Watermelon [Blair & Urban]

Blair déboucha dans les ruelles de Pré-Au-Lard en trottinant doucement. Ce petit footing depuis Poudlard  faisait figure d’échauffement avant son programme sportif prévu cet après-midi. Elle avait callé deux heures d’entrainement intensif –Musculation &  gainage- avant de retourner au château en fin de journée  pour retrouver ses camarades du « Club de Jeu de Rôle ». Ils avaient une quête à boucler dans laquelle Blair interprétait un Géant des Montagnes défiguré – Mi troll mi humain- pour son plus grand plaisir.

Coiffée de deux longues tresses plaquées contre son crâne et vêtue d’une tenue de sport aux couleurs fluos elle arpentait donc les rues du village encore désertées par les étudiants les plus jeunes. Seuls les septième années disposant du permis de transplanage l’avaient précédé dans sa course pour regagner Pré-Au-Lard.  Il faut dire qu’elle avait un autre rendez-vous à honorer dès le début d’après-midi avec son grand frère. Il y avait toujours un membre de la famille Williams pour venir passer un petit moment avec elle le jour des sorties. Le plus souvent, il s’agissait d’ Urban mais parfois Katherine ou Mia prenaient le relais.

Généralement, les Williams se retrouvaient aux Trois Balais pour parler de choses et d’autres avant de s’éclipser sur les chemins de randonnées pour échanger plus librement et partager quelques informations plus confidentielles.  Blair avait d’ailleurs hâte de lire le dernier numéro du Cognard Déchainé, espérant y trouver un article de sa talentueuse sœur ainée Mia.

La jeune femme poussa la porte du pub et balaya la pièce du regard à la recherche de la silhouette élancée de son frère. Son regard s’illumina littéralement quand elle le vit se lever de sa banquette, pour déplier son mètre quatre vingt douze depuis  le fond de la pièce.  

Blair lui accorda un sourire rayonnant et un petit signe de la main tout en avançant vers lui pour le prendre dans ses bras dans une longue étreinte qui s’apparentait davantage à une prise de catch. Jouer à « celui qui sert le plus fort » était nettement plus amusant qu’un simple câlin. Elle adorait se livrer à cette affectueuse compétition avec ses grands frères – ses sœurs trouvant cette drôle de coutume un peu trop brusque et Jannick refusant d’y participé depuis que Blair avait – disait-il- tenté de le briser en deux.

« C’est moi qui ait gagné ! » claironna la jeune femme – compétitrice dans l’âme-  en desserrant ses bras pour s’éloigner quelque peu pour observer le visage de son frère. Il était aussi grand qu’elle était petite. Taquine, elle tata son biceps et ajouta : «  Il me semble que tu as perdu du muscle Urban! Tu es bon pour un petit entrainement avec ta petite sœur préférée. »

Depuis l’accident qui avait vu la carrière d’Urban s’arrêter nette, son frère avait considérablement rédimé sa pratique sportive. Blair ne supportait pas l’idée de le voir se ramollir et délaisser son ancienne passion.  Certes, les avis médicaux avaient été on ne peut plus clairs -Urban ne pouvait pas continuer le sport à haut niveau- mais la jeune femme n’arrivait pas à faire le deuil de ce grand frère sportif qui lui avait ouvert la voie dans la pratique du quidditch. Même si les Williams avaient tous grandi avec un balai entre les mains, Urban avait toujours été le plus talentueux des joueurs de la famille. Certes, Ole volait comme personne, avec une grâce naturelle et une fluidité déconcertante mais Urban avait toujours eut une meilleure lecture du jeu.

Blair avait passé  des après-midis entiers sur l’île de Søren à les observer,   à mimer  leurs postures, à mémoriser leurs figures et à analyser leurs choix stratégiques. Elle avait beaucoup appris auprès d’eux mais elle traçait dorénavant sa route, seule, sans perdre de vue son objectif final : Décrocher un contrat pro chez les Harpies.
Blair glissa sur la banquette qui faisait face à celle d’Urban et détailla son ainé du regard tandis qu’il prenait place en face d’elle. Il avait l’air plutôt en bonne forme aujourd’hui et il lui avait même ramené  quelques confiseries de  chez Honeydukes.
Cela partait d’un bon sentiment, elle le savait bien,  mais Blair s’imposait un régime alimentaire assez strict et bannissait toute forme de sucrerie de son alimentation depuis quelques mois déjà.  Elle ne deviendrait pas la meilleure batteuse du championnat étudiant en se gavant de friandise.

« Merci, répondit-elle toutefois avant d’ajouter, mais j’ai arrêté les bonbons, elle fronça le nez et rentra sa tête entre ses épaules comme pour s’excuser auprès de son ainé, tu peux les ramener à Jannick, je suis sûr qu’il sera très heureux d’en avoir. »  Leur petit frère était un incorrigible gourmand.

Madame Rosmerta s’approcha de leur table pour prendre leur commande -un simple verre d’eau pétillante pour elle- juste avant qu’Urban ne l’assaille, comme toujours, de mille questions et de mille recommandations. Blair retint un soupir. Son frère avait toujours cette fâcheuse tendance à vouloir la surprotéger.  Elle avait l’impression que ses craintes  s’étaient accentuées  depuis son accident et qu’il transposait ses propres peurs sur elle.  Sauf qu’elle était tout à fait capable de prendre soin d’elle-même, comme la grande fille qu’elle était. Merci bien.

« Bien. Oui. Oui. Pas toutes. » dit-elle sans chercher à masquer l’agacement que lui inspirait l’ interrogatoire paternaliste de son frère ainé.

Non, elle ne portait pas l’intégralité des protections qu’il lui avait prêtées à Noël. Si elle s’était bien faite aux coudières et aux genouillères, la ceinture dorsale la gênait bien trop dans ses mouvements et le casque dans sa visibilité.

« C’est bon Urban, je suis prudente, dit-elle alors avec une pointe d’agacement dans la voix. Elle n’allait pas faire une chute de balai brisant ses rêves et ses espérances. C’était triste à admettre – et impossible à dire-  mais Blair avait tiré les leçons des erreurs de son propre frère. La jeune femme releva ses grands yeux verts sur son ainé, et tu sais ce que diraient les membres de l’OFFRE là ? Tu cherches à  maintenir sur moi un rapport de dépendance  tout en lui conférant une tonalité affective. », récita-t-elle avant de boire une gorgée de son verre d’eau.

Elle avait épluché les tracts de l’organisation féministe et avait surligné certains passages pour se les répéter comme mantra.  Cette citation en faisait justement partie.

« Parle moi plutôt du match, reprit-elle en posant ses avant-bras marqués de bleus à plat sur la table,  J’ai entendu les commentaires de Terry et John-Peter sur la RITM – les deux collègues de Mia spécialistes du quidditch, Je ne comprends pas pourquoi Fields a aligné Redware alors qu’il aurait pu faire jouer Jones. Sa précision et sa vitesse aurait été utile  face à ces gros balourds des Pies ! »

« Ce n’est pas vraiment un régime… » En tout cas, pas un régime au sens où l’entendaient de nombreuses filles et même certains garçons. Blair ne faisait pas attention à sa ligne en vue de posséder le parfait « body summer » pour cet été. Elle s’imposait simplement un programme alimentaire rigoureux pour maximiser ses performances sportives et sa récupération. Tout sportif de haut niveau devait passer par là, plus tôt elle s’y mettrait, mieux ce serait ! Urban avait beau affirmer qu’il n’était pas nécessaire de se priver de sucrerie pour performer, l’adolescente restait sceptique.

« Je ne me privais pas à ton âge. Ni après."

Mais sans vouloir être désobligeante, elle n’avait pas pour objectif d’embrasser la carrière commentatrice sportif.
La jeune batteuse se morigéna intérieurement pour avoir eu cette pensée mesquine. Elle n’était pas tendre avec son frère, qui, le pauvre,  n’y était absolument pour rien dans cette reconversion professionnelle subie. Elle savait que si Urban avait eu la possibilité de poursuivre une carrière à haut niveau, il l’aurait fait. Mais c’était plus fort qu’elle : elle ne supportait pas qu’il veuille ainsi régenter ses choix. Elle ne critiquait pas son végétarisme, elle !  Pourquoi Urban avait-il le droit de manger ce qu’il avait décidé et elle, non ?

La jeune femme garda ses observations pour elle, peu désireuse de se fâcher avec Urban aujourd’hui. Il avait fait l’effort de venir la voir pour lui apporter des nouvelles familiales de vive voix et elle ne tenait pas à se disputer… Mais c’était sans compter sur l’insistance de son frère particulièrement étouffant : « Et fais attention par-ci, et je voudrais pas que tu te fasses mal par-là»
Stop, stop, stop, stop. Blair roula ostensiblement des yeux cette fois avant de lâcher, excédée.

« Ouiiiiiiiiiiiiiiii. T’es lourd là, Urban.»

Elle n’avait rien de la gentille petite sœur docile et douce.
En effet, Blair était loin d’incarner le stéréotype imposé par sa condition féminine. Elle avait pleinement prit conscience de cet état de fait lors de sa première réunion à l’OFFRE, l’été dernier ou une conférencière avait expliqué que la société avait attribuée à chaque genre des qualités et des compétences propres à chacun :Les femmes étaient supposées être douces, sentimentales, maternelles. Les hommes forts, ambitieux, protecteurs et meilleurs dans le leadership. Une pure construction sociale qu’elle rejetait avec beaucoup de vigueur depuis.

Chaque individu était libre d’être ce qu’il était et Blair estimait qu’elle n’avait pas à choisir entre être aimante et caractérielle. Féminine et féministe. Agréable et féroce. Elle n’avait pas, non plus, à tolérer les remarques paternalistes et infantilisantes de son grand frère qui cherchait à la couver comme une enfant.

"Bien au contraire, je veux que tu puisses prendre ton envol sans risque. »

Blair l’observait en silence, ses yeux verts braqués dans ceux de son frère. Elle n’était pas un petit oisillon prêt à tombé du nid. Non.  Elle était un aigle, un vautour, mieux : Un sombral volant déjà au cœur de la tempête.

« Mais tu es libre d’ignorer mes conseils auxquels je confère une tonalité affective."

« Oooh, Elle inclina légèrement la tête sur le côté et afficha une petite moue faussement reconnaissante, merci de me laisser l’occasion de ne pas t’écouter. Tu es vraiment trop bon avec moi.  J’avais véritablement besoin que tu me dises que j’étais libre d’agir à ma guise parce que, tu comprends,  je n’étais pas vraiment sûre. »

Blair maintint cette expression durant quelques secondes avant de se mordiller la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire.  Si Urban voulait se trouver un œuf à couver, qu’il aille voir Jannick !

Fort heureusement pour le frère et la sœur, la discussion prit une autre tournure et s’orienta vers le quidditch. Au moins, sur ce sujet,  ils étaient généralement d’accord et Blair appréciait d’écouter l’expertise de son frère, admettant volontiers qu’il s’avérait très doué dans ce domaine. Elle hocha la tête lorsqu’il évoqua la joueuse Simmons que Blair appréciait beaucoup et qu’elle préférait voir jouer au poste de poursuiveuse, elle aussi. Lorsqu’il fut question de Redware elle ne put s’empêcher d’abonder dans le sens de son frère.

« Mais oui ! Cette fille est une batteuse née ! Tu as vu ses épaules ? Des épaules à faire pâlir Hagrid, Il n’y a aucune cohérence dans le schéma de jeu de Fields. Je ne le comprends pas. s’il continue à manager  les Harpies de la sorte, elles vont être rétrogradées en division inférieure. »

Pire tragédie sur terre, bien pire que l’avènement de Marchebank au pouvoir : Voir son équipe favorite descendre en ligue deux…

Urban partageait cet avis et il lui expliqua  même avoir écrit une longue analyse à ce sujet. Il sortit de son sac l’exemplaire de La Team du jour et posa le journal sur la table. L’édition du samedi en plus avec en supplément  le petit magazine en couleur !


« Gniiiiiiiii ! » s’exclama Blair en frétillant littéralement des doigts. Elle attrapa le journal et l’ouvrit directement aux pages quidditch pour découvrir avec autant d’ avidité que de fierté le papier de son frère. Elle trouva l’article en page 12 signé Urban Williams. Accoudée sur son genoux, une main devant la bouche, elle parcourut rapidement les extraits issus du textes et écrits en gros caractère. Effectivement, son frère semblait avoir rédigé un papier à charge contre Fields, Je peux garder le journal pour le lire ce soir au dortoir ? Demanda-t-elle en relevant les yeux sur son ainé.

 La bibliothèque était bien abonnée à la Team mais le journal était souvent pris d’assaut. La jeune femme tourna machinalement les pages jusqu’à la section Surf sur Balai pour voir s’il était question d’Ole – son autre grand frère sportif de haut niveau dans cette discipline. Elle trouva une petite photo de lui en fin de journal  en bas de page, torse nu sur une plage paradisiaque, son balai et une coupe entre les mains. Peau halée, collier de fleurs autour du cou,  sourire charmeur, mèche blonde décolorée par le soleil.

« C’est une photo de la compet’ d’Hawaï ! Ole m’a envoyé son collier par hibou ! » dit-elle.

Son frère ainé ne manquait jamais une occasion de lui ramener un souvenir des différents spots qu’il visitait dans le cadre de son « travail ».

Toutefois Urban ne semblait pas très disposé à l’idée de parler d’Ole. Il préféra orienter la discussion sur les progrès de sa sœur et n’hésita pas à lui donner quelques conseils bienvenus. Autant Blair détestait qu’Urban joue son papa poule autant elle appréciait ses recommandations concrètes en matière de quidditch : Que ce soit pour améliorer sa posture ou la pousser à prendre de meilleurs  choix tactiques, elle était prête à écouter –et à considérer- les paroles de son frère tant elle le savait compétent sur ces questions. Elle hocha donc la tête lorsqu’il lui suggéra de revoir sa posture de tir en jeu avant de répondre à ses questions :

« Mon prochain match est dans deux semaines, fin février. On joue contre Gryffondor. Sandra nous a préparé un super programme d’entrainement et Tara est remontée à bloc. Elle va défendre ses anneaux comme jamais. Blair et Tara Raspberry, la gardienne des vert et argent, partageaient la même détermination sans faille, Pour ma part, j’espère bien faire de la bouillie de Drop et de la purée de Dubois ! » ajouta la jeune femme avec un sourire pour son frère, et toi alors ? Comment ça se passe à la Team ? Quand est-ce que tu deviens responsable de la section quidditch ? » demanda-t-elle, cherchant toujours à pousser son grand-frère vers l’excellence.

« J’espère ! » répondit Blair lorsque son frère suggéra que le sélectionneur de son équipe favorite allait être poussé doucement vers la sortie, Non mais en plus je ne comprends pas, reprit-elle avec enthousiasme. Elle aimait beaucoup trop parler quidditch pour rester silencieuse sur la question, Les Harpies c’est l’équipe féministe pas excellence. Elles sont fortes, battantes,  vaillantes, assura-t-elle en martelant de son poing  la paume de sa main à chacun de ses mots,  et souvent bien meilleures que certains joueurs masculins de la ligue. C’est plus qu’une équipe, c’est un manifeste ! Et que choisissent de faire les dirigeants du club ? Ils mettent un homme  comme entraineur, un homme qui plus est incapable de tenir compte des compétences et des capacités de ses joueuses. Tu veux mon avis ? Peut-être pas mais comme souvent avec Blair la question n’était que rhétorique, C’est du sabotage ! On cherche à décrédibiliser l’équipe parce que « Gniagnia, les filles ne savent pas s’organiser entre elle, et gniagniagnia, elles sont tout le temps en train de se chamailler et de se crêper le chignon. » La jeune femme peinait à contenir sa frustration contre ses stupides idées reçues parfois même véhiculées dans la presse spécialisée,  D’ailleurs, est-ce qu’on parle de l’article de ton confrère de la Gazette ? ! Blair avait très moyennement apprécié – pour ne pas dire, pas du tout- un papier à charge du journaliste sportif de la Gazette du Sorcier. Il n’y a aucune analyse technique dans ses écrits, ses remarques sont hors de propos, il n’a pas de vision, son style est médiocre, il est misogyne  et il veut juste faire le buzz…Pourquoi le laisse-t-on encore écrire ?» Il devait surement connaitre les bonnes personnes. Dans ce monde corrompu, les parfaits  incapables pouvaient prospérer allégrement, malheureusement  « J’ai écrit au courrier des lecteurs pour le faire remarquer au journal . Révéla-t-elle en se frottant l’œil, Et j’ai signé D.A.C – Comme Danielle Anna Coleman. » l’adolescente pouffa «  J’avais envie qu’il flippe un peu… »

Il y avait peu de chance pour qu’une femme comme Danielle Coleman s’intéresse au quidditch mais la nouvelle directrice du département de la Justice Magique semblait être une féministe convaincue, du moins dans ces actes. C’est aussi ce que disait un article du Gringotts Time que Blair avait lu. Elle avait emprunté le journal que Sasha avait laissé sur sa table de nuit pour lire le grand portrait consacré à la créatrice de la Milice. L’article affirmait qu’elle avait promue bon nombre de jeunes lieutenantes à des postes stratégiques au sein de son ministère.

Blair avait beau haïr cette femme -qui était sans conteste l’ennemie numéro 1 du LEXIT- elle lui reconnaissait certaines qualités comme sa détermination et sa confiance accordée aux jeunes femmes méritantes – selon ses propres critères, bien sûr.   La Serpentard avait beau détester les méthode de Coleman – elle palissait encore en songeant à l’arrestation de Curtis- la femme politique exerçait une forme de fascination sur elle  : “Connais ton ennemi et connais-toi toi-même » disait d’ailleurs l’adage si bien que Blair ne manquait jamais de lire un article consacré à cette femme qu’elle aurait pu trouver inspirante si elle n’avait pas eue des idéaux aussi extrémistes.

C’était le genre de détails sur lesquels Blair avait du mal à ne pas s’attarder. Étrangement !

L’adolescente remisa ses pensées dans un coin de son esprit et  se pencha légèrement en avant lorsque son frère l’invita à s’approcher pour lui faire une confidence. Ses grands yeux verts s’illuminèrent d’une lueur d’intérêt et de joie mêlées  lorsqu’Urban lui révéla une information de première main. Gwenog Jones allait surement reprendre de rôle d’entraineuse des Harpies de HollyHead.

« Oh C’est vrai ! s’exclama-t-elle, Mais ce serait génial ! »

Enfin une bonne nouvelle… Il faut dire que l’actualité récente n’était pas vraiment propice aux explosion de joie.  Tout sourire, la jeune femme rangea son exemplaire de la Team dans son petit sac à dos et s’accouda de nouveau sur la table afin de questionner Urban sur ses conditions de travail au sein du journal justement.
Elle ne put contenir une exclamation de surprise en apprenant qu’il avait décliné le poste de responsable de la section quidditch.

« Mais pourquoi ça ? » s’enquit-elle alors sans chercher à masquer son incompréhension. Son frère venait-il de cracher sur une promotion lui permettant d’obtenir, gratuitement, des places supplémentaires pour tous les matchs de Quidditch du pays ? Première et seconde ligues. Match nationaux compris ? Assurément.  

Bravo Urban.  Merci de penser à ta petite sœur sans le sous qui aurait été ravie d’assister à tous ces matchs aux prochaines vacances.

Son ainé ne tarda pas à justifier ce refus en expliquant avoir d’autres ambitions. Blair eut alors un mauvais pressentiment qui se vérifia lorsqu’il avoua vouloir retrouver le haut niveau. Autant elle ne doutait pas qu’il puisse remonter sur un balai un jour, autant la perspective de le  voir réintégrer de nouveau une équipe professionnelle en ligue A semblait compromise. Les medicomages avaient émis un avis négatif sur la questions et tous les spécialistes qu’Urban avait rencontré semblaient d’accord sur ce point.  Même si elle n’avait pas été très présente au moment de sa convalescence, Blair avait su par les longues lettres de ses sœurs et de ses parents qu’Urban ne retrouverait jamais pleinement ses capacités de vol. Tout le monde semblait partager cet avis…sauf lui.

"Tu es la seule à qui je l’ai dit, si tu pouvais le garder pour toi encore un peu. Le temps que je me remette réellement en selle et que mes arguments soient imparables."

« Bien sûr, compte sur moi. répondit-elle sans réfléchir en affichant un sourire convaincant, Tu peux même t’entrainer un peu avec moi si tu veux. »

Elle détestait qu’il se montre moralisateur avec elle, ou trop protecteur aussi garda-t-elle ses doutes secrets. Elle ne tenait pas à développer les même travers que son frère ! Pourtant,  elle était inquiète à l’idée qu’il reprenne le quidditch, évidemment. Elle  doutait de sa réussite future, elle craignait qu’il se blesse à nouveau – et que les séquelles soient bien plus lourdes- ou qu’il ne soit pas assez fort mentalement  pour encaisser une nouvelle déconvenue.  Pourtant, elle ne comptait pas le freiner avec ses propres angoisses. Urban devait trouver ses limites seul … et peut-être , qui sait, les dépasser. C’était tout ce qu’elle lui souhaitait.

« Et si on commençait aujourd’hui ? Parce que tes bras mollassons là, c’est plus possible ! » dit-elle en finissant son verre d’eau d’une traite, et puis j’ai envie de marcher un peu. » En grande impatiente, incapable de tenir plus d'une demi heure tranquille, Blair avait envie de quitter les Trois Balais. Elle voulait surtout avoir des nouvelles de sa famille, de Linnet et du LEXIT, loin des oreilles indiscrètes du bar.

La jeune femme se leva, glissa son sac à dos sur ses épaules et sortit des Trois Balais. Pré-Au-Lard s’était rempli d’élèves de son âge qui marchaient dans les ruelles du village et observait les vitrines des magasins.

« Katrine m’a dit dans sa lettre qu’Adrian était de retour au pays ? Tu l’as vu ? »

Calder était un des rares ami de son frère envoyé à Serpentard. Blair avait partagé la même salle commune que lui pendant trois ans. Il ne se rappelait probablement pas d’elle – la petite sœur blondinette de son ami-  mais Blair se souvenait très bien de lui puisqu’Urban avait affirmé qu’Adrian estimait que « le quidditch n’était pas un vrai sport. »
Blair avait vécu cette affirmation comme un affront personnel.

La jeune femme bifurqua sur la place en direction du chemin de randonnée qui surplombait le village et commença à gravir la côte d’un pas énergique.

« Et sinon, comment vont les parents ? » demanda-t-elle  finalement tandis qu’ils s’éloignaient des rues les plus fréquentées…

"Je l’ai vu la semaine dernière. Il va bien. Tu verrais, il est tout bronzé."

Blair tourna la tête en direction de son frère et arqua un sourcil circonspect.

« On ne peut pas dire qu’il avait un teint particulièrement clair à la base… même avant son voyage.» fit-elle remarquer.

Oui, oui, elle se souvenait très bien de la peau halée d’Adrian Calder  mais elle ne s’éternisa pas sur ce sujet de conversation préférant marcher d’un pas énergique en direction de la ligne de crêtes au dessus du village. Ses longues tresses indiennes battaient en rythme dans son dos à chaque enjambée. Elle aurait bien voulu courir pour s’éloigner encore plus rapidement de Pré-Au-Lard mais, contrairement à elle,  Urban n’avait pas vraiment la tenue adéquate pour un jogging. Ils allaient devoir se contenter d’un peu de gainage et de quelques tractions pour muscler leurs  trapèzes , leurs dorsaux et leurs biceps qui en avaient largement besoin – enfin surtout ceux d’Urban. Ahah.

La jeune femme esquissa un sourire lorsque son frère lui donna des nouvelles de leurs parents et elle laissa échapper une exclamation joyeuse en découvrant la lettre de Linnet entre les mains de son frère.

« Hiiiiii ! » fit-elle en frétillant des doigts. Elle s’empara de la missive,  décacheta l’enveloppe sans grand soin et lut avidement les quelques lignes griffonnées par son ancienne camarade de classe. Prose qui lui tira un large sourire « Elle me raconte que le vieux Bjørden –le voisin de leurs parents sur l'île de Søren - lui a appris a égorgé les lapins et à les dépecer , Blair marchait sans quitter des yeux le parchemin, Apparemment, elle est impatiente de tuer le cochon avec lui la semaine prochaine. "Il va  y avoir beaucoup de sang et il faudra le remuer. J’ai hâte." » lut-elle à voix haute avant de rire, Elle est vraiment folle ! »

L’affection qu’elle portait à sa nouvelle camarade était perceptible dans le ton de sa voix et dans son sourire attendrie. Blair relut une seconde fois la lettre pour graver ces mots dans sa mémoire et la tendit de nouveau Urban «  Tiens, tu peux la brûler. »

Personne ne devait savoir que Linnet se cachait chez les Williams et Blair ne comptait pas ramener une telle preuve accablante au château. Rien ne devait la relier à la résistance maintenant qu’elle tentait d’organiser la branche estudiantine du LEXIT avec certains camarades de l’école. Urban la questionna justement à propos de l’ambiance à Poudlard où les idéaux de la résistance n’arrivaient pas vraiment à percer.

Dire que Blair attendait cette question depuis qu’elle avait retrouvé son ainé était un euphémisme. Elle trépignait d’impatience de lui annoncer la bonne nouvelle : Poudlard s’était enfin réveillé. L’adolescente sautilla littéralement pour venir se placer juste à côté de son  grand frère et attraper son bras en marchant en rythme avec lui. Elle s’appuya tout contre sa manche  et leva les yeux vers son mètre quatre vingt douze.

« Ça bouge. »  murmura-t-elle.

Un immense sourire éclaira son visage encore poupon et elle poussa un long soupir.

« Tu ne peux pas savoir à quel point ça m’a soulagé de savoir que je n’étais pas toute seule. »

Le temps lui avait paru si long ! Elle n’en avait pas parlé à Arhen et Noah mais les rencontrer tous les deux dans la volière avait été une véritable bulle d’oxygène dans son quotidien. Ils s’étaient revus discrètement depuis le 02 février pour organiser leurs futures actions et Blair, fidèle à elle-même, attendait toujours leurs rendez-vous avec beaucoup d’ impatience. Elle avait d’ailleurs prévu de les retrouver ce soir, après sa séance de jeu avec ses amis rôlistes, pour effectuer le compte-rendu  de son entretien avec son «  contact au LEXIT » qui n’était autre que son très cher grand frère.

« Alors, avant que tu ne t’offusques, reprit-elle doctement en s’éloignant quelque peu d’Urban, je suis trèèès prudente. Elle marchait à reculons devant lui et tentait d’esquiver encore une fois l’attitude protectrice de son ainé, qui, elle le savait, menaçait de ressurgir à tout moment, La plus prudente du groupe, même. » La batteuse afficha une moue innocente  et ajouta, par contre je vais avoir besoin de toi. Il me faut des journaux, en plusieurs exemplaires. Je dirais une quinzaine pour commencer et puis si on arrive à les écouler, on augmentera.   Le Cognard, le Liber Avon, tout ce que tu as sous la main de bien écrit et de bien documenté. On veut commencer par sensibiliser les élèves avant d’entrer en contact avec eux directement.»

Le jeune fille fit une volte pour se remettre dans le sens de la marche et grimpa finalement en équilibre sur le petit muret bordant le chemin qu’ils venaient d’emprunter. Les pierres n’étaient pas jointes et vacillaient un peu sous ses pas mais elle progressait précautionneusement, les bras écartés, telle une funambule. Elle ne pouvait pas  s’empêcher de mettre en relation sa progression sur ce mur avec  le jeu dangereux qu’elle menait à l’école dorénavant : Le moindre faux-pas d’un des membres de  leur petit collectif pourrait précipiter leur chute, à tous les trois. Comme pour se convaincre elle-même de ses propres compétences, elle prit une impulsion,  fit un grand saut en avant et atterrît plus d'un mètre plus loin, sur une pierre plate qui tangua dangereusement sous son poids….avant de se stabiliser, sous ses pieds joints.

Un sourire victorieux éclaira le visage de l'adolescente tandis qu’elle relevait les yeux sur Urban :

« D’ailleurs tu m’as amené le dernier exemple du Cognard ? Mia y a écrit un article ? Quelles sont les nouvelles ? »

Si elle pouvait rapporter quelques informations à Noah et Arhen pour leur réunion de ce soir, ce serait parfait.

Son très cher frère avait oublié d’être bête ! Blair hocha vigoureusement la tête lorsqu’il suggéra de faire rentrer dans l’enceinte de l’école un seul exemplaire du Cognard pour ensuite le dupliquer.
« Mais oui tu as raison, ce serait parfait, approuva-t-elle, il faudrait que tu me le réduises afin que je puisse le cacher sur moi discrètement. »  Personne n’irait chercher un journal illégal de la taille d’un timbre poste camouflé dans sa brassière de sport. A priori.

«  Nous sommes trois pour le moment. » expliqua-t-elle sans s’étendre davantage sur ses partenaires de jeu. Elle ne comptait révéler aucun indice sur l’identité de ces deux camarades. Si Urban se faisait prendre un jour par la Milice – perspective qui la terrorisait mais qu’elle devait tout de même envisager -  il ne disposerait pas d’information accablante concernant Noah et Arhen.

Blair elle-même ne connaissait pas tout du LEXIT, ni de ses membres.  Elle disposait de peu d’information sur l’organisation en tant que telle, à vrai dire. Si elle savait qu’il existait un QG où les membres se retrouvaient –visiblement un château ou une grande maison bourgeoise, à ce qu’elle avait cru comprendre au détour de conversations-  elle en ignorait la localisation et le nom. Elle ne savait pas non plus qui était à la tête du mouvement, du moins, pour le moment. Elle espérait bien pouvoir se faire idée plus précise l’été prochain en demandant à ses frères et sœurs de les accompagner lors d’une réunion. Mais avant cela, elle devait faire ses preuves et montrer qu’on pouvait lui faire confiance. Elle devait s’entourer de personnes fiables et estimait en avoir trouvé une avec Noah. Elle était un peu plus mitigée concernant Arhen qu’elle jugeait parfois trop sanguin et impulsif, bizarrement.

Le jeune fille descendit de son muret et marcha à côté de son frère après qu’il lui eut avoué que les nouvelles de la résistance n’étaient pas très bonnes. Elle leva les yeux sur lui, soucieuse.

« Oui, j’ai suivi l’affaire Goldstein. » dit-elle en hochant la tête. Blair essayait de se tenir informée des dernières nouvelles concernant la politique intérieure du pays par les différents biais à sa disposition et notamment par les journaux auxquels était abonnée la bibliothèque de l’école. La mort accidentelle du Directeur de département avait fait la Une de plusieurs revues si bien que Blair avait lu tous les articles concernant cette perte pour le gouvernement. Elle avait parcouru la nécrologie de l’ex-directeur dans la  Gazette du Sorcier, une interview de Lawrence Davenport, un magnat de l’immobilier ami proche de Goldstein, dans le Gringotts Times  et elle avait même étudié attentivement  les photographies des personnalités présentes à son enterrement dans Sorcière Hebdo. « Leopold et Rosaleen Marchebank  visiblement éprouvés par cette tragique perte » disait le sous-titre d’une image les montrant tous les deux vêtus de sombre, « Danielle Coleman devrait reprendre la direction du département. » Un cliché de la directrice de la Milice marchant d’un pas rapide en direction du lieu de la cérémonie,  « Melchior Haïk -élégant en toutes circonstances- et Gordon Bulstrode. »

« Je pensais que c’était le LEXIT qui avait planifié cette action, souffla-t-elle alors en shootant dans un caillou, et que l’État avait camouflé ce meurtre en mort accidentelle. »

Visiblement, elle s’était trompée sur toute la ligne. D’après Urban, il fallait plutôt creuser du côté du gouvernement plutôt que de la résistance pour trouver les véritables responsables de cette mort étrange. Mia, sa sœur avait d’ailleurs écrit un article en ce sens dans le dernier exemplaire du Cognard.

« Je le lirais » répondit Blair l’estomac noué.

Elle n’était pas sûre de pouvoir s’habituer un jour aux manipulations sordides de ce gouvernement. Son malaise s’accentua même lorsqu’Urban affirma que le LEXIT avait essuyé de lourdes pertes dernièrement. Elle chercha le regard de son frère et vit distinctement passer sur son visage une expression contrariée, empreinte de tristesse. Le genre d’expression qu’elle ne voulait pas voir.
Poussé par un élan d’empathie, elle enlaça  de nouveau le bras d’Urban et  appuya sa tempe contre son biceps pour un câlin silencieux.  Ils marchèrent  quelques instants côte à côte, le regard perdu en direction du chemin qui sillonnait la lande. Que pouvait elle dire, qu’elle était désolée ?

Les membres du LEXIT s’engageaient dans cette organisation en toute connaissance de cause. La mort faisait malheureusement partie des risques encourus. Malgré son jeune âge, Blair en avait déjà pleinement conscience.

Elle allait devoir s’habituer à vivre avec cette pression constante sur sa poitrine. La crainte que les prochaines pertes du LEXIT concernent ses proches, sa famille. Les siens. Elle hocha distraitement la tête lorsque Urban lui parla des membres de l’équipe pédagogique qui avaient planifié la fuite de Linnet disant qu’ils pouvaient les aider – elle et ses amis- à organiser la résistance au sein du château.  Elle aurait du se concentrer sur ce que lui expliquait son frère mais son esprit était ailleurs, bien loin,  dans ses pensées intérieures alors qu’elle prenait lentement conscience de sa nouvelle place au sein du LEXIT. Et ce que cela impliquait dorénavant. Elle avait un rôle quasiment anecdotique dans la lutte, elle le savait bien, mais elle était prête à prendre toutes ses responsabilités.

Absolument toutes.

"Je suis fier, Blair. Tu n’as pas idée à quel point."

Le compliment inattendu de son frère la sortit brusquement de ses rêveries. Il la déstabilisa au moins autant qu’il lui fit plaisir. Blair sentit une force nouvelle et positive réchauffer tout son être  et balayer ses craintes. Il  s’adressait à elle, comme à une adulte, c’était… plaisant et nouveau.  La jeune femme baissa brièvement les yeux au sol, étrangement gênée par cette situation  inédite:

« Oh, tu sais je ne fais pas grand chose comparé à vous, admit-elle modestement en haussant les épaules. Mia, Ole, Katrine et Urban remplissaient des missions nettement plus importantes au sein du LEXIT mais elle savait aussi que chaque rouage était essentiel. Même le sien.  Elle retrouva donc assez rapidement le triomphalisme qui la caractérisait davantage et ajouta avec un sourire en coin pour son frère, même si , j’avoue, il y a de quoi être fier de moi. » Elle bomba  la poitrine et leva haut le menton juste avant que son frère ne lui ébouriffe les cheveux, comme pour la remettre à sa juste place de petite fille. Tel un chaton hargneux, elle agita les bras et se tortilla sur elle-même pour chasser les grosses paluches de son frère qui allaient finir par emmêler sa longue chevelure.

«  MAIS ARRÊTE ! URBAN !» protesta-t-elle en esquivant ses assauts. Elle le contourna, prit une impulsion et sauta littéralement sur ses épaules. Elle s’accrocha à lui un peu de traviole, comme un coquillage sur un rocher,  et gravit les quelques centimètres qui lui  manquait  à la force de ses bras pour atteindre le sommet de son crane  et lui rendre la pareille «  Ah tu fais moins le malin , maintenant, hein !? »  lança-t-elle joyeusement en ébouriffant sa tignasse à son tour.  Elle se paya même le luxe de lui  donna un petit coup de talons sur ses flancs avant d’ajouter, pestouille, « Allez plus vite Urby ! Huuu ! »

Incorrigible petite sœur.

Elle consentit finalement à libérer son frère de son emprise – Il n’aurait pas réussi à se tirer de là tout seul, pauvre garçon faible qu’il était ! – puis elle reprit sa marche à bonne distance de lui, des fois qu’il  lui prenne l’envie de se venger d’elle.

C’était peut-être le bon moment pour aborder ce qu’elle avait sur le cœur. Ils étaient dans un bon mood et la conversation au sujet de la résistance n’était pas encore tout à fait clôturer entre eux.

Et puis, il lui avait dit qu’il était fier d’elle, elle pouvait bien essayer.
La jeune femme prit une profonde inspiration, s’attendant toutefois à essuyer un refus catégorique.

« Urban, mon-très-cher-grand-frère-chéri-d’amour, j’ai un dernier service à te demander, commença-t-elle. C’était la première étape de son plan : En parler une première fois, puis une seconde, puis une troisième, puis un milliard de fois, jusqu’à ce que son ainé finisse par lâcher, et elle, obtenir ce qu’elle voulait. Blair était une grande coutumière de cette horripilante technique, J’aimerais que tu me procures une graine de Ténébrosa. » Voila, c’était dit.
Les membres du LEXIT utilisaient ce puissant poison pour se suicider en cas d’arrestation de la Milice afin de ne pas prendre le risque de révéler l’identité  d’autres membres.

«A moi toute seule je connais une dizaine de membres du LEXIT, oui, bon, OK, les ¾ étaient ses frères et sœurs et ses parents mais quand même, et je vais être amenée à prendre de plus en plus de risques à l’école.  Je me sentirais plus en sécurité si je pouvais rester maître de mon destin, tu comprends ? »

"Hors de question."

Le refus d’Urban fut sans appel. Blair ne manqua pas l’expression horrifiée sur le visage de son frère mais elle ne s’avoua pas vaincue pour autant. Elle avait préparé une liste d’argument qui, elle l’espérait, parviendraient à convaincre son ainé.

« Je sais que c’est une grosse responsabilité de posséder une graine de Ténébrosia et qu’il va falloir que je sois très prudente si tu m’en procures,  commença-t-elle soucieuse de montrer qu’elle avait conscience du risque qu’elle prenait,  mais tenter de monter un réseau de résistance à Poudlard implique des actions autrement plus dangereuses que de posséder une graine cachée sur moi à longueur de journée. »

Elle savait que Katrine camouflait la sienne dans un pendentif, quant à Mia dans ses boucles d’oreilles. Blair avait déjà réfléchi : Elle allait demander à son père – ébéniste de formation- de lui prévoir un petit rangement invisible intégré au manche de sa baguette magique.

« Je ne compte pas m’en servir à la première déconvenue, ajouta l’adolescente en avançant sur le chemin, je ne suis pas folle, elle tenait à la vie tout de même, mais je sais plusieurs choses à propos du LEXIT. Vous m’avez fait confiance en me révélant ces informations et j’aimerais que tu me donnes les moyens de garder ces secrets si jamais les choses tournaient mal pour moi…»

"N’insiste pas, Blair", répliqua Urban implacable. "J’ai dit non."

Le ton sec que son frère employa tira à la jeune femme une moue contrariée. Blair s’immobilisa et croisa ses bras sur sa poitrine, vexée.

« Et je peux savoir pourquoi, tu décides, que je n’y ai pas droit ? gronda-t-elle piqué par le ton autoritaire de son frère, C’est ma décision Urban, pas la tienne. Je te demande juste un service. »

La réponse qu’il lui fit ne la convainquit guère. Il affirma tout d’abord qu’elle avait des soutiens à Poudlard – Révélation qui lui tira une moue méprisante, Curtis Montgomery ne serait surement pas de cet avis si on lui donnait la possibilité de s’exprimer sur le sujet. Ensuite Urban affirma  que si elle était finalement envoyée à Skye sans que le LEXIT n’intervienne c’était tout simplement que la résistance serait déjà morte et qu’il n’y aurait plus aucun secret à garder…
Blair roula ostensiblement des yeux. N’importe quoi ! Son frère se cherchait des excuses mais elle comptait bien contrer la faiblesse de son argumentaire.

« Tu crois vraiment que je vais gober ça ? gronda-t-elle piquée, Je n’ai plus douze ans Urban, je suis majeure dans six mois je te rappelle, alors il avait intérêt à trouver des arguments plus percutants que ces contes pour enfants. «  Si personne ne te sauve c’est que la résistance est morte ! » Baliverne ! Des sympathisants du LEXIT se faisaient capturer toutes les semaines mais la résistance poursuivait sa route, sans eux,  Je peux être déportée à Skye en un claquement de doigt sans qu’aucun membre du LEXIT ne soit au courant – et toi aussi d’ailleurs. Tu penses sérieusement que la Milice ne va pas revoir ses méthodes d’arrestation après ce qui est arrivé à Linnet ? Ils sont restés beaucoup trop longtemps sur les lieux de l’arrestation, la résistance a eu le temps de s’organiser pour intervenir. Les conditions de fuite de Linnet restaient floues : La Serdaigle n’avait pas pu expliquer à Blair comment elle s’en était tirée puisqu’on lui avait effacé ce souvenir mais les deux jeunes filles soupçonnaient la résistance implantée à Poudlard ou à Pré-Au-Lard d’avoir fomenté un plan d’évasion dès la découverte du chariot prison stationnant devant les grilles du château,   Ils ne répéteront pas deux fois la même erreur parce qu’ils ne sont pas stupides. La prochaine fois, ils emploieront le réseau de cheminette ou un portoloin pour agir plus vite et plus discrètement sans que personne ne soit au courant, Blair secoua la tête et se remit en marche, La vérité c’est que tu ne veux pas me donner cette graine de Ténébrosia uniquement parce que je suis ta petite sœur et que tu as beau dire que tu es fier de moi, fier des décisions que je prends, ce n’est que du vent ! Des mots en l’air ! Elle frappa rageusement dans un caillou, vexée comme un pou, et s’arrêta de nouveau, déçue par le refus de son frère :  Si n’importe quel autre membre de la résistance à Poudlard t’avait fait cette demande tu aurais au moins pris le temps de la considérer mais c’est pas grave. Tu sais quoi ? Le débat est clos. On en parle plus. Je vais me débrouiller toute seule, comme une grande, souffla-t-elle alors en jouant la carte de la culpabilisation, Un jour je vais arriver vers toi, tendre mon poing fermé entre nous, l’ouvrir et tu découvriras dans ma paume ma propre graine de Ténébrosia. Et ce jour là je te dirais, « Merci, merci infiniment mon frère de m’avoir laissé prendre de tels risques pour me la procurer alors que tu aurais simplement pu me la donner. » »

Elle reprit sa marche d’un pas rapide, pestant intérieurement contre Urban. Blair était têtue et elle savait dorénavant qu’elle allait mettre un point d’honneur à obtenir cette graine par ses propres moyens. Si au départ son plan consistait à insister des heures durant jusqu’à ce qu’Urban cède, elle comptait changer de stratégie :  Elle ne savait pas encore comment, ni quand, mais elle allait trouver un moyen pour se procurer cette graine … et donner une bonne leçon à Urban.
Il la trouvait surement trop jeune ou trop tête en l’air pour posséder un tel poison, elle allait lui prouver qu’elle était non seulement capable de le garder avec elle mais aussi – et surtout- de s’approvisionner seule. Désireuse de clore le débat – elle avait pris sa décision- elle ne résista pas à l’envie de mettre un autre sujet crispant sur le tapis. Il n’y avait pas de raison pour qu’elle soit la seule à s’énerver aujourd’hui.

« Et sinon, reprit-elle après un long silence entre eux,  tu as revu Astrid depuis la dernière réunion de l’APRES ? » Le ton employé – à la fois détaché mais aussi terriblement lourd de sous-entendus-  ne laissait que peu de place au doute : Blair voulait embêter son frère et elle allait se montrer particulièrement insistante, encore une fois.

Lors des vacances de Noël, elle  avait assisté avec Urban à une assemblée générale de l’association de défense de l’environnement. Elle avait trouvé le discours de la fondatrice, Astrid Grenfell particulièrement inspirant et Blair était même allée à sa rencontre à la fin de la réunion pour lui demander des affiches et des prospectus afin de les diffuser à Poudlard. Depuis, la Serpentard recevait la newsletter de l’APRES et Astrid ne manquait jamais de lui faire parvenir quelques flyers à déposer dans la salle des quatre maisons. Sur le trajet du retour après l’AG, Blair n’avait pas manqué de faire remarquer à son frère à quel point Astrid était intelligente, engagée et sympathique. Une vraie Poufsouffle, tout comme lui. Ils formeraient  d’ailleurs un si joli couple, n’est-ce pas ?

Elle savait qu’Urban était terriblement timide sur ces questions et qu’il n’aimait pas parler de sa vie sentimentale mais il avait fait l’erreur de contrarier sa sœur et elle comptait bien lui rendre la pareille :  

« Est-ce que tu t’es enfin décidé à lui proposer une sortie en tête à tête. J’aimerai beaucoup avoir une belle sœur comme elle, ajouta-t-elle en levant le menton. Je suis sûre qu’au moins, elle, elle m’écouterait et qu’elle respecterait chacun de mes choix même si elle ne les partage pas. »

Et bim, un petit tacle pour Urban au passage.

Urban finit par l'admettre: Ses liens de sang avec Blair et la perspective d'être associé à son éventuelle mort l'empêchait de lui fournir la moindre graine de Ténébrosia. Foutue sensibilité exacerbée !

« Tu culpabiliseras encore plus de m'avoir laissé sans recours possible si jamais je me fais arrêter ! » argumenta sa sœur, peu encline à lui donner raison.
Mais son aîné restait imperméable à ses arguments. Bien sûr, Blair pouvait comprendre ses craintes. Elle les partageait même et serait probablement mortifiée d'être liée, de près ou de loin, au décès d'un membre de sa famille- mais, de son point de vue elle aurait été prête à prendre ce risque si leurs situations avaient été inversées. Surtout si c'était pour éviter une fin encore plus terrible à l'un de ses proches ou pour préserver les autres Williams.

Urban agissait égoïstement et préférait se ménager- se préserver personnellement selon ses propres termes- plutôt que d'envisager la situation dans sa globalité, comme il aurait dû le faire en tant que membre du LEXIT, estimait Blair du haut de sa maigre expérience de résistante. Ils formaient une équipe, ils devaient s'entraider et non pas se mettre des poussières dans le balai.

« Moi qui te croyais fin tacticien, ce n'est valable que pour le Quidditch, en fait. " lâcha-t-elle uniquement pour le contrarier.

Elle regretta ses mots à peine eurent-ils franchi ses lèvres, consciente que ce n'était pas la bonne stratégie à adopter avec Urban. Mieux valait jouer sur la corde sensible avec lui. Il lui coupa toutefois l'herbe sous le pied en affirmant  qu'elle avait choisi de lui demander cette faveur-à lui plutôt qu'aux autres- uniquement parce qu'il était plus manipulable et culpabilisable que leurs frères et sœurs.

«Non c'est faux ! » affirma-t-elle avec un peu trop de vigueur pour être parfaitement crédible.

Alors, oui, c'est vrai, elle cherchait à le culpabiliser, un peu, mais elle s'était adressée à Urban pour d'autres raisons moins facilement avouables pour une adolescente de seize ans relativement peu douée pour les déclarations: Parce qu'il était celui qui venait lui rendre visite le plus souvent à Pré au Lard. Celui qui assistait à chacun de ses matchs et qui était en mesure de lister, dans les moindres détails, ses points forts et ses points faibles dans les airs. Celui qui l'écoutait vraiment quand elle racontait mille anecdotes sur ses journées à Poudlard (ou qui faisait le mieux semblant, peut-être). Elle s'était adressée à lui justement parce qu'il était son grand frère et qu'elle ne se voyait pas demander une telle faveur, si lourde en conséquence, à quelqu'un d'autre. Lui, le membre de sa fratrie qui la connaissait le mieux... Et qu'elle ménageait le moins,  elle l'admettait difficilement, mais il avait raison sur ce point.

Pourquoi était-elle toujours plus dure avec les personnes qu'elle aimait vraiment ? Elle ne saurait l'expliquer et malheureusement pour Urban, elle n'était pas prête à faire une entorse à cette règle aujourd'hui. Furieuse, elle retorqua:

« Mais crois ce que tu veux, je m'en fiche de ce que tu peux bien penser. » Le menton haut, elle attaqua la colline d'un pas martial.

Elle était bien incapable de verbaliser ce qu'elle avait vraiment sur le cœur tant elle était déçue qu'Urban refuse si catégoriquement sa demande.  Elle allait se débrouiller toute seule. Comme une grande ! songeait-elle en martelant le sol de ses pas. Trouver cette graine par ses propres moyens.  Et asticoter Urban pour se venger.

D'ailleurs, elle n'hésita pas une seconde à evoquer LE sujet crispant par excellence, à savoir la vie sentimentale de son tendre frère. Elle savait pertinemment qu'il était mal à l'aise à l'idée de parler de ses amours et Blair agissait comme la vraie peste qu'elle pouvait être parfois.

Ceci étant dit, elle ne comprenait pas pourquoi son frère ne rencontrait pas davantage de succès. Objectivement, il était plutôt beau garçon avec ses jolis yeux clairs, ses traits fins, son nez en trompette et ses cheveux blonds. (Et Blair ne disait pas ça parce qu'elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, non, non.)
Il était intelligent, sportif, engagé dans de nombreuses causes nobles comme la défense des animaux ou des associations féministes. Et surtout il était incroyablement gentil. Peut-être même trop gentil, Blair était sûre que le problème était là.

Certaines filles- et certains garçons- préfèreraient parfois le "Bad guy" - ou, une autre variante "le Cognard plein de mauvaise foi" ( suivez mon regard )- au gars sympa, serviable et bien sous tout rapport. A bien y réfléchir ce constat était terrible mais tristement vrai .

Pourtant Blair ne doutait pas une seconde: Son frère serait une véritable perle en couple -attentionné, compréhensif et adorable ( bien qu'un peu trop protecteur) - mais il ne semblait pas trouver potion à son chaudron.

L'adolescente était sûre d'avoir repéré la candidate idéale pour son frangin et son intuition se vérifia lorsque son frère l'informa qu' Astrid - La Fameuse- avait rejoint le refuge de la SPAF où il était bénévole.

« Le hasard comme par hasard. » souffla Blair en tapotant les extrémités de ses doigts les unes contre les autres, un éclat conspirateur dans le regard.

Urban ne tarda pas à la voir venir avec ses gros sabots et répliqua, bougon, qu'il était très bien tout seul. Il convoqua même quelques arguments saugrenus pour se donner raison.

«Pfff ! Mais bien sûr ! À d'autres ! » répliqua-t-elle. Si elle avait initialement évoqué Astrid pour enquiquiner Urban, elle se faisait prendre à son propre jeu et était toute disposée à lui faire entendre raison. Urban n'était pas fait pour vivre seul. Ole, oui, mais pas lui. Ce serait du gâchis.

Elle chassa une mèche de cheveux que le vent avait poussé sur son visage et poursuivit sur sa lancée.
« Tout d'abord, je suis sûre que des membres du LEXIT travaillent au ministère, donc l'un n'empêche pas l'autre. »

Certains journaux clandestins étaient si bien documentés sur les agissements du gouvernement qu'il ne pouvait pas en être autrement.

«Et puis tu n'es pas obligé de sortir qu'avec des membres du LEXIT, sinon ça réduit vraiment le champs des possibles. »

Elle pensa une seconde à sa propre situation et aux choix qui s'offraient à elle: Noah -qui venait de rompre avec la fille du directeur après une relation vieille de deux ans- ou Arhen -ce drôle de garçon raciste et solitaire. Alors euh... Comment dire ?... Elle choisissait Linnet. Oui, Linnet Sneals était un excellent choix.

« Je suis sûre qu'Astrid  aime les garçons sentimentaux qui refusent d'aider leur petite sœur à se suicider. » lâcha-t-elle innocemment, incapable de retenir cette petite pique. Méchante soeur qu'elle était.

Elle s'arrêta finalement sous un arbre au bord du chemin où elle avait pris l'habitude de faire ses tractions et  sauta pour attraper une branche à mi-hauteur. Une fois bien positionnée, elle commença à se hisser, une fois, deux fois, trois fois...

«Allez quoi,... Prends le temps d'y réfléchir deux minutes et d'étudier la question. » dit-elle en poursuivant aisément son exercice.

Tentait-elle sournoisement de pratiquer une inception sur Urban ?
Tout à fait.

"A moins que tu ais quelqu'un d'autre en vue, bien sûr..." lâcha-t- elle alors, fouineuse.