Les insurgés [Ahren & Noah]

Vêtue de son jogging vert et argent, Blair sortit des vestiaires du stade de quidditch avec son sac de sport sur l’épaule. Elle venait d’effectuer un long entrainement avec ses camarades de l’équipe de quidditch afin de préparer  la prochaine rencontre opposant les Serpentard aux Gryffondor. Elle  discutait d’ailleurs de la meilleure stratégie à adopter contre les joueurs de Dubois avec sa collègue batteuse lorsque Sandra, la capitaine, l’interpela dans son dos :

« Blaaair ? Es-tu sûre de ne rien avoir oublié ?» Pour que Sandra se fende d’un commentaire, elle avait forcément oublié quelque chose. Mais quoi ?

L’adolescente leva les yeux au ciel et fit une volte sur elle-même pour découvrir Sandra, dans l’embrasure de la porte des vestiaires, tenant sa serviette de douche aux couleurs des Harpies de Holyhead  par un coin.

« Un jour tu oublieras ta tête ! »

Blair détestait qu’on lui rappelle à quel point elle pouvait être étourdie. Elle savait déjà, merci bien. Elle vivait avec son trouble depuis l’enfance et était tout bonnement incapable d’ aller à l’encontre de sa nature première. Elle fit donc quelques pas -particulièrement sonores- pour revenir en arrière et tira d’un coup sec l’extrémité de sa serviette de douche.

« Au moins, je t’entendrais plus. » répliqua-t-elle.
« QUOI ? »

Ohoh ! Attention danger. Blair fit un pas de côté et sentit le souffle de la main de Sandra passer tout près de son oreille. Elle venait d’esquiver de justesse la tape sur le crâne que sa capitaine avait tenté de lui administrer.

«  C’est comme ça que tu me remercies petite ingrate? » Sa coéquipière n’était pas vraiment fâchée, Blair le voyait bien.

« Tu as vu comme j’ai bien esquivé Sandra ? Je fais pareil avec les cognards. » répliqua donc la jeune fille, très fière d’elle, avec un large sourire innocent.

« N’essaye pas de changer de sujet Blair Williams. La prochaine fois je laisse ta serviette mouillée en boule sur le banc ! Elle sentira le croupi quand tu la récupéreras ! »

Blair haussa les épaules. Honnêtement ce scénario lui convenait bien mieux que n’importe quelle remontrance à son encontre. Elle fourra donc sa sortie de bain humide dans son sac de sport et s’éloigna de ses coéquipiers qui s’apprêtaient à regagner le château.


« Tu ne viens pas avec nous ? »
« Non j’ai une lettre à poster, je vous rejoins plus tard ! » s’exclama t-elle en gratifiant ses camarades d’un petit signe de la main tandis qu’elle prenait la direction opposée de la volière.

Elle avait écrit une très longue lettre à sa mère. Enfin, plus exactement, à Linnet Sneals, dans laquelle elle lui relatait les derniers événements dans la vie du château à grand renfort de dessins et de petites caricatures humoristiques.  Son ancienne camarade de promotion vivait cachée chez ses parents depuis fin décembre. Si les deux jeunes filles ne s’étaient jamais vraiment parlées avant de vivre sous le même toit pendant les vacances de Noël, elles s’étaient assez facilement liées durant cette brève période. Il faut dire que Linnet n’avait pas vraiment eu le choix, la pauvre. Elle avait été dans l’obligation de rester cachée par le LEXIT, loin des siens,  et avait donc partagé la chambre de Blair durant tous les congés. Elle y était encore aujourd’hui et allait probablement demeurer sur l’île de Søren de nombreux mois encore…

Blair n’irait pas jusqu’à dire que Linnet et elle étaient devenues  amies –Loin de là même,  Linnet restait tout de même une fille très étrange, solitaire et un peu psychotique- mais elles avaient beaucoup échangé sur le régime en place et sur la manière dont les élèves, à Poudlard, toléraient sans s’offusquer des mesures toujours plus liberticides.

Ces conversations avec la Serdaigle l’avaient profondément soulagée. A l’école, elle vivait parfois de grands moments d’anxiété intérieur tant elle avait l’impression d’évoluer dans un monde parallèle à la réalité. Elle ne comprenait pas que ses petits camarades soient aussi apathiques, si peu concernés par la vie politique du pays. Certes, ce désintérêt pour la politique ne concernait  pas tous les élèves mais Sasha Benson n’était pas vraiment la camarade adéquate pour évoquer des projets révolutionnaires. Ça, Blair l’avait compris depuis longtemps.

Elle gardait donc son avis pour elle.

Parfois, elle frôlait littéralement le dédoublement de personnalité: Il y avait son Moi intrinsèque, conscient de vivre des heures particulièrement sombres,  partagé entre la peur et l’envie d’agir. Et son Moi public : Une jeune de 16 ans, investie dans des dizaines de projets,  passionnée de quidditch, bavarde  et tête en l’air. Certain jour, l’un prenait le pas sur l’autre et elle trouvait un certain réconfort à parler de choses superficielles et futiles avec ses amis. D’autres jours, elle  maudissait intérieurement  ces mêmes camarades occupés à  scroller l’instamag de Sam Allport plutôt que de pleurer la disparition tragique d’une Lauren McGowan.

Heureusement, Linnet lui avait redonné foi en ses semblables.

Tous les élèves n’étaient pas pro-Gouvernement. Il y avait sans doute d’autres étudiants qui partageaient son point de vue mais qui s’évertuaient – tout comme elle-  à rester discrets. Enfin, plus ou moins discret… N’est-ce pas Arhen Keller !?
La Serpentard avait failli s’étouffer en entendant le jeune homme prendre la parole dans la salle des quatre maisons et tancer ouvertement le gouvernement. En plus, il avait cherché à l’associer à ses propos –elle !- cet espèce d’inconscient ! Même pas en rêve ! Si Blair se sentait l’âme contestataire  elle restait avant tout une excellente disciple de Salazar. Si elle devait frapper fort, elle le ferait en toute discrétion.

Enfin, l’heure n’était pas encore à l’action même si elle avait senti le vent tourner, ces dernières semaines. Pas plus tard qu’hier,  elle s’était installée à une table de la bibliothèque pour travailler à son devoir de sortilèges. Une table étonnamment bancale. Elle s’était penchée sous le bureau et avait découvert un bout de papier, soigneusement  replié sur lui-même, sous l’un des pieds du mobilier. Curieuse par nature, Blair n’avait pas hésité à s’en saisir et son regard s’était arrondi de stupeur en découvrant un véritable appel à l’insurrection. Elle avait tenu le papier contre son cœur battant durant quelques secondes -cherchant frénétiquement l’auteur du billet autour d’elle- avant de le reposer bien sagement à sa place. La bibliothèque étant totalement vide.

Blair ne gardait aucune preuve de son allégeance aux différents mouvements de résistance: Aucun journal, aucun document compromettant tant elle se savait étourdie. Il ne manquerait plus que Sasha Benson tombe sur ce parchemin dans leur dortoir et elle était bonne pour une lobotomie à la Curtis .

Blair profitait généralement des sorties à Pré-Au-Lard pour lire la presse clandestine. Il existait plusieurs caches, dissimulées dans le village. Urban, son grand frère,  participait d’ailleurs aux livraisons et à la dissimulation  de ces journaux. Il lui avait indiqué une cachette entre les pierres d’un muret sur un sentier situé au dessus du village. Blair prétextait généralement auprès de ses camarades une sortie footing pour partir lire ces revues  dans la forêt interdite, seule. Personne n’avait à cœur de la suivre dans ses longues et éprouvantes séances de running entrecoupées de fractionnés et d’exercices de gainage , fort heureusement.

Le reste du temps, elle se documentait auprès du Chicaneur –rare journal libre encore autorisé par le gouvernement. Certes, quelques rubriques pouvaient parfois s’avérer un peu farfelues mais Blair avait constaté, à plusieurs reprises, que certaines informations étaient parues dans le journal des Lovegood avant même d’être reprises par des journaux clandestins. Elle épluchait donc ce magazine sous toutes les coutures dès qu’elle le recevait par hibou.

La jeune fille montait justement les escaliers en colimaçon de la volière lorsqu’elle entendit le bruit d’une conversation au dessus d’elle. Elle s’arrêta un instant et tendit l’oreille.  Deux voix masculines dont elle ne percevait que le timbre grave. Curieuse par nature, elle gravit en silence quelques marches encore et s’arrêta, tapie dans l’obscurité.

« …lard. Tu ne trouves pas ça louche cette surveillance vidéo ? Pour quel motif ? Il n’y a pas eu plus d’accident l’année dernière que l’année passée. Ils ont peur de quoi ? Qu’on s’entretue dans les couloirs ? Non. C’est simplement un moyen de nous contrôler. De faire de nous de braves petits soldats du régime en éliminant les fruits pourris au passage."

Blair sentit son cœur s’accélérer sous le coup de deux émotions contradictoires.  Du soulagement, tout d’abord, à  l’entente d’ un discours retranscrivant en tout point son propre avis personnel, de l’exaspération, ensuite, à l’idée d’avoir surpris cet échange sans même avoir cherché à le faire.

Est-ce qu’Arhen Keller connaissait le sens du mot prudence ? C’était à croire qu’il ne tenait pas vraiment à sa vie !

Car il s’agissait bien de son camarade de Serdaigle. Blair avait reconnu son ton tantôt emporté, tantôt désabusé. Elle avait toutefois plus de difficultés à identifier le second garçon qui parlait plus doucement qu’Arhen. Cette voix lui disait bien quelque chose mais elle était incapable de replacer un visage dessus. Il ne devait pas partager sa promotion mais il semblait partager ses idées. Du moins, il paraissait désireux d’en savoir plus puisqu’il cherchait à avoir accès à des journaux cachés pour, disait-il, se faire son opinion.

Blair avait une idée assez précise de ce qui se jouait au dessus d’elle. Les prémices d’un réseau, le début d’une organisation pour la résistance estudiantine. Ce qu’elle attendait depuis des mois ! Une partie d’elle-même avait envie d’ engloutir les dernières marches en deux enjambées pour rejoindre les deux autres mais leur amateurisme la terrorisait complètement. L’école était surveillée de toute part par des caméras et ils ne trouvaient rien de mieux à faire que de se retrouver, en intérieur, pour discuter de leurs projets de révolution !

Non, elle devait restée prudente et ne pas s’allier à n’importe qui. Si elle ne doutait pas des positions d’Ahren elle appréciait guère son manque de prudence. Quant au deuxième garçon… Elle n’avait pas encore de jugement précis sur lui mais elle avait terriblement envie de connaitre son identité. Portée par cet élan de curiosité, elle gravit les quelques marches qui lui restaient et déboucha dans la volière, brusquement, sans préavis.

« Bonsoir ! » lança-t-elle à la cantonade.

Oui, elle espérait les avoir fait méchamment sursauter. Elle n’agissait pas par pure méchanceté, non, mais uniquement pour leur propre bien:  A l’avenir ils se montreraient plus prudents dans le choix de leur lieu de rendez vous et éviteraient surement d'être surpris aussi bêtement.

Le  regard de la jeune femme  passa d’Arhen Keller à… Noah Forester. A bien y réfléchir, elle n’était pas complètement surprise de le découvrir ici. Elle se souvenait de sa prise de position face à Sasha Benson -un bon point- lors de l’affaire Billy Button. Si elle était tout à fait sincère, elle devait admettre qu’il inspirait davantage confiance qu’Arhen mais qu’il était aussi moins informé, visiblement. Peut-être que la lecture des journaux clandestins ne suffirait pas à le convaincre d’ailleurs. Blair resta un instant sur le pas de la volière, hésitante sur la marche à suivre. Elle avait envie de leur parler, de les mettre en garde mais sa méfiance naturelle l’empêchait d’agir.


« Ne vous gênez pas pour moi… » lâcha-t-elle finalement  en passant entre les deux garçons pour poser son sac de sport sur un petit muret. Elle fouilla à l’intérieur à la recherche de sa missive : la poche avant, les poches latérales, de nouveau la poche avant (et même la petite poche à protections périodiques – au cas où) mais elle dû se rendre à l’évidence assez vite: Elle avait oublié sa lettre. Sur son chevet. Ou ailleurs.

Maudite tête percée !

La jeune fille referma les glissières de son sac d’un geste rageur et le posa de nouveau sur son épaule, prête à repartir en sens inverse. Elle releva les yeux sur les deux garçons qu’elle avait interrompus.

« Quoi ? » lâcha-t-elle, d’un ton défiant avant d’ajouter , «  On entend tout ce que vous dites depuis les escaliers… »

Consciente que ses propos pouvaient être interprétés comme une menace, elle resta immobile quelques secondes à les jauger du regard. Elle pouvait partir et leurs laisser craindre d’être dénoncés, ou alors, faire un pas vers eux…  

Blair évalua la situation un instant avant d’ajouter, dans un murmure.

«  Un sort d’insonorisation, ça ne coûte rien. »

Blair savait pertinemment qu’elle aurait dû regretter ses derniers mots. Ils sonnaient davantage comme un conseil que comme une mise en garde. Son instinct lui soufflait d’abandonner les deux garçons imprudents à leur discussion et  de courir rejoindre le château pour se lover dans un fauteuil de la salle des quatre maisons, reléguant cette scène au passé .

Même si la jeune femme était plutôt prompte à porter ses idéaux fièrement habituellement, elle savait aussi qu’elle devait être nettement plus prudente concernant ses éventuelles critiques envers le gouvernement. Elle ne pouvait pas les exposer au grand jour comme elle le faisait en militant activement pour faire entendre –et respecter- les idées de l’OFFRE ou de l’APRES. Certains combats se menaient dans l’ombre et la lutte contre Marchebank était plus que jamais clandestine.

Et c’était sans doute ce qui se jouait ici, ce soir, dans cette volière, loin des salles communes du château.  De ce qu’elle avait entendu dans les escaliers, Keller et Forester remettaient directement en cause les dernières mesures d’ingérence du gouvernement au sein de Poudlard.

Alors oui, les deux garçons n’étaient pas prudents, oui elle n’était pas certaine qu’Arhen Keller soit un modèle d’équilibre et de discrétion mais Blair devait admettre une chose : Elle  n’avait pas entendu de discours aussi sensé depuis ses vacances de Noël en famille.

Combien de fois avait-elle souhaité avoir des compagnons avec qui parler de ce poids qui l’accablait jour après jour ? De cette sensation oppressante qu’elle ressentait en passant devant les caméras de surveillance ? De l’inquiétude qu’elle nourrissait à l’égard de Curtis, et d’une manière plus générale, à l’égard du monde dans lequel ils évoluaient depuis quelques mois maintenant ?

Elle avait gardé tous ses tourments pour elle, faisant cas de rien,  soucieuse de préserver la couverture des Williams. Ses parents lui avaient fait confiance en la mettant dans la confidence de leur appartenance au LEXIT. Ils la considéraient comme une adulte à part entière et cette marque de confiance l’avait fait mûrir sur bien des aspects. Elle avait décidé, en son âme et conscience,  qu’elle n’adopterait aucun comportement susceptible de trahir ou de mettre en danger inutilement sa famille.

Chercher à aider Arhen et Noah à se montrer plus prudents faisait-il partie des comportements à risques qu’elle s’était interdit ?
Hm, peut-être. Surement même.

Et pourtant…

Elle ne pouvait décemment pas les laisser endosser à tour de rôles la responsabilité de leur petit conciliabule de révolutionnaires. Elle partageait leurs idées, plus que jamais,  et elle n’avait aucune envie de les voir tous les deux sourire aussi bêtement que Curtis Montgomery à cause d’un manque flagrant de précaution.

"De toute manière, il n’y est pour rien. Il n’y aura que moi à dénoncer. C’est moi qui l’ait obligé à écouter ce que j’avais à dire."

« « C’est faux, c’est moi qui lui ai demandé de venir. »

« Hé. Stop les gars. » dit-elle en levant ses deux paumes face à eux. « Je vous dénonce tous les deux ? C’est ça que vous voulez ? » Elle les interrogea du regard en arqua un sourcils circonspect. Comme sa mère Adelaïd, Blair n’était pas connue pour prendre des pincettes  « Franchement, vous ressemblez à ces stupides héros de romans qui se sacrifient  sans même essayer de louvoyer un minimum. » Elle les regarda tout à tour «  Sasha Benson ne va faire qu’une bouchée de vous. »

Clairement, Blair voulait bien garder leur secret mais ils devaient se montrer un peu plus fins dans leur stratégie.  S’ils jouaient la carte des honnêtes et preux chevaliers, Blair n’allait clairement pas se mouiller pour eux.
Jamais.

S’investir dans une organisation résistante impliquait une bonne dose de roublardise –ça, elle maitrisait-  … mais  aussi  beaucoup de courage. Ce dont les deux garçons ne manquaient pas, elle voulait bien l’admettre. Loin de se laisser décontenancer par ses propos, ils avancèrent même leur carte  en évoquant les fameux parchemins éparpillés dans l’école.

Ce fût au tour de Blair de montrer quelques signes de nervosité, pas forcément très représentatifs de son inquiétude, tant elle ne tenait pas en place habituellement. Pourtant, elle aurait voulu pouvoir maitriser totalement chacun des aspects de cette petite réunion improvisée et elle ne se sentait pas tout à fait à l’aise avec le lieu que les garçons avaient choisi. Elle craignait que leur conversation ne soit filmée - à défaut d’être entendue- et que Jonah Forbes viennent lui demander des comptes… à grand renfort de miliciens.  Elle se mit à ronger ses ongles -déjà ravagés par les assauts répétés de ses dents- tout en répondant un peu brusquement à la question de Noah.

« Pas la peine de me les montrer. Puis, radoucie,  On n’est pas en lieu sûr ici. La batteuse leva la tête au dessus d’eux et parcourut les volatiles du regard, « Il y a peut-être une camera cachée au milieu des hiboux. Elle s’arrêta plus particulièrement sur l’un d’entre eux qu’elle jugea bizarre avec ses gros yeux globuleux,   J’ai lu dans le Chicaneur que Vargas développait une armée d’ hybrides mi-animal mi-machine. »

Information tout à fait probable connaissant les dérives liberticides auxquelles se livraient la multinationale, estimait Blair.  La jeune femme réajusta son sac sur son épaule – il commençait à peser- et reprit à l’attention de Forester.

«  J’ai trouvé un parchemin à la bibliothèque, sous un pied de table.  » Depuis les escaliers, elle avait cru comprendre qu'Arhen avait recopié des passages de journaux clandestins, C’est toi qui les a écrit ? » demanda-t-elle en se tournant vers son camarade de promotion pour obtenir confirmation.  Elle les observa  tour à tour et enchaina, qu’est-ce que vous envisagez au juste ? »

Elle n’avait certes pas promis qu’elle allait tenir sa langue, mais c’était tout comme.

« Ok, nous n’allons définitivement pas avoir cette conversation ici. Allons dans le parc. »

Blair approuva d’un hochement de tête et traversa rapidement la volière pour descendre les escaliers quatre à quatre. Une fois en bas, elle respira de  grandes bouffées d’air frais à l’extérieur et s’éloigna à grandes enjambées de la volière pour calmer les battements de son cœur.
Elle n’arrivait pas à croire que c’était en train d’arriver. Qu’elle venait de  trouver des camarades avec qui parler de la politique actuelle du pays. Des élèves partageant vraiment sa vision des choses sur les mesures de Marchebank.

Du moins, elle l’espérait.

La batteuse se retourna pour observer les silhouettes d’Arhen et de Noah qui avançaient vers elle dans l’obscurité. Honnêtement, elle n’aurait pas parié sur eux. Le premier était connu pour être un raciste notoire, un brin arrogant, et le second, un garçon plutôt discret et posé, compagnon de Maeva Hellsoft pendant près de deux ans.

Ils n’avaient rien d’un Curtis Montgomery, l’ex engagé politique ou d’une Linnet Sneals, la rebelle dans l’âme.

Et ce n’était peut-être pas plus mal d’ailleurs, songea l’adolescente.

Surtout s’ils voulaient rester discrets. Du moins dans un premier temps. Le temps qu’ils s’organisent. La jeune femme leva le menton pour observer ses deux camarades tour à tour. Pouvait-elle leur faire confiance ? S’engager pleinement auprès d’eux ? Son côté Serpentard l’invitait à faire preuve de prudence mais ses convictions intimes la poussaient à saisir cette opportunité inespérée pour s’investir. Elle ne pourrait pas tenir bien longtemps à rester, ainsi, inactive.  Elle ne valait guère mieux que tous ces élèves lobotomisés par le Pear si elle n’essayait pas de faire bouger les lignes, un minimum,  à son modeste niveau.

Blair se sentait plus rassurée par le calme de Noah mais les idées et la force de conviction d’Arhen lui parlaient davantage. Pourtant elle l’avait vu hausser un sourcil  de manière condescendante à la mention du Chicaneur. Elle comptait bien lui faire lire quelques articles du célèbre journal  pour lui montrer à quel point les Lovegood étaient de véritables visionnaires. Elle avait notamment un vieil exemplaire en sa possession, datant de plus de trois ans,  dans lequel  il était question des « villes sous cloches » censées vous préserver des microbes et des virus. Même si le journaliste reconnaissait quelques avantages à ce mode de vie aseptisé, il abordait également les questions du contrôle et de la surveillance de la population , en contradiction totale avec le respect des  libertés individuelles.
HEIN BRISTOL ?

Mais l’heure n’était pas aux distensions. Blair acceptait de ne pas relever uniquement parce qu’elle voulait  prioriser les choses. Ils auraient tout le temps de débattre de ces questions – dans un endroit sûr, plus tard -mais pour l’heure ils devaient s’organiser et planifier d’éventuelles actions.

Planifier des actions. Merlin, elle n’en revenait pas.  Elle était vraiment en train de parler de mission d’information auprès des élèves avec Arhen Keller et Noah Forester. Linnet n’allait jamais la croire !

« Je suis d’accord, les petits mots ne suffisent pas, abonda-t-elle d’ailleurs,   Il faut que les élèves puissent avoir accès aux véritables journaux, aux articles complets et bien documentés sinon ils nous prendront juste pour une bande de geeks illuminés – sans vouloir t’offenser Keller – ajouta-t-elle en coulant un regard sur Arhen.

 Elle se tût un instant, tout en réfléchissant à toute vitesse aux différents moyens d’action qu’elle avait en sa possession. Elle jeta un regard circulaire autour d’elle pour s’assurer qu’aucune ombre ne trainait à leur proximité dans le parc du château et révéla dans un souffle :

«  Je peux avoir des journaux. Le Cognard, bien sûr, dans lequel ses frères et sœurs écrivaient mais aussi le Liber Avon. Elle n’aurait qu’à demander à Urban. Du moins je peux m’arranger pour qu’ils nous soient livrés à Pré-Au-Lard, rectifia-t-elle, ce qui était déjà pas mal, après il nous faudra trouver un moyen pour les faire rentrer dans l’école sans se faire prendre…»

Il s’agissait là d’une autre affaire.

Arhen était encore trop jeune pour  pratiquer la magie en dehors de Poudlard, et quand bien même ils parvenaient à trouver une solution pour ensorceler les journaux à l’extérieur,  ils n’avaient  encore aucune  cachette assez sûre pour entreposer  les différents exemplaires dans l’enceinte du château. Ils ne pouvaient pas les stocker dans leurs dortoirs respectifs, et surement pas Blair qui dormait dans le lit voisin de celui de Sasha Benson…

Les deux garçons parlaient déjà de constituer un groupe d’élèves résistants mais aux yeux de la Serpentard, ce projet était un brin prématuré.

« Avant de commencer à recruter, nous devons nous organiser, tous les trois. Moi aussi j’ai envie que nous ne perdions pas de temps, assura-t-elle toutefois,  mais je ne tiens pas à prendre de risque … ni à en faire prendre aux autres. »  Elle se tourna vers Noah, pressentant qu’il était plus sensible qu’Arhen à ce genre d’arguments "Dans l’idéal, il nous faudrait un endroit sûr et discret pour discuter et stocker nos journaux. En dehors du château, si possible –beaucoup trop surveillé par les cameras Vargas et les hiboux cyborg selon elle - mais dans l’enceinte de Poudlard afin que nous puissions tous les trois pratiquer la magie.  Bref la planque impossible à trouver sur le papier mais elle était sûre que le Gryffondor et le Serdaigle étaient plein de ressources, Une fois qu’on aura un local, nous pourrons envisager de créer un groupe mais , là encore, il nous faudra être intransigeants sur le recrutement. On ne peut pas courir le risque de se tromper et de contacter la mauvaise personne. Je ne tiens à pas à finir comme Curtis Montgomery .» Elle les regarda tour à tour «  Toutes nos décisions devront être concertées et prises à l’unanimité…sinon c’est sans moi. »

En vérité, Blair avait déjà réfléchi à toutes ces questions des centaines, peut-être même des milliers de fois mais c’était bien la toute première fois qu’elle pouvait, enfin, véritablement en parler de vive voix…