqu’un d’innocent. Elle s’immobilisa au niveau de la porte, resta ainsi quelques instants, incapable de parler mais désirant ardemment réparer ce qu’elle venait de créer. Après quelques longues secondes où elle tenta de calmer sa colère, de trouver en elle le courage de reconnaître que son comportement était absurde, elle se retourna pour faire face à Eiluned. Moreen était pâle, la lèvre tremblante et les yeux pleins de larmes. « Non mais je suis désolée, dit-elle avec un balbutiement incertain. Je voulais pas être odieuse c’est pas de votre faute. Votre cours est très bien, vous êtes gentille et tout, vous mettez bien en confiance les autres ça se voit. Mais je sais pas moi j’y arrive pas du tout, quoi que je fasse j’y arrive pas du tout. » Elle sentit deux grosses larmes rouler sur ses joues qu’elle essuya prestement. « Mais c’est vraiment pas de votre faute, votre cours, il est bien, vraiment, vous y êtes pour rien. »

Eiluned Wellington
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeJeu 15 Oct 2020 - 10:56
Eiluned, parce qu’elle était timide, était souvent maladroite dans ses approches aux autres. A vrai dire, il était rare qu’elle aille – seule – à la rencontre d’autres individus. Elle avait toujours été entourée de personnalités très fortes – Gawain, Llewella, Leonard, Octavia – ce qui avait toujours facilité son introduction dans des milieux qu’elle aurait eu beaucoup plus de mal à intégrer seule. Elle ne faisait pas partie de ces filles très sûres d’elles, capables d’aborder un inconnu dans la rue avec une aisance incroyable ou de trouver les mots justes pour réconforter quelqu’un qu’elle ne connaissait pas du tout. A vrai dire, Eiluned avait toujours des difficultés à gérer la souffrance d’autrui – parfois parce qu’elle la ressentait trop personnellement, parfois parce qu’elle ne se sentait pas légitime à le faire, et parfois parce qu’elle ne savait pas comment l’atténuer.

Ce n’était pas pour rien qu’Eiluned avait choisi les urgences comme spécialité médicale, car les contacts avec les patients étaient plus brefs et les soins se concentraient davantage sur la technique que sur le relationnel. Evidemment, à force de stages dans différents services – récemment la néonatalogie, un peu plus tôt l’oncologie pédiatrique – Eiluned s’était souvent confrontée à la souffrance voire à la mort de patients qu’elle suivait depuis plusieurs mois. Et, si elle s’était en effet améliorée dans sa manière de communiquer, la douleur qu’elle avait ressenti au moment de ces pertes l’avait conforté dans son orientation médicale.

Aujourd’hui, Eiluned était allée à la rencontre de Moreen, poussée par ce qu’elle pensait être son devoir de professeur – statut qu’elle prenait très à cœur pour le temps qu’il durerait. Elle se souvenait de longues conversations qu’elle avait eu avec ses professeurs de danse, du temps où elle était encore adolescente, et avait cette envie de, peut-être, réussir à transmettre ce qu’elle avait appris au fil des années à pratiquer ce sport de façon parfois intensive. La jeune femme était armée de bonnes intentions, qui se heurtèrent à son élève avec une violence qui la surprit, et la laissa muette.

L’éclat de colère de Moreen, assorti à un sourire mauvais qui était accroché à ses lèvres, figea Eiluned sur place. Ses yeux s’écarquillèrent légèrement.

« Non, je… » voulut-elle répondre, mais la jeune femme ne lui en laissa par le temps, et enchaîna immédiatement en qualifiant son cours « d’horrible » - ce qui était, de surcroît, légèrement vexant – avant de prendre congé d’elle et de partir d’un grand pas rageur en direction de la sortie du studio.

Eiluned n’avait pas esquissé le moindre geste, surprise par la violence des propos de Moreen, et incapable de trouver quelque chose à lui répondre sur le moment – probablement y penserait-elle le soir venu, comme souvent. Cependant, alors qu’elle voyait déjà son élève quitter la salle de danse sans un autre mot pour elle, cette dernière s’arrêta brusquement et fit volte-face.

Si c’était sa colère qui avait d’abord choqué Eiluned, ce fut sa détresse qui la troubla particulièrement. Elle semblait au bord des larmes, avait un regard à la fois morne, et emplit d’une colère qui n’était pas tant dirigé contre Eiluned, comprit cette dernière en l’écoutant, mais contre elle-même. « J’y arrive pas du tout » répéta-t-elle une seconde fois, et deux grosses larmes roulèrent sur ses joues à cet instant. Brusquement, Eiluned se sentit coupable d’avoir provoqué une telle réaction chez la jeune femme, et sentit un malaise l’envahir, parce qu’elle ne savait pas du tout quelle posture adopter vis-à-vis d’elle. Elles ne se connaissaient pas du tout, et probablement que Moreen n’avait pas spécialement envie de s’ouvrir à elle – peut-être le faisait-elle brièvement maintenant parce qu’elle se sentait obligée de justifier son coup d’éclat. En même temps… Difficile de ne pas rebondir sur ses propos, surtout que c’était elle qui était venue la chercher (elle ne pensait seulement pas trouver une source aussi sérieuse de mal-être, qu’elle ne faisait encore qu’à peine effleurer du doigt.)

« Non, ne t’en fait pas, ce n’est rien. » fit Eiluned car, si elle avait été en effet déstabilisée par les propos de Moreen et si elle ne pouvait pas s’empêcher de remettre en cause sa pédagogie et son aptitude à enseigner, il s’agissait de sujets sur lesquels elle préférait réfléchir plus tard, et seule. Elle garda le silence quelques secondes en hésitant sur l’approche qu’elle voulait mener. « Je conçois totalement que le classique soit une discipline très frustrante, parfois on a l’impression de stagner pendant des mois sans avoir l’impression de réussir quoique ce soit. »

Eiluned s’approcha de Moreen, veillant toutefois à garder un certain écart entre elles deux pour ne pas imposer sa présence.

« Je peux te poser une question ? » demanda-t-elle. Elle ajouta, en haussant les épaules : « Tu n’es pas obligée de me répondre si tu ne veux pas, ou si tu dois partir. Mais ça fait quelques mois que tu es inscrite ici et… Tu aimes ça ? Danser, je veux dire ? »



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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeSam 21 Nov 2020 - 20:47
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Moreen Avner, 19 ans, en pleine crise existencielle Avatar by malfoymeds


C’était insupportable, ces larmes qui sortaient à tout bout de champs sans qu’elle ne puisse les retenir. Chez elle, quand Donagh la rendait folle de fureur, il lui arrivait de pleurer de rage en hurlant dans son oreiller. À Poudlard, quand elle était rejetée par ses paires, que sa fierté était blessée par des moqueries surprises, elle parvenait à dissimuler son mal ou à le transformer en colère pour ne pas paraître fragile. Elle conservait cette aura de combattante, la vaillance de l’opposition, même triste à en pleurer à gros sanglots Moreen ne baissait jamais les armes. Elle possédait une sensibilité exacerbée mais aussi une hargne terrible, un entêtement absolu qui avaient déjà étaient partiellement entamés par Poudlard. Son décrochage scolaire devait être compensé par la passion qu’elle mettait à pratiquer la danse ou le quidditch. C’était les endroits où elle se sentait bien, libre, où elle cessait de craindre de faire un pas de travers et d’être moquée parce qu’elle n’apparaissait plus comme un sujet de moquerie marginal mais comme une fille sûre d’elle qui travaillait une facilité de naissance. C’était ce qui lui restait de confiance en elle et cette discipline de la danse, le classique, lui faisait ressentir brutalement exactement ce qu’elle ressentait en cours d’arithmancie, lorsqu’elle fixait bêtement les consignes et terminait ses devoirs en hors sujet.

C’était rageant, désarment, incompréhensible.

Terrifiant, aussi.

Terrifiant de se sentir aussi mauvaise dans ce qui lui plaisait passionnément que dans tout le reste.

Moreen s’interdisait de penser qu’elle avait toujours considéré la danse classique comme l’apanage des femmes élégantes, comme une pratique de la danse capable de former des machines à silhouette graciles, splendides, douces. Un peu ce qu’Elva pouvait être, avec ses gestes tout en courbe, ses mouvements de mains tendres, son port de tête toujours droit. Elle voulait ressentir en elle cette grâce qui lui semblait si mature, si adulte, si respectable.

En ravalent ses larmes, elle hocha la tête, mortifié par ce qu’elle avait dit, consciente qu’Eiluned était gentille avec elle en affirmant que ce n’était rien alors qu’elle avait été avec elle suffisamment acide pour la déstabiliser. Elle avait lu la surprise et la contrition dans son regard, sa pâleur ne lui avait pas échappé, et elle s’en voulait de lui avoir fait du mal sans raison. Ce n’était pas juste de s’en prendre à elle, elle n’était pas responsable de la colère qu’elle dirigeait contre elle. Et Moreen ne considérait pas cette attitude comme rien. Cela faisait partie des réactions qu’elle était incapable de contrôler mais qui la faisait se sentir comme une petite fille. Comme lorsque Toni la blessait malencontreusement et riait de son silence implacable, moitié désolé moitié incapable de comprendre ce qu’elle ne parvenait pas à lui exprimer, parce que l’intensité de ces blessures étaient inexplicables.

Moreen rit au travers de ses larmes, passant à nouveau une main sur le sel mouillé qui coulait malgré ses tentatives pour les endiguer. Elle renifla :

- Des mois, des années, franchement j’ai l’impression de faire exactement la même chose qu’au premier jour c’est ridicule. Ça me bloque, juste, je comprends pas comment ça marche. Je comprends pas comment mon corps est censé prendre ces mouvements. Pourtant vous avez vue je sais retenir la chorée, mais pour le reste c’est infernal. » Son ton s’était adoucit, maintenant qu’elle s’était convaincue qu’Eiluned n’était pas son ennemie et qu’elle trouvait dans son regard, dans sa pose, dans la mesure qu’elle avait prise à garder une légère distance, une attention attentive qui la mettait en confiance.

Même sa voix était douce, d’ailleurs. Moreen releva la tête, l’air interrogateur. Elle avait été instantanément calmée par sa propre culpabilité mais aussi instinctivement par ce qu’Eiluned dégageait de calme, de timidité et de douceur. Elle se mordit l’intérieur de la joue sans analyser la raison pour laquelle toute sa colère avait fondue d’un coup.

- Oui, répondit-elle avec une certitude passionnée. Vraiment. Ça fait partie des seules choses où je ne me sens pas complétement nulle, pour tout dire. » Elle eut à nouveau un rire censé alléger ce qu’elle venait de dire. « Sauf la danse classique visiblement. C’est tellement… Contrôlé. Chaque millimètre, j’y arrive pas. Je sais pas faire les trucs rigoureux, » conclua-t-elle sans réaliser son propre contre-sens. Moreen était incapable de danser en contrôlant tout ce qu’elle faisait. Mais une partie d’elle était dotée de la rigueur nécessaire pour obtenir les lignes, le rythmes, l’esthétique nécessaire aux mouvements du hip-hop ou du modern. « Je sais que j’ai pas l’air d’aimer ça en ce moment. Enfin dans votre cours – et à nouveau vous y êtes pour rien- , précisa-t-elle. Mais en temps normal je vous jure que je m’amuse vraiment. »


Eiluned Wellington
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeDim 29 Nov 2020 - 10:47
Eiluned n’avait jamais été une adolescente comme Moreen, qui avait laissé ses sentiments exploser sous son regard stupéfait. A vrai dire, Eiluned ne sortait que très rarement de ses gonds. Elle avait une personnalité discrète, calme, prudente, bien loin des attitudes passionnées qu’elle devinait chez son élève et qui étaient aussi celles de son fiancé et de sa sœur. Elle était toujours un peu étonnée des capacités sociales qu’ils avaient et de l’intensité avec laquelle ils pouvaient vivre les évènements. A l’inverse, Eiluned maîtrisait ses émotions avec une facilité liée à l’habitude ; ce n’était pas tant qu’elle ne les ressentait pas – au contraire – mais qu’elle avait du mal à les exprimer. Elle n’y parvenait qu’auprès de Leonard, en qui elle avait une confiance aveugle qui lui permettait de se sentir absolument à l’aise et parfaitement capable d’identifier, de nommer et d’expliciter ses sentiments. Face aux autres, Eiluned avait tendance à se refermer, à se montrer plus indéchiffrable et bien plus sur la défensive.

Plus jeune, dans une situation similaire à celle que connaissait Moreen, elle aurait été bien incapable d’expliquer à son professeur les troubles qui l’habitaient. Elle aurait probablement répondu un maigre « tout va bien, j’étais un peu fatiguée aujourd’hui » à sa question, et aurait quitté le studio dans la précipitation, le cœur lourd et l’estomac serré. Elle aurait travaillé des heures durant, sans relâche, animée par ce besoin d’être la meilleure qui, souvent, la poussait à adopter envers elle-même des comportements qui n’avaient rien de sain et qui avaient des visées largement autodestructrices. Cette époque n’était pas si lointaine, songeait parfois Eiluned, qui avait suivi pendant des années une psychothérapie qu’elle avait reprise récemment à l’annonce de la maladie incurable de son fiancé.

Moreen semblait être tout son contraire. Animée par un feu qui la faisait passer de la colère, aux larmes, puis au rire. Eiluned se sentit touchée par la sincérité évidente de ses propos et par cette façon dont elle avait de s’ouvrir à elle sans pudeur. Elle l’écouta attentivement, sourit doucement lorsqu’elle l’entendit mentionner sa passion avec autant d’enthousiasme. « Je m’amuse vraiment » disait-elle avec la simplicité de celle qui savait ce qu’elle aimait et ce qu’elle voulait.

Eiluned laissa passer quelques secondes de silence à la fin du discours de Moreen, comme pour se laisser le temps de réfléchir à comment elle voulait poursuivre cette conversation. Après le premier éclat de Moreen, elle craignait un peu de faire ressurgir chez elle de tels sentiments. Aussi, ce fut plus prudemment qu’elle lui demanda :

« Pourquoi tu fais de la danse classique, Moreen ? »

C’était finalement l’élément cœur de toute cette situation. Eiluned comprenait que Moreen aimait danser mais qu’elle se sentait immensément frustrée par la pratique du classique, par cette rigueur dont elle disait ne pas savoir faire preuve et qui, aux yeux d’Eiluned, l’entravait d’avoir une pratique comme celle qu’elle devrait avoir : énergique et libre.

« Si tu n’aimes pas la rigueur de la danse classique – et crois-moi, je vois totalement pourquoi on peut trouver ça insupportable – rien ne t’oblige à en faire. » souligna Eiluned en posant un regard attentif sur son élève. « Dans quels cours tu t’amuses vraiment ? » s’enquit-elle alors.



Eiluned Wellington


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Moreen Avner
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeMar 26 Jan 2021 - 19:16
La salle était vide à présent, tous les élèves s'étaient retirés les uns après les autres, avaient désertés le couloir habituellement bondé devant les portes, en y laissant une odeur de fin de journée et d'intimité qui seuls avaient laissé à Moreen le courage de s'exprimer presque librement. Ce n'est pas qu'elle n'avait pas honte. La main serrée sur la bandoulière de son sac, le regard fuyant vers les angles vides de la pièce, évitant son reflet, évitant tout contact, elle avait sur les joues une délicate teinte rosée qui s'accentuait au fur et à mesure de ses mots, attirés par ses émotions et par la gêne qu'elle éprouvait à admettre ses échecs.

Parce que comme tout Avner, Moreen ne supportait pas d'échouer. Elle s'y était habitué, ce qui était assez différent et ne la laissait pas exempte d'amertume. Mais ça n'empêchait rien au fait qu'au fond d'elle, certaines matières avaient encore son engagement. Moreen ne renoncerait pas à la danse, jamais. Le sport égayait son esprit de compétition. La danse la poussait vers un besoins d'excellence qu'elle refusait de lâcher.

- Pourquoi tu fais de la danse classique, Moreen ? " Demanda Eiluned.
- Heum… "

Moreen se mordit la lèvre, pencha la tête avec un froncement de sourcil songeur. Elle s'empêcha de retourner sa question à la jeune femme, évitant l'insolence, et sachant qu'esquiver ne lui rendrait pas vraiment service. Elle avait peut-être fini par trouver une alliée, dans cet infernal cycle de frustration, et à présent qu'elle avait commencé à s'ouvrir, elle se sentait prête à parier sur Eiluned.

- Je voulais me diversifier, répondit-elle en choisissant ses mots. Le ballet ça représente pleins de trucs que j'ai pas. La rigueur, l'élégance, ce genre de choses. Je voulais aussi gagner en souplesse... " Elle haussa les épaules.

Moreen avait senti quelque chose d'impromptue se manifester en elle lorsqu'elle avait prononcé ce mot, élégance. Comme une sorte de malaise enrobé de honte. Un instant, elle se sentit comme ces gamins qui chaque année, tiraient la langue devant la vitrine du magasin d'accessoires de Quidditch du chemin de traverse, en commentant les déliés du nouveau balais qu'ils ne posséderaient jamais.

Par un réflexe inné, son esprit bloqua le lien qu'elle aurait pu faire avec la perception qu'elle avait de son corps. Grand, anguleux, sans forme. Pourtant Moreen était nerveuse, et décrivait malgré elle des courbes amples avec ses bras, ses jambes, elle savait emplir l'espace sans en avoir conscience. Finalement, son rapport à la danse classique ne prenait racine nul part ailleurs que dans un complexe binaire dont elle n'avait absolument pas conscience.

- Je fais pas mal de sport, pas mal de sports différents. Mais c'est jamais très… Comment dire. Je voulais essayer quelque chose d'un peu plus féminin. " Elle tenta un sourire qui n'avait pas grand-chose de sincère. "C'est important pour moi," affirma-t-elle pour répondre à la suggestion d'Eiluned. Hors de question d'abandonner. On s'était suffisamment fichu d'elle, et c'était un domaine qu'elle refusait de lâcher parce qu'elle n'y arrivait pas tout de suite. Sans en connaître la raison précise, maîtriser la grâce lui semblait vital. "Basiquement j'aime le hip-hop, ses dérivés et j'aime bien le modern, aussi. Mais ne me dites pas de me concentrer là-dessus. Je dois y arriver en classique. J'ai besoins des trucs que ça peut m'apporter."
Eiluned Wellington
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeDim 21 Mar 2021 - 11:38
Eiluned avait commencé la danse si tôt qu’elle avait mis des années à savoir pourquoi elle dansait, et pourquoi elle avait ce véritable amour, cette passion pour le ballet. Elle avait l’impression que la danse faisait tout simplement partie de sa vie, de son quotidien, de son ADN même. C’était par ce biais qu’elle parvenait le mieux à s’exprimer. Elle n’avait jamais arrêté ; pas à Poudlard, pas même lorsqu’elle avait eu son accident qui avait signé la fin de ses rêves, ni lorsqu’elle était entrée en médicomagie et que sa charge de travail était devenue considérable. Elle n’avait jamais arrêté parce que cette activité lui était quasiment vitale ; lorsqu’Eiluned fermait les yeux, comptant les temps d’une musique qui se lançait, s’apprêtant à débuter une chorégraphie durement apprise, elle se sentait à la fois apaisée et vivante.

Et une part d’elle se retrouvait dans la réponse de Moreen. Eiluned aimait la rigueur du ballet, l’élégance de la danse classique. Elle savait aussi, à la lumière de la thérapie qu’elle avait effectué à la fin de son adolescence, que c’était ces différents aspects qui l’avaient précipité dans une maladie qu’elle avait difficilement appris à maîtriser. Les danseuses auxquelles elle aspirait à ressembler avaient toutes un physique similaire : un corps sec, fin, très élancé et sans rondeurs. A l’adolescence, Eiluned avait vu son corps se transformer sans qu’elle ne puisse conserver le moindre contrôle sur ces changements qui s’opéraient en elle. Elle n’avait jamais beaucoup grandi, mais ses hanches s’étaient faites plus larges, sa poitrine s’était développée, ses cuisses s’étaient arrondies. Elle n’avait jamais perdu les rondeurs enfantines de ses joues qui ressortaient particulièrement lorsqu’elle souriait. Elle se souvenait avoir passé des heures à se regarder dans le miroir de sa salle de bain, détestant son reflet qu’elle trouvait disgracieux.

Et quand était survenu son accident, son rapport à la nourriture, déjà compliqué, s’était totalement retrouvé impacté par son besoin de reprendre le contrôle sur ce qui lui échappait. Son trouble du comportement alimentaire s’était appuyé sur des fragilités présentes en elle dès sa petite enfance, et l’avait conduit à initier des périodes de jeûnes drastiques, entrecoupées par des moments où elle perdait tout contrôle sur elle-même et se retrouvait à manger de manière compulsive.

Elle voulait gommer ce corps dont elle ne supportait plus les formes et les différences avec ceux de ses amies danseuses. Elle aspirait à ce modèle féminin de perfection qu’elle n’atteignait jamais, malgré toutes les privations qu’elle se faisait subir. Rien n’était jamais assez bien, pour Eiluned. Ni ce qu’elle entreprenait, ni ce qu’elle accomplissait, ni ce que reflétait son apparence physique.

Sortir de cette maladie, de ce cercle vicieux, avait été le travail de plusieurs très longues années. Encore aujourd’hui, Eiluned se sentait parfois vaciller. Elle savait également que son rapport à la nourriture ne serait jamais simple, qu’elle ne pouvait pas prétexter, comme d’autres, qu’elle « sautait simplement un repas ». Elle avait la chance d’être très entourée et soutenue, et d’avoir intégré, au fil des années, des gestes qui lui permettaient d’être alerte sur sa maladie et de savoir comment prendre soin d’elle.

Face aux propos de Moreen, Eiluned ressentait une inquiétude diffuse. Pas parce qu’elle soupçonnait le même trouble alimentaire, mais parce que, malgré tout, elle parvenait à s’identifier à ce qu’elle disait. A cette exigence de la féminité qu’elle avait tant recherché au même âge notamment, et à ce besoin de continuer la danse classique, coûte que coûte.

« Je dois y arriver en classique. J'ai besoin des trucs que ça peut m'apporter. »
« La féminité ? » reprit Eiluned en posant sur Moreen un regard songeur.

Elle laissa quelques secondes de silence s’écouler, pensive, avant de reprendre avec une voix douce :

« Je vois ce que le classique peut apporter à une formation de danseuse. Ce que tu disais que la rigueur, la souplesse… Mais tu n’as pas besoin de faire du ballet pour être féminine. » souligna-t-elle. « Le classique, ça donne une apparence de féminité, parce qu’on pousse nos corps à s’allonger quand on danse, à se tordre, à se contorsionner d’une façon qui n’a rien de naturel… » Et c’était ce qu’il lui avait plu, pendant longtemps. La capacité de forcer son corps à prendre les pauses qu’elle lui imposait. « Ça paraît féminin sur scène, en costume ou en justaucorps mais en réalité, c’est juste du spectacle. C’est la façon dont on occupe l’espace qui compte dans la danse. En classique, comme en moderne. » Eiluned hésita un instant avant de poser une dernière question : « Elles ont quoi de plus féminin, les danseuses de classique par rapport aux danseuses de hip-hop ? »



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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeLun 5 Avr 2021 - 16:57
- La féminité ?

Moreen fronça les sourcils. Elle avait surpris sur son visage l’air concerné qui avait conclu son cheminement, et se demandait de quoi Eiluned pouvait s’inquiéter, si c’était bien le cas. De la même manière, ce terme, qu’elle employa avec une sorte d’incertitude songeuse qui reflétait paradoxalement une sorte d’analyse préétablie, n’évoqua rien de plus pour Moreen qu’un malaise incompréhensible brodé d’un mélange de dégoût et d’envie.

Elle écouta sagement Eiluned, mais ne comprit pas l’implication de ses paroles. Quelque chose en elle résonnait avec les mots et les propositions de sa professeure, mais elle n’en tirait pas un tout cohérent dans lequel elle aurait pu voir clairement la réponse à ses questions, ses insécurités, et plus précisément cette espèce de malaise indicible et de tristesse complexe qui l’asseyait d’un quel tel mot était utilisé auprès d’elle. Un costume ? Une illusion ? Une façon d’occuper l’espace ? Moreen sentait qu’il existait dans ce raisonnement une logique inéluctable. Peut-être même toucha-t-elle du bout du doigt la résolution de son trouble, comme elle aurait entraperçu par une fenêtre le vol très bref d’un oiseau. L’animal avait été là, elle en était sure, mais était passé si vite, avait disparu si rapidement qu’elle n’avait pu en saisir qu’une ligne éclatée plutôt qu’un motif complet.

Pour Moreen, la féminité n’avait rien d’une illusion. Elle avait l’instinct suffisamment subtil pour cerner le mensonge qui habitait ce mot et l’usage qu’on en faisait, que quelque chose sonnait comme un mensonge ou un secret, qu’on ne parlait toujours que d’un aspect ou deux en dissimulant ce qui vraiment dans cette notion, prenait de l’importance. Elle avait le sentiment qu’une invention existait quelque part là-dedans et pourrait être détruite, mais tout cela n’était encore qu’un cheminement théorique très arbitraire, qu’elle considérait avec une sorte de fascination incertaine, parce que personne autours d’elle n’était capable de l’aiguiller. La féminité était un concept très concret chez les Avner, une façon de se comporter, des attraits particuliers, des références. Elle se trouva prise au piège d’une réflexion qui ne trouvait pas dans la question d’Eiluned de réponse décisive. Il lui semblait évident qu’une danseuse de hip-hop ne pouvait pas, par définition, être aussi féminine qu’une danseuse de classique. Il lui semblait qu’elle ne pouvait pas, elle, être par définition aussi féminine qu’Eiluned, par exemple. Mais elle se découvrait tout à coup incapable, alors qu’elle pensait tenir une certitude, de déterminer précisément ce qui faisait qu’elle ne l’était pas, ou moins.

Cela tenait-il à ses gestes parfois brusques ? A son corps anguleux, à sa poitrine discrète, à ses genoux calleux ? A sa façon de parler, de jurer, de dire « genre » ou « putain » ? A son caractère fonceur, volontaire, déterminé ? A sa propension à se battre ou à son engouement pour des choses qu’on attribuait souvent à un public masculin et dans lesquels elle retrouvait effectivement une majorité de garçons ? A ses goûts vestimentaires – pourtant il arrivait de porter des robes, mais c’est vrai qu’elle échangeait malgré elle des vêtements avec Donagh ?- Un mélange de tout cela ? Elle se tordait les mains silencieusement tandis qu’Eiluned la laissait gentiment réfléchir. Sur son visage s’était dessiné une moue contrariée qui témoignait de son combat intérieur pour exprimer avec des mots quelque chose qui lui semblait à la fois terriblement évident, et profondément discutable. C’était la première fois que quelqu’un d’extérieur la poussait à avoir cette réflexion : habituellement, elle se contentait de tourner la question entre ses doigts, puis, au moment où elle découvrait la complexité, la frustration, l’injustice abyssale de ce que supposait la réponse, elle abandonnait, angoissée de ce qu’elle était en train de découvrir. Prise au piège, elle se mis à énoncer ce que le monde entier lui apprenait depuis sa naissance, que sa famille perpétuait avec soin, et sentit au fur et à mesure qu’elle parlait, une sorte de gêne, comme si elle était en train de faire à quelqu’un un mensonge si visible qu’elle aurait pu en rougir.

- Je sais pas, les filles qui font du ballet sont plus délicates… Plus douces… C’est pas brutal comme le hip-hop, le hip-hop faut être lourd, des fois agressif, le ballet c’est l’inverse, tout le monde porte un tutu, des collants, et fait des petits jeux de jambes sur du violon… » Sa voix mourut parce qu’elle prenait conscience en l’énonçant que sa remarque n’avait pas de sens profond. Effectivement, pourquoi un tutu, pourquoi la douceur semblaient plus féminin qu’une fille maquillée vêtue d’un baggie ? Ces filles là aussi lui semblaient belles, et de l’extérieur, pas forcément moins fille que les autres. Parfois plus. « … Ça veut rien dire, en fait, c’est ça ? » Réalisa-t-elle en relevant la tête. « Je sais pas comment on définis ça. Je sais juste qu’il y a des choses qui ont l’air féminines. Et des trucs qui sont des trucs de mecs. Et que quand une fille aime des trucs de mecs, on dit qu’elle est pas féminine. Et pareil dans l’autre sens. » Elle réfléchissait tout en parlant. « Peut-être que c’est à cause de l’histoire ? Il y a toujours eu plus de danseuses de ballet et de danseurs de hip-hop, historiquement, que l’inverse ? » Ça ne pouvait pas tenir à ça. Elle soupira. Elle n’avait pas la réponse, et les questions qui recommençait à se soulever dans son esprit lui faisaient un peu peur.
Eiluned Wellington
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Shake it off [Eiluned] Icon_minitimeJeu 8 Avr 2021 - 11:15
La féminité avait été une question qui avait souvent occupé les pensées d’Eiluned, dès son adolescence, parce qu’il lui semblait qu’elle avait toujours cherché à l’atteindre. Elle avait pourtant une apparence physique qui correspondait aux critères de beauté tels qu’ils étaient définis ; petite, gracieuse avec des traits doux. Elle raffolait des robes et des jupes, qu’elle choisissait souvent dans des friperies et qu’elle reprenait à la machine à coudre. Eiluned était élégante, douce, prévenante, empathique, bien élevée. Un physique « féminin », un caractère « féminin » et pourtant, rien ne l’était jamais assez. Elle était belle mais elle manquait d’éclat. Elle était élégante mais elle manquait de prestance. Elle était calme mais elle manquait d’assurance. Elle n’était jamais assez, et c’était bien ce qui l’avait paralysé pendant des années, et continuait de la hanter encore. C’était de là que venait son exigence de perfection, cultivée année après année au milieu de domaines particulièrement intransigeant : la danse classique et la médicomagie. Il avait fallu longtemps à Eiluned pour déconstruire l’équation féminité = perfection qui s’était établie dans ses schémas internes depuis l’enfance.

A vrai dire, elle n’était pas encore certaine d’avoir réussi aujourd’hui.

En revanche, elle avait pris conscience que cette pression qu’elle ressentait quasiment quotidiennement n’était pas le fruit du poids qui était octroyé aux femmes au moment de leur naissance. On ne naissait pas fille avec l’exigence de devenir parfaite ; en revanche, Eiluned avait l’impression que c’était souvent – toujours – sur les femmes que pesait cette injonction. Elle l’avait bien vu au sein de sa propre famille, par exemple. Que Gawain n’ait jamais obtenu des résultats brillants dans son parcours scolaire n’avait jamais affolé ses parents, qui ne voyaient là qu’une juste conséquence de son caractère oisif. La nouvelle de son propre redoublement en médicomagie, en revanche, n’avait pas été accueilli de la même manière.

Le constat avait été amer à faire, et douloureux à vivre. Il l’était toujours aujourd’hui, et venait alimenter des angoisses dont elle peinait à se défaire. Elle ne s’était jamais véritablement débarrassée de cette exigence de perfection, qu’elle continuait de cultiver pour elle-même – parce qu’il s’agissait également d’un part de son propre caractère – mais elle pouvait poser, sur les autres, un regard chargé de bienveillance qu’elle ne s’accordait pas à elle-même. Elle pouvait l’offrir à Moreen, en revanche, qui semblait réfléchir intensément sous son regard patient. Au fond, Eiluned lui donnait ce qu’elle-même avait reçu de sa sœur aînée, Llewella, bien plus alerte sur ces questions et qui avait su la guider dans une réflexion qui n’était simple à mener seule.

« Le ballet c’est l’inverse, tout le monde porte un tutu, des collants, et fait des petits jeux de jambes sur du violon… »  
Eiluned haussa les sourcils. « C’est un peu réducteur, non ? »

Moreen sembla arriver à la même conclusion, qu’elle livra avec une honnêteté et une franchise qui tira un discret sourire à Eiluned. Elle prit cependant le temps de réfléchir à sa dernière supposition, mais finit par secouer doucement la tête.

« Ce n’est pas l’histoire qui donne un genre à un domaine. On s’en charge très bien toutes seules. » souligna la jeune femme. « On sait très bien définir que, comme la danse classique demande de la souplesse et, c’est vrai, de la délicatesse, alors elle doit être attribuée aux femmes, plus qu’aux hommes. La question, c’est plus de savoir qui définit, à la base, qu’une femme doit être souple et délicate pour prétendre à être féminine ? » Eiluned haussa les épaules. « Ne te méprends pas, Moreen, j’adore le ballet. La rigueur, l’exigence, le travail… Mais Merlin, qu’est-ce que j’étais envieuse des femmes qui dansaient le hip-hop. Qu’est-ce que j’ai pu les trouver assurées et classes. » Eiluned eut un léger sourire. « Et libres. » Elle eut une hésitation, avant de conclure : « Féminine, ça ne veut pas rien dire, au contraire, je pense que ça veut dire beaucoup de choses, mais qu’on le réduit à un ou deux traits. Regarde… Bonnie, par exemple. » C’était elle qui enseignait normalement le cours du samedi. « Une excellente danseuse de classique. Elle jure comme un charretier. Vraiment, » assura Eiluned, les yeux amusés, « elle est incapable de marcher dans une rue sans insulter quelqu’un. Elle en serait moins féminine ? » interrogea-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. « Moi, je suis médicomage, je viens d’être diplômée, et j’ai pris une spécialité d’urgentiste. Moins féminin que la pédiatrie ou la gynécologie ? » Elle haussa finalement les épaules. « Ca tient à une histoire de préjugés. »



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