Histoire de Fléreur [Angus & Emma]

Angus referma d’un geste de la main la fermeture éclair d’un lourd sac de sport.
« Faut mettre ça sous scellé, dit-il à un agent de la PM venu épauler la Milice sur cette opération au tout nouveau Léoport de Léopoldgrad. Vingt-huit kilos et cinq cent grammes de cocaïne saisis, directement importés du monde moldu et cachés dans un vulgaire bagage transitant par le service des portoloins internationaux.
Angus enleva ses gants, notifia sur son pear pro les informations liées à cette intervention et s’accroupit pour féliciter celui sans qui cette opération n’aurait pas été possible.
« C’est bien mon Accio ! T’as bien travaillé ! Brave fléreur !»
Il écrasa de caresses l’animal qui ronronna de plaisir, visiblement  ravi de faire l’objet des attentions de son maître. Le fléreur avait retrouvé le bagage incriminé parmi des centaines et des centaines de sacs triés au sein du Léoport. Son propriétaire, un sorcier français  d’origine moldue avait été arrêté à la douane par la Police Magique– qui allait aussi se charger de l’interrogatoire afin de préserver la couverture d’Avalon et Angus qui enquêtaient conjointement sur cette affaire.
Le milicien n’avait plus qu’à rentrer au Ministère pour informer sa collègue de ce coup de filet et attendre le compte-rendu de l’interrogatoire mené par ses  anciens collègues policiers.
« Je compte sur vous pour lui faire cracher le morceau ! On veut des noms ! Dit-il en saluant copieusement les agents de la PM dans une ambiance bon enfant, Mettez Slone sur l’interrogatoire, il ferait parler un sorcier sous Silencio ! » ricana-t-il, entre deux accolades.

Quelques minutes plus tard, Angus débouchait dans l’atrium du Ministère de la Magie, Accio sur ses talons. Le harnais violet du fléreur  était floqué de l’inscription « MILICE » en lettres majuscules argentées. L’animal se mouvait d’une démarche féline et silencieuse. Il semblait passer au crible tous les employés qu’il croisait. Son regard intelligent – d’apparence même plus intelligent que celui de son maitre- passait de sorciers en sorcières et son museau flairait l’air à la recherche d’on ne sait quoi.

Après avoir acheté un sandwich à grignoter sur le pouce au bureau (enfin plus exactement, deux sandwichs), le milicien se plia de bonne grâce au contrôle d’identité avant de prendre l’ascenseur pour rejoindre le niveau 4. Il disposait d’une heure avant de retrouver  Avalon et il souhaitait profiter de ce laps de temps pour régler quelques affaires personnelles liées à l’adoption de son fléreur.
En effet, plutôt que de laisser Accio au flénile le soir et les week-ends, Angus avait entreprit plusieurs démarches administratives  afin d’adopter l’animal à temps plein. Le fait d’abandonner son coéquipier à quatre pattes dans sa minuscule cage, chaque jour,  lui brisait le cœur alors qu’Accio aurait été si heureux à gambader avec Nox et Allohomora dans la campagne irlandaise.  Le dossier qu’Angus avait  constitué devait lui permettre d’  obtenir un permis de détention, délivré par le Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Hors, il attendait le fameux sésame depuis près de trois  semaines maintenant. Après quatre relances, deux par patronus, deux par PearPro.

Il était largement temps de se manifester physiquement auprès des employés de ce service, estimait-il.

Angus posa donc  ses deux grosses paluches à plat sur le comptoir d’accueil du département. « Bonjour. » dit-il d’un ton un peu bourru . Angus Rice de la Milice. Je viens voir où en est mon dossier. »
D’un regard, il désigna Accio qui patientait sagement à ses pieds.
« Oui, monsieur Rice. Bien sûr ! L’adoption du fléreur ! s’exclama l’agent d’accueil,  J’ai reçu votre message mais ce n’est pas moi qui traite votre dossier. La personne qui s’en charge est en arrêt maladie mais, ne bougez pas, je vais voir si un autre collègue est disponible. »
Angus suivit des yeux l’employé du ministère marcher jusqu’à une porte dans le fond et entrer sans frapper.
"Hé Anthony ! Y a Angus Rice de la Milice qu'est là. Il veut savoir où ça en est de son dossier tu peux le recevoir ?"
Si « Anthony » disait non, Angus y allait, même sans y être invité.
« Venez monsieur, mon collègue va examiner votre dossier, répondit toutefois l’agent d’accueil avec un sourire affable en lui désignant la porte ouverte.

Parfait. Angus contourna le comptoir avec la ferme intention de sortir d’ici avec son permis. Il avança d’un pas lourd jusqu’à la porte, remercia l’agent d’accueil d’un signe de tête et …marqua un bref temps d’arrêt sur le seuil du bureau.

La bonne surprise, c’était qu’il connaissait déjà l’ Anthony en question. Ils avaient collaboré, une ou deux fois peut-être, sur des affaires de détention illégale de créatures magiques.
La mauvaise surprise résidait dans le fait qu’Anthony n’était pas seul dans cette pièce mais flanqué d’Emma- aka Amélie-qui-fuit-plus-vite-que-son-ombre -, l’employée du département des Mystères avec laquelle Angus avait passé une folle nuit quelques semaines plus tôt.

« Bonjour, dit-il, refusant de se laisser décontenancer par ce constat. Il avait suivi bon nombre de stage d’infiltration pour savoir réagir tout à fait naturellement à des situations qui le déstabilisaient intérieurement. Il fit quelques pas dans le bureau pour venir serrer la main d’Anthony et tourna la tête vers la jeune femme qu’il lui présentait et qui semblait le contraindre au silence d’un regard insistant.
« Votre fille, répéta-t-il tranquillement, enchanté. » Poignée de main. Vague sourire poli avant de s’asseoir et de reporter son attention sur Anthony. Serein et tout à fait désintéressé, du moins en apparence.

SA FILLE???!! Fraichement sortie de Poudlard en septembre ? Angus fit un rapide calcul dans son esprit –beaucoup trop rapide à son goût, le calcul – et arriva à la conclusion suivante : Dix-huit-putain-d’années.  18 ans ! Deux fois moins que son âge. Pile poil.

Bien, bravo Angus. De mieux en mieux ! A quelques mois seulement du détournement de mineure ! Milicien au top !

D’un claquement de doigt, Angus fit s’allonger Accio sur la moquette et expliqua l’objet de sa visite.

« Je viens voir où en est mon dossier d’adoption car je vous ai relancé plusieurs fois et je n’ai toujours pas eu de nouvelles. »

Il avait bien perçu qu’Amélie –enfin Emma-  était plus jeune que lui mais il n’aurait pas pensé autant. Il faut dire que, pour sa défense, elle possédait un vrai corps de femme. Quoiqu’il en soit, il ne l’avait pas recroisé après cette nuit là. Les jours suivants, pourtant,  il avait espéré la revoir au Mirror of Erised –au moins pour tenter de dédramatiser cette bête histoire de prénom - mais elle n’y avait pas remis les pieds. Jamais. Angus avait fini par tourner la page et passer à autre chose.  Il trouvait même l’histoire plutôt drôle, maintenant, avec un peu de recul,  et quand il songeait à la moue pincée d’Emma en entendant son faux-prénom, il ne pouvait pas s’empêcher d’esquisser un sourire mi coupable, mi amusé, au souvenir de ce date franchement raté.

"Je pense que c'est mieux si j'attends dehors."
Tout à fait. Excellente idée. Bye bye Amélie ! Non pas que ce soit gênant mais un peu quand même. Angus n’avait pas pour habitude de pratiquer certains items de la carte des Folies avec les filles de ses collègues du Ministère. Et d’être, ensuite, confronté aux deux, simultanément.

« Oh tu peux rester, Emma. Nous n’en avons pas pour très longtemps, je pense, Anthony reporta son attention sur Angus, A moins que cela vous dérange monsieur Rice ? »
« Du tout. » mentit-il.
Il s’accouda  sur son fauteuil et caressa  distraitement ses poils de barbe.
« Votre dossier est surement incomplet… »
« Votre collègue m’a dit qu’il manquait l’attestation de la PM mais la PM me dit qu’elle vous a envoyé le document il y a plusieurs semaines. »
Anthony afficha une moue soucieuse et fit léviter le dossier d’Angus jusqu’à lui.
« Alors... Rice Angus, lut-il à voix haute, né le 11 mars 74,...Caherciven, Irlande, poursuivit-il en parcourant les feuillets…. Célibataire –Le regard d’Angus se posa momentanément sur Emma- sans enfants, Anthony releva la tête de sa lecture, C’est mieux. les fléreurs peuvent parfois se montrer agressifs. »
« Accio n’est pas agressif. » répliqua le milicien. Seulement avec les personnes qui le méritaient : Les trafiquants et les terroristes du LEXIT . D’ailleurs Accio avait levé la tête et semblait scruter , non sans méfiance, Anthony Blackbonnes, l’homme qui venait de le traiter d’animal violent. Angus caressa le pelage ocellé de son fléreur pour l’apaiser et poussa un soupir sonore trahissant quelque peu son impatience.
« Attestation sur l’honneur… Déclarations de possession d’animaux magiques… Diplôme de soigneur ?» releva Anthony en arquant un sourcil.
« J’ai travaillé à la SPAF,avant. »
Comptait-t-il détailler tous les aspects de sa vie  devant Emma ou bien ?
« Effectivement, il manque uniquement ce papier de la P.M, je vais voir s’il n’est pas dans le bureau de mon collègue et je reviens. Veuillez m’excuser... »
Anthony se leva et quitta la pièce sous le regard scrutateur d’Accio. Un long silence malaisant suivit son départ  jusqu’à ce qu’Angus se décide à prendre la parole. C’était stupide de s’ignorer de la sorte. Le milicien était toujours  accoudé sur son fauteuil quant il interpella Emma :
« Alors comme ça, tu as terminé Poudlard en juin… »

"C’est un problème ?"

Toujours accoudé sur son fauteuil, le milicien secoua la tête négativement. En soit, ce n’en était pas un. Lorsqu’ils avaient couché ensemble, Emma était majeure et consentante. Cela suffisait à Angus. Il était juste étonné de la savoir si jeune, lui qui l’avait imaginé dans la vingtaine.

De toute évidence, il n’était pas le seul à avoir mal estimé leur écart d’âge puisqu’Emma se fendit d’une remarque en ce sens. Le milicien se mit à rire doucement. Deux vies d’Emma tenaient dans une vie d’Angus. Vu comme ça, leur différence de génération paraissait encore plus grande.

Il n’eut toutefois pas le temps de s’appesantir sur cette question puisqu’Anthony revint dans la pièce avec  le précieux sésame en main. Merci Merlin ! Un coup de tampon et une signature firent d’Angus l’heureux  détenteur d’Accio, à défaut d’en être le propriétaire (qui restait –et resterait- le département de la justice Magique.)

« Merci beaucoup M.Blackbonnes. » dit le milicien en se levant. Il avait retrouvé sa bonhomie habituelle et arborait même un léger sourire satisfait. Ce soir, Accio rentrerait, avec lui, à la maison. Il se pencha légèrement au dessus du bureau,  serra la main du père d’Emma et se tourna vers cette dernière pour la saluer également. « Mademoiselle. » dit-il sans chercher à s’attarder davantage auprès d’elle.

Il savait bien qu’ils ne risquaient pas de se revoir de si tôt. C’était ce stupide concours de circonstances qui les avait poussé à retomber l’un sur l’autre. Sans ce papier manquant, ils n’auraient jamais du à se recroiser, Angus l’avait bien compris.
Il quitta donc la pièce sans demander son reste, préférant se soustraire à cette ambiance gênante et  laisser le père et sa fille, en famille. Une fois dans le couloir, il s’arrêta toutefois pour cajoler Accio à voix basse.

« Qui s’est qui va dormir à la maison ce soir ? Hein ? Hein ?Et voui, Qui s’est ? » Certainement pas Amélie, songea ironiquement Angus avant de capter une bribe de conversation émanant de la pièce qu’il venait de quitter.

« …boire un verre au Mirror of Erised ce soir.... »

Le milicien haussa les sourcils d’étonnement. Une coïncidence ? Nah,…Impossible.

Emma n’avait pas mi les pieds au Mirror of Erised depuis plus d’un mois et, d’un coup, elle disait à son père, en sa presque-présence, qu’elle comptait y aller le soir même… Angus n’était pas né de la dernière pluie et il se doutait que cette remarque n’était pas véritablement adressée à Anthony mais belle et bien à lui. D’ailleurs, Emma quitta si précipitamment le bureau de son père qu’elle lui rentra littéralement dedans, manquant d’écraser une patte d’Accio au passage.

« Décidément. » dit-il. Il faisait référence aux nombreuses fois où elle lui était rentrée dedans/ avait renversé une boisson sur lui/l’avait embrassé par « mégarde ». Angus jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule d’Emma pour vérifier qu’Anthony avait bien refermé la porte après le départ de sa fille et ajouta : «  Je vais finir par croire que tu le fais exprès. » Il ne cherchait pas à la narguer ou à la mettre mal à l’aise, bien au contraire.
La jeune femme baissa les yeux sur l’attestation qu’il tenait encore entre les mains et demanda s’il comptait fêter cette adoption. (Si possible ce soir, au Mirror Of Erised –crut deviner Angus, entre les lignes. )

Il haussa vaguement les épaules :

« Mouai, peut-être. Je n’y ai pas vraiment réfléchi encore… » ajouta-t-il en reportant son attention sur Accio qui l’observait de ses grands yeux verts rehaussés d’un liseré de poils noirs. L’acclimatation à un nouvel environnement risquait de prendre un peu de temps pour son fléreur et Angus ne tenait pas à le brusquer.
« Possible. » dit-il toutefois en relevant les yeux vers Emma qui lui souriait poliment. Son comportement était un peu …étrange à vrai dire. Après l’avoir snobé éhontément (alors qu’il avait préparé un petit dej’ pour deux qu’il avait, au final, été obligé de manger seul), elle semblait faire un pas vers lui. Après tout, si elle était effectivement au pub ce soir, ce  serait peut-être l’occasion  de discuter avec elle –enfin, si elle acceptait de lui parler cette fois.

Il ne garantissait rien, mais bon,… pourquoi pas. Le milicien reporta son attention sur sa montre, un peu impatiemment.
S’il voulait avoir le temps de manger, il ne devait pas trainer.

« Je dois y aller, là. souffla-t-il alors en se mettant en marche sans attendre Emma , Bye» Il la gratifia d’un vague signe de la main et quitta sans un regard en arrière le Département de Régulation des créatures Magiques.


Il était minuit passé lorsque Angus se laissa tomber tout habillé sur le lit de son mobil home. Accio s’était enfin endormi. Le milicien avait ramené son fléreur chez lui en fin d’après-midi pour l’acclimater en douceur. Si l’animal avait rapidement trouvé ses marques  dans sa caravane –en reniflant frénétiquement le moindre recoin-  il avait eut  beaucoup plus de difficultés à tolérer la présence des autres animaux de compagnie d’Angus. En effet, son fléreur s’était livré à  une véritable crise de jalousie ! Ni plus ni moins. Il avait soufflé sur Nox, griffé Alohomora  non loin de la truffe et Angus avait du intervenir in extremis pour éviter qu’il ne s’en prenne à son pauvre boursoufflet sans défense, Reducto.

La suite de la soirée n’avait pas été de tout repos pour le milicien qui avait veillé au grain plusieurs heures afin d’éviter de nouvelles confrontations. Il avait finalement installé Accio dans la salle de bain pour la nuit, à l’écart des autres animaux.
Le milicien poussa un soupir. Il hésitait franchement sur le programme de sa fin de soirée. Soit il restait tranquille ici soit il transplanait sur Londres pour passer  au pub, … des fois qu’Emma y soit toujours. Il devait avouer que le rendez-vous qu’elle lui avait fixé –par de savants sous-entendus - avait quelque peu piqué sa curiosité.

Allez. Go, Angus !

Le milicien sauta sur ses jambes et se débarrassa de son uniforme de la milice pour revêtir quelque chose de plus confortable. Il enfila son épaisse parka kaki par dessus son pull, chaussa ses chaussures de marche et quitta prestement son mobil home.
Moins d’une minute plus tard, il se trouvait devant l’enseigne verte du Mirror Of Erised. On pouvait deviner les silhouettes de quelques clients derrière le verre translucide de la devanture mais ils étaient nettement moins nombreux qu’à l’happy-hour, horaire où le bar battait traditionnellement son plein. Le milicien s’approcha de la porte et recula d’un pas quant elle s’ouvrit sur lui pour laisser sortir… Emma. Justement.

« Oh. Tu pars déjà ? » lâcha-t-il  en s’effaçant pour la laisser passer.

"Je... euh... J’allais..."
Partir. C’était surement le mot qu’elle cherchait, estima Angus. Enfin, c’était sans compter le jeune homme qui la rattrapa sur le pas de la porte pour la retenir.  De tout évidence, il avait provoqué son courroux et avait quelque chose à se faire pardonner.
"Hé ! Bah pourquoi tu t’énerves ? C’était juste pour rire."
Et ouai mec. Ne Jamais se tromper de prénom avec Emma. Jamais.
Alors que le gars en question  se faisait de plus en plus insistant –voir même carrément lourd- Angus l’observa plus en détail : Cette tignasse blonde, ces yeux rapprochés, cette attitude pressante envers les filles…
« P’tit Poulet ? »
Ce surnom, surgissant du passé, eut au moins le mérite de clouer l’homme incommodant sur place. Il tourna la tête vers Angus, cligna des paupières,  et ses yeux s’arrondirent lorsqu’il le reconnut enfin.
« Gus Rice !? Ça alors !»
Et, aussi étrange que cela puisse paraitre, le harceleur et le milicien se donnèrent une franche accolade tout à fait joyeuse.
« Ah ben ! On t’avait bien dit avec ton frère que ça finirait par pousser ! » lâcha Angus en claquant gentiment la barbe fine d’Arthur.
« Y’a pas que moi qui ai changé ! Toi aussi ça pousse ! » répliqua l’employé des mystères. Il désigna du menton le ventre d’Angus qui n’était plus aussi musclé que dans sa prime jeunesse. «  Ça fait un bail ! Sept, huit ans ? »
« Baaah, Angus chercha dans sa mémoire, les yeux au plafond, la dernière fois c’était pour le mariage de ton frère. »
« Mais ouiiii, Le Balai Météore !!!!! » s’exclamèrent-ils à l’unisson avant de se coude-couder gaiement à l’évocation de cette anecdote obscure, qui ne parlait qu’à eux deux. Merlin. Une véritable rencontre de beaufs.
« Comment va ton grand frère ? »
« Ah ben ça va. Il vient d’avoir le troisième là. Un petit William. »
« Oh, s’étonna Angus, visiblement touché d’apprendre la nouvelle. Le frère d’Arthur avait été son camarade de dortoir durant ses sept années de scolarité, tu le féliciteras de ma part. Il prit encore quelques nouvelles d’Arthur –qui travaillait aux Mystères depuis juin mais qui avait ses habitudes dans un autre pub pour l’afterwork- puis il interrogea de nouveau le jeune homme sur son  fameux grand frère, sa femme et leurs enfants avant qu’Arthur ne pose la question qui fâche.
« Et toi alors, comment va Ann ? »
Ann. Hum hum. Bonne question.
« On est plus ensemble depuis quelques temps déjà. »
« Vraiment ? » s’étonna Arthur.
Angus hocha la tête. Peu désireux de s’étendre sur cet aspect là de sa vie privée, il enchaina :
« Et toi, toujours avec ta petite blonde du mariage ? »
«Stecy ? Non plus. » répondit l’employé du département des Mystères en écartant légèrement les bras, l’air loin d’être innocent, l’œil coquin. Une connivence toute masculine pour faire croire à Angus qu’il avait largué la malheureuse Stecy alors qu’en vérité, il s’était fait jeté comme une vieille chaussette trouée. Arthur n’avait jamais vraiment  su s’y prendre avec les filles – non pas qu’Angus sache le faire, si tel était le cas, il ne serait pas célibataire à l’heure qui l’est- mais Arthur avait toujours eu, même dans sa prime jeunesse, ce côté très envahissant et pressant, surtout après quelques verres de trop.
« Donc c’est pour ça que t’embêtes Emma. »
Arthur se figea quelque peu, décontenancé. Il les désigna tour à tour de la pointe de son index.

« Ah. Vous vous connaissez tous les deux ? »
Le milicien reporta son attention sur la jeune femme pour lui laisser le soin de répondre à cette question épineuse. Alors…. Ils se connaissaient bibliquement, certes, mais Angus doutait qu’Emma ait envie d’aborder ce sujet avec son collègue de travail.  Il attendit donc sa réponse avant de s’adresser à elle.

« D’ailleurs, tu partais ? dit-il alors. Il était un peu déçu, en vérité. Même si la perspective de boire une Kinness avec Arthur ne lui déplaisait pas, il était venu voir Emma ce soir, et , qui sait, tenter de faire véritablement connaissance avec elle, je te raccompagne ? proposa-t-il en poussant légèrement la porte vers l’extérieur. Il faisait un peu moins froid que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, alors, pourquoi ne pas faire une balade nocturne dans Londres ?

"Avec plaisir."
Ces deux  mots résonnèrent joliment aux oreilles d’Angus qui poussa la porte et s’effaça pour laisser sortir Emma.

"A demain P’tit Poulet." Lâcha d’ailleurs la jeune femme à l’attention d’Arthur en quittant le bar. A la vue de son expression figée, ce dernier ne semblait pas ravi à l’idée que son surnom d’enfance s’ébruite au sein du département des Mystères. P’tit Poulet jeta un regard dépité à Angus qui était non seulement à l’origine de cette révélation et qui, en plus, lui chipait  la jolie fille sous son nez.
Le milicien haussa les épaules,  un peu désolé mais surtout grandement  amusé, et tira le battant.

« Fais une bise à ton frère, dis lui que j’attends son patronus ! » lança-t-il avant de fermer la porte derrière lui.  Il réajusta le col de sa veste kaki et glissa ses mains au fond des poches tout en secouant doucement la tête, souriant.

« P’tit poulet… »souffla-t-il pour lui-même. Arthur allait surement le maudire longtemps !
Finalement, il avait bien fait de répondre à l’invitation sous-entendue d’Emma qui marchait en silence à côté de lui. Les paroles soi-disant adressées à Anthony Blackbonnes lui étaient bien destinées et Angus était plutôt satisfait d’avoir fait le déplacement jusqu’au bar, même à cette heure tardive. Au pire, ils allaient pouvoir échanger un peu sur ce qui s’étaient passés entre eux, et s’éviter ainsi, à l’avenir, des situations pleine de non-dit aussi gênantes que celle qu’ils avaient vécue aujourd’hui.

Au mieux, Emma avait peut-être envie de le revoir…

 Angus ne tarda pas à savoir quel était l’objet du rendez-vous puisque la jeune femme  s’excusa d’être partie si précipitamment de chez lui la dernière fois.
Angus balaya l’air de sa main comme pour chasser ce mauvais souvenir.

« Laisse tomber, dit-il. Non seulement, Emma n’avait pas à s’excuser mais en plus  il avait déjà oublié. Elle venait de faire la démarche pour lui apporter quelques explications et il estimait que ce geste effaçait le précédent. Pas de quoi se prendre la tête pendant des heures. Il s’était excusé, elle aussi, le débat était clos.

"Et puis aussi, je n’ai pas pour habitude de passer la nuit avec des quasis inconnus." Ajouta-t-elle alors avec un sourire d’excuse.
« Ah. » Il aurait surement été de bon ton de dire « Moi aussi. » mais…Comment dire ?

Il n’irait pas jusqu’à affirmer qu’il passait souvent la nuit avec des inconnues – cette affirmation aurait été fausse-  mais lorsque l’occasion se présentait –de temps à autre- Il ne disait pas non.  Et il ne parlait même pas des passes tarifées avec les filles des Folies.  N’était-il pas, avant-hier, entre les mains expertes de la belle Joséphine à cette même heure ?

Le milicien passa une main dans sa barbe et reporta son attention sur Emma qui affirmait, comme pour le rassurer sur ses intentions,  ne pas être le genre de fille outrageusement séductrice.

Bon. Ok, il l’avait un peu deviné  la  dernière fois.  Elle s’était montrée tantôt froide, tantôt spontanée,  tantôt maladroite mais  jamais vraiment aguicheuse, du moins, pas avant de se retrouver seule chez lui.

« Tu es le genre de fille que tu as envie d’être. » répondit-il  toutefois, les épaules hautes, sans jugement aucun.

Si elle avait envie de séduire d’autres hommes, qui serait-il pour l’en empêcher ? Ce n’était pas parce qu’ils avaient couché une fois ensemble qu’ils devaient se jurer fidélité ad vitam æternam.

Angus vivait sa vie comme il l’entendait, lui. Il était loin d’être parfait, certes, mais il assumait ce qu’il était. Emma semblait surtout s’encombrer de considérations extérieures qui n’avaient pas lieu d’être, du moins, pas dans le monde d’Angus.

« Tu aurais été une croqueuse d’hommes que ça n’aurait rien changé, avoua-t-il en toute sincérité, franchement j’ai passé une excellente nuit avec toi. Il observa les façades endormies un instant et  poursuivit, Je trouvais ça dommage  qu’on se soit quitté en mauvais terme pour une bêtise  mais …Fin, bref.  Tu n’as pas de compte à me rendre. » précisa-t-il en secouant la tête.

Ils étaient deux adultes consentants. Quoique, à la lumière de ces dernières révélations, Angus trouvait Emma plus juvénile  que lors de leur dernière entrevue. Il ne savait pas trop si elle regrettait ce qui s’était passé entre eux, si elle culpabilisait, si elle avait cherché à le rencontrer pour le contraindre au silence et faire en sorte que leur relation d’un soir ne s’ébruite pas ou si, au contraire, elle avait vraiment envie de recroiser sa route…

Ce qui n’était peut-être pas une si bonne idée, au fond. Après tout, elle avait à peine sept ans de plus que Chelsea, sa nièce. Même si Angus devait avouer que c’était plutôt flatteur pour lui d’attirer d’aussi jeunes femmes – D’habitude, c’était plutôt l’apanage d’Alessandro- il n’était pas sûr d’avoir envie d’endosser le rôle de l’initiateur ou quelque chose s’en rapprochant…
Il aimait les femmes qui s’assumaient en tant que telles. Celles qui vivaient leur vie pleinement sans souci du qu’en dira-t-on. Cette description ne semblait pas vraiment coller à Emma, qui avait pourtant su faire fi des convenances lors de leur dernière entrevue mais qui paraissait maintenant faire machine arrière.

« Donc tu voulais me voir uniquement pour m’expliquer tout ça ?,  s’enquit-il en espérant secrètement entendre une autre réponse que « oui »…

Gênante la situation dans le bureau d’Anthony Blackbonnes ? C’était un euphémisme. Honnêtement, Angus aurait préféré qu’Emma et lui mettent les choses au clair avant cette rencontre fortuite, même si elle avait au moins eu le mérite de les faire se recroiser. Ils en avaient même appris davantage l’un sur l’autre durant cet entretien de deux minutes qu’en une soirée entière passée ensemble ! Ce constat tira un sourire à Angus, sourire qui s’agrandit lorsqu’il entendit la fin de la tirade d’Emma.
Visiblement, elle avait passé un bon moment avec lui– avant qu’il ne l’appelle Amélie, bien sûr - et elle semblait même plutôt encline à l’idée qu’ils puissent se revoir dans des conditions similaires. Angus accueillit cette remarque avec plaisir et fierté  personnelle. Il bonba même un peu le torse sous son épaisse parka.  C ’était une très bonne surprise à vrai dire, quelque peu inattendue après ces semaines d’attente où il avait espéré recroiser la jeune femme au Mirror of Erised.

Angus tourna la tête vers Emma pour lui sourire mais elle était totalement absorbée dans la contemplation des pavés, eux même plongés dans l’obscurité la plus complète… Ah. D’accord.

De toute évidence elle avait envie de le revoir mais assumer pleinement ses désirs et les verbaliser à voix haute  s’avérait un exercice assez compliqué. Elle se décida finalement à relever les yeux vers lui pour lui proposer  une porte de sortie,  affirmant qu’elle comprendrait s’il ne souhaitait pas la revoir.
Mais jamais de la vie ! Quelle personne sensée irait se priver, en toute connaissance de cause, d’une telle alchimie sexuelle ? Ils n’étaient peut –être pas tout à fait sur la même longueur d’onde socialement parlant tous les deux -Angus avait parfaitement conscience de cet état de fait- mais cette divergence ne le gênait absolument pas en l’état actuel des choses.

« Je te trouve drôlement entreprenant Emma, répondit-il toutefois de son air sérieux de milicien, est-ce que tu fais souvent ce genre de propositions à des quasi-inconnus ? » Il laissa passer quelques secondes de silence avant de rire doucement et de lui donner un léger coup de coude familier, Je rigole ! » dit-il pour contredire ses propos avant de passer un bras autour des épaules de la jeune femme pour l’attirer contre lui.
Angus ressentait le besoin de dédramatiser cette situation avec un peu d’humour et de coude-coudage. Emma n’avait pas l’air très sereine, ni très à l’aise et il avait à cœur de briser la glace avec un peu de discussion avant de poursuivre la soirée… surement chez lui ou chez elle.

« Alors comme ça, Arthur commençait à devenir trop entreprenant ? reprit-il en tournant la tête vers elle, vous vous connaissez depuis longtemps lui et toi ?…» s’enquit il, soucieux de ne pas réitérer ses erreurs de la dernières fois en négligeant les informations la concernant.
Il écouta la réponse de la jeune femme et laissa fleurir un sourire tranquille sur ses lèvres lorsqu'’ils débouchèrent sur la promenade longeant la Tamise. De l’autre côté de la rive, les buildings moldus de la City étaient éclairés de mille feux. Face à ce spectacle, un banc vide semblait les attendre sur l’esplanade. Angus s’y installa et invita Emma tout près de lui afin qu’ils se tiennent chaud dans la fraicheur de la nuit. Ainsi blottis l'un contre l'autre, il remarqua à cet instant qu’elle portait la même robe élégante qu’à midi sous sa cape épaisse et, surtout, qu’elle avait aux pieds ses jolies bottines lacées de la dernière fois.

« Je ne  sais pas si quelqu’un te l’a déjà dit, surement non car ce n’était pas le premier compliment que les hommes faisaient aux femmes généralement, mais tu as vraiment de très beaux pieds,Il avait eut le temps de les observer lors de leur dernière nuit. Ils étaient fins et bien hydratés. Angus se mit à rire doucement, je t’assure que je ne me moque pas de toi, précisa-t-il en tournant un visage souriant vers elle, conscient que cette flatterie pouvait sonner comme une moquerie déguisée, Vraiment ! Ils sont très jolis !»

"C’est la première fois qu’on me fait un tel compliment."

Effectivement, rares étaient les hommes qui accordaient tant d’importance aux pieds de leurs partenaires mais Angus faisait figure d’exception. Il appréciait les chevilles délicates et les orteils harmonieux presqu’autant qu’un joli visage. Toutefois, la conversation ne s’éternisa pas sur ce sujet. Emma semblait décidé à en apprendre davantage sur lui et Angus accepta de se plier de bonne grâce au jeu des questions/réponses. Il faut dire qu’ils avaient sauté cette étape lors de leur dernier rendez-vous et qu’il était largement temps de se rattraper, surtout s’ils envisageaient de se revoir. Emma s’enquit tout d’abord de ses choix professionnels en lui demandant pourquoi il avait opté pour une carrière à la Milice.

A vrai dire, Angus n’avait pas fait ce choix professionnel par intime conviction, contrairement à Doreen. Il ne faisait pas partie des miliciens totalement convaincus par le bienfondé de leurs actions. L’idée d’aller cueillir des élèves de Poudlard aux Trois Balais par exemple le mettait quelque peu mal à l’aise mais c’était son job. Et Angus faisait ce qu’on lui demandait, du moins,  la plupart du temps.

C’était une constante dans sa vie, il se laissait porter par les rencontres et saisissait les opportunités lorsqu’elles se présentaient à lui sans forcément chercher à les provoquer. Il  devait sa place au sein de la Milice à une somme circonstances qui l’avaient amenées là où il était aujourd’hui sans qu’il n’ait prémédité quoique ce soit.

« En fait , la PM m’a détaché  sur quelques enquêtes de la Milice quand les miliciens n’avaient pas encore de Maître-Fléreurs dans leur rang, expliqua-t-il en étendant le bras sur le dossier derrière Emma.  il se souvenait avoir été appelé avec Accio pour enquêter sur les Mardoliens ou encore sur la disparition mystérieuse de Jacob Dalhiatus avant que l’enquête ne soit classée sans suite. On avait également fait appel à lui –de manière plus officieuse cette fois- pour laisser passer de la marchandise des Doxy Ness et des Veilleurs, deux groupes mafieux que l’Etat soudoyait pour garder la main mise sur l’économie parallèle du pays. C’était surement pour ces activités –dirons-nous « variées » - que son nom avait été évoqué au moment de recruter un Maître-Fléreur qualifié au sein des Accromentules, quand ils ont décidé d’en embaucher un, mon chef de l’époque m’a proposé le poste en priorité et j’ai accepté. J’ai eu un entretien avec Coleman et le soir même je déménageais dans les locaux de la Milice. Ça faisait presque dix ans que j’étais à la PM, il haussa légèrement les épaules, j’étais pas contre un peu de changement. » expliqua-t-il le plus naturellement du monde comme s’il n’évoquait  pas une avancée considérable dans sa carrière professionnelle.

Il ne releva pas lorsqu’Emma le flatta en affirmant qu’il fallait des hommes et des femmes comme lui, se battant pour la sécurité du pays contre les terroristes. Angus avait plutôt tendance à vouloir dépassionner ce type de propos : Non il n’était pas un sauveur de l’humanité combattant les vilains méchants. Il essayait juste de faire son boulot, au mieux, sans se laisser griser par l’image de la Milice auprès de la population :Héroïque – pour certain- démoniaque –pour beaucoup d’autres.

Il prenait énormément  de recul par rapport à cette situation et refusait de prendre les choses trop à cœur. Il ne put toutefois pas rester totalement  insensible à la remarque d’Emma. Son regard accrocha celui de la jeune femme alors qu’elle lui expliquait avoir vécu l’attentat du 30 octobre 2009 de l’intérieur et qu’elle avait même crut mourir ce jour là. Angus se tourna légèrement vers elle, plia le bras qui était posé sur le dossier et appuya son menton dans sa paume.

« Désolé de l’apprendre…  Il se tut un instant et poursuivit, Cette journée a boulversé beaucoup de monde. »

Avec l’aide d’Accio, il avait lui-même participé aux recherches des blessés …et des morts, parmi les décombres. Ayant grandi dans une entreprise de pompes funèbres, Angus avait toujours été habitué  aux cadavres, et ce depuis sa plus tendre enfance, mais il garderait longtemps en mémoire certaines visions particulièrement éprouvantes de cette journée macabre.

Fort heureusement, Emma changea elle-même de sujet  jugeant de toute évidence la conversation un peu trop pesante pour leur « presque » premier rendez-vous. Elle s’empressa de le noyer sous les questions, comme pour faire oublier ce moment pénible pour tous les deux.  Angus se mit à rire en silence et étendit de nouveau le bras pour enserrer les épaules d’Emma.

« C’est un véritable interrogatoire de la Milice que tu me fais subir ma parole ! plaisanta-t-il avant de réfléchir quelques secondes , Alors, Accio prend ses marques doucement –il ne tenait pas à dire que son fléreur s’était montré quelque peu agressif tant il avait soutenu la thèse inverse auprès d’Anthony Blackbonnes, et pour répondre à ton autre question,  j’ai une sœur. Une sœur jumelle, Doreen. Elle travaille au Ministère elle-aussi, à la BSM –La Brigade Scientifique & Magique- Angus fit mine de réfléchir et poursuivit :  Mes parents sont croquemorts. J’ai un chien, un croup, un boursouflet, deux abraxans, et maintenant, un fléreur. Je suis irlandais, j’ai joué de la corneuse dans un pipe band pendant, il calcula, douze ans. Je chausse du 42.  J’aime l’ambiance cosy des pubs et, surtout, la Kinness qu’on y sert… mais ça, je crois que tu le savais déjà. »
Il se fendit d’un sourire et poursuivit :
« Et toi alors ? Mise à part que tu es la fille d’Anthony Blackbonnes ,que tu travailles aux Mystères, … et que tu te prénommes, Emma. Un léger rictus éclaira son visage bien malgré lui. Il faudrait tout de même qu’ils arrivent à rire de cette anecdote, un jour,  Je ne connais presque rien de toi. Qu’est-ce qu’il y a d’important à savoir ? s’enquit-il. Elle pouvait lui dire tout ce qui lui passait par la tête, Angus était tout ouïe !

1992. Il avait beau avoir déjà fait le calcul à midi  dans le bureau d’Anthony Blackbonnes, Angus avait du mal à se faire à l’idée qu’il fréquentait une fille de cette génération ! L’année de naissance d’Emma, il travaillait déjà à la SPAF, vivait en collocation avec Mémel et sortait encore avec Sandra – sa principale copine à Poudlard et juste après. Cette époque ne lui semblait pas si lointaine mais en regardant Emma, force était de constater que l’eau avait coulé sous les ponts depuis…

La jeune femme lui révéla ensuite qu’elle était issue d’une famille de Sang Pur. Ses origines bourgeoises n’étonnèrent guère Angus qui avait deviné, à son éducation et à sa manière de parler, qu’Emma  n’était pas du même milieu que lui. Quoique, de mémoire d’homme, on ne comptait aucun né-moldu dans  l’arbre généalogique des Rice. A leur manière, ils étaient des sang-purs  eux aussi. Les titres en moins, le terroir en plus. Les sang purs des contrées magiques lointaines et des villages reculés !

« Du violon ? J’adore. »releva-t-il alors.

Autant la littérature le laissait totalement indifférent – les rares livres qu’il avait  terminé avaient été lus sous la contrainte- autant la musique était un passe-temps qu’il appréciait et qu’il ne pratiquait que trop rarement, à son goût. Il avait été obligé d’arrêter le Pipes Band au moment de son entrée à la PM, ses horaires changeants ne lui permettant pas d’honorer les répétitions et certains concerts.

« Tu connais quelques morceaux traditionnels irlandais ? » s’enquit-il, le violon faisant partie intégrante de la culture celticomagique.

Il se doutait qu’Emma connaissait  surement mieux les grands compositeurs classiques mais elle maitrisait peut-être un répertoire un peu plus large.

Il nota mentalement qu’elle avait un animal de compagnie –bon point – et qu’elle vivait encore chez ses parents – mauvais point – quant à son gout prononcé pour les vêtements, les bijoux et les belles chaussures, Angus avait cru le deviner avant même qu’elle ne le lui dise. Il se souvenait très bien de la cape de bonne facture, griffé T&T, sur laquelle Alohomora s’était essuyée les pattes…

Peu désireux de rappeler cet événement à la jeune femme, il préféra rebondir sur d’autres propos d’Emma :

« Tu aimes comprendre les choses qui n’ont pas d’explication… Ce n’est pas étonnant que tu ais fini aux Mystères » releva-t-il, pensif.

Merlin, il n’aurait jamais pu embrasser une telle carrière, lui. Passez des journées entières enfermé dans un labo de recherches n’était clairement pas l’idée qu’il se faisait du job idéal.  Angus avait besoin de mouvement, de changement, de variété. Rester assis à son bureau en tentant de décrypter quelque chose d’incompréhensible sonnait comme un avant goût de l’enfer, le concernant.

La question d’Emma au sujet de Doreen ne l’étonna guère. Les jumeaux avaient toujours été la cible d’une certaine curiosité, et ce depuis leur plus tendre enfance. On leur demandait assez régulièrement de mettre de mots sur le lien qui les unissait, comme s’ils vivaient, tous les deux,  une expérience quasi mystique.
Angus expliquait généralement  sa version des choses en prenant le risque de se montrer quelque peu décevant auprès de ces interlocuteurs.

« Et bien, je n’ai pas de frères et sœurs mise à part Do donc je ne sais pas vraiment si j’entretiens un lien particulier avec elle – il n’avait pas d’autres moyens de comparaison- On a grandi ensemble, on se connait bien, très bien même, concéda-t-il pour ne pas dire « par cœur » qui sonnait beaucoup trop fusionnel à son goût.  Pourtant, Angus était capable de sentir quand Doreen était contrariée, détendue, sincère ou hypocrite. Il était même sûr de connaitre davantage Do que Karl, l’époux de cette dernière! -mais je pense que des frères et sœurs avec peu d’écart d’âge peuvent avoir sensiblement la même relation que la notre. Il ne pouvait pas nier qu’il existait entre sa sœur et lui un lien puissant et indéfectible mais il ne pouvait pas certifier non plus que ce lien découlait de leur gémellité, à côté de ça on est très différents et même totalement opposés sur certains points. On se connait bien mais ça ne veut pas nécessairement dire qu’on s’entend bien, ajouta-t-il avec un sourire qui atténuait quelque peu le sens de ses propos . Angus devinait que Doreen avait souvent des envies de meurtre sur sa personne, quant à lui, il ne comprenait pas ses obsessions inutiles : son côté carriériste, sa susceptibilité, ce besoin maladif de plaire aux autres…
« Elle a été répartie à Gryffondor et moi à Poufsouffle… Il observa alors Emma tout en essayant de deviner sa Maison:  Un gout prononcé pour la recherche, une pointe de regret en se remémorant l’immense bibliothèque de Poudlard, une pratique artistique assidue, …Hum, surement Serdaigle.
«  Enfin, malgré nos philosophies différentes et nos vies respectives qui nous éloignent un peu on est quand même très proches, il sourit à Emma avant d’enchainer, et toi alors ? Avec qui es-tu le plus intime ? Un membre de ta famille ? Une amie ? Il arqua un sourcil et sourit légèrement, …Un ex ?
Intrusif ? Si peu… S’ils étaient là, c’était justement pour en apprendre davantage l’un sur l’autre, non ? Et puis, Angus était curieux de savoir si Emma avait vécue une longue relation avant de se retrouver célibataire…

Lorsqu’ elle évoqua ses proches les plus intimes, Emma prit un temps de réflexion avant de répondre. Elle commença par lui parler d’une certaine Marlène qui semblait remplir le rôle de confidente et de James, un ami qui l’avait aidé dans une période difficile…

Bien qu’il soit parfois bourru et emporté, Angus n’en restait pas moins attentif aux autres. Il estimait avoir une bien meilleure intelligence sociale que Doreen, par exemple.  Ce n’était pas la première fois qu’un voile de tristesse passait sur le visage d’Emma à l’évocation d’un souvenir. Il ne savait  pas si le fameux James l’avait aidé à se remettre de l’attentat où si elle faisait référence à un autre événement traumatisant de son existence mais il nota ceci dans un coin de son esprit sans chercher à le relever pour autant…

Angus était quelqu’un de positif. Il avait décidé depuis longtemps de prendre la vie du bon côté et de s’entourer de personnes partageant sa philosophie – ce qui expliquait pourquoi il avait tant de mal à supporter Josy de la compta !- Bien sûr il leurs arrivait, à tous, d’avoir des problèmes mais Angus laissait peu de place à la mélancolie où à la tristesse dans son mode de vie, voila pourquoi il ne poussa pas Emma à la confidence. Du moins pas aujourd’hui.

Il sentait qu’il y avait quelque chose mais il n’aborderait pas le sujet : Premièrement ils ne se connaissaient pas assez pour évoquer des traumatismes intimes  et deuxièmement il craignait de tomber sur une fille carrément pessimiste et dépressive, ce qui, il le savait déjà, risquait fortement d’être rédhibitoire pour lui…

"Et je suis sortie avec Dave Marchebank aussi. »

Voila une affirmation qui lui arracha une moue aussi étonné qu’amusée. Les sourcils hauts et le front plissé il s’exclama :

« Naah, tu es sortie avec le fils du Ministre ? »

Angus se mit à rire doucement en cherchant dans sa mémoire des informations sur  Dave Marchebank. Il avait fait la Une de la presse Magique peu de temps après l’attentat de la March’bank. Le jeune homme était en fauteuil roulant et, si Angus était à jour sur les potins –ce qui était loin d’être sûr-,  il avait reprit ses fonctions de banquier à Léopoldgrad.  Autant Angus visualisait parfaitement les roulettes de Dave autant il n’arrivait pas à remettre un visage sur ce nom, tant la généalogie des familles de sang-pur ne l‘intéressait guère. Il se promis toutefois d’aller voir à quoi il ressemblait sur son PearPro dès qu’il en aurait l’occasion…

Emma lui expliqua qu’ils avaient eu une belle relation –assez longue compte tenu de leurs jeunes âges - et il crut comprendre, entre les lignes, qu’ils s’étaient quittés en bon terme, Dave et elle. Cette révélation plut beaucoup à Angus. Il apprécia le recul d’Emma, sa maturité, son ton posé et les mots amicaux qu’elle eut pour son ex- petit ami.

Si cela n’avait tenu qu’à lui, Angus aurait aimé conclure toutes ses relations avec la même sérénité. Il n’aimait pas les  ruptures avec pertes et fracas, nourries par le ressentiment et la haine de l’autre. Il avait toujours mi un point d’honneur à essayer de quitter ses ex de la manière la plus sincère et apaisée possible. Il ne voyait pas comment on pouvait être si proche d’une personne à un moment donné et la rayer subitement de sa vie quelques instants plus tard. Pourtant, il savait que, parfois, cette distance était nécessaire afin de pouvoir tourner la page plus facilement… Il en avait déjà fait l’amer expérience.

Il était perdu dans le propre bilan mentale de ses relations amoureuses lorsqu’Emma lui révéla être une vile Serpentard.

« Oh j’avais parié sur Serdaigle, avoua-t-il. Il s’approcha alors  tout près de l’ oreille d’Emma pour lui chuchoter quelques mots tout contre la peau de son cou, Est-ce qu’il faut que je me méfie de toi ? »

Angus avait beau avoir été réparti chez Poufsouffle, il était loin d’être le parfait représentant de sa maison. Si quelqu’un menait la dance ce soir, il estimait -et de loin- être le plus aguerri des deux.

Le milicien se recula toutefois et posa un regard complice sur Emma tandis qu’elle lui demandait s’il avait d’autres amis « illustres ». Angus s’accouda sur le dossier et posa sa tempe sur son poing :

« C’est ça qui t’intéresse ? dit-il sans aucune animosité .Savoir si j’ai des potes célèbres ?  Il cherchait surtout à la taquiner.  Il lui avait demandé quelles étaient les personnes qui comptaient le plus pour elle, et en retour, elle cherchait à savoir s’il avait des amis célèbres ! Merlin, les sang-purs et leur sens des priorités ! A part Mel, je ne crois pas. Répondit-il finalement, Enfin, je ne m’arrête pas vraiment à ce genre de détail. Alessandro était-il considéré comme quelqu’un d’illustre ?  Même pas sûr.

« Mais en plus d’être illustre, Melchior est surtout un très bon pote. Nous étions à Poudlard ensemble et on s’est installé en colloc juste après l’école, des années de débauches et de franches rigolades-  On se voit plus rarement depuis qu’il est Directeur de Département mais on trouve toujours le temps pour boire une Kinness au Mirror of Erised au moins une fois par semaine. »

Il aurait pu parler de Dermot et Brendan O’Sullivan, ses amis d’enfance de Caherciven, mais ils n’étaient sans doute pas assez célèbres pour Emma songea-t-il ironiquement.
De toute manière,  la jeune femme semblait désireuse d’en savoir davantage sur ses conquêtes féminines - ,et notamment  sur Ann- plutôt que sur ses compagnons de beuverie. Elle avait parfaitement bien retenu le prénom de son ex glissé dans la conversation avec Arthur d’ailleurs et pressait Angus à la confidence.
Le sorcier secoua la tête en riant doucement. Il se pinça l’arrête du nez et observa quelques instants les eaux calmes de la Tamise en contre bas avant de reporter son attention sur Emma :

« Alors, beaucoup, je n’irais pas jusque là, j’ai eu un nombre raisonnable de conquêtes –il n’atteignait pas les scores mirobolants de Sissi et Mémel mais, à sa décharge, il était resté sept ans en couple, parfaitement fidèle à la même femme. Bon, depuis qu’il n’était plus avec Ann, son ratio filles part années avait considérablement augmenté mais ça, Emma n’était pas obligée de le savoir. Il n’allait quand même pas dire que, dès que l’occasion se présentait, il couchait avec la première venue (et même si elle avait les pieds cagneux !)

« Parmi les filles qui ont le plus comptées il y a eu Emily –c’était un peu ma Dave si tu préfères- , expliqua-t-il en passant une main dans sa barbe, Ma première relation sérieuse qui a débutée à Poudlard et qui s’est poursuivit après pendant deux ans avant qu’on se sépare d’un commun accord.  C’était mon premier amour, tu vois le truc ? –Les papillons dans le ventre, les « je t’aime » enflammés, l’impression de ne pas pouvoir vivre sans l’autre - tu crois que rien ne pourra vous séparer, et puis, un jour tu te dis "mais en fait, pourquoi est-ce qu'on continue ?" Après cette séparation, Angus avait fréquenté pendant un temps une collègue de la SPAF mais leur liaison avait durée à peine un an, il préféra donc enchainer sur la principale relation de son existence, Et donc à 22 ans j’ai rencontré Ann, On est resté ensemble… Il réfléchit… sept ans, dont six ans de vie commune mais ça n’a pas collé. Angus haussa les épaules. Dire qu’il avait subi cette rupture était un euphémisme, Je crois que le quotidien et la routine ont eu raison de nous. » lâcha-t-il avec un certain fatalisme en guise d'explication, On se voit plus du tout aujourd’hui. Je sais que Do –Doreen ma sœur- est encore en contact avec elle mais ce n’est pas mon cas. Il se tût quelques instants, pensif, Et depuis Ann, j’ai eu quelques aventures mais… Il afficha une moue peu convaincue, …rien de décisif. Quoiqu’il en soit,  je ne reste pas trop focalisé sur ça. »
Pur mensonge, le  premier qu’il faisait sciemment à Emma.

Il ne pouvait pas dire à une jeune femme de dix-huit ans qu’il rêvait de trouver une femme prête à fonder une famille avec lui et  qu’à  trente six ans passé, il n’aspirait pas à autre chose. Les relations sans avenir, c’étaient sympa –très sympa même lorsqu’il tombait sur une fille comme elle- mais  si on lui laissait le choix, il aurait préféré construire quelque chose de sérieux et de durable. Il se doutait bien qu’Emma n’était pas la bonne personne pour ce genre de projet…alors, à quoi bon lui en parler…
« Et sinon tu recherches quoi comme relation actuellement ,s’enquit-il toutefois afin de voir si leurs désirs communs pouvaient se compléter , Tu as envie de te poser avec quelqu’un, de profiter un peu de la vie, de faire des nouvelles rencontres et… de nouvelles expériences ? » Son sourire se fit plus ambigu tandis que leur dernière nuit passée ensemble lui revenait en mémoire…

Angus écouta avec une certaine tendresse les théories d’Emma sur  l’existence du prince charmant. Ce  beau-gosse, sexy, poli, gentil  et gentleman à la fois –et qui ne pétait pas au lit ! Of course - vivait surement quelque part avec  la femme parfaite, douce, drôle, aimante et compréhensive.

A n’en pas douter !

Au moins, Emma ne se berçait pas d’illusions mais elle parlait des  sentiments amoureux de manière totalement dépassionnée. D’ailleurs, à aucun moment il ne fut question pour elle d’être éprise de qui que ce soit ! Angus se demanda si elle faisait preuve de réserve par timidité ou par peur du ridicule ou  si elle voyait vraiment l’amour ainsi : Tomber sur le bon partenaire –comme deux pièces de puzzle qui s’imbriquent parfaitement- et puis voilà. Angus n’avait pas d’autre souhait, lui aussi, mais il espérait tout de même vivre une belle histoire faite de sentiments partagés. Dans l’idéal, lui et sa future partenaire parviendraient  à composer avec les imperfections et les défauts de l’autre pour former un couple équilibré et solide. En somme un projet de vie très simple…mais particulièrement difficile à atteindre dans son cas, contrairement à Emma qui avait toute la vie devant elle pour aboutir à cet objectif.

« Je te souhaite d’y parvenir, dit-il alors , mais promets moi de ne pas être trop dure avec les gars qui se tromperont dans ton prénom à l’avenir… On dirait pas comme ça mais ça arrive aussi à des gars bien! plaisanta-t-il.

Des gars bien avec lesquels elle pouvait passer du bon temps, ou en tout cas, « se laisser porter » selon ses propres termes, comme elle venait de le lui expliquer. Elle avait une jeunesse à vivre et elle espérait bien en profiter un peu avant de se caser. Bien.  Angus resserra son bras autour des épaules de la jeune femme et observa la Tamise couler paisiblement devant eux.

Cette conversation leur avait permis de poser les choses et de constater qu’ils aspiraient tous les deux aux mêmes désirs : se revoir sans forcément s’inscrire dans une relation trop sérieuse … Cet accord tacite convenait plutôt à Angus et il estimait, pour le moment, qu’ils sortaient tous les deux gagnants de cet arrangement.

Le milicien posa sa main libre sur la cuisse de la jeune femme et caressa distraitement de son pouce l’étoffe de sa robe. Il observa ses jambes croisées et sa bottine suspendue au dessus du sol avant de reporter son attention sur ses jolis yeux bleu-gris.  Aucun des deux ne chercha à relancer la conversation. De toute évidence, ils avaient assez parlé pour ce soir. A cette idée, Angus  se mit à rire doucement.

D’un regard entendu, il invita Emma à se lever : Il était temps pour eux de transplaner en direction de l’Irlande…