[RP commun] Quid de la technologie ?

« Wah trop flippant ton dessin, Tina ! »

La voix enjouée d’Oscar perce la petite bulle de rêveries dans laquelle s’est enfermée la petite dessinatrice en herbe, qui remplit avec application les pages de son carnet. Elle est assise -ou plutôt à moitié avachie- sur le sol, une mauvaise habitude que sa mère n’a jamais réussi à lui enlever et Tinashe en profite d’autant plus qu’entre les murs de ce château, il n’y a pas d’autorité parentale. Un ou deux élèves de sixième année lui ont bien jeté quelques regards condescendants en passant mais elle les ignore royalement. De toute façon, ils prennent toujours tous les poufs et les canapés confortables, les grands, qu’ils se plaignent pas que les première année occupent les espaces comme ils peuvent… Pour son camarade de classe, elle daigne toutefois se redresser un peu, avec un sourire.

« Merci ! C’est un Sombral, déclare t-elle, fièrement.
-Un quoi ?
-Un Sombral, c’est démeeent, tu vas voir, s’exclame la jeune fille en tournant avec précipitation les pages de son carnet pour retrouver les notes qu’elle avait prises sur des interstices entre ses précédents dessins. « Les Sombrals sont des créatures sinistres et squelettiques, dont la tête rappelle celle d’un dragon, le corps, celui d’un cheval et les ailes, celles d’une chauve-souris. Ne sont capables de les apercevoir que les personnes qui ont vu… -elle fit les gros yeux et prit une voix d’outre-tombe pour lire la suite, qu’elle avait écrit en grosses lettres noires raturées- la mooooort. »
-Wooooh, trop cool ! T’en as déjà vu un toi ?
-Bah nan, t’es bête.
-Comment tu sais si ça ressemble vraiment à ça alors ?
-J’m’en fiche, je fais mon Sombral à moi, dit-elle en haussant les épaules. Je lui ai fait des pattes avec des griffes à la place des sabots, parce que c’est plus flippant. Comme ça, il peut attraper entre ses griffes ses victimes, explique t-elle en mimant le geste théâtralement sous les rires d'Oscar, et une traînée de sang le suit dans le ciel quand il s’envole jusque sa tanière où il peut dévorer le cadavre tout frais, rooooaarrr ! »

C’est d’ailleurs la scène qu’elle compte dessiner sur la page d’après, sur son carnet qui commençait à avoir des allures de Monstrueux Livre des Monstres. Son attrait pour les créatures bizarres, laides et effrayantes fait partie de ses passions étranges qu’elle assume pleinement et qui a pris une toute nouvelle dimension depuis qu’elle a appris que ce monde fantastique peuplé de créatures, qu’elle ne faisait qu’imaginer dans sa tête, existe vraiment. Poudlard est une espèce de rêve d’enfance qui s’est concrétisé pour elle, et après quatre mois à vivre dans le château, elle découvre encore des tas de choses qui l’émerveillent.

« Vous faites trop de bruit, on peut pas se concentrer ! »

Pour une fois, ce n’est pas un ennuyeux préfet de cinquième année qui les rabroue, mais Jonas, un autre Gryffondor de leur promotion. Assis sur un pouf qu’il partage avec Lysandre, ils ont tous les deux les yeux rivés sur l’écran lumineux de leurs Pear One, concentrés sur un jeu qui émet des petits sons d’explosions. Curieuse, Tinashe en oublie qu’elle vient de se faire réprimander et se lève pour regarder leur jeu derrière eux. Elle reconnaît aussitôt les personnages de Call of Sorcery qui s’affrontent dans un duel en multijoueur. Le regard très attentif de Tinashe suit les mouvements d’un des sorciers à l’écran, qui tournoie dans les airs, malmené par une force invisible, avant de trembler et se faire exploser le thorax, dans une giclée de sang.

« Démeeent » souffle t-elle. « J’peux jouer après toi ?
-T’as qu’à prendre ton Pear ! râle Jonas, mécontent d’avoir perdu la partie.
-Roh t’es pas drôle, j’en ai pas, sinon ça serait déjà fait ! »

Il répond sans regarder sa camarade, concentré à pianoter sur son écran pour configurer une autre partie :

« Tes parents veulent pas t’en acheter un ?
-Ils savent pas ce que c’est, surtout. Enfin… Ma mère aurait pas voulu que j’aie un smartphone non plus, elle dit que j’suis trop jeune.
-Un smaf-quoi ?
-Un smartphone ! C’est euh… La version moldue des Pear One, si tu préfères. Enfin, techniquement, c’est plutôt les Pear One qui sont la version sorcière des smartphones. »

Cette fois, Jonas quitte des yeux l’écran, pour regarder la jeune fille, un air railleur sur son visage :

« Genre c’est nous qui avons copié les moldus ou c’est juste ton avis de née-moldue ?
-C’est vrai ! protesta t-elle. T’écoute pas M. Forbes en classe ou quoi ?
-Mwarf, c’est nul son cours, réplique t-il en haussant les épaules. On s’en fiche de l’étude des Moldus, c’est pas comme si ça allait nous servir dans la vie de tous les jours.
-Quoi ! »

Le garçon a remis le nez dans sa partie mais cela n’empêche pas Tinashe de continuer dans sa lancée, flamboyante :

« J’te signale qu’une grande partie des nouvelles technologies sorcières s’inspirent justement des technologies moldues. C’est l’avenir, d’abord !
-Ouais bah ça va, nous aussi on invente des trucs. Est-ce que tes moldus ils savent transplaner d’un endroit à un autre, hein ?
-Non, admit-elle en croisant les bras. Mais euh, ils peuvent voyager vite aussi. D’accord, pas aussi vite que les sorciers mais quand même.
-Ouais bah… Ah merde, Lys', t’abuses comment tu lances des sorts cheatés ! peste t-il entre ses dents. Les moldus, s’ils étaient si intelligents, ils apprendraient à transplaner eux aussi.
-Bah ils peuvent pas, ils savent même pas que ça existe puisque y a le secret magique, gros bêta, c’est pas comme s’ils pouvaient espionner les sorciers. C’est plutôt les sorciers qui espionnent les moldus et ça donne des trucs comme ton Pear One, là. 
-En attendant, t’es bien contente que ça existe.
-J’ai pas dit le contraire ! Moi j’trouve que c’est bien qu’on prenne les bonnes idées chez les moldus. »

"Vous faites trop de bruit, on peut pas se concentrer !"

Ah, merci. Il y avait au moins quelqu'un de raisonnable parmi ces premières années bruyantes et beaucoup trop excitées, comme à leur habitude. Michael reporta son regard bleuté sur la partie d'échecs qu'il était en train de mener, confortablement installé sur un canapé, non loin - trop près même, à son grand désespoir - de premières années qui bavardaient joyeusement entre eux. Face à lui, Paddy Gustin soupira mais ne put se départir du petit sourire que lui inspirait cette scène. Ils semblaient si innocents avec leur Pear, leur petit jeu-vidéo et leurs petites querelles pour un rien. Il avait presque envie de les rejoindre pour une partie de ce qui semblait être Call of Sorcery mais de quoi il aurait l'air, lui un cinquième année, en train de geeker avec des 99 ? En plus, il avait une revanche à remporter, ce n'était pas le moment de se laisser distraire.

Michael fit bouger sa tour de trois cases et croisa ses mains sous son menton, les yeux plissés, concentré sur sa stratégie. Pour l’instant, les deux Serdaigle étaient au coude à coude mais il ne comptait pas se laisser faire… comme ce Gryffondor qui jouait sur son Pear avec son copain. Malgré lui, le jeune homme capta quelques bribes de la conversation qui se déroulait à leurs côtés et comprit qu’il était question de Pears et de smartphones. A la mention du terme de « née-moldue », il  tourna la tête pour les observer débattre, intrigué par la tournure de la discussion. Apparemment, la petite aux cheveux frisés était née-moldue, contrairement à ses autres camarades, et tentait vainement de leur faire comprendre que les sorciers s’inspiraient de la technologie moldue pour leur propre technologie. Elle avait entièrement raison et s’appuyer même sur le cours d’Étude des Moldus pour son argumentation mais celui qui jouait sur son Pear One ne voulait visiblement rien entendre et faisait preuve d’une mauvaise foi sans nom. Mike arqua un sourcil devant son comportement et dut se retenir de ne pas intervenir. Il y avait bien que les sorciers arriérés ou les ignorants pour tenir de tels propos… Rien qu’en se promenant dans le monde moldu comme, par exemple, tout bêtement, Londres, il était flagrant que Vargas s’était inspiré des smartphones et de leur fonctionnement pour créer les Pears et ce moyen de communication révolutionnaire pour le monde sorcier ! Ce Gryffondor n’avait pas les yeux en face des trous, ce n’était pas possible !
Le Serdaigle grimaça lorsque le première année finit par dénigrer l’intelligence des moldus et ne put, cette fois-ci, s’empêcher de le remettre à sa place.

"Mais t'entends les conneries que tu dis ? intervint-il en se redressant dans le canapé. C'est à la limite de la xénophobie," gronda-t-il avec dédain.

Paddy qui jusqu’ici était resté concentré sur leur partie d’échecs, releva la tête et fronça les sourcils devant l’emportement de son ami.

"Tu es bien content que les moldus soient assez intelligents pour avoir inventés les smartphones qui ont servis d'inspiration pour créer ce que tu as dans la main," ajouta froidement Michael en désignant de la main le Pear One du Gryffondor.

Contrairement à sa camarade née-moldue, Mike ne comptait pas faire preuve de patience et d’indulgence envers le petit Gryffondor. En plus d’être consterné par le manque de jugeote de ce garçon, il se sentait personnellement attaqué par ses propos sur les moldus. Il n’aimait pas quand on critiquait le monde dans lequel il avait grandi et dans lequel il continuait d’évoluer en dehors de Poudlard. Le monde moldu était la moitié de ce qu’il était, la moitié de sa vie et il ne laissait jamais personne en parler de la sorte. Comment réagirait cet impoli s’il se montrait, lui, aussi négatif envers les sorciers ? Il se sentirait certainement plus ou moins blessé, agacé, énervé. Ce n’était sûrement pas grand-chose, le Gryffondor n’avait pas non plus insulté à tout va les moldus, mais Mike se sentait si affilié au monde qui l’avait vu naître qu’il ne pouvait qu’être irrité par ce genre de propos. Paddy lui jeta un regard en coin avant de porter son attention sur Tinashe, un sourire aux lèvres.

" - Je trouve ça bien aussi, approuva-t-il en hochant la tête, désireux de calmer les ardeurs de Michael. Pendant des années les sorciers ne se sont pas intéressés à la technologie des moldus, certains refusaient même d'en entendre parler car ils trouvaient que cela déshonorait les traditions. Personnellement, j'ai toujours trouvé ça intéressant. C'est amusant de faire la comparaison entre ce que les sorciers font et ce que les moldus utilisent pour faire la même chose mais sans magie. Et ils s'en sortent plutôt bien ! Et comme dirait M. Forbes, ils ont énormément évolué au fil des époques alors que les sorciers sont restés sur les mêmes bases de fonctionnement pendant très longtemps.
- Est-ce qu'on pourrait arrêter de parler des moldus comme si ils étaient une espèce à part ? s’agaça quelque peu Mike en cherchant le regard de tout le monde. Au final, on est tous pareils, au détail de la magie près."

Il n'aimait pas, non plus, quand la distinction sorciers/moldus était trop marquée, lui qui baignait dans les deux mondes. C’était ridicule de se fermer ainsi et d'étudier "l'autre monde" comme s'il s'agissait d'une espèce à part, à la fois inintéressante et effrayante. Soudainement conscient qu’il était un peu trop fougueux, le jeune homme passa une main dans ses cheveux et se racla la gorge pour reprendre un ton plus bas.

"Oui, la technomagie s'inspire grandement des technologies moldues. C'est évident ! dit-il en secouant la tête. Il suffit d'ouvrir les yeux et on s'en rend vite compte. Il y a les Pears, les réseaux sociaux, les différentes applications, les émissions du genre de Koh-Mantra, les jeux-vidéos ! D'ailleurs, vous savez que votre jeu là, Call of Sorcery, est très certainement inspiré d'un jeu de guerre moldu, Call of Duty. Il écarta les bras. Tout est presque pareil, sauf que les smartphones sont connectés à des réseaux, à des antennes relais et à des satellites alors que les Pears utilisent la magie. C’est pas négatif comme avancé, au contraire."

Sasha était d'humeur plutôt morose depuis la rentrée. Plus elle reprenait ses habitudes à Poudlard plus elle s'éloignait de tout ce qu'elle avait vécu et découvert pendant les vacances de noël. Elle avait adoré son stage à la Milice et espérait pouvoir rapidement renouveler cette expérience, et surtout elle avait adoré être autre chose qu'une élève de seize ans, pendant un temps. Elle avait beaucoup grandi pendant ces vacances, et de bien des façons, mais ici elle était toujours la même.

La préfète n'avait même pas le plaisir de pouvoir fanfaronner sur ses exploits. Elle n'était pas sûre que les autres la croiraient si elle prétendait avoir déjeuné à la table du Ministre de la Magie ou couché avec un inconnu rencontré dans un club. Elle avait bien entendu tout raconté à Maureen et Leanne dans la lettre qu'elle leur envoyait chaque semaine, et elle avait livré quelques confessions à Cindy, mais elle savait que cela n'intéresserait personne d'autre. Une part d'elle était satisfaite de pouvoir garder cette part de sa vie secrète, mais une autre part d'elle aurait voulu, au fond, que tout le monde en parle.

Une fois n'est pas coutume, Sasha avait accepté de quitter la bibliothèque pour s'installer dans la salle des quatre maisons. Elle devait travailler sur un devoir en commun avec Cindy et leur salle commune était trop bruyante en ce début de soirée. Les deux amies avaient malheureusement vite réalisé que le bruit était au moins aussi intense ici. Les gens n'avaient-ils donc pas de travail à faire ? Agacée, la préfète attacha ses cheveux en queue de cheval avec l'espoir que cela l'aiderait à se concentrer, et relut l'intitulé du devoir pour la troisième fois, sans succès. Elle n'arrivait pas à réfléchir au milieu de ce brouhaha.

Sasha soupira bruyamment et jeta un regard noir en direction de Damon Drop, vautré dans le canapé face à la cheminée, qui riait à gorge déployée. Il faisait plus de bruit qu'un scout à pétard en rut. Elle avisa aussitôt Virgil Forbes, installé à coté de son fidèle compagnon, et détourna le regard. Elle espérait que le Gryffondor avait bu suffisamment d'alcool pour ne plus se rappeler qu'il l'avait croisée au K-Club la nuit du nouvel an, mais prenait soin de l'éviter depuis la reprise des cours, au cas où. Elle n'avait pas envie qu'il raconte ça à tout le monde. Ou alors le voulait-elle, un petit peu ?

Une autre conversation attira alors l'attention de la préfète, qui délaissa momentanément son devoir de métamorphose. Installés à côté d'elle, de jeunes élèves -surement des premières années, débattaient vivement sur qui des sorciers ou des moldus s'inspiraient des autres. Sasha leva les yeux au ciel. La seule existence du secret magique répondait facilement à cette question. Etait-elle aussi limitée intellectuellement quand elle était en première année ? Michael Horrocks vint heureusement apporter un minimum de qualité au débat en soulignant le côté positif des avancées technomagiques -décidément, il n'y avait toujours que les Serdaigle pour relever le niveau- mais cet avis n'était visiblement pas celui de Blair.

La préfète ne s'étonna pas de voir sa camarade de dortoir protester avec véhémence. Elle n'était jamais d'accord avec personne, et Sasha la soupçonnait d'être un peu complotiste sur les bords, du genre à penser qu'ils étaient tous manipulés par un gouvernement aux intentions obscurs qui les utilisait comme des pions dans un ses plans diaboliques. Elle aurait fait une bonne scénariste de science-fiction.

Blair et elle ne s'étaient jamais particulièrement bien entendues, mais Sasha se surprenait parfois à apprécier leurs débats, souvent mouvementés. Elle faisait toutefois particulièrement attention à ne pas se montrer trop vexante, ce qui était très difficile. Sa camarade était, de par son simple statut de joueuse de Quidditch, plus appréciée et plus populaire qu'elle et il n'aurait pas été intelligent de s'en faire une véritable ennemie. Elle manquait déjà cruellement d'amis, inutile de se mettre toute l'équipe de Quidditch de sa maison à dos.

"Bien sûr que Vargas sait tout de ses utilisateurs, intervint-elle. C'est la base de leur modèle économique, et ce qui leur permet de proposer la plupart de leurs service de façon gratuite. La collecte et le traitement des données personnelles sont même nécessaires au fonctionnement de la majorité de leurs applications, sinon Instamag ne pourrait pas vous recommander de contenus personnalisés, par exemple, expliqua-t-elle en prenant conscience qu'elle avait probablement perdu la moitié de son audience à "modèle économique".Bien sûr il est essentiel de prévenir les débordements, c'est d'ailleurs une problématique qui existe depuis longtemps chez les moldus. Alors, qui est-ce qui copiait qui maintenant ? Mais il y a des lois pour ça, heureusement nous ne sommes pas les premiers à soulever ce problème. Les traitements de données personnelles sont parfaitement réglementés, et il n'y a pas de raison de voir le mal partout."

Elle dut prendre sur elle pour ne pas poser son regard sur Blair Williams, qua sa dernière phrase visait directement. Quelque chose lui disait que ce n'était pas comme ça qu'elle allait se faire de nouveaux amis, mais c'était plus fort qu'elle. Elle n'arrivait pas à laisser les autres débiter des idioties sur des sujets dont ils ne connaissait rien !

La salle des Quatre Maisons avait semblé être une bonne idée au premier abord, il avait espéré y trouver un peu de calme pour s’y détendre avec un bon livre. Il n’avait pas particulièrement envie d’aller à la bibliothèque, il la trouvait beaucoup trop oppressante depuis quelques temps. Il avait eu besoin d’un endroit un peu plus vivant, pas la salle commune qui était beaucoup trop bruyante mais d’un entre deux. Il n’avait pas prévu Drop et toute sa clique cela dit, où qu’ils allaient on n’entendait qu’eux ou presque, Ahren réussit néanmoins à faire abstraction pour se concentrer sur ce qu’il lisait, du moins pour quelques minutes, invariablement, son esprit s’échappait vers des inquiétudes qu’il aurait voulu faire taire. Près de deux semaines qu’il n’avait pas eu de nouvelles de Nora ou de Donovan et Juliet.

Ils avaient pourtant l’habitude de leur envoyer une lettre par semaine, au début, il avait été surpris et même un peu agacé par cette manie de leur envoyer du courrier pour savoir comment ils allaient ou s’ils mangeaient et dormaient bien. Qu’est-ce que ça pouvait bien leur faire ? Et puis, il s’y était habitué, pire, il les attendait ces lettres. C’était la première fois que quelqu’un s’intéressait sincèrement à son bien-être, ses frères n’avaient fait que l’utiliser, sa mère l’avait ignoré toute son enfance. Il n’avait jamais su ce que ça faisait d’être aimé, si ce n’était pas Kathrina mais même elle lui avait toujours préféré Ulrich. Leur relation était ce qu’elle était mais ils s’aimaient. A leur façon. Les Weaver avaient été les premiers à leur apporter un amour qui semblait inconditionnel comme des parents l’aurait fait, ils avaient une telle bonté envers eux que le jeune Serdaigle avait été suspicieux.

C’était trop beau pour être vrai, alors il était resté à l’écart, un peu et ses barrières avaient finies par tomber les unes après les autres. Il s’était montré un peu moins sauvage, il avait participé à la vie de la famille au fil des vacances scolaires. Et puis, il avait souvent trop profité de la bonté de Nora et Irving sans doute. Passant souvent à l’auberge pour y trouver la campagne, la solitude qui lui manquait parfois chez les Weaver, parce qu’il étouffait et parce qu’il adorait Nora, parce qu’elle était devenue la grande sœur qu’il n’avait jamais eu. Il s’était attaché à cette famille, il la considérait comme la sienne désormais et la perdre serait une déchirure trop grande. Il avait déjà assez souffert, il ne voulait plus revivre la perte d’êtres chers. Mais leurs lettres habituelles n’étaient pas arrivées et il s’inquiétait. Est-ce qu’ils allaient bien ? Il avait même tenté de leur en écrire une, elle n’avait pas eu de réponse et son angoisse avait monté d’un cran.

Après l’arrestation de Linnet, il n’y avait pas de doutes à ses yeux sur ce qui avait bien pu leur arriver. Sa haine du gouvernement montait en flèche à mesure que le temps passait, il ne l’avait jamais porté dans son cœur, la politique de Leopold Marchebank ne l’avait jamais convaincu, il n’était pas d’accord avec la plupart de ses idées. On le qualifierait sans problème de réac mais il s’était ouvert, il n’était plus aussi catégorique en ce qui concernait les nés-moldus, il était assez sensible à la condition des loups-garous et à leurs droits. Mais la guerre aux Sangs-purs l’avait fortement agacé, cette haine qui leur était vouée sans raison le débectait.

Il y avait un juste milieu à trouver, une ouverture au monde moldu pourquoi pas mais pas au détriment des sorciers. Et pourtant… c’était ce qu’il se passait. On s’inspirait de leur culture pour l’implanter dans leur monde et on prenait le pire. Ahren suivit de loin la conversation avant de renifler dédaigneusement en écoutant le plaidoyer de Michael Horrocks. Quel abruti celui là. Son regard s’illumina quand Blair pris la parole et il esquissa un petit sourire, il était parfaitement d’accord avec sa camarade mais visiblement Sasha ne l’était pas puisqu’elle entreprit de lui clouer le bec en sortant sa science économique. Il poussa un soupir et ferma son livre d’un claquement sec, ce n’était plus la peine de faire semblant maintenant que la salle était en effervescence.

"Des lois tu dis ?", son mépris était clairement audible dans sa voix. "Et quelles lois ? Penses-tu donc que l’état n’utilise pas justement toutes ces informations pour mieux nous surveiller ? Pour mieux réprimer nos droits ? La traque aux terroristes comme ils l’appellent, tu ne penses pas que Vargas n’a pas son rôle à y jouer ?"

Il n’avait pas de Pear pour une seule et unique raison. Il ne se laisserait pas espionner ou même entraver. On ne le suivrait pas à la trace, on ne le transformerait pas en petit mouton. En fidèle toutou du gouvernement en le gavant de publicités et de technologies abrutissantes.

"Cette technologie moldue tout particulièrement n’était peut-être pas nécessaire. Elle nous abrutit, nous rend dépendant. Elle crée un besoin que nous n’avions pas jusqu’à présent. Voyez comme ils s’abrutissent devant des jeux, il désigna les premières années du doigts. Où est passé leur intellect ? Leur sens de la réflexion ? Déjà que les Gryffondor n’en ont pas beaucoup, avec ce genre de choses, nous courons droit à la déchéance. "

Il esquissa un rictus avant de pousser un soupir las.

"Ils nous transforment en mouton. Blair a raison. Il faut s’en méfier, il faut être plus prudent que jamais. Surtout maintenant."

Alors que les gens disparaissaient les uns après les autres. Son visage se ferma et son regard se perdit dans la cheminée. Ses parchemins étaient presque au point, il avait encore quelques informations à mettre dessus mais il ne pourrait pas le faire seul. Il croisa le regard de Blair, peut-être qu’il pourrait compter sur elle ? Il pouvait laisser les parchemins traîner partout où il le souhaitait, seuls les élèves verraient les messages révolutionnaires. Les adultes en les lisant ne verraient que de simples parchemins de cours lambda. Il espérait ainsi réveiller les esprits, les informer du danger que représentait le gouvernement et sa milice et pire encore, les réseaux sociaux. Il était plus que temps de les réveiller. Ils étaient l’avenir et seuls eux pourraient construire un futur viable mais il fallait pour cela qu’ils gardent toute leur clairvoyance. C’était mal parti.

Sasha fut un peu surprise par l'intervention d'Ahren, qui se mêlait rarement aux autres, mais pas par son contenu, qui était fidèle à ce qu'elle connaissait du Serdaigle. Evidement, il se méfiait du gouvernement et de la technomagie, comme il se méfiait certainement de tout ce qui était un peu nouveau ou original. Sur ce point il était un peu comme Blair, il se méfiait de tout et ne faisait confiance à personne. La préfète leva ostensiblement les yeux au ciel face au ton méprisant de son camarade qui l'attaquait avec des questions purement rhétorique. Sa remarque sur le rôle que jouait Vargas dans la traque des terroriste fit toutefois hausser les sourcils à la jeune femme. Cette conversation prenait une tournure très intéressante...

"Oh mais si, j'espère bien que Vargas participe à la traque aux terroristes, pas toi Ahren ? Ça te pose un problème qu'on utilise la technomagie pour arrêter des terroriste ?" s'étonna-t-elle sur un ton faussement innocent.

Un sourire poli s'étira doucement sur ses lèvres fines, en contradiction totale avec le regard dur et froid qu'elle planta sur son camarade. Il était coincé. Soit il allait au bout de son raisonnement et se plaçait volontairement du côté des terroristes ou du moins contre leur traque par Vargas, ce qui était une prise de position plutôt dangereuse. Soit il faisait machine arrière et revenait sur ses arguments, ce qui affaiblirait son argumentation. Dans les deux cas il se trouvait en fâcheuse position et Sasha trouvait ça particulièrement amusant.

"Ça je te l'accorde, répondit-elle alors qu'Ahren poursuivait en s'attaquant au manque de cervelle des Gryffondor. Elle ne résista pas à l'envie de jeter un regard en direction de Damon et Virgil, comme pour illustrer ses propos. Mais le manque d'ambition intellectuelle de certains ne date pas d'hier, et si ce n'était pas les Pear ils trouveraient autre chose pour "s'abrutir", comme tu dis, je ne suis pas persuadée que l'on puisse blâmer la technomagie pour ça."

Le Serdaigle termina son argumentaire en prenant Blair à partie et Sasha eu du mal à réprimer un sourire triomphant en voyant sa camarade de dortoir se désolidariser complètement d'Ahren. Elle était incapable de dire si la jeune fille était réellement plus nuancée dans son rapport au gouvernement ou si elle était simplement assez intelligente pour ne pas trop se mouiller, mais elle ne l'avait jamais autant appréciée qu'en cet instant. Ahren se retrouvait privé de tout soutient, à soutenir seul une cause particulièrement dangereuse, c'était particulièrement divertissant.

La préfète se délectait de la situation. Elle avait toujours été en compétition avec son homologue de Serdaigle. C'était presque devenu un jeu. C'était à qui aurait la meilleure note en Histoire de la Magie, à qui récupérerait les meilleurs horaires de ronde, et à qui ferait le plus de mal à l'autre. Ils étaient en guerre depuis des années et Sasha avait le sentiment qu'elle était en train de remporter cette bataille.

Elle se força à rire avec les autres alors que la capitaine de l'équipe, Sandra, tentait de détendre l'atmosphère en affirmant que Blair souhaitait seulement garder le secret sur ce qu'elle faisait sur son Pear, seule dans son dortoir.

"Alors que toi, ce qui te dérange au fond c'est que ce soit inspiré du monde moldu, par vrai Ahren ? lança-t-elle à l'intention du jeune homme alors que les rires se calmaient.  Inutile de le nier, tout le monde sait à quel point tu es raciste."

Sasha savait parfaitement que ce n'était pas la seule raison de la défiance du Serdaigle face à Vargas, mais elle savait aussi que c'était la meilleure façon de la décrédibiliser auprès de leurs camarades. Il s'était un peu calmé ces derniers temps mais Ahren n'avait jamais cherché à cacher son aversion pour tout ce qui venait du monde moldu -y compris ses camarades. Les gens étaient peut-être assez idiots pour soutenir un "rebelle" aux idées soi-disant contestataires, mais pas un sang-pur rétrograde. Elle jeta un regard en direction des élèves les plus jeunes, comme pour s'assurer qu'aucun d'entre eux n'allait se laisser influencer par les propos d'Ahren.

Sasha considérait que c'était son devoir de préfète de protéger les élèves contre ce genre de philosophie particulièrement dangereuse, et ridiculiser Ahren Keller était un moyen particulièrement agréable de mener cette mission à bien. Elle se promit d'ailleurs de quitter la bibliothèque plus souvent, on s'amusait bien ici.

Pour rien au monde, Billy Button n'avait envie de participer à un débat aussi stérile et dépassé que celui de savoir si la technomagie était utile ou non - dangereuse ou pas - pour le Monde Magique? Assis à même le sol dans un recoin de la salle des quatre maisons, Billy ne quittait plus des yeux ce qui au fil du temps, était devenu le prolongement naturel de sa main - Son divin Pear. Loué soit Vargas Corp d'avoir confectionné un artefact aussi merveilleux, qui permettait en un temps record et en quelques clics magiques, à un simple binoclard un brin grassouillet comme lui, de pouvoir plonger son regard émoustillé dans le décolleté d'une jolie jeune sorcière instamageuse! Dans ce monde virtuel, bien plus merveilleux que le Monde Magique lui-même ; Vous pouviez devenir tout ce dont vous avez toujours rêvé d'être. Que ce soit un super héros, un beau gosse musclé, un grand sorcier omnipotent - La seule limite imposée étant celle de votre imagination, et des ressources trouvées sur la toile magique. Avec un tel super-pouvoir à votre disposition, vous pouviez aborder n'importe qui, et parler au filles les plus sexy de votre école! Celles-là qui vous ignorent en détournant le menton avec condescendance, quand vous arriviez à leur bredouiller un modeste "bonjour" empreint d'espoir pathétique. Bref la technomagie avait considérablement embelli le quotidien si morne et solitaire de Billy Button ; Transformant ce jeune sorcier timide, ringard et impopulaire, en un apollon mystérieux au torse d'acier!

Les Blair Williams, les Sasha Benson, les Tinashe Kamara pouvaient l'ignorer au quotidien… Il s'en fichait éperdument tant il était passé virtuellement à un autre niveau! Pour se faire, il devait faire appel à son identité secrète et virtuelle sur Tindermagique. Yeux rivés sur l'écran de son Pear, enfermé dans sa bulle confidentielle, Billy s'était mué en son double BG: le divin Angelo! Un prince de l'amour infatigable, un athlète dont la tablette de chocolat était si puissamment marquée qu'elle faisait fondre le cœur de n'importe quelle femme! Bref, l'homme parfait et puissamment armé pour s'attaquer à la jolie biche de passage. Et enfin, alors que ses carreaux de lunette s'embuaient d'excitation ; Il venait de trouver son gibier! En effet, cela faisait plus d'un quart d'heure maintenant, qu'il travaillait au corps une pulpeuse créature inconnue, à grand coup de formules poétiques copié-collé sur un site de jeunes geeks magiques, intitulé "jeux-vidéomagiques.com". Un cercle de poètes assurément, tant chacune des phrases employées faisaient mouche! Mais qui était donc cette affriolante "QueenPaillettes" aux mensuration de rêve, qui le faisait mariner depuis trop longtemps?

Ignorant totalement le brouhaha environnant du maudit monde extérieur, il se focalisait exclusivement sur sa conquête. Pianotant avec dextérité sur l'écran de son Pear, le jeune Gryffondor lança alors sa roquette verbale, ou plutôt une requête visant à voir une partie bien particulière de l'anatomie féminine de son interlocutrice virtuelle. Allait-elle acceptée le deal, et un échange de photos coquines en tout anonymat? Billy en trépignait d'impatience, alors qu'il riait nerveusement seul dans son coin de sa tentative aussi téméraire que culotée. QueenPaillettes allait-elle enfin lui envoyer un snapfléreur magique? La réponse ne tarda pas à survenir sous la forme d'un chantage aussi familier qu'interminable…


En vérité, Billy Button n'attendait que cela de pouvoir dégainer sa tablette de chocolat virtuelle, son arme de séduction massive qui allait mettre des paillettes dans les prunelles de QueenPaillettes! Cette dernière ne tarda pas à envoyé son tour une photo en bikini qui tétanisa littéralement le trop jeune Billy Button sur place. C'était certes une bombe atomique, mais pas de toute première jeunesse… Incapable de décrocher ses yeux de son écran, un petit filament de bave glissa entre les mâchoires desserrées du jeune sorcier, pour venir s'écraser sur sa photo d'écran. Rien à dire! Merci Vargas Corp et la technomagie! Quelle superbe invention! Comment pouvait-on osé critiquer un tel joyau de communication! Une si incroyable percée dans l'évolution de l'humanité!?

La situation lui avait échappé, il n’avait clairement pas réfléchi avant de parler, il avait pris des risques, oubliant où il se trouvait et qui s’y trouvait. Son regard s’attarda sur Sasha, elle était l’exemple même de ce qu’il voulait combattre. Elle était le bon petit soldat du gouvernement, prête à tout pour briller et atteindre le sommet. Son stage au ministère pendant les vacances en était l’exemple parfait, elle avait été introduite dans la milice, elle se rapprochait du pouvoir avec une telle ardeur que s’en était presque pathétique. Sasha Benson était le genre de personne qui n’avait aucun sens moral ou aucune fierté lorsqu’il était question d’atteindre le pouvoir. Tout le reste ne semblait pas la toucher outre mesure. Ahren en était arrivé à la conclusion que cette fille n’avait rien d’humain.

Il voyait sa propre solitude mais celle de la jeune Serpentard était bien plus profonde encore. Pour lui, la compétition qu’ils entretenaient depuis leur première année n’était qu’un jeu mais pour Benson cela semblait être vital, comme si tout se résumait à cela. Et il était épuisé de jouer son jeu, épuisé de devoir faire croire que tout ceci avait un intérêt pour lui. Cette compétition puérile avait un intérêt lorsqu’ils partageaient encore quelques sujets d’intérêts communs. Mais à présent… tout les différenciait et le Serdaigle n’avait aucune envie d’entretenir le moindre lien avec elle. Il esquissa néanmoins un sourire à sa question faussement innocente.  Mais ne répondit pas dans l’immédiat, continuant son argumentaire.

Elle le soutenait sur l’intelligence des Gryffondors, c’était presque certain qu’elle le ferait, elle ne put s’empêcher de couler un regard en direction de Drop et compagnie ce qui lui tira un sourire amusé. En effet, on ne pouvait pas accuser la technomagie mais elle n’aidait pas. Il laissa passer la désolidarisation de Williams sans un mot. Ce n’était pas étonnant de sa part, il s’y attendait même, on ne pouvait pas demander à un Serpentard d’assumer le fond de sa pensée après tout. Et il admettait bien volontiers avoir été imprudent, il avait oublié que la moindre prise de position pouvait être fatale dans le contexte actuel. Il suffisait de prendre l’exemple de Linnet et il n’avait pas particulièrement envie de finir comme elle. Il ne doutait pas que Virtanen utiliserait le moindre prétexte pour se débarrasser de lui. Le directeur ne l’avait jamais aimé et la réciproque était vraie.

Les années avaient passé mais Ahren n’oublierait jamais le chantage affectif qu’il lui avait fait. Il n’oublierait pas les menaces non plus et la violence qu’il avait eue à son égard. Il avait mis un peu d’eau dans son vin quand il avait aidé à leur trouver de nouveaux tuteurs suite au décès d’Ulrich et au placement en asile psychiatrique de leur mère. Il n’avait pas été la voir une seule fois depuis, elle s’était trop enfermée dans son malheur, oubliant qu’elle avait d’autres enfants qui comptaient sur elle. Quel genre de mère oubliait ses enfants ? Elle pouvait avoir de la douleur mais de l’apitoiement au point d’en devenir folle ? Non ce n’était clairement pas acceptable à ses yeux. Il osait à peine penser à ce qu’ils allaient à nouveau devenir si les Weaver avaient réellement disparu. Kathrina et lui n’étaient toujours pas majeurs et il n’y avait plus personne désormais dans leur famille, qu’elle soit proche ou éloignée pour les héberger.

Toutes ces considérations tournaient en boucle dans sa tête depuis des jours alors le petit air triomphant de Sasha ne lui faisait ni chaud ni froid. Quand elle l’accusa de racisme, il esquissa même un petit sourire amusé. Ce qu’elle était drôle à vouloir le décrédibiliser de la sorte, elle lui offrait un moyen de sorti sans qu’il ait besoin de réfléchir trop longtemps. Il était hors de question qu’il confirme son affirmation, il n’était pas aussi bête que ça, il ne l’était plus, il avait arrêté son comportement puéril de première année, il avait vite compris que ce n’était pas de cette façon qu’il gagnerait. Il s’était calmé avec les années mais il n’en pensait pas moins que les moldus leur étaient inférieurs. Ils ne seraient jamais l’égal d’un sorcier et ceux qui le pensaient avaient le sens de réflexion d’un Murlap.

"Je ne suis pas raciste", il esquissa un sourire amusé. "J’ai de très bons amis né-moldus."

Même si avec Gillian ses relations étaient parfois houleuses, il la considérait toujours comme son amie. Abygail aurait toujours une place importante dans son cœur. Sasha avait eu une place aussi autrefois, elle avait changé ces derniers temps et pas en bien. Il ne pouvait pas dire qu’il était la personne la plus gentille du monde, il était relativement égoïste comme garçon mais il estimait être suffisamment intègre. Il avait toujours été clair sur ses propos et ses idées.

"Mais je ne peux pas nier que l’idée même de copier des technologies moldues pour les intégrer à notre mode de vie ne m’enchante pas. Je suis pour l’évolution mais pas à n’importe quel prix. J’estime que la magie se suffit à elle-même, pas besoin d’aller piocher chez les Moldus pour rendre notre monde plus intéressant."

Il poussa un léger soupir avant de laisser son regard parcourir la pièce, il s’arrêta quelques secondes sur Blair avant de continuer avec un léger sourire.

"L’arrestation des terroristes ne me pause aucun problème, au contraire, c’est une bonne chose que notre gouvernement mette autant d’ardeur à traquer et emprisonner les criminels. Je dis simplement que la Milice doit avoir en sa possession des moyens bien plus efficaces qu’une technologie moldue arbitraire. La magie a bien plus à offrir qu’une simple copie du monde moldu. Je suis certain que leurs sorts de traçages sont beaucoup plus efficaces. Tu dois bien avoir des exemples concrets Sasha non ? Toi qui as fait un stage là-bas. Tu as dû voir et apprendre beaucoup de choses, raconte nous un peu ton expérience. "

Il reporta à nouveau son regard sur l'adolescente, qu’elle montre à nouveau à quel point, elle était impliquée dans la politique du gouvernement. Qu’elle montre à tous son admiration sans borgne pour la cheffe de la Milice. Elle voulait le faire passer pour un raciste ? Mieux valait ça qu’être une lèche-botte à la solde du gouvernement en place. Et en la faisant parler d’elle, il détournait l’attention de lui-même. Ils ne se poseraient plus de questions à son sujet et il ne pourrait pas être accusé de mauvais esprit. Il mettait sa camarade en avant, la faisait briller comme elle aimait tant le faire. Il n’y avait plus de compétition entre eux désormais, juste une indifférence crasse en ce qui le concernait.

Tinashe se faisait très vite un avis sur les autres, c’était un peu son grand défaut. Elle était très sociable, très curieuse de rencontrer des gens, mais elle ne pouvait s’empêcher de les catégoriser très vite dans sa tête et une fois qu’elle avait déterminé ses a priori sur quelqu’un, il était difficile de l’en détacher. La simple discussion qu’elle avait avec son camarade de classe éveilla très rapidement un débat dont elle n’aurait pas du tout pu anticiper l’ampleur, et pour être honnête, du haut de ses onze ans, même si elle plissait les yeux comme si cela lui permettait de mieux écouter  et comprendre ce que racontaient les plus grands, elle ne comprit pas tout ce qui se dit.

Pour autant, elle se fit un avis sur chaque personne qui prit la parole. Très vite, elle décida que Michael Horrocks avait bien raison -même si elle savait pas trop ce que ça voulait dire la xénofobi- mais qu'il était un peu agressif, que Blair Williams parlait beaucoup trop vite mais que peut-être elle avait raison aussi, oh lala, le gouvernement qui espionnait sa population via les caméras et les micros des Pear One, c’était un scénario totalement fou, flippant et en même temps, si cool, ça ferait une si bonne histoire de BD ou de film. Elle décida également que Sasha utilisait trop de mots compliqués et qu’on comprenait rien à ce qu’elle racontait mais peut-être qu’elle avait raison aussi, parce qu’elle avait l’air très intelligente. Et surtout, elle décida qu’elle n’aimait pas Ahren Keller, parce qu’il disait des choses méchantes sur un petit ton supérieur. Sa prise de parole quand il attaqua les Gryffondor fut la première à la faire réagir. Elle ne savait pas ce que ça voulait dire la « déchéance » mais elle se doutait que vu son ton, ça ne devait pas être très gentil. Elle s’insurgea littéralement, de sa voix aigüe, en pointant le doigt sur Ahren :

« Mais quoi ! Mais c’est toi le gros abruti, oui ! C’est pas parce qu’on joue aux jeux vidéos, qu’on ne sait pas réfléchir, gros bêta ! »

Elle était dans les premières de sa classe, d’abord, elle battait même sa rivale chez les Serdaigle dans plein de matières comme les sortilèges et la botanique, alors qu’elle était une Gryffondor même, donc comme quoi ça voulait rien dire. Mais Ahren repartait dans ses grands discours sur les lois et nianiania en l’ignorant purement et simplement, ce qui la fâcha beaucoup et la fit croiser les bras sur son torse, de mécontement.

« Héééé, regarde-moi quand j’te parle ! »

Au fond, Tinashe ne comprenait pas bien comment ils étaient arrivés si vite à parler de terroristes alors que la conversation parlait de Pear One et de jeux vidéos à la base. Elle, elle avait peur des terroristes, et c’était bien normal, puisque c’était leur métier de terroriser les gens. Pour le coup, des terroristes, il y en avait dans le monde sorcier, comme dans le monde moldu. Triste point commun. Sur ce sujet, elle ne savait pas trop quoi dire mais elle écoutait avec attention les échanges entre les plus grands. Elle eut l’impression de sentir une certaine animosité entre Sasha et Ahren et comme elle était plutôt du côté de Sasha, parce qu'elle avait l’air intelligente et qu’Ahren avait l’air méchant, quand elle affirma que ce dernier était raciste, Tinashe accorda aussitôt du crédit à sa parole.

« Mais je ne peux pas nier que l’idée même de copier des technologies moldues pour les intégrer à notre mode de vie ne m’enchante pas. Je suis pour l’évolution mais pas à n’importe quel prix. J’estime que la magie se suffit à elle-même, pas besoin d’aller piocher chez les Moldus pour rendre notre monde plus intéressant. »

Eh bah voilà, Ahren semblait ne pas aimer du tout la technologie moldue, et le fait qu’il soit raciste lui paraissait une bonne explication à cela.

« Bah pourquoi pas d’abord, c’est pas parce que le monde magique est super cool -ce qu’elle pensait sincèrement- qu’on peut pas l’améliorer. Je veux dire, les sorciers ne savent même pas ce que c’est un cinéma, c’est dommage, ils savent pas ce qu’ils ratent. »

Tinashe était juste pragmatique, il y avait plein de bonnes choses chez les moldus, notamment dans le monde du divertissement, qui pouvaient révolutionner la vie des sorciers. Mais la conversation s’orienta de nouveau sur les terroristes, sujet qui faisait un peu peur à la jeune élève et en plus, elle ne savait pas quoi dire. Elle eut un bref moment d’inattention en regardant autour d’elle, son regard se fixa sur le grassouillet Billy Button qu’elle connaissait bien puisqu’il était à Gryffondor comme elle, une année juste au-dessus d’elle, et qu'il était lui aussi un peu geek, comme elle, alors ils avaient plusieurs fois discuté de BD et de séries ensemble. Elle aimait bien Billy, même s’il était timide et un peu bizarre parfois. Il semblait totalement absorbé par l'écran de son Pear One, ce qui éveilla la curiosité de la jeune Gryffondor. Sans s’annoncer et dans la plus grande impolitesse, elle s’approcha de lui, en se penchant par-dessus son écran pour voir ce qu’il trafiquait.

« Tu fais quoi, Billy ? »

Une photo d’une grosse femme toute luisante et ridée, dans un maillot de bain qui lui serrait la peau était affichée sur son écran. Une exclamation de dégoût échappa aussitôt à Tinashe, qui réagit de façon impulsive, sans même prendre conscience de l’embarras dans lequel elle risquait de mettre son camarade, avec sa forte voix aigüe :

« Beuuuuurk ! C’est qui cette grosse femme avec des gros seins ? »

L'extase lubrique de l'apprenti sorcier devant le corps voluptueux et volumineux de cette sirène échouée, ne dura guère longtemps alors qu'un doute vint brusquement perturber son esprit. Ce bikini aussi étroit qu'une fronde accueillant un boulet de canon… Ce motif léopard datant d'un autre âge… Ce corps de vieille dondon sexy jouant les bimbos des plages… N'avait-il pas déjà croisé cette exhibitionniste grassouillette lors de ses geekantesque voyages nocturnes sur la toile magique? Mais où? Oh bordel!!! Koh Mantra!!! Immédiatement, l'image horrible de la responsable du club d'art en maillot de bain vint sonner l'alerte générale dans son jeune cerveau prépubère! Quelle honte! Que Merlin le gifle avec sa barbe! Billy se dégoutait lui-même alors qu'il se prenait lui-même la main dans le sac en train de reluquer son horripilante professeur d'art! Comme par magie, son si puissant double virtuel, le divin Angelo disparut immédiatement et aussi pathétiquement qu'un bulot tombé par inadvertance dans la gueule d'un immonde requin marteau! La menace était bien réelle ; Alors qu'il flirtait sur Tindersurprise avec Mildred Magpie, ou plutôt quelqu'un se faisant passer pour elle. Il va de soi que cet évènement indicible serait resté à jamais enseveli dans les tréfonds abyssaux et secret de ses pires hontes mémorielles ; Si une petite voix empreinte de curiosité n'était point venue s'incruster dangereusement et briser sa bulle virtuelle…

« Tu fais quoi, Billy ? »

Le garçonnet interpellé sursauta, et releva ses yeux effarés de son écran. Comment masquer toute l'étendue de la détresse qui venait embuer malgré lui ses carreaux de lunette. Déjà qu'en temps normal, parler à une fille en chair et en os lui était compliqué ; Alors paraitre naturel devant la jolie mais intrépide Tinashe tenait de l'exploit pour le petit geek timide et effacé. Surtout quand celle-ci se penchait dangereusement en direction de ses frasques honteuses et virtuelles pour en deviner l'odieux contenu. Là ou l'important était de simuler un calme olympien, afin de gagner du temps et désarmer la curiosité soudaine de la jeune Gryffondor… Billy se comporta comme un pauvre Koala jeté en pâture dans la fosse aux lions.  

"Heu...Qui…? Moi…? Je… Heu… ne fais rien… du moins… d'intéressant… Hum… Pourquoi cette question...? " bégayât-il, alors que son visage entier virait au rouge tomate.

Bordel de troll! Il tentait désespérément de relever et mouvoir l'écran de son pear, afin d'échapper au regard inquisiteur de la jeune fille, qui s'avérait aussi vivace qu'une buse fondant sur un pauvre mulot! Mitraillant de son doigt fébrile et potelé sur l'image honteuse qui parasitaient tout l'écran de son Pear ; Rien ne semblait être en mesure de faire disparaitre l'humiliation à venir. Planqué derrière ses grosses lunettes, le regard inquiet de Billy jouait au Ping-Pong entre Tinashe, et les horribles bouées de la Magpie qui ne voulaient décidément pas couler sous la surface de son écran. Trop tard! Billy était cuit ! Un cri suraigu et dégouté - dont seules les filles avaient le secret - résonna dans la salle des quatre maisons, alors que l'esprit offusqué de Tinashe intégrait finalement l'ignoble vision. Et ce cri d'alerte strident fut ponctué par une réaction outrée sur une partie bien précise et protubérante de l'anatomie de la vieille sorcière. De quoi éveiller immédiatement l'attention des plus lourdauds, surtout quand le contenu abordait la seconde requête la plus demandée sur les moteurs de recherche magique après celle des "chatons qui chantent Noël"...

« Beuuuuurk ! C’est qui cette grosse femme avec des gros seins ? »

Comme un matelot se débâtant à mains nues, pour colmater la brèche ouverte par un iceberg dans la coque de son navire ; Billy tenta de réfuter l'irréfutable en secouant de gauche à droite sa tête, au point d'en faire presque dégringoler ses lunettes. Plutôt que de se confronter aux regards pesants qui se tournaient vers lui ; Billy chercha à convaincre la jeune Tina, et gommer le traumatisme engendré par ce bikini sur le point d'exploser. Pourquoi fallait-il absolument que cela soit la fille pour qui, il éprouvait secrètement un tendre béguin qui tombe sur cette horreur!? Ce genre de chose n'arrivait jamais dans les jeux vidéomagiques! Le prince Zeldor avait toujours la classe, quand il s'agissait de libérer la princesse Daisy de sa tour d'ivoire! Il n'avait point à bégayer des explications ou se justifier.

"Mais non… Chut! Tina… C'est pas ce que tu crois…  J'te jure! Je ne faisais rien de mal… Je recherchais juste des images de calmar géant, pour mon exposé sur les créatures magiques! Quand je suis tombé sur… ça… Voila tout… "

Malheureusement pour Billy, la simple mention de "gros seins" avait réveillé "l'esprit grivois" des élèves les plus lourdauds et portés sur la chose. Sirène d'alarme annonciatrice d'un futur bombardement ; Le jeune Billy n'avait aucun abri pour se réfugier, alors que le trop grand et baraqué Damon Drop se précipitait déjà vers lui comme un avion de chasse piquant sur sa cible! Le petit Gryffondor détestait ces sportifs arrogants dont la condescendance n'avait point d'égal quand il s'agissait d'humilier plus faibles qu'eux. "Billou" était peut-être court sur patte, mais il était bien décidé à ne pas se laisser faire malgré la terreur qui lui chatouillait les entrailles.

"Non, c'est pas vrai, Damon… Je ne me rince pas l'œil… "

Le pear de Billy tremblait entre ses mains potelées, alors qu'il ne savait plus quoi faire pour désarmer cette humiliation devenue publique. Surtout quand Damon vint se coller à lui, pour l'enfoncer encore davantage, et démasquer l'identité secrète de la sirène grassouillette.

« Mais Billou ! T’es en train de mater ta prof d’art là ! Je le reconnais ce bikini, Magpie le portait sur Koh mantra ! Et crois-en mon avis d’expert, il s’agit bien ces obus !

Billy était au bous de sa vie. La sueur dégoulinait prodigieusement de son front, alors qu'il cherchait un moyen de s'extirper de ce cauchemar. Il n'osait plus tourner son regard vers Tina, qui devait le prendre maintenant pour un individu malsain et infréquentable. Plus jamais, elle ne viendrait lire de BD avec lui. Jamais plus, il ne pourrait sentir son doux parfum qui le faisait frissonner, et lui donnait si envie de la serrer dans ses bras trop courts. Tina et lui, cela sonnait tristement comme un "Game Over".

Dans ce contexte, Damon Drop prenait alors les allures d'un ennemi monstrueux et invincible… Le genre de boss trop puissant qui t'empêche de conclure un level… Surtout quand tu ne possèdes aucun "cheat code" pour esquiver ses attaques…

"Mais non… Je vous le jure! C'était sensé être une baleine à bosses! Pardon... Un calmar géant… Pour mon exposé… Pas la Magpie! "

Mais Damon semblait se contreficher totalement de ses justifications et de son immense désarroi… Au contraire, il se délectait de cette humiliation publique, jetant encore davantage de sel sur la plaie humiliante qui balafrait déjà le peu d'amour propre du petit Gryffondor.  

" BILLY L’P’TIT PERVERS !!! Il mate les profs à poil ! » éructa Damon, après avoir ébouriffé sans son consentement le garçonnet!

"Non, non, et non! J'suis pas un pervers! " gémit le petit gryffondor, avant de glapir de douleur comme un chien dont on venait de marcher malencontreusement sur la queue ; Sauf que dans le cas présent, ce vif tourment émanait directement d'une odieuse décision et d'un enlèvement de Pear dont Damon était l'investigateur. En voyant son précieux objet entre les mains de l'ennemi, Billy avait l'impression que quelqu'un lui serrait la gorge. Souffle court, son cœur battait la chamade, comme une batterie en surchauffe et sur le point de s'éteindre. Damon venait de lui voler sa vie. Son précieux monde virtuel, dans lequel il pouvait tout simplement vivre ses rêves.

"Rends le moi! Rends le moi! Ou j'appelle le directeur! "

Signe d'une confiance aveugle en son compagnon de jeu ; Damon s'autorisa même le risque d'une passe lobée au-dessus de la tête ronde et déconfite du pauvre Billy. Ce dernier essaya bien de sauter, et de tendre ses bras minuscules, mais son Pear passa au-dessus de lui comme une étoile filante… Pour atterrir dans la pogne de Virgil Forbes. Ignorant la trouille que lui inspirait le regard cerné du grand Gryffondor,  Billy se retourna vers celui qui retenait tous ses espoirs. Le petit binoclard joignit alors les mains en signe de prière - L'effet loupe de ses lunettes grossissant l'émotion de son regard de chaton éperdu - Billy supplia Virgil de lui rendre son si inestimable Pear.

"S'il te plait Virgil… Sois pas méchant… J'en ai besoin…  "

Virgil était peut-être un sale con qui aimait tourmenter lui aussi les faibles, mais…  Billy connaissait et fréquentait un peu son jeune frère, Gabriel, avec qui, il échangeait parfois des images de Chocogrenouille. Cela suffirait-il à sauver sa vie virtuelle? Rien de moins sûr, alors le grand et méchant échalas jetait déjà le Pear avec vigueur en direction d'un autre élève! Les yeux affolés de Billy s'écarquillèrent automatiquement alors qu'il suivait la dangereuse trajectoire ratée de son Pear… Priant pour une intervention miraculeuse, ou plus vraisemblablement une réception héroïque de Mickael!    

Il n’était pas rare que la salle des quatre maisons soient le terrain de discussions et de débats entre les élèves. Ce qui était plus rare en revanche, c’est que le sujet ne soit pas totalement stérile. Ce qui avait démarré comme une chamaillerie entre enfants était en train de prendre les tournures d’un débat intéressant sous les yeux de Noah qui restait, comme toujours, discret dans son coin à observer. La discussion retenait particulièrement son attention car elle soulevait des question que Noah lui-même se posait. Il possédait un Pear, comme environ tous les adolescents de son âge, parce que c’était pratique, qu’on pouvait communiquer beaucoup plus rapidement qu’avec des courriers -quid de la mort du service postal sorcier, d’ailleurs- et parce que ça incluait tout un tas de fonctionnalités sympathiques comme la prise de photos, les jeux et les réseaux sociaux même si Noah n’était pas forcément client de ce dernier élément. Par contre, il passait sa vie sur Candy Spell quand il s’ennuyait, c’était dit.

En dépit de l’aspect pratique et ludique qu’offrait cet appareil, il s’interrogeait sur deux choses. D’abord, le rapport de dépendance que créait ce type d’objets sur ses utilisateurs -Billy Button était loin d’être le seul adolescent à passer son temps le nez collé sur son écran, il n’était pas rare de traverser la salle commune des Gryffondor et d’avoir l’impression de passer parmi des zombies absorbés par leur vie virtuelle. Et le deuxième point concernait la quantité d’informations personnelles que récoltaient ces petits appareils et qui permettaient notamment d’orienter les pubs qu’ils recevaient. Combien de fois, Noah s’était t-il étonné de voir une publicité corrélée à un sujet qu’il avait abordé à haute voix débarquer sur son fil d’actualité ? C’était à croire que leurs Pear One les écoutait, littéralement. Il avait d’abord cru à de la paranoia puis en discutant avec William et Nils, s’était rendu compte qu’il n’était pas le seul à faire le même constat.

Aussi, les éléments que Blair Williams apporta au débat lui parlaient complètement. Il eut même envie de lui demander si elle avait lu une étude sur les technologies Vargas qui corroboraient ses affirmations, mais fut devancé par les interventions des autres. Il haussa légèrement les sourcils à l’écoute de certains propos de certains Serdaigle et Serpentard qui pour ne pas changer, semblaient se considérer comme les personnes les plus intelligentes de cette pièce, mais retint toutefois l’emportement avec lequel Ahren qualifia le gouvernement ni plus ni moins que comme un Etat de surveillance généralisée. Sans doute allait-il trop loin dans ses propos, mais quelque part, Noah se retrouvait émotionnellement dans ce qu’il décrivait : il se sentait traqué, surveillé de tous les côtés, entre les caméras partout dans l’école, son Pear One qu’il soupçonnait d’être un outil d’écoute, les Miliciens qu’ils voyaient souvent patrouiller à l’extérieur, quand il rentrait chez lui, les multiples contrôles d’identité que subissaient ses proches…

Pris d’un élan, il osa sortir de sa coquille, cette fois, en alpaguant sa collègue préfète :

« Ton point de vue est plutôt cynique, Sasha… Tu as l'air de dire que c’est comme ça que ces applications fonctionnent et c’est tout, alors que, eh bien… Ce n’est jamais qu’un choix de la part de ces entreprises comme Vargas Corp. On pourrait massivement exprimer le fait que non, ça ne nous convient pas de devoir forcément céder nos données personnelles pour bénéficier de leurs services. Je ne suis pas sûr que les lois remettent ça en question, au final, alors qu’elles pourraient contraindre les entreprises à ne pas utiliser nos données pour les revendre. C’est bien beau de dire que ces services sont gratuits alors qu’ils ne sont pas gratuits du tout, c’est juste que c’est nous, utilisateurs, qui sommes les produits. »

Rien n’était gratuit dans ce bas-monde. Même si Noah n’avait pas fait le pas de refuser toute technologie magique en vertu du modèle économique sur lequel elle se fondait, il se montrait assez critique envers ces principes que la préfète acceptait sans ciller.

Noah entendit d’une oreille moins attentive la suite sur la confrontation entre culture sorcière et mordue, car son attention fut un peu happée par du grabuge qui se déroulait sur sa droite, entre deux jeunes Gryffondor. Bientôt, Damon et Virgil se joignirent à ce conflit en prenant, comme toujours, plaisir à envenimer la situation. Poussé par son devoir de préfet, mais surtout profondément agacé par ces deux crétins qui ne trouvaient rien de mieux que d’embêter un de leurs cadets -parce que c’était toujours plus facile de s’en prendre aux autres- il se leva de son siège, en tendant le bras pour attraper le Pear One au vol. Malheureusement, il ne fut pas assez vif et le lancer de Virgil fut trop approximatif. Au lieu d’atteindre sa cible, il s’écrasa contre le recoin d’une table et ce qui devait arriver arriva : l’appareil se brisa en morceaux sur le sol. La voix aigüe de Tinashe s’insurgea contre les deux Gryffondor responsables de cet accident :

« Mais ! Vous êtes méchants, pourquoi vous avez jeté son Pear alors que Billy vous a rien fait ?? »

Dissimulant un soupir, Noah se pencha pour récupérer ce qu’il restait du Pear One en question. L’appareil s’était éteint dans un grésillement qui ne disait rien qui vaille.

« Tiens, dit-il en tendant les restes à Billy. N’essaye pas d’exécuter un Réparo dessus, ça peut l’endommager… » Ces petites choses étaient pleines de composants techniques minuscules qu’il valait mieux ne pas manipuler quand on n’était pas expert. « Je crois que tu n’as pas d’autre choix que de l’envoyer en réparation à Vargas. »

Si l’appareil n’était plus sous garantie, il risquait de payer cher l’inconscience de ses deux camarades. Tournant son regard sombre vers les deux idiots en question, Noah déclara d’un ton sans appel :

« 20 points en moins pour Gryffondor. Vous allez lui présenter vos excuses et l’aider avec ses démarches. Et vous êtes collés, tous les deux. »

La vie entière de Billy Button implosa en même temps que le bruit de son Pear venant de se pulvériser en mille morceaux contre le coin de la table. Comme un soldat solitaire fauché par l'injustice de la guerre, le pauvre petit Gryffondor se laissa choir sur ses genoux… Mortellement touché et bras écartés pour signifier son immense désespoir face au décès de sa poire. Ne sachant même plus où regarder, à la vue des multiples fragments éparpillés, Billy n'avait plus suffisamment de batterie en lui pour affronter l'horreur de cette tragédie. Il était comme déconnecté de la réalité, alors que certains prenait courageusement sa défense, contre cet acte d'une ignominie incalculable. Quel monstre affreux fallait-il être pour oser casser la poire d'un enfant sans défense? Car ce cataclysme n'avait absolument rien d'accidentel! C'était une crime contre son humanité! Un acte parfaitement assumé par son bourreau ! Car comment justifier ce lancé raté et oblique, alors que Virgil ne manquait assurément aucun lancé quand il s'agissait de lui expédier une boulette de papier sur le coin du museau ? Cette étincelle jubilatoire de faire du mal par pur sadisme pouvait se lire dans son regard maléfique! Et Damon dont le sourire charognard se penchait déjà sur lui pour surfer sur l’avalanche humiliante de sa douleur! Tout cela était d'une cruauté sans nom…

Dans ce chaos effroyable, l'écho d'une voix familière et maternelle résonna entre les parois de sa boite crânienne. Un serment inviolable qu'il devait respecter à la lettre au risque de tout perdre! Une promesse contracté avec sa maman depuis ce jour mémorable de Noël, où il avait posé pour la première fois ses yeux émerveillés sur son précieux Pear encore assoupi au pied du sapin…

* Attention, mon Bilou! Il faudra en prendre le plus grand soin, car c'est un cadeau très précieux et unique que tu vois là. Alors interdiction de le perdre ou de le casser! Car Papa et moi, nous n'avons pas les moyens de t'en racheter un autre. C'est compris mon trésor? *

Voila pourquoi son Pear était devenu comme le prolongement de sa main. Un objet ô combien précieux, qu'il protégeait véritablement avec amour, n'omettant jamais la moindre mise à jour. Son Pear, ce n'était rien de moins que sa lampe d'Aladdin, qu'il caressait les soirs pour donner un peu d'espoir et de magie dans sa vie de petit sorcier binoclard et isolé. Un rêve brisé en mille morceaux par la faute de deux méchants idiots…

Miraculeusement, même dans les heures les plus sombres de l'histoire ; Il y avait toujours des motifs d'espoir et de croire encore et toujours en l'humanité. Comme le chant aigu d'un petit rossignol voulant percer le vacarme des combats ; La voix de la belle et douce Tinashe s'insurgea contre cette cruelle injustice. Un ange cette fille! Et que dire du grand Noah Forester qui assumait pleinement son devoir de Préfet en volant lui aussi à son secours…  La vie valait peut-être la peine d'être vécue? De se battre…  L'image de son Pear éclaté comme une poire trop molle au sol ne cessait de bruler ses rétines. Il était certes anéantit, mais il était également furieux! Férocement furieux! Comme les prémices d'un cataclysme ; Les épaules du petit Billy commencèrent à se soulever aux rythme de ses longues inspirations. Serrant les poings de colère, Billy sentait monter en lui une force aussi dévastatrice que incontrolable. Un pouvoir si incommensurable qu'il pouvait tout bonnement rayer le Monde Magique de la carte… Voir même la galaxie toute entière.

Sans le savoir, Virgil et Damon venait de réveiller "Dark Billy" ; Ouvrant une boite de Pandhore qui sommeillait dans l'imaginaire du petit Gryffondor… Maintenant, c'était à eux d'en assumer les conséquences…    

Le petit Gryffondor se redressa avec la souplesse et la prestance d'un cobra se préparant au combat… Serrant les poings, mâchoire fermée, il jeta un regard en direction de Tinashe avant de lui parler d'une voix grave et de velours.

"Ne t'en fais pas Tina. Merci à toi, mais je n'ai besoin de l'aide de personne! Les moutons marchent en troupeau, les lions marchent seuls… "

Dark Billy se dirigea d'un pas presque mécanique en direction de Noah, pour poser ses grosses lunettes à carreaux sur un guéridon. Son Pear détruit, il n'y aurait plus de casse aujourd'hui… Du moins, plus de casse matérielle. Dodelinant de la tête avec assurance, Billy se retourna brusquement l'air mauvais en direction de Virgil.

"C'est à moi que tu parles ? C'est à MOI que tu parles ? C'est à moi que tu parles, enculé ? Hein, c'est à moi que tu parles, là ? "

Rien ni personne ne pouvait arrêter Dark Billy. Même pas Superman qu'il avait vaincu lors d'un cinglant bras de fer, dans lequel le perdant se devait de mettre son slip par dessus son pantalon. Rien ne lui résistait! Dark Billy était même capable de faire pleurer un oignon! Bref ce n'était pas une grande tige comme Virgil, ou un looser de Koh Mantra qui allait l'effrayer… Braquant un regard foudroyant sur Damon, l'air hilare et penché sur le canapé ; Dark Billy se décida à passer à l'action. Tel un phénix, il s'éleva majestueux dans les airs, tandis que son corps tournoyait sur lui même comme une tornade de feu. Était-ce le souffle d'admiration de Tinashe dans son dos, qui guida son vol? Ou des années d'entrainements auprès d'un moine ninja? Dans tous les cas, Dark Billy virevolta en direction d'un Damon abasourdi, pour lui expédier un "high kick rotatif", l'expédiant directement se fracasser et laisser son empreinte éternelle sur le mur de la salle des quatre maisons. Fini Damon, ce fut le tour de Virgil… Serrant le poing et sa baguette incandescente, Dark Billy reconstitua morceau par morceau son Pear qui lévitait dangereusement dans les airs.

"Vraiment? Toi le troll cerné, tu penses être en mesure de m'aider dans mes démarches? Tu plaisantes, j'espère. On ne saurait faire d'un âne un cheval de course! Alors ouvres bien grand tes oreilles de mulet, ne cligne pas des yeux, car voici ta première leçon et les bases d'un bon lancé! "

D'un revers fulgurant de baguette, Dark Billy expédia son Pear en direction du front de l'indécrottable Virgil. L'objet heurta sa cible en pleine tête dans un fracas assourdissant. Virgil retombant en arrière comme une marionnette désarticulée. Dark Billy souffla sur la pointe de sa baguette avant de lâcher une ultime tirade mortelle.

"Headshot Motherfucka! "

Un tonnerre d'applaudissement retentit derrière lui, tandis que la belle Tinashe se jetait à son cou. La pauvre, elle frissonnait encore d'émotion. Dark Billy la contempla longuement avec son regard de braise, avant de se décider à l'embrasser en mettant la langue… Son premier baiser… C'était humide et chaud à la fois… Était-il en train de rêver?  

Billy reviens subitement à lui, alors que Noah lui faisait face et lui déposait son Pear brisé dans la main. Tout cela n'était qu'un rêve? Amère déception. Dans le triste monde réel, les Pear ne revenait pas à la vie, et les petits gryffondors grassouillets ne flanquaient pas des leçons à leurs harceleurs. Dans la vraie vie, l'injustice triomphait toujours. Les vils écrasaient les fragiles. Et les jolies filles comme Tinashe n'embrassaient jamais les garçons insignifiants comme Billy. Alors qu'un filet de morve jouait dangereusement au yoyo avec l'une de ses narines, il finit par éclater en sanglot, laissant glisser la dépouille de son Pear entre ses doigts. Adieu. Se retournant vers ses deux bourreaux, Virgil et Damon, il chercha à expédier l'une de ses piques verbales dont Dark Billy avait le secret, mais qui au final se termina en queue de boudin de Licheur. Braquant un index tremblotant et accusateur dans leur direction, il s'élança comme un skieur débutant sur une piste noire :

"Vais... Vais… Vais tout dire au Directeur! Bande de... méchants! "

Billy tremblait déjà des conséquences de sa menace ô combien… dérisoire.