Sur les traces de Jack l'Eventreur... [PV Galahad]

Lundi 13 Décembre, aux premières lueursde l'aube anglaise, dans les entrailles du Londres moldus...

Sincèrement... Comment était-il possible de vivre dans un tel enfer d'incivilité et de promiscuité? Soucieuse de s'imprégner de l'atmosphère de la ville, Doreen avait opté pour les transports en commun moldus et l'incommodité du métro londonien. Grave erreur que celle-ci… En quelques minutes à peine, la sorcière avait fait le tour de tout ce qu'elle détestait le plus dans ce monde aseptisé et aux relents de transpiration. En cette heure de forte affluence, le métro était bondé d'abrutis à peine tombés du lit, qui s'apparentaient plus à une horde de zombies indélicats qu'à de véritables humains dotés d'un minimum de savoir-vivre. Doreen se demandait à chaque arrêt comment son wagon pouvait accueillir plus de voyageurs, tant elle se sentait compactée comme une sardine en boite. Son nez fin presque collé à l'aisselle de son voisin qui se cramponnait comme un jambon à une barre aérienne, Doreen se demandait combien de temps allait duré cet interminable calvaire. Incapable de mouvoir dans cet amas de chair moite, Doreen se félicita intérieurement d'être née du bon coté de la barrière magique. Que Merlin soit loué, elle n'aurait pas à endurer la bêtise crasse de ces maudits sang-de-bourbe, et surtout l'irrespect total dont ils pouvaient faire preuve. Pourquoi cet homme qui occupait éhontément deux sièges, écartait-il autant ses jambes? Est-ce que ses testicules étaient-elles si monstrueusement développées qu'il lui était tout bonnement impossible de gagner de la place et de resserrer ses maudites cuisses? Ce n'était pas l'envie qui lui manquait de dégainer sa baguette pour châtier l'irrespectueux "man-spreading", mais Doreen préféra intérioriser son mépris plutôt que de le libérer. Certes c'était frustrant, mais que voulez-vous c'était la loi. Les moldus devaient rester dans leur médiocrité …

*Plus qu'un arrêt, Doreen… Un arrêt! Et tu pourras quitter ce magma grouillant d'imbéciles … * se murmura-t-elle intérieurement en fixant désespérément le seul point libre où son regard ne croisait pas celui d'un autre de ses soi-disant CONgénères. Dans ses soirées où elle se plaisait à refaire le monde auprès de ses copines mondaines du Londres sorcier, Doreen ne cessait d'appuyer la théorie selon laquelle le monde magique n'avait strictement rien à envier à celui des moldus. Quoi de plus normal? Qui voudrait avoir un regard aussi vitreux que cet adolescent dont les yeux ne quittaient plus l'écran lumineux de son "Pear" non-magique? Qui oserait vanter les mérites d'un moyen de locomotion dans lequel vous êtes compacté, sans l'ombre d'un espace pour respirer? A part les papys frotteurs, personne ne voudrait subir la promiscuité étouffante du métro moldu! Personne! Certes, un tel discours n'était pas suffisamment politiquement correct et dans l'air du temps ; Mais il avait certains aspects factuels qu'il était impossible de nier et qui étaient corroborés par les visages mornes et livides qui peuplaient ce wagon ; Sans magie, ce monde était définitivement plus triste et insipide.

Signe que son calvaire venait de s'achever, une voix anormalement suave mentionna le nom de la station à laquelle elle pouvait enfin débarquer. Whitechapel… Un quartier emblématique et populaire de l'Est Londonien, surtout connu pour avoir été le théâtre jadis des crimes sanguinolents d'un certain Jack l'éventreur. Autre époque, même crime ; Un mystérieux tueur semblait avoir prit la relève de son légendaire ainé, pour massacrer un tas de pauvres jeunes femmes innocentes. La police moldue était littéralement sur les dents, alors que le mystère planait encore sur l'identité de l'assassin et qu'aucunes preuves matérielles ne venaient étayer le travail d'enquête. Aucune ADN retrouvée, pas l'ombre d'un témoin ; Cela tenait du prodige. En effet, celui qui était surnommé comme le frère de Jack ne laissait aucune trace derrière lui, au point de s'interroger sur sa nature exacte. S'agissait-il d'un sorcier psychopathe qui agissait en toute impunité en terre moldue? Un tel scénario était parfaitement envisageable, même s'il avait fallut attendre la mort d'une septième victime pour que la Brigade Scientifique et Magique soit enfin dépêchée en terre moldue…

Gravissant une à une les marches de l'escalier qui la conduisait à la surface, Doreen s'empressa de rejoindre Fournier Street, l'endroit où gisait la nouvelle victime du tueur en série. Des agents de la Milice et des Oubliators étaient déjà présent sur les lieux, afin de sécuriser et isoler la scène de crime de toute intervention moldue. Dans ce but un rideau protecteur avait été édifié magiquement, afin de laisser le champ libre à la Milice et tromper le regard des badauds trop curieux. Malette d'intervention en main, Doreen chercha à se frayer un chemin derrière le cordon de sécurité magique qui encerclait le cadavre. Ce n'était pas une mince affaire, tant beaucoup de Miliciens jugeaient sa fonction avec scepticisme, voire avec un certain mépris. Pour certains traqueurs de conscience de Skye, un cerveau mort n'avait plus la moindre information à divulguer, et ne représentait donc plus aucun intérêt. Doreen lutait obstinément pour faire changer les mentalités, et cette sensation désagréable d'avoir toujours besoin de justifier de l'absolue nécessité de son travail post-mortem. Ce n'était pas gagné au vue des regards appuyés et hypocrites qui ponctuèrent son arrivée. La responsable de la BSM présenta sa baguette à un Milicien chargé des opérations, ainsi que son badge magique.

"Doreen Denton-Rice, responsable de la brigade scientifique et magique. Puis-je examiner le corps? "

Mais avant qu'elle ne puisse pénétrer sur la scène de crime, un long murmure secoua la rangée de sorciers habilités à la réparation des accidents de sorcellerie du ministère de la Magie.

"Hé les gars, on dirait bien que les vautours sont de la partie… " osa même chuchoter un oubliator moins discret que les autres.

La responsable de la Brigade d'intervention scientifique et magique savait qu'elle n'avait pas de secondes à perdre avec de telles idioties, mais son caractère de feu lui enseignait également de ne pas laisser passer pareil affront. Voila pourquoi, en bonne irlandaise, elle préféra jeter un regard empreint de mépris en direction de l'irrespectueux intervenant.

"Les vautours, je ne sais pas… Mais en revanche votre indécence est, quand à elle, malheureusement bien de la partie... " Elle appuya un regard infantilisant sur l'Oubliator, avant d'ajouter : "Dois-je vous rappeler qu'une personne est morte? Vous avez l'air de bien vous amuser, mais si cela ne vous dérange pas trop, j'aimerai pouvoir faire mon travail plutôt que d'avoir à répondre à vos sarcasmes. "

Sans même écouter les réprobations émanant du cercle des oubliators, elle se tourna vers un milicien dont les traits et le teint halé contrastait de manière remarquable avec la froideur de la ruelle londonienne. L'inconnu avait quelque chose de saisissant dans son regard, sans que Doreen ne parvienne encore à en définir l'origine. Quoiqu'il en fut, il semblait plus disposer à l'écouter que les autres miliciens présents. Allait-il lui aussi lui faire son temps?  Beaucoup de Miliciens se fichaient éperdument de ce genre d'affaire criminelle, préférant lutter contre les réseaux de résistance.

"Laissez-moi deviner ; vous n'avez aucun témoin… Aucun indice… Aucun suspect... Si ce n'est celui que les moldus surnomment vulgairement "Petit Jack". La victime est sans doute encore une fois de plus une prostituée... Eventrée, selon le même modus operandi que les six autres victimes… Arrêtez-moi si je me trompe? " Elle jeta un regard par dessus l'épaule du Milicien, en direction du fond d'une impasse obscure et étroite, dans laquelle elle pouvait presque deviner la silhouette étendue de la septième victime baignant dans une marre de sang. Qui était-elle de son vivant? Comment s'appelait-elle? Quelle était ses passions? Dans son travail, Doreen fuyait l'émotion comme la peste. Une manière bien à elle de se protéger des horreurs qu'elle pouvait rencontrer, et ne point altérer sa faculté de jugement et le sens de sa réflexion. Levant un petit menton impérieux en direction du milicien, elle chercha à le bousculer verbalement pour lui faire comprendre qu'elle n'avait pas toute la journée.

"Alors? Vous allez me laisser l'examiner? Ou vous préférez attendre l'arrivée des vautours avec vos amis? "

Certes, il y avait des manières plus élégante et diplomate de se présenter, mais Doreen ne brillait guère en matière de patience. Trop de temps avait été perdu dans cette affaire, et elle n'était plus prête à sacrifier la moindre seconde..

Le bout des chaussures de Galahad trempa dans la mare de sang coagulé, et il s'écarta en étouffant un juron. Un tic agita la bordure de ses lèvres à la vue de l'ouverture béante qui s'étirait de la poitrine à l'abdomen de la victime. Une vague impression nauséeuse s'empara de lui, mais il s'efforça de ne pas laisser paraître son trouble, conscient de la myriade d'yeux qui se posaient sur lui. Miliciens, aurors, oubliators avaient été dépêchés en nombre pour tenter de résoudre ce nouveau crime en terres moldues. Chacun y allait de sa petite théorie, mais le mystère paraissait épais, ce qui expliquait que l'on avait fini par venir dénicher l'Unité des Briseurs de Sorts.

Il était rare que Galahad soit confronté à un meurtre et au corps sans vie d'une victime, et pourtant c'était la troisième qu'il voyait en une dizaine de jours. Contrairement aux aurors et policiers magiques qui avaient régulièrement affaire à ce type de cas glauques, Galahad avait passé le plus clair de sa carrière à étudier des maléfices complexes jetés sur des objets magiques non identifiés ou à construire les barrières magiques qui entouraient certains hauts lieux, tels que le dôme de Bristol. Depuis qu'il avait rejoint la milice, sa vie professionnelle avait pris des allures bien plus variés, mais parfois aussi extrêmement déplaisantes.

Le pire, c'était l'odeur, songea-t-il en s'accroupissant à contrecoeur pour pointer le bout de sa baguette magique vers les entrailles de la jeune femme, à moitié sorties de son abdomen. Marmonnant entre ses lèvres, il prononça une formule et observa le petit jet de lumière qui sortait de sa baguette pour venir explorer la cavité sanglante et se promener le long des organes déchirés, tel un ver luisant agile. Le milicien observa cette danse un long moment, trop absorbé par ses pensés et occupé à tirer ses conclusions pour entendre les pas qui se rapprochaient dans son dos.

"Merlin tout puissant..."

C'était la voix de Maxine. Son adjointe avait dû recevoir son message, puisqu'elle avait abandonné son jour de congé pour venir étudier la scène avec lui. Galahad s'était rendu seul sur les scènes précédentes, mais cette fois il lui semblait qu'un second cerveau ne serait pas de trop. Soupirant doucement, encore secoué par la violence de la scène, il se résolut à abandonner son examen pour se remettre sur ses pieds.

"Comme la dernière ?", s'enquit Maxine avec la mine soucieuse.

Galahad échangea un regard entendu avec son adjointe, puis hocha gravement la tête.

"Il y a bien quelque chose de différent, en revanche. Cette fois, il ne s'agit pas d'une prostituée moldue, mais d'une sorcière. Ils ont trouvé sa baguette à deux mètres de là..."

Aussitôt, les sourcils de Maxine se froncèrent tandis qu'elle marmonnait une prière entre ses dents. Galahad ne pouvait s'empêcher d'éprouver le même ressenti : voir l'une des leurs ainsi attaquée lui était plus dur encore que la mort de ces pauvres femmes moldues. C'était un peu inexplicable, mais il se sentait toujours un peu plus concerné par une victime dotée de pouvoirs magiques, car elles étaient plus proches que lui : un peu comme des compatriotes. Enfin, c'était ainsi...

Laissant Maxine examiner à son tour le corps, Galahad épousseta les pans de sa cape pour en ôter la saleté de cette ruelle crasse, puis rejoignit le groupe d'aurors et miliciens en charge de l'enquête.

"Sale affaire, les gars", commenta-t-il en se postant près de son collègue chargé de mener les opérations.

"Ouais... eh, vous avez vu le match hier ? L'action de McGowan à la 132e minute, pfffou...."

Galahad s'apprêtait à renchérir avec enthousiasme - c'était en effet un sacré match ! - lorsque leur conversation fut interrompue par l'arrivée d'une nouvelle collègue. Galahad observa avec curiosité son échange fleuri avec un Oubliator un peu trop bavard.

Doreen Denton-Rice et lui n'avaient jamais eu l'occasion d'échanger ni de partager de mission, pourtant Galahad l'avait déjà repéré dans les locaux de la milice. Il fallait dire qu'il était difficile de rater une telle femme, car c'était certainement celle qui avait le plus de prestance lorsqu'elle traversait l'open space. Sans faire de sexisme, les femmes de la milice étaient généralement de deux acabits : soit quelque peu garçon manqué, soit drapées dans leur plus belle armure de froideur, telles que Danielle. Si Galahad n'avait rien contre de tels profils, bien au contraire, il avait néanmoins remarqué avec approbation l'attitude classe et féminine de Doreen.

C'était donc avec un a priori favorable qu'il accueillit son arrivée, a priori bien vite renversé par la preuve d'un caractère fort peu amène. Lorsque Doreen croisa son regard et sembla jeter son dévolu sur lui, Galahad soutint son regard sans animosité aucune, mais sentit un certain agacement pointer en lui face à cet aplomb presque excessif. En effet, elle avait raison, d'un autre côté c'était le septième cas qu'ils rencontraient alors était-ce réellement une surprise ? Lorsqu'elle le tança avec acidité, car il ne réagissait pas assez vite à son goût, Galahad prit sur lui pour ne pas la remettre à sa place. Madame était peut-être chef de Brigade, mais c'était aussi son cas. Les briseurs de sorts étaient parfois aussi peu considérés que les "vautours" - disons plutôt que l'on avait tendance à oublier leur existence, ce qui leur allait bien - mais il ne se mettait pas à devenir agressif pour autant...

"Les vautours font partie de mes animaux préférés, mais je ne vais pas vous priver du plaisir de voir ce beau spectacle", ironisa-t-il avant de s'écarter en étendant le bras pour l'inviter à le suivre dans la ruelle. Un petit sifflement et quelques rires en provenance du groupe de mâles les suivit alors qu'ils s'éloignaient, tous ravis de pouvoir poursuivre leur conversation Quidditch plutôt que de traiter avec cette charmante créature.

"Galahad Thorne, chef de l'unité des briseurs de sort", se présenta-t-il tandis qu'ils marchaient, pour l'inviter à en faire de même. Ils avaient bien le temps pour un minimum de courtoisie et de politesse professionnelle, après tout ce n'était pas comme si la victime allait partir où que ce soit...

Une fois parvenus jusqu'au cadavre, Galahad resta quelque peu en retrait pour laisser à Doreen l'espace nécessaire pour observer l'oeuvre de l'assassin. Ce n'était décidément pas beau à voir, et il commenta dans son dos :

"Vous avez raison, c'est une prostituée, mais une sorcière cette fois. Probablement un sortilège d'éventrement, je pense que vous serez d'accord pour dire qu'aucune arme moldue n'aurait pu couper les chairs si nettement, et puis...", il s'interrompit un court instant, avant de conclure pensivement : "...il a prélevé un petit morceau de son foie. Un tout petit morceau. Comme pour les autres victimes, mais un organe différent à chaque fois... Comment ? Pourquoi ? Je ne sais pas, mais une chose est sure, j'aimerais assister à l'autopsie cette fois. Si vous acceptez ma modeste présence, bien sûr."

Il ne put empêcher une nouvelle pointe d'ironie de teinter ses propos, mais il fallait dire que cette Denton-Rice se donnait de sacrés airs. Il avait hâte de savoir si son ramage se rapportait à son plumage...

Au sein de la meute bruyante et sans gêne de Miliciens attroupés dans la ruelle, Galahad Thorne faisait office d'exception. Plutôt que de sombrer dans la facilité, et de décortiquer les actions d'un insignifiant match de Quidditch ; Toute son attention se focalisait exclusivement sur la traque d'un indice susceptible de les éclairer dans cette sombre affaire. Assurément, le briseur de sort n'était pas du genre à se cantonner au strict nécessaire pour justifier son salaire de Milicien. Dans son regard captivant se lisait une obsession pour la vérité, et un sens du devoir qui semblait dépasser toute autre motivation. Peut-être n'était-ce qu'une fausse intuition, mais cette aura de professionnalisme rassura immédiatement Doreen, qui trouvait en lui le partenaire d'enquête idéal pour tirer ses conclusions sur ce meurtre sordide. Surtout quand ce sérieux s'accompagnait d'une douce ironie susceptible d'égayer ce rendez-vous macabre. De quoi radoucir et tempérer l'impatience de Doreen, alors qu'elle emboitait le pas du briseur de sort pour s'engouffrer dans la ruelle sanglante.

"Doreen Denton-Rice, chef de la Brigade Scientifique & Magique. " se répéta-t-elle avant de poursuivre sur un ton moins formel : "Enchantée de faire votre connaissance. Je vous prie d'excuser mon humeur, mais j'avais oublié les raisons pour lesquelles je fuyais activement le monde Moldu. Et elles sont toutes revenues subitement à moi, lorsque je me suis retrouvée compressée dans ce moyen de locomotion étouffant nommé métro… "

Un soupçon d'humour qui s'évanouit rapidement, à la vue du corps étendue et lacéré de la jeune victime. Même habituée à voir défiler les cadavres, Doreen ne pouvait se résoudre à intégrer ce genre de spectacle ignoble. Quel monstre fallait-il être pour commettre ce genre d'atrocité? Ne laissant rien transparaitre de son émoi intérieur, son regard analysait déjà froidement chaque composante de cette mise en scène macabre : Disposition du corps, profondeurs des entailles, projection et traces de sang, organes vitaux touchés… Nombreux étaient les indices qui transparaissaient dès la première observation, sans que l'usage de la magie ne s'avère nécessaire. Doreen resta un long moment silencieuse, à écouter religieusement Galahad lui exposer les premiers rapports d'enquêtes. Les crimes de cette nature exacerbaient en elle une colère invisible et une détermination indestructible à l'idée de pouvoir démasquer le coupable. Tôt ou tard, ils finissaient toujours par commettre un impair. Bouleversant ses habitudes par un excès de confiance ou en s'attaquant à la mauvaise proie. Et ce qu'elle pouvait d'ores et déjà entrevoir, couplé aux révélations du briseur de sort sur la nature de la victime, ne faisait que la conforter dans ce sens : Petit Jack avait changé de cible, et peut-être commit une erreur en s'attaquant à une sorcière…

Ignorant l'odeur infecte qui se dégageait des entrailles béantes de la victime, Doreen s'accroupit auprès du corps pour étudier avec plus de précision le carnage.

"Une sorcière, vous dîtes? Etrange cela ne correspond pas aux habitudes de notre tueur… Jusqu'à présent, il s'évertuait à ne s'en prendre qu'à des prostituées moldues. Pourquoi un tel changement dans le choix de sa victime? " Doreen posa sa mallette de sorcière légiste à ses côtés, avant de pointer sa baguette lumineuse en direction de la profonde entaille abdominale. En observateur attentif, Galahad souligna ce qu'elle ne cessait de marteler à chaque meurtre, devant une police magique aussi sourde que peu encline de voir cette sordide affaire dériver sur le territoire magique.   "Je ne peux que confirmer cette théorie. Comme sur les autres cadavres, la profondeur et la netteté de l'entaille abdominale souligne un sortilège de découpe. Peut-être un "diffindo" poussé à son plus froid et mortel paroxysme. Mais il est impossible de l'affirmer, tant le meurtrier prend un soin méticuleux à effacer derrière lui toute trace de magie… C'est Monsieur Récurvite que nous aurions dû l'appeler plutôt que Petit Jack… " Usant de la pointe de sa baguette, Doreen suivie la course de l'entaille mortelle, avant d'ajouter : "Comme sur les autres corps, la coupure remonte de nouveau en oblique de la gauche vers la droite. Ce qui pourrait éventuellement sous-entendre que notre tueur sorcier est gaucher… "  

Dans un souci de vérifier les dires du sérieux briseur de sort, Doreen fronça les sourcils alors qu'elle soulevait magiquement les viscères de la victime prostituée, pour constater d'elle-même de l'absence de foie chez la victime. Ou tout du moins d'une partie de celui-ci…

"Comme c'est étrange? D'ordinaire notre petit Jack n'est pas du genre à bâclé son travail de découpe, surtout quand il s'agit d'ajouter un organe à sa collection… Alors que là, même un chien s'y serait autrement mieux prit pour arracher le foie de notre victime. Notre tueur n'en a extirpé grossièrement qu'une moitié, plutôt que l'intégralité… Pourquoi avoir expédié son travail de la sorte? Cela ne lui ressemble pas… A-t-il été dérangé? La sorcière s'est-elle défendue? Notre tueur a-t-il soudainement paniqué en découvrant que sa victime n'était point moldue? Voila le genre de questions qui exigent un examen et une autopsie plus approfondie… "

Malgré l'horreur de cet examen post-mortem, qui n'en était qu'à ses débuts ; Doreen fut surprise de constater que le valeureux Galahad était toujours bien présent derrière elle. D'ordinaire, tout homme ou femme normalement constitués vomissaient tripes et boyaux à la vue et l'odeur de viscère sanguinolente. Nul doute, le briseur de sort avait le cœur bien accroché, ou l'habitude de côtoyer la mort et cette réalité funeste qui nous ramenait au fait que nous n'étions tous que de vulgaires petits paquets de chair bien dégueulasses. Loin des clichés poétiques de beautés intérieures, où d'âmes prisonnières : Le corps humains n'était en vérité qu'une sombre mécanique. Pourtant à peine avait-elle déplié son matériel d'autopsie et revêtue sa blouse de travail, que Galahad osait insister pour assister à la seconde étape… Une très mauvaise idée. Doreen secoua la tête, quelque peu embarrassée à l'idée de chasser ce Milicien dont les intentions et l'abnégation étaient plus que louables.

"Je suis désolée, mais j'ai l'habitude de travailler seule. Ce n'est pas contre vous, loin de là ; Mais j'ai besoin de concentration, de l'espace de travail, et de plus vous pouvez me croire sur parole… Vous n'avez pas forcément envie de voir ce que je me prépare à réaliser. " Figeant son regard clair et déterminé dans celui qui voulait être son assistant ; La sorcière rousse s'élança alors dans quelque chose de totalement inhabituelle chez elle : Le travail en équipe. Était-ce un moyen de se racheter à ses yeux et ne point vexer le ténébreux Galahad dans sa fierté? Une preuve d'estime? Un moyen de tester sa volonté? De prolonger leur échange? Elle-même ne saurait le dire. Mais Doreen se surprit elle-même en se lançant dans une proposition de collaboration :  "En réalité, pour parfaire mon examen ; j'aurai éventuellement besoin de vous et vos services dans d'autres domaines plus spécifiques. Comme celui de mettre la main sur la baguette de la victime, et de décrypter si un sortilège à bel et bien été exécuté contre notre agresseur. Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a bâclé son travail. Enfin si vous pouviez me donner de plus amples informations sur l'identité de cette jeune sorcière, et les raisons de sa présence en terre moldue… " Le regard de Doreen balaya une dernière fois le corps étendu, avant de s'arrêter à certains détails vestimentaires peut-être insignifiants "Ce n'est peut-être qu'une intuition : Mais j'ai l'impression, au vue de sa tenue vestimentaire, et des fines broderies de sa lingerie de luxe, qu'il ne s'agit point d'une prostituée de bas étage… Peut-être serait-il judicieux d'interroger certains cabarets de luxe ou des maisons closes sur l'éventuelle disparition d'une de leurs filles… Nous pourrions alors nous retrouver au Pub du Ten Bells et croiser nos informations, d'ici… " Doreen jeta un vif coup d'œil à sa montre argentée, avant d'ajouter : "Je dirai ; Une bonne grosse heure. Qu'en pensez-vous? "

Une tornade de feu irlandaise venait de s'abattre sur le sombre milicien. Mais pour qui se prenait-elle? Même responsable de la Brigade Scientifique et Magique ; Doreen dépassait allègrement ses fonctions en osant intimer des consignes à un briseur de sort aussi émérite et respecté que l'était Galahad. Allait-il se vexer ou accepter de collaborer avec la troublante et dynamique sorcière rousse? Doreen ne lui laissa guère l'occasion de réfléchir à la question, alors qu'elle ajoutait déjà sur un ton faussement innocent une nouvelle preuve de son assurance effrontée.

"Oh, j'oubliais! Une dernière chose! Avec ce froid de canard ; Si vous saviez comme j'adorerai pouvoir me réchauffer en dégustant un délicieux Irish Coffee en votre compagnie… "

Mais avant que Galahad ne puisse exaucer son audacieuse demande et retrouver la chaleur du Pub avoisinant ; Doreen devait retourner à son froid travail d'examen post-mortem. Pour l'heure, une seule question s'imposait : Qui allait remporter ce petit jeu et cette chasse aux indices?

Légèrement interloqué, Galahad observa la milicienne rousse qui lui faisait face. Cette conversation était en train de devenir légèrement surréaliste. Voilà que cette sorcière sophistiquée et installée à côté des viscères sanguinolents d'une pauvre victime lui donnait rendez-vous dans un pub pour déguster un bon Irish Coffee ! Galahad passa une main sur son menton et esquissa un sourire quelque peu décontenancé, avant d'acquiescer à sa demande. Loin d'être susceptible, le chef de l'unité des briseurs de sorts - UBS pour les intimes - savait recevoir des ordres, surtout lorsqu'ils venaient d'une femme aussi assurée. Doreen n'était pas exactement en position de supériorité hiérarchique vis-à-vis de lui, mais son plan lui convenait, aussi il décida d'accepter sans rechigner.

"Je vous offrirai ma compagnie avec plaisir, dans ce cas", répondit-il de sa voix basse, non sans une certaine pointe de nervosité. Cette tornade rousse venait d'ébranler quelque peu la quiétude du milicien, qui avait tout de la force tranquille. "Je vous retrouverai dans une heure au Ten Bells et nous pourrons croiser nos informations."

Galahad prit congé d'un signe de tête puis commença à s'écarter, non sans jeter un dernier regard intrigué à la sorcière. Il aurait été curieux d'assister à l'autopsie, non seulement pour pouvoir tester ses différentes théories avec les trouvailles de Doreen, mais aussi par curiosité pour les méthodes employées par Doreen. La vision des entrailles en lévitation, qui en auraient répugné beaucoup, avait fasciné le milicien qui avait toujours eu le cœur bien accroché. Heureusement, d'ailleurs, car il le fallait bien lorsqu'on l'envoyait sur de telles missions... Mais Doreen avait raison sur un point, ils seraient plus efficaces de cette façon, car il lui semblait que certains de ses collègues miliciens n'étaient guère pressés de résoudre cette enquête. L'attitude nonchalante du groupe d'hommes qu'il retrouva en train de terminer leur conversation Quidditch l'irrita quelque peu, mais il n'en laissa rien paraître. Il le savait, certains rejoignaient la milice pour le frisson de la lutte contre les réseaux terroristes, pour le prestige de la fonction ou par volonté d'arrondir sa paie à la fin du mois : les faits divers touchant des anonymes comme cette jeune prostituée ne les touchaient pas. Galahad, lui, était bien décidé à avancer sur cette enquête, et ce n'était pas seulement à cause de sa conscience professionnelle : il ne tenait pas à rejoindre le pub où l'attendrait Doreen sans indices à lui apporter... comme s'il souhaitait se montrer à la hauteur de cette collègue haute en couleurs.

"Je vais avoir besoin de votre aide, les gars", intervint-il en arrivant à hauteur du petit groupe. "Collins, Joreen, aidez-moi à quadriller les lieux pour trouver un indice qui nous aurait échappé : un objet appartenant à la victime, un sac à mains peut-être ou une baguette magique... Les autres, allez par groupe de deux dans les différentes maisons-closes du coin, vérifier s'il leur manque une fille, s'ils ont reçu la visite de quelqu'un d'inhabituel, de menaçant peut-être..."

"Hé, moi aussi je veux aller à la maison close", protesta Collins, avant de donner un coup de coude à son voisin qui ricanait. Sa remarque occasionna quelques plaisanteries grasses, que Galahad laissa courir sans rechigner, puis les miliciens se séparèrent par groupes de deux. Quant à lui, il partit battre le pavé, en resserrant les pans de sa cape violette autour de lui pour se protéger contre le froid mordant de la nuit...


Plus d'une heure s'était écoulée lorsque Galahad poussa la porte du Ten Bells. Une bouffée d'air hivernal s'engouffra avec lui dans le pub, et il se hâta de refermer la porte derrière lui avant de balayer la pièce du regard. L'endroit était raisonnablement animé, et il lui fallut quelques secondes pour repérer la chevelure caractéristique de Doreen déjà installée autour d'une table en bois. Galahad la rejoignit en quelques enjambées, et la salua d'un signe de tête.

"Est-ce que tout s'est bien passé ?", s'enquit-il poliment en frottant l'une contre l'autre ses mains engourdies par le froid. L'hiver était réellement à leur porte. "Je vous offre un verre ? Irish Coffee, en digne irlandaise ?"

Difficile de tirer une autre conclusion de ce léger accent irlandais et de cette couleur de cheveux. Tant mieux, cela la rendait forcément sympathique à ses yeux : Galahad appréciait l'Irlande, où il partait régulièrement en vacances pour profiter de ses paysages d'une beauté à couper le souffle.

Galahad fit un détour par le comptoir puis revint quelques instants plus tard avec leurs boissons. Il s'attabla, pour sa part, avec une pinte de Kinness : son service touchait à sa fin, il ne lui restait plus qu'à échanger ses conclusions avec Doreen, mais son rapport écrit attendrait le lendemain matin... Après avoir bu une longue gorgée pour se détendre, Galahad sortit discrètement de sa poche un sac plastique transparent et le désigna brièvement à la milicienne sous la table ronde. Puis il rangea l'indice en sécurité dans sa cape et jeta un sortilège d'insonorisation autour de leur table : les bruits ambiants leurs parvenaient, mais leur conversation serait hermétique aux oreilles extérieures.

"Je l'ai trouvé à cent mètres de la victime : la baguette a été brisée en trois morceaux, et elle est couverte de tâches qui m'ont tout l'air d'être du sang. Nous avons repéré plusieurs gouttes le long de la rue, comme si elle avait tenté de fuir, avant d'être rattrapée..."

L'image de la scène du meurtre se dessinait peu à peu dans son esprit. La jeune femme avait lutté, tenté de se défendre en utilisant la magie, mais son assaillant était parvenu à prendre le dessus physiquement, à briser sa baguette, l'un d'eux a été blessé dans l'assaut... elle s'était enfuie, il l'avait poursuivi... avait réussi à l'attraper, et avait achevé le travail.

"Cela semble confirmer que la victime est une sorcière... à moins que ce ne soit l'assaillant, voire les deux. Impossible de savoir à ce stade si la baguette a servi pour lancer un sortilège avant de mourir. Dans cet état, il faut que nous l'analysions au bureau, avec l'aide des autres briseurs de sorts. Je m'y attèle dès demain", affirma-t-il en plongeant son regard dans celui de Doreen. "Le tour des institutions du quartier s'est révélé un peu plus instructif, en revanche. Le tenancier des Diablotines, une maison-close sorcière de luxe, m'a indiqué que l'une de ses prostituées avait reçu chaque soir depuis plusieurs nuits la visite d'un homme étrange vêtu d'une cape noire. Il aurait, chaque nuit, payé des extras... mais la prostituée, surnommée Doxy, serait partie précipitamment en début de soirée, visiblement très bouleversée, sans donner de raison ni assumer son service. Bien sûr, il ne connait ni le véritable nom ni l'adresse de cette Doxy. Est-ce que cette histoire a à voir avec notre inconnue ? Je ne sais pas. La description physique semble concorder, mais elle est très commune, il faudra lui faire identifier le corps..."

Galahad saisit un petit carnet à la couverture en cuir et un stylo depuis une poche intérieure de sa cape. Il y griffonna quelques informations, fruits de ses trouvailles, puis referma l'objet qu'il déposa sur la table. La plupart de ses collègues étaient passés à des outils plus sophistiqués mais lui aimait écrire, à l'ancienne. Cela lui permettait de mieux réfléchir.

"Qu'est-ce que l'autopsie a révélé ?", s'enquit-il en redressant un regard curieux sur Doreen. La chef de la brigade scientifique et magique lui avait fait une vive impression : restait maintenant à savoir si elle était aussi compétente qu'elle n'était affirmée...