Getting higher than the Empire State [Virgil, Maeva et la PPP]

« Amplificatum. »

Le pouf microscopique que Virgil avait transporté dans sa poche depuis la salle commune jusqu’aux vestiaires retrouva rapidement sa taille normale. Le Gryffondor s’y installa sans tarder, à moitié avachi dessus, et alluma une cigarette tandis que Damon positionnait le planche de Ouija au centre des douches communes des vestiaires, pile sur la grille d’évacuation de l’eau.

« J’ai acheté ça l’année dernière pour faire flipper mes potes moldus, expliqua-t-il à Philip et Virgil en désignant le plateau, vous auriez vu leurs têtes quand j’ai fait bouger la goutte avec un sortilège ! Ils pensent tous que la villa de mes parents est hantée depuis. »
« Personnellement j’ai déjà vu un esprit frappeur chez toi, répondit Virgil après avoir soufflé un nuage de fumée au dessus de lui, Un ado dansant de la country. »
« C’était pas un esprit Virgil, répliqua Philip occupé à positionner deux coussins au sol côte à côte – un pour lui, un pour Kasya- c’est l’enregistrement vidéo du championnat national junior que la mère de Dam’s nous oblige à regarder tous les étés quant on va chez lui. »
« Allez vous faire foutre, gronda Damon,  bande de jaloux… »
«Jaloux de tes santiags blanches ? »
« De ton chapeau de cowboy ? »
« De mes nombreux titres de champion d’Angleterre. Le batteur s’allongea sur le côté –il avait carrément ramené le matelas de son dortoir- et sortit son Pear de sa poche pour regarder l’heure. Bon, elles font quoi les filles ? »

La Pire Promo de Poudlard avait décidé de marquer le coup pour cette fin de scolarité. Ils vivaient leurs quatre derniers mois à l’école avant de voler de leur propres ailes vers des projets totalement différents les uns des autres et ils espéraient bien profiter pleinement de ces derniers mois ensemble avant que leurs existences ne changent de manière irrémédiable. Virgil avait conscience de vivre une période charnière, la fin d’une époque. Dans quelques mois, ils seraient tous séparés. Il avait  passé sept ans de sa vie, quasiment 24h sur 24 avec Phil, Damon et Kasya, ce n’était pas rien. Lisa et Maeva ne les avaient rejoint que depuis quelques mois seulement mais le petit groupe avait noué des liens particulièrement forts. Virgil avait hâte de quitter l’école, d’être libre d’agir à sa guise mais il savait déjà que ces moments là, ces soirées organisées à l’arrache, sur un coup de tête, allaient un peu lui manquer.

La porte des vestiaires s’ouvrit d’ailleurs pour laisser entrer leurs trois camarades, les joues roses et la mine victorieuse de celles ayant réussi à s’exfiltrer en toute discrétion. Virgil suivit des yeux Maeva tandis qu’elle prenait place en face de lui, à l’extrémité du matelas occupé dorénavant par Lisa et Damon.  Il répondit à son imperceptible sourire par un regard insistant avant de se tourner vers Kasya :

« Pourquoi tu es habillée comme si tu allais faire un cambriolage (à Angers)? Tu ne t’es pas désillusionnée pour venir ?»

C’était ce qu’ils avaient fait pour échapper au tout nouveau système de surveillance installé dans les couloirs de l’école.   Ils avaient quitté leur dortoir où Noah Forester -Monsieur le Préfet- dormait paisiblement,  puis ils avaient récupéré leurs affaires planquées dans la salle commune avant de traverser le château en silence pour rejoindre le terrain de quidditch.  

« Je t’en pose des questions, Forbes ? » répliqua Kasya . Elle entoura ses bras autour des épaules de Philip pour déposer un baiser sur ses lèvres, Merci chaton pour le coussin ! »

Phil ne se fit pas prier pour répondre très goulument  au baiser de sa petite-amie ce qui tira une grimace de dégout à Virgil.

« Dois-je vous rappeler que  « Poudlard n’est pas un lupanar. » Cette phrase prononcée, selon la légende, par Margot Adamson à un couple d’amoureux  se transmettait depuis plusieurs générations d’élèves. Un peu de respect pour ces lieux voyons. »

Virgil s’interdit le moindre regard en direction de Maeva. S’il y avait bien deux personnes, ici même, n’ayant absolument pas respecté les endroits sombres et tranquilles de Poudlard ce dernier mois…c’était bien eux.

A l’instar de son complice, Maeva ne fit cas de rien  puisqu’elle fit dévier la conversation sur le contenu de leurs sacs. Ils avaient convenus qu’ils devaient tous ramener quelque chose d’interdit à cette soirée spiritisme. Quand le tour de Virgil arriva, il souleva légèrement les fesses de son pouf pour attraper quelque chose dans sa poche et  jeta finalement un petit sachet rempli de poudre violette sur le plateau de jeu.

« Si quelqu’un est d’humeur à se défoncer ce soir… Il y a ce qu’il faut. » dit-il d’un air satisfait.

«  Skye te paye beaucoup trop grassement ! » fit remarquer Damon en attrapant le sachet de drogue entre ses doigts.

« Je te vois. » commenta Lisa avant de laisser échapper un éclat de rire. Elle faisait clairement référence à la dernière soirée où Virgil et Damon avaient consommé de la Volubilis, Les gars il faut que vous rédimiez les doses par contre si vous ne voulez pas vous faire griller demain. »
Virgil haussa les épaules d’un air détaché.

« J’ai divination en première heure. Je serai dans l’état psychique adéquate pour pratiquer cet art… »

Il faisait le malin mais Lisa avait parfaitement raison. Il avait d’ailleurs calculé le bon dosage pour ressentir les effets bénéfiques du puissant opiacé tout en limitant les effets indésirables du lendemain. Dans la mesure du possible, bien sûr.

« En tout cas, il y en a pour tout le monde. »

Il laissa courir son regard sur ses cinq camarades comme pour les mettre au défi d’essayer  puis Damon prit la direction des opérations pour expliquer le principe d’une soirée spiritisme.

«  Alors, je vous explique, dit-il d’ une voix grave et théâtrale, nous allons invoquer les esprits des morts…. »

« Est-ce qu’on peut appeler les parents de Maeva parce qu’elle a une autorisation de sortie à leur faire signer. » l’interrompit Virgil en levant un index devant lui.

Les regards désapprobateurs que lui lancèrent Lisa et Kasya lui tirèrent un rictus amusé.

« Ne me dites pas que vous n’y avez pas tous pensé ? s’exclama le Gryffondor, Maeva, je suis sûr que tu aurais deux trois trucs à leurs demander ! Non ? » ajouta-t-il en parfait troll qu’il était.

Virgil attrapa son verre et but une gorgée de Whisky bon marché pour masquer son large sourire derrière son gobelet.

« J’avoue, ta mère n’ est pas vraiment du genre à répondre présente quant on l’appelle, admit Virgil en reposant son verre, si au moins on avait été terroristes, peut-être, mais ce n'est même pas le cas. »

Il haussa les épaules, un brin fataliste avant d’afficher un sourire désabusé à la remarque suivante de Maeva sur son potentiel lien de parenté avec les jumeaux de Magpie. Si Virgil avait été seul avec son amie, il aurait probablement surenchéri dans l’horreur la plus totale. «  Ton père est surement le génteur de ces deux gosses : Il avait besoin de nouveaux punching-balls, tu commençais à être trop grande pour lui. » Mais le Gryffondor garda cette remarque horriblement cynique pour lui, même si elle aurait probablement fait rire Maeva.

Virgil était quasiment certain que Damon et Philip ignoraient le passé violent de James Smith et il n’était pas sûr que Maeva ait envie de le crier haut et fort. Elle ne lui aurait probablement jamais parlé des coups qu’elle avait reçu s’il n’avait pas découvert, en même temps qu’elle, à quel point James Smith  pouvait s’avérer décevant. Une véritable grosse merde qui se révélait être un père brutal en  plus d’être un mari infidèle. Virgil n’avait aucun scrupule à salir la mémoire du défunt père de Maeva mais il garda toutefois le silence, uniquement par égard pour la jeune femme dont il s’était quelque peu rapproché ces derniers temps.

Les deux amis avaient vu leur relation évoluer sans vraiment changer du tout au tout.  C’était même très étrange d’ailleurs.

A vrai dire, ils échangeaient toujours les mêmes blagues douteuses, passaient le plus clair de leur temps entourés de leur bande de copains mais il leur arrivait, de temps en temps, de se retrouver pour partager quelques moments en tête à tête. Si sur le papier cette relation secrète pouvait ressembler à celle que Virgil avait entretenu avec Nelly en début d’année mais  il vivait cette nouvelle situation on ne peut plus différemment. Tout était nettement plus simple avec Maeva. Elle n’attendait pas davantage de lui, ni lui d’elle et ils semblaient sur la parfaite longueur d’onde. Pour le moment, ils se contentaient de ce qu’ils avaient à s’offrir mutuellement, sans chercher à mettre des mots sur ce qu’ils vivaient : Ils partageaient des frissons, de l’exaltation, des moments sulfureux…et un peu de tendresse, parfois, aussi.

Ils avaient scellé une sorte de contrat tacite sur la terrasse du Freaky Bottom et Virgil devait avouer que cet arrangement fonctionnait étonnamment bien. En temps qu’allergique à l’engagement, il ne voyait que des avantages et s’il avait eu peur, au début, que leur amitié soit entachée par cette liaison, un mois de pratique assidue avait eu raison de ses craintes… Le jeune homme croisa une nouvelle fois le regard de Maeva sans rien dire. Il avait bien envie de trouver un prétexte pour s’éclipser quelques instants avec elle mais au lieu de ça, Kasya lui donna un petit coup dans la chaussure.

« Bon, les parents de Maeva sont hors course. » dit-elle en jetant un regard  appuyé dans sa direction.

Il poussa un long soupir sonore et renversa sa tête en arrière.
« Vous n’ êtes vraiment pas drôles. » répondit –il avant de se tourner légèrement sur un coude pour allumer  la bougie sensée éclairer leur séance de spiritisme. Il éteignit les autres lumières d’un sortilèges et attendit que ses yeux s’habituent à l’obscurité avant de continuer.  «  Aucun goût du risque, zéro audace.  Invoquons donc l’esprit de Nick Quasi Sans tête pendant qu’on y est… »
Piquée dans son orgueil de Gryffondor, Lisa suggéra une autre illustre défunte à contacter, morte dans l’enceinte de l’école. L’ancienne directrice de Poudlard, Daisy Mason.
« Voila qui devient intéressant. »  répondit Virgil.
Il se redressa sur son pouf et passa en revue chacun de ses camarades. La bougie posée juste à côté du plateau de Ouija éclairait leur visage d’une lueur vacillante.
« On va pouvoir l’interroger sur les raisons qui l’ont poussées  au suicide. »
« Et surtout savoir  si elle s’est vraiment  suicidée. » rectifia Philip, jamais le dernier pour adhérer à certaines théories du complot.
« Moi je veux lui demander si elle a souffert quand sa tête s’est éclatée au sol et que sa cervelle s’est rependue tout autour d’elle…. »
Lisa, Philip et  Kasya esquissèrent une moue de dégoût.
« Quoi ? souffla Virgil d’un air détaché en tirant sur sa cigarette, c’est exactement ce qui s’est passé. Ça ne sert à rien de se voiler la face. »
« …Elle n’est peut-être pas morte sur le coup d’ailleurs…. »
« …elle a surement tenté de ramasser un peu de matière grise pour la remettre vainement dans sa boite crânienne dans un dernier sursaut de survie… »
« …puis elle a agonisé de longues minutes en espérant que quelqu’un la trouve. Sauf que personne ne l’a découverte avant le petit matin gisante au pied de la tour.... »
« On raconte que l’herbe grasse était imbibée de sang tout autour d’elle et que Silvester en a trainé de partout dans les couloirs du château en allant chercher de l’aide… »
« Oui elle s’est complètement vidée… »

L’ambiance était posée. Virgil et Damon tendirent le bras pour déposer  leurs index sur la goutte positionnée au centre de la planche Ouija. Ils attendirent que leurs amis les imitent avant que Damon ne demande d’une voix d’outre-tombe :

« Esprit de Daisy Mason, es-tu là ? »

Virgil ? Fermer docilement les yeux pendant une séance de spiritisme ?  Mais bien sûr ! Damon l’avait pris pour un boursouf de trois semaines, ma parole. Si les autres s’exécutèrent, le Gryffondor observa son ami de son traditionnel regard blasé. Que faisait donc la main de Damon dans la poche ventrale de son sweat, hein ?
Les deux amis échangèrent un bref regard complice  et Virgil retint un sourire lorsque la goutte bougea sur la planche pour inscrire un « OUI ». L’esprit de Feu Daisy Mason était bel et bien présent dans les vestiaires du stade de quiddtich.

Olala…
Quelle surprise…

Leurs  camarades semblaient purement stupéfaits –Merlin comment pouvaient-ils être aussi crédules ?.  Loin de verbaliser ses pensées,  Virgil se joignit à eux en lâchant un « Mais c’est stupéfiant ! » outrageusement exagéré qui passa totalement inaperçu au milieu des autres exclamations. Damon fut le seul à relever son scepticisme : La commissure de ses lèvres tressaillit imperceptiblement tandis qu’il contenait un éclat de rire face au jeu d’acteur  calamiteux de Virgil. Bien décidé à poursuivre son petit numéro, le batteur reporta vivement son attention sur Maeva pour l’inviter à poser la question suivante, qui se porta logiquement sur les causes de la mort de l’ancienne directrice.

Il y avait eu plusieurs rumeurs contredisant la thèse du suicide. Bien que Daisy Mason ait laissé derrière elle  une lettre d’explications, certains estimaient que ce courrier comportait plusieurs invraisemblances. Les filles de la défunte elles mêmes l’affirmaient mais ils étaient nombreux dans le monde magique à estimer que les triplés Mason avaient simplement beaucoup de difficulté à faire face au décès tragique et soudain  de leur mère. Tout le monde ne gérait pas son deuil aussi efficacement qu’une Maeva Hellsoft. Pardon, qu’une Maeva Virtanen.

La jeune femme semblait avoir complètement rayé sa mère de sa vie,  jusque dans le choix de son nouveau nom de famille. Elle évoquait Chloé comme s’il s’agissait d’une vague connaissance dont elle pouvait se moquer allégrement et non pas la femme qui lui avait donné la vie et qui l’avait élevée. Soit. Virgil avait fait le choix – discutable, aux yeux de Kasya- de calquer son comportement sur celui de Maeva : Ironie et le cynisme en maitres-mots. Les autres membres de leur petite bande étaient nettement plus mesurés dans leur propos  mais ils étaient tous d’accord sur un point : Ils avaient à cœur d’entourer au mieux leur amie , chacun à leur manière. Kasya et Phil avaient préparé un délicieux gâteau surprise  pour son anniversaire et une petite fête en son honneur. Lisa n’était jamais à cours d’idée pour animer le quotidien de Maeva et de toute la bande : Elle avait , entre autre, instauré un petit rituel « Les  soirées déguisées du jeudi soir». Quand à Damon, il se laissait gentiment bolosser…même si c’était déjà le cas bien  avant le décès des parents de leur amie.

D’ailleurs, son numéro de spiritisme prit rapidement fin lorsque les membres de la PPP –La Pire Promo de Poudlard- remarquèrent la baguette cachée dans la poche de son pull qui lui servait depuis le début à manipuler la goutte.

« Je suis  si déçu Damon tu ne peux pas savoir à quel point ! » surjoua Virgil. Il prit une pose volontairement effarouchée « Tu t’es joué de nous. »

Pas choqué pour deux sous, le Gryffondor attrapa son verre pour boire une nouvelle gorgée de cocktail maison. Comme à son habitude il était pleinement satisfait à l’idée de jeter de l’huile sur le feu. Un petit sourire suffisant se dessina sur ses lèvres et il s’empressa de rebondir sur la suggestion de Maeva.

« Complètement d’accord, Dam’s mérite un châtiment pour avoir retourné sa veste et rejoint nos ennemis de toujours, les verts et argent. »

« Non mais, stop. intervint-il,  Virgil et Maeva qui me font une leçon de moral…on aura tout vu. Cette enflure était au courant depuis le début  en plus.» ajouta Damon en pointant son index sur Virgil. Ce dernier fit claquer sa langue sur son palais pour témoigner de  son agacement et ajouta.

« Qui est d’accord pour que Damon ait un gage. » Tout le monde leva le doigt sauf le principal intéressé, évidemment, « La majorité a parlé, Dam’s.»
« Ben voyons, Vous savez ce que vous faites là ? Vous faites de la beaugossophobie. Ouai, j’ai pas peur moi, je vous balance bande de beaugossophobes! »

Virgil se tourna alors vers ses amis comme si Damon n’avait plus aucun mot à dire dans cette histoire. Il le chassa même de la main comme s’il s’agissait d’une vulgaire mouche.«  Je propose que nous établissions ce gage à plusieurs pour plus d’équité. »
« Équité mon cul ! » CHUT.
« Je commence :  Damon va devoir faire un live sur instamag pendant lequel… »
Virgil reporta son attention sur Phil pour lui passer la main :
« …pendant lequel…. il fera le tour du terrain de quidditch en… »
Les deux garçons se tournèrent vers les filles qui allaient avoir la lourde tache de ridiculiser un maximum le joueur de quidditch durant son gage nocturne. D’ailleurs Virgil comptait bien profiter de ce bref moment en extérieur pour s’éclipser un peu avec Maeva dans l’obscurité de la nuit…

A demi allongé sur son pouf, Virgil tirait sur sa cigarette tout en observant en silence les filles. Hilares, elles étaient occupées à la customisation du caleçon de leur ami. Aucun doute possible, Damon allait faire le buzz avec sa reprise de Celestina Moldubec, revisitée à sa sauce. Il allait collectionner les likes grâce à son apparition nocturne, à demi nu.  Virgil nota mentalement de ne pas apparaitre sur l’enregistrement instamag  tant il soupçonnait quelques enseignants de stalker les profils des  élèves de l’école. S’il pouvait s’éviter un nouveau blâme  - le privant potentiellement de sa poursuite d’étude à Skye- il n’allait pas se gêner pour laisser le soin à Lisa de gérer l’aspect numérique du gage. Virgil avait déjà été échaudé avec l’enregistrement Magpie/Marchebank de la St-Valentin 2010  et il ne tenait pas à répéter les mêmes erreurs. Il appréciait la technomagie  au moins autant qu’il s’en méfiait.

Et puis, il espérait bien pouvoir profiter de ce moment furtif pour s’éclipser avec Maeva. Peut-être qu’il se trompait, mais il était quasiment sûr qu’elle avait les mêmes aspirations que lui présentement. En un mois de relation cachée de leurs amis, ils avaient développé tous les deux leur propre langage silencieux :  Regards brefs,  effleurements  anodins en apparence, pleine conscience du regard de l’autre  posé sur soi, tous leurs gestes, tous leurs mots  pouvaient être chargés de sous-entendus et vus comme un appel du pied.

D’ailleurs Virgil était assez satisfait que Maeva lui donne l’occasion de la contempler de longues secondes sans avoir à s’en cacher. Il déchiffra la phrase qu’elle écrivait sur le slip de Damon à l’envers et esquissa un imperceptible sourire en coin. Dam’s allait a-do-ré.

« Lisa, attends, dit-il alors en coinçant sa cigarette au coin des lèvres tandis que la petite-amie de Dam’s se levait pour lui rendre son caleçon.  Il  s’allongea un peu plus pour fouiller la poche de son jeans et sortit sa baguette à son tour. Il comptait bien apporter sa petite touche personnelle et artistique à cette oeuvre d’art de toute beauté.  Sans attendre, il convoqua un sortilège pour faire apparaitre des petites bandes réfléchissantes sur le devant du caleçon ,  inscrites dans une forme suggestive, juste sous l’inscription de Maeva. Quand il serait de l’autre côté du terrain, plongé dans l’obscurité,  ils pourraient toujours visualiser ce petit "ver" luminescent, songea Virgil avant de libérer Lisa. Cette dernière rejoignit Damon qui te tarda pas à revenir, visiblement assez peu ravi de son accoutrement.
« Franchement, je préférerai être poil. »
« C’est pas le deal Dam’s. » souffla Virgil en secouant lentement la tête, les yeux mi-clos.
« Mais quel deal ? Vous vous êtes tous ligué contre moi.»
« Dam’s la Victime. »
« Pauvre petit chou ! »

Maeva sonna le top départ vers l’extérieur et Virgil tendit la main vers Kasya pour qu’elle l’aide à se relever de son siège au ras du sol. Il attrapa son verre pour en boire une gorgée avant de rejoindre le petit groupe à l’extérieur en prenant bien garde de rabattre la capuche de son sweat sur ses cheveux châtains clairs. A sa connaissance, le stade de quidditch n’était pas équipé de caméra mais il préférait rester discret, au cas où, tandis qu’il avançait en direction du stade plongé dans la pénombre. Il devinait à peine les cinq silhouettes de ses amis devant lui mais l’adolescent sortit tout de même son Pear pour filmer le petit groupe qui le devançait et garder un souvenir personnel de ce moment qu’il ne partagerait as sur la toile. A vrai dire, on ne voyait pas grand-chose - si ce n’est les fesses de Damon moulées dans son caleçon jaune -mais on pouvait tous les entendre pouffer de la situation et contenir leur rire pour ne pas se faire repérer. Lorsqu’ils s’arrêtèrent prêt de la piste Virgil ne se fit pas prier pour immortaliser -en très  gros plan- le caleçon décoré.

« Il fait froid Dam’s, non ? »
« Dégage p’tite pute. »

Virgil contint un éclat de rire, et, à l’instar des plus grands réalisateurs, il poursuivit son plan séquence, sa cigarette presque consumée coincée au coin des lèvres. Il filma Lisa essayant de déverrouiller  le Pear de Damon – son ami n’était pas assez fou pour donner son code à ses copines-  puis  Philip et Kasya qui échangèrent un baiser derrière le doit d’honneur tendu de cette dernière. La vidéo capta finalement  le visage de Maeva durant de longues secondes avant que Virgil n’abaisse son Pear pour ne plus avoir à l’observer à travers le prisme technomagique.
Il avait terriblement envie d’elle ce soir et il était vraiment tenté d’ajouter un interdit à leur longue liste de manquements...

Le lancement de Lisa – digne d’une présentatrice de la RITM – interrompit ce moment suspendu, et Virgil  reporta son attention sur la scène qui se jouait devant eux. Il se débarrassa  de son mégot d’une pichenette et reconnut enfin les premières notes du célèbre tube de Celestina Moldubec :

« Oh, viens, …viens remuer mon chaudron ! Putain vous êtes chié ! »
« Mais, alleeeez ! »
« Tu te dégonfles  ? ! »
« Moi me dégonfler ? Oh, viens, viens remuer mon chaudron ! reprit Damon. Il  se mit à trottiner, précédé par Lisa qui courrait à reculons, le pear de Dams entre les mains et braqué sur lui , pour ne rien manquer de la scène, Et si tu t’y prends comme il faut
Je te ferai bouillir une grande paaaaassion
Pour te garder ce soooooir près de mooooooi bien au chaaaaaud ! »

Virgil s’apprêtait à suivre ses camarades ( et pourquoi pas à accentuer cette humiliation en fouettant les fesses de Damon avec un balai abandonné sur le bord du terrain) lorsqu’une main posée sur son poignet le retint en arrière.
Les autres continuaient à avancer sans remarquer que Maeva et lui étaient restés immobiles, sur le bord du terrain, à deux pas des accès aux gradins.

Certes,  humilier ses semblables était l’une des activités favorites de Virgil mais il devait avouer que  passer du temps en tête à tête avec Maeva supplantait ses viles projets… même ceux impliquant la flagellation public du postérieur de Damon.

Il suivit donc sa camarade sans opposer la moindre résistance et se laissa entrainer sous les tribunes, dans la forêt de poutre en bois maintenant les gradins en hauteur.

« Il paraît qu’on n’a aucun sens moral ? » souffla-t-elle alors avant de capturer ses lèvres dans un baiser qu’ils attendaient tous les deux depuis bien trop longtemps.

Virgil adorait cette sensation. Quand la douce torture prenait fin et qu’ils plongeaient éperdument l’un vers l’autre, sans retenu aucune. Ces moments partagés dans le plus grand secrets s’avéraient aussi brefs que passionnés. Galvanisés par le goût de l’interdit, leurs baisers trouvaient dans ce contexte une nouvelle intensité dont Virgil ne se lassait pas, lui qui aspirait si peu au calme rassurant d’une vie bien rangée.  

« Quel sens moral ? » demanda-t-il, le souffle court, tout contre la peau du cou de Maeva sans attendre de réponse de sa part. Ses mains s’étaient frayées un chemin au creux de son dos,  sous son sweat rouge et or, puis un peu plus bas. Merlin, si seulement Damon pouvait passer une heure à faire son tour de stade ! Virgil l’entendait chanter dans le lointain mais il refusait de se concentrer sur les fausses notes de son ami, préférant profiter pleinement de l’instant présent, de la pression des lèvres de Maeva sur les siennes et de son corps languissant tout contre le sien. Alors qu’il le caressait sans retenue, Virgil interrompit brusquement son étreinte et baissa les yeux sur la poitrine de Maeva où sa main venait de s’attarder.

« Tu as enlevé ton insigne ? s’enquit-il avec un sourire en coin. La broche «  Préfète-en-Chef » n’était plus épinglée sur son pull alors qu’elle la portait tout le temps à Poudlard.  Virgil fronça légèrement les sourcils sans se départir de son air amusé, Donc, si je comprends bien, tu es en roue libre ce soir… » Maeva avait fait le choix assumé de ne plus représenter l’ordre et le règlement de l’école. Non pas qu’elle le fasse habituellement – On parlait tout de même de la plus Serpentard des Gryffondor- mais tout laissait à penser, qu’aujourd’hui, elle avait plus que jamais envie de franchir la limite autorisée. Et quel meilleur binôme pour ce genre d’activité que ce très cher Virgil Forbes ?

« Viens on leur fausse compagnie un peu plus longuement qu’un tour de stade, suggéra-t-il en resserrant son étreinte autour de la taille de la préfète. Damon courrait vite – cette enflure- il n’allait pas tarder à boucler la boucle, On trouve une excuse bidon, ils étaient au moins aussi fort l’un que l’autre dans ce domaine et n’en seraient pas à leur premier coup d’essai,  Et on se prend un moment . J’ai vraiment trop envie d’éprouver ton sens moral…. Souffla-t-il en l’embrassant  avant d’ajouter,  tout contre  ses lèvres, Le fantôme de Mason ne va pas s’envoler. »

Il y avait quelque chose de très appréciable chez  Maeva : Elle était partante pour absolument tout. Virgil ne l’avait jamais entendue décliner une proposition. Bien au contraire, puisqu’elle n’était jamais la dernière pour surenchérir. Le Gryffondor avait parfois l’impression d’avoir trouvé son pendant féminin, une autre version de lui-même –légèrement  plus diplomate peut-être…en encore. Les deux Gryffondor ne respectaient aucune limite, si ce n’est celles qu’ils s’imposaient à eux-mêmes.

Virgil ne trouvait rien de plus grisant au monde.  Il avait toujours aimé flirter avec les interdits et ce depuis son plus jeune âge. Ce n’était pas nouveau pour lui contrairement à Maeva qui s’était incontestablement dévergondée ces derniers mois.  Il aurait sans doute dû s’inquiéter de cette nouvelle tendance chez son amie -tendance qui s’était accrue à la mort de ses parents- mais il était bien trop satisfait d’avoir trouvé une charmante partenaire de crime pour se livrer à des analyses psychologiques de bas-étage.

Il estimait que Maeva avait surement besoin de se changer les idées, de vivre pleinement – plus que jamais- et il entendait bien faire partie de cette équation.

Cette relation ne ressemblait en rien à celle qu’il avait vécu auprès de Nelly même si, sur le papier, on pouvait y voir quelques similitudes. A vrai dire, la principale différence se trouvait dans la manière dont Virgil vivait – et avait vécu- ces deux histoires.

Avec Nelly, il avait pris les choses trop à cœur -bien qu’il s’en soit toujours défendu. Il avait vaguement pris conscience de son attachement au fur et à mesure de leur histoire, sans se l’admettre totalement. Il s’était rassuré en se disant qu’il serait toujours le moins accroc des deux et qu’il maitrisait la situation. Leur rupture initiée par la Serpentard avait été si brusque et si soudaine pour lui qu’il avait eu beaucoup de mal à l’encaisser. Vexé dans son amour propre, il avait eu des pensées peu charitables pour Nelly mais cette inimité s’était atténuée ces derniers mois…
Sans doute grâce à Maeva. Avec elle, tout était plus simple. Il faut dire que Virgil n’envisageait pas cette relation comme une véritable histoire amoureuse, au sens noble du terme.  

C’était surement pour cette raison  qu’il se sentait si à l’aise dans cette relation. Maeva n’ attendait pas de lui qu’il s’engage ou qu’il se déclare. Ils passaient juste du bon temps ensemble, sans contraintes et sans jugement. Leur relation amicale demeurait quasiment inchangée. Il avait gardé sa pote et découvert dans le même temps  une amante…

« Les vestiaires de l’équipe adverse. » Une amante, pleine de ressources.
Virgil approuva d’un mouvement de tête la proposition de son amie tandis qu’une lueur concupiscente éclairait son regard. Les vestiaires offraient un cadre aussi insolite que sympathique  à leur projet et Virgil s’y voyait déjà... Le Gryffondor entremêla ses doigts à ceux de la préfète et commença à contourner le terrain où Damon se livrait toujours à son gage en slip en compagnie de leurs amis.

Ils se trouvaient à quelques mètres d’eux, lorsque la conversation de la PPP s’orienta justement sur les deux absents. Virgil s’immobilisa et resta à couvert derrière un poteau de bois, guettant ses camarades éclairés par la lueur de leurs Pears depuis sa cachette.

« Maeva ? Virgil ? Vous êtes là ? »
Silence.
« Non mais tu les connais, ils ont dû partir se planquer de l’autre côté du stade pour nous faire peur. » suggéra Philip en plissant les yeux pour percer l’obscurité.
« Naaah, moi je pense plutôt qu’ils sont partis baiser dans un coin. »
Virgil tiqua légèrement avant de se pencher vers Maeva.
« Je ne pensais pas Damon aussi perspicace… » souffla-t-il avant de tendre l’oreille pour reprendre le fil de la conversation.
« Tu crois qu’ils sont ensembles ? »
« J’en sais rien… Tout ce que je sais c’est que Virgil était avec une meuf mais que ça s’est terminé en décembre. »

Mais quel traitre ce Damon ! Virgil était à deux doigts de sortir de sa cachette pour aller balancer tous les dossiers de Dams. Et Merlin seul savait qu’une nuit entière  ne suffirait pas.

« Je ne pense pas qu’ils soient ensembles, poursuivit Kasya avec le plus grand sérieux, Au contraire. Je crois que Maeva est encore amoureuse de Noah. »
« Quoi ? Tu rigoles, elle le déteste ! Et elle a parfaitement raison d’ailleurs. Tu as vu comment il s’est conduit avec elle ? »
« Il a réagit comme un vrai cognard, certes, c’est sûr, mais ils ne peuvent pas balayer une histoire vieille de deux ans comme ça. »
« Nous on a réussi Kas’. » crut bon de préciser Damon. Les regards simultanés que lui jetèrent Kasya , Lisa et Philip le firent lever les mains de part et d’autre de ses épaules, comme s’il était pris sur le fait «  Je ne dis que la stricte vérité. »
Kasy secoua la tête. Elle semblait se demander comment elle avait fait pour rester deux ans avec un crétin pareil. « Moi je vous le dis, Maeva est encore accroc à Noah mais elle refuse de se l’admettre, c’est tout. Elle est têtue. Virgil n’a aucune chance… »
« Dommage, je trouverais ça cool qu’ils sortent ensemble. On pourrait faire des triple-date.» fit remarquer Philip, surement le plus romantique de la bande.
« Maeva & Virgil… Lisa écarquilla les yeux, d'un air passablement horrifiée… Deux ingrédients pour une potion explosive. Non mais vous  imaginez ce couple toujours dans la surenchère ? Déjà qu’en tant que potes ils vont loin, alors cette fois ! Ils seraient insupportables. »
« Ils sont déjà insupportables. » Pas faux.
« Pensez ce que vous voulez mais moi je suis persuadée de ma théorie… »
Virgil se tourna lentement vers Maeva pour l’interroger du regard. Souhaitait-elle réagir aux propos de leurs amis ou rejoindre les vestiaires en catimini…