Robin s’arrêta sur le seuil de la porte. C’était donc ici qu’Evan vivait. Enfin, avait vécu. La danseuse balaya l’appartement d’un regard circulaire : La cuisine, le canapé, la table basse du salon encombrée de journaux. C’était …étrange. Elle n’avait jamais imaginé Evan dans son quotidien. Elle avait essayé, bien sûr, mais elle n’avait pas réussi à  se le représenter en train de faire sa vaisselle, changer ses draps ou étendre une lessive. Il entretenait si bien l’aura de mystère autour de sa personne qu’elle n’était pas arrivée à concevoir sa vie en dehors de ses activités d’espion.

Pourtant ils avaient travaillé de nombreux mois ensemble depuis cette soirée où Robin s’était fait agressée au sein même des Folies. Roy leur avait demandé de collaborer, tous les deux. Enfin, il les avaient contraints, surtout Robin, qui s’était vue obliger d’ouvrir son esprit à Evan afin qu’il puisse y récupérer les informations nécessaires à cette enquête. On ne disait pas non à Roy Calder.

La danseuse gardait un très mauvais souvenir de ce moment. Même si Evan avait su rester professionnel elle avait vécu cet instant comme une seconde agression.
Mais elle avait pris sur elle et tenté de faire la part des choses : Le principal responsable de cette situation était son Pire Cauchemar –du moins son commanditaire- et non pas ses collègues de travail. Pas complètement. Elle avait donc accepté d’enquêter avec d’Evan. Quant elle n’était pas sur scène ou dans l’aile ouest, elle passait ses soirées avec Travis à envisager toutes les éventualités, à suivre la moindre piste. Ils avaient tout épluché. Absolument tout :
Les concurrents de Matthew sur le marché de la baguette falsifiée, rien. Les gangs rivaux aux Veilleurs, rien.  Ils avaient même traqué méthodiquement  la taupe au sein de leur rang, absolument rien.

Nada.

Et pourtant, Evan était mort. Assassiné dans une ruelle de Londres.
Robin ferma brièvement les yeux pour chasser cette vision et s’avança dans l’appartement. Elle ne pouvait pas s’empêcher de faire le lien entre leur enquête en cours et le meurtre de son collègue.Elle n’était pas la seule, Calder pensait de même et il avait estimé nécessaire de venir effectuer une fouille dans l’appartement de l’espion.

La jeune femme haussa vaguement les épaules à  la remarque de Roy, peu convaincue par leur réussite future. Elle avait accepté de venir l’aider dans ses investigations mais ils savaient aussi bien l’un que l’autre qu’Evan n’était pas du genre à rédiger un journal détaillant ses recherches. La clef de l’énigme entourant sa mort se trouvait peut-être ici mais il leurs faudrait la voir et la déchiffrer. Rien n’était moins sûr.

La danseuse s’agenouilla devant la bibliothèque et commença sa fouille sans plus attendre. Elle ouvrait chaque livre, faisait défiler les pages et les reposait consciencieusement à leur place, là où Evan les avait rangés. Elle tenait à rester organisée et, aussi,  à respecter cet endroit comme s’il s’agissait d’une extension d’Evan en personne.

Pourtant, on ne pouvait pas dire qu’ils avaient été proches tous les deux. Personne n’était proche d’Evan à part peut-être Roy, et encore. Aux yeux de Robin, Calder envisageait chacune de ses relations humaines comme une transaction -« Que peux tu m’apporter ? »semblait-il penser à chaque fois qu’il vous adressait la parole, pervertissant tout avec son esprit commercial.

A bien y réfléchir, Evan n’était guère plus sociable que leur patron. Dans un genre différent toutefois. Il était bizarre, énigmatique, étrange et il n’avait pas son pareil pour vous mettre mal à l’aise d’un regard. Il était peu apprécié au sein des Veilleurs, jugé trop bizarre, bien que tout le monde s’accorda pour reconnaitre l’excellence de son travail. On le disait peu causant, distant, solitaire…et il l’était. Mais il avait accepté de travailler avec elle, lui, le meilleur espion de l’organisation, alors qu’il aurait pu demander à Roy d’œuvrer seul.

Robin avait beaucoup appris à son contact. Leurs échanges étaient toujours restés strictement professionnels – elle ne se souvenait pas avoir évoqué quoique ce soit de personnel avec lui- mais au fil des mois elle avait eu l’impression de tisser une relation de confiance avec le Veilleur. Peut-être justement parce qu’elle respectait cette distance sans jamais avoir cherché à la franchir, ni à mettre trop d’affect dans leur relation.

Voila pourquoi cette incursion dans l’intimité de son collègue la mettait quelque peu mal à l’aise aujourd’hui. Elle n’avait pas envie de tout retourner, de tout mélanger, ni de découvrir des choses sur lui contre son gré. Bien sûr, elle voulait lui rendre justice –plus que jamais même- mais pour elle,  c’était compliqué d’être là, sans lui.

« Tu étais déjà venue ici ? »

Robin se tourna légèrement vers Roy et secoua la tête négativement avant de reprendre ses recherches, peu désireuse de s’étendre sur ce terrain là.
Non. Factuellement, elle ne connaissait rien d’Evan : Ni où il vivait ni ce qu’il faisait de son temps libre. Avait-il de la famille ? Qui allait récupérer ses effets personnels  maintenant qu’il n’était plus là ? Allait-il manquer à quelqu’un d’autre qu’à elle ? Robin avait des dizaines de questions… qu’elle ne poserait sans doute  jamais.
Voilà ce que lui avait appris Evan :  mettre de la distance., rester pro. Pas de sentiments, du moins, pas en apparence.

Elle reposa un manuel de potions entre un livre de Sortilèges et un autre de Métamorphoses et se hissa sur ses longues jambes pour s’atteler aux objets magiques posés en évidence sur les étages supérieurs.

«On devait se voir ce jour là, dit-elle en examinant un vieux rappeltout, On avait prévu de faire le point sur nos recherches respectives mais il a décommandé –il n’avait pas donné de motif, bien sûr. Evan Travis n’avait pas de compte à lui rendre- peut-être qu’il a utilisé la cheminée pour aller quelque part ? » dit-elle en jetant un regard dubitatif en direction du foyer éteint. Elle s’accouda sur un étage et ajouta « Même si je doute fort qu’il ait été assez stupide pour relier son appartement personnel à ses affaires en cours. »

Robin accrocha le regard de Roy : «  Ni pour posséder un agenda ou un Pear. » Elle poussa un soupir et reprit son investigation méticuleuse « Toujours aucune trace de sa baguette ? »

Robin hocha la tête. Effectivement, Evan avait honoré de sa présence chacun de leur rendez-vous. Et Merlin seul savait à quel point ils s’étaient vus souvent ces derniers mois. Leur enquête les avaient poussé à collaborer et à croiser diverses informations pour tenter de retrouver le commanditaire du meurtre de trois Veilleurs et de l’agression  des MacFarlane au sein même des Folies .

Ils n’avaient eu aucune information concernant les motivations réelles du commanditaire. Souhaitait-il véritablement investir le marché de la baguette contrefaite où avait-il simplement utilisé ce commerce comme prétexte  dans le but de déstabiliser Roy au sein même de son cabaret : Tous les scénarios étaient envisageables.

Robin et Evan avaient donc essayé de ratisser larges en menant plusieurs enquêtes de front :

Ils s’étaient concentrés sur Wlaskoff, le gros client avec lequel le gang était sur le point de conclure un marché le jour où Robin et Matthew s’étaient fait agresser. C’était ce nom que la danseuse avait livré à son Pire Cauchemar afin de sauver sa vie et celle de son frère mais cette piste s’était vite révélée infructueuse : Le fameux Wlaskoff avait disparu de la carte, en Europe du moins.  Si un faussaire anglais avait bel et bien récupéré ce marché, il n’était pas assez stupide pour que ses baguettes falsifiées équipent des mafieux du pays. Chaque fabriquant de baguette avait son style propre, reconnaissable facilement pour les initiés et Matthew était tout à fait en mesure d’identifier la patte d’autres faussaires comme celle d’ Angus Bràigheach ou encore Lucky Luigi.

Evan et Robin avaient aussi mené des recherches sur les gangs rivaux et amis des Veilleurs : Chaporouges, Doxy Ness, Sharacks… S’ ils avaient tous de centaines de raisons de vouloir dézinguer le gang de Roy Calder  ils n’avaient laissé filtrer aucune information en ce sens.

Parallèlement à ces investigations, les deux associés  avaient tenté de débusquer la taupe. Celui ou celle qui avait permis aux mercenaires de s’introduire en toute impunité dans les Folies, d’y commettre des meurtres et de repartir sans être inquiété. C’était surement sur ce dossier que Robin s’était la plus investie. Corps et âme. Elle avait passé des journées et des nuits entières à éplucher les emplois du temps et la vie personnelle de certains  employés des Folies. Evan l’avait un peu coaché au début pour lui montrer les ficelles du métier d’espion et il avait fini par lui confier quelques profils à analyser : Les livreurs, cuisiniers, machinistes, ses amies danseuses, les gigolos, les serveurs …

La taupe pouvait se cacher sous n’importe quel trait et ils ne devaient négliger personne.  Absolument personne.

Malheureusement, plusieurs mois plus tard, leurs investigations n’avaient pas abouties. Ils n’avaient rien trouvé, absolument rien, du moins c’était ce que croyait Robin avant que le corps d’Evan ne soit découvert en pleine rue. Mort.
La jeune femme chassa cette vision de son esprit et passa dans la salle de bain afin de poursuivre sa fouille. Elle préférait laisser la chambre à coucher à Roy dont elle écouta la réponse depuis l’autre pièce. Elle devinait le même scepticisme  que le sien à travers ses paroles et dans le ton de sa voix. Il y avait peu de chance pour qu’ils trouvent quoique ce soit ici mais ils devaient balayer toutes les éventualités, toutes les pistes, toutes les options.

C’était ainsi que le lui avait appris Evan.

Elle sortit sa tête de  la salle d’eau pour chercher le regard de Roy et ajouta :
« Je connais quelqu’un aux Transports Magiques  qui m’en doit une  – un client de l’Aile Ouest qu’elle avait couvert face à sa femme-  Je lui demanderai de nous obtenir la traçabilité de la Cheminée. »

Robin avait vite appris auprès de Travies et elle disposait d’autres arguments et d'autres moyens de pression que lui...

Elle ouvrit le placard caché derrière le miroir, passa en revue les potions de soin et autres élixirs tout en répondant à l'affirmation de son supérieur par une question.
« Tu penses vraiment que quelqu’un aurait pu venir le cueillir ici ?  Elle secoua la tête, Je ne connaissais personne d’aussi prudent que lui – et pourtant il était mort. Robin referma le placard et revint sur ses pas afin de se placer dans l’ouverture qui donnait sur le salon. Elle s’appuya brièvement sur le chambranle.

« Je trouve ça tellement frustrant d’être ici et de ne pas savoir quoi chercher, expliqua-t-elle,  Je sais qu’il ne me disait pas tout mais il avait des comptes à te rendre, à toi. Il ne t’a rien dit de spécial ces derniers jours ? N’importe quoi. »

Toutes les pistes devaient être exploitées. Toutes.

Appuyée sur le montant de la porte, les bras croisés, Robin écoutait Roy en silence. Il avait raison sur un point : Evan n’était pas du genre à parler pour ne rien dire. Il exécrait les conversations  inutiles, régies par le respect des convenances sociales. Il parlait peu mais jamais pour ne rien dire. Toutefois aujourd’hui, Robin aurait apprécié que son collègue se montre un peu plus loquace.  Surtout en apprenant qu’il s’était concentré sur son agression ces dernières semaines …

« Peut-être qu’il était sur le point de découvrir quelque chose et qu’il est mort pour ça. Peut-être que ce sont les mêmes personnes qui se sont introduites aux Folies qui ont attrapé Evan. »

Se pouvait-il que l’agression dont elle avait été victime aux Folies et que l’assassinat d’Evan soit liés ? Son Pire Cauchemar était-il le meurtrier de son collègue ? Robin bouillonnait intérieurement à cette idée mais elle n’en dit rien, s’obligeant à rester aussi flegmatique que Roy. Elle refusait de dévoiler à quel point la perte d’Evan l’affectait même s’il était parfois difficile de lutter contre  ses états d’âme. La jeune femme porta une main à sa joue et caressa machinalement  sa fine cicatrice, presque invisible, comme pour se donner du courage. Dans ce milieu, il n’était pas bon de laisser entrevoir ses faiblesses, elle l’avait appris à ses dépens.

« Trop de suppositions. Il nous faut des preuves. » contra-t-elle durement avant de faire volte face pour pénétrer dans la chambre de l’espion. Prenant son courage à deux mains, elle ouvrit en grand  les penderies encore remplie de l’odeur de l’Evan et fouilla entre ses pulls, ses capes et ses chemises. Rien, rien, et toujours rien. Elle avait la gorge nouée par l’émotion mais elle ne pleurerait pas, ça non. Elle ne ferait ce plaisir à personne.  Robin MacFarlane allait garder la tête haute et reprendre le flambeau dans cette enquête. Elle fouilla la commode, retourna le lit, inspecta la table de chevet, en vain.

« Il n’y a rien de mon côté. » lança-t-elle en revenant dans le salon. « Il faut qu’on se concentre sur autre chose. » ajouta-t-elle en passant en revue mentalement les autres options qui se présentaient à eux : Interroger les rares contacts d’Evan au sein des Veilleurs, parvenir à mettre la main sur sa baguette, fouiller la zone du crime…

Roy arriva d’ailleurs à la même conclusion qu’elle. Ils étaient peut-être passés à côté de quelque chose de primordial là-bas. Evan avait été découvert dans une ruelle anonyme de Londres, un endroit peu passant, au milieu des poubelles et des détritus.  Abandonné là, comme un vulgaire  déchet. Robin ressentait un puissant sentiment de colère à cette idée.  Une colère sourde, noire qui prenait racine dans ses entrailles, au creux de son ventre.

« Tu as raison, allons-y. »  dit-elle en tendant la main en direction de Roy afin qu’il se livre à un transplanage d’escorte. Elle n’était pas allée sur les lieux de la découverte du corps, ni à la cérémonie d’adieu organisée sur la plage d’ailleurs. A quoi bon ?  Elle avait préféré travailler ce soir là, assurant le show comme jamais dans sa prestation de broom-dance, riant aux blagues des clients, flirtant allégrement avec eux. N’en déplaise aux mauvaises langues. Elle avait ensuite rejoint l’Aile Ouest pour combler quelques habitués fortunés mais ses pensées n’avaient pas quitté Evan un seul instant.

Au petit matin, elle s’était rendue  sur la plage. Elle avait marché jusqu’à l’extrémité du ponton bravant les bourrasques de vent et de bruine mêlée . L’horizon chargé de nuages gris et d’ondées de pluie avait déjà englouti la barque d’Evan  depuis plusieurs heures mais elle était restée là, un long moment, à observer la course rapide des nuages sur l’eau grise avant de rentrer chez elle, seule.

Robin n’appréciait guère le transplanage d’escorte. Chaque sorcier avait sa propre manière de transplaner plus ou moins douce -surtout moins concernant Roy- mais elle se plia à l’exercice pour atterrir dans une ruelle tout à fait sordide. La sensation d’écœurement passager qu’elle ressentait après chaque téléportation perdura plus longtemps cette fois-ci.  Les odeurs d’urine et de détritus en décomposition n’aidant pas.

La danseuse suivit son chef jusqu’au fond du cul de sac, dans la partie la plus sombre,  où les ordures avaient été étalées au sol. L’ endroit était  sale, sinistre, terriblement glauque. De là où elle était, Robin ne voyait pas vraiment l’expression de Roy dans l’obscurité mais elle pouvait la deviner au son de sa voix, à son ton implacable, à ses gestes rageurs : C’était le Roy ombrageux des mauvais jours. A cause de cette affaire, il  perdait patience, lui aussi.

La jeune femme leva les yeux au dessus d’elle  et chercha le petit rectangle de ciel quasiment noyé entre les deux immeubles.  Est-ce que cette vision avait été la dernière d’Evan pendant qu’il se vidait de son sang ? Ce petit morceau de ciel étoilé. Elle l’espérait sincèrement.  Elle n’avait pas envie de l’imaginer la tête contre le bitume avec pour dernière vision, un amas de déchets et des rats, attendant patiemment leur heure pour entrer en scène…

Robin ferma brièvement les yeux et  reporta lentement son attention sur les briques sales du mur puis sur l’amoncellement de poubelles qui leurs faisait face et qu’elle discernait malgré la pénombre. Ils allaient devoir s’y coller et chercher des preuves, ici même.

« J’ai entendu dire que ce sont des hommes d’Alvaro qui l’ont trouvé ?  souffla-t-elle en faisant un pas de côté pour venir se positionner à côté de Roy, Tu as mi qui sur le coup ? demanda-t-elle en tournant la tête vers lui, je veux dire, pour savoir si ses types sont réglos ? En l’absence d’Evan, Roy ne disposait plus de son principal atout en terme d’espionnage. Robin se doutait bien que d’autres espions travaillaient au sein même des Folies mais leurs identités étaient jalousement gardées. Il y avait toutefois quelques rumeurs, mais aucune preuve concernant tel ou tel employé.

Pour cette tâche, elle espérait toutefois que Roy avait mandaté Fergus. Il n’avait rien d’un espion, certes, mais il était plus fin que Tony sur ses questions là, et surtout,  il connaissait l’intégralité de l’histoire. Si sa propre agression et le meurtre d’Evan étaient liés, celui qui menait l’enquête devait être   en mesure d’entrapercevoir ces fils sous-jacents.

Alors oui, Robin l’avait soupçonné, un temps, d’avoir facilité l’intrusion des mercenaires le jour de son agression mais Fergus avait su trouver les bons arguments pour la faire changer d’avis. Sur ce dossier, il  était même celui en qui elle avait le plus confiance maintenant qu’Evan n’était plus là.

« Tu sais que je peux m’en charger s’il faut. » dit-elle tutefois, estimant ne jamais être mieux servie que par elle-même.

Robin était connue de la pègre londonienne depuis son enfance, lorsqu’elle livrait, pour son apothicaire clandestin de père des potions aux mafieux de l’allée des embrumes, ou pour son faussaire de frère, des baguettes contrefaites. Elle avait des contacts là-bas : la confiance des anciens et le respect de quelques nouveaux.
Mais avant de se lancer à cette enquête minutieuse, ils allaient devoir se livrer à un examen scrupuleux de la scène de crime. Robin sortit sa baguette de la poche de son perfecto afin de jeter un Revelio sur le tas de détritus mais elle fut interrompue dans son geste par un commentaire de Roy qui la plongea dans un océan de perplexité.

« Quoi ? Mais je pensais qu’on était sur les terres de Luis ? » Luis Alvaro, l’allié principal de Roy à Londres.  La danseuse rangea sa baguette et se tourna pour faire face à son chef, tu veux dire qu’il y a eu  un combat magique, ici même, en territoire moldu  ?  Elle secoua la tête et reporta son attention sur le bout de la ruelle à plusieurs dizaines de mètres , là  où les passants se promenaient. Je sais pas… ça colle pas… Elle se tut un instant, pensive, Ca ressemble pas à Evan cette prise de risque, reprit-elle alors, Ce type, c’était une ombre.  Il connaissait Londres comme sa poche, il n’aurait jamais pris le risque de mettre en péril le secret magique en se sachant en terre moldue. Tu le vois, toi , se battre en duel ici ? Au pire, il aurait transplané mais jeter des sortilèges à tout va… Elle secoua la tête et reporta son attention sur les poubelles, si ça se trouve il n’a pas été tué ici. Les hommes qui ont inspecté les lieux ont repéré des traces de lutte ? Ils ont perçus quelque chose ? Flairés des pistes à part nous dire qu’Evan s’était vidé de son sang au milieu de la merde ? »

Elle espérait que ces petits cons avaient bien fait leur job. S’ils s’étaient contentés de constater la mort d’Evan sans pousser un peu plus leurs investigations, ils allaient entendre parler de Robin MacFarlane.

Allongé à plat ventre sur son lit, dormant à poings fermés, le bruit de la notification lui fit ouvrir les yeux. Malgré le fait qu’il ait travaillé toute la nuit au quartier général de la Milice, Angus devait rester joignable et répondre à ses supérieurs, le cas échéant. Le milicien poussa un grognement –Danielle avait intérêt à avoir une bonne raison- et attrapa son PearPro pour consulter le message reçu, prêt mentalement à sauter sur ses deux jambes en cas de mobilisation générale des agents.
Le nom de l’expéditeur lui fit hausser les sourcils. Cela faisait un bout de temps que Roy Calder ne l’avait pas sollicité. La suite du message le contraria toutefois quelque peu : Il était question d’une piste à suivre…en territoire moldu.

Ah.

Angus n’aimait pas ça. Autant, en tant que Milicien,  il avait l’habitude de « travailler » avec certains Veilleurs, sans aucun problème, autant l’idée de rejoindre le monde non magique -avec Accio qui plus est- ne l’enchantait guère. Il ne tenait pas à faire courir le moindre risque à son fidèle coéquipier, ni à briser le secret magique pour une mission qui ne concernait en rien la communauté de sorciers.

Et puis, les moldus…bwaaaarf.

Le milicien reposa son Pear sur le tabouret qui lui servait de table de nuit et accueillit les affectueuses léchouilles de Nox. « Ah ben oui mon gros pépère ! Toi aussi, il t’a réveillé ! » dit-il en sentant la langue râpeuse de son English Mastiff lui lécher copieusement le visage et son haleine chaude de croquettes digérées emplir ses narines. Allohomora ne tarda pas à grimper sur le lit, suivit de Reducto sous le regard plein de jugement d’Accio, sagement assis devant la porte d’entrée du mobil-home.

« Tu veux pas venir me faire un câlin toi ? »

Pour toute réponse, Accio désigna du regard la poignée de porte et miaula. Le sens des priorités, selon son Fléreur. Le milicien attrapa sa baguette et déverrouilla l’entrée pour lui ouvrir et s’assit sur le rebord du lit, nu comme un ver. Bon. Parmi les missions qui lui étaient confiées, il se devait d’entretenir de bonnes relations avec les Veilleurs. Le gang et la Milice avaient des intérêts communs et Coleman avait expressément fait comprendre à tous ses agents qu’ils devaient travailler main dans la main avec ce réseau mafieux.

Antony Martin et Janet Barnet avaient fait les frais de son courroux lorsqu’ils avaient osé arrêter deux membres du gang et les mettre sous les barreaux : Ignacio Walker et Robin MacFarlane. Antony avait été rétrogradé quant à Janet… et bien : Elle était morte. Assassinée chez elle dans des circonstances… obscures.

Ce fut cette dernière pensée qui poussa Angus  à s’extirper progressivement de ses draps chauds. Il se leva, s’étira et passa de longues secondes à gratouiller ses poils de torse en réfléchissant.

Bon. Cela ne coutait rien d’aller voir ce que Calder voulait. S’il estimait que la mission était trop dangereuse pour lui ou pour Accio, il déclinerait et s’il se sentait d’attaque : Il négocierait une bonne grosse prime. Fort de cette résolution Angus se leva  et ouvrit en grand sa minuscule penderie ou des vêtements étaient entassés, pêle-mêle, parfois propre et sale mélangés.

Bon. Des habits moldus …

Il farfouina quelques instants  au milieu du tas et finit par revêtir le bas de jogging gris taché de peinture avec lequel il faisait ses travaux et sa polaire orange siglé SPAF. Il enfila par-dessus sa parka kaki , son inconditionnel bonnet et estima qu’il allait se fondre parfaitement dans la faune moldue londonnienne avec ce style de « hipsters », comme ils disaient.

Moins d’une minute plus tard, Angus  transplanait en compagnie d’Accio sur le lieu de rendez-vous proposé par Calder : Une impasse miteuse fleurant bon l’urine et la pourriture. Le milicien balaya du regard les murs noirs, l’amoncellement de poubelles avant de poser les yeux sur la silhouette du chef de gang qui se détachait dans l’obscurité de la ruelle.

« Quel endroit plein de charme. » commenta-t-il, ironique.

Accio se mit instantanément à tirer sur sa laisse et poussa un grognement lugubre pour prévenir son maître . L’objet de son agitation n’était autre que Calder en personne dont le caractère peu fréquentable était mis en lumière par le fameux sixième sens des fléreurs.  

« Je sais mon pépère. » le tranquillisa Angus en tapotant gentiment le crâne de l’animal de son épaisse paluche. «  Je sais. » Il releva la tête vers Roy, puis vers la femme qui l’accompagnait qu’il ne tarda pas à reconnaitre :  Robin, une danseuse et prostituée des Folies, dont il était le client.

Étrange. Son regard passa de l’un à l’autre et il demanda :

« Alors ? C’est quoi le problème ? »

Roy ne s’encombra pas des politesses d’usage et en vint directement aux faits. Il expliqua la situation à Angus qui était effectivement déjà au courant du décès d’un Veilleur de talent, quelques jours plus tôt. Les miliciens en poste à Bristol avaient évoqué cette perte et certains s’inquiétaient de voir Calder ainsi fragilisé. Etait-il encore le parrain de la mafia inatteignable qu’il prétendait être ?
Il avait intérêt. La Milice avait misé sur lui. Il était  leur allié et il devait conserver son leadership sur les autres groupuscules mafieux de la région.

Et pour cela, Angus devait mettre son fléreur à contribution.

Tout en caressant sa barbe d’un air pensif, il observa le tas de sac poubelle que Roy lui désignait et écouta sa théorie sur la mort de son agent. Le scénario se tenait. Le lieu, en plein territoire non magique, n’était pas propice à un combat à mort entre sorciers.

« A part vous deux, combien d’autres personnes sont venues ici depuis la découverte du corps ? » demanda-t-il en faisant quelques pas en direction du fond du cul-de-sac où trainait quelques bennes à ordures débordant de poubelles éventrées et grouillant de rats.

Honnêtement, il aurait préféré que Roy l’appelle immédiatement sur les lieux plutôt que de laisser s’écouler deux jours entiers avant de le solliciter. Il ne savait pas combien de gars était venus polluer la scène de crime mais il y avait fort à parier qu’ils étaient nombreux.  Et c’était sans compter tous les moldus venus abandonner leurs détritus dans le coin, songea Angus en fronçant le nez à cette pensée. ( La pensée des moldus, évidemment, pas des détritus.)

Il aurait fallut bloquer la zone et la mettre sous sceller magique immédiatement mais les mafieux manquaient parfois de rigueur sur ces questions. Disons plutôt qu’ils n’avaient pas les mêmes priorités.

« Tu pourrais remonter sa trace ou pas ? »
Angus revint lentement vers les deux Veilleurs, Accio sur ses talons.
« Je pourrai ouais… répondit-il en observant dans le lointain la rue passante où les moldus circulaient, … mais sous certaines conditions. » ajouta-t-il en reportant son attention sur le chef de gang

Il attendait de savoir ce que Calder était prêt à lui proposer comme rémunération avant de s’avancer davantage…

Robin avait l’habitude de rester en retrait, d’être au service des autres. C’était l’histoire de sa vie en quelque sorte. Même lorsqu’elle était enfant, elle était déjà dans l’ombre de Matthew, son grand frère, promis à une grande carrière de faussaire. Elle avait été conditionnée depuis sa plus tendre enfance à l’asservissement même si elle avait longtemps préféré voir les choses autrement : Elle était une bonne fille  en acceptant de livrer les potions frauduleuses de son père, une sœur exemplaire en faisant de même avec les baguettes contrefaites de Mat.  Elle était même allée jusqu’à soutenir  son frangin lors de son emprisonnement mettant entre  parenthèse ses propres projets d’avenir pour soutenir son clan. Qui n’aurait pas rêvée d’avoir une sœur aussi dévouée ?

Elle était fidèle dans sa vie personnelle et dans sa vie professionnelle, estimait-elle, mais, ici, dans cette ruelle, une autre réalité la frappa de plein fouet.

« On peut régler ça en nature aussi… Tu as l’habitude. »  

Elle  avait la désagréable impression de s’être trompée sur toute la ligne : Elle n’était pas fidèle, elle était juste … soumise. Servile.

« J’avoue que c’est tentant . répondit Angus Tes filles font bien leur job… »

Elle écoutait la conversation entre son patron et un client potentiel avec une passivité qui l’écœura. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’elle assistait à une transaction similaire mais aujourd’hui les choses étaient différentes. Aux Folies, elle tenait son rôle de prostituée mais, ici, aux côtés de Roy, elle aspirait à un autre statut que celui de vulgaire monnaie d’échange. Les deux mâles conversaient, tranquillement. Ils établissaient les termes d’un contrat sans ce soucier de sa présence.  Elle esquissa un sourire mécanique à la remarque d’Angus comme s’il s’agissait d’un compliment qui lui était destinée et s’intima aussi tôt d’arrêter ces simagrées. Stop. Elle méritait mieux que ça.

« … mais j’ai plutôt besoin de liquidité en ce moment. »

Que le milicien décline la proposition ne parvint pas à lui éviter la remise en question qu’elle venait d’entamer. Elle n’en voulait pas à Roy ou à Angus, bizarrement. Le premier était avant tout un businessman faisant passer l’argent au dessus de toute considération, elle le savait depuis longtemps. Le second, un client lambda payant pour une prestation. La seule personne à blâmer dans cette histoire, c’était elle-même. Voilà  où son manque d’amour-propre l’avait menée. Elle s’était oubliée et d’autres décidaient pour elle dorénavant : qui elle devait aider, pour qui elle allait danser, qui elle devait baiser.

Elle avait toujours envié la liberté d’un Evan tout en estimant que ce n’était pas pour elle. Robin était une suiveuse. Elle évoluait dans l’ombre des leaders mais le  moment  était peut-être venue pour elle de reprendre son destin en main,  se songea-t-elle tandis qu’Angus réfléchissait à son prix.  Elle allait tout faire pour remonter la piste jusqu’à son pire cauchemar, le faire payer, et disparaitre comme Evan avait su le faire, en son temps. Terminé la pègre, terminé les Folies… Elle allait enfin penser à elle.  Seulement à elle. Forte de cette résolution, elle reporta son attention sur le milicien qui se décida finalement à prendre la parole.

« Hum… Dans un contexte normal j’aurais facturé ce service  dans les 200 galions mais c’était sans compter avec…ça. » Angus désigna du regard le rue passante où des dizaines et des dizaines de moldus allaient bon train. Il suffisait d’observer l’expression de son visage pour savoir que Roy allait devoir y mettre le prix pour que le milicien accepte de faire évoluer son fléreur en territoire non magique…

« Ok, tu veux ta petite prime de risques. Qu’est-ce que tu dis de 250 Gallions ? »
Angus dodelina de la tête en affichant une moue tombante.

"300" ? Voila qui était mieux. L’expression mitigée du milicien fut emportée par  un « Oookay... » qui scella cet accord de principe.

Angus pointa alors sa baguette sur son fléreur pour lui lancer quelques sortilèges protéiformes. Les métamorphoses ne figuraient pas parmi ses compétences principales mais il avait appris quelques sorts utiles pour camoufler son animal aux yeux des moldus  lors de sa formation à la brigade fléro-technique.  Une magie temporaire et qui souffrait de quelques approximations pour qui se penchait en détail  sur l’animal. Toutefois c’était largement suffisant pour traverser un quartier rempli de moldus. Accio ressemblait dorénavant à une sorte de chihuahua à poils longs. Un chihuahua particulièrement  teigneux. Le fléreur d’Angus avait un sale caractère et il  détestait perdre son beau pelage ocellé et soyeux, ses grandes pupilles vertes émeraudes et ses longues pattes agiles. Il vivait cette transformation comme un affront personnel. Angus se promis de mettre quelques galions de la prime de côté pour acheter un petit cadeau à Accio qui s’avérait nettement plus soucieux de son apparence que son propre maître.

Angus ne l’aurait jamais formulé à voix haute mais son animal de compagnie lui faisait parfois penser à Melchior.

Le Milicien chassa cet amusant  constat de son esprit et releva la tête en direction du mafieux et de la danseuse pour une dernière requête.

« Il me faudrait un objet ayant appartenu au défunt. Quelque chose d’intime, imprégné de son odeur. »

Il observa tour à tour Robin et Roy attendant que l’un des deux lui fournisse le sésame. Ils devaient bien se douter qu’Accio avait besoin d’un petit stimulant pour retrouver une piste vieille de deux jours.

« Comme un vêtement par exemple ? » demanda finalement la prostituée qui était restée silencieuse jusqu’alors.

« Oui un vêtement, son porte monnaie, un sac, sa baguette, peu importe. »
Robin jeta un regard entendu à Roy et transplana sans plus de cérémonie. Elle réapparut quelques minutes plus tard avec une chemise bleue entre les mains.  « Parfait. »

Encore fallait-il qu’Accio accepte de renifler le starter. Angus connaissait assez son coéquipier à quatre pattes pour savoir à quel point il pouvait être rancunier. Et il ne s’y trompa pas. Accio rechigna de longues minutes, refusant volontairement de prendre la piste. Le lien entre un maître et son animal était en constante construction, en constante évolution, si bien que le moindre sentiment de trahison pouvait perturber cet équilibre précaire fondé sur un principe de confiance mutuelle. Clairement, le coup du chihuahua avait du mal à passer. Angus dût déployer des trésors d’imagination et de patience pour faire accepter l’enquête à l’animal. Ce déguisement en petit chien ridicule n’avait qu’un seul but : Le protéger et le préserver des vils moldus un peu trop curieux. Le fléreur finit par se montrer un peu plus docile et conciliant. Il  posa son museau de chihuahua sur le morceau de textile pour le flairer et commença à renifler le sol de l’impasse pour le plus grand soulagement d’Angus qui se redressa sur ses jambes.

« Et ben. C’était laborieux. » commenta-t-il en rendant la chemise à Robin qui la noua autour de sa taille. Il lâcha un peu de  lest sur la laisse du fléreur et le laissa explorer les tas de détritus et les poubelles. Accio s’arrêta longuement au pied d’une benne , huma le bitume ,et fit demi tour, zigzagant pour rejoindre la grande rue passante, la truffe toujours collée au sol, son maître sur les talons .

La clarté et le bruit de l’avenue  agressa quelque peu Angus qui fronça les sourcils. Accio venait de bifurquer à gauche sans même lever le museau pour humer le fumet de la nourriture vendue par un marchant ambulant sur leur trottoir.
Satisfait, le milicien hocha lentement la tête et se tourna vers le duo de Veilleurs.

« Prépare les 300 gallions, Calder. »

La mission en territoire moldu pouvait commencer.

« Attendons de voir ce qu’il trouve avant de crier victoire trop vite. »

Angus ne répondit rien et se contenta de suivre les pérégrinations de son fléreur en terre non magique. Dans ce monde tout lui semblait hostile, surtout les moyens de transport bruyants des moldus et leurs règles étranges de circulation.
Comment ça il devait attendre qu’un bonhomme vert soit affiché sur un panneau pour traverser la rue ? Et comment faisait-il s’il n’y avait pas de panneau, hein ? Avait-il le droit de traverser ? Devait-il attendre qu’un moldu vienne installer un panneau devant lui ?

Il y avait beaucoup de règles tacites qu’il ne maitrisait pas dans cet univers et qui contribuaient au fait qu’il ne soit pas très à l’aise ici. Il s’efforça toutefois de suivre la masse de piétons et de calquer son comportement sur le leurs, flanqué de Roy et de Robin. Ils devaient former un trio bien improbable. La grande danseuse qui les dépassait tous, le gars costaud promenant son chihuahua et le petit mafieux élégant.

Bientôt, ils furent guidés par l’animal dans un quartier un peu moins fréquenté. Au fur et à mesure, les devantures se délabraient et les moldus se faisaient plus rares.  Ils débouchèrent finalement devant la porte d’un commerce qu’Accio flaira longuement. Il se hissa sur ses pattes arrières et tenta de renifler l’interstice entre le battant et le dormant. Comme toute progression semblait impossible, il finit par s’asseoir dans le petit renfoncement de l’entrée et releva le museau vers son maître.

« La piste s'arrête ici ? » demanda Angus en s’accroupissant près de son fléreur.

Pour toute réponse l’animal s’allongea sur le pas de la porte.

« C’est bien mon Accio ! C’est bien ! » lâcha le milicien en gratifiant l’animal de quelques caresses toniques. Toujours récompenser son fléreur et lui témoigner de la gratitude.  Il attrapa l’animal, le glissa sous son bras musclé et prit un peu de recul sur la chaussée pour observer la façade du magasin :  Un magasin d’antiquité, visiblement fermé, à en juger par le blanc de Meudon barbouillé sur toute la vitrine.

« Je crois que vous êtes arrivés. » s’exclama le milicien en gratouillant le menton de son chihuahua.

Cette scène avait vraiment quelque chose de ridicule, songea Robin en observant Angus câliner sa minuscule bestiole dont seule la tête dépassait sous son aisselle. Toutefois, elle devait se rendre à l’évidence, Accio avait semble-t-il fait son job. La danseuse observa la vitrine, qui ne lui disait rien de l’extérieur. Pas étonnant. Les sorciers empruntaient rarement les mêmes entrées que les moldus. La plupart des accès magiques se faisaient généralement par les arrières cours, ou plus simplement par des cheminées reliées au réseau de cheminettes.

Bien. Ils n’allaient quand même pas être freiner dans leurs investigation par une simple porte close, non ? La danseuse regarda autour d’elle et s’assura d’un regard qu’aucun moldu n’était à proximité. Elle jeta un regard entendu à Roy et pointa sa baguette sur la serrure.

« Alohomora »

Un cliquetis et le battant s’ouvrit en grinçant.

Robin pénétra dans le local complètement vide et poussiéreux. Elle s’avança dans la pièce, cherchant un élément auquel se raccrocher. Elle connaissait assez bien les différents lieux magiques de Londres pour avoir livré un certain nombre de potions pour son père dans sa jeunesse et elle espérait reconnaitre un détail révélateur. Toutefois, rien accrocha son regard. Elle fit quelques pas en direction de l’arrière boutique ou un vieux bureau et des placards de rangements vides étaient entreposés. La pièce n’ouvrait malheureusement sur aucune cours. Pas de trace de cheminée non plus. La jeune femme se mordilla la lèvre inférieure et se retourna, pensive. Son regard accrocha alors un des rangements à la porte entrebâillée, sculptée à son sommet d’un petit angelot armé d’un arc et d’une flèche.

« Je suis déjà venue ici. Dit-elle alors sans quitter le cupidon des yeux, c’est une armoire à disparaitre. »

Depuis l’autre pièce Robin entendit seulement l’exclamation satisfaite du milicien, visiblement ravi que Roy évoque ses 300 gallions.

« J’en doutais pas ! » lâcha Angus depuis le perron de l’entrée.

Robin quant à elle se rapprocha de l’armoire à disparaitre qu’elle ouvrit en grand tout en fouillant sa mémoire. Elle avait effectué bon nombre de livraison pour son père ou son frère durant sa jeunesse. Elle avait visité un nombre incalculable de planques camouflées dans le Londres magique. On lui avait fait emprunter des cheminées, des armoires, des portoloins divers et variés pour rejoindre ses différents pôles magiques de la pègre londonienne. Ses souvenirs se mélangeaient un peu mais elle gardait à l’esprit une anecdote assez claire liée à cette armoire à disparaitre. Elle devait avoir dans les quatorze ans lorsqu’un été, elle avait rejoint une place bien connue du Londres magique, le marché illégal d’animaux magiques situé au nord de Londres dans le quartier de Camden. Elle avait une livraison à effectuer pour un éminent client d’Evrett MacFarlane, son père, apothicaire de son état. Elle avait donc traversé les étals en plein air montrant les animaux  dans de minuscules cages, entassés les uns sur les autres. Les marchands avaient bien tenté de l’alpaguer pour lui faire acheter  tout un tas de créatures difformes mais elle avait pressée le pas et s’était présentée à l’adresse indiquée sur la place. Une échoppe quasiment vide avec en son centre une simple armoire, semblable à celle-ci, encadrée par deux géants à la mine patibulaire, armés de longues baguettes.

Robin avait été frappé par le contraste entre les visages hideux et marqués de ces deux hommes et les traits délicats de l’angelot,  sculpté sur bois et ornant le fronton de l’armoire.

« Le mot de passe. » avant grogné le plus vilain des deux.
« Prospérité aux audacieux. » avait-elle répété.
Les deux hommes l’avait laissé pénétrer dans l’armoire, ils avaient fermés les battants sur elle et, en quelques secondes à peine, elle s’était retrouvé dans un tout autre lieu : Une pièce exigüe, richement décorée,  où un homme travaillait installé à son bureau bureau. Il avait relevé les yeux sur elle.
« Ah. Enfin, c’est la livraison de MacFarlane ? »
Elle avait hoché la tête et sortit de sa poche une fiole remplie d’un liquide aussi noir que de l’encre. Elle n’avait pas eu le droit d’approcher le chaudron lors de sa préparation -qui avait durée de longues semaines, signe qu’il s’agissait surement d’un élixir particulièrement dangereux et rare.
« Mon père vous transmet ses amitiés, monsieur. » avait-elle dit en posant délicatement le flacon dans la paume de l’homme. Elle s’était penchée en avant pour le saluer et avait quitté la pièce par la même armoire sans attendre une quelconque forme de rémunération en retour.  

Cet homme ne payait pas. Jamais.

Elle était restée moins d’une minute dans cette pièce mais elle n’avait aucun doute dans son esprit. Elle se tourna légèrement vers Roy pour lui souffler la réponse à sa question :

« Elle mène à FreakyPets Place et ce local où nous sommes appartient – ou plutôt, appartenait- rectifia-t-elle,  à ce cher Bill Griggs. »