Le Deal du moment : -45%
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre ...
Voir le deal
339 €

Pour ou contre ? [Isobel & Abel]

Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeJeu 13 Aoû 2020 - 20:32
17 mars 2011

La table de la salle à manger avait été débarrassée du petit-déjeuner pour laisser place à une toute autre organisation, beaucoup plus ordonnée. D’un bout à l’autre de la table, deux dossiers de papier étaient posés, entre les mains d’Abel et d’Isobel qui se regardaient en face à face. Il ne manquait plus qu’un filet au milieu et un arbitre pour compter les points, afin de parfaire le tableau.

La discussion, ou plutôt le débat, qu’ils s’étaient mis d’accord pour organiser sur cette matinée de week-end, concernait un sujet parfaitement sérieux mais cette petite mise en scène un poil dramatique permettait paradoxalement de désacraliser la chose. Une atmosphère de compétition flottait dans l’air et faisait passer leur conversation sérieuse pour une sorte de concours d’éloquence, avec comme titre : "pour ou contre les bébés ?". Evidemment, l’anxiété au fond de son estomac était toujours présente, face aux enjeux, mais pour le moment, Abel pouvait conserver son air pince-sans-rire pour annoncer :

« J’espère que tu as bien travaillé ta copie, Isobel, parce que je passe ma vie à convaincre des clients, alors tu n’es pas prête pour ce qui va te tomber dessus. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeJeu 13 Aoû 2020 - 21:03
Abel et Isobel avaient organisé leur salle à manger comme ils auraient organisé un ring de boxe. Chacun d’un côté de la table, des petites fiches devant eux, le regard plein de défi. Elle avait presque hésité à emprunter une tribune siglée au Ministère, histoire de rajouter un peu plus de solennité à leur petite mise en scène. Elle s’était dit que cela ferait peut-être un petit peu trop, quand même. Surtout que, malgré l’atmosphère de rivalité et de défi qui flottait dans l'air, ils n’étaient pas ici pour rire...

Ils n’étaient pas véritablement revenus sur leur conversation du mois dernier, au sujet des enfants, mais ils avaient décidé de réfléchir chacun de leur coté et de préparer une liste des pour et des contre. Les contre sur des fiches vertes pour Isy, les pour sur des fiches rouges. Autant dire qu’un des tas était plus haut que l’autre. Elle se raccrochait à cet exercice familier du débat pour ne pas trop céder à l’angoisse. Au final, ils jouaient quelque chose de leur avenir ici, c’était terrifiant. La petite fanfaronnade d’Abel lui fit hausser un sourcil et elle s’appuya contre le dossier haut de sa chaise, bras croisés.

- Je passe ma vie à convaincre un pays tout entier, Abel, alors crois-moi, c’est toi qui n’est pas prêt à m’affronter.

Après tout, elle avait fait des études de communication et de sciences politiques, autant dire qu’elle avait quelques notions d’argumentation, comme elle ne se priva pas de le souligner :

- Pendant que toi, tu fabriquais des petits arbres en cartons, moi, je faisais mes armes dans l’équipe de débat de Salem.

Elle avait même pensé à amener ses petits graphiques.
 


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeJeu 13 Aoû 2020 - 22:22
La réplique d’Isobel, assurée et cinglante, tira un bref sourire à son petit ami, qui reconnaissait bien là ce côté compétiteur qu'ils partageaient tous les deux. Il baissa son regard sur ses notes. Comme toujours, il avait été moins organisé qu’Isobel, qui avait préparé des petites fiches de couleur, comme une préparation à un examen. Ses notes à lui étaient écrites sur l'un de ses carnets qu’il avait l’habitude de remplir de notes, de dessins et de schémas en tout genre depuis le début de ses études en archimagie. Quelqu’un d’extérieur aurait eu du mal à déchiffrer son écriture minuscule et ses diverses flèches qui réorganisaient son discours, mais à ses yeux, tout était clair.

Il ne releva les yeux que lorsque Isobel l’attaqua sur ses études, mettant en avant comme toujours son passage par Salem, dont elle était très fière. Il haussa les sourcils, peu impressionné.

« Peut-être mais hé. Moi je sais qu’après ta sortie de Salem, tu as fait des spots publicitaires pour des chaudrons, chérie, alors ça se perd vite, les talents en débat. Tandis que moi, je n’ai jamais cessé de vendre des projets à des gens qui n’y connaissaient rien à l’architecture » déclara t-il, tout à fait humblement.

Trêve de plaisanterie, songea t-il en plaçant ses notes devant lui. Il était temps de passer aux choses sérieuses. Il posa son regard sur Isobel, avec un léger sourire en coin.

« Bien. Parce que je suis gentil, je te laisse commencer, madame la professionnelle de la rhétorique. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeVen 14 Aoû 2020 - 0:02
Isobel prit une mine outrée sans le vouloir lorsque Abel évoqua son bref passage dan l’industrie du chaudron. Effectivement, en arrivant au Royaume-Uni, elle avait accepté un emploi en dehors de son domaine de prédilection : il fallait bien travailler pour vivre. Ce n’était pas son expérience professionnelle favorite et certainement pas la plus prestigieuse, surtout lorsqu’elle était réduite - comme il le faisait - à la rédaction de spots radiophoniques pour mettre en avant la marque. Il en profita au passage pour se vanter et elle secoua la tête.

- C’est vrai que les spots publicitaires, ce n’est pas convaincre des milliers voire des millions de clients d’acheter un produit... Mais oui, à l’époque, tu convainquais des gens de refaire leur véranda, c’est effectivement mieux.

Elle eut un sourire en coin et attrapa ses fiches bristol, qu’elle tapota sur la table pour égaliser. Il l’invita à commencer et elle n’eut pas besoin de baisser les yeux sur ses notes pour attaquer avec son amorce, en français cette fois-ci :

- Simone de Beauvoir disait « On ne naît pas femme, on le devient ». Elisabeth Badinter l’a paraphrasée quelques années plus tard en disant qu’on ne naît pas mère, on le devient. Je préciserais plutôt qu’on le reste. Plusieurs choses se dégagent de ces deux idées, reprit-elle vivement en anglais, tout d’abord, qu’il n’y absolument rien d’inné dans la maternité, une femme ne naît pas mère, la femme n’est pas faite pour être mère. À titre personnel, je n’ai pas l’impression d’être faite pour être mère. Je n’ai pas l’impression d’avoir les éléments nécessaires pour être une bonne mère. Tu pourrais arguer qu’il est difficile de statuer sur ce point étant donné que je n’ai jamais été mère, je pourrais me tromper. Je peux te l’accorder, affirma-t-elle, malheureusement c’est un pari à double-tranchant. Une femme qui est devenue mère se doit de le rester. Or, le risque me semble trop élevé pour que nous puissions le prendre et l’infliger à un enfant.  


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 24 Aoû 2020 - 22:50
Cette petite tension compétitrice entre eux, Isobel et Abel l’avaient déjà partagé à plusieurs reprises, dans leur enfance ou plus récemment : quand il s’agissait de comparer les atouts des covens Lavespère et Laveau par exemple, ou quand ils débattaient de quelle était la meilleure université américaine entre Salem et Salisbury. Abel ne s’en formalisait pas, au contraire, il aimait bien ces petites frictions qui les poussaient tous les deux à rivaliser d’arguments et il savait que c’était également le cas de sa compagne.

Il avait pensé que lancer la discussion sur les bébés en partant sur ce terrain permettrait à Isobel de s’y sentir plus à l’aise. De son côté, cela lui avait permis de mieux se préparer, de réfléchir assez précisément à pourquoi il voulait devenir père un jour, un exercice qu’il n’avait jamais fait jusqu’à maintenant : cela lui était simplement apparu comme évidence et il avait eu besoin d’y réfléchir longtemps pour réussir à démêler ce qui tenait du mimétisme de sa famille, de la société de façon générale, et ce qui relevait de ses souhaits profonds. Tout était couché sur les notes qu’il tenait devant lui.

Isobel s’était bien préparée aussi, il en prit la mesure en écoutant l’entame qu’elle lui avait réservé. Elle jouait la carte du discours d’éloquence à fond, songea t-il avec un sourire, alors qu’elle démarrait par une citation littéraire. Il écouta attentivement ce qu’elle lui exposait, en voyant assez vite la manière dont il pouvait répliquer, ce qu’il fit, de son fidèle ton pragmatique :

« Puisque tu as relevé toute seule mon premier contre-argument, je te donne le deuxième qui en fait, va dans ton sens : si on ne naît pas mère mais qu’on le devient, c’est plutôt rassurant. Cela signifie que tu n’as pas besoin de naître mère pour cultiver plus tard un désir d’enfant. Si tu penses que tu n’es pas née pour être mère, alors peut-être que tu peux le devenir… Justement en acquérant toutes ces choses dont tu penses manquer pour être une bonne maman. »

Il laissa Isobel méditer sur cette première réponse, sans trop tarder pour enchaîner :

« Bref, tu as raison. Être un bon parent ne tombe pas du ciel. Cela demande une préparation. C’est pour ça que je pense qu’on peut le faire. Que tu peux le faire, insista t-il. Et là c’est ton meilleur ami d’enfance et ton amoureux qui parle, Isobel, je te connais. Tu es une femme consciencieuse, déterminée et aimante, tu serais tout à fait capable de donner à un enfant ce dont il a besoin si tu le souhaitais… En plus de la préparation mentale avant de faire le bébé, il y a également toute la période de la grossesse pour se préparer à son arrivée. Et laisse-moi te dire que, étant une femme, tu pars avec un avantage sur moi là-dessus. »

Pour illustrer ses paroles, il extirpa deux feuilles de papier pliée en deux de son carnet, qu’il poussa sur la table, pour permettre à Isobel de les prendre si elle souhaitait les lire.

« C’est une étude sur la construction du lien entre la mère et son enfant, qui corrobore exactement ce que tu dis : que ce n’est pas inné, mais que cela se fabrique au fil des expériences entre la mère et l’enfant, et ce, dès la grossesse. Pendant les neufs mois, les deux partagent des liens très forts, des émotions, par l’effet des hormones et du placenta. Au moment de l’accouchement, le cerveau de la mère relâche une grande quantité d’oxytocine, une hormone qui permet le développement de l’attachement et qui continue d’être sécrétée par le contact physique avec le bébé. » Il résuma, avec des mots plus profanes et un léger sourire : « Concrètement, quand tu accouches, tu te prends un shot d’amour en pleine figure. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 24 Aoû 2020 - 23:47
Isobel savait bien que sa petite introduction n’allait pas suffire face à Abel, qui semblait tout aussi déterminé qu’elle - si ce n’est plus. Il ne sembla pas s’affoler devant ses arguments et reprit la parole calmement, reconnaissant qu’elle avait déjà relevé son premier contre-argument. Elle eut un petit sourire en coin rempli d’auto-satisfaction. Il enchaîna néanmoins bien vite avec une seconde affirmation, qui était évidente face à ce qu’elle avait initialement développé. Évidemment, il y avait toujours la possibilité de devenir mère, de se préparer, s’entraîner et de cultiver ces compétences afin de réussir sa parentalité. Sauf que, comme elle l’avait déjà évoqué, Isobel n’était pas certaine de pouvoir le faire, même si elle se préparait. Elle ne savait pas si elle avait envie de se lancer dans quelque chose de si engageant, qui ne laissait aucun droit à l’erreur sous peine de faire souffrir un enfant innocent. Cela lui semblait beaucoup de contraintes et de difficultés, pour un résultat incertain.

Abel, lui, avait évidemment un point de vue différent sur la question. Visiblement, il parvenait à l’imaginer mère, ce qui faisait un peu étrange à Isobel. Il affirmait qu’ils pouvaient le faire, qu’elle pouvait y parvenir. Il est vrai qu’il la connaissait par coeur, il était sûrement la personne qui la connaissait le mieux au monde. Elle voulait bien reconnaître qu’elle était consciencieuse et déterminée, c’était plutôt flatteur, et il était vrai qu’elle aimait profondément Abel. Mais elle avait l’impression que cela ne pouvait pas s’appliquer à un enfant. Elle savait pourquoi elle aimait son conjoint. Un enfant... Elle ne parvenait pas à se projeter aimant un enfant. Peut-être qu’elle pouvait bien l’aimer, comme elle aimait bien les neveux et nièces d’Abel, mais l’aimer comme une mère était censée aimée... Inconditionnellement, sans failles, sans poser de questions et avec intensité. Elle ne savait pas comment elle était censée parvenir à ce résultat, même avec préparation, même en menant une grossesse. Lorsqu’il mentionna que le fait qu’elle soit une femme lui donnait un avantage, elle haussa un sourcil. Est-ce qu’il voulait vraiment se lancer dans l’argument de l’instinct maternel ?

Non, visiblement, il avait une idée plus scientifique en tête. Il fit glisser deux feuilles à travers la table et elle se leva légèrement de sa chaise pour les attraper. C’était une étude sur le lien mère-enfant, comme il l’expliquait, avec visiblement des démonstrations appuyées. Elle le parcourut d’un coup d’oeil, sans avoir le temps de le lire en détails. Elle dut se contenter, pour le moment,  du résumé d’Abel. Selon lui - et cette étude - les hormones nouaient un lien entre la mère et l’enfant in-utero puis à l’accouchement, afin sûrement qu’elle ne l’abandonne pas dans un coin en le laissant mourir de faim (une sombre histoire de préservation de l’espèce, à son humble avis.) Elle garda un instant le silence, parcourant du regard l’étude qu’elle avait entre les mains. Elle finit par redresser le visage vers lui.

- J’entends ton argument mais j’aimerais revenir sur quelque chose : admettons que la grande majorité des mères parviennent à nouer un lien avec leur enfant durant la grossesse puis l’accouchement. Cela ne protège pas des exceptions. Chez certaines femmes, ce déclic, cet attachement, ne se fait pas. Prends ma mère, par exemple : elle a été enceinte de moi, elle m’a donné naissance et... n’a visiblement eu aucun attachement pour moi puisqu’elle est repartie deux jours après ma naissance en me laissant chez ses parents. De manière plus globale, 7 % des femmes traversent une forte dépression post-partum qui peut nuire au développement du lien avec leur enfant. Il existe même des unités mères-enfants, qui sont des unités en psychiatrie, qui sont là pour prendre en charge des mères qui, notamment, n’ont pas réussi à créer de lien avec leur bébé. Pour qu’il existe des unités de ce genre, cela signifie tout de même - même si je n’ai pas les chiffres précis, je te l’accorde - que ce phénomène chimique et hormonal n’est pas infaillible.  

Et si elle avait un enfant, elle avait la forte impression qu’elle ferait partie de ces femmes-là, celles qui n’aimaient pas leurs bébés. Peut-être que c’était génétique ou bien une tare héréditaire, cadeau de Sophie, mais elle avait l’impression que quelque chose était cassé en elle de ce côté-là.

- Le problème étant que, si nous avons un enfant et que rien ne se fait... Et bien, nous avons quand même un enfant. C’est-à-dire que nous serons, toi et moi, coincés dans une situation fortement problématique et douloureuse.


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeDim 30 Aoû 2020 - 22:30
Abel percevait dans les micro-réactions d’Isobel, ses sourcils qui se fronçaient légèrement, son regard qui le fixait avec attention, qu’il parvenait à la faire réfléchir avec ses arguments. Il en fut soulagé car c’était le principal but visé. Il n’espérait pas vraiment réussir à la faire basculer d’opinion à la fin de cette conversation, car c’était le genre de chose qui prenait du temps. Tout ce qu’il voulait, c’était réussir à planter quelques graines dans l’esprit d’Isobel, qu’elle y réfléchisse dans les prochains jours et qu’elle finisse pas considérer l’idée que, eux deux fondant leur famille ensemble, ce n’était ni absurde, ni impossible et qu’elle pouvait elle aussi s’épanouir dans ce projet. Il voulait réussir à toucher la jeune fille qu’elle avait été un jour, qui rêvait d’une grande famille, et qui ne devait pas totalement avoir disparu derrière la jeune femme qu’elle était devenue.

Mais pour le moment, Isobel restait positionnée derrière beaucoup de doutes et de rationalité, opposant des arguments plutôt sérieux. Abel s’attendait à ce que, à un moment ou à un autre, Sophie soit mentionnée dans cette conversation. Il pressentait plutôt à juste titre qu’elle était un noeud du problème, si ce n’était le noeud principal qui empêchait Isobel de se projeter dans un rôle de mère. Elle n’avait eu aucun modèle fiable : Anne était morte trop tôt, quand à Sophie, elle avait toujours été très défaillante, en tant que parent. Abel avait déjà senti que c’était le point à l’origine des craintes qu’Isobel exprimait et il en avait été encore plus convaincu en faisant des recherches : la relation avec son modèle parental était souvent citée comme fondamentale dans le désir d’enfant et l’éducation qu’on souhaitait donner. Abel pouvait le voir avec lui-même : son père avait toujours été présent, bienveillant, attentif, il se projetait donc sereinement dans un rôle qui consisterait à l’imiter, en quelque sorte. C’était l’inverse chez Isobel. Il ne fut donc pas mécontent qu’elle l’évoque elle-même le sujet, lui donnant une accroche qu’il comptait bien creuser.

« 7%, selon les études à ce sujet, révéla t-il au sujet de la dépression post-partum, sur laquelle il s’était renseigné dans sa préparation de débat, en imaginant les futurs contre-arguments de sa compagne. C’est donc relativement faible et il y a des populations plus à risque que d’autres : les femmes qui ont souffert de dépression par le passé, notamment. » Ce qui n’était pas le cas d’Isobel, à sa connaissance. « Et puis, même si c’est un mécanisme chimique du cerveau qui est à l’oeuvre, ça ne tombe pas vraiment par hasard, c’est un phénomène que la plupart des chercheurs relient à des gros changements de vie, des événements récents très stressants, un manque de soutien. » Après cette réponse purement scientifique, Abel changea de posture, en posant les coudes sur la table, comme pour s’approcher d’Isobel qui était de l’autre côté et qu’il regardait désormais dans les yeux. « Si on fait un bébé ensemble, chérie, tu ne seras pas toute seule, assura t-il, plus doucement. Tu ne peux pas comparer ta situation à celle de ta mère, ça n'a rien à voir… Elle t’a eue quand elle avait seize ans, par accident, elle n’avait pas l’âge d’avoir un bébé, elle était toute seule et enfoncée dans plein de problèmes. » D’argent, d’alcool, qu’Isobel connaissait bien mieux que lui. « Tu sais, j’ai lu que l’amour filial se construisait majoritairement pendant les premières années du bébé. Après, c’est plus difficile de créer des liens et de les ancrer… Ta mère ne t’a pas éduquée sur tes premières années. Vous n’avez pas eu ce temps-là, toutes les deux. »

Conscient que leur débat commençait à devenir beaucoup plus personnel et mêler des émotions aux arguments rationnels, Abel avança sa main par-dessus la table, jusqu’à recouvrir celle d’Isobel, dans un silencieux geste de soutien. Ils ne parlaient pas très souvent de Sophie Lavespère mais il se doutait que, pour le coup, la jeune fille blessée par l’indifférence de sa mère n’avait pas disparu. Elle n’était sans doute plus en quête de son amour, comme elle avait pu l’être par le passé, mais elle n’était pas parfaitement détachée non plus. Cette conversation les forçait à revenir sur des blessures qui avaient indubitablement laissé des traces chez Isobel mais c’était nécessaire s’ils voulaient avancer.

« Si on a un enfant, si on décide d’en faire un, tu seras dans une situation totalement différente de celle de ta mère, avec tout ce qu’il faut pour que ça se fasse dans les meilleures conditions. Tu l’auras choisi, déjà, c’est le plus important. Tu as ce qu’il faut matériellement, aussi, tu as un travail, des revenus stables, un grand appartement. Et tu ne seras pas seule, on est deux, là-dedans, répéta t-il. Ça veut dire que si l’un de nous ne sait pas comment faire ou fait des erreurs, l’autre est là pour le guider. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeDim 30 Aoû 2020 - 23:13
- Peut-être que l’évènement récent et très stressant, c’est la naissance d’un enfant, répondit Isobel avec un peu de malice alors que Abel tentait d’atténuer son argument « dépression post-partum. »

Mais leur conversation ne s’attarda pas tant sur le sujet pour vite revêtir un ton plus sérieux - si c’était encore possible. La mention de sa mère alourdissait toujours l’atmosphère, comme un orage qui planait au dessus de leurs têtes. Isobel sentait que le ton de son petit-ami avait changé, s’était fait plus doux. Il lui assurait que s’ils avaient un bébé ensemble, tout serait différent, que c’était incomparable avec la situation de sa mère. Entendre Abel rappeler que Sophie l’avait eue à seize ans lui fit un peu étrange. Elle était parfaitement au courant de cette donnée, mais lorsqu’elle l’entendait dans la bouche de quelqu’un d’autre, elle avait l’impression que cela avait un autre impact. Seize ans, c’était terriblement jeune. À seize ans, on était encore un enfant, dans un sens. À seize ans, elle, elle était encore une gamine, elle s’en souvenait très bien. Elle avait certes quitté son foyer pour s’éloigner du coven mais avec le recul, elle était encore une petite-fille qui se prenait pour une grande. Elle n’avait clairement pas l’âge d’être mère. Sophie ne l’avait pas non plus, mais c’était arrivé. Avec les dégâts que l’on connaissait, la situation que l’on connaissait. Elle commençait déjà à partir en vrille, gamine malheureuse. Cette grossesse n’avait rien arrangé. Cela lui avait gâché la vie, même.

Pourtant, elle ne l’avait pas élevée : sa grand-mère avait pris soin d’elle jusqu’à ce qu’elle ait sept ans. À son décès, Sophie était revenue dans sa vie. Effectivement, comme le soulignait Abel, pas étonnant qu’elles n’aient pas réussi à nouer un lien... Elle n’avait pas de souvenirs de cela mais elle ne pensait pas que sa mère l’avait déjà bercée voire même étreinte lorsqu’elle était un bébé. Elle avait un peu disparu des radars après l’accouchement, était partie à Lafayette et dans le reste de la Louisiane, sûrement pour fuir ses propres parents. Elle n’était pas devenue mère à ce moment-là et n’y était jamais parvenue par la suite, avec les conséquences que l’on connaissait. L’idée amenait des pensées ombrageuses dans l’esprit et le coeur d’Isobel. Abel dut le sentir puisque son bras traversa la table, jusqu’à ce que leurs mains se rencontrent. Elle eut un sourire attristé. Ils ne faisaient que parler d’une éventuelle parentalité et déjà, cela remuait des histoires familiales difficiles. Elle avait l’impression qu’il serait compliqué de sortir de ce schéma-là, même si Abel disait le contraire.

Il n’avait pas tort en soi dans ses arguments. Elle était dans une situation complètement différente de celle de Sophie. Ils étaient tous les deux, déjà, ils s’aimaient et partageaient ce projet ensemble s’il devait aboutir. Ils le choisiraient. Elle le choisirait. Elle arriverait à se faire la bascule, à se dire qu’elle allait sûrement aimer cet éventuel bébé, à se dire que le risque en valait la chandelle. Ou du moins, à faire suffisamment confiance à Abel, qui pensait qu’elle avait toutes les capacités pour réussir. Ils avaient également une belle aisance financière - surtout lui - même si elle avait un bon travail et un salaire tout à fait correct. Et surtout, contrairement à Sophie, elle avait quelqu’un sur qui compter, quelqu’un qui serait sûrement un bon père...

- Ça serait plutôt toi que moi, souffla-t-elle.

Elle baissa les yeux sur sa fiche. Elle avait d’autres arguments négatifs mais, sans savoir pourquoi, elle eut l’impulsion de lui passer la main.

- Vends-moi du rêve, dis-moi pourquoi tu voudrais qu’on ait un enfant, tous les deux. Ça serait comment ?


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 31 Aoû 2020 - 0:21
« Moi j’ai confiance en toi aussi » répéta t-il, sans rompre le contact de leurs mains.

Abel imaginait assez bien le genre de mère qu’Isobel pouvait devenir, si elle acceptait de se faire un peu plus confiance, il savait qu’elle serait attentive, qu’elle veillerait à faire de son mieux. Elle n’avait pas beaucoup réagi, elle paraissait plongée dans ses réflexions, signe qu’à nouveau, les paroles d’Abel faisaient mouche. Il ne chercha pas à insister, quand elle finit par lui proposer de déplacer légèrement l’angle de leur débat, comprenant qu’elle avait besoin de digérer tout cela. Ils auraient tout le temps d’en reparler plus tard et au fond, Abel n’était pas mécontent qu’elle lui laisse la main pour entamer une partie plus joyeuse de cette conversation.

Il lâcha la main de sa compagne, pour attraper son carnet et en tourner quelques pages, jusqu’à arriver au morceau qui l’intéressait. Etonnamment, c’était une page qu’il avait mis plus de temps à remplir que les précédentes : il avait trouvé plus simple de trouver des arguments pour expliquer pourquoi Isobel avait tout ce qu’il fallait pour devenir une bonne mère et trouver des contre-arguments au discours qu’il imaginait venir d’elle, que de lister toutes les raisons pour lesquelles lui souhaitait devenir père. Il sentait qu’il s’agissait d’un désir instinctif, qu’il peinait à rationnaliser et à décortiquer, mais il avait fait de son mieux pour en écrire une analyse.

« Content que tu en viennes à cette partie, car c’est la plus sympathique, dit-il, après avoir parcouru en diagonale sa feuille pour se remémorer ses différents points. Il n’avait pas forcément hiérarchisé ses tirets mais il choisit volontairement de commencer avec une note d’humour, afin d’embarquer Isobel qui semblait soucieuse. « Déjà, parce qu’on est plutôt beaux et intelligents toi et moi. Imagine notre bébé, tout le monde va tomber amoureux. » Un léger sourire sur ses lèvres marqua la plaisanterie dans cette phrase qu’il avait prononcée sur son habituel ton égal. « Je plaisante qu’à moitié, moi j’ai très envie de rencontrer une mini-toi toute petite et toute mignonne, alors je me dis que peut-être, tu as envie de rencontrer un mini-moi aussi. » En plus, ils savaient à quoi ils ressemblaient bébés eux deux et il avait déjà vu Isobel s’extasier devant des photos de lui bébé, elle ne pouvait pas nier. « Evidemment, on ne transmet pas que notre patrimoine génétique à un enfant, on lui transmet aussi ce en quoi on croit, ce qu’on sait faire, ce qu’on aime. C’est quelque chose que j’ai envie de faire. Je pense que l’apprentissage est à double sens, d’ailleurs. Je pense qu’on apprend beaucoup sur soi en devenant parent, qu’on mûrit parce qu’on prend des responsabilités et on est confronté à des situations qui peuvent être difficiles à gérer. Et moi, je me sens à un stade où, en quelque sorte, je suis comblé et bien installé sur tous les aspects de ma vie : ma carrière, mes amis, ma vie amoureuse… Devenir père, c’est autre chose, c’est quelque chose que je n’ai jamais fait et qui peut me faire évoluer de plein de manières. J’ai envie de savoir comment et j’ai envie de faire ce chemin-là avec toi. Je te l’ai dit la dernière fois, faire des enfants avec quelqu’un c’est une grande preuve d’amour dans un couple… Pour moi c’est le plus beau projet qu’on peut mener tous les deux. »

Son ton et son regard s’étaient adoucis au fur et à mesure de son discours, qui émanait autant des lignes qu’ils avaient écrites que de son coeur. Prendre le temps de réfléchir à ce projet en avait ancré le désir dans son coeur, il pouvait en parler désormais avec toute la sincérité qui l’animait et tout l’amour qu’il ressentait pour Isobel. Il termina, entre deux notes d’humour :

« Je citerai aussi tous les beaux moments qu’on peut vivre en étant parents et qu’on vit pas autrement : le choix du prénom, la naissance, le premier rire, le plaisir de décorer la chambre et acheter une garde-robe de bébé, le moment où il dira papa en premier parce qu’ils disent toujours papa en premier, les sorties de famille, les soirées jeux, les bisous, les câlins et je sais que tu aimes les câlins, les anniversaires, les belles photos, les remises de diplôme… En faisant des recherches pour préparer mes arguments, j’ai aussi trouvé : se passer de contraception pendant neuf mois, avoir une bonne excuse pour remplir son placard de gâteaux et augmenter son bonnet de soutien-gorge, je ne sais pas, est-ce que ça fait mouche chez toi ? »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 31 Aoû 2020 - 1:20
Isobel ne put retenir un sourire amusé lorsqu’elle vit Abel tourner la page de son carnet jusqu’à quelques feuilles plutôt remplie. Il avait visiblement trouvé des arguments de ce côté-là aussi, sans grande surprise. Son amorce lui tira un rire et elle secoua la tête.

- On sent que tu serais un père très modeste.

Même si, bon, ce qu’il disait n’était pas faux : elle les trouvait plutôt bien pourvus en gênes. En plus, les Lavespère faisaient des bébés plutôt mignons. Elle avait vu les photos des filles de sa cousine Joséphine, par exemple, lorsqu’elles étaient des nourrissons et elles étaient toutes mignonnes avec leurs joues rondes et leurs grands yeux. Abel sembla suivre le fil de sa pensée puisqu’il s’empressa d’évoquer qu’il rencontrerait bien une petite elle. Son esprit se tourna vers la photographie encadrée qui trônait sur le linteau de la cheminée de son grand-père et elle eut de nouveau un léger rire. Abel aussi avait été un enfant mignon, elle avait évidemment des souvenirs - mais ils étaient un peu flous - et surtout elle avait redécouvert plein de photographies de lui récemment. Elle en avait même pris quelques unes pour mettre dans leur nouveau foyer. Il y avait d’ailleurs plusieurs clichés sur lesquels ils étaient tous les deux. S’ils avaient un jour un enfant, cela serait mignon de mettre les images côte à côte (même si évidemment, elle n’allait pas brusquement accepter d’avoir un enfant juste pour pouvoir faire des montages photos.) Elle n’était pas du tout en train d’oublier la grande responsabilité et les multiples contraintes que c’étaient, même si Abel lui tendait un miroir positif.

Avoir un enfant, c’était devoir l’élever et en faire un être humain intégré dans la société, à peu près équilibré et à peu près respectable. En plus, en tant que sorcière vaudou, c’était lui transmettre les règles du coven et leurs traditions, leurs croyances et leurs pratiques. Si c’était une petite fille, il fallait en plus faire d’elle une véritable sorcière, lui apprendre à cultiver puis à maîtriser ses pouvoirs magiques. Cela impliquait de travailler conjointement avec le reste du coven. Même si les choses étaient un peu plus faciles entre eux et que leurs relations tendaient à s’apaiser (relativement), c’était plutôt un point négatif à rajouter à la liste d’Isy. Abel, lui, se sentait prêt comme il le disait. Il donnait l’impression que devenir père était le prochain challenge de sa vie, la prochaine étape. Il avait tout... sauf cela. Honnêtement, cela lui mettait plutôt la pression. Et si elle ne changeait jamais d’avis, est-ce que cela resterait un manque pour lui ? Est-ce qu’il allait avoir l’impression que sa vie n’était pas complète ?

Elle tenta de contrôler cette idée angoissante qui montait en elle en se concentrant uniquement sur les mots d’Abel. C’était un point où ils pouvaient se rejoindre, avoir un enfant, c’était un très grand engament dans un couple puisqu’ils seraient forcément liés, peu importe l’avenir. Au final, c’était créer quelque chose qui dépassait leur relation amoureuse, qui existerait même si leur relation amoureuse se terminait. C’était fonder une famille : ils étaient reliés ensemble, pour le meilleur et pour le pire. Elle considérait aussi que c’était une preuve d’amour, elle n’aurait jamais eu cette discussion avec un autre homme. C’était parce qu’elle aimait profondément Abel qu’elle voulait bien en parler, qu’elle voulait bien considérer cette (terrifiante) idée. Parce qu’elle l’aimait, parce qu’elle avait confiance en lui, parce qu’elle avait envie de bâtir sa vie avec lui. Il envisageait sa vie avec des enfants alors... Elle voulait bien en parler, parce qu’elle voulait qu’il soit heureux. Et parce que si elle devait devenir mère un jour, elle voulait que ce soit avec lui, qu’ils fassent ce projet tous les deux.

Même si elle ne rebondissait pas à ce qu’il disait, elle était profondément attentive à tous ses mots, ainsi qu’à son aura, son regard, le sourire qu’il avait pour elle. Il avait fait une liste des choses chouettes à vivre en étant parents. Elle n’était pas vraiment d’accord avec toutes mais... La naissance, c’était quand même un être vivant de plusieurs kilos qui était censé sortir de son corps. Pas la chose la plus réjouissante qui soit, à son avis. Bon acheter des petits vêtements, c’était mignon, certes... Elle avait bien trois colliers différents pour son chat. Les moments en famille, d’accord, elle en avait quelques images d’Épinal mais elle craignait que la vérité soit bien moins rose. Dans sa tête, c’était fort mignon d’emmener son enfant faire du manège mais dans la réalité, peut-être qu’on se retrouvait à hurler « TU DESCENDS DE L’HÉLICOPTÈRE-LICORNE AVANT QUE JE VIENNE TE CHERCHER ! JE COMPTE JUSQU’À TROIS ! » Moins charmant. Le côté affectueux d’une famille, ça... Elle voulait bien lui accorder le point. C’était le bon côté d’avoir une petite famille, sûrement. Ces derniers arguments lui tirèrent un rire et elle eut un air outré.

- Alors augmenter son bonnet de soutien-gorge, d’accord, mais ça va avec « prendre quinze kilos, voire vingt, surtout si on remplit ses placards de gâteaux » ! Ça fait partie de mes points négatifs, d’ailleurs, souligna-t-elle en dégainant une fiche verte. «  Avoir le corps abîmé par la grossesse. » Et pour quelqu’un qui était assez soucieux de son apparence, comme elle, c’était un vrai point négatif. Accoucher, aussi. Le concept me semble assez barbare.

Mais comme ils étaient passés sur les points positifs, elle attrapa une petite fiche bleue, avec quelques lignes.

- J’ai peu d’arguments en faveur mais... J’ai marqué « Aller au lac Pontchartrain avec un bébé. » C’était un grand lac près de la Nouvelle-Orléans, où ils se rendaient tout le temps lorsqu’ils étaient enfants. Ils prenaient le car ou bien s’entassaient dans les voitures de la famille et allaient passer la journée sur la plage. Ils mangeaient des sandwiches ramollis par la chaleur et jouaient dans le sable et dans l’eau fraîche. Elle en gardait des souvenirs plein de soleil et d’éclats de rire. Avoir un bébé mignon. Réussir à avoir une chouette famille. Et te rendre heureux, aussi.


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 31 Aoû 2020 - 14:00
Les légers rires d’Isobel détendaient l’atmosphère qui s’était quelque peu raidie avec l’évocation de Sophie. Evoquer des points positifs et des images agréables associées au fait de fonder une famille semblait faire son petit effet chez Isobel, même si ses préoccupations n’avaient pas disparu de son regard. Elle réfléchissait encore et comme toujours, elle était prompte à contre-argumenter. Elle souligna la prise de poids et la déformation du corps qui allaient avec une grossesse, point sur lequel Abel ne pouvait pas faire grand-chose puisque ce n’était pas lui qui avait la malchance d’être la femme du couple qui devait supporter pendant 9 mois le poids d’un bébé dans son utérus et un accouchement barbare. Malchance et chance à la fois, car Abel était persuadé qu’Isobel allait expérimenter de belles chose qu’elle était la seule à pouvoir expérimenter : sentir la présence de son bébé, ses battements de coeur, établir une connexion toute particulière avec lui pendant la grossesse puis au moment de la naissance.

« C’est vrai, concéda t-il, à ces arguments. Mais si ça peut te rassurer, moi je trouverais toujours aussi belle même avec vingt kilos en plus » promit-il avant d’ajouter, conscient que ça ne suffisait pas à son estime d’elle-même : « Et tu es plutôt sportive, je suis sûr qu’on pourra te trouver un coach qui te fera retrouver ta silhouette en un rien de temps ! »

Isobel sortit alors la seule fiche bleue qu’elle avait, en parallèle de ses nombreuses fiches vertes et Abel comprit avant qu’elle ne le dise qu’il s’agissait de celle où elle avait noté ses « pour un bébé ». Il fut à la fois un peu surpris et attendri du premier point qu’elle cita. Surpris car il ne pensait pas qu’elle s’était projetée au point de citer une scène précise. Attendri car l’image qu’elle évoquait lui donnait envie également et éveillait l’enfant de la Nouvelle-Orléans qui sommeillait en lui : ils avaient tous de très bons souvenirs de famille près de ce lac où ils avaient fait des baignades et de nombreux barbecues.

Ses points suivants achevèrent d’adoucir Abel, touché qu’elle envisage ce projet de famille par amour pour lui. Bien sûr, il ne fallait pas que cela devienne son seul argument et qu’elle accepte de se lancer dans cette entreprise uniquement pour lui faire plaisir. Mais c’était malgré tout une belle preuve d’amour de sa part. Son regard caressait le visage de sa compagne, tandis qu’il reprenait la parole :

« Tu en as peut-être peu, mais ils sont forts, tes arguments. » Preuve en était qu’ils suscitaient chez Abel une capacité de projection qui le poussa à se détacher de ses notes et improviser d’autres images agréables : « Si on avait un bébé, on pourrait l’emmener aux festivals de la Nouvelle-Orléans et au feu d’artifice de fin d’année. Tu te souviens comment Juliette était éblouie par le bouquet final cet hiver ? » La dernière fille de son cousin Léonard, de six mois seulement, avait été si subjuguée par la scène que son père l’avait filmée et la vidéo avait beaucoup fait rire Abel et Isobel. « Il pourrait jouer avec les autres enfants dans le Chaudron quand on viendrait y passer quelques jours. On le retrouverait les mains pleines de sucre des beignets du Café du Monde. » Ils avaient eux-mêmes flâné dans les quartiers et dépensé leur argent de poche à s’acheter des sucreries, plus jeunes, avec leurs amis et cousins. « On l’encouragerait à étudier, point sur lequel Abel savait qu’ils allaient tomber d’accord, tous les deux, que cet hypothétique bébé soit une fille ou un garçon. Il irait dans une grande université, comme ses deux parents. Il y a plein de portes qui lui seraient déjà ouvertes, je pourrais même le former pour reprendre Laveau&Wells si ça l’intéresse. Imagine notre petit bébé à l’agence qui colle des petits arbres sur les maquettes, dit-il avec un léger rire amusé. Mais peut-être qu’il ou elle préférerait danser, comme sa maman. Je me souviens des photos qu’il y a chez ton grand-père, de toi à tes spectacles de danse, tu étais adorable avec tes petits tutus… On pourrait aussi l’emmener avec nous dans nos voyages, ce ne serait pas comme nous quand on était petits et qu’on rêvait de découvrir les Etats-Unis quand on serait plus grand. Là il pourrait voir le monde entier, dès tout petit. »

Abel se laissait emporter dans ses rêveries, un sourire se glissait sur ses lèvres au fur et à mesure que se dessinait ce joli futur. Il s’imaginait vraiment bien dans ce tableau de famille, avec elle, et un ou deux enfants qui leur ressembleraient et les accompagneraient dans leurs activités. Son regard retrouva celui d’Isobel, à nouveau il posa la main sur la sienne, en promettant :  

« Et on garderait du temps pour nous aussi. Je sais que tu aimes nos week-ends de cinéma et de voyages à deux. Moi aussi, j’y tiens et je pense qu’on peut faire en sorte de les préserver. C’est sûr que le rythme serait différent, avec l’arrivée d’un bébé, mais on est pas obligés de devenir le genre de parents qui consacrent chaque minute de leur temps à leurs enfants et qui finissent par se laisser dépasser… On a les moyens d’engager des baby-sitters quand on veut pour profiter de temps pour nous. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeLun 31 Aoû 2020 - 23:02
Isobel eut un sourire de nouveau lorsque Abel déclara qu’il la trouverait toujours aussi belle avec vingt kilos de plus. Elle espérait bien qu’il le ferait, si elle tombait enceinte, c’était la moindre des politesses. C’était plutôt elle qui allait avoir du mal, habituée à sa silhouette, et plutôt ravie de cette dernière. Mais même pour cela, son conjoint avait réponse à tout : il leur suffirait d’engager un coach et hop, problème résolu. Il aurait fait bon communiquant, dans le fond, il savait contrait ce à chaque fois ce qu’elle lui disait. Soit il était très entraîné au débat, soit il avait vraiment très envie d’un enfant. Sûrement les deux.

- Tu t’es bien préparé dis donc, constata-t-elle en secouant la tête.

Elle l’avait peut-être un peu sous-estimé, à faire la fanfaronne. Mais au moins, songea-t-elle, la discussion entre eux était tranquille, presque douce. Elle avait craint que cela ne pèse trop sur leur couple mais tout allait bien pour le moment, ils arrivaient à communiquer. C’était fou quand même. Et plutôt pratique, ils auraient dû commencer à faire cela avant. Ils avaient décidé tous les deux d’aller dans le sens de l’autre en trouvant des arguments pour et contre. Elle-même avait fait l’effort de réfléchir à ce que cela pourrait apporter d’avoir un bébé. Elle était toujours un peu bloquée par sa grande peur, celle de ne pas aimer cet enfant, donc c’était difficile de se projeter avec... Néanmoins, si elle dépassait cela, elle pouvait certainement imaginer des situations positives. Une journée au lac, comme dans sa propre enfance, avec ses grands-parents... Elle pouvait aussi réfléchir de manière un peu théorique à ce qui serait bien pour un enfant. Ou plutôt, ce qu’elle ne voudrait pas faire. Si elle devait en avoir un, elle voudrait qu’il soit bien. Qu’il se sente aimé par ses parents (et cela, elle avait peur que cela coince.) Qu’il se sente apprécié. Elle avait déjà reçu quelques coups, notamment de sa mère, et ça, elle voudrait l’éviter absolument. Ne pas hurler, non plus, comme sa mère le faisait. En somme, si elle devait écrire un mode d’emploi de la maternité ça serait « Tout l’opposé de Sophie Lavespère. »

Abel semblait en tout cas plutôt heureux des arguments qu’elle avait trouvé, il les trouvait même forts. Il s’empressa de rebondir sur son image de leur éventuel enfant au lac Pontchartrain pour en rajouter d’autres. Eux à la Nouvelle-Orléans pour assister aux différentes fêtes qui rythmaient la vie de la ville, eux et leur potentiel enfant devant le feu d’artifice majestueux qui illuminait le ciel le soir de son anniversaire. Il mentionna d’ailleurs la vidéo de sa nièce, qu’ils avaient reçue quelques semaines auparavant. La petite Juliette avait été fascinée par les éclats de couleurs, ses grands yeux ouverts devant ce spectacle. Ils avaient tous les deux pu convenir que c’était fort mignon. Abel enchaîna pour dresser le portrait d’un mini-eux qui vivrait sa vie avec les autres enfants du Chaudron, mangerait des beignets du Café du Monde, comme eux lorsqu’ils étaient enfants... Ces images étaient douces et semblaient certes plaisantes, même si c’était difficile d’ignorer la peur qui l’étreignait. D’accord, la vie avec un enfant pouvait peut-être être agréable, il y avait des choses attendrissantes... Mais est-ce qu’elle était prête ? Abel l’était, il avait pensé à beaucoup de choses, avait même ce qu’on pourrait appeler des principes éducatifs... Il voyait déjà leur enfant dans une grande université, comme eux. Il est vrai qu’elle partageait cette envie, si un jour elle devenait mère : pouvoir offrir à son enfant les chances qu’elle n’avait pas vraiment eues, les chances qu’elle avait dû arracher en s’enfuyant. Il pourrait choisir son destin, il aurait la chance de recevoir une éducation plurielle, avec certes du vaudou mais aussi une ouverture sur le monde pour que tout puisse s’ouvrir à lui, Salem ou le Carré... Ou bien l’agence d’Abel.

- Ah mais c’est donc ça ! Elle venait d’avoir un éclat de rire. Tu veux juste que je te fabrique un petit successeur, c’est ça ? Entends bien qe si jamais nous avons un enfant un jour, je ne vais pas te laisser l’exploiter pour faire tes maquettes, Abel Laveau.

Heureusement, il envisageait également de lui laisser des moments de liberté entre deux collages d’arbres. Isobel avait commencé à danser toute petite, sa grand-mère l’avait inscrite alors qu’elle savait à peine courir. Elle avait poursuivi pendant des années et des années, même après le décès de celle-ci. Son grand-père lui offrait les cours de ballet, deux fois par semaine auprès d’une professeur ukrainienne plutôt irritable. Elle avait continué jusqu’à ses seize ans, s’était interrompue pendant sa fugue puis avait repris sa pratique à la fac. Encore aujourd’hui, elle avait son cours de deux heures du mardi soir auquel elle ne renoncerait pour rien au monde. Elle ne dansait plus en tutu mais certaines photographies subsistaient de cette époque, ce qui poussait visiblement Abel à imaginer un petit-eux reprendre ses chaussons. Au sujet des voyages, elle répondit spontanément :

- Je ne sais pas s’il grandirait aux États-Unis, de toute manière, on ne serait pas obligés de quitter l’Angleterre...

Honnêtement, si elle devait avoir un bébé, elle préférait que ce soit tranquillement ici, loin de sa famille envahissante. Elle n’avait pas envie de leurs regards pour voir si elle allait échouer ou pas ou de leurs multiples conseils. S’ils devaient faire ça, elle voulait faire ça dans un environnement où elle était bien, ce qui n’était pas vraiment le cas du coven. Ils feraient ça tous les deux, Abel et elle, de la manière dont ils voulaient le faire, avec les décisions qu’ils prendraient. Elle imaginait que cela serait déjà suffisamment compliqué sans que tous les Lavespère - et les Laveau - y mettent leur nez. L’idée était terrifiante. Abel, cela le faisait plutôt rêver. Il tendit sa main pour prendre la sienne une nouvelle fois et elle noua ses doigts aux siens, répondant à son sourire. Il avait évoqué spontanément l’un de ses contres, qu’elle n’avait pas encore mentionné. Elle avait peur qu’ils cessent d’être un couple pour n’être que des parents, focalisés sur leur progéniture. Ils étaient bien, tous les deux. Ils avaient leur rythme, leurs projets, leur cocon. Un bébé, cela viendrait forcément perturber tout cela.

- J’aime avoir du temps juste avec toi, oui... Mais si on engage une baby-sitter une fois par semaine, tu sais ce que tout le monde va dire ? Elle fronça les sourcils. Ah, j’imagine déjà la tête de ta mère, elle va me juger.

Est-ce qu’on pouvait vraiment être une bonne mère si on confiait son enfant trop souvent ? Elle ne savait pas tellement. Cela ne collait pas vraiment avec l’image parfaite de la mère au foyer qui donnait tout pour ses enfant. Elle ne serait sûrement jamais cela, même si elle se lançait dans un projet de bébé. Elle ne voulait pas être au foyer, déjà, et elle avait envie de continuer d’avoir une vie à côté. Aller à la danse, voir ses copines, passer du temps en amoureux. Est-ce que c’était véritablement compatible avec un bébé ? Elle s’empressa d’évoquer tout cela.

- Je n’ai pas envie de sacrifier toutes les choses dans ma vie, je veux continuer de travailler, de sortir... Je n’ai pas envie d’arrêter mes loisirs ou qu’on arrête d’avoir des rendez-vous.  Je ne sais pas vraiment si tu peux faire tout cela et être encore de bons parents.

Elle haussa les épaules, baissant les yeux sur une fiche verte, plus vite que les autres.

- Et j’ai l’un des derniers arguments contre... Mais j’ai peur que tu me trouves ridicule, souffla-t-elle. J’ai peur que, si on a un bébé, tu l’aimes tellement que je sois moins importante pour toi...


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeDim 4 Oct 2020 - 20:34
« Loin de moi cette idée » se défendit Abel en souriant, alors que sa compagne l’accusait de vouloir exploiter de futurs enfants.

Il avait plutôt envie de leur transmettre ce qu’il avait appris, ce qui le passionnait. C’était un mot qui se répétait souvent dans sa liste de « pour » : « transmettre ». Il tenait là un principe qui lui tenait à coeur et que son propre père avait investi avec lui. C’était l’acte qui l’attirait, entre autres, dans le fait d’avoir des enfants : transmettre des savoirs qu’il avait accumulés, laisser un héritage derrière lui. En cela, il s’accordait assez bien avec la philosophie d’un coven, malgré le fait qu’il était un homme. Il ne savait pas si ce principe résonnait beaucoup chez Isobel. Pour le moment, elle semblait surtout bloquée sur l’idée qu’elle n’allait pas réussir à apporter ce qu’il fallait à un enfant.

Il hocha brièvement la tête quand elle souligna que leurs futurs hypothétiques enfants n’allaient pas forcément étudier aux Etats-Unis, puisqu’ils seraient peut-être toujours en Angleterre.

« Oui, on verra… »

C’était aussi ce qu’il lui avait répondu quand ils avaient discuté du lieu où ils se voyaient vivre à long terme, au moment où ils avaient décidé d’emménager ensemble. Le coeur d’Abel le portait naturellement à vouloir revenir aux Etats-Unis un jour mais il s’était aperçu qu’il était prêt à se projeter avec Isobel dans une vie en Angleterre, à court et moyen terme et il n’était pas fermé à l’idée que cela puisse évoluer vers du long terme. Il y résidait depuis maintenant deux ans, il y avait installé un des sièges de son agence. Isobel, elle, avait toute sa vie ici. Tant qu’ils revenaient régulièrement aux Etats-Unis, près de leurs familles, Abel y trouvait l’équilibre qui lui convenait.

Il haussa légèrement les sourcils face à l’objection qu’Isobel fit au sujet des baby-sitter, sans comprendre immédiatement :

« Te juger ? Pourquoi ? 
- Je n’ai pas envie de sacrifier toutes les choses dans ma vie, je veux continuer de travailler, de sortir... Je n’ai pas envie d’arrêter mes loisirs ou qu’on arrête d’avoir des rendez-vous.  Je ne sais pas vraiment si tu peux faire tout cela et être encore de bons parents. »

Abel fronça légèrement les sourcils. Le fait de reconvoquer mentalement les modèles de parents qui avaient évolué autour de lui dans leurs familles lui permit de comprendre d’où Isobel tenait cette idée qu’il fallait sacrifier tout son temps à son enfant pour être un bon parent. Face à cet argument, il haussa légèrement les épaules, comme il le faisait devant tout ce qui ne le convainquait pas vraiment :

« Bah… Peut-être que les femmes de la génération de nos parents et grands-parents se sont beaucoup dédiées à l’éducation de leurs enfants mais la société a évolué maintenant. Si je regarde mes amis qui ont des bébés autour de moi, ils sont tous bien contents d’appeler une baby-sitter quand ils ont des choses à faire ou qu’ils veulent passer une soirée en amoureux. Et les femmes reprennent leur travail après leur congé. De toute façon, à priori on va plutôt rester ici en Angleterre, donc ni ma mère ni tes tantes ne sauront ce qu’on fait de notre temps, au pire… »

Les ragots avaient toujours eu peu de prise sur Abel, qui faisait toujours ce qu’il estimait être son bon droit, sans trop se soucier ce qu’on pouvait dire de lui. Or, cela lui paraissait plutôt absurde et irrationnel d’affirmer qu’il fallait s’arrêter de vivre pour être un bon parent. Ce n’était pas le genre de parent qu’il voulait être et il ne le souhaitait pas pour Isobel non plus.

Ce qu’on pourrait dire du fait qu’ils engagent ou non des baby sitter pour leur permettre d’avoir des loisirs était donc environ le dernier de ses soucis. En revanche, son argument suivant fit un peu plus mouche et il perdit sa moue pour poser un regard plus concerné sur sa partenaire qui s’ouvrait à lui. Quelqu’un de plus expansif aurait sûrement répondu « oooh mais pas du tout ma chérie » mais ce ne fut pas le premier réflexe d’Abel. Il contempla plutôt Isobel, prenant la mesure de ce qu’elle lui confiait et réfléchissant à la bonne manière d’y répondre. Il avait déjà pu mesurer combien elle souffrait de ne jamais être assez importante, c’était ce qui était ressorti de leur « conflit japonais », comme ils aimaient l’appeler désormais. Cette crainte qu’elle exprimait était profonde et allait chercher bien au-delà d’un simple besoin de se rassurer.

« Isobel, l’appela t-il doucement, pour qu’elle lève le regard sur lui. Il n’y a rien qui pourrait te rendre moins importante pour moi. Ni la distance quand je pars en voyage… Ni l’arrivée d’un bébé. »

Cette fois-ci, il laissa tomber ses fiches, puisqu’ils avaient cessé depuis quelques minutes de suivre leur copie pour laisser parler leurs coeurs. Il tendit le bras par-dessus la table, recouvrant la main d’Isobel de la sienne.

« Vraiment, si on fonde une famille ensemble, je ne vois pas quel impact cela pourrait avoir sur notre lien, à part le renforcer. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeDim 4 Oct 2020 - 23:42
Abel n’avait pas peut-être pas tort lorsqu’il disait que les générations évoluaient. Isobel avait en tête des schémas plus anciens, comme celui de sa grand-mère. Anne était femme au foyer et s’était consacrée à ses trois filles (et brièvement à un quatrième enfant, un petit garçon qui était mort alors qu’il n’était encore qu’un bébé.) Elle ne pouvait évidemment pas penser à sa mère mais ses tantes Isadora et Caroline avaient tourné leurs vies vers leurs enfants, majoritairement. Isadora travaillait mais à mi-temps. Michelle et Marius avaient été ses priorités pendant longtemps, Isy l’avait toujours vu. Lorsqu’elle était chez eux, le soir après l’école, Isadora prenait toujours le temps de vérifier leurs devoirs. Après le bain, elle démêlait les cheveux épais de Michelle et les tressait avec attention. Cela fascinait la petite fille qu’elle était. Quant à sa tante Caroline, la mère d’Antoine et de Joséphine, elle avait épousé un Jacquet - une famille sorcière plutôt nombreuse - mais non vaudou - qui vivait dans la paroisse de La Fourche, près de Thibodaux. Ils avaient déménagé dans le bayou Segnette et Caroline s’était consacrée à ses enfants également. Elle n’avait pas vraiment de souvenirs de cette dernière en train de faire autre chose que d’aider à la ferme ou de gérer ses enfants. Son mari et elle n’étaient que rarement au Chaudron et Caroline venait en ville uniquement pour ses devoirs au coven ou pour emmener ses enfants à l’école. Plus Isobel y réfléchissait, moins elle voyait d’exceptions à ce mode de vie parmi les autres sorcières du coven. La plupart n’avaient pas de grandes carrières car elles se consacraient au coven et par extension, à leur famille. Il fallait éduquer les jeunes sorcières, participer à l’école du temple, rendre hommage aux ancêtres, s’occuper des cérémonies. Il fallait également s’assurer que leurs moyens de subsistances persistent. En somme, les femmes Lavespère oeuvrait toute la journée pour leur foyer et par association, pour leurs enfants.  

Elle n’avait pas pris la peine de vérifier si ce mode de vie avait persisté tant tout lui semblait inébranlable à la Nouvelle-Orléans. Les mêmes familles, les mêmes traditions, la même dévotion envers la communauté. Tout ce qu’elle avait voulu fuir pour avoir le choix de son avenir, de sa vie. Certaines de ses cousines s’étaient mariées et avaient des enfants, qu’elles élevaient au sein du coven, sans vraiment mener de carrière à côté. Leurs véritables professions étaient d’être des sorcières vaudou, après tout. Même sa cousine Joséphine, qui n’était pas mariée mais mère, consacrait énormément de temps à ses enfants, Isy l’avait vu. Elle travaillait mais elle était souvent avec ses filles. Certes, elle sortait encore s’amuser mais elle avait bien entendu que cela faisait jaser... Mais ce n’était pas vraiment à la Nouvelle-Orléans qu’Abel semblait penser, réalisa Isy alors que son compagnon continuait son propos. Il faisait référence à ses amis, de jeunes parents qui n’hésitaient pas à continuer de sortir en faisant venir une baby-sitter et qui ne se définissaient pas par leur parentalité. Des parents qui avaient des carrières, des aspirations en dehors du foyer familial. Spontanément, réalisa-t-elle, elle s’était positionnée par rapport au coven et à sa famille mais... Elle n’avait pas forcément à le faire. Il avait raison, ils étaient loins du regard sévère d’Adeline Laveau ou de ses tantes. S’ils devaient un jour avoir un bébé, elle serait plutôt libre de le faire comme elle le souhaitait et de suivre un autre chemin que celui qui s’imposait avec le coven... Il est vrai qu’elle imaginait mal ses amies plutôt libérales la juger parce qu’elle osait encore s’accorder une soirée à deux après la naissance d’un enfant. Elle serait plutôt du genre à la juger si elle ne le faisait pas, d’ailleurs...

Songeuse, Isobel réalisait doucement que toutes ses idées sur la parentalité et la maternité étaient conditionnées par le reste de sa famille. Parce qu’elle avait vu sa propre mère s’y briser les dents en lui disant à quel point c’était horrible et difficile et la pire chose à faire ; parce qu’elle avait vu ses tantes et beaucoup d’autres femmes de sa famille être des mères entièrement consacrées à leurs enfants, sans autre bouffée d’oxygène. Elle avait face à elle des standards difficiles à atteindre. Elle avait l’impression qu’elle n’aurait jamais assez d’amour pour aimer un enfant comme le faisaient ses tantes ou sa grand-mère. Elle savait également qu’elle ne pouvait pas se permettre de se tromper si elle faisait un bébé, parce qu’elle avait vu avec Sophie les dégâts que cela avait causé. Alors quoi ? Est-ce qu’il y avait moyen de faire autrement ? De décider de faire complètement différemment, loin de tout cela, loin de leurs familles respectives, tous les deux ? De s’accorder sur ce qu’ils voulaient tous les deux, sur les parents qu’ils voulaient être, la mère qu’elle aurait aimé être si un jour elle le devenait ?

Toutes ces questions étaient vertigineuses et effrayantes. Ce qui la terrifiait, c’était qu’il n’y avait pas de marge d’erreur : les conséquences s’ils se trompaient seraient terribles. Elle pourrait rendre un enfant malheureux parce qu’elle n’avait pas de quoi l’aimer. Ou bien cela pouvait nuire à leur relation de devenir parents, ce qui était également une crainte qu’elle avait. Abel avait gardé le silence quelques secondes avant de lui répondre. Le coeur d’Isobel avait accéléré. Il prononça doucement son prénom et elle releva les yeux vers lui, inquiète. Son ton fut doux et ses paroles rassurantes. Ce n’était pas la première fois qu’il lui disait que rien ne changerait ce qu’il ressentait pour elle et elle avait véritablement envie de le croire. Il attrapa sa main, soulignant même qu’avoir un bébé ne pourrait que renforcer leur lien. Elle noua ses liens aux siens et se sentit obligée de lui dire :

- J’ai lu des choses sur le fait que la première année qui suit la naissance d’un enfant est très difficile pour un couple... des gens se séparent parce qu’ils n’arrivent pas à le gérer. On ne serait plus que tous les deux, on aurait une autre personne entre nous qui prendrait toute la place... Les études disent que 60 à 80 % de couples vivent une très forte insatisfaction dans les deux années qui suivent la naissance. Ça me fait peur pour nous, moi, je n’ai pas envie qu’on fasse un bébé pour ensuite se séparer...

Soupirant, elle eut un regard pour ses fiches pleines de chiffres. Lâchant soudain la main d’Abel, elle se leva et contourna la table pour se rapprocher de lui. Doucement, elle prit son visage entre ses mains, effleurant sa pommette du pouce. Ils se contemplèrent quelques secondes avant qu’elle ne lui donne un long baiser. Lorsqu’ils se séparèrent, elle ne s’écarta pas véritablement.

- J’aurais très envie de pouvoir te dire oui, Abel, murmura-t-elle. J’aimerais bien que ça soit facile, être le genre de femme qui a toujours su qu’elle en voulait et qu’on puisse faire cela tous les deux. Mais ça me fait très très peur, pour plein de raisons... Et je ne sais pas si je pourrais un jour cesser d’avoir peur.

Elle caressa doucement sa joue un peu râpeuse, ses yeux inquiets s’égarant sur ses traits qu’elle aimait tant.

- Mais je veux bien essayer de travailler sur cela. Je veux bien essayer d’avoir moins peur de certaines choses, essayer de voir les côtés positifs de tout cela... Je veux bien essayer d’imaginer ce que serait notre vie si on avait un petit bébé à nous.

Peut-être que si elle arrivait à résoudre certaines angoisses, tout cela ne lui semblerait plus si insurmontable. Peut-être qu’Abel avait raison, qu’elle avait juste peur de l’inconnu. Elle avait eu peur de sortir avec lui et pourtant aujourd’hui, cette décision la rendait heureuse comme jamais. Elle voyait toujours le plus sombre dans toutes les situations, elle imaginait souvent les pires scénarios. La maternité la terrifiait, véritablement. Mais peut-être qu’elle pouvait rendre cela moins effrayant en essayant de se projeter, en réglant peu à peu les différentes objections qu’elle pouvait avoir. Peut-être qu’elle pourrait inventer une potion d’amour maternel pour sécuriser le truc, elle ne savait pas trop encore. Mais elle savait, elle sentait, à quel point c’était important pour Abel. Alors elle voulait bien essayer. Elle ne pouvait pas lui dire véritablement non sans avoir essayé. Elle ne pouvait pas fermer la porte à cette idée uniquement parce qu’elle était terrifiée. Après tout, elle s’était toujours vantée d’être plus courageuse que cela. Elle était l’adolescente qui avait quitté son foyer sans se retourner, sans rien, à l’âge de seize ans. Ça, c’était terrifiant aussi. Et elle l’avait réussi. Elle pouvait bien tenter de réussir quelque chose d’autre.

- Je ne te promets rien, je ne peux pas t’assurer que dans un mois, six mois, un an, je serai prête et que je te dirais un beau matin « allez, faisons un bébé. » Mais je veux bien qu’on essaye d’imaginer ce que ça serait...


« I never knew you were the someone waiting for me »
Abel Laveau
Abel LaveauArchimage urbaniste
Messages : 439
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeMar 13 Oct 2020 - 22:41
Abel pouvait presque entendre Isobel cogiter à l’autre bout de la table, tant elle semblait prise dans ses pensées. Il voyait un pli soucieux se former entre ses sourcils, son regard s’agiter de doutes, ses mains se toucher avec nervosité. Ce sujet ne la laissait pas du tout indifférente, Abel voyait bien qu’ils effleuraient des points sensibles chez elle, que peut-être, elle n’avait jamais beaucoup approchés jusque là. Il la laissa prendre son temps pour en prendre conscience, attendit patiemment qu’elle réagisse à ses dernières paroles, qu’il avait sincèrement exprimées dans une volonté de la rassurer. Il raffermit l’emprise de leurs mains quand elle noua ses doigts aux siens, comme pour l’encourager à parler. A nouveau, elle exprima des inquiétudes, face auxquelles il se garda de trop répondre :

« On sera peut-être dans les 20% qui ne traversent pas cette phase… »

Abel sentait, qu’au fond, il pouvait dire ce qu’il voulait, Isobel aurait toujours une autre crainte à exprimer, tout simplement parce que l’idée fondamentale de la maternité semblait énorme à appréhender pour elle. Il ne s’attendait pas à éliminer ses doutes chez elle en une seule discussion, il ne savait même pas s’il pouvait espérer en venir à bout un jour. Leur échange lui avait fait prendre conscience de certaines choses, lui aussi, notamment le fait que les retenues d’Isobel avaient des origines très profondes et multiples, que s’ils voulaient en venir à bout, ce serait un long travail de leur part à tous les deux. Il avait aussi compris que peut-être, l’issue de ce travail serait pour lui de devoir se résigner et abandonner l’idée de fonder une famille avec elle. Cette perspective lui faisait peur, pour être honnête. Il se sentait assez fort pour accompagner Isobel dans son cheminement, mais il ne savait pas s’il l’était assez pour renoncer à ce désir de paternité qu’il avait toujours eu.

Lui aussi, il allait devoir prendre le temps de réfléchir.

Il fut tiré de ses pensées par la main d’Isobel qui se posa sur sa joue et le long regard qu’ils échangèrent, comme s’ils prenaient tous les deux conscience de l’importance de ce qui se jouait entre eux. Son baiser fut une promesse de sa présence envers et contre tous les obstacles qu’ils devaient franchir et Abel s’y accrocha longuement, en attrapant sa main dans la sienne. Quand elle se détacha, Isobel posa exactement les mots sur les perspectives qu’ils sentaient tous les deux se dessiner : un « peut-être », un « essayons, sans nourrir de faux espoirs ».

Malgré l’anxiété que cette conclusion souleva dans son estomac, Abel lui fut reconnaissant d’être totalement honnête avec lui. Il pressa sa main dans la sienne, comme un remerciement silencieux.

« Je ne te demande rien de plus, assura t-il, son regard planté dans le sien. Je veux juste qu’on explore ensemble cette possibilité… Et j’ai bien compris que ça terminera peut-être par un renoncement. Moi aussi, je vais travailler pour accepter ça, de mon côté. Mais je suis d’accord avec ce que tu dis, je veux qu’on essaye de se projeter, qu’on voit si on peut trouver dans ce projet de famille un avenir qui nous convienne à tous les deux. »

Une certaine émotion le prit, signe que cette discussion lui tenait vraiment à coeur et avait ébranlé des points sensibles chez lui également. Il se leva de sa chaise, pour pouvoir se mettre à la hauteur d’Isobel et l’attirer doucement dans ses bras. Plus que jamais, il avait besoin de sentir sa présence, de se raccrocher à l’idée que cette nouvelle épreuve dans leur couple n’allait pas les séparer et qu’ils sauraient trouver des solutions, comme ils avaient pu le faire avec leur dernier conflit qui avait failli briser leur relation. Depuis, ils avaient fait d’énormes efforts pour mieux communiquer, mieux prendre en compte leurs désirs et ressentis, ce qui portait déjà des fruits aujourd’hui. Cette pensée lui tira un léger sourire, qui le réconforta un peu.

« Je suis vraiment content que tu m’aies dit tout ça, Isobel. On a fait des progrès, c’est fou... Je retiens la liste des pour et contre comme technique pour désamorcer nos conflits, ça marche très bien. »

Il se détacha légèrement, juste assez pour pouvoir poser ses lèvres sur les siennes et lui dire cette phrase qu’il ne lui disait pas assez souvent, mais qui semblait essentielle et lourde de sens à cet instant :

« Je t’aime. »


Abel Laveau
« We were just kids when we fell in love, not knowing what it was »
Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
Messages : 1166
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitimeSam 7 Nov 2020 - 1:54
Isobel se doutait bien que ses paroles ne devaient pas être très agréables à entendre pour Abel. Elle avait essayé d’être honnête, d’exprimer au mieux ce que l’idée d’avoir un enfant lui évoquait. Dans le fond, si elle y réfléchissait bien, elle aurait bien aimé que les choses soient différentes. Elle aurait bien aimé faire partie de ces femmes qui avaient très envie d’être mères et qui auraient été ravies que leur compagnon aborde le sujet. Elle aurait aimé faire partie de ses copines, celles qui savaient depuis des années qu’elles en voulaient et semblaient très douées à cela. Chez certaines, cela semblait presque naturel. Elle savait très bien qu’avoir des enfants n’était pas une obligation, qu’être une femme ne voulait pas dire être une mère mais elle avait l’impression qu’il y avait quelque chose d’étrange chez elle. Dans le fond, elle était un peu triste d’imposer cela à Abel. Elle ne savait pas s’il lui en voulait, il n’en n’avait pas l’air... Mais peut-être qu’il finirait par lui en vouloir, si cette envie ne lui venait jamais. Peut-être que ce problème finirait par les séparer. Cette pensée faisait naître en elle beaucoup d’angoisse. Elle avait l’impression que chez lui aussi. Il lui assura d’ailleurs que tout ce qu’ils souhaitaient, c’était qu’ils en discutent, qu’ils prennent le temps de leur côté d’étudier toutes les possibilités.

Elle allait se renseigner sur la maternité, lire des choses, tenter de se projeter, tenter d’identifier ses peurs au mieux et peut-être ce qu’elle pourrait faire pour les résoudre... Et lui, il allait travailler sur lui pour envisager un éventuel renoncement. Envisager qu’ils ne seraient peut-être jamais parents ensemble. Qu’il ne serait peut-être jamais père. Elle ne savait pas si cette idée était possible pour lui, s’il l’aimait assez au point de renoncer à cela pour elle. Elle trouvait cette idée bouleversante. Il l’aimait, elle le savait, tout comme elle l’aimait. Mais peut-être qu’il n’avait pas envie de renoncer à cet idéal de vie pour elle, comme elle ne parviendrait sûrement pas à devenir mère juste pour lui, si elle ne le souhaitait pas vraiment en son coeur... L’émotion était vive entre eux. Abel se leva pour la serrer dans ses bras, fort, signe que cette discussion le troublait lui aussi. Elle lui rendit son étreinte, enfouissant son visage contre lui. Elle l’aimait si fort. Elle n’avait pas envie de le perdre, elle n’avait pas envie qu’ils se séparent, que leurs projets de vie ne se retrouvent pas. Son projet de vie, à elle, c’était d’être avec lui, tout simplement... Sa voix grave résonna contre son oreille alors qu’il reprenait la parole, sans se détacher d’elle.

- Effectivement, souligna-t-elle avec un peu d’humour, on ne s’est pas sauté à la gorge, grand progrès.

Pourtant, c’était leur grande spécialité avant. Cette discussion aurait pu mal tourner mais ils avaient su s’écouter et entendre le point de vue de l’autre. Ils avaient effectivement beaucoup progressé. Elle n’avait pas envie que tout cela s’arrête, elle n’avait pas envie que cette histoire de bébé mette fin à leur couple. Comme s’ils avaient eu la même pensée au même moment, il se pencha vers elle pour l’embrasser. Elle lui rendit son baiser et un sourire, alors qu’il lui soufflait ces mots qu’elle aimait tant entendre.

- Moi aussi. Plus que tout au monde.

Elle glissa ses bras autour de son cou pour lui voler une autre étreinte et un nouveau baiser, puis un autre et un autre. Elle finit par caresser sa joue avec douceur et souffla, avec un sourire.

- On sort bruncher ? Je t’invite.


FIN DU RP


« I never knew you were the someone waiting for me »
Contenu sponsorisé
Profil Académie Waverly
Pour ou contre ? [Isobel & Abel] Icon_minitime