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To build a home [Abel]

Isobel Lavespère
Isobel LavespèreChargée de communication
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To build a home [Abel] Icon_minitimeLun 3 Aoû 2020 - 23:10
8 février 2011

Les allées de la boutique de Juliettes Interiors à Fulham étaient feutrées, la moquette amortissait les pas vagabonds des clients qui se promenaient dans les différents espaces. Isobel avait mis dans son panier un beau coussin de velours sur lequel elle avait craqué, même si elle ne savait pas encore précisément où elle allait le mettre. Abel et elle vivaient depuis quelques semaines dans leur nouvel appartement et elle était ravie : elle passait sa vie à penser leur aménagement. Aujourd’hui encore, ils se promenaient tous les deux, officiellement pour terminer d’aménager la chambre d’amis, officieusement pour acheter de la déco. Son regard fut attiré par une paire de vases, posés sur une commode en bois sombre, et elle en souleva un, par curiosité, afin de voir le prix. La petite étiquette collée dans le fond lui fit écarquiller les yeux et elle le montra à Abel, avec un haussement de sourcils qui voulait tout dire. Elle le reposa soigneusement, histoire de ne pas éclater trois cent cinquante livres sur le sol, et glissa ses doigts entre ceux de son petit-ami, alors qu’ils avançaient tranquillement dans la boutique. L’espace salle à manger s’ouvrait devant eux et elle aperçut une chaise très peu à son goût, qui trônait près d’une imposante table en marbre.

- Ah bah tiens !

Elle s’y installa, calant son dos et croisant ses jambes.

- C’est bien, ça, pour ton bureau. C’est très sobre.

Elle eut un sourire un peu moqueur. Ce n’était même pas confortable.


 


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Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 15:27
Le regard d’Abel se baladait le long des meubles de bois vernis, ornés de dorures pour certains, des tissus de velours des rideaux et des coussins, du verre poli et brillant des vases, dans une atmosphère propre aux boutiques de luxe : un reposant silence, une relative solitude dans ces espaces suffisamment grands et peu fréquentés pour qu’Abel ait largement son espace vital pour marcher en paix. Isobel semblait s’y plaire aussi, il la voyait se pencher régulièrement des articles, et n’avait pas été étonné de la voir attraper un coussin. Il savait qu’elle avait une véritable passion pour ces objets de décoration pour en avoir plus qu’un lit ne pouvait contenir dans le studio qu’elle occupait à Oxford avant qu’ils n’emménagent ensemble.

Ils avaient pris ensemble cette heureuse décision, assez naturellement après son retour du Japon, en se rendant compte qu’ils passaient littéralement tout leur temps chez l’un ou chez l’autre. Peut-être précisément à cause de son éloignement de plusieurs mois, ils avaient eu cette envie de se retrouver pleinement et de s’engager dans un projet commun. Ils avaient passé beaucoup de temps à choisir un appartement qui leur conviendrait à tous les deux, dans un quartier aisé de Londres, et ils passaient tout autant de temps à aménager leur intérieur depuis qu’ils y étaient installés, passionnés tous les deux de jolies choses.

Toutefois, tout millionnaire qu’il était, Abel avait certaines limites, notamment celle de ne pas dépenser des milliers de livres dans des objets qui n’en valaient pas le prix ou qui étaient parfaitement laids. La chaise qui attira le regard d’Isobel était un parfait exemple qui illustraient ces deux aspects, Abel s’en rendit vite compte en s’approchant. Il saisit le ton moqueur dans la voix d’isobel qui le taquinait et à l’instant où il s’apprêtait à répondre pour donner son véritable avis, il décida de changer de cap, sournoisement, sans que rien ne se lise sur son visage égal à lui-même : calme et flegmatique.

« C’est vrai que ça irait très bien. Peut-être pas cette couleur, nuança t-il pour plus de réalisme, mais j’aime beaucoup la gradation sur le siège, c’est élégant. »

Il attrapa l’étiquette, et ne laissa rien paraître de ce qu’il pensait de ce chiffre parfaitement exorbitant, affirmant même tout le contraire :

« C’est pas si cher en plus pour une chaise de cette qualité. »


Abel Laveau
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Isobel Lavespère
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 19:10
Le dos très droit contre le dossier épais de la chaise, Isobel avait le visage relevé vers Abel, attendant son commentaire narquois. Ils avaient des goûts plutôt similaires et parvenaient toujours à s’entendre - jusque là - en matière de décoration pour leur nouveau foyer. Pourtant, son petit-ami n’eut pas de remarque un peu moqueuse ou de commentaire narquois, non. Il s’approcha de la chaise, qu’il observa avec attention, avant de déclarer qu’elle lui plaisait bien. Les yeux d’Isy s’écarquillèrent. Ah, il trouvait ça élégant. Sa petite blague tombait à l’eau, c’était un peu gênant. C’était également un peu embarrassant d’imaginer cette assise chez eux, quand bien même elle serait cachée dans le bureau d’Abel. En plus, il aimait beaucoup. Pourtant, il n’était pas vraiment du genre à s’enthousiasmer pour rien. « Aimer beaucoup », en Abel, c’était presque un coup de coeur. Isobel avait gardé le silence quelques secondes et, pour éviter de le vexer, hocha la tête pour sortir une platitude.

- Ah bah c’est, euh, design.

Design moche, mais design... Abel se pencha pour saisir l’étiquette entre ses doigts fins et elle pencha la tête pour apercevoir le prix, à quatre chiffres. Pas si cher ? C’était le prix de l’un de leurs week-ends en Europe, lorsqu’ils s’envolaient pour quelques jours dans un bel hôtel quatre étoiles, justement, et enchaînaient les restaurants. Elle aurait largement préféré repartir en Corse, à Paris ou à Barcelone, pour ce prix-là, plutôt que d’avoir une chaise boudinée et rose claire. Une chaise « cuisse de Mildred », à défaut d’être cuisse de nymphe...

- C’est fait en Italie... concéda-t-elle à contrecœur, plutôt que de dire le fond de sa pensée (« Cette chaise est immonde, Abel, voyons. ») Elle glissa ses doigts entre les siens, comme pour l’éloigner de l’objet du délit. Mais je suis sûre qu’on peut trouver une plus confortable pour ton dos, non ?

Elle se souciait uniquement de sa santé, c’était pour cela.
 


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Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 19:41
Abel dut contenir le sourire qui menaçait de poindre en voyant la manière dont Isobel répondait, reconnaissant bien là ses arts de communicante. Ne jamais dire le fond de sa pensée face à quelqu’un en désaccord, mais plutôt le mener subtilement vers une autre voie, ce qu’elle fit en concédant quelques remarques positives sur la chaise en question, avant de le pousser à reconsidérer son choix sans remettre en question l’avis qu’il exprimait. Isobel ne voulait clairement pas de cette chaise dans son intérieur et comment l’en blâmer ? Elle était hideuse. Pourtant, Abel poussa son jeu un peu plus loin en renchérissant, de son ton tranquille :

« Oh mais je la trouve confortable, moi. Regarde, c’est rembourré en mousses de différentes densités pour plus de confort. »

Il désigna la plaquette qui décrivait le produit avec force métaphores douteuses. Désireux de voir jusqu’où Isobel irait, il ajouta en se tournant vers elle pour lui faire une proposition tout à fait sérieuse :

« Je pense même que ça serait très bien dans notre salle à manger. »

Et hop, les quatre mille livres sterling à multiplier par six dans leur tête.


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Isobel Lavespère
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 21:11
Malheureusement, sa tentative de diriger son petit-ami vers une assise plus confortable pour son dos, lui qui passait tant de temps à dessiner, ne fut pas très efficace. Visiblement, la chaise-boudin lui correspondait parfaitement. Il lui désigna même les mousses de différentes densités, comme indiquées sur la notice. Isobel hocha la tête, émettant un « Huuum » peu convaincu. Si Abel voulait vraiment cela pour son bureau, elle ne pouvait pas vraiment l’en empêcher : il fallait voir le bon côté des choses, elle ne l’aurait pas sous les yeux en permanence. Elle pourrait donc éviter de penser à ces boudins de chair compressés les uns contre les autres. Mais visiblement, le nouvel amour design d’Abel ne pouvait pas être contenu à une seule pièce de leur grand appartement, non. Il voulait le montrer au monde entier. Sa suggestion d’en faire leurs chaises de salle à manger fit naître une expression inquiète sur son visage. Vingt-quatre mille livres pour avoir ça dans sa salle de réception ? Hors de question.

- Je ne suis pas certaine que ça aille avec la déco... Et en plus Sorbier va sûrement faire ses griffes dessus...

En tout cas, si cette horreur passait les portes de son appartement, il avait intérêt de le faire s’il voulait sa petite friandise quotidienne.
 


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 21:47
Abel pouvait presque entendre le cerveau de sa petite amie réfléchir à comment se sortir de ce mauvais pas dans lequel il l’avait placée. C’était un peu vil de sa part, mais assez divertissant, il devait le dire. Elle s’en sortait bien, en plus, trouvant des arguments qui auraient pu faire mouche… Ou pas. Car quand Abel avait une idée en tête, il était très difficile de l’en éloigner.

Isobel le savait mais elle ne lâchait pas le morceau. L’idée de payer des milliers de livres pour mettre une horreur dans leur pièce de vie où ils allaient recevoir des invités devait être trop difficile à avaler pour qu’elle ne tente pas de s’en sortir. Abel décida de faire cesser ce trollage dans les règles en percevant le brin d’inquiétude dans la voix de sa compagne -à moins que ce n’était la silhouette d’une vendeuse qu’il percevait plus loin s’approcher d’eux. Il valait mieux qu’ils ne restent pas trop longtemps à proximité de ce siège horrible s’ils ne voulaient pas paraître pour des clients potentiels.

Il posa son regard sur Isobel, un regard qui pouvait paraître impassible si on ne faisait pas attention à la petite lueur de malice qui brillait au fond :

« Je plaisante. »

Quelque chose qui ne lui arrivait assez peu souvent pour qu’on ne le voie pas venir quand il le faisait, surtout quand il gardait ce ton pince-sans-rire. A voir l’expression d’Isobel, toutefois, il ne put retenir un sourire sur ses lèvres. Vraiment c’était hilarant, ça ne se voyait pas trop sur son visage, mais il s’amusait beaucoup. Il s’approcha d’elle, en glissant une main derrière sa taille pour l’entraîner plus loin.

« Allez, éloignons-nous avant qu’une vendeuse essaye de nous vendre vraiment cette horreur. »
Isobel Lavespère
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 22:22
Isobel avait commencé à réfléchir à un plan d’ultime recours, c’est-à-dire à comment exprimer poliment à Abel qu’il avait des goûts hideux en matière de choix de chaises, tout en précisant que cette horreur à quatre mille livres ne passerait jamais le seuil de leur appartement. Mais le regard qu’il posait sur elle changea légèrement et elle le connaissait assez pour savoir ce que cela voulait dire. Il se foutait d’elle. Il l’avoua d’ailleurs, en glissant qu’il plaisantait. Un grand sourire naquit sur les lèvres d’Isy, soulagée et amusée. Elle lui donna un petit coup avec la main sur le torse, faussement outrée.

- Mais tu n’es qu’un enfant, sérieux.

Sa mine amusée ne la quittait pas. Il savait parfaitement comment la mener en bateau, toujours inébranlable. Il eut un grand sourire aussi et Isy eut un petit rire, secouant la tête. Il glissa sa grande main sur sa taille et elle reprit son panier avec son coussin dedans, désireuse de s’éloigner de cette horreur avant qu’effectivement, quelqu’un du magasin essaye de leur faire acheter.

- Tu mériterais que je te l’offre pour ton anniversaire, affirma-t-elle alors qu’ils remontaient les allées. Bon, c’était un peu trop cher pour faire la blague, tout de même. Viens, on paye, je veux essayer une autre boutique, j’y ai vu des lustres.

Ils passèrent en caisse pour régler son coussin, qui fut soigneusement emballé dans du papier de soie, et sortirent tous les deux dans le froid rigoureux de ce mois de février. La prochaine boutique n’était pas très loin dans la rue mais Isobel lambinait, comme à son habitude, observant avec attention toutes les vitrines, main dans la main avec Abel. Ils finirent par arriver à destination, une jolie petite adresse à la porte jaune, qui tinta alors qu’ils entraient. Comme tous les magasins d’ameublement, tout était un peu chargé, rempli d’objets en tout genre. Ils passèrent tranquillement dans la zone des salons - et elle se retint d’aller voir les coussins - des chambres (mais c’était la pièce qu’ils avaient terminé en premier chez eux) et étaient en train de traverser les nurseries et chambres d’enfants quand une babiole attira son regard.

- Oh, attends.

Elle quitta l’allée principale pour entrer dans ce monde de petits meubles de bois, de tapis moelleux, de peluches mignonnes et de veilleuses apaisantes. Elle désigna justement l’une d’entre elles, en forme de baleine, qui visiblement pouvait projeter des constellations au plafond. L’une de ses collègues attendait un bébé et partait bientôt en congé maternité.

- Ça serait bien pour un cadeau de naissance, ça, non ?

 


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMar 4 Aoû 2020 - 23:26
La réaction de sa petite amie tira un léger rire à Abel, qui sonna comme une confession. Oui, il pouvait être un enfant parfois, et elle était bien l’une des rares personnes à avoir des occasions de le voir. Mais pour rendre les choses plus justes, il n’était pas le seul, ils eurent tous les deux l’air d’adolescents en fuite quand ils faussèrent compagnie à la vendeuse qui s’approchaient d’eux, pour ne pas avoir à se confronter à elle et devoir lui répondre comme deux adultes que cette chaise ne les intéressait vraiment pas.

« Vraiment, ne te donne pas cette peine, on risque d’en pleurer tous les deux » répliqua t-il quand Isobel menaça de lui en faire un cadeau pour son anniversaire.

Sans broncher, il l’accompagna jusqu’aux caisses puis la suivit à l’extérieur, en la laissant guider la marche vers la boutique qu’elle avait repérée. Le froid piquait leurs joues mais ce n’était pas désagréable : Abel avait toujours aimé cacher son visage dans une grande écharpe autour de son cou. L’effet des quelques années passées à Salisbury, sans doute.

La boutique dans laquelle ils pénétrèrent était moins brillante et luxueuse que celle qu’ils venaient de quitter, ce qui n’était pas forcément pour déplaire à Abel. Les modèles exposés lui semblaient plus chaleureux, plus sobres, tout en restant élégants, ce qui correspondait bien plus à ses goûts personnels. Isobel semblait savoir où elle allait, alors Abel la suivit sans trop vagabonder, si ce n’était avec ses yeux. Mais à sa grande surprise, ce fut dans le rayon des affaires pour enfants qu’ils s’arrêtèrent.

Interloqué, il la vit attraper une veilleuse, alors qu’elle avait évoqué des lustres, en se demandant aussitôt s’il y avait eu une naissance chez les Lavespère dont il n’était pas au courant. Il prit l’objet qu’elle lui tendit pour le faire tourner dans ses mains.

« Oui… C’est mignon » reconnut-il.

Les couleurs étaient toutes douces, même la texture de l’objet était agréable. Poussé par sa curiosité, Abel demanda :

« C’est pour qui ? »

Puisque Isobel cherchait un cadeau, il essaya de l’aider en regardant les rayons à son tour. Difficile de choisir, se rendit-il aussitôt compte. Environ tout était mignon. Une pensée lui traversa l’esprit en attrapant un petit serpent en peluche, qui rendait indécemment mignonne une créature pas vraiment recommandable.

« Je devrais peut-être en chercher un pour le bébé de Connor, tiens… Tu sais, celui qui est né le mois dernier. J’ai rien pris encore parce que je vais pas retourner aux Etats-Unis tout de suite mais bon, puisqu’on est là… »

Un de ses proches amis qu’il avait gardé de la fac leur avait récemment annoncé la naissance de son premier enfant, dont Abel avait montré quelques photos à Isobel. Cette heureuse nouvelle l’avait ravi, autant que cela lui avait mis un petit coup. Dans leur bande d’amis, à part Isaac et lui, ils étaient tous casés et parents… Ce qui était assez attendu, à leur âge.

« Je sais pas si c’est mieux d’offrir un jouet ou un vêtement… » fit-il en attrapant d’un côté un adorable bonnet de nuit avec des oreilles de panda et de l’autre un hochet en bois soigneusement taillé.


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 0:01
Isobel sourit devant la manière qu’eut Abel de faire tourner la veilleuse entre ses mains, comme pour l’observer avec attention. Il était toujours précautionneux dans tout ce qu’il faisait, c’était adorable. Il finit par rendre son verdict : la baleine était mignonne. Mais est-ce que c’était vraiment le genre de cadeau que voulait une jeune maman ? Et si elle possédait déjà une veilleuse ? Un peu pensive, Isy reposa le petit objet sur son étagère, sans pour autant l’exclure de son esprit.

- Une de mes collègues, qui part en congé maternité à la fin du mois, je voulais lui offrir un petit truc...

Malheureusement, elle n’était pas spécialiste des cadeaux de naissance, elle aurait dû demander conseils à ses quelques autres collègues qui faisaient déjà partie de la secte des parents. Elle commença à parcourir les rayons avec attention, découvrant des choses dont elle ne soupçonnait pas l’existence, comme des tapis d’éveil et des balles de préhension en coton biologique. Il y avait plein de jolies choses, mais cela ne l’aidait pas à se décider. Elle se retourna en entendant la voix de son petit-ami, qui songeait lui-aussi à offrir un cadeau à son vieil ami Connor, dont la femme venait d’accoucher. Le serpent qu’Abel avait dans les mains tira un sourire à Isobel.

- C’est un serpent indécemment mignon, ça, commenta-t-elle en observant la peluche. Elle avait une petite langue fourchue qui dépassait. Tu vois, c’est ça qu’il faut offrir à un enfant, un doudou original. Pas un petit ours ou un lapin, non, un serpent ou je ne sais pas, une chauve-souris.

C’était le symbole de sa famille et son Patronus dans le même temps. Au moins, l’enfant les découvrait dès le berceau. En plus, le serpent lui faisait penser à ce mythe d’Hercule, qui avait tué des couleuvres ou des vipères en étant bébé, elle ne savait plus. Elle observa Abel qui attrapait un petit bonnet de nuit avec des oreilles - c’était mignon mais est-ce que les petits avaient véritablement besoin de porter un bonnet la nuit ? - et un hochet, visiblement aussi hésitant qu’elle.

- Je ne sais pas, ils ont fait une liste de naissance peut-être ? Je ne sais pas vraiment ce que tu dois avoir pour un nouveau-né, je ne me suis jamais posé la question...


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Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 0:38
« Une chauve-souris hein… Je suppose que tu dis ça tout à fait au hasard » répondit Abel avec un sourire en coin, avant de reposer le serpent en peluche.

Peut-être que eux, héritiers de familles de sorcières vaudous, ne voyaient aucun souci dans le fait d’offrir ce genre de peluches à des bébés, mais Abel était à peu près sûr que la plupart des parents préféraient les choix classiques que dénonçait Isobel. En tout cas, une peluche restait un choix sûr, un cadeau qui pouvait plaire à coup sûr mais qui pouvait aussi être l’énième d’une longue liste : en somme, pas très original. Abel reporta donc son attention sur d’autres objets qui lui paraissaient utiles ou un peu loufoques. Il ignorait totalement qu’il existait des petites poubelles spécialisées pour les couches et il les désigna à Isobel, avec son ton pince-sans-rire :

« Est-ce que tu crois que c’est une nouvelle forme de tri sélectif ? »

C’était une plaisanterie à moitié sérieuse car au fond, cela faisait sens de ne pas mélanger des couches sales qui allaient embaumer la pièce à chaque fois qu’on soulèverait le couvercle de la poubelle pour jeter une peau de banane. Et la forme semblait spécialement élaborée pour accueillir des couches. Intéressante invention. Abel reporta son esprit curieux sur d’autres marchandises, quand Isobel fit une remarque qui l’interpela.

Elle ne s’était jamais posé la question. Malgré lui, Abel ne put s’empêcher d’interpréter cette information un peu autrement. Elle ne s’était jamais posé la question tout simplement parce qu’elle n’avait jamais songé à avoir un bébé. Et c’était logique : du propre aveu d’Isobel, il savait qu’elle n’avait pas eu de relations longues et sérieuses avec des hommes avant lui. C’était difficile de se projeter dans un rôle de mère dans ces conditions. D'un autre côté, le fait d’être célibataire n’avait jamais empêché Abel de penser à une éventuelle paternité, même s’il l’associait toujours à la présence d’une compagnie à ses côtés. Il n’y pensait pas tous les jours mais… Parfois, quand l’occasion se présentait, quand il rencontrait un bébé, qu’il voyait des proches être entourés de leurs enfants.

Avec beaucoup de curiosité, mais aussi avec une certaine timidité et appréhension, Abel rebondit par une question, sur un ton plutôt léger pour une conversation paradoxalement sérieuse :

« Tu ne t’es jamais posé la question parce que tu n’en as pas eu l’occasion ou parce que… Tu n’en as jamais eu envie ? »


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 14:01
- Parfaitement au hasard, confirma Isobel au sujet de la chauve-souris.

Pour la prochaine naissance dans la famille, elle chercherait une peluche chauve-souris tiens. Cela serait un peu mignon et peut-être que cela montrerait à ses cousins et cousines qu’elle était de bonne volonté, même si elle ne savait pas trop comment l’exprimer. En tout cas, il n’y en avait pas ici, malgré l’impressionnant étalage de meubles et objets pour les bébés. Cela devait être un sacré budget d’en avoir un quand même. Il fallait investir dans plein de nouveaux objets, visiblement, même des nouvelles poubelles, qui avaient l’air de grandement inspirer Abel. Sa petite remarque la fit rire mais elle se garda bien de débattre sur l’utilité ou non d’une poubelle à couches, un peu dégoûtée par l’idée. La litière de son chat était ensorcelée et auto-nettoyante, cela lui évitait de devoir composer avec ce genre de sujets.

Dos à Abel, elle se mit à observer des petits mobiles suspendus, sur différentes thématiques. Constellations, savane... Elle effleurait un petit lion du bout du doigt lorsque la voix de son petit-ami retentit. Sa question lui fit hausser les épaules. Ils en avaient déjà vaguement parlé, bien avant qu’ils ne se mettent ensemble.

- Je n’en n’ai jamais eu l’occasion. Elle était célibataire, bien comme cela et refusait fermement l’idée d’être une mère célibataire comme l’était sa propre « mère. » Et je n’en jamais eu très envie non plus, ça semble plein de contraintes... Tu dois sans cesse t’en occuper, tous les jours, toutes les nuits, tu n’es jamais tranquille, ta vie perd toute spontanéité... Elle haussa les épaules. C’est mignon chez les autres mais c’est encombrant quoi.


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 15:07
Abel redoubla d’attention à la réponse d’Isobel, désireux de savoir comment elle se positionnait. Ils avaient déjà vaguement évoqué ce sujet quand ils s’étaient retrouvés, un an et demi plus tôt, mais les conditions étaient très différentes : ils n’étaient pas en couple. Ils étaient même célibataires tous les deux, avec personne en vue. Dans ce cas de figure, il était difficile de se projeter dans une quelconque vie de famille. Pour être tout à fait exact, ils en avaient même déjà parlé bien avant, quand ils étaient plus jeunes, comme deux enfants pouvaient bavasser de leur avenir avec cette insouciance propre à leur âge. Abel se souvenait d’une Isobel qui avait les idées très claires à ce sujet : elle voulait une grande famille.

Leurs vies respectives avaient changé depuis, leur relation et leurs opportunités également. Ils avançaient dans leur vie de couple, suffisamment pour en être arrivés à emménager ensemble : c’était leur premier véritable projet commun, un projet beaucoup plus engageant et significatif que le fait de partir en vacances à deux, par exemple. Abel était curieux de savoir quelles prochaines étapes Isobel envisageait. Est-ce qu’un éventuel bébé faisait partie de ses plans d’avenir ?

Abel eut très vite sa réponse car Isobel fut sans équivoque. Bébé rimait désormais avec « plein de contraintes » et « encombrant ». Aïe. C’était clair, au moins. Abel laissa s’écouler une seconde, comme pour mesurer les paroles de sa petite amie, avant d’intervenir.

« Jamais eu très envie ? releva t-il, en posant son regard sur elle. Tu oublies la fille que tu étais à dix ans… Moi je me souviens de toi qui dit « je veux une graaaaande famille avec au moins cinq enfants » » cita t-il, une lueur amusée dans le regard.

Evidemment, Isobel avait grandi depuis et évolué dans sa vie d’adulte, puis sa relation avec sa propre famille étant très abîmée, ce n’était pas si étonnant qu’elle ait changé d’avis. Abel, lui, était resté fidèle à son opinion de l’époque. Il se souvenait avoir répondu à Isobel quelque chose comme « Oh lala mais c’est beaucoup cinq enfants, moi j’en veux un ou deux, pas plus ».

Il n’avait pas changé d’avis.

Abel reposa le set de petits bavoirs qu’il avait entre les mains pour se tourner vers Isobel. C’était la première fois qu’ils discutaient de bébés en étant en couple. Il sentait que cette conversation n’avait pas du tout le même poids, ni la même signification que les précédentes, parce que cette fois ils pouvaient envisager ce désir ou ce non-désir d’enfants à deux. Ce n’était plus de leur avenir à chacun dont ils discutaient, mais potentiellement de leur avenir à tous les deux. Le sujet devenait donc plus délicat, mais plus important aussi. Abel répondit avec ce calme qui le caractérisait :

« C’est sûr que ce n’est pas de tout repos, c’est des sacrifices à faire, surtout les premières années. Mais c’est potentiellement recevoir beaucoup de bonheur et d’affection aussi… Et c’est un geste fort, dans un couple, de fonder une famille à deux » souligna t-il en croisant son regard.


Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 19:24
Isobel se retourna vers Abel lorsqu’il releva un élément de sa réponse. Leurs regards se croisèrent et elle haussa un sourcil, un peu surprise qu’il s’arrête sur cet élément de langage en particulier. Il ne tarda pas à lui expliquer le fond de sa pensée et cela lui tira un sourire. Elle ne se souvenait plus de la conversation à laquelle il faisait référence mais elle voulait bien le croire : effectivement, comme beaucoup de petites filles, elle se visualisait avec un bébé « quand elle serait grande. » Plusieurs bébés, même. Elle s’imaginait avoir une grande famille pour compenser son petit noyau familial, celui avec sa mère, qui n’était pas très épanoui. Puis elle avait grandi. Ses rêves d’enfant s’étaient confrontés à la réalité et la femme qu’elle était devenue n’était pas foncièrement attirée par la maternité.

- Et je voulais aussi être danseuse étoile ou bien élever des cerbères avec mon oncle, rappela-t-elle en s’approchant de lui, posant ses deux mains sur un lit à barreaux.

Elle plaisantait mais elle sentait bien que leur conversation prenant un tournant sérieux. Ce n’était pas rien, de parler de son envie de maternité, alors qu’ils venaient de s’installer ensemble. Cela pouvait être un projet d’avenir, c’était l’une des voies qui pouvait s’offrir à eux. C’était concret. L’idée l’inquiétait un petit peu, pour être tout à fait honnête. Elle sentait bien que leurs avis étaient plutôt différents pour le moment, que Abel semblait plus enclin qu’elle à se projeter dans un projet de paternité. Il était d’ailleurs prompt à mettre en avant les avantages à avoir un enfant, comme pour compenser les désagréments qu’elle venait d’évoquer.

- Oui, c’est un geste fort... répondit-elle dans un souffle, soutenant son regard. Mais encore faut-il avoir envie de faire ce sacrifice. Ça veut dire que le couple ne tourne plus autour de « lui-même » mais d’une autre personne, signala-t-elle.

Et ils étaient bien tous les deux. Elle aimait leur rythme de vie, le petit cocon que représentait leur relation. Elle lui adressa un sourire, un peu tendu.

- Ça te dit qu’on en parle plus tard ? Ici n’est peut-être pas le meilleur endroit, quand même.



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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 20:04
« Oh ce n’est pas trop tard pour le devenir, tu sais » la taquina Abel, sans y penser.

Evidemment, quand ils étaient enfants, ils faisaient tous des rêves, plus ou moins absurdes, plus ou moins accessibles. Le désir d’enfants était le moins loufoque d’entre eux, puisqu’ils finissaient tous par se retrouver confrontés à cette question : est-ce qu’ils se voyaient parents ? Pour le moment, Isobel arguait que ce n’était pas son cas, pour des raisons qu’Abel écoutait attentivement. C’était important pour lui de connaître sa position sur le sujet, pour plusieurs raisons. La première était qu’il se projetait suffisamment à long terme avec Isobel pour avoir accepté d’emménager avec elle après même pas un an de relation. La seconde était qu’il avait ce désir de fonder une famille un jour et qu’il n’avait plus beaucoup de temps : quelques mois plus tôt, il avait fêté ses trente-six ans, déjà… La quarantaine approchait à grands pas, et à choisir, il n’avait pas forcément envie de devenir père à quarante ans passés et être retraité quand ses futurs enfants seraient adolescents.

Peut-être était-ce un peu précipité d’évoquer le sujet maintenant, alors que son couple avec Isobel n’avait qu’un an. En même temps, c’était cohérent avec le stade de la vie où Abel se trouvait : en plein dans la trentaine, comblé dans sa carrière, comblé dans ses amours. Il ne manquait plus qu’une petite famille pour couronner le tout. C’était aussi cohérent avec le fait que, si sa relation de couple avec Isobel était jeune, il la connaissait tout de même depuis sa plus tendre enfance, alors il était assez sûr de lui en se disant qu’il pouvait se projeter dans un futur où il passait la fin de ses jours avec elle.  

Encore fallait-il définir ce futur. La réponse d’Isobel, sur un ton plus précautionneux, comme si elle prenait conscience que leur conversation devenait sérieuse, donna matière à réflexion à Abel mais il n’eut pas le loisir de répondre aussitôt. Isobel souligna très justement qu’ils n’étaient pas exactement au bon endroit pour avoir une discussion aussi intime. Abel posa les yeux sur elle, en hochant brièvement la tête.

« Oui… Tu as raison. »

S’ils devaient en parler, il valait le mieux le faire dans un cadre adapté, bien installés chez eux, plutôt qu’entre deux rayons où traînaient des oreilles inconnues. Il s’approcha d’elle pour glisser sa main dans la sienne, en affichant un sourire léger, malgré le fait que le sujet qu’ils interrompaient soulevaient plusieurs préoccupations chez lui.

« Allons chercher ces lustres. »

Abel eut plus de mal à agir tout à fait normalement sur le reste de leur journée. Cette conversation avortée lui trotta en tête, à chaque moment où son esprit n’était pas occupé, alors il fut moins réactif que d’habitude, un peu plus dans ses pensées, à se repasser mentalement les bribes d’informations qu’Isobel lui avait donnés. Il sentait qu’ils venaient de tomber sur un sujet important sur lequel ils n’étaient pas d’accord, et pour être honnête, cela le rendait un peu anxieux.

Quand il se retrouva dans leur lit, quelques heures plus tard, au moment du coucher, il ne put s’empêcher de méditer une nouvelle fois sur ce qu’Isobel avait dit plus tôt, en la regardant accomplir son petit rituel du soir. C’était vrai, ils étaient bien tous les deux, très bien, même. Ils avaient eu des débuts un peu houleux, une grosse crise pendant l’été avec son départ au Japon, qu’ils avaient réussi à désamorcer et depuis, tout semblait rouler parfaitement. Il avait passé un Noël merveilleux avec elle, des vacances parfaites, il avait adoré chercher leur futur petit cocon où ils étaient installés désormais, ils se rapprochaient un peu plus chaque jour, bref, ils vivaient une petite lune de miel qu’il était difficile d’envisager d’interrompre avec un événement dans leur vie aussi gros et conséquent que celui d’un bébé.

Abel comprenait totalement et d’ailleurs, il n’avait pas envie de faire un bébé tout de suite. Mais il espérait, un jour, pouvoir le faire… Et il n’arrivait pas à cerner si Isobel était totalement fermée à cette idée ou s’il pouvait réveiller une envie de maternité chez elle aussi.

Quand elle le rejoint sous les couvertures, les mêmes pensées agitaient toujours son esprit et cela se voyait dans le regard qu’il posait sur elle. Mais son premier geste ne fut pas d’en parler. A la place, il posa sa main sur la joue de sa partenaire, dans une légère caresse. Chercher un contact à cet instant lui paraissait important, parce qu’il ne voulait pas que tous les doutes qui l’agitaient -et qui préoccupaient certainement Isobel aussi- ne les sépare. C’était comme si le sujet planait toujours entre eux, maintenant qu’ils avaient retrouvé le calme de leur chambre et le silence qui précédait le coucher. Abel finit par se décider à être fidèle à leurs bonnes résolutions de mieux communiquer et il s’exprima dans un murmure :

« Je pense toujours à notre conversation de tout à l’heure, au magasin… »


Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 5 Aoû 2020 - 22:06
Isobel avait tenté de rendre le reste de la journée le plus normal possible. Ils avaient choisi leurs lustres main dans la main et elle avait essayé de faire sourire Abel, qui semblait un peu préoccupé. Il lui souriait, il répondait à ses questions, participait à leurs activités mais elle sentait bien que quelque chose le tracassait. Leur petite conversation avait laissé une marque entre eux et cela la préoccupait quelque peu. Pourtant, le sujet n’était pas revenu sur le tapis lorsqu’ils étaient revenus chez eux avec leurs achats. Elle l’avait laissé faire à manger pendant qu’elle se juchait en haut d’un escabeau pour installer leurs nouvelles suspensions dans le couloir qui menait à leur chambre. Même à table, ils avaient discuté de tout et de rien, sans que leur éventuelle parentalité ne se manifeste. Peut-être qu’il avait besoin d’y penser tout seul dans son coin, avait-elle songé alors qu’elle bouquinait dans le canapé. Peut-être qu’il avait entendu ses arguments et avait besoin de les digérer, lui qui semblait plutôt aller dans le sens inverse. Elle avait fini par se détendre un peu, elle qui était stressée depuis qu’ils étaient rentrés du magasin, un peu angoissée à l’idée d’avoir une conversation compliquée avec son petit-ami. Leur dernière crise datait d’il y a quelques mois maintenant et était au sujet du Japon. Tout allait bien désormais et elle n’avait pas envie que leur équilibre soit de nouveau perturbé.

Elle avait donc un peu abaissé sa garde au moment du coucher. Abel était déjà au lit, tandis qu’elle sortait à peine de la salle de bains, après avoir pris une longue douche. Elle lui adressa un sourire alors qu’elle s’asseyait sur le rebord du matelas, attrapant sa crème hydratante. Une fois qu’elle eut fini tous ses petits soins, elle se glissa sous les draps, allumant la lampe de chevet de son côté aussi. Sans même qu’ils n’échangent un mot, Isy sentait qu’Abel n’était pas aussi détendu que d’habitude. Avant qu’elle ne puisse dire quelque chose, il glissa sa main sur sa joue, dans une caresse. C’était un geste doux. Elle lui sourit de nouveau, se rapprochant un peu de lui dans leur grand lit. Il ne tarda pas à évoquer le fond de sa pensée, qui n’était pas une surprise pour elle. Elle avait juste espéré que le sujet ne revienne pas si tôt. Elle hocha la tête, ce qui lui donna quelques secondes de délai avant de répondre.

- D’accord...

Elle était semi-allongée jusque là mais se redressa, pour s’assoir en tailleur à coté de lui.

- On peut en parler, mais je n’ai pas envie qu’on s’agace. Donc, lança-t-elle, en accord avec leurs bonnes résolutions, on essaye de parler de ce qu’on ressent et on s’écoute vraiment.

Connaissant leur passif dès que les choses devenaient un peu complexes, ce n’était sûrement pas trop de le rappeler.


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To build a home [Abel] Icon_minitimeJeu 6 Aoû 2020 - 22:14
En voyant sa partenaire se redresser, prête à entamer la conversation avec lui, Abel fit un mouvement à son tour pour se redresser, adossé contre les coussins sur la tête de lit. A juste titre, Isobel leur proposa de s’écouter et discuter calmement de ce qu’ils ressentaient tous les deux, conformément aux résolutions qu’ils avaient prises après leur dernier conflit où ils s’étaient rendus compte que la communication n’était vraiment pas leur fort. Abel en était toujours conscient et il avait passé la journée à réfléchir sur ce qu’ils s’étaient dit dans ce magasin, justement pour faire le tri dans ses pensées et ses émotions et pouvoir les transmettre à Isobel.

Encore fallait-il avoir le courage de parler, ce qui n’était jamais simple, mais puisqu’il avait lancé la conversation, il se jeta à l’eau le premier :

« Ok… Alors ce que je ressens, c’est une envie d’aborder ce sujet des enfants avec toi parce que, eh bien, c’est un sujet important dans un couple. Peut-être que c’est un peu tôt pour en parler, reconnut-il, et en même temps, j’ai fêté mes trente-six ans en novembre dernier alors ça me parait pas aberrant comme âge pour y penser. Et j’y pense, avoua t-il, en cherchant le regard d’Isobel. J’y pense depuis un moment en fait, je me suis toujours imaginé père un jour, quand le bon moment viendrait, quand je serai avec la bonne personne pour le faire… »

Il interrompit brièvement son discours, pour serrer doucement la main d’Isobel dans la sienne, et trouver le courage de lui dire ce qu’il pensait sincèrement, sans avoir osé l’exprimer par des mots jusqu’à maintenant :

« Et j’ai l’impression que c’est le cas. J’arrive à me projeter avec toi. A me projeter vraiment, dans une relation durable alors… » Conscient que cela pouvait peut-être faire peur ou mettre une certaine pression sur les épaules de sa petite amie, il ajouta : « Je ne parle pas de faire des enfants tout de suite, bien sûr, je veux juste savoir nos positions là-dessus. »

Et s’il devait être totalement honnête, Abel pouvait reconnaître qu’il ressentait un peu d’anxiété à l’idée que leurs désirs à tous les deux soient trop différents… Mais il préféra s’interrompre et laisser Isobel lui dire à son tour ce qu’elle ressentait.


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To build a home [Abel] Icon_minitimeJeu 6 Aoû 2020 - 23:41
Abel se redressa également, signe que leur conversation allait être sérieuse. Un peu tendue, Isobel glissa une mèche de ses cheveux sombres derrière son oreille, ayant soudainement envie d’avoir les mains occupées. Elle hocha la tête lorsque Abel expliqua qu’il ressentait le besoin d’en parler puisque c’était une notion importante dans un couple. Effectivement, ils ne pouvaient pas vraiment y couper - peu importe leur décision à la fin - puisque cela pouvait éventuellement faire partie de projets d’avenirs. Et il n’était pas trop tôt, contrairement à ce qu’il disait : ils étaient ensemble depuis plus d’un an déjà, vivaient à deux, ils avaient dépassé la trentaine depuis quelques années déjà... Ce n’était pas aberrant.

Ce n’était pas non plus aberrant d’entendre qu’il pensait à la paternité. Qu’il se voyait père. Cela déclenchait chez elle une vague d’angoisse profonde mais ce n’était pas aberrant, se répétait-elle. Beaucoup de gens avaient envie d’avoir des enfants. Abel n’avait jamais dit qu’il ne voulait pas en avoir. Elle hocha la tête deux fois, plus pour lui montrer qu’elle l’écoutait que par véritable assentiment. Elle avait l’impression d’avoir le feu aux joues. La main que son petit-ami glissa dans la sienne n’aida pas à apaiser les battements désordonnés de son coeur.

Elle aurait dû être heureuse, pourtant, d’entendre qu’il se projetait avec elle, qu’il la voyait comme la personne avec qui il voulait faire sa vie et avoir des projets durables. Elle voulait cela avec lui elle aussi, elle avait envie qu’ils restent ensemble, elle était très amoureuse, épanouie dans cette relation. Mais l’idée qu’il veuille des enfants - avec elle, visiblement - recouvrait ces jolis mots d’une légère terreur. Elle baissa les yeux sur leurs mains nouées, en ayant toujours trop chaud. Sa voix lui parut étranglée lorsqu’elle sortit de sa gorge.

- Je... Je me projette avec toi aussi, je t’aime et j’ai vraiment, vraiment envie qu’on reste ensemble. C’est juste que... Je ne sais pas si j’ai envie d’avoir des enfants...

Elle se força à relever la tête vers lui.

- L’idée me fait très peur, en fait, souffla-t-elle. Je n’ai pas vraiment l’impression qu’avoir des enfants soit une bonne chose, ça ne m’évoque que des contraintes et ça semble tellement compliqué. En plus c’est vraiment... définitif. Si ça ne te plaît pas, tu es coincé avec, tu ne peux pas le rendre. L’idée d’avoir un bébé, ça ne m’évoque pas de bonheur en fait...


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To build a home [Abel] Icon_minitimeVen 7 Aoû 2020 - 1:13
Il voyait dans l’écoute silencieuse chez Isobel et la tension sur ses traits que ses paroles lui donnaient beaucoup à réfléchir. Vu ce qu’elle avait laissé échapper dans la boutique, Abel se doutait que cette conversation n’allait pas être simple, qu’elle n’allait sans doute pas recevoir son discours comme il rêvait qu’elle le reçoive : en répondant qu’elle voulait bien envisager ce projet de parentalité avec lui, que cela lui paraissait possible.

Pourtant, rien n’aurait pu le préparer totalement à entendre les paroles d’Isobel, qui avaient un aspect plus définitif qu’il ne l’avait attendu. Sa dernière phrase, en particulier, fut difficile à entendre. Abel resta un instant silencieux, touché par ce coup de massue, mais pas résigné pour autant. Ces paroles résonnaient étrangement chez lui, comme quelque chose de familier et il mit quelques secondes à se rappeler pourquoi. Après ce bref instant de réflexion, il reprit, doucement :

« Tu te souviens de ce que tu m’as dit, quand je suis venu te voir il y a un an, pour te dire ce que je ressentais pour toi ? Tu m’as dit que tu fuyais les relations sérieuses, que ça avait plus de chances de terminer dans le drame entre nous, qu’on prendrait un vrai risque à évoluer de notre amitié vers une relation de couple, tu n’y voyais que des côtés négatifs… »

« Et pourtant » disait son regard, avant ses mots :

« Et pourtant tu me dis que tu te projettes avec moi alors que ça te paraissait inconcevable il y a un an. C’est un grand pas là aussi et ça fait peur, alors tu n’y vois que des risques et des contraintes… Mais il n’y a pas que ça. »

Isobel disait ne pas voir quel bonheur il y avait dans le fait d’élever des enfants et était plutôt prompte à en lister les contraintes. Mais elle avait utilisé un mot qui avait fait tilt chez Abel : elle avait « très peur » et il la connaissait assez pour savoir que dans ce cas de figure, elle avait tendance à tout voir en noir. Peut-être que ce n’était pas définitif, qu’il fallait simplement lui montrer ce bonheur qu’elle ne voyait pas ? En tout cas, il s’accrochait à cette idée en poursuivant avec cette pugnacité qui le caractérisait, sans lâcher le regard de sa compagne :

« Déjà c’est une belle chose dans un couple de fonder une famille, c’est un peu comme… dit-il, en cherchant ses mots, le fruit de notre amour, un prolongement de nous-mêmes. C’est une manière de laisser une trace de nous, de notre lien. De transmettre nos traditions aussi. » Et elles étaient importantes, même pour Isobel qui s’était éloignée de son coven, Abel le savait, il le voyait tous les jours : malgré sa fugue, elle n’avait jamais tourné le dos à la pratique du vaudou. « C’est vivre plein de beaux moments, c’est mignon et affectueux des enfants, ça donne beaucoup d’amour, d’un autre genre que celui qu’on peut partager toi et moi, mais pas moins fort » maintint t-il.

Son regard, planté dans celui d’Isobel, semblait vouloir lire dans ses émotions et ses pensées. Abel connaissait assez son lourd passif pour avoir quelques hypothèses sur ce qui terrifiait tellement Isobel dans la perspective de faire un enfant : comment se projeter dans un rôle de mère quand la sienne avait été si défaillante et nocive ? C’était facile pour Abel de s’imaginer avec des enfants : son père à lui avait été le meilleur papa du monde, il avait un modèle tout trouvé, solide et fiable, qu'il pouvait tenter d'imiter, qu'il avait envie d'imiter. Il avait grandi dans une famille globalement unie, moins dysfonctionnelle que ne l’était celle d’Isobel, qui avait évolué sans mère, dans une atmosphère de rivalité avec ses cousines, sans que personne n’écoute ses désirs profonds, incompatibles avec ce qu’on attendait d’elle.

Pourtant, Abel était convaincu que ce schéma n’était pas forcé de se reproduire. Au contraire, songea t-il, alors qu’il réalisait que faire des enfants était peut-être l’occasion pour Isobel d’avoir ce qu’elle n’avait jamais vraiment eu. Quand il en prit conscience, il eut un geste de tendresse pour elle en posant une main sur sa joue, tandis qu’il reprenait :

« Je sais que tes liens avec ta famille sont compliqués et pas toujours très sains ni satisfaisants. Mais justement… Si on fondait la nôtre, un foyer juste à nous, à l’image de comment on fonctionne ensemble toi et moi, ça serait l’occasion pour toi d'avoir une famille où tu te sens bien. »


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To build a home [Abel] Icon_minitimeVen 7 Aoû 2020 - 22:36
Isobel se doutait bien que ses paroles ne devaient pas être très agréables à entendre pour Abel. Elle avait essayé d’être honnête, d’exprimer au mieux ce que l’idée d’avoir un enfant lui évoquait. Dans le fond, si elle y réfléchissait bien, elle aurait bien aimé que les choses soient différentes. Elle aurait bien aimé faire partie de ces femmes qui avaient très envie d’être mères et qui auraient été ravies que leur compagnon aborde le sujet. Elle aurait aimé faire partie de ses copines, celles qui savaient depuis des années qu’elles en voulaient et semblaient très douées à cela. Chez certaines, cela semblait presque naturel. Elle savait très bien qu’avoir des enfants n’était pas une obligation, qu’être une femme ne voulait pas dire être une mère - encore heureux - mais elle avait l’impression qu’il y avait quelque chose d’étrange chez elle. Son amie Emily, par exemple, ne voulait pas d’enfant. Elle en était certaine. Elle n’en n’avait juste pas envie. Cela ne semblait pas déclencher chez elle des sentiments un peu abrupts ou des angoisses, elle n’en voulait tout simplement pas. Chez Isy, c’était un peu plus compliqué que cela. Elle avait l’impression que l’idée de la maternité n’était pas censée déclencher des sueurs froides.

Le silence qui s’était établi entre eux finit par être rompu par Abel, qui semblait avoir eu un léger choc en l’entendant parler. Il avait la voix douce, comme pour l’apaiser, comme s’il sentait le malaise qui l’animait. Le connaissant, il n’allait pas en rester là. Lorsqu’il avait une idée en tête, il ne la lâchait jamais et elle se doutait bien qu’elle allait entendre de nombreux arguments en faveur de la parentalité. Pourtant, ce n’est pas par cela qu’il débuta. Il évoqua un souvenir d’hiver, il y a en maintenant, lorsqu’il était venu la trouver après avoir découvert ses lettres et pris la plume lui-même. Il voulait qu’ils soient tous les deux et elle trouvait que c’était une mauvaise idée, qu’ils allaient forcément aller dans le mur et se rendre malheureux. Elle n’arrivait pas à l’époque à imaginer que cela puisse bien se passer, qu’un an après, ils puissent être encore ensemble et très heureux de l’être. C’était visiblement le point d’Abel : elle était terrifiée à l’époque et avait en tête un tableau très noir des relations amoureuses. Elle était effrayée désormais et avait une vision sombre de la parentalité. Les choses avaient évoluées dans le premier cas. Pourquoi pas le deuxième ? disait-il en somme. Elle eut un sourire un peu gêné, haussant les épaules.

- Je t’accorde le précédent, souffla-t-elle, mais tu oublies une nuance importante : si mes prévisions négatives s’étaient alors révélées vraies, j’aurai pu mettre fin à cette relation. Or, tu ne peux pas rompre avec ton propre enfant...

Mais l’argument de l’expérience n’était pas l’unique dont disposait Abel. Selon lui, c’était une belle chose de fonder une famille, afin de laisser une trace de leur lien et de leurs traditions. Pour Isobel, c’était quelque chose de lourd à faire porter sur un enfant qui n’avait rien demandé, pas même à venir au monde. Il arguait également que les enfants étaient affectueux et mignons, ce qu’elle voulait bien entendre, même si cela dépendait des enfants. Elle n’était pas certaine d’avoir été mignonne et affectueuse...

- Pas tout le temps, rétorqua-t-elle. C’est aussi compliqué, ça pleure beaucoup et ensuite ça devient un adolescent méchant.

Elle n’avait pas été facile. Sa mère le lui avait toujours dit. Tout le monde le lui avait toujours dit. Et sa mère, même si le titre était quelque peu usurpé pour elle, lui avait sans cesse répété qu’avoir un enfant était la plus grande erreur qu’elle ait pu faire dans sa vie (et elle en avait fait énormément.) C’était ingrat, disait Sophie, méchant, cela vous ruinait le corps, l’esprit et le porte-monnaie. Isobel savait bien qu’elle aurait dû prendre un peu de recul avec les paroles cruelles de sa mère mais elle avait du mal, elle voyait bien que, dans leur cas, cela avait été vrai. Sa naissance avait propulsé sa mère dans une situation difficile avec leur famille, avec sa grand-mère, Anne. Elle avait dix-neuf ans, n’était pas mariée, et ses parents n’avaient jamais réellement pardonné cet écart. Sophie tenait Isobel responsable de ce drame familial. Par la suite, lorsqu’elle avait récupéré sa garde - à la mort d’Anne, justement - elle n’avait eu de cesse de lui répéter à quel point elle était un poids dans sa vie, à quel point elle serait libre si elle n’était pas venue au monde. À quel point c’était coûteux d’élever un enfant. Cela vous mangeait toutes vos ressources, il fallait le nourrir, l’habiller alors que l’argent aurait été mieux ailleurs. Cela bavassait tout le temps, cela demandait sans des choses, maman, maman, maman, sans cesse, du soir au matin, jamais tranquille. Et c’était ingrat, jamais satisfait. Les adolescents, c’était pire, vous n’aviez jamais raison avec eux et en plus, cela volait dans votre porte-feuille, récupérant quelques dollars pour aller faire les courses alors qu’ils auraient été mieux dépensé dans quelques verres de tequila dans un bar trop bruyant du Carré Français. Et ensuite, à seize ans, cela vous abandonnait en claquant la porte. Voilà ce que c’était, d’être une mère, selon Sophie. Isobel avait du mal à se défaire de ces mots. Dans sa relation avec sa mère, il n’y avait jamais eu un peu de bonheur, à peine quelques éclats colorés lorsqu’elle faisait des efforts. Pourquoi est-ce que cela serait différent avec un autre enfant ? Elle ne saurait pas comment faire.

Comme s’il avait suivi le fil de sa pensée, Abel évoqua sa famille et Isobel s’empressa de baisser la tête, les yeux soudainement un peu humides. Le sujet était toujours un peu sensible, elle ravalait souvent ses larmes et ses mots lorsqu’il était évoqué. Son petit-ami posa une main sur sa joue, pour la réconforter. Avoir une famille où elle se sentait bien... Doux rêve d’enfant. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle en voulait, lorsqu’elle était petite-fille. À défaut d’avoir trouvé un cocon au sein du coven, elle ferait le sien, un jour. Sauf que les choses n’étaient pas si simples, que l’hérédité ne s’effaçait pas d’un claquement de doigts et qu’on ne fondait pas une famille heureuse juste parce qu’on en avait rêvé. Il fallait en avoir envie, véritablement envie et il fallait y arriver. Elle ne savait pas si elle en avait envie. Surtout, elle ne savait pas si elle pourrait y arriver.

- C’est plus compliqué que cela, répondit-elle d’une voix hachée. Je ne sais pas si je serai heureuse d’être mère... Je ne sais pas si je pourrai aimer vraiment un bébé, comme on est censé le faire et je n’ai pas envie de... Je n’ai pas envie qu’il soit là et que sa mère ne l’aime pas, tu vois ?

Sa vision s’était troublée. Elle haussa les épaules, la tête baissée.

- C’est trop dur à vivre.

 


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To build a home [Abel] Icon_minitimeLun 10 Aoû 2020 - 1:03
« Certes » admit Abel face à sa petite amie qui soulignait qu’elle ne pouvait pas rompre avec son propre enfant si leur relation ne la satisfaisait pas. « Je ne pousse pas la comparaison jusque là, je dis juste que… Quand tu as peur d’une situation, tu as tendance à ne la voir que par ses côtés négatifs. »

Parce que si elle craignait une situation qu’elle faisait en sorte de détester, il était plus simple de l’éviter et passer à autre chose, supposait Abel. En revanche, si elle se mettait à réfléchir à pourquoi elle pourrait apprécier la situation en question par certains côtés, cela la poussait à affronter sa peur pour essayer d’en jouir. Or, Isobel avait plutôt tendance à louvoyer quand on la sortait de sa zone de confort, pour ne pas affronter directement ses problèmes. Pour l’avoir vue de nombreuses fois à l’oeuvre, Abel pouvait reconnaître ce réflexe chez elle. Il lui semblait qu’il se manifestait à nouveau, alors il ne pouvait s’empêcher de se poser la question : est-ce qu’Isobel n’avait pas envie d’avoir des enfants ou est-ce qu’elle en avait peur ? Ces deux possibilités posaient le problème d’une manière très différente. Dans le premier cas, Abel ne pouvait pas faire grand-chose. Dans le deuxième, en revanche, il pouvait l’aider à surpasser ses craintes, si tant est qu’elle était capable de dire de quoi il s’agissait…

Pendant un instant, il crut savoir mais il n’imagina pas ce qu’Isobel finit par avouer, d’une voix tremblante. Cette émotion qu’il perçut chez elle réveilla celle d’Abel, qui eut un geste réflexe vers elle. D’un mouvement de bras, il l’attira contre lui, avec un murmure :

« Oh, chérie… »

Difficile de ne pas lire le vécu d’Isobel à travers ses paroles. Elle savait exactement de quoi elle parlait en soulignant que vivre sans l’amour de sa mère était trop difficile. A cet instant, la petite fille qui avait toujours été blessée par le comportement et l’indifférence de sa mère resurgissait, Abel pouvait la voir et cela réveillait chez lui des souvenirs de tristesse et d’indignation. Il avait toujours été désolé de la malchance qu’avait subi Isobel, à naître d’une femme qui ne voulait pas d’elle et le lui faisait régulièrement sentir, soit par sa méchanceté, soit par son désintérêt. Isobel n’avait pas demandé de venir au monde, et pourtant, Sophie le lui faisait payer quotidiennement en la faisant se sentir comme une charge pour elle.

C’était une réaction profondément injuste, qui avait laissé de profondes marques chez Isobel. Alors qu’Abel la tenait dans ses bras, il en prenait toute la mesure, avec son nouveau regard d’adulte. Après un instant de silence, il s’extirpa de ses réflexions, avec une question, précautionneuse, hésitante :

« Tu… Tu as peur de faire un enfant parce que tu as peur de ne pas savoir l’aimer ? »

C’était ce qu’il déduisait de cette brève intervention de sa petite amie, secouée par son vécu. Touché par la confiance qu’elle lui accordait en lui confiant quelque chose de si intime, Abel prit le temps de réfléchir à comment lui dire ce qui se dessinait déjà dans son esprit : une impression qu’Isobel se posait les bonnes questions et que cela démontrait chez elle cette attention dont elle ne se pensait pas capable. Il passa doucement une main caressante dans le dos d’Isobel.

« Si tu en es à te poser ce genre de question, c’est que tu seras tout à fait capable d’accueillir et d’aimer un enfant, si tu le souhaites. Si c’est important pour toi alors… Tu l’aimeras, c’est sûr. Parce que ce n’est pas quelque chose qui te tombe dessus. C’est quelque chose que tu décides. Tu choisis d’être une bonne mère ou non, ou en tout cas, de faire ton possible pour l’être. Ta mère à toi, elle a renoncé dès le départ… » souffla t-il, désolé.


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To build a home [Abel] Icon_minitimeMer 12 Aoû 2020 - 20:30
Isobel, manichéenne ? Jamais. Elle aurait aimé que ce ne soit pas le cas, mais Abel avait un point en affirmant qu’elle avait tendance à voir uniquement le mauvais côté dans les situations qui l’effrayaient. Elle se focalisait sur tout ce qui pouvait mal tourner. Souvent, cela ne suffisait pas à contrebalancer les quelques points positifs qui pouvaient se dégager. Quand il lui avait avoué ses sentiments, elle avait en effet craint que cela ne gâche toute leur relation. Elle les voyait rompre dans des conditions affreuses et ne plus jamais se reparler, après tous les efforts qu’ils avaient fait pour réparer leur relation. Effectivement, elle avait fait une erreur de penser cela. Se jeter dans le vide, accepter de sortir avec lui avait sûrement été l’une des meilleures décisions de sa vie. Mais avec un enfant, c’était différent. Si elle se trompait, s’ils se trompaient, ils étaient engagés pour toujours, ils ne pourraient pas revenir en arrière et le rendre. Ce côté définitif était très pesant, ce n’est pas comme s’ils pouvaient prendre un bébé à l’essai pour voir si être parents leur plaisait (même si, si on demandait l’avis d’Isobel, un tel concept aurait sûrement un peu de succès...)

Être parent, cela semblait tellement contraignant, tellement difficile... Il fallait vraiment le vouloir pour l’être et comme elle n’était pas certaine de le vouloir, elle préférait tout simplement ne pas l’être. Pas de risque, pas de problème. Pas d’enfant sacrifié ou malheureux ou névrosé à vie. Elle refusait de gâcher un bébé qui n’avait rien demandé. Elle savait très bien ce que cela faisait et elle préférait éviter de reproduire ce schéma familial. Penser à tout cela faisait naître en elle un chagrin qu’elle aurait préféré savoir réprimer. Soudainement, Isobel avait les yeux humides. Elle aurait bien voulu être parfaitement insensible à l’indifférence que sa mère éprouvait pour elle mais cela restait une plaie douloureuse. Elle se détestait pour cela. Abel avait sûrement perçu le chagrin dans sa voix troublée puisqu’il l’attira contre lui. Elle eut un soupir alors qu’elle se laissait entraîner, fermant les yeux. Au coeur de cette étreinte, les choses semblaient brusquement moins graves... Elle passa ses bras autour de lui, ses mains froissant un peu le tissu de son t-shirt gris. Un instant de silence s’étiola entre eux, avant qu’il ne reprenne la parole. Sa voix grave résonna dans son torse, sans qu’elle ne se détache de lui.

La question qu’il posa fit accélérer son coeur. Elle ne répondit pas immédiatement. Cela lui faisait étrange qu’il pose les choses de cette manière. Une angoisse l’avait saisie. L’idée d’avoir un enfant lui faisait effectivement peur, pour de nombreuses raisons. Parce qu’elle avait peur du bouleversement dans leur vie. Parce qu’elle avait peur de ne pas savoir s’en occuper. Parce qu’elle avait peur de ne pas l’aimer, effectivement... Et si elle ne l’aimait pas, elle allait lui faire beaucoup de mal alors qu’il n’avait pas demandé à être là.

- Je crois oui, entre autres... Ça me semble tellement difficile en fait, que je ne sais pas comment tu peux aimer faire cela, et donc aimer le bébé...

Abel caressait son dos avec douceur. Elle avait envie d’enfouir son visage dans son cou pour étouffer l’inquiétude qui l’avait saisie. Lorsqu’il reprit la parole, elle ne releva même pas les yeux pour le regarder, se contentant de l’écouter. Cette conversation lui semblait moins difficile dans ses bras. Il semblait très certain de ce qu’il disait mais Isobel peinait à être convaincue. Pour elle, se poser ce genre de question n’était justement pas normal. Elle avait l’impression que la plupart de ses copines ne s’étaient pas demandé si elles allaient aimer leur bébé. Les gens normaux aimaient sûrement spontanément leurs enfants. Elle, elle avait l’impression qu’elle n’en serait peut-être pas capable, que quelque chose était brisé de ce côté-là. Abel affirmait le contraire, que c’était sûr qu’elle aimerait leur hypothétique enfant. Il n’était pas vraiment objectif, il voyait toujours le meilleur en elle...

Selon lui, elle avait le choix, elle décidait d’être une bonne mère, ou du moins, d’essayer de l’être. Cela semblait facile à dire, moins facile à faire. Elle ne savait pas du tout comment faire, ce qu’il faudrait faire pour être une bonne mère. Elle ne pouvait pas vraiment compter sur la sienne pour lui donner l’exemple : comme le disait Abel, elle avait renoncé à véritablement s’occuper d’elle et ce, dès le début.

- Je ne sais pas, murmura-t-elle, je pense que c’est beaucoup plus complexe que cela. S’il suffisait de vouloir être un bon parent pour l’être, la grande majorité des gens le seraient, tu ne penses pas ?

Et elle n’avait pas l’impression que c’était le cas. Sans même parler de sa mère, elle avait l’impression que tout le monde avait quelque chose à reprocher à ses parents.

- Puis c’est terrifiant, tout cela... J’ai vraiment l’impression que je ne suis pas faite pour cela. Cela me semble tellement compliqué et insurmontable...    


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Abel Laveau
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To build a home [Abel] Icon_minitimeJeu 13 Aoû 2020 - 0:07
Abel raffermit son emprise autour d’Isobel en sentant qu’elle y répondait et y trouvait du réconfort. Il caressait doucement son dos, dans l’espoir d’apaiser le chagrin qui l’avait saisie en évoquant sa mère. Il était rare de voir Isobel montrer sa tristesse et ses blessures, elle était plutôt du genre à se braquer dans une attitude où elle faisait mine que tout allait bien, qu’elle gérait, même si elle vivait en vérité des choses difficiles. Sa fierté l’empêchait de reconnaître ses faiblesses, surtout quand elles étaient particulièrement vives et profondes chez elle. Mais Abel faisait partie des quelques personnes qui avaient parfois accès à ce que cachait son attitude défensive, et ce, depuis toujours. Il avait toujours perçu cette déception et ce chagrin chez elle, sous sa fausse indifférence, quand il s’agissait de Sophie Lavespère, la pire mère qu’Abel ait jamais connu. Il avait toujours entièrement pris le parti d’Isobel et l’avait plainte d’avoir atterri dans ce foyer avec une mère totalement démissionnaire et même irresponsable. Bien souvent, Isobel avait du tenir le rôle de mère de sa propre mère, en assurant l’achat des courses, le paiement du loyer en retard, en s’occupant de Sophie qui avait encore bu jusqu’à sombrer dans l’inconscience. Cela n’avait rien d’étonnant qu’avec une mère pareille, Isobel soit incapable de se projeter dans un rôle de mère et que la tâche de s’occuper d’enfants lui paraisse très difficile : Sophie n’avait jamais su l’accomplir correctement.

Mais Abel, à l’inverse, n’avait eu que des modèles plutôt équilibrés autour de lui : ses parents, d’abord, puis ceux de ses cousins et cousines, ceux de ses amis. Alors il pouvait totalement relativiser le discours d’Isobel qui plaçait le rôle d’un parent hors de toute portée et il essaya de le dire, en la tenant toujours contre lui :

« Et pourtant, c’est le cas de beaucoup de familles, l’amour entre les parents et les enfants existe et les parents parviennent à jouer leur rôle et apprécier cela, même si c’est difficile et que ça requiert des sacrifices parfois. Quand la famille est équilibrée, que les enfants sont heureux, c’est un accomplissement pour les parents, la chose dont ils sont souvent les plus fiers… » Abel avait plutôt l’impression que ce discours-là était dominant autour de lui. Mais il n’avait pas le même vécu qu’Isobel, ni le même entourage. Il était quelqu’un d’équilibré, lui-même entouré de personnes plutôt équilibrées. « Je ne sais pas si c’est le cas de la majorité des familles dans le monde, avoua t-il, car il n’était pas statisticien et n’avait pas lu d’études sur le sujet. Mais la vérité doit se situer quelque part entre ta perception et la mienne, je suppose… Alors ce n’est pas inatteignable, d’aimer être parent, d’aimer ses enfants. Plein de gens le font. Pour moi, il suffit de vouloir fonder une famille et d’être avec la bonne personne pour le faire et… Ça se passe bien. »

Il lui semblait qu’ils cochaient tous les deux le deuxième point, au moins. Pour le premier, en ce qui le concernait, il était certain de vouloir des enfants un jour. Pour Isobel, elle devait se poser cette question. Pour le moment, la réponse était plutôt « non », de toute évidence. Mais peut-être qu’elle pouvait changer, s’ils parvenaient à désamorcer cette peur dont elle parlait. Le champ des possibles était encore ouvert, aux yeux d’Abel.

« Eh bien… Qui dit que la majorité des gens ne le sont pas ? répliqua t-il, à ses arguments suivants. C’est sûr que les parents parfaits n’existent pas, on peut toujours leur reprocher des choses, c’est pas pour autant que ce sont des mauvais parents. Il y a forcément des choses que tu rates, des conflits avec tes enfants sur des points. Mais moi je pense qu’à partir du moment où tu as décidé de faire des enfants, de faire de ton mieux pour les élever et les aimer, et que tu es capable de te remettre en question s’ils te font des reproches… Il n’y a pas besoin de plus que ça pour être un bon parent. »

Abel ne voyait pas de recette miracle, si ce n’était de faire preuve de volonté, de bienveillance, d’amour et de patience. C’était les qualités dont il espérait faire preuve en tant que père, en tout cas. Il ne se posait pas plus de questions, mais peut-être devait-il, songea t-il. C’était une telle évidence pour lui de vouloir fonder une famille qu’il ne s’était jamais interrogé en profondeur sur pourquoi il en voulait, quel genre de père il souhaitait être, quels principes d’éducation il souhaitait donner. Mais s’il voulait embarquer Isobel dans ce projet, il allait devoir être plus précis et plus rassurant, comprit-il en la voyant toujours aussi indécise et inquiète.

Abel recula légèrement, une main posée sur l’avant-bras d’Isobel, tandis qu’il la contemplait longuement, tout à ses pensées. Il sentait bien qu’ils n’allaient pas résoudre toutes les questions qu’ils posaient ce soir. Ils venaient de soulever beaucoup de choses, très lourdes, des désirs différents chez eux, des traumatismes chez Isobel. Abel sentait qu’il avait besoin de digérer toutes ces informations, dont certaines avaient été particulièrement difficiles à entendre. La position d’Isobel, très différente de la sienne, lui faisait un choc, le peinait et l'inquiétait un peu au fond, alors il préférait prendre un peu de recul pour y penser à tête plus reposée.

« Ecoute, on est pas obligés de résoudre la question ce soir. C’est un sujet compliqué, je pense qu’on a tous les deux besoin de démêler ce qu’on en pense, ce qu’on veut vraiment et ce que ça nous fait ressentir… » Son esprit rationnel et pragmatique le poussa à faire une proposition pour trouver une issue à ce grand dilemme qui se dessinait entre eux : « Peut-être… Peut-être qu’on pourrait réfléchir à tout ça de notre côté et faire chacun une liste de pour et contre un bébé ? Et on se la présente plus tard, quand on est prêts. Ça nous permettra d’avoir les idées claires et une bonne base pour discuter. Tu en dis quoi ? »


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To build a home [Abel] Icon_minitimeJeu 13 Aoû 2020 - 20:39
Oui, sûrement que certains parents aimaient leurs enfants : Abel était aimé de ses parents, ses amis étaient aimés de leurs parents, elle en avait l’impression du moins. Ses cousins et cousines étaient chéris de leurs parents à eux. Lorsqu’elle était enfant, elle était fascinée par cela, ces foyers aimants. Lorsqu’elle allait chez sa cousine Michelle, par exemple, elle observait toujours avec fascination cette manie dont Isadora, sa mère, la serrait sans cesse dans ses bras. Évidemment, Isobel n’avait pas complètement manqué d’amour. Ses grands-parents s’étaient occupés d’elle lorsque sa mère l’avait laissée à la naissance, son grand-père la chérissait, elle le savait, mais c’était différent dans un sens... Elle avait véritablement l’impression que cette capacité était brisée chez elle, que le réservoir « amour parental » n’avait jamais été rempli. Elle n’arrivait tout simplement à s’imaginer mère, maman plutôt. Mère, en soit, c’était facile, il suffisait de faire un bébé. Mais pour ce qui était de l’élever, en aimant cela, c’était complexe. Abel affirmait que, quand on avait cela, cela rendait fier et heureux, que les choses se passaient bien, que la famille s’équilibrait. Elle voulait bien le croire, elle avait envie de le croire, même, mais ce n’était pas si simple.

- Peut-être que beaucoup de parents le font, effectivement mais... Cela ne répond pas vraiment à mes inquiétudes. Je ne sais pas comment ils le font. Comment tu es censé le faire. Comment est-ce que ça arrive, en fait ? Comment est-ce que les gens aiment leurs enfants ? Comment est-ce que tu fais ce truc-là, de l’amour soi-disant inconditionnel ? Comment tu dépasses toutes les contraintes et les privations pour te dire que tu aimes ton bébé ? Je ne sais pas comment ils font et surtout, je ne sais pas comment est-ce que je saurai le faire...

La réponse de vouloir fonder une famille avec la bonne personne lui semblait un peu légère... Elle n’imaginait pas que ça puisse être si simple. Sous prétexte qu’on faisait un bébé volontairement avec l’homme dont on était profondément amoureuse, on aimait forcément l’enfant ? Elle peinait à l’imaginer. Elle peinait à s’imaginer aimer un enfant, en réalité. C’était incongru. Elle n’avait pas les ressources, c’était impossible. Elle aimait certes Abel, mais c’était différent, c’était un amour à double-sens, un amour enrichissant, qui illuminait son quotidien. Elle l’aimait et il l’aimait en retour, prenait soin d’elle, veillait sur elle... Elle faisait de même avec lui. L’amour d’un bébé, c’était plus à sens unique. Il était là et il... Elle ne savait pas trop. Était là. Il fallait sans cesse s’en occuper, tout le temps veiller sur lui, quand il pleurait, quand il ne dormait pas, quand il était malade et en retour il... était encore là. C’était une tâche contraignante. Est-ce qu’on pouvait aimer une tâche contraignante ? (Attention, elle ne disait pas que les bébés étaient des tâches. S’en occuper était une tâche. Un bébé était... un bébé.) Soupirant, elle se redressa légèrement, ses yeux rencontrant ceux d’Abel, qui semblait avoir réponse à tous ses arguments, comme toujours.

Elle haussa les épaules à sa question rhétorique. Peut-être que, effectivement, la majorité des parents étaient de bons parents. Elle avait sûrement un point de vue un peu biaisé à cause de son histoire personnelle. Sa mère n’avait pas été une bonne mère. Malgré tout l’amour qu’elle portait à ses grands-parents, elle n’avait pas l’impression qu’ils avaient été de bons parents pour Sophie. Quand à son père... Et bien, il était gentil. Mais elle ne pouvait pas vraiment se prononcer sur ses capacités paternelles. Ignacio semblait content. Il ne s’était jamais plaint, en tout cas. Abel disait qu’il fallait décider de les faire, faire de son mieux pour les faire grandir et les aimer et se remettre en question si besoin. Autant, les faire grandir, bon, il fallait les nourrir et les habiller. Elle pourrait éventuellement le faire. Leur donner des biberons et leur mettre des petits vêtements, d’accord, c’était dans ses cordes. Elle élevait bien un chat. C’était vraiment le côté « amour » qui coinçait. En voyant son petit-ami qui lui expliquait avec tant de certitude comment on faisait pour être un parent, quelque chose la frappa.

- Tu ferais un bon père, toi, souffla-t-elle en détaillant ses traits comme si elle le découvrait.  

Il était très patient. Il aimait les enfants de manière générale, elle le voyait bien avec ceux de ses cousins. Il était responsable, gentil. Il saurait sûrement comment s’en occuper et les faire grandir. Il aurait sûrement des enfants sages. Et il les aimerait sûrement, elle en était quasiment certaine. Il aimerait jouer avec eux, les bercer ou leur lire des histoires. Il aimerait sûrement faire des choses avec eux. Cette idée lui tordit l’estomac. Il serait sûrement un bon père, oui, il voulait des enfants. Et elle non, pas vraiment. Elle voyait cette différence qui se glissait entre eux, insidieusement.  Un long silence s’était établi entre eux, comme s’ils réalisaient le fossé au bord duquel ils se tenaient. Peinée, inquiète, elle hocha la tête lorsqu’il suggéra qu’ils cessent d’en parler pour ce soir. Elle sentait déjà qu’elle n’allait pas bien dormir de toute manière...

- Je ne pense pas qu’on puisse décider si facilement, de toute manière, confirma-t-elle.

Elle aurait bien aimé, vraiment. Elle aurait bien aimé être le genre de femme heureuse que son petit-ami envisage de faire un bébé avec elle. Elle aurait bien aimé pouvoir lui donner une réponse enthousiasme. Malheureusement, ce n’était pas le cas. Sa proposition aurait pu lui tirer un sourire dans d’autres circonstances. Faire une liste de pour et de contre, comme s’ils choisissaient une destination de vacances... Dans le fond, ce n’était pas une mauvaise idée, ils avaient besoin d’y réfléchir chacun de leur côté... Même si elle n’avait pas très envie de reparler de tout cela, dans le fond. Elle aurait bien aimé qu’ils puissent faire disparaître le sujet, comme tout ce qui posait problème des fois entre eux.

- Tu proposes donc un débat ? suggéra Isy, pour détendre un peu l’atmosphère. Je te préviens, je suis très entraînée et prête à défendre les « contre » avec passion...

Mais son angoisse se lisait sur son expression. Comme pour la conjurer, elle passa ses bras autour de son cou et lui donna un long baiser, avant d’enfouir son visage dans son cou.

- Je t’aime.  


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To build a home [Abel] Icon_minitimeLun 28 Sep 2020 - 22:06
Les multiples questions qu’Isobel enchaîna sans reprendre son souffle trahissait une certaine anxiété chez elle, qu’Abel tenta d’apaiser par son argumentaire raisonnable. Il la sentait fébrile, en prise à des questionnements qui démontraient des doutes sur ses capacités à devenir mère. Il se rendit compte qu’Isobel ne parlait pas tant de ses envies que de ses présupposées capacités, ce fut le point sur lequel il s’accrocha pour penser que tout n’était pas perdu. La convaincre qu’elle pouvait arriver à atteindre un but, il pouvait faire. Lui donner une envie qu’elle ne cultivait pas du tout, en revanche, c’était plus difficile.

Tout à ses pensées, il se rendit compte qu’Isobel l’observait quand elle l’interpela en le regardant d’une manière inhabituelle. Il baissa légèrement la tête sur elle, accueillant son compliment avec l’ombre d’un sourire sur ses lèvres. Cette petite phrase apaisa quelque peu l’atmosphère qui s’était tendue entre eux et Abel répondit avec sincérité, en écartant de ses doigts quelques mèches sur le front de sa compagne :

« Je sais que tu ne veux pas me croire mais tu ferais une bonne mère aussi. »

Pour une fois, ce n’était pas une longue suite d’arguments sensés qui convainquait Abel de ce qu’il avançait, mais plutôt un instinct assez fort, au fond de lui. Il était persuadé qu’Isobel n’avait rien à voir avec Sophie, qu’elle s’était même construite plutôt en opposition d’elle, et qu’elle n’avait pas besoin d’avoir reçu de l’amour maternel pour être capable d’en donner. Des modèles, elle en avait d’autres, autour d’elle. Et malgré ce qu’elle disait, malgré la manière dont elle était partie en fuyant à seize ans, malgré ses liens esquintés avec les Lavespère, la famille restait une valeur toujours importante pour elle. Elle n’avait jamais coupé complètement les liens. Elle était très consciente, et plutôt fière de son héritage. Tout ce qu’Abel voulait savoir, c’était si, derrière toutes les couches de peur et d’insécurité qu’elle exprimait vis à vis d’elle-même et de ses modèles, il y avait une petite fibre chez elle qui souhaitait transmettre cet héritage, ou non.

Il espérait que oui, car de son côté, il nourrissait un désir assez fort de devenir père, mais sa relation et son avenir avec Isobel lui paraissaient tout aussi importants. Alors la simple idée de devoir se confronter à un dilemme entre ces deux désirs éveillait un noeud d’angoisse dans son estomac, qu’il s’efforça de ne pas trop laisser voir en réagissant aux tentatives d’humour d’Isobel :

« Oui, je sais que c’est toi qui écris les discours du ministre, alors je m’attends à un bel argumentaire de ta part. Mais ne me sous-estime pas, je suis têtu » répliqua t-il en souriant légèrement.

Abel accueillit le baiser de sa partenaire en mesurant tout le réconfort qu’elle y cherchait. C’était un baiser qui semblait vouloir conjurer les mauvais présages qui se profilaient sur la route où ils ne parviendraient pas à accorder leurs aspirations, tous les deux. Abel aussi espérait bien ne jamais emprunter cette route alors il passa ses deux bras autour d’Isobel, pour mieux la serrer contre lui, dans ce besoin instinctif de s’assurer qu’elle ne s’en irait nulle part.

« Je t’aime aussi. »

Ces quelques mots d’amour qu’il ne murmurait pas si souvent trahissaient l’inquiétude qui l’habitait. Quand, quelques minutes plus tard, il se retrouva sous les draps, dans leur chambre plongée dans l’obscurité, alors qu’il enlaçait Isobel dans ses bras, il eut cette dérangeante impression que, paradoxalement, elle était loin de lui.
FIN DU RP


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