Back in the game [Emily]

Les visages souriants de Juliet et de Jeremy Baker semblaient rayonner de santé et de cette fougue de la jeunesse dans cette photo. Serrés dans les bras l'un de l'autre, ils saluaient Galahad de la main et semblaient le narguer, lui et toute la milice, à qui ils avaient filé entre les doigts. Le couple s'était évaporé dans la nature du jour au lendemain, malgré la traque attentive à laquelle ils étaient soumis, et Galahad craignait que leurs retrouvailles ne soient aussi longues que celles entre Marchebank et son ancien bras-droit Dalhiatus, ou encore son ex directrice de département, Chloé Hellsoft... Il ignorait encore qu'il avait tort, qu'il ne s'agissait que d'une affaire de quelques heures avant que sa brigade ne se retrouve de nouveau confrontée aux deux terroristes, dans une altercation qui marquerait durablement les esprits de la milice.

Pour l'heure, Galahad était occupé à disséquer chaque détail de ce dossier à la recherche du moindre petit indice qui pourrait les mettre sur une nouvelle piste inexplorée. Débloquer des affaires sur lesquelles une attention médiatique était portée faisait partie du descriptif du poste, il le savait pertinemment pour avoir vu, bien souvent, Danielle aux prises avec ce type de dossier, le souffle brûlant du ministre de la magie sur son échine... Avalon et lui avaient d'ailleurs eu un aperçu de l'intensité de cette pression hiérarchique lors de la réunion inter-départements du matin. Le pli de sa bouche se déforma en une grimace à ce souvenir : voilà pourquoi il n'avait jamais envié Danielle pendant tout ce temps - au moins sa supérieure avait-elle eu le bon goût de résoudre ses deux affaires phares avant de partir, mais sa partenaire et lui en avaient hérité de deux nouvelles, bien fraiches : celles des deux couples de terroristes, criminels complices, qui du haut de leur petite vingtaine, parvenaient à échapper aux sorciers les plus aguerris...

Il était en train d'écrire une série de notes, de son écriture serrée, dans son carnet épais lorsque quelques coups furent frappés à la porte de son bureau. Galahad papillonna des yeux, semblant émerger d'un monde qui n'appartenait qu'à lui, et avisa la personne qui se tenait sur le pas de la porte. Un froncement de sourcils trahit brièvement sa surprise, et surtout sa capacité à perdre le fil du temps : il ne l'attendait pas si tôt. Un bref coup d'oeil vers sa montre lui apprit qu'il était déjà dix-sept heures, et qu'il s'était absorbé dans son dossier pendant trop longtemps, maintenant.

Un peu d'action serait donc la bienvenue. D'un geste, il referma le battant du dossier Baker et l'écarta de son bureau.

"Ah, Emily, très bien. Entre, je te prie", salua-t-il en esquissant un geste pour désigner la chaise qui lui faisait face. Joignant les mains sous son menton, il considéra en silence la nouvelle recrue qui s'exécutait. Recruter Emily pour remplacer l'un des deux postes vacants n'avait pas été une évidence, car il lui avait fallut convaincre les services des ressources humaines du ministère qu'il aurait été gâché que de la réintégrer dans un simple emploi de bureau, quels que soient ses antécédents. Certes, d'autres candidats qu'Emily présentaient un dossier plus vierge mais aucun de ceux qui s'étaient présentés ne disposaient de la moitié de ses compétences ni de son expérience. Elle constituerait un atout précieux pour la milice, de par sa connaissance fine du monde moldu, et le sang froid qui devait être le sien, pour avoir su tenir une couverture pendant toutes ces années. Convaincu de la nécessité de lui accorder une nouvelle chance, Galahad avait donc décidé de pousser sa candidature, mais comptait bien garder un œil sur elle, au moins les premiers temps.

Si prendre le temps d'approfondir les dossiers les plus compliqués constituait une grosse partie du travail, superviser et accompagner ses agents en était une autre. Depuis sa prise de poste, Galahad avait été tellement occupé qu'il n'avait guère eu le temps de croiser Emily plus longtemps que dix minutes, pour l'accueillir formellement dans le service, mais il était désireux de savoir comment s'était déroulée sa première semaine.

Pour commencer, il lui avait confié un dossier qui ne paraissait pas présenter d'enjeu majeur : un travail de surveillance et d'investigations de terrain, et de demande de données auprès des renseignements, pour lui permettre de se familiariser avec la milice et ses procédures.  

"Alors, je souhaitais faire le point avec toi sur ton dossier. Est-ce que ton enquête confirme la nécessité d'un mandat ? As-tu pu échanger avec les renseignements ? Je ne te cache pas que nous avons besoin d'indices sérieux, s'agissant d'un agent du ministère", indiqua-t-il en fouillant son regard. En réalité, il ne s'agissait pas d'un agent haut placé dans la hiérarchie, et il n'était pas certain de la fiabilité de l'affaire : cet homme, chargé de mission sur le financement et les paris sportifs au sein des Jeux et Sports Magiques, avait été dénoncé par son ex-compagne, elle aussi agent du même service, pour activités suspicieuses et séditieuses en lien avec la résistance. Cela sentait plutôt le lavage de linge sale en public, mais ils étaient tenus de vérifier. Et puis, l'on n'était jamais trop prudent. Voilà pourquoi il était prêt à mener l'arrestation à ses côtés dès ce soir, si elle en confirmait la nécessité... ce serait toujours un bon moyen d'observer sa façon de se comporter sur le terrain, et de l'appuyer si nécessaire.

Seuls quelques jours s'étaient écoulés depuis son arrivée au sein de la Milice et Emily était déjà plongée dans son premier dossier. Elle était ravie de ce démarrage rapide et sans transition, ce qui était exactement ce qu'elle recherchait quand elle avait postulé. Elle avait besoin de se remettre au boulot rapidement et de se sentir impliquée. Elle avait vite retrouvé ses vieux réflexes acquis au BDA et à Scotland Yard et estimait avoir plutôt bien géré son premier interrogatoire, qui avait eu lieu deux jours plus tôt.

Elle relisait justement les notes qu'elle avait prise de la déposition de l'ex Mrs-Turner, cette employée des Jeux et Sports Magiques qui avait dénoncé son ex-compagnon pour activités suspicieuses en lien avec des réseaux terroristes. Les miliciens avaient d'abord été plutôt méfiants face à ce qui ressemblait à un règlement de comptes entre amants -et Emily en connaissait un rayon sur le sujet- mais l'ex-femme avait tout de même été interrogée et leur avait révélé des informations plutôt troublantes.

D'après elle, son ex-mari recevait depuis des mois des messages mystérieux, tantôt par courrier, tantôt par patronus, et disparaissait aussitôt sans prévenir. Elle l'avait cuisiné, sans succès, et s'était persuadée que son ancien compagnon trempait dans des activités illicites. La théorie la plus probable était évidement celle de la maitresse, mais elle avait été écartée par le contenu des messages reçus. Il n'y avait pas meilleure détective qu'une femme en quête de vengeance, et l'ex-Mrs Turner ne faisait pas exception à cette règle. Elle avait sauvé deux lettres du feu après que son mari les y ait jetées, et avait mémorisé le message délivré par un patronus un soir, quelques jours avant leur séparation. Les messages se résumaient à des séries de chiffres, apparement sans aucun sens.Et la personne qui les avait envoyé s'était donné beaucoup de mal pour ne pas être reconnaissable : les chiffres avaient été découpés dans des journaux et collés à l'aide d'un sort sur un parchemin, pour éviter une analyse graphologique, et les nombres dictés par le patronus l'avait été via la voix robotique d'un Pear.

Mr. Turner était criblé de dettes -un fan de paris sportif- et rien ne prouvait que ces mystérieux messages étaient liés au Lexit. Il aurait pu s'agir de numéros de loto, de sommes d'argents ou de tout un tas d'autres choses mais Emily avait mis un point d'honneur à décoder ces séries de chiffres pour en avoir le coeur net. La solution l'avait frappée hier soir, alors que la soirée était bien avancée et qu'elle s'acharnait sur cette équation depuis déjà plusieurs heures. C'était des coordonnées. Trois séries de coordonnées qui désignaient toutes des adresses londoniennes, à quelques centaines de mètres les unes des autres.

Dès son arrivée ce matin elle s'était rapprochée des renseignements pour obtenir le relevé de tous les déplacements de Mr. Turner grâce à la géolocalisation de son Pear. La réponse était arrivée en seulement quelques minutes : il s'était effectivement rendu aux lieux correspondants aux coordonnées reçus de ce mystérieux expéditeur. Il se rendait d'ailleurs dans ce même quartier (au nord de la ville) environ une fois tous les quinze jours, même si la régularité n'était pas parfaite. Et cela faisait justement deux semaines depuis sa dernière visite.

Emily sortit de son Pear de sa poche pour vérifier que le traceur que Leonard l'avait aidé à installer était toujours actif, et constata par la même occasion qu'il était bientôt l'heure de sa première réunion avec Thorne. Elle avait plutôt bien avancé sur le dossier, même s'il était toujours impossible de relier avec certitude Mr. Turner au Lexit, et elle avait hâte d'échanger ses théories avec son chef.

A dix-sept heures précises, elle frappa à la porte du bureau de son supérieur, bien que celle-ci soit légèrement entrouverte, et attendit qu'il ne l'invite à entrer pour s'avancer dans la pièce. A en croire son temps de réaction et son regard un peu perdu, elle l'avait interrompu en plein travail. Elle n'avait pas encore eu l'occasion de vraiment faire connaissance avec Thorne mais de ce qu'elle en avait entendu de la part de ces nouveaux collègues c'était un chef plutôt apprécié -même si Angus avait l'air de le trouver un peu ennuyant. Elle savait qu'il avait pris un risque, en la recrutant elle plutôt qu'un candidat au passé plus "lisse", et elle lui en était très reconnaissante. Elle avait réellement à coeur de lui prouver qu'il avait pris la bonne décision.

"Les messages anonymes reçus par Turner -les séries de chiffres- sont des coordonnées qui mènent à différents endroits, au nord de la ville. Les renseignements ont confirmé que Turner s'était bien rendu aux endroits indiqués par les courriers, commença-t-elle en s'installant sur la chaise que Galahad lui désignait. Il se rend dans le même quartier, environ tous les quinze jours, jamais exactement au même endroit, et il n'y reste jamais plus d'une heure ou deux. Un comportement qui -hors contexte-rappelait plutôt celui d'un dealer. Pour l'heure rien ne nous prouve que cette activité soit liée au Lexit, mais la personne qui lui envoie les coordonnées se donne énormément de mal pour ne pas que l'on puisse remonter jusqu'à elle, et sa femme a rapporté qu'il avait tendance à tenir des propos plutôt..contestataires."

Elle marqua une pause pour s'assurer qu'elle n'avait négligé aucun élément du dossier dans cette brève synthèse, et chercha du regard l'approbation de son supérieur avant de poursuivre.

"Je pense qu'on tient une piste. Ils avaient, en tout cas, suffisamment d'indices pour suspecter sérieusement Mr. Turner. Le lieutenant Wellington a installé un traceur sur mon Pear, on sera prévenu à la seconde où Turner se rend à nouveau dans ce quartier, et si on se fie à la récurrence de ses précédentes visites, cela ne devrait plus trop tarder."

Elle pariait sur ce soir, peut-être demain, et guettait la moindre sonnerie de son Pear avec un mélange d'impatience et d'appréhension. C'était son premier dossier au sein de la milice et elle espérait sincèrement ne pas s'être engagée sur une fausse piste. Son premier contact avec les renseignements avait été plutôt bon, et elle avait été impressionnée par les équipements à leur disposition, qui n'avaient rien à envier aux dernières technologies moldues.

"On aurait tout intérêt à s'y rendre en même temps que lui, si vous voulez mon avis."

L'idée n'était pas d'arrêter Turner immédiatement -ils manquaient encore de preuves incriminantes- mais de le surveiller pour comprendre ce qu'il allait fabriquer, tous les quinze jours, au nord de la ville, et surtout pour le compte de qui.

Galahad croisa les doigts sous son menton et écouta attentivement le compte-rendu de son agent. Il analysait, non seulement l'affaire elle-même, mais aussi la façon qu'avait Emily de se comporter sur ce premier dossier. Il émit une pensée approbatrice lorsqu'elle lui expliqua avoir réussi à obtenir de premiers résultats en déjouant le code secret des messages du suspect, pour en tirer une série de coordonnées. Voilà qui s'annonçait intéressant : ainsi, cet employé parfaitement anonyme, homme affable qui faisait pour ainsi dire partie des meubles aux Jeux et Sports magiques, avait bien quelque chose à dissimuler... des activités séditieuses, en lien avec la résistance ?

C'était en tout cas ce dont son ancienne compagne était persuadée, mais Galahad espérait obtenir de véritables preuves, et non de simples suspicions basées sur des critiques du régime. Bien sûr, son rôle était de prendre très au sérieux ces accusations et d'investiguer, mais il conservait une certaine prudence. Galahad fréquentait suffisamment les terrasses des cafés et les comptoirs des bars pour savoir qu'au-delà d'une certaine heure et d'une certaine quantité de litres de bières écoulés, les langues se déliaient et le gouvernement avait les oreilles qui sifflaient. Refaire le monde à l'heure nocturne était une chose, franchir le pas de la porte du QG du Lexit en était une autre, tout à fait différente. Turner avait-il la trempe d'un terroriste ? Constituait-il l'un des nombreux rouages de l'organisation rebelle, et pourquoi pas, une porte d'entrée vers de plus gros poissons ? Peut-être, peut-être pas, toujours est-il qu'il rejoignait l'avis d'Emily : il y avait de quoi soulever leurs suspicions.

D'un regard, il l'encouragea à poursuivre, désireux de l'entendre proposer un plan d'actions. Il ne fut pas déçu d'apprendre qu'elle avait déjà fait installer un traceur, et se tenait prête à intervenir : Turner pouvait leur tomber tout cuit dans les mains.

L'ombre d'un sourire étira ses lèvres à l'entente de la conclusion d'Emily.

"Je suis d'accord", répondit-il d'un air approbateur. Intérieurement, il se félicita d'avoir recruté un agent opérationnel dès son premier dossier, à mille lieux des jeunes recrues encore vertes à qui il fallait apprendre le B-A-BA du travail d'investigation. "Une petite mission de surveillance s'impose, pour savoir ce que Turner vient faire dans ce quartier, pourquoi et avec qui."

A ce stade, ils manquaient encore d'informations précises pour déclencher un mandat d'arrêt, mais Galahad n'entendait pas prendre le risque de perdre la trace de ce Turner. Il était temps que le Lexit cesse de tourner la milice en ridicule.

"Si vous en êtes d'accord, je serai votre binôme pour cette opération", ajouta-t-il, bien qu'il ne lui demande pas réellement son avis : hors de question d'envoyer une nouvelle recrue seule sur le terrain, et puis il commençait à avoir des fourmis dans les jambes à force de rester derrière son bureau. Galahad en était persuadé : le fait d'être devenu manager ne devait pas le tenir définitivement éloigné du terrain, au contraire. Il était important de bien connaître la réalité, souvent dure, à laquelle ses équipes étaient confrontées, et puis c'était aussi le meilleur moyen de les connaître. De plus, cette affaire, si elle était avérée, pouvait rapidement prendre un tour sensible : les taupes au sein même du ministère étaient bien réelles, mais il était rare de parvenir à les débusquer. Cela pouvait traumatiser un service et choquer l'opinion, et il convenait d'être méticuleux... et délicat.

Mais ses propres compétences n'étaient pas les seules que Galahad souhaitait mettre à contribution de l'opération... Redressant un regard concentré sur Emily, inconscient de l'historique qui existait entre ses deux agents, il ajouta : "J'aimerais associer un membre de la brigade fléro-technique. On ne peut pas exclure totalement à ce stade le trafic de marchandise illicite, auquel cas il nous faudra peut-être faire venir un niffleur sur les lieux. Hmm, voyons... Angus Rice fera l'affaire. Vous pouvez le briefer sur l'affaire dès ce soir, pour qu'il se tienne prêt, puis prévenez nous lorsque le traqueur aura été activé. Est-ce que cela vous convient ?"

Emily fut soulagée en entendant son supérieur approuver sa stratégie. Elle était consciente que son dossier manquait encore de preuves solides mais ils avaient suffisamment d'éléments pour considérer Turner comme suspect, et Thorne semblait bien décidé à ne pas lui laisser davantage le bénéfice du doute. La milicienne sentait déjà un mélange d'impatience et d'appréhension s'emparer d'elle alors qu'elle se préparait à cette prochaine intervention. C'était sa première opération de terrain depuis plus d'un an -et la première en territoire sorcier depuis quinze ans- et elle avait hâte autant qu'elle avait peur.

"Bien sûr, avec plaisir", répondit-elle, uniquement pour la forme, quand Thorne proposa d'être son binôme sur cette mission.

Elle était consciente que ce n'était pas réellement une question, et était à la fois flattée et un peu impressionnée de devoir travailler avec son supérieur sur cette opération. Il était évident que ce serait une occasion pour lui de l'évaluer, et qu'elle n'aurait pas le droit à l'erreur, mais ce serait également une chance pour elle d'en apprendre plus sur les méthodes de travail de Thorne. Elle avait connu différents types de commandement au cours de sa carrière et elle savait à quel point cela influait sur le travail des équipes. Il y avait des supérieurs plus ou moins présents et plus ou moins investis. Il y avait ceux qui ne se mêlaient pas des enquêtes de leurs employés, ceux qui contrôlaient la moindre prise de décision, ceux qui respectaient la procédure à la lettre, et ceux qui se fiaient à leur instinct. Chaque commandant avait ses méthodes et tolérait plus ou moins de prise de risques ; des élément importants dont leurs équipes avaient tout intérêt à tenir compte.

Le sourire poli sur son visage se figea légèrement à l'évocation d'Angus, que Thorne souhaitait associer à la mission. Si elle était parfaitement honnête, elle devait admettre qu'elle n'était pas ravie par l'idée. Elle aurait préféré ne pas être accompagnée de son ex-petit-ami pour sa première intervention au sein de la milice, mais elle savait aussi qu'il n'y avait aucune raison pour que les choses se passent mal. Ils étaient tous les deux adultes -l'un plus que l'autre- et professionnels. Elle devait mettre ses réserves personnelles de côté et se concentrer uniquement sur les qualités professionnelles de son collègue qui, elle devait le reconnaitre, pouvait être un atout dans cette intervention.

"Oui, bonne idée, répondit-elle avec une détermination qui ne laissait rien paraitre de ses réticences. Je peux le briefer tout de suite, et je ne manquerai pas de vous prévenir dès que nous aurons des nouvelles de Turner".

Elle attendit que Thorne lui fasse signe qu'elle pouvait partir et ramassa son dossier pour quitter le bureau après avoir salué son supérieur d'un signe de tête. Elle venait à peine de franchir la porte de la pièce que son Pear Pro émit plusieurs "bip" aigus, suffisamment forts pour que Thorne puisse les entendre depuis son bureau. Elle sortit l'appareil de sa poche et constata que le traceur installé par Léonard venait d'être activé. Turner se trouvait de nouveau dans ce quartier du nord de la ville où une mystérieuse personne lui donnait secrètement rendez-vous. Emily fit volte-face et revint sur ses pas, son dossier toujours sous le bras. Il ne lui fallut que deux enjambées pour se retrouver de nouveau sur le pas de la porte du bureau de Galahad. Elle ne prit pas la peine de s'annoncer, persuadée que son supérieur n'avait rien manqué à ce qui venait de se passer.

"Chef, le traceur vient d'être activé."

Elle leva l'écran de son Pear dans sa direction pour lui montrer le petit point lumineux -ce cher Mr. Turner- qui se déplaçait tranquillement sur une carte virtuelle de Londres. Si on se fiait à ses précédentes ballades, ils n'avaient pas beaucoup de temps pour agir, deux ou trois heures maximum. Plus vite ils seraient sur place et plus ils auraient une chance de surprendre cette mystérieuse personne qui donnait rendez-vous à Turner. Angus allait visiblement devoir se contenter d'un briefing express.

"C'est parfait, merci Emily", répondit Galahad lorsque la milicienne proposa de briefer Angus Rice dès maintenant. Avec ce traceur, ils allaient devoir être réactifs et prêts à partir dès son activation, alors c'était aussi bien si Angus pouvait se tenir prêt. Bien sûr, ils étaient tous capables de suivre un commandement et d'improviser une mission mais c'était tout de même plus confortable de savoir à quoi s'attendre... De son côté, Galahad était satisfait d'avoir l'occasion d'associer cette paire là sur cette mission, cela lui permettrait de voir s'ils avaient le potentiel pour former un bon binôme, comme son intuition le lui suggérait.

D'un signe de tête, il congédia Emily qui eut à peine le temps de franchir le pas de la porte de son bureau avant que son Pear Pro ne se mette à émettre des bip significatifs. Galahad sourit intérieurement et garda la tête redressée vers le couloir, où il était sûr de voir Emily réapparaître. En effet, il n'eut pas à attendre longtemps avant qu'elle ne fasse volte-face pour lui annoncer que le traceur avait été activé. Il était bien forcé de le reconnaître : bien qu'il n'en soit pas un grand adepte, la technomagie pouvait faire des merveilles.

"Quel timing !", commenta-t-il en se levant et en s'emparant de sa baguette magique. "M. Turner ne perd pas son temps. Très bien, allons-y."

Galahad traversa le bureau pour rejoindre Emily, et attrapa sa cape violette au porte-manteau dans la foulée, qu'il entreprit d'accrocher autour de ses épaules. Il sentit certains regards se tourner dans leur direction lorsqu'ils pénétrèrent dans l'open-space, mais il ne capta que celui d'Avalon qui traversait justement la pièce, un gros dossier sous le bras. Il lui adressa un petit signe de main au passage, puis suivit Emily jusqu'à son bureau, qui coïncidait justement avec celui d'Angus. Son Pear Pro émettait toujours une petite carte holographique sur lequel le point représentant M. Turner se mouvait tranquillement, signe que l'employé du département des Jeux et Sports Magique continuait sa petite promenade de santé, ignorant tout de la surveillance à laquelle il était soumis.

"Angus, serais-tu disponible pour nous accompagner sur une intervention ?", s'enquit-il en parvenant à la hauteur du maître-niffleur, observant par-dessus son épaule pour tenter de voir à quoi il était occupé. A première vue, rien de bien urgent, il avait même l'air de s'ennuyer, selon son avis de supérieur hiérarchique très objectif. En conséquence, Galahad estima qu'il pouvait parfaitement les accompagner, et qu'une petite mission lui ferait le plus grand bien. Il était ainsi, Galahad, il aimait penser au confort de ses agents. "Emily est en charge du dossier, elle va te briefer en chemin."

Il s'appuya sur le rebord du bureau derrière-lui pour laisser le temps à Angus et Emily de se préparer, préférant désormais se mettre en retrait pour la laisser diriger les opérations. C'était son dossier, sa responsabilité, et il n'était là que pour l'appuyer en cas de besoin sur cette première mission de terrain.