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All was well [OS]

Métamorphomage
MétamorphomageMoldu
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Profil Académie Waverly
All was well [OS] Icon_minitimeVen 22 Nov 2019 - 21:44
10 décembre 2010.


"Poussez-vous, poussez-vous !" s'exclama un homme d'une trentaine d'années en bousculant les sorciers agglutinés dans une petite rue londonienne. On lui rétorquait des "Doucement monsieur, personne ne peut passer, l'accès est bloqué" mais le mage n'en n'avait cure et continuait à progresser jusqu'à la première ligne du cortège, faisant fi du danger potentiel.

La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre. Dans le monde magique, rien ne pouvait rester secret bien longtemps (là était le fardeau des petites communautés). Pourtant, l'événement avait eu eu lieu en pleine journée, alors que les enfants étaient à l'école et que leurs chers parents se tuaient à la tâche pour que leurs assiettes soient remplies le soir. Le quartier était si résidentiel que tout aurait pu passer inaperçu jusqu'au soir, mais les quelques commerçants, installés depuis des années dans les mêmes boutiques vieillottes avaient l'oeil et veillaient au grain.

C'était Helga, la boulangère, qui avait lancé l'alerte la première. Helga était une femme dont personne n'avait jamais su l'âge, mais qui était vieille depuis plusieurs générations, si bien que les grands-parents des enfants qui peuplaient aujourd'hui le quartier l'appelaient encore "la vieille boulangère". Elle avait de grosses joues rondes, des mains rougies par le travail et un tablier fleuri qu'elle portait tous les jours, même lorsqu'elle ne travaillait pas. C'était une femme impressionnante, qui faisait tourner son commerce d'une main de maître. Chez Helga, tout était fait maison, selon des recettes qu'elle tenait de ses ancêtres. Elle ne faisait pas dans la pâtisserie fine et raffinée dont elle voyait l'expansion d'un mauvais oeil. Helga travaillait à base de produits bruts, forts, mais si savoureux qu'on en oubliait vite l'aspect une fois qu'on les avait en bouche.

La vie n'avait pas été tendre avec la boulangère. Elle avait perdu son mari et sa petite fille de la même pathologie respiratoire, des années plus tôt. Elle était restée seule avec Edward - son Eddy - et peinait à joindre des les deux bouts. Elle passait des heures et des heures dans sa boutique, à allonger les heures d'ouverture pour espérer grappiller quelques galions supplémentaires. Quand Eddy était parti à Poudlard, cela avait été un véritable soulagement : il avait trois repas par jour, quoiqu'il arrive, et elle n'avait pas à s'inquiéter pour lui plus que de nécessaire. Aujourd'hui, Eddy vivait en France avec son épouse et leurs deux enfants. Helga n'avait jamais beaucoup apprécié Marie, sa belle-fille, qu'elle trouvait bien trop hautaine, mais si son fils était heureux comme ça... Il venait la visiter une ou deux fois par an, pour qu'elle puisse voir grandir ses petits-enfants. Le reste de l'année, elle était seule.

Enfin, personne n'était vraiment seul, ici. Il y a avait dans ce quartier une solidarité forte, qu'on retrouvait chez les populations les plus démunies, chez ceux qui n'avaient pas les moyens de se procurer les derniers articles à la mode, chez ceux pour qui le troc et le don étaient encore de rigueur. Parmi eux, Helga était cette tante un peu aigrie qu'on ne voulait pas contrarier, mais également celle qui donnait des poignées de bonbons aux enfants dès que leurs mères avaient le dos tourné. Tous l'aimaient... Tout en sachant qu'il fallait se méfier d'elle. Car Helga était toujours au courant du moindre potin, souvent même avant les principaux concernés. Elle avait l'oeil à l'affût des ragots, et l'oreille tendue. Elle savait déceler les oeillades amoureuses entre deux jeunes gens, les silences froids entre deux époux. Parfois, monneyant un verre de cet excellent hydromel qu'on servait au bar du village, elle était encline à dévoiler deux ou trois des secrets qu'elle avait percé à jour.

Mais face à la scène dont elle avait été témoin, Helga n'avait pas su réagir seule. Interloquée, elle avait préféré courir chez Jill, un boucher qui travaillait un peu plus bas dans la rue. L'homme, un minuscule sorcier qui portait toujours de grands chapeaux bleus, ne l'avait pas cru, au début. C'était impensable, une telle chose, de nos jours. Il avait accepté d'accompagner Helga en songeant que la vieille boulangère devenait sûrement un peu folle, l'âge aidant. Mais lorsqu'il s'était retrouvé devant la maison, il avait dû se rendre à l'évidence. Jill était devenu blème, un peu vert, et il avait balbutié qu'ils devaient appeler les Aurors. Helga avait sorti sa baguette et d'un sortilège un peu maladroit avait envoyé un message d'urgence aux services de police. Les deux commerçants étaient restés debouts dans la rue, bras ballants. On leur avait dit de ne surtout pas s'approcher et, de toute façon, comme aucun des deux n'étaient des Gryffondor dans l'âme, ils n'avaient pas pensé à braver cet ordre.

Les Aurors étaient arrivés rapidement, mais déjà la rue s'était remplie. Alertés par les quelques voisins qui ne travaillaient pas, tous les sorciers étaient revenus en panique. Les enfants, qui étaient déposés chaque matin dans une école primaire magique, avaient été mis en sécurité par les instituteurs et étaient confinés à l'intérieur, malgré les protestations des parents pour récupérer leur progéniture.

Le sorcier pressé avait fini par se frayer un chemin parmi la foule et était devant la ligne que formaient les Aurors pour protéger le périmètre. Helga lui glissa un regard désolé.

"Albert..." Commença-t-elle, mais ce dernier ne lui laissa pas la temps de continuer.

"Merlin, Merlin, Merlin... Où est Diane ? Et Penny ? Tu les as vu ?"

La boulangère secoua la tête en signe de négation.

Le père de famille, les mâchoires crispées, essaya en vain d'interpeller un Auror. Helga posa une main réconfortante sur son avant-bras. Finalement, un agent du ministère s'approcha d'eux :

"Monsieur Taylor ?" L'homme avait une quarantaine d'années et une grosse moustache au-dessus de la lèvre supérieure.

"Oui ?"

"Il s'agit de votre domicile, si je ne m'abuse ?"

"Oui, oui... Ma femme, ma fille... Vous les avez vu ? Où sont-elles ?"

"Elles sont à St-Mangouste." Brusquement, les épaules d'Albert s'affaissèrent, tant le soulagement était intense. "Elles n'étaient pas à l'intérieur de la maison quand le feu a commencé, votre femme a juste respiré un peu de fumée, et on préférait ne pas prendre de risques."

Albert hocha la tête. Devant ses yeux, sa maison, qui avait été celle de ses parents avant lui, partait en fumée. Le toit était en partie détruit et de hautes flammes dansaient dans le ciel, couvrant l'atmosphère d'un nuage noir qui rendait l'air à peine respirable. Rien ne pourrait être sauvé, tout ce qu'il avait toujours chéri était désormais disparu, à jamais.

"Et... Et ça ?" demanda-t-il en désignant d'un main tremblante l'objet de son inquiétude.

L'Auror suivit son geste du regard et fronça les sourcils.

"Oh." Il parut véritablement embarrassé. "On a ouvert une enquête, mais ce n'est sûrement rien. Probablement une mauvaise blague."

"De très mauvais goût, alors." commenta Helga d'un ton pincé, propos que l'Auror approuva sur le champ.

"Évidemment. Mais rien ne laisse à penser que..."

"Ma femme est née-moldue." coupa Albert.

"Nous l'avons en effet noté dans le rapport. Je sais que c'est inquiétant, monsieur, mais pour le moment, nous n'avons pas encore pu déterminer l'origine de l'incendie. Il y a des chances pour que cela vienne du gaz, votre épouse nous a dit qu'il avait tendance à faire des siennes en ce moment. Et rien ne lie l'incendie à... ça. Il est probable que ça ne soit qu'une plaisanterie, qui sera, bien entendu, punie sévèrement par la loi. Nous vous tiendrons au courant des résultats de l'enquête, mais en attendant, monsieur, je vous conseille d'aller rejoindre votre femme et votre fille à l'hôpital."

Albert hocha la tête et l'Auror moustachu s'éloigna. Le sorcier s'apprêtait à transplaner mais il se ravisa au dernier moment pour se tourner vers Helga.

"Et toi Helga ? Tu n'as rien vu ?"

La boulangère secoua la tête l'air sombre. Elle qui se vantait d'être toujours à l'affût de tout avait manqué, aujourd'hui, la seule information véritablement essentielle. Quand Albert transplana, elle fixait toujours le même point, la figure éclairée par une inquiétante lumière verte.

Car, au-dessus de la maison dont le feu venait d'être maîtrisé, flottait dans le ciel une marque des Ténèbres.